CHAPITRE III : LES ASSISES DE COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE FRANCO-CHINOISES : EXPÉRIENCES ET BONNES PRATIQUES |
Compte rendu de la mission en Chine, du 25 au 28 octobre 2005, faite au nom de la Délégation du Bureau du Sénat à la coopération décentralisée, par MM. Jacques VALADE, président de la commission des affaires culturelles, sénateur de la Gironde et président du comité de pilotage de ces assises, et Jean BESSON, sénateur de la Drôme, et président du groupe interparlementaire d'amitié France-Chine.
Votre Délégation à la coopération décentralisée est convaincue de l'intérêt des rencontres bilatérales mettant en présence les collectivités territoriales avec pour objectif la mise en valeur des bonnes pratiques de coopération et la mise en cohérence des initiatives .
Comme elle l'avait fait précédemment pour plusieurs de ces rencontres, notamment les assises de la coopération décentralisée franco-vietnamienne qui ont eu lieu en 2005, elle a décidé de s'impliquer plus directement dans les premières rencontres de la coopération décentralisée franco-chinoise, organisées à Wuhan, capitale de la province du Hubeï, les 26 et 27 octobre 2005 .
Ces rencontres ont connu un très grand succès puisqu'elles ont réuni plus de 250 élus Français et 270 élus Chinois représentant environ quatre-vingts collectivités territoriales des deux pays , en présence de MM. Jacques VALADE, ancien ministre, sénateur de la Gironde, adjoint au maire de Bordeaux, et président du comité de pilotage français des Rencontres de Wuhan, M. CHEN Haosu, président de l'Association du peuple chinois pour l'amitié avec l'étranger, et président du comité de pilotage chinois des Rencontres de Wuhan et M. LI Xiansheng, maire de Wuhan.
Deux journées entières ont été consacrées aux échanges d'expérience, dans le domaine du rôle de la politique d'aménagement du territoire dans le développement des villes.
Outre les exposés généraux faits par M. Pierre MAUROY, ancien Premier ministre et sénateur, et les grandes associations d'élus locaux (Association des maires de France, Assemblée des départements de France, et Association des régions de France), une soixantaine de contributions présentées dans les quatre ateliers (urbanisme, environnement urbain, mobilité urbaine, éléments de méthodologie pour la coopération décentralisée franco-chinoise) ont permis à l'ensemble des participants d'évaluer le potentiel de coopération entre les collectivités territoriales des deux pays.
La « Déclaration de Wuhan » a été approuvée à l'unanimité par les participants aux Rencontres, lors de la cérémonie de clôture, en présence de M. MIAO Weï, Premier secrétaire du Parti communiste de Wuhan, de Mme HE Luli, vice-présidente de l'Assemblée populaire nationale de Chine, des membres de la Délégation sénatoriale, et de M. Brice HORTEFEUX, ministre délégué aux collectivités territoriales. Dans cette Déclaration, les participants aux Rencontres ont proposé conjointement de constituer, en Chine et en France, un comité de coordination de la coopération décentralisée franco-chinoise pour aider les collectivités à identifier les potentiels de coopération, à s'informer sur les projets en cours entre partenaires français et chinois et sur les résultats des coopérations engagées entre collectivités territoriales de ces deux pays.
PROGRAMME
27 octobre |
- Ouverture des rencontres au Centre international des Congrès de Wuhan par MM. Chen Haosu et Jacques Valade, présidents des comités de pilotage chinois |
- Séance plénière, présidée par M. Jacques Valade - Déroulement des quatre ateliers en parallèle |
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28 octobre |
- Suite des ateliers |
- Présentation des rapports de synthèse |
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- Séance de clôture, présidée par M. Jean Besson |
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- Approbation à l'unanimité de la Déclaration de Wuhan |
I. CONTEXTE
Pourquoi renforcer la coopération avec la Chine ?
La montée en puissance de la Chine dans l'économie mondiale apparaît comme l'un des événements majeurs en ce début du XXI ème siècle. Le rythme de croissance annuel (9,4 % en moyenne depuis 1980) est d'autant plus impressionnant que la taille de l'économie chinoise est immense. Selon les dernières estimations, en incluant Hong-Kong, la Chine représente le deuxième produit intérieur brut mondial . Cette expansion s'appuie notamment sur son intégration dans les marchés internationaux.
Comme le note le rapport d'information n° 2473 (2004-2005) de MM. Dreyfus et Novelli, fait au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, « compte tenu du potentiel de développement considérable que représente la Chine, l'ensemble des acteurs du commerce extérieur doit se mobiliser » afin de bénéficier de l'exceptionnelle croissance économique de la Chine.
Les collectivités territoriales françaises sont d'autant plus concernées que l'énergie, les transports et la protection de l'environnement , qui sont des domaines dans lesquels elles disposent d'un grand savoir-faire, deviennent des priorités pour les autorités chinoises .
Pourquoi a-t-il été décidé d'organiser ces rencontres en 2005 ?
L'année de la France en Chine, d'octobre 2004 à juillet 2005, a été l'occasion pour la France et la Chine d'enrichir leur partenariat . Or, la coopération décentralisée paraît être un moyen privilégié d'approfondissement des relations franco-chinoises . C'est pourquoi, l'Etat, par l'intermédiaire de la Délégation à l'action extérieure des collectivités locales du ministère des affaires étrangères, a encouragé financièrement ces rencontres, initiées et organisées par les villes de Bordeaux et de Wuhan avec l'implication de nombreuses autres collectivités. L'année 2005 a permis à de nombreux élus de finaliser des accords avec les Chinois qui sont très demandeurs de nouvelles coopérations. Il semblait très pertinent à la fois de mettre en commun les bonnes pratiques engagées et de promouvoir les coopérations embryonnaires ayant vu le jour en 2005.
II. LES ENJEUX
Nos collègues, les présidents Jacques Valade et Jean Besson se sont associés à cette initiative, parce qu'ils sont convaincus que la coopération décentralisée doit être encouragée. En effet, elle crée tout d'abord un cadre de coopération durable ; en outre, les collectivités jouent un rôle moteur pour l'ensemble des acteurs de leur territoire (entreprises, associations, population...), et enfin elles ont des secteurs d'intervention spécifiques dans lesquels elles sont très performantes (gestion des services publics, politiques urbaines, formation...) et où leurs connaissances peuvent faciliter le développement d'économies émergentes avec le soutien d'acteurs politiques ou économiques français.
Le rôle primordial joué par les collectivités territoriales dans l'aménagement urbain et l'expérience française en la matière expliquent le choix de la thématique de ces rencontres : la politique d'aménagement du territoire et le développement urbain. L'angle choisi pour aborder ce sujet a bien évidemment été le rôle joué par les collectivités décentralisées dans l'aménagement urbain et l'intérêt que pouvait revêtir pour les différents acteurs une coopération entre collectivités françaises et chinoises .
L'année de la Chine en France a permis de relancer, voire de renforcer, les partenariats anciens, tout en favorisant de nouvelles initiatives de coopération. La mobilisation des partenaires (Etat, régions, départements, villes et autres acteurs) pour ces rencontres avait pour but :
- de mettre en cohérence des initiatives, d'abord entre partenaires français , puis entre partenaires français et chinois ,
- de lancer des initiatives concrètes de coopération issues de la réflexion des différents ateliers thématiques,
- et de mener en parallèle un suivi et une réflexion sur les modes et méthodes de coopération afin de fournir aux collectivités françaises des informations élémentaires sur le mode opératoire des partenaires chinois , de faire apparaître les verrous et barrières de forme et de fond , et de tirer des rencontres des leçons pour une coopération tenant compte de la culture politique et administrative chinoise, afin de gagner en efficacité par rapport aux principaux concurrents mondiaux déjà parfaitement installés, comme l'Allemagne, modèle en matière de coopération avec la Chine.
Ces journées se sont ordonnées de la manière suivante :
- une réflexion préliminaire de plusieurs mois a tout d'abord été engagée entre collectivités françaises sur les enjeux de la coopération décentralisée franco-chinoise,
- ensuite, un débat en séance plénière a été organisé lors des rencontres afin de définir conjointement, avec les collectivités chinoises, les problématiques de cette coopération,
- des ateliers thématiques ont permis d'alimenter la réflexion sur la méthodologie de la coopération décentralisée (quatrième atelier) par des exemples concrets dans les domaines de l'urbanisme (premier atelier), de l'environnement (deuxième atelier) et de transports urbains (troisième atelier),
- enfin, des conclusions ont été tirées, en séance plénière, afin de définir les perspectives pour la coopération décentralisée franco-chinoise. A cette occasion, la « Déclaration de Wuhan » (cf. annexe 2, ci-après, p. 167), portant charte de la volonté des deux pays d'encourager la coopération décentralisée, a été adoptée par les participants .
