Loi n° 2004-338 du 21 avril 2004 portant transposition de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau (Journal officiel du 22 avril 2004 ).
Ce projet de loi a pour objet de transposer en droit français une directive européenne dont l'ambition est d'assurer une meilleure cohérence aux politiques décidées au niveau communautaire dans le secteur de l'eau. Il s'agit de simplifier les contours du droit européen en vigueur (une trentaine de directives ont ainsi été adoptées depuis 1975) en prévoyant l'abrogation progressive de sept directives, le texte transposé devant être ultérieurement complété par deux directives actuellement en préparation sur les eaux souterraines et sur les substances dangereuses.
L'autre objectif de cette directive-cadre est de mettre en oeuvre une stratégie de développement durable dans la gestion de l'eau en définissant un cadre global pour la protection des eaux continentales, souterraines et côtières.
Il convient de relever que ce texte s'inspire du modèle français de gestion de l'eau introduit par la loi de 1964 sur les agences de l'eau et, de ce fait, devrait imposer à la France des changements structurels relativement limités. La directive consacre ainsi le bassin hydrographique comme unité de référence en matière de politique de l'eau ; elle reconnaît les agences et les comités de bassin ainsi que les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux, dénommés plan de gestion du district hydrographique. Sa transposition induira quelques aménagements tels que le rattachement des masses d'eaux souterraines et des eaux maritimes intérieures et territoriales aux bassins hydrographiques.
La directive comporte en revanche d'importantes innovations par rapport au système français :
- obligation de supprimer à terme les rejets de substances dangereuses ;
- définition d'objectifs de résultat ambitieux s'inscrivant dans un calendrier précis ;
- extension des critères d'appréciation du bon état des eaux à des critères biologiques ;
- nécessité de prendre en compte, afin d'évaluer le coût de l'utilisation de l'eau, l'intégralité des coûts liés à l'usage de l'eau par grand secteur économique (industrie, agriculture et utilisation par les usagers).
Première lecture.
L' Assemblée nationale a, en première lecture, apporté quelques précisions mineures au texte du Gouvernement. Elle a, entre autres modifications, décidé qu'il serait systématiquement tenu compte (et non à titre dérogatoire) des conséquences sociales, environnementales et économiques de la récupération par les utilisateurs des coûts liés à l'usage de l'eau. Elle a souhaité inscrire, parmi les objectifs du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux, l'obligation de prévenir la détérioration de la qualité des eaux. Elle a également précisé que l'obligation de finaliser l'état des lieux et l'analyse économique de l'utilisation de l'eau, prévue à l'article 6 pour le 22 décembre 2004, concernerait chaque comité de bassin.
Au cours de la discussion générale au Sénat , Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, a fait état de l'engagement des Etats membres d'atteindre en 2015 un bon état écologique de leurs eaux et de parvenir à supprimer les rejets de substances dangereuses. Elle a qualifié la directive de « texte fondateur majeur » pour la politique européenne de l'eau.
Evoquant ensuite les aménagements législatifs selon elle limités rendus nécessaires par la transposition de la directive à la France, la ministre a insisté sur les progrès à accomplir en matière de qualité des milieux aquatiques, compte tenu de la contamination généralisée des eaux de surface et littorales par certaines substances. Elle a sur ce point fait valoir que la directive constituait un « point de départ et en aucun cas une fin en soi », du fait du haut niveau d'exigence des objectifs à atteindre.
Mme Bachelot-Narquin a commenté la concertation « intense et fructueuse » sur la politique de l'eau à laquelle ce projet de loi avait donné lieu sous la forme d'un débat national et décentralisé qui s'était déroulé en 2003. Elle a également précisé que la transposition de la directive s'appliquait à la Corse, sans toutefois remettre en cause les compétences particulières de la collectivité territoriale.
M. Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires économiques, s'est félicité de la reconnaissance du système français de gestion de l'eau induite par la directive-cadre, mentionnant la consécration de la notion de bassin hydrographique comme unité de référence pour l'application de la politique de l'eau, ainsi que celle du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux. Il a commenté le calendrier précis dans lequel s'inscrivaient les objectifs de résultat imposés aux Etats membres, qui devaient établir un registre des zones protégées avant la fin de 2004, définir leur programme de surveillance avant la fin de 2006, et mettre en place une politique tarifaire incitative avant la fin de 2010. Le rapporteur a estimé que la directive, prenant en compte les réalités géographiques et climatiques ainsi que les contraintes économiques et sociales, pourrait s'accommoder d'objectifs moins stricts et de processus dérogatoires pour parvenir aux résultats fixés.
