Loi n° 2004-1338 du 8 décembre 2004 relative à la protection des inventions biotechnologiques ( Journal officiel du 9 décembre 2004).
Ce projet de loi , déposé en 2001 sur le Bureau du Sénat , transpose deux directives européennes tendant à adapter le droit des brevets aux inventions biotechnologiques et à concilier, en la matière, les impératifs éthiques et de sécurité juridique. Pour ce faire, il poursuit trois objectifs :
- assurer la protection des inventions portant sur la matière biologique et en déterminer les conditions et les limites ;
- garantir le respect des règles protégeant la vie animale et végétale, notamment en conciliant la non-brevetabilité des races animales et des variétés végétales avec la brevetabilité d'inventions portant sur des éléments biologiques d'origine animale ou végétale ;
- renforcer les dispositions relatives aux licences obligatoires et d'office, permettant de prévenir les conséquences néfastes des situations de dépendance technologique, de faire prévaloir l'intérêt public, et de se prémunir contre un éventuel abus des droits conférés par un brevet à son titulaire.
Première lecture.
Au cours de la discussion générale au Sénat , M. Christian Jacob, ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, a, en remplacement de M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie, souligné l'urgence de la transposition des deux directives européennes visées par ce texte. Il a évoqué brièvement les enjeux de cette transposition, insistant sur le rôle croissant joué par les biotechnologies en matière de santé, d'agroalimentaire, de protection de l'environnement ou de traçabilité et de répression des fraudes.
Saluant la qualité des travaux réalisés par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et la commission des affaires économiques du Sénat dans le domaine des inventions biotechnologiques, le ministre délégué a toutefois regretté que l'Europe prenne du retard en la matière, faute de s'appuyer sur une approche juridique unifiée. Il a fait valoir que l'instauration d'un système de brevets faciliterait l'innovation, en octroyant au profit de l'inventeur un monopole suffisamment prolongé grâce au rétablissement des dépenses de recherche-développement réalisées, et en assortissant le dépôt des brevets d'une obligation de divulgation de l'invention.
M. Jacob a ensuite détaillé le dispositif prévu par le projet de loi. Il a notamment insisté sur l'exclusion de la brevetabilité du corps humain, des races animales et des variétés végétales, commandée par des impératifs éthiques. Il a également souligné que le texte, en mettant un terme à une situation d'incertitude juridique résultant des divergences importantes entre les législations et les pratiques nationales et internationales, permettrait aux scientifiques et aux industriels européens de « bâtir une stratégie de propriété industrielle à plus long terme » et d'investir dans les technologies innovantes.
M. Jean Bizet, rapporteur de la commission des affaires économiques, s'est appuyé sur les conclusions du rapport sénatorial d'information relatif à la politique française des biotechnologies pour rappeler que l'Europe, « en ne prenant pas la mesure de l'enjeu » , s'exposait à des risques de dépendance à l'égard des détenteurs étrangers de procédés protégés par la propriété intellectuelle, de « fuite des cerveaux » et d' « appauvrissement de ses capacités de croissance » .
Le rapporteur a regretté qu'à l'examen de ce projet de loi n'ait pas été associée la transposition de la directive 2001/18/CE relative à la dissémination des organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l'environnement. Il a à cet égard souhaité que le ministre confirme au Sénat les engagements pris par le Président de la République quant au prochain dépôt d'un texte relatif aux OGM.
M. Bizet a par ailleurs attribué le retard européen en matière de biotechnologies à l'absence de financements suffisants et au défaut de protection intellectuelle. Il a en effet observé que les fonds considérables nécessités par la recherche en sciences du vivant ne seraient mobilisés par les entreprises européennes que lorsque ces dernières pourraient se prévaloir de brevets leur garantissant un juste retour sur investissements.
Après être revenu sur les débats ayant causé la transposition tardive et la condamnation de la France par la Cour de justice des Communautés européennes, le rapporteur a rappelé que les dispositions relatives au corps humain avaient été intégrées dans le droit français dans le cadre de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique. Il a donc expliqué que le projet de loi achevait de transposer la directive dans un cadre éthique « consolidé » et sur la base d'une rédaction « consensuelle » .
M. Bizet a commenté les principales dispositions du texte en discussion avant d'énumérer les améliorations proposées par la commission. Il a fait valoir que les amendements qu'il présenterait viseraient d'une part à assurer une meilleure conformité du texte à la directive, afin de prévenir tout risque d'incertitudes juridiques, et d'autre part à garantir la survie des entreprises semencières européennes en permettant à ces dernières d'utiliser librement les variétés végétales protégées par un titre d'obtention végétale à des fins de création variétale.
