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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions orales

Avenir de la verrerie de Vergèze

M. Laurent Burgoa

Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme

Situation des « Américains accidentels »

M. Michel Canévet

Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme

Seuils de franchise des C2E

Mme Anne-Catherine Loisier

Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme

Procès-verbaux des conseils consulaires

Mme Mélanie Vogel

Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme

Sites de captage d'eau en Loire-Atlantique

M. Philippe Grosvalet

Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme

Augmentation du prix de l'eau

Mme Céline Brulin

Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme

Filière REP pour les déchets du bâtiment

Mme Sabine Drexler

Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme

Notices de médicament numériques

M. Christophe Chaillou

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins

Dépistage du cancer de la prostate

Mme Annie Le Houerou

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins

Situation de l'apprentissage

M. David Margueritte

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins

Offre de soins infirmiers en Haute-Savoie

Mme Sylviane Noël

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins

Sous-utilisation du fonds d'accessibilité

M. Jean-Baptiste Blanc

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins

Urgence à mettre fin aux dérives des crèches privées

Mme Colombe Brossel

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins

Absence de COG entre l'État et la CANSSM

M. Michaël Weber

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins

Avenir du site de cancérologie du Mittan à Montbéliard

M. Jacques Grosperrin

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins

Objectif de réduction de la pauvreté

M. Guy Benarroche

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins

Pérennisation des HSA de Paris et Strasbourg

M. Rémi Féraud

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins

Secteur médical et projet de CHU en Guyane

M. Georges Patient

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins

Tendance #skinnytok

Mme Valérie Boyer

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins

Intégration des digues domaniales dans l'actif des collectivités

Mme Nadia Sollogoub

Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement

Règles relatives à l'emprise au sol

Mme Françoise Dumont

Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement

Nuisances sonores liées à la gare de triage de Drancy

M. Vincent Capo-Canellas

Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement

Affiliation d'un groupement de coopération sociale et médico-sociale à un centre de gestion

M. Max Brisson

Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement

Travaux effectués par deux communes

M. Jean-Marie Mizzon

Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement

Desserte TGV du Saint-Quentinois

Mme Pascale Gruny

Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement

Inapplicabilité du décret Son

Mme Sylvie Robert

Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement

Lacune réglementaire concernant les engins de déplacement personnel motorisés

M. Olivier Paccaud

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur

Moyens de secours héliportés dans les Alpes-de-Haute-Provence

M. Jean-Yves Roux

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur

Contrôle des antécédents judiciaires dans le milieu associatif

M. Xavier Iacovelli

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur

Chercheurs contraints de quitter les États-Unis

M. Pierre-Alain Roiron

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche

Fermetures d'écoles sans l'accord du maire

M. Jean-Marc Vayssouze-Faure

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche

Précarité des étudiants outre-mer

Mme Monique de Marco

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche

Recyclage aux gestes de premiers secours des enseignants

Mme Anne Ventalon

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche

Fermetures de classes dans les écoles rurales

M. Jean-Raymond Hugonet

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche

Vaccination contre l'influenza aviaire

Mme Annick Billon

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche

Menace sur l'apiculture liée à l'acarien Tropilaelaps

Mme Christine Bonfanti-Dossat

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche

Installations agrivoltaïques dans le parc naturel des Alpilles

M. Stéphane Le Rudulier

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche

Plafonds d'activités accessoires des sociétés civiles agricoles

M. Bernard Buis

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche

Dotations de soutien à l'agriculture biologique

M. Alain Duffourg

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche

Accompagnement des Cuma

M. Pierre Jean Rochette

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche

Défaillances d'entreprises

M. Olivier Rietmann, au nom de la délégation aux entreprises

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire

M. Franck Menonville

M. Fabien Gay

M. Guillaume Gontard

Mme Marion Canalès

M. Jean-Luc Brault

Mme Brigitte Hybert

M. François Patriat

M. Philippe Grosvalet

M. Pierre-Antoine Levi

M. Denis Bouad

Mme Anne-Marie Nédélec

M. Simon Uzenat

Mme Lauriane Josende

M. Damien Michallet

Mme Else Joseph

Mme Sylvie Valente Le Hir

M. Christian Klinger, au nom de la délégation aux entreprises

Initiatives européennes en matière de simplification et d'allègement de la charge administrative pesant sur les entreprises

M. Jean-François Rapin, pour le groupe Les Républicains

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique

M. Gérard Lahellec

M. Jacques Fernique

M. Michaël Weber

M. Jean-Luc Brault

Mme Pascale Gruny

Mme Nadège Havet

M. Michel Masset

M. Claude Kern

Mme Marion Canalès

M. Clément Pernot

M. Olivier Henno

M. Olivier Rietmann, pour le groupe Les Républicains

Ordre du jour du mercredi 30 avril 2025




SÉANCE

du mardi 29 avril 2025

82e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

Secrétaires : Mme Catherine Conconne, M. Fabien Genet.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Avenir de la verrerie de Vergèze

M. Laurent Burgoa .  - La commune de Vergèze, située dans mon département du Gard, est dans une situation préoccupante après l'annonce de la fermeture de la verrerie appartenant à un groupe américain. Résultat : 164 emplois directs seraient supprimés, sans parler des emplois indirects.

C'est le seul site français de ce groupe menacé de fermeture, alors que l'entreprise a réalisé 7 % de bénéfices en 2024 et que le verre, matériau recyclable, est un secteur stratégique.

Il faut tout faire pour éviter la fermeture de ce site industriel en parfait état de fonctionnement.

Le Gouvernement compte-t-il s'engager activement pour trouver un repreneur, en lien avec les collectivités locales et les partenaires sociaux ?

Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme .  - Le Gouvernement regrette profondément la décision de réorganisation du groupe Owens-Illinois. Ce dernier estime celle-ci indispensable afin de conserver sa forte implantation en France - neuf sites, 200 emplois directs et de nombreux sous-traitants.

Le Gouvernement et les services de l'État veilleront au respect du dialogue social, de la procédure d'information du comité social et économique (CSE), de la qualité des mesures d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) et des actions menées pour trouver un repreneur dans un délai de quatre mois, comme le prévoit la loi Économie réelle, dite loi Florange. La recherche d'un repreneur devra être menée en lien étroit avec l'ensemble des acteurs.

Le Gouvernement et les services de l'État resteront mobilisés le temps nécessaire. Le préfet du Gard coordonnera le suivi territorial - un suivi identique sera instauré dans les autres départements concernés.

M. Laurent Burgoa.  - Je remercie le préfet, très mobilisé sur ce dossier. Un syndicat agricole de la filière viticole, qui occupe une place essentielle dans mon département, a formulé une proposition de reprise : cela pourrait assurer la survie de ce four. Merci d'évoquer cette proposition avec votre collègue Marc Ferracci.

Situation des « Américains accidentels »

M. Michel Canévet .  - Issus de familles expatriées aux États-Unis, les « Américains accidentels », nés sur le sol américain, doivent rendre des comptes à l'administration américaine depuis la loi extraterritoriale de 2014 : ces personnes vivent un enfer, même si elles n'ont quasiment aucun lien avec les États-Unis. En 2018, le Sénat a voté une résolution à ce sujet et j'ai moi-même interpellé le Gouvernement à plusieurs reprises.

Il faut tout faire pour éviter ces désagréments à ces personnes. La justice belge a récemment estimé que le fait de rendre des comptes à l'administration américaine était incompatible avec les dispositions du RGPD.

Où en sont les démarches menées par le Gouvernement ? Comment améliorer la situation des « Américains accidentels » ?

Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme .  - Les « Américains accidentels » rencontrent parfois des difficultés d'accès aux services financiers lorsqu'ils ne sont pas en mesure de fournir certaines informations à leur banque, notamment le numéro d'identification fiscale américain.

Le précédent gouvernement avait lancé des consultations informelles en vue d'aboutir à une résolution européenne. Ces discussions se poursuivent. Signe positif : les États-Unis ont prolongé jusqu'en 2027 la tolérance accordée aux comptes ouverts avant la loi de 2014 ; pour ceux-là, la transmission du numéro d'identification n'est plus indispensable pour échapper aux sanctions.

Fin 2023, le ministère des affaires étrangères a baissé le montant des frais pour renoncer à la citoyenneté américaine, passé de 2 300 à 450 dollars.

Les discussions se poursuivent, tant de manière bilatérale qu'au niveau européen. Toutefois, il est difficile d'en prévoir les avancées futures, compte tenu de la complexité du contexte politique américain.

M. Michel Canévet.  - Vos explications montrent que le Gouvernement est mobilisé.

Certes, les relations avec les États-Unis sont complexes, mais nous devons avancer sur ce dossier.

Seuils de franchise des C2E

Mme Anne-Catherine Loisier .  - Le dispositif des certificats d'économies d'énergie (C2E) contraint les fournisseurs d'énergie, les « obligés », à soutenir des actions d'économie d'énergie auprès des consommateurs.

Depuis 2006, le nombre d'obligés est passé de 2 466 sociétés à 129, grâce à l'instauration de seuils de franchise, en deçà desquels la vente d'énergie ne donne lieu à aucune obligation.

Malheureusement, ces seuils ont permis aux fournisseurs, via leurs filiales entrepositaires agréées (EA), d'encaisser chaque année près de 500 000 euros. Ceux-ci multiplient les filiales pour bénéficier de ces effets de seuils : certains ont récemment créé entre 20 et 30 filiales ! Le manque à gagner pour l'État est estimé à 55 millions d'euros par an.

Or le dispositif visait initialement à protéger les petits fournisseurs. Mais il favorise désormais artificiellement les entreprises multipliant ces filiales.

Le Gouvernement prévoit-il de supprimer ces seuils ?

Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme .  - Les C2E favorisent les actions d'efficacité énergétique.

À l'origine, les seuils de franchise étaient destinés aux acteurs ne disposant pas des capacités techniques et financières nécessaires à la réalisation de ces obligations. Or la création des filières permet à certains acteurs de se soustraire à leurs obligations de manière abusive. Résultat : les obligations se concentrent sur un nombre plus restreint de consommateurs d'énergie et les distorsions de concurrence se multiplient.

Cette situation est inacceptable. C'est pourquoi le Gouvernement a déposé un amendement lors de l'examen de la proposition de loi Lutte contre les fraudes aux aides publiques. Celui-ci visait à limiter les effets d'aubaine et à rétablir un juste équilibre entre les « obligés » ; il a été adopté. Je compte donc sur votre soutien lors de la CMP !

Procès-verbaux des conseils consulaires

Mme Mélanie Vogel .  - L'an dernier, l'administration a adressé une instruction à l'ensemble des postes diplomatiques et consulaires leur demandant de cesser d'annexer les déclarations liminaires des conseillers des Français de l'étranger lors des conseils consulaires. C'est pourtant le seul outil leur permettant de présenter leur point de vue.

En décembre dernier, le ministère a répondu que la loi ne s'y opposait pas. Mais elle ne le prévoit pas expressément non plus : au contraire, l'intention du législateur était bien de publier ces déclarations.

En outre, une charte des élus des Français de l'étranger a été adoptée en mars dernier. Or celle-ci prévoit justement la possibilité de publier les déclarations liminaires dès lors que celles-ci portent sur le périmètre du conseil consulaire.

Après l'adoption de la charte, le Gouvernement compte-t-il envoyer de nouvelles instructions aux postes ?

Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme .  - En avril 2024, plusieurs conseillers des Français de l'étranger ont prononcé des déclarations liminaires sur les aides à la scolarité et sur la baisse de l'indice de parité de pouvoir d'achat.

Les postes diplomatiques et consulaires ont pris note de ces déclarations dans les procès-verbaux. Toutefois, ces derniers n'ont pas vocation à reprendre les interventions individuelles des membres, mais à éclairer les décisions du conseil.

La loi du 22 juillet 2013 ne mentionne qu'un seul cas d'annexion au procès-verbal : les motivations de l'administration en cas de refus, contre l'avis du conseil consulaire.

Cependant, la charte de l'élu adoptée le 10 mars dernier prévoit que tout membre élu puisse demander l'annexion d'une déclaration si celle-ci porte sur le périmètre du conseil consulaire. Les instructions correspondantes ont été diffusées aux postes le 24 mars dernier.

Les considérations d'ordre général sur le dispositif des bourses scolaires relèvent quant à elles de la compétence de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE).

Sites de captage d'eau en Loire-Atlantique

M. Philippe Grosvalet .  - La Loire-Atlantique dispose de richesses aquifères exceptionnelles.

Cependant, malgré les efforts exemplaires des acteurs locaux depuis des années, seul 1 % des masses d'eau départementales est considéré en bon état écologique et de nombreux captages d'eau potable sont pollués. Pas moins de 33 molécules résistantes au traitement de l'eau ont été détectées à Machecoul-Saint-Même et le taux de nitrate dépasse les seuils réglementaires à Nort-sur-Erdre. À Avessac, les élus s'inquiètent de la présence du S-métolachlore ou de chlorothalonil dans l'eau potable.

Quelque 150 élus du département ont signé un appel transpartisan demandant au Gouvernement d'interdire l'utilisation de pesticides à proximité des sites de captage.

Les alertes se multiplient dans tout le pays sur cet enjeu fondamental. Toutefois, ne stigmatisons pas les agriculteurs, garants de notre souveraineté alimentaire.

Quels sont les moyens envisagés par le Gouvernement pour assurer la salubrité de ces sites ?

Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme .  - La protection de ces sites est une priorité du Gouvernement : fin mars a été publiée la feuille de route pour améliorer la qualité de la ressource en eau et renforcer la protection des captages d'eau potable. Celle-ci identifiera les aires de captage prioritaires et promouvra les pratiques plus durables ; nous devons accompagner les transitions agricoles sans stigmatiser.

La feuille de route prévoit l'élaboration d'un arrêté définissant des points de prélèvement sensibles, un guide pratique pour les préfets et collectivités, et des mesures d'accompagnement adaptées, en mobilisant toutes les parties prenantes pour protéger les sites en tenant compte des réalités locales.

Une enveloppe initiale de 6,5 millions d'euros de subventions issues de la stratégie Écophyto financera ces actions. Cela s'ajoute aux 2 milliards d'euros du dispositif Aqua Prêt mobilisés via la Banque des territoires et les agences de bassin.

Augmentation du prix de l'eau

Mme Céline Brulin .  - Après l'électricité et le gaz, c'est désormais le prix de l'eau qui augmente.

La réforme en vigueur depuis le début de l'année, qui module les redevances en fonction de la performance des services, est censée inciter les collectivités à prendre soin de leur réseau.

Mais cela a des répercussions immédiates sur les factures : les élus de la communauté d'agglomération de Dieppe craignent une augmentation du prix du mètre cube.

Le système ne permet pas aux collectivités de constituer des provisions suffisantes pour investir. La construction ou la modernisation des infrastructures représentent des investissements colossaux : ainsi des 50 millions d'euros nécessaires que doit investir Caux Seine Agglo pour 5 unités d'ultrafiltration. Idem pour la communauté de communes Campagne de Caux, qui compte 320 kilomètres de tuyaux : la rénovation d'un seul kilomètre coûte 200 000 euros. La part destinée à l'assainissement a bondi de 45 % dans le budget de la communauté de communes Terroir de Caux.

Comment le Gouvernement envisage-t-il de soutenir les collectivités face à ce mur de dépenses ? Comment préserver des tarifs acceptables pour les consommateurs ? Comptez-vous appliquer le principe pollueur-payeur ?

Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme .  - La réforme entrée en vigueur le 1er janvier dernier visait à encourager une utilisation plus responsable de l'eau et à limiter la pollution.

Elle crée trois nouvelles redevances, à volume financier constant : une première sur la consommation d'eau potable et deux autres fondées sur la performance des services d'eau et d'assainissement. Le niveau de fiscalité dépendra désormais à un tiers de la performance des services : plus ils seront efficaces, moins ils paieront.

La réforme entrera en vigueur progressivement : en 2025, toutes les collectivités assujetties bénéficieront d'une performance maximale, afin de leur laisser le temps de s'adapter. Ensuite, une meilleure gestion débouchera sur des performances accrues.

En six ans, 2,8 milliards d'euros ont été mobilisés pour lutter contre la pollution et améliorer la qualité de l'eau. Les agences de l'eau bénéficieront de 150 millions d'euros supplémentaires par an, pendant six ans : l'accompagnement des collectivités rurales et des réseaux en difficulté sera privilégié.

La réforme n'affectera pas la trésorerie des services : la répercussion sur les factures d'eau dépendra de leur performance.

Mme Céline Brulin.  - J'insiste : les sommes en jeu sont considérables, à l'heure où le Gouvernement demande des efforts très importants aux collectivités. Ce système les empêchera de mener à bien les investissements nécessaires.

Filière REP pour les déchets du bâtiment

Mme Sabine Drexler .  - Cinq ans après le vote de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite loi Agec, la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) pour les déchets du bâtiment doit devenir une réalité tangible. Les éco-organismes n'ont collecté que 6 % des déchets de second oeuvre, au lieu des 53 % assignés.

Le maillage des points de collecte n'est pas au rendez-vous et certains points de distribution ne remplissent pas leurs obligations. Enfin, le système repose sur les déchèteries publiques, alors que les déchets du bâtiment viennent principalement d'entreprises privées, et ne relèvent donc pas de la compétence des collectivités territoriales.

Ainsi, quelles évolutions du dispositif envisagez-vous ? Comment comptez-vous renforcer les moyens et la coordination des éco-organismes ? Il faut augmenter les capacités de traitement et assurer un suivi rigoureux des performances. Allez-vous compléter le réseau des points de maillage et accélérer la création de déchèteries privées ?

Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme .  - Créée par la loi Agec, la filière REP pour les déchets du bâtiment a pour but de développer le recyclage des déchets, de lutter contre les dépôts sauvages - notamment en ouvrant des points de collecte pour les artisans - et de développer l'écoconception, le réemploi et le recyclage.

Quelque 6 000 points de reprise ont été créés. La filière a déployé des soutiens financiers aux collectivités : 80 % des déchèteries publiques sont sous contrat. Enfin, les données issues des éco-organismes sont actuellement analysées par les services du ministère.

Les objectifs fixés étaient très ambitieux, suscitant des frustrations qui ont conduit Agnès Pannier-Runacher à décider un moratoire et à lancer des consultations avec les acteurs. Les entretiens auront lieu en mai, et le Gouvernement prendra des décisions en juin. Il nous faut prendre en compte les retours du terrain.

Notices de médicament numériques

M. Christophe Chaillou .  - Le 15 décembre 2023, Agnès Firmin Le Bodo annonçait une expérimentation, pilotée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), visant à remplacer les notices papier des médicaments par des notices numériques consultables via un QR code.

Cette expérimentation, qui débutera le 1er octobre, soulève des interrogations : quelles seront les conséquences sur les emplois de la papeterie, et comment régler les problèmes liés à la fracture numérique ? La sécurité des patients est en jeu, notamment celle des personnes isolées numériquement et celle des plus précaires.

Dans le Loiret, une centaine d'emplois serait concernée. L'entreprise LGR Packaging est particulièrement préoccupée. À l'échelle nationale, 1 200 emplois directs ou indirects seraient menacés.

Cette expérimentation est en décalage avec nos ambitions en matière de réindustrialisation. Quelles mesures prévoyez-vous pour limiter ses conséquences ?

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - Votre question concerne autant la sécurité sanitaire que la filière industrielle des papetiers.

Il est nécessaire de mesurer les risques que peut représenter cette notice accessible via un QR code. Cependant, il s'agit d'une expérimentation de deux ans, préparée avec les représentants des professionnels et des patients et avec les industriels, et qui est le fait de laboratoires volontaires.