Le Sénat et la Délégation du Bureau à la coopération décentralisée, se sont trouvés impliqués tout d'abord au travers du rôle joué par M. Jacques Valade , président de la commission des affaires culturelles et adjoint au maire de Bordeaux, chargé des relations internationales, qui a présidé le comité de pilotage de ces rencontres . Ensuite, M. Jean Besson , sénateur de la Drôme et président du groupe interparlementaire France-Chine, vice-président de la région Rhône-Alpes, chargé des relations internationales, a présidé la session de clôture et piloté le quatrième atelier relatif à la méthodologie de la coopération décentralisée franco-chinoise . Le rôle joué par le Sénat correspond bien à l'ambition de la Délégation, qui sans se substituer aux collectivités pour mener à bien les actions de coopération, peut contribuer à dégager un certain nombre de bonnes pratiques , et à en assurer la diffusion, en parallèle à ses réflexions théoriques. Notons à cet égard que le rôle de l'ensemble des sénateurs est important, nombre d'entre eux étant impliqués dans des coopérations avec la Chine, en tant que représentants des collectivités dont ils sont les élus.
Le présent chapitre, partant de la situation politique, économique et sociale de ce pays, et de l'état des relations bilatérales, s'attachera à dégager les principaux enjeux de la coopération décentralisée franco-chinoise, dans le contexte actuel de décentralisation en France et en Chine, et d'ouverture croissante de la Chine vers l'extérieur. Il s'est appuyé notamment sur les débats qui ont eu lieu dans le quatrième atelier des assises, relatif à la méthodologie de la coopération décentralisée franco-chinoise, piloté par M. Jean Besson et dans lequel M. Jacques Valade est intervenu.
LA CHINE EN BREF
La Chine en chiffres 8 ( * ) Nom officiel : République populaire de Chine - Données géographiques Superficie : 9.561.000 km² Population : 1,3 milliard (estimation 2005) Capitale : Pékin (Beijing) Villes principales : Shanghai, Canton, Tianjin, Chongqing, Wuhan Langue officielle : Chinois (putonghua) Monnaie : Renminbi Yuan (1 CNY = 0,1 euro) Fête nationale : 1er octobre - Données démographiques Croissance démographique : 0,8 % (moyenne annuelle décennie 1995-2005) Espérance de vie : 71,6 ans Taux d'alphabétisation : 85,8 % Religions : bouddhisme, taoisme, islam, catholicisme, protestantisme Indice de développement humain (Classement ONU - 2003) : 0,755 - Données économiques PIB (2005) : 1.650 milliards de dollars US (France : 1 648,40 milliards d'euros en 2004) PIB par habitant (2004) : 1.270 dollars US (5003 USD en parité de pouvoir d'achat) (France : 26510 euros en 2004) Taux de croissance (2004) : 9,5 % Taux de chômage urbain (2004) : 4,1 % Taux d'inflation (2004) : + 3,9 % Balance commerciale : + 80,3 milliards de dollars US (pour les dix premiers mois de 2005) Principaux clients : Etats-Unis, Union européenne, Hong Kong, Japon. Principaux fournisseurs : Japon, Union européenne, Taiwan, Corée du Sud, Etats-Unis Part des principaux secteurs d'activités dans le PIB : agriculture : 15 % industrie : 53 % services : 32 % Exportations de la France vers la Chine : 5 milliards d'euros (2004) Importations françaises de Chine : 16,3 milliards d'euros (2004) Consulats généraux de France : Hong Kong, Shanghai, Canton, Wuhan, Chengdu et section consulaire de Pékin. Communauté française en 2004 : 11.854 Communauté chinoise en France : 50.200 (2003) |
Éléments de géographie et de démographie La Chine est le troisième pays du monde par la superficie (près de 9,6 millions de km², soit 17 fois la France) après la Russie et le Canada. Située en Extrême-Orient, entre la Sibérie et l'Asie du Sud-Est, elle constitue une masse continentale qui s'étend d'ouest en est sur 5000 km (du soixante-quatorzième au cent trente-cinquième méridien) et du nord au sud sur 5500 km (du cinquante-quatrième au dix-huitième parallèle). Elle compte 20.000 km de frontières terrestres et 18.000 km de façade maritime. Elle est bordée au nord-est par la Corée du Nord, au nord par la Russie et la Mongolie, à l'ouest par le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, l'Afghanistan, le Pakistan, au sud par l'Inde, le Népal, le Bhoutan, la Birmanie, le Laos et le Vietnam. La moitié ouest du pays est constituée de plateaux (Xinjiang, Tibet) et de montagnes qui sont les plus hauts du monde (4000 à 8000 m). On distingue au nord-est la plaine de Mandchourie encadrée de massifs boisés ; au nord la grande plaine de Chine, la vallée du Yang Tsé Kiang, encadrées de massifs montagneux, les plateaux du Gansu, Shaanxi, la presqu'île de Shandong, la plaine de loess du Fleuve Jaune ; au centre, les montagnes du Sichuan, le Bassin Rouge, les basses plaines du Yang Tsé ; au sud les montagnes du Yunnan, la plaine du Xi Jiang. Les fleuves jouent un rôle considérable dans ce pays essentiellement agricole. Les trois principaux sont : le Fleuve Jaune (Huanghe ou Houan-Ho), 5000 km, qui arrose un bassin d'un million de km² ; le Fleuve Bleu (Yangzijiang ou Yang Tsé Kiang), le plus long du pays avec 6100 km, qui couvre deux millions de km², le fleuve Amour (4300 km, qui délimite la frontière avec la Russie) et le Fleuve de l'Ouest (Xijiang ou Si-Kiang), 2100 km, qui se jette dans la Rivière de Canton. D'autres fleuves, très importants, traversent le territoire. Ce sont le Salouen, le Mékong, le Tsangpo (Brahmapoutre), le Soungarie (affluent de l'Amour) et enfin l'Ili qui se jette dans le lac Baïkal en Russie. Avec une population totale de 1,3 milliard d'habitants, la Chine est le pays le plus peuplé de la planète (20,7 % de la population mondiale). Si la densité moyenne est de 133 habitants au km², elle varie cependant de 1,8 sur les hauts plateaux du Tibet à 360 dans les provinces côtières et peut même atteindre 2200 habitants/km² dans les grandes villes comme Shanghai. La population n'est pas répartie de façon homogène sur l'ensemble du territoire ; de fortes disparités apparaissent entre l'est et l'ouest : le Henan, province la plus peuplée, compte 96 millions d'habitants tandis que le Tibet en compte 2,63. On estime que 60 % de la population vivent sur 1/5ème du territoire. Par ailleurs, 26 % des Chinois sont âgés de moins de quinze ans. La population active est constituée de 750 millions de personnes. La Chine est un Etat pluriethnique. Les Han constituent l'immense majorité de la population (92 %), les 8 % restant sont divisés en 55 minorités ethno-linguistiques. Les principales minorités sont : les Zhuang (15,5 millions), les Hui (8,6 millions), les Ouïghours (7,2 millions), les Yi (6,5 millions), les Miao (7,3 millions), les Mandchous (9,8 millions), les Tibétains (4,6 millions), les Mongols (4,8 millions), les Dujia, les Puyi, les Coréens, les Dong, les Yao, les Bai, les Hani, les Kazakhs, les Dai, les Li, les Lisu, les Russes... La population dite « flottante » est importante. Un immense mouvement de migration des campagnes vers les villes est engagé malgré les limitations apportées par le pouvoir central pour canaliser et gérer ces flots de travailleurs. Une politique volontariste a été mise en place, dans le but d'impulser un dynamisme économique dans des villes relais, pour éviter la saturation des grands centres urbains côtiers. L'objectif est à terme de garder ces populations issues de la paysannerie au plus proche de leur foyer de départ et d'éviter l'accroissement des inégalités régionales. L'un des objets de ces journées était ainsi de permettre à des villes chinoises « moyennes » d'engager des coopérations avec des collectivités françaises, et d'encourager un rééquilibrage des coopérations vers l'ouest du pays. |
A) LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES EN CHINE 9 ( * ) ENTRE AUTONOMIE ET SUBORDINATION
1. Les niveaux de collectivités locales
Contrairement à une idée reçue, la Chine n'est pas un Etat fortement centralisé. Le système politico-administratif est au contraire caractérisé par une forte décentralisation , adaptée à la taille et à la diversité du territoire. Cette décentralisation ne doit cependant pas être comprise dans la même acception que sa version française. En effet, les gouvernements locaux bénéficient d'une grande souplesse pour mettre en oeuvre des orientations générales définies par le gouvernement central, qui sont généralement exprimées en termes politiques, plus qu'en termes juridiques contraignants . Il ne s'agit ainsi ni de « déconcentration », ni de « décentralisation » à proprement parler. Le principal lien entre le gouvernement central et les collectivités territoriales est la loyauté politique, qui se matérialise par la tutelle du parti communiste .
