Loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité , le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles , collèges et lycées publics (Journal officiel du 17 mars 2004 ).
Ce projet de loi interdit le port de signes ou de tenues par lesquels les élèves des écoles, collèges et lycées publics manifestent ostensiblement une appartenance religieuse. Il résulte de la réflexion entreprise au sein de la mission d'information de l'Assemblée nationale présidée par M. Jean-Louis Debré et de la commission indépendante de réflexion sur l'application du principe de laïcité dans la République présidée par M. Bernard Stasi, Médiateur de la République. Ces deux commissions, mises en place à la suite du discours du chef de l'Etat du 17 décembre 2003 concluant à la volonté de réaffirmer le principe de laïcité à l'école, ont conclu l'une et l'autre à la nécessité de faire intervenir une loi pour encadrer le port de signes religieux à l'école afin d'atténuer les tensions et le risque de dérive communautaire liés aux ambiguïtés et lacunes de la jurisprudence et des circulaires ministérielles.
L'article premier insère donc dans le code de l'éducation un nouvel article L. 141-5-1 proscrivant le port de signes religieux ostensibles, c'est-à-dire qui font immédiatement connaître l'appartenance religieuse de l'intéressé. La notion de signes religieux ostensible renvoie, selon l'exposé des motifs, au voile islamique, à la kippa ou aux croix de dimensions excessives. Le projet de loi tolère, en revanche, les signes discrets d'appartenance religieuse.
L'entrée en vigueur de la loi est prévue pour la rentrée scolaire suivant sa publication, soit pour la rentrée de septembre 2004. Son application devra s'appuyer sur le dialogue et la concertation et sur une démarche fondée sur la persuasion. Les sanctions appliquées seront proportionnelles à la gravité des manquements, conformément aux principes de la procédure disciplinaire.
L' Assemblée nationale a modifié l'intitulé du projet de loi, qui se référait initialement de manière plus concise à l'application du principe de laïcité dans les écoles, les collèges et les lycées publics. Les députés ont souhaité que la future loi encadre, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, les collèges et les lycées publics. Ils ont précisé, à l'article premier, que le règlement intérieur des établissements rappellerait que la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire serait précédée d'un dialogue avec l'élève. Ils ont également complété le projet de loi par un article 4 prévoyant une évaluation de la loi un an après son entrée en vigueur.
Ouvrant la discussion générale au Sénat , M. Christian Poncelet, président, a rappelé la filiation entre le projet de loi en discussion et les travaux de la commission indépendante de réflexion sur l'application du principe de laïcité dans la République, constituée par le Président de la République sous la présidence de M. Bernard Stasi, Médiateur de la République. Le projet de loi porterait ainsi, a-t-il rappelé, sur « l'un des fondements essentiels de notre pacte républicain » : c'est pourquoi la conférence des présidents avait souhaité ne limiter en rien la durée de la discussion générale ou le nombre des orateurs appelés à y participer, afin que toutes les sensibilités puissent s'exprimer « par-delà les appartenances politiques ».
M. Luc Ferry, ministre de l'éducation nationale, a noté que, pour « simple et brève » qu'elle soit, la loi en discussion occuperait certainement une « place remarquable dans la vie de l'idéal républicain qui anime depuis un siècle maintenant notre école laïque ». La question posée par ce texte, a-t-il d'emblée précisé, était de connaître notre capacité à faire partager nos valeurs par ceux qui, ayant rejoint notre pays récemment, sont aujourd'hui des Français à part entière. Le ministre a énuméré les éléments légitimant selon lui le recours à ce projet de loi, évoquant successivement le rejet de la « crispation dogmatique » susceptible de « s'installer dans la vision étroite et militante de certains communautarismes », le souci d'éviter la manifestation de plus en plus ostensible de signes religieux récemment apparue, et qui témoignaient d'appartenances communautaires parfois très militantes, la volonté de prévenir les conflits survenant désormais entre élèves et professeurs du fait de ces signes religieux ostensibles, ainsi que la nécessité de garantir l'égalité de toutes les jeunes filles et de faire cesser les pressions que certaines peuvent subir en faveur du port du voile.
M. Ferry a estimé que la rédaction retenue par le projet de loi pour interdire les signes religieux ostensibles au sein des établissements scolaires publics permettrait utilement de clarifier la situation pour les chefs d'établissements qui se trouvaient contraints, en cas de conflit, de donner raison aux élèves et de désavouer ainsi les professeurs, au risque de « faire exploser la communauté éducative ».