Concernant la fracture numérique, la notice papier restera présente dans la boîte de médicament. (Mme la présidente s'en étonne.) Concernant l'impact sur l'emploi, l'ANSM engage un dialogue avec les imprimeurs et les papetiers. Enfin, la réglementation européenne est en cours de révision : nous devons anticiper.

Je vous invite à prendre attache avec Marc Ferracci, qui s'intéresse à ces sujets.

Bref, il s'agit d'une expérimentation, il y aura un doublonnage des notices et des discussions sont en cours avec les filières industrielles.

Dépistage du cancer de la prostate

Mme Annie Le Houerou .  - Chaque année, 60 000 cancers de la prostate sont déclarés ; troisième cancer le plus meurtrier chez les hommes, 11 900 d'entre eux en sont morts en 2022. Face à ces chiffres alarmants, le tabou reste entier. À cause d'un manque de prévention, ces cancers sont dépistés trop tard. Le coût des traitements s'élève à 2,4 milliards d'euros en 2022, alors que le dépistage par mesure du taux d'antigène prostatique spécifique (PSA) dans le sang présente un coût modeste.

Les associations de patients plaident pour une meilleure communication, à l'instar de ce qui existe pour le cancer du sein. Il faut des campagnes de sensibilisation de masse.

Prévoyez-vous une campagne nationale de dépistage ? Elle permettrait d'étudier les profils des malades, de faire des liens avec les activités professionnelles et d'agir sur les facteurs de risques environnementaux. Le ministère a-t-il lancé une étude sur les conditions de survenance de la maladie ?

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - L'impact de ce cancer sur la population masculine française est important, et le ministère de la santé souhaite se mobiliser sur le sujet.

Cependant, nous promouvons une médecine fondée sur des preuves. Le dépistage du cancer de la prostate fait l'objet de débats au sein de la communauté médicale et scientifique internationale. Les autorités sanitaires ne plaident pas en faveur d'un dépistage systématique, mais pour un dépistage individuel, qu'il faut certes encourager chez les hommes de plus de 50 ans qui présentent des facteurs de risque. Nous craignons qu'une surdétection n'ait un effet négatif du point de vue de la santé.

Néanmoins, cela n'empêche pas de sensibiliser les patients et l'ensemble de la communauté médicale à la question.

Situation de l'apprentissage

M. David Margueritte .  - Depuis l'adoption de la loi du 5 septembre 2018, les objectifs de l'apprentissage semblent partagés : en faire une voie d'excellence, d'insertion et d'épanouissement personnel.

Toutefois, derrière ce succès quantitatif incontestable, nous déplorons plusieurs effets de la réforme : un phénomène d'éviction sur les contrats de professionnalisation ; l'effet d'aubaine, signalé par la Cour des comptes, qui s'opère au détriment des recrutements en CDI ; enfin, un effet d'optique, puisque si l'apprentissage progresse très fortement dans l'enseignement supérieur, cela est moins évident pour les autres niveaux de formation.

Surtout, la soutenabilité financière du dispositif interroge, à l'heure où France Compétences présente un déficit de plus d'un milliard d'euros. Le Gouvernement dispose de deux leviers : l'aide aux employeurs, qui est en baisse, et le niveau de prise en charge, très divers en fonction des filières.

Le Gouvernement compte-t-il activer ces leviers, afin notamment de préserver les PME et les secteurs stratégiques que sont le bâtiment et l'industrie, secteurs en lien direct avec les objectifs de France 2030, tout en permettant aux régions de continuer à investir massivement dans les centres de formation d'apprentis (CFA) ?

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - Nous devons effectivement améliorer le financement de l'apprentissage, notamment des CFA. Les dispositifs restent peu lisibles, coûteux, et peu en phase avec les besoins du marché de l'emploi. La question de la soutenabilité financière se pose également.

Le Gouvernement a prévu, dans la loi de finances pour 2025, une participation obligatoire des entreprises de 750 euros par contrat d'apprentissage dès le 1er juillet, pour des niveaux 6 et 7 de qualification. Les aides aux employeurs ont été modulées pour préserver les TPE et PME. Astrid Panosyan-Bouvet mène un travail important pour caler les besoins des territoires avec les lieux d'apprentissage. Les concertations s'achèvent : je laisse la primeur des annonces - c'est une question de jours - à la ministre du travail.

Offre de soins infirmiers en Haute-Savoie

Mme Sylviane Noël .  - La Haute-Savoie compte 79,6 infirmiers libéraux pour 100 000 habitants, contre 143,7 pour la moyenne nationale. Cette densité est encore plus faible en hiver ou en été, quand la population double. Les chiffres du pourtour frontalier sont accablants : 27 à 56 infirmiers pour 100 000 habitants à Annemasse, à Gaillard, à Ville-la-Grand ou à Cruseilles, faisant de ces villes de véritables déserts médicaux.

La situation s'explique par l'attractivité du marché suisse comme par la dégradation des conditions d'exercice du côté français. La baisse des indemnités kilométriques a notamment amputé de 20 % le chiffre d'affaires des infirmiers libéraux exerçant en zone de montagne. Les personnes les plus vulnérables seront bientôt privées de soins à domicile.

Comment le Gouvernement compte-t-il revaloriser cette profession et mettre fin à ce déclin ?

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - J'ai été pendant huit ans vice-président de la région Auvergne-Rhône-Alpes (Aura), chargé des formations sanitaires et sociales : je connais donc bien la situation, et je n'ai eu de cesse de discuter avec mes homologues suisses. La région Aura formait les infirmiers, qui partaient exercer en Suisse pour des conditions financières bien meilleures.

Le problème est réel. Grâce à l'avenant 10 à la convention nationale, nous avons revalorisé de 10 % les indemnités de déplacement. Une adaptation territoriale est nécessaire : le coefficient géographique est une piste à explorer. Il faudra une discussion globale avec les élus de Suisse, sur l'emploi, le pouvoir d'achat, le transport et les formations paramédicales.

Mme Sylviane Noël.  - Outre la distorsion de concurrence avec la Suisse, les pouvoirs publics ont abandonné la profession depuis des années ! Les tarifs des soins n'ont pas été revalorisés depuis dix-huit ans ! La tarification est ahurissante : en cas de multiplicité des soins, le premier est facturé à 100 %, le deuxième à 50 % et le troisième est gratuit. Quelle autre profession l'accepterait ?

Sous-utilisation du fonds d'accessibilité

M. Jean-Baptiste Blanc .  - Les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) ont mis en lumière l'excellence de nos athlètes comme la nécessité de rendre notre société plus inclusive. Nous devons accélérer notre engagement pour l'accessibilité ; or la France reste très en retard, puisque près de la moitié de nos établissements recevant du public (ERP) restent toujours inaccessibles aux personnes à mobilité réduite (PMR).

Le fonds territorial d'accessibilité (FTA) est doté de 300 millions d'euros sur cinq ans et finance 50 % des travaux pour les TPE et PME de cinquième catégorie - commerces de proximité, cabinets médicaux, hôtels ou restaurants. Le dispositif reste pourtant méconnu, et seuls 2 % des crédits ont été dépensés. Ni les commerçants ni les municipalités ne disposent d'information suffisante sur ce fonds.

Ne faudrait-il pas assurer une diffusion systématique des informations à tous les établissements concernés via les fédérations professionnelles, les chambres consulaires ou les associations locales ? Quelles mesures concrètes prendrez-vous pour renforcer la communication autour de ce fonds, lever les freins juridiques et accompagner efficacement commerçants et collectivités ?

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - Madame Noël, pour compléter ma réponse à votre précédente question, je précise que vous étudierez bientôt la proposition de loi sur la profession d'infirmier. J'ai pris l'engagement d'ouvrir les négociations conventionnelles afin de revaloriser la profession d'infirmier.

Monsieur Blanc, le FTA est doté de 300 millions d'euros pour la période 2023-2027. Or seuls 1,6 million d'euros de travaux ont été engagés à ce jour. Le déficit de communication est donc important. Un comité interministériel du handicap s'est tenu le 6 mars 2025 : il a prévu une refonte du fonds, avec un renforcement de la communication auprès des associations, via les préfets, qui interviendront pour élaborer un plan d'action en faveur de l'accessibilité.

Urgence à mettre fin aux dérives des crèches privées

Mme Colombe Brossel .  - Ma question s'adressait à Mme Catherine Vautrin.

De grands groupes financiarisés de crèches privées se montrent parfois peu soucieux du bien-être des enfants et de leurs salariés. En dépit de l'accumulation des scandales mis en lumière par Victor Castanet dans son livre Les Ogres, de l'insécurité dans laquelle vivent des familles lorsqu'elles déposent leurs bébés ou jeunes enfants à la crèche, une réaction ferme du Gouvernement se fait attendre. Les propositions issues du rapport du Sénat sur la question auraient pu être une source d'inspiration.

Comptez-vous les reprendre, par exemple celle accordant à la Cour des comptes le pouvoir de contrôler ces groupes afin d'harmoniser les contrôles et d'assurer aux contribuables que les deniers publics sont utilisés dans l'intérêt des enfants ? Ne faudrait-il pas fixer un coût minimal par berceau pour éviter que le coût soit la variable ultime de décision, au détriment du taux d'encadrement ou de la professionnalisation des personnels ?

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - Mme Vautrin s'est engagée à consulter les élus avant l'été, et des mesures seront expérimentées l'année prochaine. La sécurité des enfants passe avant les considérations tarifaires.

Le décret du 2 avril 2025 a revu les normes d'encadrement des micro-crèches pour les rapprocher de celles des crèches classiques et les professionnels devront pouvoir exercer leur activité d'une façon conforme à leurs valeurs et à leur formation. La plupart des dispositions entrera en vigueur le 1er septembre 2026 pour permettre aux professionnels de se former.

Le référentiel Qualité sera publié dans les semaines à venir et un référentiel Compétences verra le jour conformément à la loi Plein emploi. Un guide de contrôle sera adressé aux services de protection maternelle et infantile.

Je dirai à ma collègue Vautrin de prendre connaissance, si ce n'est pas déjà fait, du rapport évoqué.

Absence de COG entre l'État et la CANSSM

M. Michaël Weber .  - La convention d'objectifs et de gestion (COG) conclue entre l'État et la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM) a pris fin le 31 décembre dernier sans que les tutelles n'aient engagé de discussion pour la renouveler.

Cela crée une situation anxiogène pour les personnels comme pour les affiliés et assurés sociaux et ne crée pas les conditions de coopération futures sereines entre la Cnam et la CANSSM, qui joue un rôle important d'offreur de santé en Moselle. Il en résulte une forme de pression pour la CANSSM, qui dispose d'établissements sanitaires et médico-sociaux, de services de soins à domicile ou d'Ehpad. Le recrutement de médecins et de personnels médicaux est encore plus problématique, alors que les anciens bassins miniers sont déjà en position de faiblesse.

Voilà plus d'un mois et demi, des fédérations et syndicats, ainsi que des membres de la CANSSM, vous ont contacté, sans réponse. La mise en place d'une COG conforterait une offre de soins indispensable. Quelles sont vos intentions ?

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - Vous relayez les interrogations des fédérations sur cette situation qui suscite, à juste titre, des inquiétudes concernant l'avenir de l'offre de santé, notamment de l'offre médico-sociale de la CANSSM.

Le service du ministère du travail a précisé au conseil d'administration de la CANSSM qu'une nouvelle convention serait négociée. Les discussions sont en cours. Il n'est pas inhabituel que de telles discussions ne soient pas finalisées ; cela n'engage pas la continuité des prestations ou du financement, puisque des budgets provisoires pour 2025 ont été alloués jusqu'à la fin des négociations.

Avenir du site de cancérologie du Mittan à Montbéliard

M. Jacques Grosperrin .  - Le Premier ministre vient d'annoncer aux médecins la mise en place d'un pacte de solidarité afin que les Français disposent d'une offre de soins au plus près de chez eux.

En même temps, à Montbéliard, dans le Doubs, un rapport commandé par l'ancien ministre de la santé, rendu le 27 mars 2025, propose le transfert des activités d'oncologie du site du Mittan à l'hôpital Nord-Franche-Comté (HNFC), dans le Territoire de Belfort pour un coût de 35 millions d'euros hors équipements médicaux et mobiliers.

Ce transfert pourrait dégrader la qualité et la sécurité des soins. Pourquoi ne pas conserver le site du Mittan dont l'accueil et l'humanité ont été salués par la Ligue contre le cancer et par 14 000 pétitionnaires, et qui a bénéficié d'extensions et d'investissements importants ?

Le président du pays de Montbéliard et la maire de Montbéliard souhaitent vous rencontrer pour évoquer les enjeux de la cancérologie dans la région. Quelle suite pensez-vous donner à ce projet ?

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - Je vous rassure : aucune décision n'est prise. Vous connaissez mieux la situation qui concerne des sites jugés vétustes et je souhaite vous recevoir avec les parlementaires du Territoire de Belfort pour évoquer ce sujet.

Le 23 mars dernier, une réunion s'est tenue avec toutes les parties prenantes, élus, soignants, représentants des patients et le 16 juin, se tiendra à Besançon le prochain Comité de pilotage. Je vous invite à poursuivre cette série de concertations.

Je veux territorialiser les actions, aussi les avis des élus locaux, des communautés professionnelles, des soignants m'importent-ils pour rapprocher l'offre de soins au plus près des patients. J'avais prévu d'aller dans le Territoire de Belfort. Je suis donc à votre disposition.

M. Jacques Grosperrin.  - Merci de votre grande ouverture. Le HNFC est à près d'une heure de Montbéliard. Je vous remettrai tout à l'heure une lettre de la maire et du président de l'agglomération de Montbéliard.

Objectif de réduction de la pauvreté

M. Guy Benarroche .  - Selon l'article L. 115-4-1 du code de l'action sociale et des familles introduit par la loi du 1er décembre 2008, le Gouvernement doit définir un objectif quantifié de réduction de la pauvreté et rendre compte, chaque année, au Parlement, des conditions de sa réalisation et des mesures et moyens financiers mis en oeuvre.

Le premier objectif, adopté en 2008 pour la durée du quinquennat, visait à passer de 7,8 millions de personnes en situation de pauvreté à 5,2 millions. Or en 2022, on en comptait 9,1 millions selon l'Insee. Depuis 2011, l'État ne s'est fixé aucun objectif et n'a pas rendu compte de son action au Parlement. Sans objectif défini et connu de l'ensemble des acteurs, la France ne pourra évaluer l'efficacité des dispositifs pour les compléter.

Le Gouvernement va-t-il enfin fixer un objectif de réduction de la pauvreté ? À quelle date sera remis au Parlement le rapport annuel prévu ?

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - Le Gouvernement pilote la lutte contre la pauvreté. En 2018, une première stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté a été présentée. En 2023, le Pacte des solidarités a été mis en oeuvre pour traduire l'engagement de l'État. La ministre Vautrin a demandé un bilan d'étape de ce pacte qui doit se déployer jusqu'en 2027.

Quelques chiffres : 14,4 % des Français vivent sous le seuil de pauvreté. Ce taux, stable depuis vingt ans, ne s'est pas dégradé malgré la crise sanitaire et la situation géopolitique tendue, mais il reste préoccupant, car ce sont des millions de Français qui sont en difficulté.

La ministre Vautrin réunira d'ici à l'été les différents réseaux associatifs de lutte contre la pauvreté pour dresser un bilan commun du déploiement du Pacte et identifier les priorités.

M. Guy Benarroche.  - Plusieurs de nos propositions, comme la proposition de résolution visant à mettre fin au sans-abrisme des enfants ou la proposition de loi instaurant un revenu minimum garanti sont des exemples de mesures possibles.

Pérennisation des HSA de Paris et Strasbourg

M. Rémi Féraud - Cette année, le Gouvernement et le Parlement se prononceront sur la pérennisation des haltes soins addictions (HSA) de Paris et de Strasbourg, au sein desquelles les consommateurs de drogues en situation précaire peuvent consommer dans des conditions sanitaires favorables et sous la supervision de professionnels.

Ces HSA sont encore très souvent qualifiées de « salles de shoot », faisant ainsi l'impasse sur la dimension sanitaire et sociale de la réduction des risques (RDR), reconnue d'utilité publique depuis la lutte contre le VIH.

Les rapports récents de l'Inserm, de la mission flash menée par deux députés de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale et de l'inspection générale de l'administration (IGA), effectuée à la demande du Gouvernement, sont très positifs sur cette expérimentation.

Or le Parlement attend toujours le rapport d'évaluation du Gouvernement. L'inquiétude grandit donc s'agissant du cadre juridique permettant aux deux HSA de poursuivre leur activité.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre ?

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins - Les HSA sont un élément de réponse aux problématiques complexes posées par l'usage de ces substances, complémentaire aux autres prises en charge, comme l'hôpital. Créés par la loi du 26 janvier 2016, les HSA sont un dispositif expérimental prévu pour six ans, mais l'expérimentation des HSA de Paris et de Strasbourg a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2025.

Une évaluation scientifique indépendante portant sur la deuxième phase de l'expérimentation sera prochainement rendue. Elle nourrira le rapport au Parlement attendu dans les six mois précédant la fin de l'expérimentation, soit juin 2025, ce qui permettra à la représentation nationale de se prononcer sur la base de données solides.

Dans l'attente des conclusions des experts indépendants et des inspections, la position du Gouvernement n'est pas arrêtée.

Secteur médical et projet de CHU en Guyane

M. Georges Patient .  - La santé en Guyane est dans un état d'urgence absolu. Le centre hospitalier universitaire (CHU) est en train de naître, mais au forceps. Le centre hospitalier régional qui le préfigure est dans une situation inquiétante : pas de directeur général et une capacité de financement inexistante. Or certains bâtiments de l'hôpital de Cayenne sont dans un état de délabrement très avancé. Un plan de reconstruction doit être engagé sans attendre.

Quelles mesures concrètes et urgentes le Gouvernement entend-il prendre pour garantir au CHU un financement à la hauteur des enjeux ? Qu'en est-il de la formation de cadres hospitaliers guyanais et de la nomination de directeurs d'hôpitaux ?

En outre, le nombre de médecins libéraux baisse et nous risquons d'être dans la même situation que Mayotte où ces derniers ne sont plus que sept. Il est donc impératif de rendre la zone franche nouvelle activité réellement applicable en Guyane et de maintenir en activité les médecins âgés de plus de 67 ans.

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - La transformation du groupement de coopération sanitaire en CHU est en cours ; le 25 mars 2025, le comité national de l'organisation sanitaire et sociale a rendu un avis favorable à sa labellisation. Pas moins de 108,8 millions d'euros ont été investis, notamment pour la réalisation de nouveaux bâtiments dédiés aux consultations externes ou de nouvelles unités d'hospitalisation. Le recrutement du directeur général, qui est une priorité, est en cours et des candidats sont actuellement auditionnés.

Des activités médicales de pointe comme la réanimation pédiatrique et la neurochirurgie sont en cours de déploiement et la Guyane bénéficiera de ses propres quotas pour le personnel hospitalo-universitaire. Il s'agit de former plus de professionnels de santé.

J'espère pouvoir me rendre prochainement en Guyane pour assister à la naissance de ce CHU.

Tendance #skinnytok

Mme Valérie Boyer .  - La promotion de l'anorexie comme mode de vie fait son retour sur TikTok avec la tendance #skinnytok, qui incite les adolescents à perdre du poids jusqu'à une maigreur extrême mettant en péril leur vie. Ce mouvement reprend les discours mortifères du mouvement pro-ana de leurs aînés. Sur TikTok, des jeunes femmes très minces, voire maigres, livrent leurs « astuces » pour maigrir, notamment en s'arrêtant de s'alimenter, assorties de commentaires comme : « tu es moche, tu es juste grosse ».