Selon M. Cabestan, « les règles para-légales du parti communiste s'imposent à l'ensemble des collectivités locales ». Il note qu'après 1984, le système de désignation des dirigeants de collectivités a été décentralisé : le pouvoir de désignation des responsables des préfectures était ainsi passé aux mains des délégués des comités provinciaux du parti. Mais, depuis 1990, en raison de la montée en puissance des municipalités au détriment des provinces, le comité central a repris en main la nomination des responsables des villes de statut vice-provincial (voir infra ).
Il existe aujourd'hui en Chine les niveaux d'administration locale suivants :
- les provinces (22), les régions autonomes (5) et les grandes municipalités (4),
- les districts dits « xian » (à peu près à l'échelle de nos départements en termes démographiques), au nombre de 1 682, les petites municipalités (437) et les arrondissements urbains (749),
- et les cantons et bourgs (38 000).
En outre, on décompte 730 000 villages à la campagne et comités de rue en ville, dotés d'organes politiques mais ne disposant pas de services administratifs. Le parti communiste semble parvenir à orienter le résultat des élections désignant leurs dirigeants.
Ces échelons sont dirigés par des gouvernements locaux, lesquels sont responsables devant des assemblées populaires du même échelon. Les membres de ces assemblées sont en principe élus, mais sont dans les faits encore largement cooptés par le parti communiste, qui conserve sa tutelle sur le gouvernement local : le gouverneur ou le maire d'une collectivité locale est ainsi toujours le numéro deux du comité du parti.
Les zones économiques spéciales, bénéficiant d'un statut particulier, ont été instituées en 1979. Les municipalités concernées bénéficiaient d'une autonomie plus grande, en matière fiscale, d'accueil des investissements étrangers et d'import-export. Les autres collectivités ont cependant progressivement obtenu des avantages similaires. Par ailleurs, certaines grandes villes (Wuhan, Chongqing, Canton, Chengdu...) ont un statut « vice-provincial » , ce qui signifie que, dans un certain nombre de domaines, en particulier économique, elles peuvent traiter directement avec le gouvernement central et échapper à la tutelle des autorités provinciales.
Cette précision est importante puisque chaque niveau est supposé être sous la tutelle du niveau supérieur . En fait, les échelons réputés les plus puissants se situent au niveau des provinces et des districts , qui disposent de systèmes administratifs complets couvrant tous les sujets traités par l'administration centrale. Le niveau préfectoral apparaît comme une courroie de transmission et le niveau administratif de base des cantons et bourgs est considéré comme moins puissant, dans la mesure où il est moins doté en administrations.
2. L'autonomie législative des collectivités territoriales
L'article 99 de la Loi fondamentale prévoit que, « dans le cadre des compétences que leur confie la loi, les assemblées populaires adoptent et promulguent des règlements , examinent et décident les plans de développement économique et culturel locaux ainsi que le développement des services publics ».
En outre, aux termes de l'article 100, les assemblées de l'échelon provincial bénéficient d'un pouvoir quasi-législatif qui les autorise à élaborer des règlements locaux. Ces « lois locales », si elles ne doivent pas contrevenir à la Constitution ou aux lois nationales, ne sont soumises à aucun contrôle de légalité, ces textes étant simplement adressés au Comité permanent de l'assemblée populaire nationale. Or, le mouvement de décentralisation engagé au début des années 1980 a mené rapidement les collectivités à édicter des règlements contradictoires avec les lois nationales.
Depuis la fin des années 1990, des tentatives ont été faites pour rationaliser et encadrer ce pouvoir législatif local , en particulier avec la « loi sur la législation » entrée en vigueur en 2000. Ce texte détermine le champ de loi par rapport au règlement, précise la procédure législative nationale, et tente de faire mieux respecter la hiérarchie des normes par les autorités locales.
Mais pour conserver une grande souplesse dans le système, ne pas recentraliser d'une manière qui aurait été ingérable pour les autorités centrales, et pour conserver la possibilité d'utiliser les expérimentations locales afin de tester de nouvelles orientations, la loi sur la législation n'a pas défini de domaine de compétence spécifique pour le législateur local (contrairement au modèle français, par exemple). Il a, en revanche, introduit une obligation de transmission au niveau supérieur des règlements adoptés . Le comité permanent de l'assemblée populaire du niveau supérieur est chargé d'étudier la compatibilité entre les textes ainsi édictés et la règle émanant de son niveau. Cette transmission n'est cependant pas suspensive de la mise en oeuvre du texte. Dans la pratique, il s'avère en fait que le contrôle n'est pas effectif, en grande partie en raison de la masse des documents transmis. Le comité permanent de l'Assemblée nationale populaire centrale reçoit en effet plusieurs milliers de textes chaque année en provenance des provinces, qu'elle n'est pas en mesure d'étudier. Un service spécifique a été mis en place, à l'été 2004, au sein de la Commission des lois, pour effectuer ce contrôle.
En attendant que ce service soit pleinement opérationnel, les conflits entre législation nationale et législations locales, et entre les règles émanant des différents niveaux d'administration locale, risquent de durer. D'autant plus que la loi de procédure administrative de 1989 n'autorise pas le juge à les trancher , ou en tout cas pas explicitement. Cela signifie, en d'autres termes, que les partenaires des municipalités chinoises doivent s'attendre à être confrontés à des distorsions entre les normes juridiques nationales et locales.
3. Les compétences
Aux termes de la Constitution (art. 107) et de la loi de 1979 (art. 51, § 5 et art. 52, § 2), les gouvernements locaux établissent le plan de développement ainsi que le budget de leur circonscription et dirigent les domaines d'activités suivants : l'économie, l'éducation, les sciences, la culture, la santé publique, les sports, les finances, les affaires civiles, la sécurité publique, l'administration judiciaire, la planification des naissances « et les autres tâches administratives ».
Les textes publiés ne sont pas plus explicites. Ces prérogatives, à l'évidence, sont très larges. Mais elles doivent être précisées en fonction des règles connues et évolutives de répartition des compétences et, évidemment, des ressources financières dont disposent les collectivités locales.
MM. Jacques Valade et Jean Besson se sont attachés à développer, lors des assises, les compétences locales qui ont fait l'objet de discussions.
Les politiques du logement et de l'urbanisme sont du ressort, au premier chef, des municipalités.
Ces secteurs sont en effet financés localement. L'Etat central peut toutefois intervenir sur le rythme de construction, et certes réguler le marché par le truchement du système bancaire, qu'il contrôle.
Ces dernières années, ses interventions n'ont pu toutefois empêcher l'apparition, y compris dans les villes comme Shanghai, d'un surplus d'offre ou encore la construction de logements de mauvaise qualité et parfois inhabitables (donc destinés à être détruits). Il s'avère en fait que les marchandages entre le centre et les localités ainsi que le poids politique particulier de certaines régions au centre (dont Shanghai à l'époque de Jiang Zemin) constituent autant de facteurs d'autonomie réelle dans ce secteur en pleine expansion. Ces collectivités sont à la recherche d'expériences étrangères en matière de politique urbanistique, où elles jouent un rôle majeur.
La construction et l'entretien des infrastructures d'intérêt public (eau, électricité, gaz, lignes téléphoniques, aéroports, autoroutes et routes) sont également financés par les collectivités locales , soit par les municipalités, soit par les provinces. Restent contrôlées par Pékin certaines infrastructures, tel le réseau ferré qui est géré par un ministère central.
Or, la France possède justement une expertise dans ce domaine et l'expérience de nombreuses villes françaises constitue autant d'illustrations vivantes des solutions qui peuvent être apportées aux problèmes les plus criants qu'affrontent les villes chinoises. Ces problèmes sont nombreux mais l'on peut indiquer en priorité le traitement et l'adduction des eaux , la modernisation des réseaux électrique , gazier et téléphonique (fixe), le contrôle de la circulation routière en centre ville, le traitement des ordures ménagères et des déchets industriels, la protection de l'environnement et, en particulier, le contrôle du niveau de pollution atmosphérique en zones urbaine et périurbaine, et la création et l'entretien d'espaces verts.
Tous ces sujets sont autant de centres d'intérêt pour les responsables de collectivités chinoises qui se sont exprimés au cours des rencontres.