Dans la suite de la discussion générale, M. Daniel Soulage a regretté de devoir statuer dans l'urgence sur un texte déposé en 2001. Il a toutefois apporté son soutien au projet de loi, de même qu'aux mesures suggérées par le rapporteur en faveur des semenciers. M. Gérard Le Cam a dénoncé la surcharge du calendrier parlementaire qui aboutissait à l'adoption précipitée de textes « lourds de conséquences » , et notamment à transposer des directives européennes d'inspiration économique libérale touchant à des « choix de société [...] cruciaux » . M. Pierre Laffitte a salué un texte qui permettrait au secteur privé « de réagir et [...] de trouver des financements de façon que nous ne soyons pas en retard par rapport aux autres compétiteurs et que nous puissions créer de la richesse, donc des emplois » . M. Daniel Raoul a souscrit aux objectifs du projet de loi, tout en déplorant la « précipitation » ayant présidé au dépôt du texte et son examen « dans l'urgence, [...] en raison d'imminentes sanctions financières » .
Dans la discussion des articles , le Sénat a adopté un grand nombre d'amendements de la commission de portée rédactionnelle, et ayant pour objet de mettre le texte en cohérence avec les dispositions de la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique.
Il a tout d'abord examiné l' article 1 er , étendant le champ de la brevetabilité aux inventions biotechnologiques, et adopté à cet article un amendement 1 ( * ) de coordination de la commission.
A l'initiative de la commission, l' article 2 a été supprimé, les principes limitant la brevetabilité des matières biologiques ayant déjà été définis par l'article 17 de la loi relative à la bioéthique. Trois amendements de la commission ont ensuite été adoptés à l' article 3 , définissant les limites de la brevetabilité en matière animale et végétale ; ces amendements avaient également pour objet de mettre le texte en cohérence avec la loi de bioéthique et d'apporter une précision rédactionnelle.
Le Sénat a ensuite examiné l' article 4 , instituant une obligation de dépôt de matière biologique pour obtenir un brevet, auquel il a adopté un amendement de la commission ayant pour objet de rendre le texte du projet de loi strictement identique à celui de la directive et d'inclure dans son champ d'application les inventions ne pouvant être décrites afin de permettre à l'homme de métier de les reproduire.
Après avoir adopté un amendement de cohérence de la commission à l' article 5 , portant diverses coordinations dans le code de la propriété intellectuelle, le Sénat a examiné l' article 6 , précisant l'étendue de la protection par brevet en matière biologique. Il a adopté à cet article quatre amendements de la commission, rédactionnels ou de précision.
A l' article 7 , instaurant au profit des éleveurs et des agriculteurs deux dérogations à la protection garantie par le brevet afin de leur permettre d'utiliser le produit de leur activité pour la reproduction sur leur exploitation, le Sénat a adopté deux amendements de la commission instaurant une « exception du sélectionneur » permettant aux entreprises semencières d'utiliser librement des variétés végétales protégées par un titre de propriété intellectuelle à des fins de création variétale.
A l' article 8 , autorisant l'octroi de licences obligatoires en cas de dépendance d'une obtention végétale à l'égard d'un brevet, ont été adoptés trois amendements de la commission tendant, d'une part, à viser les cas où l'obtention d'un droit sur une variété peut porter atteinte à un brevet antérieur et à préciser, d'autre part, que l'octroi d'une licence sur un brevet pour l'exploitation d'une variété est soumis à la condition que cette variété présente un intérêt économique « considérable », et non seulement certain.
Prévoyant les cas de dépendance d'un brevet à l'égard d'une obtention végétale, l' article 9 a été modifié par trois amendements rédactionnels et de coordination de la commission, de même que l' article 10 , renforçant les dispositions relatives aux licences obligatoires en cas de dépendance entre brevets et aux licences d'office. L' article 11 prévoyant d'étendre le champ des licences d'office dans l'intérêt de la santé publique a par ailleurs été modifié par un amendement de la commission soumettant cette extension aux deux conditions non cumulatives, que la quantité des produits ou des procédés visés soit insuffisante ou que leur qualité soit insuffisante. Le Sénat a enfin adopté sans modification l' article 12 , précisant le champ d'application du texte.
Après avoir entendu les explications de vote de Mme Adeline Gousseau et de M. Jean Bizet, rapporteur, le Sénat a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié .
En première lecture, l' Assemblée nationale a adopté sans l'amender le projet de loi transmis par le Sénat, le rendant définitif .
Travaux préparatoires
Sénat :
Première lecture (26 octobre 2004) : n°s 55 (2001-2002), 30 et adoption 19 (2004-2005).
Nombre d'amendements déposés 21
Nombre d'amendements adoptés 21
Nombre d'amendements retenus par l'A.N. 21
Assemblée nationale :
Première lecture (29 novembre 2004) : n°s 1884, 1936 et adoption 357 (12 ème législ.).
Rapporteur au Sénat : M. Jean Bizet, commission des affaires économiques.
Table de concordance
Numérotation articles en cours de navette |
Numérotation articles texte définitif |
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Numérotation articles en cours de navette |
Numérotation articles texte définitif |
1 er |
Idem |
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7 |
6 |
2 |
supprimé |
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8 |
7 |
3 |
2 |
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9 |
8 |
4 |
3 |
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10 |
9 |
5 |
4 |
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11 |
10 |
6 |
5 |
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12 |
11 |