L'anorexie mentale, qui touche essentiellement des femmes, est la plus létale des pathologies psychiatriques. Sa prévalence a quadruplé depuis la période du Covid. Elle touche désormais de plus en plus de très jeunes filles, entre 10 et 14 ans.

Dès 2008, j'avais publié un rapport à l'Assemblée nationale sur les troubles du comportement alimentaire, qui avait donné lieu à l'ouverture d'un livre dans le code de la santé publique et à un texte sur les photos retouchées, hélas dévoyé.

Cette tendance peut créer des troubles médicaux et psychologiques majeurs. Qu'envisagez-vous pour protéger les jeunes ?

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - J'ai découvert le phénomène #skinnytok avec effroi - en tant que ministre, professionnel de santé et père d'une fille de 15 ans. Je suis bien conscient des dégâts que les réseaux sociaux provoquent sur nos jeunes. Le rapport Enfants et Écrans d'avril 2024 a souligné que la surexposition aux écrans affectait leur santé, leur socialisation, leur sommeil, leur estime de soi, leur état de santé.

S'agissant du phénomène #skinnytok, mon ministère a été sollicité par l'Arcom. Si la causalité directe avec les troubles des conduites alimentaires n'est pas scientifiquement établie, le lien entre usage excessif des réseaux sociaux et dégradation de la santé mentale des adolescents, en particulier des jeunes filles, est avéré.

Je viens de lancer une grande lutte contre l'obscurantisme, notamment contre les mauvaises informations médicales, qui englobera ces sujets. Nous allons établir un observatoire pour dénoncer ces phénomènes, avec l'Institut Curie, l'Institut Pasteur, l'Anses et la Haute Autorité de santé. Nous allons également solliciter les plateformes numériques et mettre en place, les premiers, le Digital Services Act de 2024, qui permettra, tout en respectant la liberté, de mentionner les mauvaises pratiques des plateformes numériques sur la santé de nos enfants.

Mme Valérie Boyer.  - Merci. C'est d'autant plus important que les jeunes s'informent essentiellement sur TikTok et que cette maladie peut conduire à la mort. Plus largement, il faut associer les médias à la lutte contre ces prétendus critères de beauté, qui nuisent à la santé mentale.

Intégration des digues domaniales dans l'actif des collectivités

Mme Nadia Sollogoub .  - Le transfert aux collectivités territoriales des digues domaniales, dans le cadre de la compétence Gemapi, conduit à l'inscription de celles-ci à leur actif. D'où un problème de comptabilité, d'autant que certaines digues ont une valeur de dizaines de millions d'euros.

On comprend la logique d'inscrire l'entretien de ces ouvrages dans le temps, mais leur amortissement risque de déséquilibrer les comptes des collectivités. Quelles solutions proposez-vous ?

Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement .  - Veuillez excuser l'absence de M. Rebsamen.

La mise à disposition de digues domaniales à titre gratuit à la commune ou l'EPCI compétent, effective depuis janvier 2024, implique pour ces collectivités des obligations en matière d'entretien et d'investissement, mais elles n'ont pas l'obligation d'amortir leurs dépenses d'investissement sur ces ouvrages.

En effet, le périmètre d'amortissement obligatoire des collectivités du bloc communal, à l'exception des métropoles, n'inclut pas les digues. Les métropoles peuvent, elles, neutraliser cette opération d'amortissement pour annuler les effets de cette dépense sur le plan budgétaire, comme le prévoit l'article D.5217-21 du CGCT.

L'avis du Conseil de normalisation des comptes publics n'a pas de valeur normative, mais contient des préconisations en matière de gestion. En l'occurrence, les dispositions de droit commun continuent à s'appliquer aux collectivités, donc l'absence d'obligation d'amortir.

Mme Nadia Sollogoub.  - Ouf ! Il faudrait néanmoins clarifier les choses. Un récent communiqué de presse de l'Association des maires de France souligne que, un an après le transfert, les collectivités territoriales rencontrent encore des difficultés de gestion. Le flou demeure sur l'inscription de l'actif. Rassurons donc les communes.

Règles relatives à l'emprise au sol

Mme Françoise Dumont .  - J'attire votre attention sur l'applicabilité des règles relatives à l'emprise au sol des bâtiments et constructions dans les plans locaux d'urbanisme.

En mars 2020, le Gouvernement a publié un guide sur les dispositions opposables du PLU, tenant compte des effets conjugués de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, et de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, qui mentionne des dispositions encadrant l'emprise au sol des bâtiments.

Depuis le dépôt de ma question écrite, en septembre 2024, seul le tableau comportant les destinations des constructions et leurs surfaces a été corrigé et intègre désormais la notion d'emprise au sol. Mais le code de l'urbanisme ne permet toujours pas d'exiger d'un pétitionnaire qu'il précise, dans son projet architectural, l'emprise au sol des constructions à réaliser. L'article R.431-5 mentionne la notion de surface de plancher des constructions projetées, et non l'emprise au sol. D'où un risque d'instabilité juridique, au stade de l'instruction des demandes de permis de construire.

Allez-vous préciser le guide sur les dispositions opposables du PLU au regard de la notion d'emprise au sol des bâtiments, afin de s'accorder avec les lois d'urbanisme en vigueur ?

Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement .  - L'emprise au sol désigne la projection verticale du volume d'une construction, tous débords et surplombs inclus. Cette notion complète celle de surface de plancher pour déterminer à quelle autorisation d'urbanisme les constructions projetées sont soumises.

Dans le cadre de l'instruction des demandes d'autorisations d'urbanisme, l'emprise au sol est nécessaire pour vérifier la conformité du projet aux règles du PLU, qui peut fixer des règles maximales et minimales d'emprise au sol par rapport à la surface de l'unité foncière, via un pourcentage d'occupation de la superficie totale du terrain, le coefficient d'emprise au sol. Le règlement délimite également les secteurs dans lesquels il impose ces règles.

Afin de faciliter l'instruction des demandes, le Gouvernement va prochainement ajouter l'emprise au sol aux mentions obligatoires à indiquer dans le dossier de demande d'autorisation d'urbanisme. Ce sera fait par voie réglementaire dans les semaines qui viennent.

Nuisances sonores liées à la gare de triage de Drancy

M. Vincent Capo-Canellas .  - La gare de triage de Drancy, qui s'étend sur la commune voisine du Bourget, entraîne d'importantes nuisances sonores causées par le freinage des trains et les manoeuvres des wagons. Selon Airparif, les niveaux sonores nuisent fortement à la qualité de vie des riverains ; le grincement incessant a des conséquences sur leur sommeil et provoque stress et anxiété chronique.

Cette gare est située dans un tissu urbain dense, classé en quartier prioritaire de la politique de la ville en 2023 ; les habitants n'ont souvent pas les moyens de déménager.

La ville de Drancy promeut un dispositif innovant, développé en Slovénie, consistant à injecter de l'huile sur les roues avant le freinage : cela réduirait de 90 % les bruits de crissement générés par le freinage gravitationnel des wagons. Son coût est estimé à 6 millions d'euros pour les six trains de freinage - à mettre au regard du bénéfice pour les foyers concernés.

Le gouvernement envisage-t-il, avec SNCF Réseau, d'étudier cette solution ?

Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement .  - La technologie des freins de voies utilisés sur le triage du Bourget-Drancy rend effectivement son activité bruyante. Plusieurs solutions de réduction du bruit ont été étudiées. La plus efficace sur le plan acoustique consiste à injecter un produit sur les roues en amont du freinage des wagons.

Il a été décidé de poursuivre sur une durée de cinq ans l'expérimentation menée par SNCF Réseau en 2017 et de l'élargir, en équipant l'ensemble des freins de voies du site avec ce système. Cette opération est en cours de mise en oeuvre par SNCF Réseau et a reçu un financement dans le cadre du plan de relance 2021-2024. L'État assume, avec la région Île-de-France et de la métropole du Grand Paris, 50 % de la partie investissement et 100 % de la phase de maintien en condition opérationnelle du système pendant les cinq ans, soit un effort de 4,35 millions d'euros.

Je vous confirme la volonté de l'État d'aboutir et son engagement financier. SNCF Réseau dispose des moyens permettant de finaliser sa mise en oeuvre.

Affiliation d'un groupement de coopération sociale et médico-sociale à un centre de gestion

M. Max Brisson .  - Aux termes de l'article 2 du décret du 25 juillet 1985, l'affiliation à un centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale est obligatoire pour les établissements publics administratifs communaux et intercommunaux qui ont leur siège dans le département et qui emploient moins de 350 fonctionnaires à temps complet ; elle est volontaire pour les établissements publics communaux et intercommunaux qui emploient plus de 350 fonctionnaires, les établissements publics départementaux et interdépartementaux et les syndicats.

Pour autant, un flou demeure quant à la possibilité d'affiliation des groupements de coopération sociale et médico-sociale (GCSMS), chargés de favoriser la coordination et le partenariat des acteurs du secteur médico-social et social. Leur nature juridique étant fonction du statut de leurs membres, ils peuvent soit être une personne morale de droit privé, soit une personne morale de droit public. Le groupement est alors habilité à recruter directement des contractuels de droit public, sans pouvoir toutefois recruter en son nom des fonctionnaires.

Ma question est simple : un GCSMS de droit public peut-il être affilié à un centre de gestion pour les agents contractuels qu'il est habilité à recruter ?

Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement .  - La liste des structures qui doivent ou peuvent s'affilier au centre de gestion est fixée par le décret du 26 juin 1985. Les GCSMS n'entrent dans aucune catégorie permettant d'adhérer à un centre de gestion.

Dans ces conditions, dans l'hypothèse où un GCSMS recruterait directement des agents contractuels de droit public, il devrait en assurer lui-même la gestion.

Quant aux fonctionnaires territoriaux ou agents territoriaux non titulaires exerçant dans un GCSMS, ils sont mis à disposition auprès de ce dernier. À ce titre, ils demeurent en position d'activité auprès de leur collectivité ou établissement d'origine. Si cet employeur est adhérent d'un centre de gestion, ces agents seront bien gérés par celui-ci.

M. Max Brisson.  - Vous avez parfaitement rappelé l'état du droit. Ce flou ne concerne que peu de personnes, mais les quelques centres de gestion concernés voudront certainement poursuivre le dialogue avec le Gouvernement.

Travaux effectués par deux communes

M. Jean-Marie Mizzon .  - La vie de nos villages réserve parfois des surprises. Deux communes mosellanes ont découvert qu'elles étaient toutes deux copropriétaires d'une seule et même église. Kédange-sur-Canner, qui a pris en charge les travaux sur cet édifice dont elle se croyait seule propriétaire, demande une participation financière à Hombourg-Budange, qui n'a pas la même population ni les mêmes ressources. Le calcul de cette quote-part ne pourrait-il se faire au prorata du nombre d'habitants ou de la richesse ?

Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement .  - La situation que vous évoquez est singulière. Cette répartition du financement relève des délibérations des deux communes concernées et des conventions qui les lient. Une convention de gré à gré pourrait ainsi déterminer une clé de répartition des frais, avec comme critère la population ou le potentiel fiscal ou financier, par exemple. Ce choix relève de la libre administration des collectivités, qui peuvent évidemment s'appuyer sur les services déconcentrés de l'État.

Je rappelle que les travaux sur les édifices du culte non protégés appartenant aux communes sont éligibles à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et à la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL).

M. Jean-Marie Mizzon.  - Merci pour la clarté de votre réponse. Je sais pouvoir compter sur la sagesse des deux maires pour trouver la solution la plus appropriée. Mais quand la loi fixe les critères, c'est plus simple.

Desserte TGV du Saint-Quentinois

Mme Pascale Gruny .  - Les habitants du Saint-Quentinois constatent depuis 2024 une nette dégradation de l'offre TGV. La nouvelle grille horaire de la gare TGV Haute-Picardie suscite colère et incompréhension. En quatorze ans, le nombre d'arrêts a diminué de plus de 50 % et de nombreuses liaisons vers des villes importantes - Marseille, Nantes, Rennes  - ne sont accessibles en liaison directe qu'à l'aller. La situation va encore s'aggraver en 2027 avec l'arrivée du TGV à Amiens. Le rétablissement de la liaison ferroviaire Paris-Saint-Quentin-Bruxelles a été annoncé, mais le Ouigo ne fera qu'un arrêt par jour à Saint-Quentin ; pour revenir de Bruxelles, il faudra attendre le lendemain après-midi !

Comment le Gouvernement compte-t-il renforcer l'offre en gare TGV Haute-Picardie et éviter sa fermeture à terme ? Vous engagez-vous à défendre l'extension de l'arrêt expérimental des Ouigo à Saint-Quentin aux trois trains quotidiens ?

Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement .  - SNCF Voyageurs adapte librement son offre TGV. La récente modification de l'offre en gare TGV Haute-Picardie était liée à des travaux, mais les circulations ont repris le 10 mars. Cette gare est très bien desservie, avec 14 arrêts quotidiens, 33 gares reliées en direct et des allers-retours quotidiens vers Roissy. Lorsqu'une ville n'est desservie que dans un seul sens, les correspondances existent : il est ainsi possible de revenir de Marseille le dimanche en 4 h 33, soit le même temps de parcours qu'avec le TGV direct.

Le ministère des transports travaille avec SNCF Réseau, l'Autorité de régulation des transports (ART) et les régions pour adapter la desserte TGV aux différents territoires. La conférence Ambition France Transports du 5 mai prochain sera l'occasion d'y réfléchir.

Mme Pascale Gruny.  - Je constate que certains arrêts ne se font plus et que la fréquentation diminue. Ma fille a été étudiante à Lyon ; aujourd'hui elle aurait beaucoup de mal à faire ces trajets. N'oubliez pas la ruralité ! Cette gare TGV mérite d'être développée.

Inapplicabilité du décret Son

Mme Sylvie Robert .  - Le décret Son d'août 2017 pose des difficultés au spectacle vivant, notamment aux festivals et aux spectacles en plein air. Ce décret fixe des limites acoustiques particulièrement strictes qui s'appliquent en plein air comme dans les lieux clos. C'est l'exemple typique d'une mauvaise réglementation, qui menace toute une filière. Après huit ans d'application, il est temps d'en finir, d'autant que le spectacle vivant a connu en dix ans une hausse exponentielle de ses coûts - une réflexion sur l'avenir des festivals est d'ailleurs en cours. Il est urgent de donner de l'air à la filière, sinon des événements culturels risquent de disparaître. Je vous demande solennellement, madame la ministre, de suspendre l'application de ce décret jusqu'à la fin de l'année, le temps de déterminer les normes réalistes qui pourront concilier vie culturelle et santé publique.

Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement .  - Le Gouvernement est pleinement conscient des complexités qu'engendre le décret Son pour les festivals. Les ministres de la culture, de la santé et de l'environnement y travaillent, car la réglementation doit être techniquement et financièrement applicable par les professionnels. Il pourrait ainsi être envisagé de réglementer le recours aux basses fréquences - gênantes pour le voisinage et dangereuses pour la santé - et d'alléger le recours aux études d'impact en cas de spectacles similaires. Nous vous tiendrons informée du calendrier et des conclusions de ces travaux.

Mme Sylvie Robert.  - Merci. Le contexte budgétaire impacte déjà fortement le spectacle vivant. Nous devons simplifier et expérimenter, pour trouver ce juste équilibre, qui facilitera l'organisation des spectacles et des festivals dans nos territoires.

Lacune réglementaire concernant les engins de déplacement personnel motorisés

M. Olivier Paccaud .  - Le maire de Lamorlaye m'a soufflé qu'il existait une lacune réglementaire relative à la verbalisation des mineurs de moins de 14 ans conduisant un engin de déplacement personnel motorisé (EDPM) - les trottinettes électriques.

Depuis l'entrée des EDPM dans le code de la route en 2019, la réglementation s'est étoffée : obligation d'emprunter les pistes cyclables, interdiction de circuler sur les trottoirs, port d'un gilet rétroréfléchissant la nuit, interdiction de transporter un passager. Il est aussi formellement interdit de conduire un EDPM avant l'âge de 14 ans, mais rien ne permet à la police municipale de verbaliser un tel comportement. Résultat : les agents établissent des procès-verbaux « blancs »... L'officier du ministère public rappelle que la personne majeure qui accompagne le mineur et qui exerce une autorité de droit ou de fait sur lui peut être sanctionnée, mais cela ne s'applique pas lorsque le mineur est seul. Et quid de la procédure à suivre : les agents peuvent-ils faire appel à un officier de police judiciaire (OPJ) en cas de refus d'identification ? Sont-ils autorisés à contacter les parents pour vérifier l'identité d'un mineur ?

Envisagez-vous la création d'un dispositif spécifique permettant la verbalisation de la conduite d'un EDPM par un mineur de moins de 14 ans ? Allez-vous diffuser des instructions claires à destination des collectivités territoriales afin d'harmoniser l'application de cette interdiction sur l'ensemble du territoire ?

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - L'âge minimal pour conduire un EDPM a d'abord été fixé à 12 ans, puis relevé à 14 ans en 2023. Le non-respect des règles de circulation est sanctionné par des contraventions. Le code de la route permet de sanctionner la personne qui accompagne ce mineur, à condition qu'elle ait plus de 18 ans et qu'elle exerce une autorité de droit ou de fait sur le mineur, mais il n'existe pas de sanction particulière pour les mineurs de moins de 14 ans.

De manière générale, les mineurs de moins de 13 ans échappent à la responsabilité pénale, notamment dans le domaine des contraventions. C'est pourquoi la nomenclature des infractions ne prévoit rien s'agissant des mineurs de moins de 14 ans qui conduirait un EDPM. Mais même sans sanction, les forces de l'ordre peuvent contrôler et rappeler à l'ordre. Sachez que j'ai demandé aux services du ministère de l'intérieur d'évaluer la possibilité de saisir et de confisquer ces engins.

Moyens de secours héliportés dans les Alpes-de-Haute-Provence

M. Jean-Yves Roux .  - En raison de sa géographie montagneuse, de sa superficie et de sa démographie médicale, le département des Alpes-de-Haute-Provence nécessite des solutions d'urgence et de premiers secours adaptées. De longs déplacements routiers sont synonymes de pertes de chances : les secours héliportés sont donc indispensables.

La section aérienne de gendarmerie de Digne-les-Bains dispose d'un seul hélicoptère, entré en service au début des années 2000. Il a effectué 221 interventions médicalisées au premier semestre 2024, dont 138 en montagne. Son activité est en constante augmentation, mais le matériel est vieillissant et nécessite d'être immobilisé pour une maintenance de six mois, finalement ramenée à un mois.

La Lopmi a prévu l'acquisition de 28 hélicoptères, mais seulement six ont été commandés. Faute d'une décision rapide, des fermetures temporaires de bases sont à craindre, en particulier en territoire de montagne. Où en sont ces commandes ? C'est un enjeu vital.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Oui, nous avons besoin de moyens aériens pour intervenir dans les environnements difficiles d'accès. La flotte aérienne de la gendarmerie est vieillissante et nécessite une maintenance vigilante. Plusieurs flottes d'hélicoptères deviennent progressivement obsolètes, ce qui allonge les périodes d'indisponibilité pour entretien. S'y ajoutent des difficultés liées à l'approvisionnement en pièces détachées et à la dégradation de machines de retour de Guyane.

La section aérienne de gendarmerie de Digne-les-Bains sera donc temporairement fermée du 1er au 31 octobre 2025, pour assurer la maintenance de son appareil. La couverture aérienne sera toutefois maintenue et les missions d'urgence vitale seront assurées notamment par la section aérienne de gendarmerie de Briançon -  Mme la maire de Digne-les-Bains en a été informée. Sachez que 16 hélicoptères de nouvelle génération ont été commandés, afin que chaque section aérienne dispose d'un hélicoptère opérationnel jusqu'en 2028. Des travaux complémentaires sont en cours concernant l'évolution de la flotte d'hélicoptères de la gendarmerie, dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile.