Il est utile de signaler qu'au cours de ces dernières années, les provinces, et surtout les municipalités chinoises, ont multiplié les relations horizontales de coopération mutuelle. Ainsi Shanghai a-t-elle mis en place une coopération spécifique avec le Xinjiang où de nombreux Han qui y sont implantés depuis les années 50 ou 60, sont originaires de cette métropole. Les villes infra-provinciales ont également tissé des liens, en général fondés sur une complémentarité économique, entre elles. Ainsi, Qingdao possède plus de 280 bureaux de liaisons à travers le pays, Dalian environ 200. Ces liens peuvent être mis à profit par les partenaires étrangers de ces villes afin d'améliorer leur implantation.
4. L'autonomie financière des collectivités locales
Dans les années 1980, afin de favoriser l'initiative locale, la collecte des impôts relevait des collectivités et le partage avec le pouvoir central était fondé sur un forfait obligatoire à reverser au budget central. La baisse relative de la place de l'Etat entre 1978 et 1993 l'a poussé à imposer une recentralisation partielle du système fiscal.
A partir de 1994, de nombreux impôts sont prélevés par le gouvernement central. En outre, un nouveau système de répartition des revenus fiscaux est mis en place. A chaque impôt est ainsi associée une clé de répartition différente. La « taxe industrielle et commerciale consolidée » (TVA) d'un taux uniforme de 17 % est ainsi partagée entre l'Etat et les collectivités, 75 % de son montant revenant à l'Etat et 25 % aux collectivités.
La part des revenus de l'Etat a augmenté pour atteindre 52 % des revenus budgétaires en 2001 (contre 33 % en 1993 et 57 % en 1981).
Néanmoins, près de la moitié des revenus fiscaux reste en Chine contrôlée par les collectivités, dont les charges sont, il est vrai, multiples. En outre, l'Etat a mis une grande partie de ces nouvelles ressources au service d'une politique de redistribution vers les régions pauvres . Il a en particulier mis en place un plan ambitieux de développement de l'ouest.
L'autonomie financière des collectivités leur assure une indépendance de gestion favorable à la coopération décentralisée.
B) LE DYNAMISME DE LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE FRANCO-CHINOISE
1. Panorama des collectivités engagées
La base de données ( http://www.diplomatie.gouv.fr/cncd ), établie par la délégation à l'action extérieure des collectivités locales du ministère des Affaires étrangères recense une centaine de liens ou jumelages engagés depuis les années 80, marquées par l'ouverture et les grandes réformes économiques du pays. Ces liens n'ont pas tous été maintenus ou suivis d'effet. On peut néanmoins considérer que, après la relance de ces dernières années et la mise en oeuvre de nouveaux partenariats, les 2/3 sont actifs. Notons que les initiatives des collectivités françaises en Chine ne relèvent pas toutes de la coopération décentralisée : ainsi par exemple de tel Bureau ouvert à Shanghai par telle grande collectivité qui a pour mission unique de faciliter la présence d'entreprises de ladite région qui n'a pas de lien conventionnel avec la province .
19 régions, 10 départements et 46 villes et communautés de France ont établi des liens, sous diverses formes, avec des provinces, municipalités et districts de Chine.
(a) Premier constat : le grand nombre de conseils régionaux
Le grand nombre de conseils régionaux (19 sur 26) qui s'investissent en Chine constitue une particularité de la coopération décentralisée franco-chinoise. Leurs responsabilités dans le domaine économique les a plus naturellement orientés vers l'Asie, et plus particulièrement en direction de la Chine. Ce constat est intéressant puisque, lors du colloque précité organisé au Sénat, il avait été montré le rôle important que pouvaient jouer les régions, en termes notamment de mise en commun des actions des différentes collectivités territoriales .
La complémentarité entre une région ou un département et sa principale métropole, ou entre plusieurs villes voisines peut être l'occasion d'occuper plus largement le terrain. Ont ainsi été évoqués les cas de la région Midi-Pyrénées et de la ville de Toulouse au Sichuan et à Chongqing, ou celui de la région Aquitaine et de la ville de Bordeaux à Wuhan dans le Hubei, dont les coopérations s'avèrent être à la fois durables et très larges dans leur champ d'activité . L'une des principales questions de ces rencontres était justement la recherche de synergies géographiques ou thématiques, ce qui n'empêche pas que chaque coopération conserve une identité propre .
17 provinces chinoises sont engagées et 5 autres sont concernées par l'implication de villes de leurs territoires. Ce sont principalement les provinces de l'Est. Mais le mouvement, parti de la côte Est, s'étend progressivement, à la demande des autorités chinoises, vers l'ouest du pays. Des relations privilégiées avec une province ou une ville de l'ouest chinois, parce que la concurrence y est moins forte et que la collectivité française sera mieux identifiée et attendue, constituent un atout pour avoir une coopération durable.
En nombre de collectivités françaises, ce sont les Provinces de Jiangsu (10), Pékin (9), Shandong (8), Zhejiang (6), Guangdong (6), Hubeï (6) et Liaoning (6) qui viennent en premier. Shanghai se caractérise plus par la présence de représentations ou bureaux d'appui.
(b) Les partenariats anciens
Les collectivités engagées depuis longtemps en Chine disposent (ou ont disposé) sous des formes diverses de structures permanentes. Il peut s'agir de missions confiées à des cabinets professionnels ou de collaborations avec des chambres consulaires mais aussi de véritables représentations à vocation le plus souvent économique et commerciale, mais parfois plus larges :
- la région Alsace à Pékin,
- la région Nord-Pas-de-Calais à Pékin,
- la région Bretagne à Qingdao (Shandong),
- la région Rhône-Alpes (E.R.A.I.) à Shanghai,
- la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à Canton,
- la région Languedoc-Roussillon à Shanghai,
- le département des Hauts-de-Seine à Nankin (Jiangsu),
- la ville de Nice à Hangzhou (Zhejiang),
- la ville du Havre à Dalian (Liaoning),
- la ville de Toulouse à Chongqing,
- les villes de Paris et Lyon à Pékin.
(c) Les partenariats récents
Certaines grandes collectivités qui se sont engagées plus récemment, l'ont souvent fait dans le cadre d'une réflexion stratégique et politique en rapport avec l'ensemble de leurs territoires : ainsi, par exemple, de l'engagement récent de la région Auvergne avec le Liaoning où investit la société Michelin, sur la suggestion du ministère des Affaires étrangères. Elles ont pleinement bénéficié des relais que constituent les ambassades et les missions économiques qui - elles l'ont démontré lors des rencontres - ont pleinement intégré le rôle de la coopération décentralisée dans l'approfondissement des relations franco-chinoises.
En outre, les collectivités engagées depuis longtemps ont eu l'occasion de leur faire part de leurs expériences. L'un des points positifs de ces rencontres a été la mise en commun d'expériences et de bonnes pratiques de coopération , dont ont profité les collectivités encore peu présentes en Chine.
Les relations avec les consulats comme avec l'Ambassade et les institutions publiques présentes en Chine (AFD ou mission économique par exemple) constituent, pour les élus et leurs collaborateurs, un atout désormais mieux valorisé et utilisé.
2. Les thématiques
Les responsables des collectivités locales chinoises sont, en quelque sorte, des entrepreneurs évalués sur les résultats économiques enregistrés par leur circonscription. Le thème de coopération prioritaire des collectivités est ainsi celui des échanges économiques . Il représente 21,1 % du total des coopérations, mais la proportion est plus importante pour les départements (presque un tiers de leurs coopérations) et les régions (25 % de leurs coopérations).
Les collectivités ont le plus souvent un simple rôle d'intermédiaire, qui informe les acteurs économiques français et assure leur mise en relation avec des partenaires chinois potentiels. Les projets concrets semblent en effet assez difficiles à mettre en oeuvre. Les méthodes d'intervention sont les suivantes :
- envoi ou accueil de délégations d'entreprises, participation d'entrepreneurs dans les délégations officielles (concerne presque toutes les collectivités ayant une coopération économique),
- présence sur les salons, les foires, les forums,
- constitution d'une banque de données destinée à faciliter l'information sur les offres de partenariats d'entreprises françaises et chinoises (conseil régional de Lorraine), création d'un annuaire économique de la collectivité partenaire (conseil général du Territoire de Belfort),
- bureaux de représentation permanente. Dix collectivités au moins en disposent : la région Alsace, la région Bretagne, la région Rhône-Alpes, la région PACA, la région Languedoc-Roussillon, le département des Hauts-de-Seine, la ville du Havre, la ville de Nice et la ville de Toulouse,
- aide à l'implantation des entreprises françaises en Chine : aide administrative le plus souvent (par exemple, conseil général des Hauts-de-Seine), participation financière parfois (participation du conseil général de l'Orne à l'implantation d'une filiale de la société Normandie Bois Entreprise en Chine),
- réalisation de projets dans le cadre de programmes européens (réalisation par le conseil régional de Lorraine du projet ECHIBUSA - EU-China Business Approach - dans le cadre du programme EU/China LAL - Local Authority Linking Programme),
- échanges d'expérience dans le domaine du soutien aux PME-PMI (conseil régional Provence-Alpes-Côte-d'Azur avec le gouvernement de la Province du Guangdong),
- échanges économiques dans un domaine précis (par exemple, industrie automobile - Montreuil).