Il ne s'agissait donc pas, a déclaré le ministre, d'inventer une nouvelle conception de la laïcité, mais de « faire vivre la conception traditionnelle qui fut celle de la France et de l'appliquer à des cas particuliers relativement nouveaux dans notre histoire ».
M. Ferry a ensuite exposé les principes fondateurs de la laïcité à la française, qui s'appuyait depuis la Révolution, a-t-il souligné, sur la séparation de la religion et de la politique, sur une certaine conception des droits de l'Homme conférant à tous les êtres humains les mêmes droits sans considération de leur appartenance communautaire, sur la neutralité de l'Etat qui doit garantir la coexistence pacifique de toutes les religions, et sur l'idée, héritée selon lui de l'abolition des privilèges, que la France ne reconnaît pas le « droit à la différence quand il confine à la différence des droits ».
Le ministre a ensuite commenté la signification de l'interdiction du port de signes et de tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse, posée par l'article premier du projet de loi. Définissant la notion d'ostentation, il a fait valoir que la future loi autoriserait le port de ces signes et tenues pour autant qu'ils soient discrets, conformément à la tradition républicaine, et qu'ils ne puissent pas être perçus comme des « signes d'appartenance communautaire quasi militants ». Il a, dans cette logique, estimé que le principe de laïcité pouvait s'accommoder du port de petites croix ou d'étoiles de David autour du cou, car ces signes discrets ne troublaient pas l'ordre public.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles et rapporteur, a qualifié la laïcité de « pierre angulaire de notre pacte républicain », de « ciment de la société française » et de « garant de la paix civile et du respect mutuel ». Il a néanmoins inscrit le projet de loi dans le contexte nouveau né de l'émergence d'un islamisme radical, tandis que l'islam était devenue la deuxième religion de France et que le modèle de l'intégration à la française rencontrait ses limites. Il a fait état de bien d'autres « brèches dans le principe de laïcité » que celles qui se manifestaient à l'école, évoquant successivement les troubles constatés dans les services publics et plus particulièrement dans les hôpitaux, ainsi que les difficultés qui se manifestaient dans certaines entreprises.
Le rapporteur a ainsi considéré que le projet de loi, dont il a soutenu le caractère nécessaire, n'avait pas pour objet de « stigmatiser une religion » mais de « barrer la voie à ceux qui, en son nom, défient la République et heurtent de front les valeurs qui sont les nôtres » en protégeant l'école des dérives communautaires qui perturbaient le bon déroulement de la mission éducative. Qualifiant ce texte de « loi de clarification et d'apaisement », M. Valade l'a jugé indispensable pour conforter la position des chefs d'établissements, dont il a relevé le « désarroi et le sentiment d'isolement » dans les conflits que la jurisprudence du Conseil d'Etat et les circulaires ministérielles élaborées sur cette base avaient selon lui contribué à attiser. Il a fait observer que la future loi permettrait très opportunément aux chefs d'établissements de ne plus sanctionner les enseignants qui refuseraient de faire cours devant des jeunes filles voilées.
Dans la discussion générale sont alors intervenus :
- M. Michel Mercier, qui a qualifié le principe de laïcité non pas de fin en soi, mais de « seul moyen de pouvoir vivre ensemble en faisant de nos différences une richesse », et a appelé la représentation nationale, en dépassant la dimension strictement religieuse de cette notion, à « réinventer un principe de laïcité qui redonne à notre vouloir vivre ensemble toutes ses possibilités » ;
- M. Josselin de Rohan, pour qualifier la laïcité d'« éthique » capable d'accoutumer les élèves à la différence et à l'écoute des autres ;
- Mme Nicole Borvo, qui a rappelé l'« attachement sans faille » des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen à la laïcité, « principe général issu des grandes conquêtes de 1789 », battu en brèche par les limites de l'intégration, dont les difficultés constituaient selon elle une « aubaine » pour les communautarismes : ainsi les intégrismes religieux menaçaient-ils la République à cause de la « faillite du pacte social » ;
- M. Philippe Adnot, peu convaincu de la nécessité de faire intervenir une loi pour régler un problème qui aurait selon lui pu trouver sa solution dans un soutien ferme de l'Etat à l'égard des chefs d'établissements scolaires ;