La sécurité de nos compatriotes sera donc assurée.

Contrôle des antécédents judiciaires dans le milieu associatif

M. Xavier Iacovelli .  - J'ai été récemment sollicité par une mère inquiète qui s'interrogeait sur l'absence de contrôle des antécédents judiciaires des intervenants auprès des jeunes enfants, notamment dans les associations. La liberté d'association est un pilier de notre démocratie. Mais pourquoi ne demande-t-on pas aux personnes souhaitant créer ou diriger une association en contact avec des mineurs de fournir un extrait de casier judiciaire ? De trop nombreux faits illustrent pourtant la gravité de la situation : un individu condamné pour pédophilie, sorti de prison depuis deux ans, et qui envisage de créer un nouveau club sportif destiné aux enfants ; des cas d'agressions sexuelles sur mineurs et des faits de harcèlement qui font scandale au sein du club de football La Salaisienne...

Aucune vérification systématique des antécédents judiciaires n'est imposée dans le milieu associatif. Pourtant, nous devons protéger nos enfants. La liberté d'association ne doit pas servir de paravent à la récidive pédocriminelle.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour mieux protéger nos enfants dans les structures associatives ? Pourquoi ne pas imposer un contrôle obligatoire par la préfecture à chaque création d'association accueillant des enfants ?

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - La vérification des antécédents judiciaires de très nombreux professionnels ou bénévoles exerçant au contact de mineurs est déjà possible. Et le code du sport, qui prévoit des incapacités d'exercice en raison de certaines condamnations pénales, s'applique aux professionnels comme aux bénévoles qui sont éducateurs sportifs ou arbitres, entre autres.

Le contrôle des antécédents judiciaires a été étendu par plusieurs lois : celle du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, celle du 8 mars 2024 visant à renforcer la protection des mineurs et l'honorabilité dans le sport, et celle du 8 avril 2024 portant mesure pour bâtir la société du bien-vieillir et de l'autonomie. Nombre de ces consultations se font de manière massive et automatisée. Le but est de dire oui ou non, rapidement. C'est ainsi que la consultation du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijais) a progressé de plus de 50 % en quelques années. Cela illustre la force et la constance dans l'engagement de l'État dans la lutte contre ces violences.

Oui, nous devons évidemment préserver la liberté associative en France ; ces contrôles y contribuent. Nous sommes toutefois preneurs de nouvelles propositions législatives. Soyons fermes et rigoureux, pour protéger les plus faibles d'entre nous.

Chercheurs contraints de quitter les États-Unis

M. Pierre-Alain Roiron .  - Les mesures prises par l'administration Trump inquiètent la communauté scientifique mondiale : coupes massives dans les programmes, licenciements dans les agences fédérales liées à la santé et au climat, retrait d'organisations comme l'Organisation mondiale de la santé (OMS), tout cela affaiblit la liberté académique et menace les équilibres fondamentaux de nos démocraties.

Vous avez dit avoir sollicité plusieurs établissements français pour qu'ils accueillent des chercheurs contraints de quitter les États-Unis. L'université de Tours, dans mon département, a répondu présent. L'accueil de dix à quinze chercheurs représenterait un investissement de 4 à 5 millions d'euros sur trois ans.

Cela doit s'accompagner d'une coordination rigoureuse, d'un financement adapté et d'une stratégie claire, au niveau national et européen pour attirer et retenir ces talents en consolidant l'espace européen de la recherche et en valorisant la science comme levier de souveraineté et d'innovation.

Notre pays dispose d'atouts indéniables, mais il reste peu attractif, faute de moyens et d'une valorisation des chercheurs suffisante. Quels dispositifs concrets pour structurer ces accueils dans la durée ? Y aura-t-il des moyens budgétaires spécifiques ? Quelle articulation avec la stratégie nationale de recherche et les besoins exprimés par les établissements universitaires français ?

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - L'inquiétude est effectivement palpable dans tous les laboratoires, comme j'ai pu le constater à Tours. Les coupes budgétaires radicales fragilisent des programmes internationaux majeurs dans lesquels les États-Unis investissaient beaucoup, non sans impact pour l'observation de la Terre, le climat, la santé. Rappelons d'abord le principe de la liberté académique, auquel la France et l'Europe sont très attachées.

Nous avons mis en place des dispositifs de soutien aux initiatives comme celles des universités de Tours ou de Marseille, ou de Centrale, en particulier Choose France for Science. Une plateforme a été mise en place avec des soutiens financiers de France 2030.

Le Président de la République accueillera à Paris en colloque mes homologues et la présidente de la Commission sur cette question. Nous devons aussi nous demander comment développer notre autonomie pour nous projeter dans l'avenir.

Fermetures d'écoles sans l'accord du maire

M. Jean-Marc Vayssouze-Faure .  - Le 25 avril 2019, le Président de la République s'est engagé à ne procéder à aucune fermeture d'école sans l'accord préalable du maire. La ministre Borne l'a confirmé le 2 avril dernier.

Pourtant, sur le terrain, des suppressions de postes entraînent des fermetures d'écoles en 2025, souvent sans concertation suffisante, provoquant de vives réactions chez les maires, les parents d'élèves et les habitants.

Les évolutions démographiques sont une réalité, mais elles ne justifient pas la remise en cause des engagements du chef de l'État, surtout à l'approche d'échéances locales importantes. Pouvez-vous me certifier que tous les territoires, notamment le Lot, entrent dans le périmètre des engagements pris ?

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - La carte scolaire résulte d'un travail pluriannuel donnant lieu à de nombreux échanges avec les élus locaux et fondé sur une appréciation objective de la situation de chaque école et de chaque territoire, tenant compte des temps de transport des élèves. Les observatoires des dynamiques rurales, mis en place dès 2024, renforcent ce dialogue en partageant les évolutions démographiques du territoire.

Cela répond à l'engagement du Président de la République de ne fermer aucune école dans les territoires ruraux sans l'accord du maire, que l'État maintiendra à la rentrée 2025, malgré une baisse démographique qui touche l'ensemble du territoire, dont votre département.

Dans le Lot, il y avait 10 680 élèves dans le premier degré à la rentrée 2024, soit 400 de moins qu'en 2022 et 1 143 de moins qu'en 2017. Pour 2025, une baisse supplémentaire de 218 élèves est prévue. Cela n'a pourtant pas entraîné de suppression de postes. Le taux d'encadrement s'améliorera cette année encore dans le Lot, avec 19,4 élèves par classe. La carte scolaire ne prévoit que la fermeture de deux classes.

M. Jean-Marc Vayssouze-Faure.  - Dans le Lot, la fermeture de deux postes entraîne la fermeture de deux écoles. C'est la réalité. (M. Jean-Raymond Hugonet renchérit.) Je serai donc particulièrement vigilant à ce que votre réponse soit appliquée.

L'école de la République est le pilier de la vitalité des communes rurales, comme je l'avais écrit au Premier ministre le 2 février 2025, sans réponse à ce jour.

Le maintien d'un maillage scolaire cohérent dans les espaces de faible densité garantit la qualité de l'éducation. L'école est un investissement pour l'avenir et un vecteur essentiel de liens sociaux et d'attractivité pour nos villages.

Précarité des étudiants outre-mer

Mme la présidente.  - Je salue les jeunes élus du conseil municipal de Champagnole, présents en tribune.

Mme Monique de Marco .  - La population étudiante dans les territoires ultramarins a beaucoup augmenté depuis vingt ans ; or 40 % des jeunes Ultramarins effectuent au moins une partie de leurs études supérieures dans l'Hexagone. Les raisons sont connues : la faiblesse de l'offre universitaire outre-mer et les conditions de vie particulièrement difficiles.

La précarité des étudiants y est nettement plus grave : à Mayotte, plus de 61 % des étudiants vivent dans la pauvreté. En cause, un coût de la vie plus important, de 17,4 % en moyenne. L'inflation de ces dernières années n'a fait qu'empirer la situation.

En cause également, un sous-investissement chronique dans les services publics, les Crous et les cités universitaires. En 2022, à La Réunion, il y avait 5 000 demandes de logements universitaires pour 1 300 chambres disponibles. Même chose pour l'alimentation, la santé, le transport. Les jeunes Ultramarins sont les grands oubliés de la République.

Pour la première fois, l'État a reconnu la nécessité d'une aide supplémentaire avec un complément de bourse de 30 euros. Insuffisante, elle n'apporte aucune solution pour les non-boursiers, également victimes de ces inégalités territoriales. Comment comptez-vous lutter contre ces inégalités et développer l'offre universitaire locale alors que les jeunes représentent un tiers de la population ultramarine ?

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - L'accompagnement vers la réussite de tous les étudiants, y compris ultramarins, est une priorité de l'État. Nous renforçons l'offre de formation pour que les jeunes qui le souhaitent puissent faire l'ensemble de leurs études chez eux.

La première des inégalités, c'est la nécessité pour 39 000 étudiants sur 50 000 de partir. La majoration des bourses de 30 euros bénéficie aujourd'hui à 27 000 étudiants ; elle n'est pas négligeable, représentant jusqu'à 21 % du montant des bourses.

Nous rénoverons près de 800 logements étudiants d'ici à 2027, un tiers du parc. Nous avons majoré la nouvelle aide individuelle à la restauration pour les étudiants sans accès à une offre du Crous, pour plus de 4 000 étudiants d'outre-mer. Les moyens des Crous d'outre-mer ont été fortement augmentés : 1,7 million d'euros en plus pour Antilles-Guyane et 1,3 million pour La Réunion et Mayotte.

Après le cyclone à Mayotte, l'État a versé une aide d'urgence de 300 euros à chaque étudiant mahorais sur place et dans l'Hexagone. L'université de Mayotte a bénéficié de 2 millions d'euros de crédits pour réaliser les travaux.

Recyclage aux gestes de premiers secours des enseignants

Mme Anne Ventalon .  - Chaque jour, dans nos écoles, des enseignants se trouvent démunis face à des situations d'urgence : malaise, chute ou convulsions. Bien souvent, leur dernier contact avec les gestes de secours remonte à plusieurs années. On recense près de 22 000 accidents scolaires par an. Comment attendre d'un enseignant qu'il agisse vite et bien sans actualiser ses réflexes de sauvetage ?

Depuis 2009, les candidats au concours de professeurs des écoles doivent être titulaires du certificat de prévention et secours civique de niveau 1 (PSC1). Mais une fois en poste, aucune exigence de recyclage n'est prévue - contrairement aux crèches, où des formations régulières sont imposées à tous les professionnels. Il faudrait une obligation équivalente à celle des enseignants pour les assistants d'éducation et des accompagnants d'élèves en situation de handicap.

La sécurité des élèves et la sérénité des enseignants, tout comme celle des parents, exigent qu'on s'y intéresse. Envisagez-vous d'instaurer une obligation de recyclage régulier aux gestes de premiers secours pour les enseignants des écoles maternelles et primaires ?

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Les professeurs des écoles assurant l'éducation physique et sportive, ils doivent obtenir une qualification en secourisme avant leur recrutement, aux termes du décret du 17 juin 2004. Elle est reconnue s'ils attestent d'un niveau au moins égal à celui du PSC1 ; c'est aussi le cas pour les enseignants recrutés avant 2005, époque à laquelle cette qualification n'était pas exigée. Tous les enseignants en fonction ne disposent donc pas d'une attestation de formation PSC1, remplacée depuis juillet 2024 par la formation Premiers secours citoyen. Aucun texte n'impose de mise à jour de cette formation.

L'éducation nationale a engagé un effort considérable de formation en se dotant d'un vivier de formateurs, de guides, de référentiels internes certifiés par le ministère de l'intérieur. Ses agents peuvent désormais bénéficier d'une formation initiale et continue. Entre 2022 et 2023, ils ont été près de 25 000 à la suivre. Le ministère entend poursuivre cet effort et former ses personnels, en priorité les enseignants du premier degré.

Mme Anne Ventalon.  - Le volontariat ne suffit pas. Une formation à jour peut faire la différence entre un accident maîtrisé et un drame.

Fermetures de classes dans les écoles rurales

M. Jean-Raymond Hugonet .  - « Celui qui ouvre une porte d'école, ferme une prison », disait Victor Hugo. Chaque année, la carte scolaire inquiète les parents et les enseignants des communes rurales. L'Essonne n'y échappe pas.

À Courson-Monteloup, petit village de 577 habitants, l'école primaire - 52 élèves répartis en trois classes - nécessite des prises en charge adaptées, notamment pour les enfants en situation de handicap ou en redoublement. Pourtant, l'éducation nationale a décidé de fermer une classe, en fonction de critères numériques dépassés. Les réalités du terrain sont souvent très éloignées des projections administratives.

Nos enfants ne peuvent plus être une variable d'ajustement comptable. Les élus locaux ont conscience des difficultés de l'éducation nationale, mais ils en ont assez de ces situations ubuesques à chaque rentrée scolaire. Qu'entendez-vous faire pour respecter l'ambition du chef de l'État d'élever le niveau des élèves et de garantir une réelle égalité des chances ?

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - À la rentrée 2025, il y aura près de 93 000 élèves en moins, dont 80 000 dans le premier degré. Le nombre d'élèves par classe atteindra le niveau historiquement bas de 21,1. Nous mettons cette baisse au service de la réussite de tous et de la réduction des inégalités sociales et territoriales.

Dans l'Essonne, la baisse sera plus faible qu'ailleurs, de l'ordre de 0,3 %, soit 380 élèves en moins. Malgré tout, la dotation prévoit la création de dix-neuf postes, notamment pour créer de nouveaux dispositifs Ulis (unités localisées pour l'inclusion scolaire), renforcer les brigades de remplacement et parachever le dédoublement des classes en éducation prioritaire.

Cela ne signifie pas qu'il n'y aura aucune fermeture de classe, comme effectivement à l'école primaire Henry Peyret de Courson-Monteloup. Mais cette école n'est pas classée en zone rurale selon l'Insee et son public est globalement favorisé. Le nombre d'élèves par classe y sera de 23, dans la moyenne départementale. Il y aura un réexamen de sa situation lors de la phase d'ajustement.

M. Jean-Raymond Hugonet.  - La question est un marronnier ; je constate que la réponse aussi. Je vous invite à venir constater si Courson-Monteloup n'est pas en zone rurale... Vous parlez de territoires privilégiés ? Ces territoires, taillables et corvéables à merci, ne doivent plus être des variables d'ajustement. Je vous invite à lire votre réponse aux parents d'élèves qui en seront informés.

Vaccination contre l'influenza aviaire

Mme Annick Billon .  - L'épidémie d'influenza aviaire en 2021-2022 a coûté plus de 1,5 milliard d'euros et touché plus de 5 200 éleveurs, entraînant l'augmentation des importations.

L'État a accompagné les exploitants, notamment lors de campagnes de vaccination des canards. La prise en charge par l'État a été réduite de 85 % à 70 % en août 2024 ; elle devrait passer à 40 %. Cette économie relative de 25 millions d'euros pour l'État pèsera sur l'exploitant, pour qui la charge passera de 9 000 à 18 000 euros en moyenne.

Ce sont les seuls à être soumis à une obligation de vaccination, qui préserve l'ensemble des espèces. Les élevages de moins de 250 canards, pour qui la vaccination n'est pas obligatoire, pourraient y renoncer, ce qui représente un risque sanitaire évident.

Le Gouvernement envisage-t-il de maintenir une prise en charge à 70 % ? Comment soutenir durablement la filière canard ?

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Veuillez excuser Mme Genevard, retenue à l'Assemblée nationale.

L'État continue de financer la vaccination contre l'influenza aviaire, obligatoire depuis 2023. Il aura versé 1,6 milliard d'euros d'indemnisation entre 2015 et 2023. C'est un succès, avec seulement une dizaine de foyers recensés entre 2023 et 2024, contre plus de 700 attendus. Le coût atteint une centaine de millions d'euros, mais cette démarche protège l'ensemble des volailles.

Il faut maintenant la pérenniser en transférant progressivement son financement aux filières. L'État a couvert 85 % du coût entre 2023 et 2024, 70 % entre 2024 et 2025, et couvrira 40 % en 2025-2026. Les éleveurs devront assumer une charge supplémentaire d'environ 50 centimes par canard.

L'État doit adapter son budget ; le Gouvernement accompagnera les filières, avec deux dispositifs d'environ 12 millions d'euros. La ministre de l'agriculture a également lancé les assises du sanitaire animal pour une approche plus durable. La France a retrouvé son statut indemne en février dernier.

Mme Annick Billon.  - Nous partageons votre volonté de faire des économies, mais il faut se poser la question coût-bénéfice. Il y a un risque sanitaire à supprimer ces aides ; il n'est pas normal que seule la filière canard soit concernée par la vaccination alors que celle-ci protège tous les oiseaux.

J'ai récemment interrogé la ministre sur la fosse de Petosse. Cette filière a beaucoup souffert.

Menace sur l'apiculture liée à l'acarien Tropilaelaps

Mme Christine Bonfanti-Dossat .  - L'apiculture française est en crise : au déclin des colonies d'abeilles provoqué par certains pesticides, aux ravages du frelon asiatique et aux effets du changement climatique s'ajoute la pression exercée par des parasites, dont le varroa.

Or une menace sanitaire nouvelle se précise, liée à l'acarien Tropilaelaps, présent en Géorgie et qui se rapproche dangereusement des frontières de l'Union européenne. Hautement pathogène, ce parasite présente un cycle de reproduction rapide, en sorte que les colonies infestées peuvent s'effondrer en quelques semaines.

Les experts s'accordent sur la nécessité d'une réponse coordonnée et immédiate. En particulier, il est impératif de renforcer drastiquement les contrôles aux frontières, de déployer un plan national de biosécurité apicole, de soutenir la recherche et l'innovation en matière de lutte sanitaire et d'assurer des indemnisations adaptées aux apiculteurs touchés.

L'apiculture joue un rôle majeur pour le maintien de la biodiversité et la pollinisation des cultures essentielles à notre souveraineté alimentaire. L'arrivée du Tropilaelaps pourrait aggraver la situation déjà précaire de nombreux apiculteurs français, dans le Lot-et-Garonne comme ailleurs.

Quelles mesures immédiates le Gouvernement compte-t-il prendre pour prévenir la propagation de ce parasite et soutenir les apiculteurs dans leur lutte contre les menaces sanitaires, qui vont croissant ?

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - L'infestation par les acariens du genre Tropilaelaps est une maladie réglementée au sein de l'Union européenne, ce qui se traduit notamment par des obligations de déclaration.

Ce parasite a été détecté en Russie et en Géorgie, et le risque existe qu'il entre dans l'Union européenne. La vigilance des apiculteurs est donc appelée sur le respect strict des règles d'import de colonies et de reines. En outre, ils doivent procéder à un examen sanitaire régulier et attentif de leurs colonies.

Les apiculteurs qui identifieraient des acariens suspects devront contacter dans les plus brefs délais le guichet unique régional de l'Observatoire des mortalités et des affaiblissements de l'abeille mellifère (OMAA) ou la direction départementale de la protection des populations (DDPP). Une déclaration rapide est indispensable pour appliquer des règles strictes aux mouvements des abeilles et de leurs produits.

Le ministère de l'agriculture prépare une fiche à l'attention des apiculteurs, afin de les sensibiliser à l'apparition de cette maladie.

Les conséquences de la présence sur notre sol du frelon asiatique à pattes jaunes sont déjà majeures : raison de plus pour tout mettre en oeuvre afin d'éviter toute introduction de cet acarien sur notre territoire.