Pour les autres domaines et thématiques, une enquête, réalisée en 2004 par Cités Unies France à la demande du délégué pour l'action extérieure des collectivités locales, fournit les indications suivantes : enseignement et éducation, échanges scolaires et universitaires (15 % des coopérations), culture et francophonie (12 %), patrimoine et tourisme (10 %), sciences et techniques (10 %), environnement (6 %), formation professionnelle (6 %), agriculture et agroalimentaire (5 %), gestion des service publics locaux, aménagement du territoire et formation des cadres territoriaux (6 %).
La coopération décentralisée franco-chinoise ne se limite cependant pas au secteur économique. Elle touche aussi le secteur éducatif et universitaire, avec notamment le développement de l'enseignement de la langue et de la civilisation chinoises. La recherche constitue un secteur clé pour les régions (la région PACA et Marseille ont développé des échanges avec les établissements d'enseignement supérieur et de recherche de Shanghai). De nombreux étudiants chinois sont accueillis dans des universités françaises grâce à l'appui des régions : la Lorraine ou le Nord-Pas-de-Calais accueillent de très nombreux étudiants chinois. La coopération dans le domaine urbain et des transports tend également à se développer (Rhône-Alpes).
C) LES ENJEUX DE LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE FRANCO-CHINOISE
La forte mobilisation des collectivités territoriales françaises et chinoises pour les premières rencontres de la coopération décentralisée a démontré que la coopération décentralisée est devenue un enjeu majeur des relations bilatérales franco-chinoises. Les collectivités territoriales ont pleinement conscience de leur intérêt à mener des actions de coopération décentralisée afin d'encourager le développement local. Cependant, le contenu et les objectifs des coopérations ne font pas forcément l'objet d'un consensus. Or, une coopération efficace nécessite de bien mesurer les attentes des partenaires. Bien que chaque coopération soit différente, il semble possible de décrire à grands traits les objectifs et méthodes des Chinois, d'une part, et ceux des Français, d'autre part.
1. Les objecti fs et méthodes des autorités chinoises en matière de coopération
(a) Les objectifs du gouvernement chinois
Si le mot d'ordre dans les années 90 était la croissance à tout prix, les années 2000 sont placées sous le signe du respect des équilibres. Ainsi, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, M. Kong Quan, déclare-t-il que la Chine veut, avant tout, promouvoir un environnement stable , favorable au développement.
Les équilibres géographiques, entre l'Ouest et l'Est et entre villes et campagnes, ainsi que les équilibres sociaux sont recherchés, avec une attention nouvelle portée aux habitants des campagnes : ceux-ci connaissent en effet de graves difficultés en matière d'accès à l'éducation de base et aux soins .
Les enjeux environnementaux sont, en outre, de plus en plus présents : la pollution affecte gravement la qualité de l'eau, et le nombre de décès par maladies respiratoires est estimé à 2 millions par an. L'urbanisation et la croissance économique ont un impact majeur sur la consommation de ressources (pétrole et charbon), rendant impérative une gestion plus rationnelle. Deuxième pollueur mondial et deuxième importateur de pétrole, la Chine souhaite prendre toutes les mesures permettant de limiter sa consommation d'énergie, d'une part, et de réduire les effets négatifs de la croissance, d'autre part. Dans la perspective de sa participation au protocole de Kyôto en 2012, elle souhaite apparaître comme un modèle en matière de gestion des ressources.
La volonté de l'Etat central de brider la croissance peut notamment passer par un contrôle accru des projets de développement des gouvernements locaux . Toutefois, même lorsqu'elles sont contenues dans leurs initiatives, les collectivités locales chinoises restent maîtres d'oeuvre des politiques publiques et des projets d'intérêt local.
(b) Les objectifs des collectivités territoriales chinoises
Les collectivités locales chinoises ont intégré la recherche de partenariats opérationnels à leur stratégie de développement . Dès le début de l'ouverture, de nombreuses délégations d'experts ont été envoyées aux Etats-Unis et dans l'Union européenne. Cette stratégie se poursuit : les délégations chinoises montrent une grande curiosité et une très bonne connaissance des domaines concernés. Leur intérêt se porte principalement sur la formation des ressources humaines , le transfert de technologies et, en ligne de mire, la création d'emplois .
La crise des entreprises d'Etat menace la stabilité sociale (chômage urbain, disparition du système de prestations sociales) et, par là, la légitimité des autorités locales à gouverner. La coopération économique est donc une priorité, mais celle-ci est envisagée dans le cadre d'un gain réciproque . Les Chinois comprennent très bien que les partenaires aient leurs propres ambitions, qui constitueront justement la base de la négociation. Les Chinois parlent d'une « economic cooperation for mutual benefit » (« coopération économique pour un bénéfice mutuel »), qui constituait un objectif clairement indiqué dans le titre des rencontres de la coopération décentralisée, en chinois, qui était : « Amitié, Coopération, Développement et Profit réciproque ».
Force est de reconnaître que la Chine est aujourd'hui une cible privilégiée pour toutes les collectivités locales européennes, au premier rang desquelles on trouve l'Allemagne et l'Italie. Leur politique volontariste n'est pas sans rapport avec les bons résultats économiques de ces pays en Chine. Il n'est donc pas exagéré de dire qu'il existe un marché de la coopération décentralisée en Chine, de plus en plus compétitif.
(c) Les méthodes
Plusieurs collectivités françaises estiment qu'il est difficile de saisir les méthodes de leurs partenaires chinois.
La pratique des visites ponctuelles , souvent inopinées, n'offre en effet pas une grande visibilité. Elle renvoie à une des caractéristiques du développement chinois actuel : le pragmatisme. Les Chinois ne cherchent pas un modèle de développement, mais des solutions pratiques à leurs problèmes . C'est un pragmatisme entreprenant : une ouverture et une curiosité sans but affiché, qui les rendent disponibles à la recherche de solutions. Là est la clef pour comprendre l'ouverture chinoise : loin d'être une transition de 25 ans, c'est une combinaison de méthodes , techniques , expériences empruntées ou puisées dans son passé, jugées efficaces pour résoudre ses problèmes et pouvant être adaptées à ses propres contraintes. Face à cela, les Français sont en général plus enclins à proposer des visions d'ensemble et des concepts explicatifs, ce qui peut provoquer quelques incompréhensions.
2. Les objectifs français
Les collectivités sont amenées à jouer un rôle croissant dans la coopération franco-chinoise : en effet, d'une part, les collectivités françaises ont un rôle de plus en plus grand dans le développement et l'aménagement du territoire, et d'autre part, les autorités locales chinoises, largement autonomes, exercent des compétences dans de très nombreux domaines.
La coopération décentralisée est à choix multiples. La rencontre entre dirigeants politiques locaux peut avoir plusieurs intérêts, que chaque interlocuteur peut vouloir privilégier.
En matière économique, les collectivités françaises ont un regard souvent contradictoire sur la Chine : il s'agit d'un grand marché émergent ouvrant les bras à nos biens et services, mais également d'une puissance économique dont le développement semble compromettre des emplois en France. Le bénéfice mutuel souligné par les partenaires chinois indique bien que les entreprises étrangères sont invitées à faire des affaires en Chine, mais que cela doit passer par des créations d'emplois.
Plusieurs faits doivent cependant être mentionnés.
En premier lieu, les délocalisations en Chine existent mais restent très faibles. Les implantations en Chine (exemple de Peugeot à Wuhan) sont principalement destinées à alimenter le marché chinois et ses voisins dans une logique d'expansion de l'entreprise. Aujourd'hui, 30 % de la production industrielle chinoise est ainsi le fait d'entreprises à participation étrangère.
En second lieu, la concurrence économique en Chine est déjà très rude et la France a tout intérêt à s'y engager, d'autant que, comme l'ont souligné plusieurs intervenants, les collectivités territoriales françaises doivent démontrer leur importance économique pour être prises au sérieux par les Chinois. Certaines villes ont témoigné de la difficulté d'une approche qui serait uniquement culturelle.
Cette approche économique n'empêche pas d'autres formes de coopération d'exister, notamment universitaire. L'Etat français encourage ainsi très fortement ces initiatives (ARCUS, programme 100 architectes), qui ont été décrites lors des rencontres.
Ces échanges, hors de la sphère économique, permettent de rendre durables les relations et finalement de renforcer l'ensemble de la coopération.