- M. André Vallet, partisan de l'adoption du projet de loi pour « renforcer la République face à la tentation, toujours présente dans la religion, d'intervenir dans le domaine politique » ;
- M. Serge Lagauche, qui a inscrit la nécessaire restauration du principe de laïcité dans le cadre plus vaste de la lutte contre toutes les discriminations, et a plaidé en faveur d'une modification de l'article premier de manière à remplacer l'adverbe « ostensiblement » par l'adjectif « visible », qu'il a estimé plus clair ;
- Mme Gisèle Gautier, favorable au projet de loi pour lutter contre la régression du statut de la femme que constituait le port du voile ;
- Mme Nelly Olin, qui a fait état de sa participation aux travaux de la commission de réflexion sur l'application du principe de laïcité dans la République et, jugeant que le principe de laïcité ne souffrait aucune dérogation, a rappelé que l'école devait demeurer un lieu neutre permettant à chacun d'accéder à une instruction « dispensée dans la sérénité » ;
- M. Ivan Renar, favorable à ce projet de loi qui, sans aborder sur le fond les problèmes de l'intégration, ce qu'il a déploré, « [redonnait] vraiment corps au principe de laïcité » et défendait la cause de « ces jeunes filles silencieuses, réduites au mutisme, soumises en permanence à une autorité et à un contrôle social masculins » en proscrivant le port du voile qui symbolisait l' « infériorité » et la « sujétion » des femmes ;
- M. Bernard Seillier, qui a estimé insuffisante la méthode consistant à régler la question du voile à l'école au moyen d'une loi, tout en se déclarant résolu à voter celle-ci en dépit de ses imperfections ;
- M. Gérard Delfau, partisan lui aussi de remplacer l'adverbe « ostensiblement » par l'adjectif « visible », susceptible selon lui de donner lieu à une interprétation moins subjective de la future loi, dont il a souligné l'importance pour « poser le cadre contre lequel le juge ne [pourrait] aller » ;
- M. Pierre Mauroy, qui a regretté l'action conduite dans les écoles de la République par des « groupes intégristes religieux, minoritaires mais très agissants, qui amalgament politique et religion », non seulement en vue du port du voile mais aussi en contestant certains enseignements tels que l'histoire de la Shoah, l'oeuvre de Voltaire ou les sciences de la vie, et a plaidé en faveur d'une véritable politique de l'intégration à l'école, seule capable de conduire à une réelle égalité des chances ;
- M. Joseph Kerguéris, soucieux, en votant ce projet de loi, de donner « des moyens supplémentaires à celles et à ceux qui ont la responsabilité de former les jeunes dans les établissements publics de notre pays » ;
- M. Daniel Hoeffel, qui s'est interrogé sur la pertinence d'une solution définie au niveau européen pour résoudre les problèmes posés par la montée des extrémismes religieux, et a souhaité que la loi française soit « expliquée aux pays situés au-delà de l'Europe, qui peuvent se sentir concernés par notre décision », afin que ces pays sachent que celle-ci « se veut non pas discriminatoire, mais au contraire placée sous le signe de l'acceptation » ;
- M. Paul Vergès, qui a évoqué la tension susceptible de résulter à La Réunion d'une assimilation « sans nuance » de l'outre-mer à la métropole sur cette question, alors-même que La Réunion, « île de la foi, île des croyances, île des superstitions aussi » avait « fait la démonstration [...] de la viabilité, dans le cadre de la République, d'un modèle original » en inventant une manière réunionnaise de vivre la laïcité et de démontrer que celle-ci pouvait « accueillir sereinement l'expression de plusieurs religions » ;
- M. Aymeri de Montesquiou, convaincu que l'intégration supposait l'acceptation des règles du pays d'accueil, et que la loi devait trancher lorsque la coutume prétendait s'opposer à la République ;
- M. Robert Badinter, qui a nié l'assimilation possible de l'interdiction du port de signes religieux ostentatoires à une quelconque atteinte à la liberté de conscience ou aux convictions religieuses, a jugé très positive la brièveté du projet de loi en discussion, et a insisté sur l'absence de toute contradiction entre celui-ci et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- M. Yves Détraigne, qui a appelé à l'adoption de dispositions visant à réduire les facteurs d'inégalité « [ faisant] le lit du fondamentalisme et des extrêmes », et a espéré que la future loi « ne [monterait] pas une partie de la population française contre une autre » ;