Installations agrivoltaïques dans le parc naturel des Alpilles

M. Stéphane Le Rudulier .  - Ma question porte sur l'installation de dispositifs agrivoltaïques dans le parc naturel régional des Alpilles.

Depuis 2023, le préfet est compétent pour délivrer des autorisations en la matière. Le territoire de ce parc naturel n'est, pour l'heure, pas protégé de ce genre d'installations. Nous redoutons une altération durable des paysages provençaux, notamment en cas de prolifération abusive.

S'il paraît difficile d'interdire à certains agriculteurs de diversifier leurs revenus quand d'autres sont autorisés à le faire, les maires concernés ont pris l'initiative d'identifier les zones qui pourraient accueillir de telles installations, afin de préserver les parties du parc les plus sensibles ou remarquables. Au reste, on peut s'interroger sur la capacité des préfets à avoir sur ces sujets une vision globale et de long terme, comme celle des parcs naturels.

J'ajoute que le régime juridique de l'agrivoltaïsme peut occasionner des dérives : certains agriculteurs pourraient être tentés de délaisser la dimension agricole de leur activité.

Qu'en pense le Gouvernement ?

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - En 2023, la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (Aper) a défini les conditions du développement de l'agrivoltaïsme dans les espaces agricoles, naturels et forestiers. Les projets doivent apporter à l'activité agricole un service direct parmi ces quatre : amélioration du potentiel agronomique ; adaptation au changement climatique ; protection contre les aléas ; amélioration du bien-être animal. L'activité agricole doit rester dominante sur la parcelle.

Par ailleurs, la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) émet sur ces projets un avis conforme, ce qui permet de prendre en compte leurs incidences sur le territoire.

Ainsi, les activités agricoles et de production d'énergie ne s'opposent plus, mais se complètent. La production d'énergie doit respecter la vocation agricole des parcelles, et des contrôles réguliers sont prévus pour garantir que l'agriculture reste l'activité principale. Ce cadre permet de concilier les enjeux de la souveraineté alimentaire et de l'autonomie énergétique.

M. Stéphane Le Rudulier.  - Il est quelque peu paradoxal que l'État signe des chartes de parc naturel régional interdisant les installations photovoltaïques tout en donnant aux préfets le droit de se substituer aux maires pour délivrer des autorisations en la matière... La protection des paysages remarquables reste un combat fondamental.

Plafonds d'activités accessoires des sociétés civiles agricoles

M. Bernard Buis .  - Avant l'adoption de la loi Souveraineté alimentaire et agricole, les sociétés à objet agricole ne pouvaient pas, sauf exception, exercer des activités commerciales accessoires, en raison du caractère civil des activités agricoles défini à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, ainsi que du principe de spécialité statutaire.

Désormais, les groupements agricoles d'exploitation en commun (Gaec), les groupements fonciers agricoles (GFA) et les exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL) peuvent, sans perdre leur caractère civil, exercer des activités accessoires de nature commerciale, à condition que les recettes tirées de ces activités n'excèdent pas 20 000 euros ou 40 % de celles issues de l'activité agricole.

Les professions concernées saluent cette évolution, mais s'interrogent sur la différence entre les plafonds prévus à l'article 28 de la loi précitée et ceux mentionnés à l'article 75 du code général des impôts. Aux termes du second, un exploitant soumis à un régime réel d'imposition peut inclure dans son bénéfice agricole des revenus accessoires tirés d'activités commerciales et non commerciales, dès lors qu'ils n'excèdent pas, sur les trois années précédant l'exercice, 100 000 euros ou 50 % des recettes agricoles annuelles moyennes. Une société civile agricole pourrait donc respecter ce plafond tout en dégageant des recettes commerciales dépassant 20 000 euros ou 40 % des recettes de son activité agricole.

Ne serait-il pas plus simple d'aligner les plafonds sur ceux prévus au CGI ? Les sociétés concernées pourraient ainsi mieux amortir les investissements nécessaires au développement d'activités comme l'oenotourisme.

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Les deux dispositifs que vous mentionnez n'ont pas le même objet.

L'article 28 de la loi d'orientation agricole sécurise le caractère civil des sociétés agricoles qui exercent une activité commerciale complémentaire afin de diversifier leurs revenus. Il s'agissait de répondre à la crainte que l'activité commerciale ait des conséquences sur la limitation de la responsabilité des associés et, dans le cas des Gaec, sur la validité de l'agrément de l'État. Les intéressés sont dispensés de créer une structure sociale distincte pour l'exercice d'une activité commerciale complémentaire. Les plafonds prévus garantissent le caractère strictement accessoire de cette activité.

Quant à l'article 75 du CGI, sans incidence sur le caractère civil ou commercial d'une société, il détermine le régime d'imposition des bénéfices d'une exploitation agricole : lorsqu'une société civile dépasse les seuils d'activités accessoires, elle peut devenir imposable à l'impôt sur les sociétés.

La ministre de l'agriculture se tient à votre entière disposition pour approfondir les analyses sur ce sujet.

Dotations de soutien à l'agriculture biologique

M. Alain Duffourg .  - L'agriculture biologique connaît des difficultés sérieuses, au point que 3 à 4 % des exploitations sont contraintes de revenir à l'agriculture conventionnelle chaque année. De fait, la consommation de produits biologiques est en baisse - de 6 %, par exemple, en 2022. Toutes les productions sont concernées : oeufs, volailles, maraîchages et autres.

Des dotations prévues dans le cadre de la PAC 2023-2027 restent à redistribuer. Les syndicats agricoles, notamment la Confédération paysanne, souhaitent que ces dotations soient maintenues dans le deuxième pilier, car elles sont très importantes pour soutenir le développement de l'agriculture biologique. Le Gouvernement entend-il faire le nécessaire ?

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Le Gouvernement n'a jamais cessé de soutenir les agriculteurs bio, notamment en déployant des aides d'urgence de trésorerie à hauteur de 100 millions d'euros par an en 2023 et 2024.

Compte tenu de la crise du secteur, une baisse des conversions a été constatée ces dernières années. Or, dans le cadre de la politique agricole commune 2023-2027, le soutien à l'agriculture biologique est centré sur les conversions. D'où le reliquat de crédits non utilisés sur les deux premières années de la programmation.

Il n'y a pas de droit acquis à une affectation de ces crédits dans un secteur particulier. Une concertation avec les parties prenantes est en cours en vue de modifier le plan stratégique national pour 2026 : elle offre l'occasion de réfléchir à la réaffectation des crédits résiduels. Cette réaffectation se fera de manière pragmatique, mais il va de soi qu'il ne s'agit nullement de réduire l'ambition sur la bio.

Malgré l'arrêt de l'aide au maintien en agriculture biologique pour la période 2023-2027, la majorité des agriculteurs bio continuent de bénéficier de soutiens spécifiques, dont le crédit d'impôt bio, revalorisé à 109 millions d'euros cette année. Cet effort important dans le contexte actuel traduit la volonté du Gouvernement de soutenir ce mode de production durable.

M. Alain Duffourg.  - Les organisations syndicales veilleront à ce que ces aides soient bien versées à l'agriculture biologique.

Accompagnement des Cuma

M. Pierre Jean Rochette .  - Le dispositif national d'accompagnement des projets et initiatives (Dina) des coopératives d'utilisation de matériel agricole (Cuma) encourage non seulement le partage des machines, mais aussi divers projets collectifs. Or il est la cible de coupes budgétaires non négligeables au détriment du réseau des Cuma, qui nous tient particulièrement à coeur en zone rurale. Pourtant, tous les rapports menés soulignent l'intérêt de ce dispositif, qui démultiplie l'impact des projets.

Cette aide à l'accompagnement stratégique est unique en son genre dans l'agriculture ; elle est perçue par plus de 600 coopératives, impliquant plus de 14 000 agricultrices et agriculteurs. Sa mise à mal suscite l'inquiétude et l'incompréhension de l'ensemble du réseau des Cuma, surtout au vu du caractère modeste des sommes en jeu par comparaison avec d'autres dispositifs de soutien.

Quelle ambition et quelle pérennité le Gouvernement entend-il donner à ce dispositif ?

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - La loi de finances pour 2025 prévoit de redresser les comptes publics de 50 milliards d'euros et de ramener le déficit public à 5,4 % du PIB. Pour y parvenir, nous devons réduire les dépenses de l'État et de ses opérateurs, dans le cadre d'un effort partagé.

Si le programme « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt » connaît une réduction sensible de son budget, l'État continue de déployer des moyens importants pour soutenir l'agriculture. Le dispositif Dina-Cuma est maintenu cette année, certes avec des moyens diminués. Il a déjà permis d'accompagner environ 30 % des Cuma. Parmi les coopératives ayant réalisé un conseil stratégique, un quart en ont réalisé au moins deux et 6 % trois ou plus.

Malgré la diminution des crédits, le dispositif continue d'accompagner les coopératives, en particulier celles qui n'ont jamais été financées pour un conseil stratégique. Une grille de priorisation a été établie en 2023, en liaison étroite avec la Fédération nationale des Cuma.

Une solution alternative consisterait à diminuer le taux de ce dispositif de 90 à 80 ou 70 %, afin de continuer à accompagner un nombre important de structures, sans priorisation.

M. Pierre Jean Rochette.  - J'entends bien la nécessité de faire des économies, mais veillons à ne pas casser un dispositif qui a fait la preuve de son efficacité.

Présidence de M. Xavier Iacovelli, vice-président

La séance est reprise à 18 h 30.

Défaillances d'entreprises

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur les défaillances d'entreprises, à la demande de la délégation aux entreprises.

M. Olivier Rietmann, au nom de la délégation aux entreprises .  - (Applaudissements) La délégation sénatoriale aux entreprises a voulu associer tous les sénateurs à la réflexion sur ce sujet essentiel, au moment où la situation des entreprises est très délicate. La période est marquée par des menaces de guerre commerciale et une incertitude sur la croissance, mais le sujet des défaillances est en réalité multiforme.

Les chiffres sont sans appel. En un an, les défaillances s'élèvent à 66 000 selon la Banque de France ; ce chiffre est supérieur à celui de 2015, dépassant largement la période précédant la pandémie.

Selon l'observatoire du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ), le nombre d'entrées en procédure judiciaire a augmenté de 2,3 % au premier trimestre 2025 par rapport à 2024 et de 23,8 % par rapport à 2019.

Nous sommes donc loin de la décrue annoncée.

La Cour des comptes a déjà abordé la question de la détection et du traitement des difficultés des TPE et PME en juin 2024 ; le parcours des entreprises en difficulté demeure complexe et les guichets trop nombreux.

Pourtant, des solutions existent, pragmatiques, pour mieux accompagner les dirigeants des TPE et PME : tel est l'objet du rapport que vous ont remis le médiateur national du crédit et le médiateur des entreprises.

Quelles leçons tirer de ces chiffres ?

D'abord, la situation d'instabilité causée par l'administration Trump fait planer une menace importante. Les organisations patronales nous l'ont dit pas plus tard que cet après-midi.

Ensuite, si les TPE de moins de dix salariés représentent 85 % des procédures - 1 500 emplois supprimés par semaine -, la part des ETI et des PME dans les défaillances a augmenté de 28 % en un an. Pour la première fois, celles-ci ne sont plus aussi résistantes : le nombre d'ETI en redressement a doublé dans tous les secteurs. Or les ETI sont notre force de frappe en matière de commerce extérieur.

Enfin, la dette publique culmine à 3 300 milliards d'euros et la charge annuelle de la dette à 59 milliards d'euros : quand prendrons-nous conscience de la gravité de la situation ? Nous ne pouvons plus miser sur la seule augmentation des recettes fiscales issues des entreprises. Au contraire, nous devons les accompagner. La compétitivité doit être au coeur de notre stratégie.

Allianz Trade estime que les défaillances augmenteront encore au cours des deux prochaines années. Il nous faut des réformes structurelles. Il serait irresponsable de reconduire, voire d'aggraver, la contribution des entreprises en 2026, car ce sont elles qui créent de la valeur, financent les salaires et les politiques publiques.

La principale priorité du moment, c'est la transformation écologique. Cela supposera beaucoup d'investissements, ce qui risque de conduire à une baisse de la rentabilité des entreprises. Qui a appelé à une telle politique de décroissance ? Ni Yannick Jadot ni Marine Tondelier, mais le ministre Éric Lombard. C'est inacceptable !

M. Damien Michallet et Mme Frédérique Puissat.  - Très bien !

M. Olivier Rietmann.  - Ne nous trompons pas d'ennemis en fustigeant les entrepreneurs, comme l'a récemment fait Jacques Attali.

Le Sénat et sa délégation aux entreprises sont prêts à se mobiliser pour redresser les comptes publics sans provoquer de récession. Les entreprises doivent se sentir soutenues par les pouvoirs publics : je pense non aux aides, mais à la capacité de l'État à laisser les entreprises se consacrer à la création de valeur.

Nous devrons prendre des décisions courageuses, et rapidement : le temps de la décision politique doit impérativement s'aligner sur celui de la vie économique.

Madame la ministre, je vous remercie pour ce dialogue que j'ai l'honneur de lancer ce soir. Je forme le voeu que celui-ci se poursuive avec l'ensemble des ministères concernés. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP et du RDPI)

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Merci à la délégation aux entreprises pour l'organisation de ce débat.

Un échange constructif commence par des constats partagés. Le premier chiffre est celui des défaillances : 66 000 en 2024. Autrement dit, ces entreprises ont connu un jugement d'ouverture lors de l'une des trois procédures collectives -  sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire.

Le deuxième : 48 % de ces entreprises employaient au moins un salarié. Ce chiffre doit être comparé au nombre de créations d'entreprises : un million depuis 2021 - surtout des micro-entreprises.

Le troisième chiffre est celui qui se cache derrière ces défaillances : 234 000 emplois, contre 151 000 en 2019. C'est impressionnant, mais 70 % des emplois menacés seraient finalement conservés grâce au rétablissement de l'entreprise ou à une reprise.

L'état des lieux est clair : notre pays connaît un niveau de défaillances important, bien supérieur à celui observé avant la pandémie.

Celui-ci doit toutefois être remis en perspective avec la crise sanitaire, pendant laquelle le Gouvernement a pris de nombreuses mesures d'urgence. En 2019 et 2020, nous n'avions que 30 000 défaillances par an. D'où un effet de rattrapage.

Cela dit, notre économie n'est pas grippée : nous constatons le maintien d'une dynamique inédite de création d'entreprises et de création d'emplois dans le secteur privé.

La compétitivité de nos entreprises est cruciale : elle seule permet d'innover, d'investir, de se développer et d'embaucher, en résistant à la concurrence. Éric Lombard y est très attaché.

Nos entreprises font face à une vive concurrence. Le Gouvernement est engagé aux côtés des TPE, des PME, des ETI ou des micro-entreprises, dans les différentes phases de leur vie. Je salue tous les entrepreneurs, de l'économie sociale et solidaire (ESS) ou de l'économie conventionnelle : ils assurent la vitalité des territoires.

Je sais aussi que nos entreprises ont besoin de lisibilité et de stabilité. Nous devons nous engager dans une diminution des dépenses publiques, pour diminuer les prélèvements obligatoires qui pèsent sur elles.

Les normes aussi constituent aussi une perte de temps, donc d'argent : le projet de loi Simplification de la vie économique, que je défendrai ce soir à l'Assemblée nationale, y remédie. S'attaquer au stock de normes est une chose, mais il faut s'attaquer aussi au flux : je suis très attachée à la mise en place du test PME, comme vous, monsieur Rietmann. C'est essentiel pour éviter des normes illisibles, dont le coût est parfois disproportionné.

M. Guillaume Chevrollier.  - Tout à fait !

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - Yves Jégo me remettra prochainement un rapport sur le made in France pour mieux comprendre ce qui fait la vitalité de nos territoires.

Nous devons proposer des solutions pour limiter le plus possible les défaillances.

Premier chantier : inciter les entrepreneurs à agir en amont des procédures collectives. Si 70 % d'entre elles mènent à une liquidation, 70 % des procédures préventives permettent la poursuite de l'activité. La start-up d'État Signaux faibles facilite le recours aux procédures amiables.

Deuxième chantier : simplifier la cartographie des outils publics d'accompagnement.

Le troisième chantier est celui du rebond. L'échec entrepreneurial est mal vécu. Il nous faut un changement culturel. Nous ne partons pas d'une page blanche : retravaillons les dispositifs existants.

J'espère que nous pourrons esquisser un plan d'action, pour prévenir, protéger et rebondir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

M. Franck Menonville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) La situation financière des entreprises doit nous alerter tout autant que celle de l'État : 66 000 défaillances en un an, soit 12,5 % de progression annuelle. Les entreprises de moins de dix salariés et les ETI, dans les secteurs de l'immobilier, de la construction, du transport et de l'automobile, sont particulièrement touchées : pas moins de 3 200 postes disparaissent par semaine.

Le mouvement de rattrapage post-covid, l'augmentation des coûts énergétiques, le poids du modèle social, la prolifération normative, la multiplication des contraintes administratives, autant de raisons expliquant cette situation.

Ces entreprises sont pourtant le coeur battant de notre économie.

Quelles mesures de soutien comptez-vous mettre en oeuvre ? Le mandat ad hoc ne représente que 13 % des procédures : comment le promouvoir ? Comptez-vous réorganiser les prêts garantis par l'État (PGE) hors procédures collectives ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - Il faut avant tout assurer la compétitivité des entreprises en diminuant leurs charges. (M. Fabien Gay proteste.)

Comment prévenir les défaillances et favoriser les procédures amiables ? Des dispositifs existent. Le plus connu est le comité départemental d'examen des problèmes de financement des entreprises (Codefi), qui dépiste les risques de défaillances. La start-up Signaux faibles analyse les informations et identifie chaque trimestre les risques de défaillance à dix-huit mois.

Le mandat ad hoc et la conciliation, procédures amiables, doivent être privilégiés, car les procédures préventives permettent dans 70 % des cas de poursuivre l'activité.

M. Fabien Gay .  - Il y a deux façons d'aborder le débat.

Il est vrai que certaines défaillances sont dues à la guerre commerciale ou au prix de l'énergie, notamment.

Mais, parfois, le patronat organise lui-même des défaillances (M. Damien Michallet proteste) et la délocalisation des savoir-faire. Je ne parle même pas de Michelin ou Auchan -  des collègues s'en chargeront.

Hier, j'étais dans le Gard, à la Verrerie du Languedoc, sous-traitant de Perrier. Cette entreprise, détenue depuis 2011 par Owens-Illinois, n'a aucun problème financier. Mais le groupe a décidé de fermer le site et de supprimer 500 emplois, alors qu'il a touché 15 millions d'euros d'argent public en cinq ans.

Le Gouvernement restera-t-il les bras ballants face à cette stratégie purement financière qui casse notre industrie et nos savoir-faire ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - Je salue l'engagement des entreprises pour continuer à investir et embaucher. Le Gouvernement regrette la décision de réorganisation de la verrerie de Vergèze.

Le groupe Owens-Illinois présente cette réorganisation comme indispensable pour maintenir son implantation en France -  neuf sites et 2 000 emplois.

Le Gouvernement est mobilisé pour vérifier la qualité du dialogue social avec les employés (M. Fabien Gay s'exclame), celle des mesures d'accompagnement du plan de sauvegarde et les résultats des actions menées, notamment pour retrouver un repreneur.

Des solutions de reprise existent - je pense aux Fonderies de Bretagne.

M. Fabien Gay.  - Parce que les camarades se sont battus !

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - Mobilisons-nous pour trouver un repreneur pour cette entreprise.

M. Guillaume Gontard .  - Vencorex, Michelin, Fonderie de Bretagne, Photowatt : partout des sites ferment, dans des territoires meurtris. Acier, chimie, pneus, éoliennes, panneaux solaires, des secteurs entiers sont liquidés les uns après les autres.