Les sénateurs qui ont participé aux Assises, ont pu constater que les partenaires chinois marquaient de plus en plus d'intérêt pour la coopération culturelle. M. Chen Haosu, président de l'Association pour l'amitié avec les peuples étrangers, a ainsi déclaré à plusieurs reprises lors des rencontres que l'identification culturelle réciproque était fondamentale dans la coopération décentralisée. Les nouveaux défis de l'ouverture de la Chine ne résident pas seulement, selon lui, dans le développement des échanges économiques, mais également dans l'approfondissement des rapports humains entre les partenaires. M. Jacques Valade a constaté que les délégations chinoises accueillies par la ville de Bordeaux avaient peu à peu modifié leurs demandes. Les premières délégations avaient un intérêt purement économique. Mais l'intérêt en matière de formation s'est ensuite accru, puis, plus récemment, pour les échanges culturels.
Les partenaires français peuvent avoir leurs propres objectifs dans une coopération avec une collectivité chinoise. De nombreux partenariats semblent cependant s'essouffler au-delà des premières actions. Il faut y voir le signe d'une mauvaise adaptation aux attentes des Chinois qui restent fondamentalement économiques, mais aussi d'une coopération qui ne se pense pas assez en termes d'objectifs et donc de résultats . Les acteurs chinois jugent au final l'efficacité d'une relation à ses résultats économiques et techniques .
D) ÉLÉMENTS DE MÉTHODOLOGIE POUR LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE FRANCO-CHINOISE
Le volet des rencontres consacré à la méthodologie a suscité quelques pistes de réflexion nouvelles. Les intervenants de l'atelier méthodologie se sont tous interrogés sur les modalités de mise en place des partenariats franco-chinois et sur les moyens de faire les faire durer, questionnement repris lors des séances plénières.
1. Débuter un partenariat
(a) Recenser les initiatives
La volonté politique d'engager une coopération doit s'accompagner d'un recensement des initiatives existantes sur le territoire en matière de coopération franco-chinoise. Quatre avantages majeurs ressortent de cette démarche :
Le recensement des ressources : on pense en particulier à la maîtrise de la langue chinoise . Les étudiants chinois, les particuliers et les associations peuvent être mis à contribution pour soutenir la coopération : accueil des délégations, traduction de documents et clarification des différences culturelles. La connaissance du terrain des différents réseaux est primordiale. Les collectivités ayant un consulat chinois sur leur territoire en font, au demeurant, bon usage, à l'image d'Issy-les-Moulineaux ou de l'Alsace.
La mise en place de synergies : les différents acteurs peuvent être associés au projet global et échanger des ressources sur des projets précis : le couple formation linguistique / formation technique revient souvent, impliquant universités, entreprises et associations. Une formation technique aux métiers de l'automobile a été mise en place par la région Lorraine et la province du Hubei, en liaison avec un constructeur français implanté en Chine.
La mise en réseau des initiatives d'un même secteur : elle demande une importante volonté politique, dans la mesure où elle implique un travail préalable en commun , une tentative de synthèse et une importante coordination . Une solution plus aisée revient à financer un volet « partenariat » à côté de la structure de coopération institutionnelle en place, en précisant par contrat le rôle de chacun. En visant la complémentarité et en finançant les programmes existants, sont économisées de nombreuses ressources.
Notons que les coopérations de collectivités à collectivités sont parfois la résultante d'initiatives déjà engagées au niveau local, dont elles prennent le relais.
Visibilité : l'appui de la collectivité, outre les ressources financières qu'elle apporte, induit un « effet de labellisation » qui donne un réel crédit aux yeux du partenaire chinois.
(b) Bien choisir la collectivité
Les collectivités françaises sont forcément moins peuplées que leurs partenaires chinoises. Ceci ne gêne en aucune manière la coopération. Toutefois, pour une collectivité qui souhaiterait engager un partenariat, certaines indications peuvent être utiles.
Les premières coopérations se sont naturellement concentrées dans les régions côtières. C'est là que la présence économique française est la plus marquée. De fait, des villes, comme Shanghai ou Pékin, constituent d'excellentes vitrines pour nos savoir-faire. Pourtant, tout le monde ne peut pas être jumelé avec les grandes villes ou provinces de l'est. Un meilleur quadrillage est souhaitable , d'autant que les régions du centre et de l'ouest ont un potentiel de développement élevé.
Le partenaire idéal peut être identifié en tenant compte des problématiques communes et donc du potentiel de coopération. Par exemple, la région Lorraine et la province du Hubei se sont associées autour des reconversions industrielles, la communauté urbaine de Brest et la ville de Qingdao autour des activités nautiques. La localisation géographique (littoral, zones de montagne, zones urbaines/rurales) joue un rôle important ainsi que les activités économiques dominantes sur le territoire.
Quant au choix de l'interlocuteur, il peut poser problème dans la mesure où les différents intervenants n'ont jamais leur exact homologue du côté chinois, d'où les difficultés à mettre en place les groupes de travail, et à identifier les interlocuteurs opérationnels. Généralement, on s'adresse à la fois au vice-maire ou vice-gouverneur dont les responsabilités couvrent le secteur concerné, et au responsable des ministères aux mêmes niveaux (municipal ou provincial). Les principaux sont le ministère de la science et des technologies (MOST) et le ministère de la construction (MOC) qui s'occupe, entre autres, de la planification urbaine.
(c) Dissiper quelques malentendus culturels
Les différentes interventions ont pu permettre aux sénateurs présents d'identifier quelques caractéristiques culturelles chinoises qui jouent un rôle important en matière de coopération décentralisée, à savoir l'importance du relationnel et du lien de confiance entre les partenaires , et un certain attentisme chinois dans le début de la relation , qui doit conduire les collectivités françaises à être à la fois patientes et réactives.
Selon l'ensemble des témoignages, une première phase de la coopération doit être consacrée à la connaissance de l'autre . En Chine, l'engagement découle du lien de solidarité tissé entre deux personnes. Selon M. Jean-Pierre Brard, député-maire de Montreuil, il faut d'abord « bien connaître ses partenaires, s'assurer de la pertinence des projets et de leur faisabilité par une meilleure connaissance réciproque ». Cette première étape peut être assez longue, et coûteuse, lorsqu'il s'agit d'envoyer des délégations.
Le climat de confiance et la compréhension des attentes mutuelles , peuvent aboutir à la signature d'un document contractuel , pratique commune aux Chinois et aux Français. Toutefois, deux différences sont à souligner : d'une part, l'engagement personnel reste plus important que le contrat pour les Chinois, et d'autre part, la volonté de s'inscrire dans un cadre programmatique et méthodologique précis est plus présente chez les Français que chez les Chinois, plus souples sur les moyens de la coopération. L'approche chinoise eu égard aux méthodes utilisées est en effet expérimentale, privilégiant les petits pas : le résultat de chaque action doit être validé, avant de passer à l'étape suivante.
Par ailleurs, M. Pierre Mayet, président des ateliers internationaux d'urbanisme de Cergy-Pontoise, indique que lorsque la confiance est établie et une convention signée, les Chinois peuvent faire preuve d'un certain attentisme. La résolution du partenaire à mener à bien les premières initiatives est alors un gage d'efficacité pour la coopération. En effet, les Chinois préfèrent réagir aux propositions plutôt que les formuler. La concrétisation des actions doit être rapide pour que la partie chinoise se manifeste, mais celle-ci respecte alors scrupuleusement la parole donnée.
(d) Les axes de la coopération
La coopération décentralisée franco-chinoise présente des caractéristiques particulières, qui obligent à adapter la démarche des collectivités françaises : étendue du champ politico-administratif, croissance très rapide et à grande échelle dans un contexte de compétition mondiale.
Dans ces conditions, il s'agit pour la France de faire valoir ses spécificités et de s'engager rapidement sur ses points forts avec des moyens très importants. Il convient par conséquent de mener une réflexion approfondie sur ce qu'elles savent faire, et sur les perspectives offertes par un partenariat avec une collectivité chinoise.
1 - La coopération commerciale et économique
Les partenariats présentant un fort potentiel de coopération dans les domaines techniques et économiques sont appréciés, dans la mesure où les Chinois souhaitent avant tout moderniser leur appareil productif et former leurs ressources humaines. De fait, les partenariats qui intègrent ces dimensions sont les plus actifs.
Le volet commercial est en général le moteur de la coopération franco-chinoise. A cet égard, des pouvoirs publics français peuvent y encourager, inquiets de voir notre solde commercial bilatéral se dégrader. Il est aussi une priorité pour nos interlocuteurs chinois. A ce titre, ils sont amenés à solliciter des délégations de PME-PMI françaises pour leur présenter le potentiel économique et les structures d'accueil (exemple : la « vallée optique », dans la Province du Hubei).