Selon M. Sido, la commission des affaires économiques avait abordé le projet de loi de transposition en souhaitant éviter d'« alourdir » celui-ci par des dispositions susceptibles de trouver leur place de manière plus opportune dans le cadre de la future loi sur l'eau. Le rapporteur a, sur ce point, limité son propos à certaines recommandations telles que la nécessité de se prémunir, en France, contre la « tentation de perfectionnisme », faisant valoir qu'une fois les masses d'eau identifiées et les objectifs définis à l'échelon communautaire, toute dérogation devrait être motivée et justifiée auprès des autorités européennes. Il a également plaidé en faveur d'une mise en place « très progressive » de la récupération des coûts liés à l'usage de l'eau, et a attiré l'attention de la ministre sur la nécessité de définir de manière réaliste les objectifs déclarés selon les types de masses d'eau, afin d'éviter de se trouver confronté à des objectifs « inatteignables ».
Dans la discussion générale est alors intervenue Mme Evelyne Didier, qui a qualifié la gestion de l'eau de « responsabilité publique nationale », a appelé à la création d'une agence nationale de l'eau, qui serait « garante d'un usage solidaire et responsable de la ressource, dans le cadre d'une convention mondiale de l'eau », et a déploré que, en l'absence du futur projet de loi sur l'eau, le Sénat ne soit pas en mesure d'apprécier exactement les conséquences du projet de loi qu'il lui était demandé d'adopter. Puis Mme Odette Herviaux a regretté que le dépôt du projet de loi sur l'eau ne soit prévu qu'à l'échéance de juin 2004, alors même que la reconquête de la qualité de l'eau, qui impliquait selon elle la définition d'une police de l'eau dotée de moyens adaptés, était un problème urgent. Sont également intervenus M. Paul Raoult et Mme Marie-Christine Blandin qui, comme Mme Didier, a regretté que le projet de loi sur l'eau annoncé par le Gouvernement n'ait pas été soumis au Parlement simultanément à la transposition de la directive. Mme Blandin a également fait état du retard accumulé par la France notamment dans le domaine du traitement des eaux résiduaires, et a appelé à une meilleure coopération internationale dans les bassins transfrontaliers.
Le Sénat a ensuite abordé la discussion des articles , au cours de laquelle il a adopté douze amendements de la commission, un amendement du Gouvernement et un amendement du groupe socialiste.
Après avoir adopté l' article premier dans le texte transmis par l'Assemblée nationale, il a modifié l' article 2 par quatre amendements de la commission (dont un amendement rédactionnel et un amendement de coordination), acceptés par le Gouvernement :
- précisant que le registre établi par le comité de bassin dans le cadre de l'article L. 212-1 du code de l'environnement tiendrait compte des zones visées spécifiquement par une réglementation communautaire et qu'il inclurait les zones de captage d'eau potable ;
- prévoyant que la coordination avec les autorités étrangères compétentes, nécessaire dans les bassins transfrontaliers, aurait pour objet tant la délimitation des districts que la définition des objectifs et des aménagements du plan de gestion.
A l'initiative du groupe socialiste et avec l'accord de la commission et du Gouvernement, il a également été décidé de revenir à la rédaction initiale du projet de loi en ce qui concerne la finalité du schéma directeur.
A l' article 3 , le Sénat a souhaité, sur proposition de la commission et avec l'accord du Gouvernement, que les établissements publics territoriaux de bassin soient consultés sur le projet de schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux, et que celui-ci soit adopté par le comité de bassin avant d'être approuvé par l'autorité administrative.
Puis l' article 4 a été modifié par deux amendements de la commission, acceptés par le Gouvernement :
- prévoyant la consultation du comité de bassin sur le programme pluriannuel de mesures contribuant à la réalisation des objectifs et des dispositions du schéma directeur ;
- inscrivant dans le code de l'environnement le principe de la coordination transfrontalière voulue par la directive à propos des programmes pluriannuels de mesures et de surveillance de l'état des eaux définis par l'autorité administrative.
A l' article 5 , le Sénat a adopté, avec l'accord du Gouvernement, un amendement de la commission précisant que le ou les établissements publics territoriaux de bassin concernés seraient consultés sur le projet de schéma d'aménagement et de gestion des eaux.
Puis, après avoir adopté l' article 6 dans le texte transmis par l'Assemblée nationale, il a modifié par trois amendements de précision de la commission l' article 7 assurant la compatibilité des documents d'urbanisme avec les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux et avec les schémas d'aménagement et de gestion des eaux (avis favorable du Gouvernement).
A ensuite été inséré dans le projet de loi, à l'initiative du Gouvernement et avec l'accord de la commission, un article 7 bis introduisant dans le code général des collectivités territoriales les aménagements nécessaires à l'application du projet de loi par la collectivité territoriale de Corse. Puis l' article 8 a été adopté dans le texte transmis par l'Assemblée nationale.
Après avoir entendu les explications de vote de Mme Herviaux, le Sénat a adopté le projet de loi ainsi modifié.
Deuxième lecture.
Saisie du projet de loi en deuxième lecture, l' Assemblée nationale a adopté celui-ci dans le texte transmis par le Sénat, le rendant ainsi définitif .