La compétition asiatique et les prix de l'énergie expliquent en partie ces difficultés actuelles. Mais la plupart de ces entreprises sont rentables ; leur seul objectif est de rémunérer encore plus leurs actionnaires. Face à cette rapacité qui détruit notre souveraineté industrielle, que fait l'État ?

Quand il s'agit de verser des subventions pour l'implantation de nouvelles usines, l'État est au rendez-vous. Mais, pour sauver ces entreprises, il devient impuissant, comme si les licenciements et les délocalisations étaient une fatalité.

Pourtant, il peut agir, en nationalisant les activités stratégiques - il l'a déjà fait. Pourquoi les reprises en coopératives ne sont-elles jamais soutenues par l'État ?

Madame la ministre, la destruction créatrice que vous encouragez détruit notre industrie et l'intelligence artificielle ne remplacera jamais les savoir-faire des humains. Qu'attendez-vous pour agir ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - Nous regrettons chaque défaillance, chaque fermeture. Mais la dynamique de réindustrialisation engagée en 2022 se poursuit, avec 450 ouvertures nettes depuis 2022, dont 89 en 2024.

Ce solde positif doit être mis en avant : nous devons tenir bon, sans nier les difficultés. Ne cédons pas à la fatalité.

La situation de l'industrie est contrastée : agroalimentaire et industries vertes font des scores admirables, tandis que les électro-intensifs souffrent. Nous devons actionner tous les leviers nécessaires pour assurer la prospérité économique des entreprises. Le projet de loi Simplification et le plan d'urgence européen offriront des solutions. Nous devons aussi ouvrir le débat sur le coût du travail et reprendre la réflexion sur la baisse des impôts de production. (M. Olivier Rietmann renchérit.)

M. Guillaume Gontard.  - Ma question portait sur la stratégie du Gouvernement. Vous refusez tous les outils à votre disposition : nationalisations temporaires, aides aux coopératives, notamment.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - Les sociétés coopératives participatives (Scop) et les sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC) n'ont pas accès aux outils de financement dont bénéficie l'économie conventionnelle. Ainsi du prêt transmission de Bpifrance qui impose trois années d'ancienneté à l'entreprise susceptible de reprendre l'activité. Nous travaillons avec Bpifrance sur ce sujet.

Mme Marion Canalès .  - Auchan, Valeo, Vencorex, les fermetures décidées par ces grands noms attirent l'attention, mais elles relèvent davantage de la stratégie que de défaillances économiques. Je dénonce la fermeture scandaleuse d'Auchan dans les quartiers nord de ma ville, Clermont-Ferrand, alors que 10 % des dépenses d'alimentation et d'équipement des Français vont à la famille Mulliez.

La loi a confié aux tribunaux de commerce un rôle de prévention face aux défaillances des entreprises. Pousser leurs portes, c'est faire confiance à des femmes et à des hommes issus eux aussi du monde de l'entreprise.

Alors que le nombre d'emplois menacés par des défaillances a triplé dans mon département, Clermont Auvergne Métropole a décidé de ne pas rester sans rien faire et a créé un dispositif permettant d'intervenir au stade de la procédure amiable, via une subvention versée à l'association des juges et anciens juges consulaires du Puy-de-Dôme pour que ceux-ci accompagnent les entreprises en difficulté jusqu'à leur rebond. Chaque année, une douzaine d'entreprises est ainsi accompagnée.

Sur le même modèle, la région Île-de-France a mis en place le chèque prévention.

L'État va-t-il se saisir de ce type de mesures en vue de leur généralisation ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - Les dispositifs que vous citez sont insuffisamment connus et il faut faciliter leur accessibilité. La semaine dernière je me suis rendue dans la Loire et j'ai échangé avec les services de la préfecture qui ont mis en place des dispositifs pour anticiper les difficultés. Ils ont maintenu le dispositif des rencontres économiques, initié pendant le covid.

Entre les conseillers départementaux aux entreprises en difficulté, les commissaires à la restructuration et à la prévention des risques et le comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri), il faudrait un guichet unique. Au-delà des soutiens financiers, il faut travailler sur la compétitivité des entreprises en amont, diminuer les prélèvements obligatoires et le coût du travail pour soutenir la comparaison avec les autres pays. C'est l'élément essentiel.

M. Jean-Luc Brault .  - Quand le bâtiment tousse, toute l'économie s'enrhume. Or aujourd'hui, il est totalement grippé. Il me faudrait non pas deux minutes, mais deux semaines pour parler des défaillances d'entreprises. Empilement de normes, surtransposition européenne, concurrence déloyale au sein de l'Union, délais et charges administratives, accès aux crédits bancaires, agissements et temps de réaction des mandataires liquidateurs : où en est la simplification ?

Dans le Loir-et-Cher, un équipementier de la SNCF qui a 600 salariés m'a dit : en France, j'ai mis deux ans et demi pour avoir un permis de construire ; à Barcelone, cinq mois ! Et encore, si vous avez la chance de ne pas tomber sur un triton doré ou un papillon azuré - même si je n'ai rien contre la biodiversité.

Parmi d'autres chantiers interrompus, c'est celui d'un entrepreneur qui pèse 60 millions d'euros de chiffre d'affaires qui vient d'être arrêté ce matin. L'immobilier peine à redémarrer, nombre de restaurants déposent le bilan, des boulangeries mettent la clé sous la porte.

Notre texte sur la simplification de la vie économique a été voté à l'unanimité il y a plusieurs mois : il portait notamment sur les syndicats et les mandataires liquidateurs qui font beaucoup de mal en faisant traîner les affaires pour se servir dans la trésorerie de l'entreprise en difficulté. À la veille du 1er mai, ne faut-il pas lancer la révolution culturelle de l'entrepreneuriat ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - Les entreprises du BTP ont été effectivement touchées. Le marché de la construction neuve diminue, et la croissance de la rénovation énergétique ne suffit pas.

Le projet de loi sur la simplification de la vie économique examiné actuellement à l'Assemblée nationale comporte des mesures de simplification pour l'accès à la commande publique pour les TPE et PME, comme la hausse du seuil de 40 000 à 100 000 euros ou la possible suppression du caractère solidaire des groupements momentanés d'entreprises pour les PME dans le cadre de marchés de moins de 100 000 euros. La simplification de l'accès au label RGE est aussi portée par le ministre du logement.

Je lancerai le 13 mai prochain les assises de la restauration et des métiers de bouche.

Mme Brigitte Hybert .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les chiffres des défaillances du premier trimestre montrent que les Pays de la Loire sont particulièrement touchés, avec une augmentation de 28 % des défaillances, soit 924 procédures en plus. Les ETI attendent une simplification des procédures.

Le programme ETIncelles a été bien accueilli, mais des freins demeurent, notamment pour l'éligibilité, réduite aux PME entre 60 et 220 salariés. Pourquoi de telles bornes ? Comptez-vous élargir ce programme, qui pourrait redonner un élan à l'industrialisation de notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Annick Billon applaudit également.)

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - Lundi matin, j'ai fait un point sur la simplification des procédures : sur les 535 Cerfa qui concernent le ministère de l'économie, 115 ont été supprimés. Cela représente 450 000 téléchargements que les entrepreneurs n'auront plus à effectuer. (M. Olivier Rietmann s'en réjouit.)

Le programme ETIncelles a accompagné 200 PME depuis 2023 avec un objectif de 500 d'ici à 2027. Il propose un accompagnement sur mesure pour faire grandir les PME en ETI. Ce dispositif est assez souple et permet à une grande diversité d'entreprises d'y postuler. Il s'agit de valoriser les pépites de notre territoire.

Dans votre département, des entreprises telles que ABCM, Arcade Cycles, Rabaud ou Clean Sells en ont profité.

Les appels à manifestation d'intérêt (AMI) de cette année sont terminés depuis le 28 mars 2025 ; le lancement de la cinquième promotion se fera le 16 mai prochain. Si vous connaissez des entreprises qui souhaitent en bénéficier, rapprochez-vous de la direction générale des entreprises.

M. François Patriat .  - Personne ne nie les difficultés des entreprises, mais personne ne peut nier les efforts des gouvernements pour soutenir la politique de réindustrialisation. La vie a toujours été faite de créations et de suppressions d'entreprises.

Pendant la crise sanitaire, de nombreuses aides ont été mises en place, sauvant l'économie. Aujourd'hui, l'effet de rattrapage intervient.

Ce sont les plus petites entreprises qui sont touchées, comme l'entreprise Valti, à Montbard, en Côte-d'Or. Pour trouver un repreneur, c'est difficile. Pas moins de 130 personnes risquent de se retrouver sans emploi. Cet exemple s'inscrit parmi tant d'autres.

La guerre commerciale initiée par Trump crée de l'incertitude. Or nous exportons de nombreux produits issus du savoir-faire français. D'autres venus de l'étranger pourraient prendre leur place.

Quelles mesures de simplification pourraient aider les entreprises à poursuivre leur activité ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - La réindustrialisation est réelle : 89 ouvertures nettes en 2024, 450 depuis 2022.

En dépit de la suspension de 90 jours décrétée par Donald Trump, la menace d'une augmentation des droits de douane crée de l'incertitude ; malgré tout, le taux additionnel sera de 10 % sur de nombreux produits et de 25 % sur l'acier, l'aluminium ou l'automobile. Ce moment est l'occasion de créer un rapport de force pour engager des discussions. Nous devons porter ce dossier au niveau européen et parler d'une seule voix.

Des mesures de simplification sont engagées à travers le projet de loi de simplification de la vie économique, notamment pour les baux commerciaux - 2 milliards d'euros de trésorerie pourraient être rendus aux commerçants, par la mensualisation des loyers et la limitation du dépôt de garantie à un mois.

M. Philippe Grosvalet .  - En 2024, 67 830 procédures de défaillances d'entreprise ont été enregistrées, touchant toutes les régions et tous les secteurs. Pas moins de 250 000 emplois sont menacés. En Loire-Atlantique, c'est la stupeur : en licenciant 600 salariés après avoir touché 298 millions d'euros de subventions en 2023 et s'être vu promettre 850 millions d'euros pour décarboner ses sites, ArcelorMittal prend une décision incompréhensible. Cela s'ajoute à Michelin, Vencorex, Systovi ou, chez moi, General Electric.

Les discours de Donald Trump ne sont pas seuls en cause ; la fragilité du tissu industriel et le manque de vision stratégique y contribuent aussi.

L'objectif de souveraineté industrielle ne peut pas se réduire à la distribution de subventions ; il est plus que temps que l'État définisse une réelle politique de développement économique et industriel en partenariat avec nos territoires et nos représentants européens.

Ayons une pensée pour tous les salariés qui se voient dans l'incertitude et pour des territoires qui ne s'en sortent jamais indemnes.

À quand une planification industrielle ? Qu'envisagez-vous de faire s'agissant d'ArcelorMittal ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - Les annonces d'ArcelorMittal sont regrettables. Mais les difficultés de la sidérurgie européenne sont anciennes : la production a baissé de 20 % entre 2018 et 2023. Le plan d'ArcelorMittal concerne tous les sites européens. Aucun des sites français n'est menacé de fermeture à court terme ; c'est important. Nous serons vigilants, Marc Ferracci l'a rappelé. Avec huit autres États membres, la France a fait des propositions à la Commission européenne au travers d'un plan présenté le 19 mars dernier. La France souhaite le maintien de la sidérurgie européenne. L'État veillera au reclassement des salariés auxquels j'adresse mes pensées.

M. Pierre-Antoine Levi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les retards de paiement ont un impact dévastateur. D'après le rapport remis le 23 avril par les médiateurs Frédéric Visnovsky et Pierre Pelouzet, les retards de paiement inter-entreprises ont atteint près de quatorze jours fin 2024, privant nos TPE et PME de 15 milliards d'euros de trésorerie.

Nous traversons une période de croissance ralentie : 20 % des TPE et 9 % des PME présentent des capitaux négatifs. Les retards de paiement sont souvent la goutte d'eau menant à la défaillance. À cela s'ajoute le manque de trésorerie prévisionnelle.

Quelle est votre position sur trois recommandations du rapport : calcul des amendes en pourcentage de chiffre d'affaires plutôt qu'avec un plafond de 2 millions d'euros, manifestement insuffisant ; création d'équipes territoriales animées au niveau régional pour fédérer les acteurs publics et privés autour de la prévention des difficultés ; formation systématique des entreprises sur les dispositifs d'aide disponibles, notamment par les experts-comptables ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - Les retards de paiement sont évalués à 15 milliards d'euros de trésorerie pour les TPE et PME, souvent placées en bout de chaîne. Deux facteurs devraient les limiter : la mise en place de la facturation électronique et l'inclusion des comportements de paiement dans les critères de la cotation par la Banque de France.

Le dispositif de sanctions actuel n'est pas satisfaisant. Malgré tout, je salue les travaux de la DGCCRF, qui a infligé onze amendes de plus d'un million d'euros en 2024.

J'ai abordé cette question avec le président de la délégation aux entreprises et un texte est en préparation.

Nous devons améliorer la lisibilité des dispositifs et mettre en place un guichet unique.

Ensuite, pour mieux accompagner les entreprises, nous devons avoir une charte commune à tous les acteurs, publics comme privés.

M. Denis Bouad .  - L'annonce de la fermeture de la verrerie de Vergèze est une onde de choc pour les 164 familles concernées. Sans repreneur dans les prochains mois, elle devra fermer. Alors que 70 % de ses ventes se font à l'usine Perrier, son voisin direct, sa fermeture serait un non-sens écologique.

La commune de Vergèze est pleinement mobilisée. Mais un engagement fort de l'État est indispensable au maintien de cet outil de production. Avec 7 % de résultat net, ne la sacrifions pas sur l'autel de la finance et du profit.

On ne peut pas parler de réindustrialisation face à des salariés qui voient fermer leur usine où ils ont travaillé toute leur vie, parfois de père en fils. Comment le Gouvernement compte-t-il s'engager pour maintenir ce site de production et les emplois menacés ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - Nous notons un déclin structurel du marché du vin ; en outre, le secteur de la bière a tendance à utiliser de l'aluminium. Nous regrettons cette décision de l'entreprise liée à la baisse structurelle de la consommation. Le Gouvernement est mobilisé. Un suivi territorial a été lancé par le préfet du Gard.

Plusieurs acteurs sont mobilisés : préfecture, sous-préfecture, commissaire aux restructurations et à la prévention des difficultés (CRP), direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS) du Gard, agences de développement économique local et chambres consulaires. Nous devons tout faire pour trouver un repreneur.

M. Denis Bouad.  - Votre réponse ne répond en rien à ma question. Son principal client, Perrier, avait vendu la verrerie pour un euro symbolique il y a dix ans et 70 % de sa production est consacrée à l'eau. Rien à voir avec une baisse de consommation !

Mme Anne-Marie Nédélec .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le régime de garantie des salaires confié à l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) est un filet de sécurité indispensable qui assure les revenus des salariés pendant les procédures collectives. Mais le régime est à la peine : des montants records d'avance versés ces deux dernières années l'ont conduit à augmenter par deux fois le taux de cotisation en 2024. S'ajoutent à cela des jurisprudences de la Cour de cassation, élargissant le périmètre du régime aux indemnités, remettant en cause sa capacité à recouvrer les fonds accordés aux salariés, pourtant indispensables pour assurer l'équilibre financier du régime.

Ce sujet primordial a-t-il été identifié par vos services et les autres ministères compétents ? (Quelques applaudissements à droite)

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - L'AGS est très utile. Elle n'a jamais fait faillite et a toujours su assurer sa mission, malgré les crises. En 2024, elle a versé 2,13 milliards d'euros d'avances : c'est un record. Elle a donc relevé ses taux.

Elle a aussi conclu un accord avec les mandataires et administrateurs judiciaires lui permettant de récupérer, au premier trimestre 2025, 157,6 millions d'euros, soit 53,2 % de plus qu'au premier trimestre 2024. De même, 607 millions ont été récupérés en 2024 par les administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires, soit plus de 72 % par rapport à 2023.

L'AGS peut recourir à des lignes de prêt. Ce n'est jamais arrivé, mais c'est une piste.

Le Gouvernement reste vigilant. Nous suivrons ces évolutions de près.

Mme Anne-Marie Nédélec.  - L'AGS doit se concentrer sur sa mission première : on ne peut pas tout lui demander !

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - Je partage vos remarques. Le Gouvernement y est très attentif.

M. Simon Uzenat .  - Au-delà des défaillances, c'est bien l'emploi qui est menacé au sein des PME et des ETI, où elles augmentent de 60 % par rapport à 2017-2019. Les trésoreries sont en baisse, les stocks en hausse. Le bâtiment connaît une crise structurelle ; le climat est anxiogène. L'attentisme prédomine. Ce sont aussi des conséquences très directes des coupes budgétaires imposées aux collectivités.

Le Sénat a créé une commission d'enquête sur la commande publique, sur l'initiative du groupe Les Indépendants. Au bas mot, 170 milliards d'euros par an seraient mobilisés par les pouvoirs publics ; mais, selon la Cour des comptes de l'Union européenne, la part de la commande publique dans le PIB de notre continent s'élèverait à 14 %, ce qui nous amènerait à 300, voire 400 milliards d'euros.

Pour la Fonderie de Bretagne comme ailleurs, les collectivités sont au rendez-vous pour soutenir les entreprises. Elles ont besoin de soutien, de visibilité et de moyens. Quelles réponses leur apportez-vous ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - Oui, la commande publique - 170 milliards d'euros - joue un rôle important de soutien au monde économique, en particulier à nos TPE et PME. Il faut simplifier l'accès de celles-ci aux marchés publics : le projet de loi Simplification de la vie économique le prévoit.

Les collectivités ont besoin de visibilité pour s'engager. Tous les préfets indiquent que les montants demandés au titre de la DETR et de la DSIL sont importants, ce qui est encourageant. Il faut toutefois accorder une attention particulière aux départements, confrontés à de sérieuses difficultés du fait de la hausse des dépenses sociales et de la baisse du produit des DMTO ; ma collègue Catherine Vautrin a reçu leurs représentants il y a quelques jours.

M. Simon Uzenat.  - Nous pouvons être d'accord sur la simplification. Mais les collectivités ont besoin de moyens financiers pour investir ! De nombreuses demandes sont déposées, en effet, mais toutes ne pourront être satisfaites. Et, faute de soutien, les collectivités renonceront à leurs projets.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - Les montants de dotation pour 2025 sont équivalents à ceux de 2024.

M. Simon Uzenat.  - L'inflation a baissé, mais elle est toujours là : la stabilité est donc en trompe-l'oeil. Au reste, dans le Morbihan, les crédits sont en baisse de 2 millions d'euros. Au total, pour cette année, c'est un effort de 7 milliards d'euros que vous demandez aux collectivités - et des coupes supplémentaires s'annoncent. L'abandon des projets d'investissement locaux aura des effets récessifs dans tous les territoires. Le Gouvernement doit revenir à la sagesse. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Lauriane Josende .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dans les Pyrénées-Orientales, département frontalier, les cessations d'activité sont en hausse de 13 % cette année, 4 points au-dessus de la moyenne nationale. Le secteur du BTP est particulièrement touché.

Parallèlement, les créations d'entreprises augmentent de 9,6 %, preuve du volontarisme et de la résilience de mon territoire. Mais n'oublions pas que chaque défaillance est un drame humain et une perte de savoir-faire. Je vois trop d'entreprises qui se battent chaque jour pour survivre ; hélas, certaines finissent par baisser les bras. Il faut dire que, de l'autre côté de la frontière, les normes, les charges et la considération envers les créateurs de richesses ne sont pas équivalentes.