L'accompagnement des initiatives commerciales par les collectivités territoriales peut prendre des formes diverses.
Les entreprises françaises doivent apparaître comme sérieuses et attractives, ce qui passe par la qualité des réalisations mais également par un travail de lobbying en amont, par exemple dans le secteur des hautes technologies, où la France n'apparaît pas spontanément comme la mieux placée en Europe. Des délégations économiques ont intérêt à se joindre aux délégations officielles.
Quelques collectivités optent pour le financement de stands dans les foires internationales chinoises ou pour l'invitation d'entreprises de la collectivité partenaire à leurs propres foires (ville de Nice). Des retombées positives pour les entreprises sont généralement observées à moyen terme. Mais certaines agences de développement contestent leur efficacité, en faisant remarquer que les accords obtenus à cette occasion sont souvent illusoires, le travail le plus important restant à fournir ensuite pour obtenir une confiance réciproque. La mise en relation d'entreprises françaises et chinoises serait donc plus efficace si elle s'appuyait sur un réseau de relations (notamment via les chambres de commerce et les agences de développement) plutôt que sur des rencontres spontanées.
De plus, certains regrettent la frilosité des PME pour l'international en général, et la Chine en particulier, qui s'ajoute au problème de masse critique, en particulier quand les foires sont très spécialisées. Il convient donc de mobiliser les partenaires économiques très en amont.
Les collectivités s'appuient aussi sur les agences de développement, pour leurs compétences et leurs connaissances de l'environnement économique local. A la communauté urbaine du Mans, l'Agence de développement économique du Mans (ADEMA) est le véritable porteur du projet économique de la coopération franco-chinoise ; à Montreuil, les acteurs privés du secteur économique sont accompagnés par l'Association montreuilloise pour le développement de la coopération internationale. En Alsace, la mission est assurée par l'Agence de développement de l'Alsace (ADA) et son bureau de Pékin.
Une part importante de leur travail est de préparer les entrepreneurs aux risques et opportunités du marché chinois. Si certains entrepreneurs comptent surtout sur un appui opérationnel à l'étranger, d'autres recherchent plutôt des informations pour préparer en amont leur développement. Ainsi, le Territoire de Belfort élabore un annuaire des entreprises chinoises de la municipalité partenaire. Dans le cadre du programme européen EU/CHINA LAL, la région Lorraine a reçu la visite d'une délégation de la commission des affaires économiques de la Province du Hubei. Ce projet vise à la constitution d'une banque de données destinée à faciliter l'information sur les offres de partenariat entre les entreprises lorraines et chinoises. La mise à disposition de compétences spécifiques, notamment linguistiques pour la rédaction des contrats, est également recherchée. Les synergies avec la coopération universitaire sont à encourager, avec notamment la mise en place d'annuaires d'anciens étudiants français et chinois.
Les collectivités disposant de moyens suffisants ont installé une représentation en Chine. Celles-ci ont le plus souvent une vocation économique. Elles sont situées de préférence à Pékin ou Shanghai, plus rarement dans la province partenaire (bureaux économiques du Havre Normandie, des Hauts-de-Seine, de Provence-Alpes-Côte d'Azur). Le porteur de projet peut être l'Agence de développement, comme c'est le cas pour les régions Nord-Pas-de-Calais et Alsace.
Outre les missions de recherche de partenaires et d'études de marché, un appui opérationnel aux entreprises est parfois proposé. Les représentations permettent d'éviter des déplacements coûteux, et leur proximité avec les acteurs économiques favorise le nécessaire travail de longue haleine pour négocier avec les entreprises locales. Les structures proposant un suivi commercial de longue durée sont plus rares : ERAI (Entreprises Rhône-Alpes International), mise en place par le conseil régional, est souvent citée en exemple. Cette agence, installée en 1991, offre aux entreprises notamment un service de conseil et un hébergement dans un hôtel d'entreprises. En 2001, ERAI était à l'origine de l'implantation en Chine d'un tiers des entreprises régionales. De son côté, la chambre de commerce et d'industrie du Doubs a choisi de contractualiser avec un nombre restreint d'entreprises (cinq).
L'installation doit répondre à une réelle attente des acteurs économiques. Lorsque plusieurs institutions participent au financement, il est important que ses missions soient clarifiées, afin d'éviter la dispersion. En Allemagne, ces bureaux (sociétés pour la coopération économique) s'autofinancent sur leurs actions de conseil et en louant une partie de leurs locaux aux entreprises.
La coopération économique proprement dite résulte d'une action concertée entre partenaires institutionnels français et chinois. Il s'agit de mettre des ressources en commun pour soutenir les entreprises désireuses de s'implanter à l'étranger, notamment par le biais des incubateurs d'entreprises. C'est la démarche adoptée par les communautés urbaines du Mans et de Montpellier. Pour cette dernière, le programme comporte les mesures suivantes : assistance d'un conseiller, accueil et hébergement de personnel, mise à disposition d'un bureau et insertion dans l'environnement économique local. Les accords sont passés sur une base de réciprocité, avec un co-financement chinois. Mais il faut relever que tous les partenaires doivent avoir un fort potentiel économique dans les technologies de pointe, ce qui limite la généralisation du programme.
Les partenariats les plus avancés ont vu se concrétiser des programmes communs de recherche-développement, à l'exemple de la coopération entre la ville et la communauté urbaine de Bordeaux, d'une part, et la ville de Wuhan, d'autre part, sur la production de batteries pour véhicules électriques. Généralement, les actions visant à un transfert de technologies dans les domaines de l'ingénierie urbaine sont l'occasion de mettre en relation des entreprises des deux pays travaillant sur un même segment, avec des résultats commerciaux positifs.
2 - La coopération scientifique
La coopération scientifique est un objectif majeur des autorités chinoises. C'est aussi un secteur dans lequel la France est en compétition avec les établissements anglo-saxons. Il y a 50.000 étudiants chinois en Grande-Bretagne, contre moins de 10.000 en France. Le système chinois est basé sur la sélection permanente des meilleurs éléments. Le concours d'entrée à l'Université est déterminant. Le ministère chinois de l'Education a mis en place dans certains établissements des filières d'excellence considérées comme « disciplines clés d'Etat » : études d'ingénieur, économie/gestion, lettres et langues. C'est sur ces filières « d'ouverture » que doit se concentrer la coopération. Au niveau des lycées, les échanges les plus recherchés portent sur les filières techniques et professionnelles. L'ambassade de France en Chine développe à ce titre un outil de sélection des étudiants, le CELA (Centre d'évaluation linguistique et académique), qui gère aussi les procédures d'octroi des visas. Les Chinois apprécient particulièrement la coopération avec la France dans le domaine de l'éducation car le système correspond à leurs attentes : centralisation pour les programmes, autonomie de gestion, association d'établissements publics et privés sous contrat.
L'explosion de la demande d'études à l'étranger s'explique par les faibles capacités d'accueil des universités et par le nombre limité de formations doctorales. Ainsi peut-il être intéressant de travailler en partenariat avec les lycées chinois et les universités françaises pour proposer des opportunités aux étudiants dès le premier cycle d'études supérieures. Pour les formations doctorales, les demandes proviennent d'étudiants chinois ayant obtenu leur premier diplôme universitaire. Aussi peut-on préconiser la mise en place de filières conjointes, qui constituent un moyen durable de soutenir les échanges et peuvent déboucher sur des coopérations dans le domaine de la recherche.
On a déjà parlé des synergies autour de l'enseignement du français, en préalable à d'autres échanges. On constate aussi que les liens tissés entre les étudiants chinois et leur région d'accueil créent un vivier de compétences, pour le secteur privé comme pour le secteur public. En outre, même si les étudiants n'ont pas réellement de réseaux de relations en Chine, ils peuvent être des relais précieux. La mairie de Montreuil utilise ponctuellement les services d'une ancienne étudiante chinoise devenue aujourd'hui fonctionnaire au Service du développement économique de Changchun, la ville partenaire.
3 - La promotion générale de la collectivité
La promotion du territoire peut correspondre à plusieurs objectifs, notamment celui de la connaissance mutuelle à travers l'organisation de manifestations culturelles. Pour certaines collectivités, les manifestations culturelles ont été l'occasion d'un premier pas avec le partenaire chinois. Mais les résultats sont variables : dans certaines villes, les initiatives ont connu des blocages, notamment d'ordre financier, les conduisant à limiter leur action à l'accompagnement des initiatives privées.