- M. Gérard Larcher, qui a exhorté les parlementaires à renouveler leur « attachement aux idées des Lumières, au refus de toute suprématie du religieux sur le politique et à la préservation d'un espace politique où se rencontrent les citoyens » ;
- M. Paul Loridant, qui a insisté sur le caractère « émancipateur pour les jeunes filles » du projet de loi, faisant état d'une radicalisation de l'intégrisme qui, selon lui, « [testait] la République, [voulant] connaître sa capacité de résistance », ce qui imposait un changement de réponse afin d'assurer le respect de la laïcité ;
- M. François Fortassin, qui a estimé que la loi en discussion n'obligerait pas les jeunes adeptes du port du voile à participer aux cours d'éducation physique ou aux séances de natation, et n'aurait aucun effet dans les hôpitaux où « un public islamiste de plus en plus nombreux refuse que des femmes puissent y dispenser des soins » ;
- M. René-Pierre Signé, qui a fait valoir qu'un islam tolérant avait besoin de la laïcité pour s'imposer ;
- Mme Anne-Marie Payet, qui s'est étonnée que les spécificités de l'outre-mer ne soient pas systématiquement prises en compte dans ce projet de loi, a regretté que la bienveillance sereine dont faisaient l'objet les jeunes files portant le voile dans les écoles de La Réunion soit appelée à devenir illégale du fait de l'adoption du projet de loi en discussion, et a jugé celui-ci disproportionné car la majorité de la population musulmane en France était selon elle « sécularisée et totalement laïque » ;
- M. Jean Chérioux, convaincu que la suppression du voile à l'école, qu'il a par ailleurs jugée nécessaire, ne changerait pas le statut de la femme musulmane ;
- Mme Annie David, qui a défini la laïcité comme la « capacité de s'adapter à la diversité des peuples » sans pour autant s'opposer aux religions et, partant, comme « source de paix » ;
- Mme Monique Cerisier-ben Guiga, qui a estimé avec éloquence que la propagande fondamentaliste en faveur du voile testait la capacité de la République à « résister victorieusement à cette offensive obscurantiste qui visait [...] à empêcher les musulmans de France, qu'ils soient étrangers ou non, à devenir réellement des citoyens français comme les autres » ;
- M. Philippe Richert, qui a évoqué les limites de notre modèle d'intégration, compte tenu de l'existence d'une violence intégriste et de son cortège de racisme et d'antisémitisme, et qui, partisan du projet de loi, n'en a pas moins douté de la capacité de celui-ci à régler ipso facto les situations de tension dans les établissements scolaires ;
- Mme Marie-Claude Beaudeau, qui s'est déclarée décidée à voter le projet de loi en dépit des « arrière-pensées possibles de ses concepteurs », et a imputé la nécessité de l'adoption de ce texte au « manque de fermeté des gouvernements successifs » ainsi qu'« à la jurisprudence hésitante [...] du Conseil d'Etat de 1989 » : « Ce qui importe, c'est de protéger [les jeunes filles] à qui l'on veut imposer [le voile] », a-t-elle poursuivi, déterminée à lutter contre l'idéologie sectaire des individus qui manipulent ces adolescentes, et à protéger par la loi les jeunes filles musulmanes contraintes à porter le hidjab ;
- Mme Yolande Boyer, qui a retracé le chemin parcouru par les femmes du statut de mineures dans lequel les confinait le code civil aux libertés conquises encore récemment, et a vu dans le port du voile un « symptôme parmi d'autres des fractures qui menacent notre société » ;
- M. Michel Thiollière, impatient de réveiller une « République assoupie » par ce projet de loi qui « [introduisait] un balancement subtil, nécessaire et ambitieux, entre pédagogie et fermeté » ;
- Mme Marie-Christine Blandin, qui a déploré que la cible de ce projet de loi se limite au foulard islamique et que les garçons, « plus souvent perturbateurs de classe et, pour certains, acteurs de l'humiliation des filles, [sortent] indemnes du texte, chemise fermée, poignets serrés et barbe au menton », et a nié que l'on puise assimiler toute jeune fille voilée à une militante intégriste, tout comme on ne saurait voir, a-t-elle fait observer, « dans un catholique portant une croix un inquisiteur porteur de terreur ou un farouche descendant des croisés ».
La discussion générale s'est poursuivie le lendemain. M. Hubert Haenel a évoqué le risque d'un « intégrisme laïc où les religions seraient tolérées à condition d'être invisibles », et a appelé au maintien de la « laïcité apaisée » atteinte par la France au terme d'un processus long de plusieurs décennies.