Quels leviers le Gouvernement compte-t-il actionner pour aider les secteurs les plus en difficulté, comme le BTP ? Dans les tests PME, prendrez-vous en compte la situation des zones frontalières ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - L'artisanat, notamment dans le secteur du BTP, est confronté à de nombreuses difficultés, dont les causes sont multiples : inflation des matières premières, difficultés de recrutement et, dans les zones frontalières, concurrence avec des entreprises soumises à moins de normes ou à des taxes plus faibles.

Nous devons améliorer la compétitivité de nos entreprises en poursuivant la baisse des prélèvements engagée. De ce point de vue, nous devrons réfléchir à ne plus faire peser sur le travail le financement de certains pans de la protection sociale.

Mme Lauriane Josende.  - La piste que vous évoquez doit être approfondie. Peut-être pourrons-nous y travailler au sein de notre délégation ? (M. Olivier Rietmann renchérit.)

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - En ce qui concerne les tests PME, notre intention est de constituer un panel d'entreprises, volontaires, de toutes les tailles, tous les secteurs et tous les territoires, y compris frontaliers.

Mme Lauriane Josende.  - Les Pyrénées-Orientales sont un territoire volontariste : je suis sûre que nos entreprises seront volontaires pour participer à ces réflexions, au bénéfice de tous.

M. Damien Michallet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je me félicite de l'organisation de ce débat, qui rappelle que les entreprises ont toute leur place dans nos travaux.

Avec Frédérique Puissat, je ne puis pas ne pas penser aux entreprises iséroises disparues, dont Photowatt et Valeo.

Nous sommes tous d'accord sur l'objectif : nous devons nous mobiliser pour conserver nos entreprises. Les représentants de l'État minimisent le sujet au nom d'une approche dynamique, mais c'est oublier que les défaillances d'entreprises entraînent la disparition de compétences et de savoir-faire précieux ; elles peuvent aussi remettre en cause des chaînes de valeur et aggraver nos dépendances.

En particulier, il faut mieux préparer les transmissions. Le pacte Dutreil est un dispositif trop ignoré. Alors que la transmission est en enjeu essentiel, comptez-vous lancer une campagne d'information ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - Vous avez raison : il faut être très vigilant quand on considère le bilan des disparitions et créations. Sur les 1,1 million d'entreprises créées l'année dernière, 700 000 sont des micro-entreprises. Il y a aussi beaucoup d'entreprises qui ferment en sus des défaillances - 165 000 en 2024.

Le pacte Dutreil est un excellent dispositif. Une proposition de loi a été déposée à l'Assemblée nationale le 4 février pour un pacte Dutreil de long terme, avec des seuils d'exonération relevés. L'enjeu est essentiel, alors que 700 000 entreprises devront être transmises dans les dix prochaines années. Pour l'heure, une entreprise sur deux n'est pas reprise. Je lancerai prochainement les assises de la transmission-reprise : elles réuniront tous les acteurs et les parlementaires pour faire émerger des propositions.

Mme Else Joseph .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le suivi des défaillances est complexe, compte tenu de la multiplicité des critères à prendre en compte : secteurs - six seulement concentrent 80 % des bénéficiaires de la garantie du salaire -, zones géographiques - l'Île-de-France concentre 28 % des montants versés par l'AGS - et enjeu stratégique.

Comment votre ministère pilote-t-il le suivi des défaillances ? Sur quels critères vous fondez-vous pour lancer des alertes et repérer les situations les plus inquiétantes, par exemple du point de vue de la souveraineté ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - Nous avons des indicateurs clés par secteur, région ou nature d'entreprise. Nous pouvons ainsi conduire des politiques adaptées et prévenir au mieux les défaillances.

Le projet Signaux faibles, géré par une start-up de l'État sous la tutelle de la direction interministérielle du numérique (Dinum), a été pérennisé. Les comités départementaux peuvent ainsi détecter les futures défaillances, ce qui permet un accompagnement amélioré, notamment en direction des procédures amiables.

Mme Else Joseph.  - Dans les Ardennes, le nombre de bénéficiaires de l'AGS augmente, du fait notamment des difficultés dans la fonderie et la métallurgie. Ce qui remonte du terrain, c'est la multiplicité des intervenants, trop dispersés. Il faut agir le plus en amont possible : le tribunal de commerce peut conseiller, mais le mot tribunal fait peur. Il faudrait un guichet unique pour plus de simplicité et une meilleure information.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - En effet, nous avons un problème de lisibilité. Le médiateur du crédit m'a remis un rapport qui va dans le même sens. Trop souvent, les chefs d'entreprise ne savent pas à quelle porte frapper. Il faut un point d'entrée unique, qui pourrait être le conseiller départemental, lequel orienterait ensuite les entreprises.

Mme Else Joseph.  - Merci pour cette réponse, qui rassurera sur mon territoire.

Mme Sylvie Valente Le Hir .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Panhard, Citroën, Peugeot, Renault : autant de noms qui évoquent l'histoire de notre industrie automobile. Ce secteur a façonné de nombreux territoires, comme à Sochaux avec Peugeot ou Clermont-Ferrand avec Michelin.

Or l'impensable se produit : notre filière et ses sous-traitants sont tout bonnement menacés de disparition. Quelque 149 000 entreprises et 990 000 emplois directs et indirects sont en jeu. Dans l'Oise, à Méru, le PSE de Forvia a entraîné la suppression de 102 postes en R&D, un cataclysme pour le territoire où, en 2020, le ministre Bruno Le Maire était pourtant venu parler verdissement et relance de l'économie.

Alors que les annonces douanières de Trump obscurcissent encore le tableau, comment peut-on laisser faire ? Alors que le libre-échange devient de plus en plus théorique, l'Europe reste les bras croisés, imposant même au secteur, contre toute réalité, une fin des ventes de véhicules thermiques en 2035.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Sylvie Valente Le Hir.  - Sans modification des règles, nous nous condamnons à revivre le scénario de Méru ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - Les ventes de voitures baissent depuis le début des années 2000, et la tendance s'est accélérée ces dernières années. Le nombre d'immatriculations a ainsi chuté de 25 % depuis 2019.

Nous avons choisi de sortir du véhicule thermique en 2035 et sommes au milieu du gué. Les industriels ont consenti des investissements importants, les bornes de recharge sont en cours de déploiement et les utilisateurs de plus en plus nombreux. Nul doute que cette technologie s'imposera dans les années qui viennent.

Mais l'industrie automobile est fortement percutée. Voyez Forvia, qui a annoncé la suppression de 10 000 emplois en Europe. Nous devons être attentifs à l'accompagnement des salariés dont l'emploi est supprimé et continuer à soutenir la transformation de la filière. Dans le cadre de France 2030, par exemple, 54 milliards d'euros sont mobilisés à cette fin.

M. Christian Klinger, au nom de la délégation aux entreprises .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La richesse de ce débat démontre l'utilité de notre délégation, qui traite des questions relatives aux entreprises de manière transversale. De fait, les défaillances ont des causes multiples - normes excessives, concurrence européenne et mondiale, retards de paiement, notamment -, et seule une approche globale peut permettre d'y répondre.

La question du foncier économique se pose aussi : nous avons des progrès importants à réaliser en la matière, comme je l'ai montré dans le rapport que j'ai coécrit avec Michel Masset.

Plus largement, les décisions politiques sont prises dans des délais trop longs, comme les représentants du patronat nous l'ont rappelé cet après-midi. L'action publique doit gagner en agilité.

Dans un contexte de guerre commerciale, les défaillances risquent de continuer à augmenter. Tout ce que nous avons dit n'aura de sens que si nous prenons conscience des effets de nos décisions, notamment de nos arbitrages budgétaires. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026, nous devrons impérativement prendre des mesures structurelles pour réduire la dépense publique, plutôt que de toujours faire contribuer davantage les entreprises.

Dans une tribune récente, Nicolas Dufourcq, directeur général de BPI France, estime qu'il est dur d'être européen en ce moment : nous subissons les attaques des États-Unis et de l'Asie et, trop faibles, nous sommes piétinés des deux côtés.

Ayons le courage d'approfondir ces réflexions et abordons le prochain débat budgétaire avec pragmatisme et clairvoyance.

Les défaillances d'entreprises sont autant de drames que nous ne voulons plus vivre dans nos territoires. Ce débat constitue une première étape, dont nous nous réjouissons. Nous continuerons de rappeler les réalités économiques et la nécessité d'une mobilisation urgente sur tous les fronts pour inverser enfin la tendance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue à 20 h 10.

Présidence de M. Alain Marc, vice-président

La séance reprend à 21 h 40.

Initiatives européennes en matière de simplification et d'allègement de la charge administrative pesant sur les entreprises

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur les initiatives européennes en matière de simplification et d'allègement de la charge administrative pesant sur les entreprises, à la demande du groupe Les Républicains.

M. Jean-François Rapin, pour le groupe Les Républicains .  - Ce débat intéresse au-delà de nos murs. Ainsi, une contribution du Conseil national des barreaux souligne les enjeux de sécurité juridique liés aux initiatives prises la Commission européenne.

Dernièrement, la commission des affaires européennes a organisé, avec la délégation aux entreprises, une table ronde sur la simplification et adopté une proposition de résolution sur la reconnaissance des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Les entreprises ont souligné le changement d'approche de la nouvelle Commission, qui répare certaines erreurs de la précédente mandature, marquée par des mesures fortes de régulation, notamment en matière de durabilité et de devoir de vigilance - les fameuses CSRD CS3D, que l'on propose désormais de réviser. Des règles trop contraignantes pour notre industrie avaient été décidées, comme la fin des véhicules thermiques d'ici à 2035, ou la mise en oeuvre du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. La Commission s'engage dans une nouvelle voie plus réaliste, plus en phase avec les besoins des entreprises et avec le basculement mondial à l'oeuvre.

L'Union européenne fait face à des stratégies économiques très agressives de la part de la Chine et des États-Unis. L'administration Trump se montre particulièrement véhémente, mais n'oublions pas que c'est l'administration Biden qui a fait adopter l'Inflation Reduction Act. Mario Draghi souligne que, sans effort de productivité, l'Europe ne pourra pas être à la fois un leader des nouvelles technologies, un phare de la responsabilité climatique et un acteur indépendant sur la scène mondiale. Elle ne pourra pas non plus financer son modèle social.

La Commission européenne a présenté une boussole pour la compétitivité qui passe par un allègement des contraintes administratives pesant sur les entreprises. Son ambition est de réduire de 25 % la charge pesant sur les entreprises et de 35 % celle pesant sur les PME.

Il n'est pas question de rejeter en bloc les obligations en matière de durabilité ou de responsabilité sociétale et environnementale des entreprises (RSE). La directive NFRD de 2014 avait déjà imposé un reporting extrafinancier à plus de 11 000 entreprises. La Commission ne propose pas de déréguler mais de simplifier. Il y avait urgence.

Les entreprises européennes sont les plus vertueuses du monde sur le plan écologique et social. Ne leur imposons pas des contraintes excessives qui vont les pousser à s'implanter en dehors de l'Union ou favoriser leurs concurrents moins vertueux ! Je me réjouis de l'adoption rapide de la directive Stop the Clock qui a retardé de deux ans la directive sur la durabilité et d'un an celle sur le devoir de vigilance. Il faut maintenant en réviser le fond, et veiller à l'articulation entre droit national et européen. La France, bonne élève, a transposé la directive durabilité dès 2023. Comment éviter que Stop the Clock ne se traduise par une prime aux mauvais élèves ?

S'agissant du devoir de vigilance, nous avions alerté sur le poids de la charge pesant sur les entreprises pour s'assurer du respect des normes tout au long de la chaîne de valeur. Je me félicite des allègements proposés, notamment la baisse de la fréquence de reporting. Le nouveau gouvernement allemand devrait abroger la loi sur le devoir de vigilance dans les chaînes de valeur pour la remplacer par une loi sur la responsabilité internationale des entreprises qui transposera la directive en cours de renégociation ; en attendant, il n'y aura pas de sanction, sauf violations massives des droits de l'homme. Il est donc urgent d'adopter le paquet Omnibus pour éviter toute distorsion de concurrence au sein de l'Union.

Il serait intéressant de créer un vingt-huitième régime juridique, afin que les entreprises innovantes bénéficient d'un régime unique. Quelle est la position du Gouvernement sur ce dossier ?

La simplification doit se poursuivre, en faveur des ETI mais aussi du secteur agricole. Nous avons besoin de redonner de la compétitivité aux entreprises, en traitant de manière adaptée les PME et ETI.

Le Gouvernement défend-il cette démarche de restauration de la compétitivité ? Quelles mesures soutenez-vous plus particulièrement ? Quelles sont vos lignes rouges ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique .  - La simplification des obligations administratives des entreprises est une priorité du Gouvernement, dans le contexte de mise en oeuvre du Pacte vert et de recomposition des équilibres géopolitiques.

À la suite du rapport Draghi, qui fait le constat du déficit de compétitivité de l'Union européenne, la Commission a réagi rapidement avec le paquet Omnibus. Il ne s'agit nullement de remettre en question les objectifs environnementaux du Pacte vert : l'inaction environnementale serait un risque majeur et conduirait à une perte de 15 à 20 % du PIB mondial d'ici à 2050. L'année 2024 a été l'année la plus chaude jamais enregistrée, dépassant le seuil de 1,5 degré de réchauffement. La mise en oeuvre du Pacte vert est un impératif.

Les entreprises doivent intégrer leurs impacts environnementaux dans leur gestion stratégique sans perdre en compétitivité, à l'heure où certaines grandes puissances se désengagent.

L'appel du rapport Draghi a été entendu et la France prend toute sa part pour une réglementation proportionnée qui ne freine pas la compétitivité. Ainsi, le paquet Omnibus prévoit de limiter le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières aux importations de plus de 50 tonnes, ce qui sort du champ 92 % des entreprises mais couvre toujours 98 % des émissions.

Il recentre également la directive CSRD sur les entreprises de plus de 1 000 salariés, ce qui exempte 80 % des entreprises. Le calendrier est décalé de deux ans, et le volume des informations à publier est réduit. Nous soutenons cette simplification.

La directive CS3D doit également être simplifiée, en assurant des conditions de concurrence équitable. Focaliser les mesures de vigilance sur les partenaires directs va dans le bon sens. Le Gouvernement plaide pour un seuil à 5 000 salariés, en cohérence avec la loi française. La suppression d'un régime de responsabilité civile harmonisé pénaliserait les entreprises françaises - c'est un point fort de la négociation.

Le travail de simplification ne recule pas devant l'obstacle. Le Gouvernement agit avec détermination pour une simplification adaptée aux réalités économiques, sans compromettre nos objectifs premiers.

Renforcer notre compétitivité tout en limitant la lourdeur administrative nous permettra d'atteindre nos objectifs du Pacte vert.

M. Gérard Lahellec .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Sous prétexte de compétitivité, la proposition de directive Omnibus fragilise plusieurs avancées récentes : la responsabilité sociétale des entreprises, la finance durable et les exigences accrues de transparence.

L'économie contemporaine est régie par la prime au vice : plus une entreprise a des pratiques délétères pour l'intérêt général, plus elle sera profitable. Si vous délocalisez pour produire là où les normes sociales et environnementales sont limitées, vous êtes plus compétitif. Difficile pour les entreprises qui veulent produire localement de s'en sortir. Ainsi des PME qui veulent produire en Europe du textile qualitatif, étranglées par la concurrence déloyale de la fast fashion. Avec la guerre commerciale de Donald Trump, le phénomène pourrait s'amplifier car faute de débouchés aux États-Unis, les produits chinois à prix cassé risquent d'inonder le marché européen.

Nos entreprises ont besoin de régulation pour être protégées. La loi anti fast fashion, adoptée à l'Assemblée nationale à l'unanimité en 2024, propose d'augmenter les contributions financières payées par ces entreprises dans le cadre de la RSE. Ce type de mesures réduirait la concurrence subie par les acteurs du made in Europe.

Méfions-nous de l'idée selon laquelle la régulation serait un fardeau entravant les entreprises. Ce n'est pas parce qu'il y a des accidents à certains carrefours qu'il faut supprimer les feux rouges ! C'est au contraire en régulant la vitesse qu'on fluidifie la mobilité. Les entreprises ont besoin de la régulation qui les protège du dumping environnemental et social, de la loi du plus fort et du moins scrupuleux.

L'Europe a tout intérêt à préserver la qualité de nos emplois, mais aussi de nos sols, de l'air et de l'eau. Pour cela, il faut des règles. C'est en incarnant une autre économie, sociale et écologique, que l'Europe restera une puissance mondiale.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - Nous devons faire la différence entre l'objectif de la régulation, qui est généralement de protéger nos valeurs, et l'application de cette régulation. Nous souhaitons, sur ce dernier point, le plus de simplification possible, pour ne pas ralentir nos entreprises qui portent ces valeurs. Ne nous laissons pas enfermer dans un discours qui ferait de la régulation une fin en soi.

La loi anti fast fashion arrive les 2 et 3 juin au Sénat. Nous serons très attentifs aux débats. Ce matin, autour du ministre Éric Lombard, avec Amélie de Montchalin et Véronique Louwagie, nous avons assisté à Roissy à l'afflux des petits colis de moins de 150 euros : 800 millions chaque année, dont 94 % sont non conformes. C'est un risque pour les Français, pour notre économie, pour nos finances publiques aussi, car ils ne sont pas toujours bien déclarés. Amélie de Montchalin envisage d'instaurer des frais de gestion pour financer le renforcement des contrôles, car nos concitoyens n'en paieront pas le prix.

M. Jacques Fernique .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le paquet Omnibus entend alléger les charges administratives pesant sur les entreprises. Derrière ce vernis de simplification, c'est un coup de frein porté à la transition écologique.

On voudrait nous faire croire que les obligations sociales et environnementales seraient des tracasseries administratives pourrissant la vie des acteurs économiques. En réalité, parler de simplification est un abus de langage : il s'agit d'un renoncement, d'une régression par rapport à des avancées négociées lors de trilogues difficiles. Le Pacte vert est un acquis de la précédente législature !

Ce serait aussi une régression pour notre Sénat, après la résolution transpartisane sur le devoir de vigilance ou la commission d'enquête sur TotalEnergies.

Cette dérégulation est en réalité un choix politique porté par la droite et l'extrême droite européenne. Les règles de RSE sont le bouc émissaire des difficultés des entreprises. Entre autres reculs, la mise en oeuvre de la directive CSRD serait reportée ; son champ ne couvrirait plus que 0,02 % des entreprises européennes ; le reporting ne serait plus obligatoire que tous les cinq ans ; on supprimerait l'obligation de rompre les relations commerciales en cas d'incidences négatives avérées ; le devoir de vigilance ne s'appliquerait plus à toute la chaîne d'activité. Le principe même de cette directive serait liquidé et les victimes perdraient leur possibilité de recours juridique.

On ouvre les vannes au dumping social et environnemental qui, précisément, malmène nos entreprises, à rebours de nos objectifs de souveraineté industrielle. Alors que la France a été à l'avant-garde, nous allons perdre un temps précieux. La Chine nous talonne en matière de standards de durabilité, l'Australie, le Japon, le Canada renforcent le devoir de vigilance. Allons-nous perdre notre avance ? Revenir sur nos règles encourage le vice et sanctionne la vertu !

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - L'objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2035 est bien maintenu, ne serait-ce que pour des raisons économiques, car, je l'ai dit, la trajectoire climatique actuelle aurait un impact de 15 à 20 % sur le PIB mondial. Il s'agit d'avancer vers cet objectif en simplifiant intelligemment, sans alourdir la charge pour nos entreprises. Ainsi du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières : on retire 92 % des entreprises du champ, mais on couvre toujours 98 % des émissions.