Cet objectif de connaissance mutuelle, dont on a souligné plus haut l'importance dans le contexte franco-chinois, est difficile à concrétiser. Il peut utilement être intégré dans un programme de promotion touristique et économique, comme l'a préconisé Mme ZANG Aimin, maire-adjointe de la ville de Qingdao. La connaissance mutuelle est un élément important de la coopération, mais n'est pas une fin en soi pour les Chinois.
Derrière la recherche d'une meilleure connaissance mutuelle, on trouve en fait souvent la notion de prestige. Et en Chine, l'excellence doit surtout se manifester dans la performance technologique , ce qui plaide encore une fois plutôt pour donner une priorité aux coopérations dans les domaines scientifique et économique.
2. Faire vivre un partenariat : rechercher les synergies fonctionnelles
Le maire-adjoint de la ville de Wuhan, M. Yuan Shanla a dégagé cinq grands principes nécessaires à la pérennisation d'une coopération décentralisée :
- établir des liens fréquents,
- maintenir une liaison étroite et permanente,
- instaurer des échanges d'information,
- partager les ressources,
- promouvoir l'interactivité entre les entreprises françaises et chinoises.
Cela passe par la capacité à mobiliser les acteurs de son territoire, notamment par l'utilisation des relais institutionnels.
(a) Mobiliser les acteurs de son territoire
La coopération décentralisée met en jeu les trois ressources centrales d'une collectivité territoriale : ses compétences propres, en apportant au partenaire une aide technique ; sa capacité de financement, pour soutenir les porteurs de projets et développer des structures ; et sa connaissance du territoire, pour susciter des partenariats autour d'un projet global.
La connaissance du territoire permet de répondre à l'impératif de mobilisation et de concertation, primordial dans la coopération décentralisée franco-chinoise, du fait de la différence de statut entre collectivités françaises et chinoises.
Les collectivités chinoises, outre qu'elles sont étendues et très peuplées, disposent d'un fort pouvoir d'orientation sur l'initiative privée ou institutionnelle. Les entreprises, notamment, sont dépendantes des banques, gérées par l'Etat, et au sein desquelles les gouvernements locaux ont souvent une participation financière. Leur coopération avec l'étranger sont en outre soumises à approbation. Par ailleurs, les collectivités chinoises ont des capacités souvent supérieures à leurs homologues françaises : elles peuvent, par exemple, décharger dix fonctionnaires de leurs responsabilités pour un enseignement intensif de français de plusieurs mois, avant de les envoyer en mission en France. Ces capacités représentent un atout certain pour la coopération décentralisée. Mais, symétriquement pour répondre aux attentes chinoises, il est capital d'associer l'ensemble des partenaires locaux. Dans la mesure où cette mobilisation peut être plus longue en France, il est également important que les différents acteurs (universités, entreprises, société civile) soient associés à tous les stades du projet. La stratégie de coopération internationale avec la Chine d'une collectivité passe par la mobilisation des acteurs dans la relation dès les premiers contacts, afin de pouvoir faire preuve d'une grande réactivité.
Le rôle de la collectivité peut être vu comme celui de facilitateur, de médiateur. Elle fixe les lignes directrices du partenariat, en s'appuyant sur sa connaissance du terrain, ce que traduit la convention de coopération. Elle constitue aussi un cadre d'impulsion et de concertation, face à un partenaire chinois doté de fortes capacités, bien que généralement plus passif. Ensuite, le rôle qu'entend jouer la collectivité est variable. La ville d'Issy-les-Moulineaux, par exemple, continue de centraliser les informations concernant la coopération entre lycées. A l'inverse, la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur souhaite voir ses partenaires locaux s'impliquer d'avantage dans la gestion des projets. De même, la communauté urbaine de Brest définit ainsi son rôle : mettre en relation les acteurs locaux des deux villes ; être le moteur d'une dynamique que les partenaires sont chargés de mettre en oeuvre par leur savoir-faire.
(b) La recherche de relais institutionnels
1 - La coopération des collectivités territoriales au sein de
l'espace régional
Pour répondre à la demande chinoise et s'adapter à l'échelle du pays, une concertation peut également être menée à l'échelle régionale.
Un recensement des coopérations à l'échelle régionale permet d'orienter les différentes collectivités vers un ou plusieurs secteurs, en fonction des compétences ou des priorités de chacun. La mise en place d'un groupe de concertation peut constituer un espace de mutualisation des ressources (pour la traduction, l'implantation locale : exemple de région Bretagne/Rennes et Strasbourg/Alsace).
Ces coopérations entre territoires permettent de surmonter les limites fixées par les compétences de chacun. Les collectivités chinoises disposent en effet de compétences élargies, chaque échelon ayant autorité sur celui placé en dessous, avec les mêmes compétences sectorielles. En France, la recherche des complémentarités entre une région, un département et leur principale métropole, ou entre plusieurs villes voisines, permet d'accroître l'étendue des compétences. Elle donne aussi la possibilité à des villes de moindre importance d'apporter leur contribution au sein de ce groupement. Par exemple, la ville de La-Roche-sur-Yon envisage de se rapprocher d'autres villes coopérantes de sa région pour offrir, en réseau, d'autres perspectives à son partenaire chinois, Zibo, dont la taille et les compétences sont supérieures à ce que la ville peut offrir . Les attentes des partenaires chinois sont principalement économiques. Or, il leur est difficile d'atteindre une masse critique et une offre suffisamment diversifiée sans s'appuyer sur un réseau dépassant les limites territoriales.
Paradoxalement, il semble que ces coopérations entre territoires soient plus faciles à mettre en place entre collectivités européennes, dans le cadre de partenariats existants.
2 - Le rôle de l'Etat
L'Etat a pris conscience de l'importance de la coopération décentralisée pour accompagner, voire parfois - financièrement - se substituer, aux relations bilatérales entre Etats. Il a ainsi encouragé et participé au financement de ces rencontres de la coopération décentralisée franco-chinoises.
L'Ambassadeur de France en Chine, M. Philippe Guelly, est intervenu lors de la clôture des rencontres pour affirmer le soutien de l'ambassade aux initiatives des collectivités territoriales. Il a rappelé que la coopération décentralisée était mentionnée dans la déclaration conjointe franco-chinoise pour un partenariat global, signée le 16 mai 1997, qui sert de feuille de route à la diplomatie française.
L'Etat a une volonté forte d'encourager les synergies entre les acteurs. Le programme ARCUS, programme de coopération universitaire et de recherche du ministère des Affaires étrangères fondé sur un partenariat avec les Régions, a ainsi été lancé début 2006. Ce programme fonctionne sous forme d'appels à projets de partenariats scientifiques et universitaires. ARCUS a pour objectif d'aider à fédérer et dynamiser des partenariats de coopération scientifique au niveau régional afin de concourir à une meilleure lisibilité de certaines actions au niveau international. Les appels à projets concernent notamment la Chine et peuvent s'inscrire en complément de programmes européens.
3 - Les programmes européens
On constate que les pays comme l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie sont très présents en Chine à travers des programmes européens, ce qui témoigne une fois de plus des lacunes de la culture administrative française en la matière. On relève principalement le programme Asia-Urbs (expériences de Paris, Bussy-St-Georges, Toulon) pour les thématiques urbaines et EU / China LAL pour la coopération économique (région Lorraine).
III. QUEL RÔLE POUR LE SÉNAT DANS LES COOPÉRATIONS FRANCO-CHINOISES ?
La participation de la Délégation du Bureau du Sénat à la coopération décentralisée aux Assises de Wuhan a démontré d'abord le soutien actif et l'attention continue que porte le Sénat à la coopération décentralisée avec la Chine. Il convient de noter cependant que pour la Chine, l'appui institutionnel et le soutien à la démocratie locale ne sont ni une priorité, ni une demande.
Aussi convient-il d'éclairer la voie des collectivités, en apportant des contributions aux réflexions sur la coopération décentralisée.
C'était précisément l'objectif des sénateurs présents, qui ont mis l'accent sur la nécessité de dresser un état des lieux synthétique de la coopération décentralisée franco-chinoise, en dégageant quelques traits caractéristiques de cette opération, et en tentant de mettre en valeur un certain nombre de bonnes pratiques .
Aux lendemains de ces rencontres s'est mis en place un Comité de suivi des assises de coopération décentralisée franco-chinoises, dont la présidence a été confiée à notre collègue Jacques Valade. La perspective ouverte est de tenir de nouvelles assises fin novembre 2007 à Bordeaux. La délégation du Sénat ne manquera pas de s'associer en tant que de besoin aux travaux du comité de suivi.
* 8 Ces informations sont tirées de la fiche Chine du site Internet du ministère des Affaires étrangères : www.diplomatie.gouv.fr
* 9 Certaines informations sont tirées de l'étude de M. Jean-Pierre Cabestan, directeur de recherche au CNRS, faite pour Cités Unies France.