Mme Danielle Bidard-Reydet a déploré que le projet de loi, selon elle « réducteur », occulte « la question fondamentale qui est la question sociale » et tout particulièrement l'échec scolaire des jeunes appartenant aux catégories les plus défavorisées.
M. Yvon Collin a pour sa part estimé le projet de loi justifié par l'impossibilité de faire dépendre le principe constitutionnel de laïcité de la seule appréciation des chefs d'établissements scolaires car, a-t-il noté, « la laïcité étant une règle absolue, elle ne [dépendait] pas du contexte et ne saurait constituer le plus petit dénominateur commun permettant la cohabitation des communautés ».
M. Charles Gautier a ensuite souligné la « connotation plus politique que religieuse » revêtue par le port du voile, s'étonnant que des jeunes filles d'aujourd'hui choisissent de se « [dissimuler] derrière un voile que leur mère ou leurs grands-mères ont refusé de porter ».
M. André Lardeux, déniant à la loi en discussion toute « force miraculeuse » contre les déviances constatées dans les établissements scolaires, a appelé à un respect « intransigeant » des programmes, car il n'était pas admissible d'« accepter la contestation de faits historiques évidents ou le refus de certains auteurs en littérature », et s'est déclaré favorable à l'interdiction de l'enseignement de langues et de civilisations d'origine, qu'il a qualifié de « facteurs de non-intégration et de développement du repli identitaire ».
M. Jean-Yves Autexier a évoqué les menaces pesant sur la République du fait de l'intégrisme islamique : « L'intégrisme islamique teste la République, pour mesurer ses capacités de résistance. Eh bien, la République tiendra le coup, s'il y a des républicains ! », s'est-il exclamé, assimilant le voile à une « contrainte sociale » imposée aux jeunes filles par la « pression du grand frère, du père, du quartier ».
M. Alain Fouché a pour sa part plaidé en faveur du vote du projet de loi, seul susceptible selon lui de permettre à la communauté éducative de faire prévaloir auprès des partisans du voile le principe de laïcité et, partant, les valeurs et fondements de la République.
M. Jacques Peyrat a qualifié l'affaire du voile d'« escarmouche, prélude d'engagements plus considérables » pour parvenir à une véritable assimilation des immigrants susceptibles d'être tentés par le communautarisme.
M. Francis Grignon a évoqué le statut particulier des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle au regard de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, interrogeant le ministre sur l'avenir de la religion musulmane dans ces trois départements.
Selon M. Alain Gournac, les atteintes constatées depuis plusieurs années contre le principe de laïcité provenaient du refroidissement de la citoyenneté française évoqué par le rapport Stasi : il convenait donc de redonner toute leur place aux « références fondatrices de la société ».
M. Bernard Fournier s'est félicité de la « tenue exceptionnelle de cette discussion », signe selon lui de l'« attachement unanime » des parlementaires au principe de laïcité.
M. Jacques Legendre a ensuite commenté la difficulté qui s'attachait à concilier dans un texte législatif l'encadrement des comportements vestimentaires dans les établissements scolaires et le souci de respecter les modes de vie des uns et des autres.
Au cours de la discussion des articles sont intervenus, outre le président de la commission et M. Luc Ferry, MM. Gérard Delfau, Michel Charasse, Dominique Braye, Mme Annie David, MM. Serge Lagauche, Michel Mercier, Jean Chérioux, Robert Laufoaulu, Mme Bidard-Reydet, MM. Daniel Hoeffel, Henri de Raincourt, Claude Estier et Jacques Pelletier.
Les 21 amendements qui ont été examinés ont, pour la plupart, été retirés par leurs auteurs.
M. Delfau a ainsi retiré un amendement tendant à insérer un article additionnel avant l'article premier afin d'instaurer une journée nationale de la laïcité, le 9 décembre, date d'anniversaire de la loi de séparation des Eglises et de l'Etat.
Le Sénat a alors abordé l'examen de l' article premier sur lequel est intervenu M. Charasse, qui a douté de la portée normative de l'article L. 141-5-1 inséré par le projet de loi dans le code de l'éducation. M. Charasse a en effet fait valoir que, en proscrivant les tenues ou les signes manifestant « ostensiblement » l'appartenance à une religion, cet article ne délivrerait pas les chefs d'établissements scolaires de la « situation impossible » où les avait mis la jurisprudence du Conseil d'Etat. Il appartenait donc au pouvoir exécutif, a-t-il poursuivi, de définir précisément, dans les décrets d'application dont il a jugé l'adoption indispensable, les critères qui permettront aux enseignants de déterminer quand ils seront en présence de signes ou de tenues constituant une manifestation ostensible d'appartenance religieuse.
Le Sénat a ensuite refusé d'étendre le champ d'application de la future loi aux établissements publics d'enseignement supérieur ainsi qu'aux établissements privés sous contrat en rejetant trois amendements de M. Delfau et de Mme David.
Puis ont été retirés :
- deux amendements de MM. Lagauche et Delfau tentant de parvenir à une nouvelle rédaction de l'interdiction définie par le nouvel article L. 141-5-1 du code de l'éducation ;
- un amendement de M. Lagauche ayant pour objet d'étendre cette interdiction au port de signes d'appartenance politique ;
- deux amendement présentés en termes quasi identiques par MM. Chérioux et Mercier pour que l'interdiction posée par l'article L. 141-5-1 s'applique si les tenues ou signes visés avaient pour conséquence de troubler l'ordre public au sein de l'établissement.
L' article premier ayant été adopté dans le texte transmis par l'Assemblée nationale, ont été retirés :
- deux amendements de MM. Delfau et Lagauche tendant à insérer dans le projet de loi un article additionnel après l'article premier destiné à définir la finalité du principe de laïcité, considéré comme l'un des objectifs de l'éducation nationale, dont la vocation était d'assurer l'égalité entre les élèves sans distinction de race, de religion, de sexe, d'ethnie ou d'orientation sexuelle ;
- un amendement du groupe socialiste modifiant le code de l'éducation de manière à inscrire l'enseignement de l'histoire des religions dans les programmes d'enseignement des premier et second degrés.
Le Sénat a alors rejeté un amendement du groupe socialiste précisant que le droit à la liberté d'information et à la liberté d'expression, reconnu aux lycéens et collégiens par la loi d'orientation sur l'éducation adoptée en 1989 à l'initiative de M. Lionel Jospin, avait pour limite le respect du pluralisme et du principe de neutralité.
Puis M. Delfau a retiré un amendement modifiant le code de la santé publique pour préciser que les droits du patient hospitalisé ne pouvaient être fondés sur des motifs ayant trait à l'origine, à la religion ou au sexe : cet amendement, qualifié d'amendement d'appel par son auteur, avait pour objet d'appeler le Gouvernement à mettre fin aux manquements à la laïcité constatés notamment au sein de l'hôpital public.
Le Sénat a ensuite adopté dans le texte transmis par les députés l' article 2 concernant l'applicabilité de la future loi à Wallis-et-Futuna, à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie, de même que les articles 3 et 4 .
Ont alors été retirés deux amendements de M. Delfau tendant à compléter le projet de loi par deux articles additionnels après l'article 4 :
- abrogeant l'article L. 481-1 du code de l'éducation qui garantit aux départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle un statut local spécifique, comprenant notamment un enseignement religieux obligatoire même dans les établissements publics ; exprimant l'opposition de la commission des affaires culturelles à cet amendement, M. Valade a estimé que la remise en cause de ce statut historique ne se justifiait en rien, et que ces particularités, profondément ancrées dans les traditions scolaires en Alsace-Moselle, n'étaient pas de nature à créer des tensions au sein des établissements ; M. Daniel Hoeffel a, pour sa part, fait valoir que le régime applicable dans ces trois départements ne pouvait pas être considéré comme discriminatoire car il s'imposait à tous les élèves et qu'il ne contrevenait pas au principe de laïcité, mais en constituait une expression différente ;
- invitant le Gouvernement à déposer au Parlement, lors du centenaire de la loi du 9 décembre 1905, un projet de loi de programmation relative à l'éducation nationale.
Après avoir entendu les explications de vote de MM. Henri de Raincourt, Claude Estier et Jacques Pelletier, le Sénat, au cours du scrutin public n° 155 demandé par la commission , a adopté le projet de loi tel que l'Assemblée nationale le lui avait transmis, rendant ainsi son texte définitif .
Travaux préparatoires
Assemblée nationale :
Première lecture (3 à 5 et 10 février 2004) : n°s 1381, 1382 et adoption 253 (12ème législ.).
Sénat :
Première lecture (2 et 3 mars 2004) : n°s 209, 219 et adoption 66 (2003-2004).
Nombre d'amendements déposés 26
Nombre d'amendements adoptés 0
(Scrutin n° 155)
Rapporteur au Sénat : M. Jacques Valade; président de la commission des affaires culturelles.