La France a été précurseur sur le devoir de vigilance. La suppression d'un régime de RSE harmonisé se ferait au détriment de nos entreprises. C'est un point de négociation sur lequel nous sommes très attentifs.

Nous travaillons à simplifier toutes les directives européennes, y compris celles en cours comme la directive Fida (Financial Data Access). Le secteur du numérique aura son propre paquet Omnibus en octobre.

M. Michaël Weber .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Face à une mondialisation sans foi ni loi, la norme peut être protectrice. La dérégulation à tout crin est une réponse dangereuse : il existe un espace entre bureaucratie et réglementation nécessaire. La frontière est certes ténue, mais nous pouvons réduire la complexité sans restreindre nos exigences.

L'Europe doit fonder sa compétitivité sur les atouts de son modèle social. Elle seule porte un projet pour une économie responsable et durable. L'Union européenne réglemente l'accès à son marché pour favoriser les entreprises vertueuses, protéger l'environnement et défendre ses valeurs.

L'argument est aussi économique : la qualité de nos modes de production et de consommation est notre avantage compétitif.

La compétitivité européenne n'oppose pas stabilité financière à la transition écologique et au respect des droits humains. Or c'est au nom de cette même compétitivité que l'on veut saper les avancées de l'Union en matière de droits humains, d'environnement et de climat !

Comparons nos modèles sociaux : l'espérance de vie en Europe est la plus élevée du monde, la production d'électricité y est la moins carbonée, la surface agricole en bio y est de 10 %, contre moins de 1 % aux États-Unis, le continent américain a triplé sa consommation de pesticides quand l'Europe l'a réduite de 5 %.

Nous obtenons des résultats - qui hérissent nos partenaires et concurrents. L'administration américaine n'hésite pas à s'immiscer dans nos politiques pour les contourner, torpiller le Pacte vert ou défaire nos ambitions agroécologiques. Les fonds ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) sont pris pour cible.

Toujours plus de profits pour les grands groupes, plus d'énergies fossiles, de ségrégation sociale, d'inégalités, de fraude, moins de droits humains, d'environnement, de solidarité et de justice : cette politique inique et absurde est présentée par certains comme une recette payante dans une course où la norme serait un obstacle.

La Commission européenne ouvre la boîte de Pandore en revenant sur ses normes les plus ambitieuses, en les reportant sine die, en restreignant leur champ d'application, les vidant de leur substance.

Ces va-et-vient incessants créent de l'incompréhension et de l'instabilité dont les entreprises européennes sont les premières à souffrir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - Il s'agit de trouver le bon équilibre, en simplifiant pour limiter la bureaucratie mais sans réduire notre ambition.

La version actuelle de la directive CSRD demeure très ambitieuse, plus que les standards internationaux comme l'ISSB (International Sustainability Standards Board).

Avec le projet de loi Ddadue, nous avons donné de la visibilité aux entreprises pour éviter que cet effort de simplification ne soit source d'incertitude pour elles.

M. Jean-Luc Brault .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Qu'est-ce qui se cache derrière ce débat ? La frénésie normative européenne. La première des mesures de simplification serait d'apporter de la visibilité et de la stabilité aux entreprises. Arrêtons de danser le tango, un pas en avant, un pas en arrière. Si nous n'avions pas complexifié aveuglément, nous n'aurions pas à simplifier par paquets Omnibus !

Nous avons besoin de l'Union, c'est une évidence. Mais demandez aux chefs d'entreprise sur le terrain ce qu'ils pensent de la Commission ! Ils vous diront qu'ils n'ont pas le temps de se conformer à une norme qu'une nouvelle leur tombe dessus. D'où une forme de précarité administrative et juridique - certains ont la boule au ventre. Cela vaut dans toute l'Union, me direz-vous, mais nous avons en plus un penchant pour le bavardage législatif et la surtransposition des directives...

L'Union européenne nous apporte une stabilité dans un monde toujours plus fou, mais elle doit le faire sans ajouter de la frénésie à la frénésie. Plaidons à Bruxelles pour un changement de culture, pour une sagesse normative, sénatoriale, pour une action plus connectée au terrain. Nous gagnerions en souplesse en apportant lisibilité et stabilité aux patrons qui pourraient ainsi choisir comment investir demain.

Si nous ne faisons rien, nous condamnons l'Union à une lente agonie - dixit Mario Draghi. La Commission a donc présenté une feuille de route qui propose de revenir sur des normes adoptées ces dernières années afin de simplifier les règles et alléger les charges administratives. Faisons-le pour nos PME, avant qu'il ne soit trop tard. Avec le retour de la guerre commerciale, il est impératif de marier réactivité et stabilité - sans sacrifier nos objectifs en matière écologique.

En agissant au plus près des acteurs économiques et des territoires, nous gagnerions en efficacité économique et en acceptation sociale.

Comment la France s'adaptera-t-elle aux mesures de simplification ? Sera-t-elle garante d'une forme de sagesse normative ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - Apporter de la stabilité aux entreprises, c'est ce qui guide notre action à Bercy. Nous recevons régulièrement les entreprises concernées.

Nous veillerons à ne pas surtransposer ces directives, afin que l'effort de simplification bénéficie bien à nos entreprises.

Nous sommes les seuls à ne pas nous interdire de remettre en cause des textes dont nous ne voyons pas l'utilité : ainsi, nous plaidons pour la suppression pure et simple de la directive Fida.

Mme Pascale Gruny .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP) La communication de la Commission sur le volet agricole comporte quatre grands axes de simplification, en réponse à la colère du monde agricole.

D'abord, des outils simplifiés d'aide au revenu, alors que la déclaration PAC annuelle est un cauchemar kafkaïen pour les agriculteurs. Cette surcharge administrative indue multiplie les risques d'erreurs déclaratives et donc de sanctions.

« Il n'appartient pas à l'Union de concevoir en détail les pratiques à respecter dans les exploitations », lit-on dans la communication. Enfin !

Les contrôles doivent être les moins nombreux possibles et être réalisés en une fois. Ils doivent être tournés vers l'analyse des résultats obtenus et l'accompagnement technique dans la mise en oeuvre de solutions efficaces.

La Commission entend également promouvoir les nouvelles technologies comme vecteur de simplification. Cela permettrait des contrôles plus simples et rapides. Les images satellitaires permettent des contrôles surfaciques moins invasifs.

La simplification doit viser une mise en oeuvre plus simple sur le terrain. Mais attention à ne pas trahir les attentes ! Le Sénat veillera à ce qu'elle ne serve pas à masquer une nouvelle étape renationalisation de la PAC - j'en parlais déjà dans mon rapport de 2017.

Des règles plus simples à appliquer, très bien. Mais il faut examiner aussi le stock de normes qui n'a jamais fait l'objet d'une évaluation coût-avantages. Les États-Unis font de la dérégulation l'un des axes de leur politique économique, ce qui risque d'accentuer le différentiel compétitif dont souffre l'Europe. En agriculture comme dans d'autres secteurs, nous aurons le choix entre déréguler nous aussi ou nous protéger, avec des barrières tarifaires ou non tarifaires - ces fameuses clauses miroirs, dont on parle beaucoup mais dont on voit peu la couleur.

Madame la ministre, quelles sont les réflexions sur ce sujet ?

Le monde agricole a démontré sa résilience, mais les tendances actuelles, géopolitiques ou climatiques, en menacent la viabilité. Donnons à nos agriculteurs la possibilité de faire leur métier sans entrave pour assurer notre indépendance alimentaire et stratégique. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDSE)

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - Là aussi, nous cherchons le bon équilibre. La ministre Genevard s'attache à simplifier le quotidien de nos agriculteurs tout en préservant les objectifs du Pacte vert. Nous accompagnons les agriculteurs qui nourrissent notre pays.

Mme Pascale Gruny.  - J'ai toujours peur quand on parle de simplification. Les agriculteurs ne veulent pas qu'on en rajoute. Simplifions surtout ce qui existe déjà, sans rien ajouter.

Mme Nadège Havet .  - Il nous faut simplifier sans déréguler et sans complexifier. Alors qu'un millier d'amendements sont déposés sur le projet de loi simplification à l'Assemblée nationale, appliquons déjà les mesures actuelles, en les expliquant, en les accompagnant, en les évaluant.

Préservons les relations entre l'administration et les usagers : moins de documents, plus de proximité et plus de confiance.

L'excès de normes pèse sur notre économie, et engendre souffrance au travail et découragement. La France se classe au deuxième rang des pays où la bureaucratie est la plus complexe. J'ai reçu de nombreux témoignages - autant d'appels au secours. Les normes que nous édictons emportent des conséquences sociales. On attend de nous une forme de sobriété.

Hier, à la Maison du peuple de Brest, je défendais une systématisation des études d'impact, la motion de censure constructive et le rétablissement du test PME, tout comme j'ai soutenu le test CRSD pour que les reporting soient praticables au sein des États membres. Après l'inversion de la courbe du chômage et des émissions de CO2, inversons la courbe de la complexité. C'est ce que MM. Rietmann, Moga et Devinaz ont proposé dans un rapport remarqué.

Simplifier, c'est numériser, mais aussi humaniser.

Il y a deux semaines, le Conseil de l'Union européenne a dévoilé sa position sur la CS3D, la CSRD et la taxonomie. Les Vingt-sept devraient trouver un compromis avant l'été, car les positions sont proches. En revanche, de grandes divergences existent entre groupes au Parlement européen, comme sur le reporting de durabilité ou le devoir de vigilance.

Attention à ce que la simplification ne soit pas synonyme de l'abandon de nos ambitions climatiques. Le groupe Renew demande le maintien de la double matérialité dans la CSRD, alors que la Chine a annoncé qu'elle appliquerait un seuil en deçà de 1 000 salariés.

Pascal Canfin a défendu la simplification de l'audit. Il s'est opposé à la suppression de l'harmonisation du régime de la responsabilité civile dans le cadre du devoir de vigilance, et défendu la préservation d'un équilibre entre les deux côtés de la chaîne de valeur. Si l'application est trop limitée, les grandes entreprises ne disposeront pas des données nécessaires à leur reporting. Les guides de cadrage sont attendus. Comme pour la commande publique, le temps de la sécurisation juridique est primordial.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - Nous sommes favorables au test PME. Nous avons beaucoup consulté et continuons à le faire, pour nous assurer que ces efforts soient en faveur de nos entreprises. La CMP sur la proposition de loi de M. Rietmann sera peut-être l'occasion de rétablir ce test PME.

M. Michel Masset .  - Nos normes sont trop nombreuses, peu lisibles et coûteuses pour nos entreprises. Le jardin normatif à la française s'est transformé en jungle hostile !

Une révolution copernicienne doit être menée en Europe pour alléger la charge administrative qui pèse sur nos entreprises.

Ursula von der Leyen a placé la simplification au centre de son deuxième mandat, avec l'objectif de réduire de 35 % la charge administrative pesant sur les PME d'ici à 2029. L'année 2025 est structurée autour d'un programme de travail visant à renforcer la compétitivité qui fait tant défaut à l'Union européenne et à supprimer les normes dont l'accumulation et les incessantes modifications paralysent nos entreprises.

Dans le Lot-et-Garonne, la surtransposition des normes en matière d'agriculture, de bâtiment ou de transport pénalise nos entreprises locales. La réglementation européenne est plus lourde pour les PME et ETI que pour les grandes entreprises.

En choisissant d'être proactive, la Commission européenne met le droit européen au service d'une politique de croissance. À la clé, une économie potentielle de 6,3 milliards d'euros et une capacité d'investissement supplémentaire de 50 milliards d'euros.

Nous devons nous placer du point de vue des entreprises. En 2019, l'Union européenne a publié plus de 13 000 actes normatifs, contre 3 000 aux États-Unis -  signe qu'elle est atteinte d'une bureaucratite aiguë. Elle ne dispose pas d'un cadre d'analyse des coûts et des bénéfices de nouvelles normes.

Plusieurs initiatives ont été prises ces derniers mois en faveur de la compétitivité. Cela fait écho à la proposition de loi Rietmann visant à rendre obligatoires des tests PME. Ces initiatives devront toutefois concilier la libération de notre potentiel économique avec la préservation d'un modèle social et environnemental européen.

La simplification ne doit pas être confondue avec la dérégulation de l'économie. L'Union européenne doit s'appuyer sur les atouts de son modèle social. Le groupe RDSE défend une mondialisation régulée.

La France doit veiller à défendre une politique de simplification compatible avec des standards sociaux et environnementaux les plus élevés possibles.

Cela doit questionner nos modes de consommation. Le premier prescripteur de l'économie reste en effet le consommateur. Nous devons encourager les circuits courts. Qu'en pensez-vous, madame la ministre ?

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - L'objectif du paquet Omnibus est bien d'alléger la charge des entreprises, notamment des plus petites, sur lesquelles les obligations pèsent plus lourdement. Il s'agit de maintenir nos objectifs sans freiner notre compétitivité.

Dans le contexte géopolitique actuel, on entend beaucoup parler de dérégulation. Mais les objectifs que nous maintenons en Européens sont aussi facteurs de compétitivité. Les fonds de pensions américains confient de plus en plus de fonds à des gestionnaires européens, parce qu'ils investissent à long terme et prennent en compte les risques environnementaux. Preuve que nos objectifs en matière de RSE sont aussi gage de compétitivité.

M. Claude Kern .  - Merci au groupe Les Républicains pour ce débat fort intéressant - même si le terme simplification interroge.

Je salue l'initiative du paquet Omnibus, destiné à alléger les contraintes pesant sur les entreprises européennes en matière de durabilité, de devoir de vigilance et de taxonomie. Il est heureusement possible de réduire les charges administratives et réglementaires tout en maintenant les objectifs de transition écologique.

Cette démarche traduit une partie des recommandations des rapports Letta et Draghi, qui ont souligné la perte de vitesse de l'industrie européenne par rapport aux États-Unis et à la Chine.

Un discours anti-européen simpliste voudrait fait croire que les maux de nos entreprises viendraient de l'Europe. Mais la France n'est pas la dernière à surtransposer, notamment en matière de droit du travail et d'environnement, ce qui rigidifie le marché du travail et alourdit les coûts.

La réduction des délais administratifs est un levier crucial pour améliorer notre compétitivité, qu'il s'agisse de la création d'une entreprise, de l'obtention d'un permis de construire ou d'une licence d'exploitation ou encore d'un remboursement de TVA. Réduire ces délais est essentiel pour créer un environnement plus favorable aux entreprises : numérisons les procédures, harmonisons les délais et améliorons la coordination entre administrations.

Les récentes initiatives européennes vont dans le bon sens : il faut poursuivre dans cette voie, au moment où les perspectives économiques s'assombrissent. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Michel Masset applaudit également.)

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - Je vous rejoins sur les surtranspositions. Un exemple récent : dans le projet de loi Ddadue, nous avons non seulement transposé la directive Stop the Clock, mais aussi introduit une obligation pénale pour les dirigeants d'entreprise, que le droit européen n'imposait pas. Dans le projet de loi Résilience, j'ai fixé pour principe de ne pas surtransposer et j'y veille avec fermeté.

Mme Marion Canalès .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Michel Masset applaudit également.) Simplifier oui ; renoncer, non. Il serait paradoxal de multiplier les discours sur la souveraineté tout en nous alignant sur les normes américaines ou chinoises. Il n'y a pas de puissance productive qui ne soit aussi une puissance normative, et je suis d'accord avec Olivia Grégoire lorsqu'elle dit que ceux qui ne font pas les règles finissent par les subir.

Le rapport Draghi recommande surtout des investissements massifs pour combler notre déficit de compétitivité.

Les règles de comptabilité sont un miroir de la société et un puissant outil de transformation du réel. De fait, la norme est aussi un facteur de compétitivité. Sortons de la vision binaire selon laquelle il y aurait d'un côté les bureaucrates accros aux normes, de l'autre les hussards des entreprises.

Simplifier, c'est rendre plus facile. Mais qu'est ce qui complique la vie des entreprises ? Ce sont les allers-retours incessants qui brouillent le cap, comme le stop and go français en matière de devoir de vigilance, un sujet sur lequel nous étions pourtant pionniers. Quelque 160 millions d'enfants travaillent sur les chaînes de production mondialisées : renoncer à ce principe, c'est nier tous les Rana Plaza du monde. Il est incompréhensible que le Gouvernement ait demandé un report sine die de l'application de ce devoir.

Ce qui complique la vie des entreprises, ce sont de telles voltefaces. Les réglementations sont des leviers de compétitivité, et nous devons travailler à leur acceptation, convaincre les entreprises qu'elles passeront rapidement du décryptage à l'avantage compétitif. Leur adoption peut avoir un coût, mais le coût de l'inaction serait bien plus élevé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Michel Masset applaudit également.)

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - Oui, la France a été pionnière en matière de devoir de vigilance. Nous avons souhaité que la directive européenne soit la plus proche possible du régime appliqué dans notre pays - je pense notamment au seuil de 5 000 salariés.

Mme Marion Canalès.  - Pourquoi la France, après avoir été visionnaire sur le devoir de vigilance, a-t-elle tout d'un coup reculé en plaidant pour un report sine die ?

M. Clément Pernot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En septembre dernier, le rapport Draghi nous a alertés sur le décrochage de l'économie européenne depuis vingt ans. Face aux États-Unis et à la Chine, notre capacité d'innovation s'effondre. Si rien n'est fait, l'Europe est condamnée à une lente agonie : elle produira toujours moins de richesses et sera impuissante à relever les défis de notre temps.

Il n'y a plus de temps à perdre : restaurer la compétitivité européenne est un enjeu existentiel.

Pour cela, il faut rapidement alléger le fardeau réglementaire, fruit de nos propres excès législatifs. Il coûte 150 milliards d'euros aux entreprises européennes chaque année. De 2019 à 2024, l'Union européenne a produit plus de 13 000 textes, plus du double des États-Unis ! Et l'administration Trump se lance dans une vague de dérégulation sans précédent...

Soyons lucides : qu'il s'agisse du spatial ou de l'IA, jamais nos entreprises ne pourront relever les défis immenses qui se présentent à elles sans simplification radicale des cadres réglementaires.

Après des années de surrèglementation, l'Union européenne semble avoir pris la mesure de l'urgence. Depuis 2023, chaque analyse d'impact doit intégrer un contrôle de compétitivité. En 2024, l'objectif a été fixé de réduire la charge administrative de 25 % pour les entreprises et de 35 % pour les PME. La Commission européenne admet que certaines régulations sont allées trop loin, à l'instar des critères ESG. Avec des objectifs louables, nous avons donné naissance à des monstres administratifs déconnectés des réalités économiques.

La boussole compétitivité et les paquets Omnibus vont dans le bon sens, comme est salutaire la volonté de passer en revue l'intégralité de l'acquis juridique européen. Reste que cette dynamique doit s'inscrire dans la durée. La simplification ne doit plus être l'exception, mais devenir un réflexe permanent. Il nous faut aussi poser ouvertement la question de la déréglementation : certaines normes doivent être corrigées, d'autres tout simplement supprimées.

Les ministères en charge des entreprises ont une responsabilité immense : ils doivent être tournés vers le redressement de notre économie et la restauration de la confiance. Madame la ministre, vous pourrez compter sur le soutien sans faille des sénateurs d'utilité économique si vous vous engagez dans cette voie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - Madame Canalès, l'expression sine die a été employée pour laisser aux discussions le temps d'aboutir, non pour retarder indéfiniment l'entrée en vigueur du devoir de vigilance.

Monsieur Pernot, nous sommes déterminés à accompagner les entreprises et à restaurer la confiance. C'est ce que nous avons fait récemment avec le Sommet pour l'action sur l'IA : nous avons mis la France au centre de l'IA et enclenché une dynamique.

À cette occasion, des actes forts ont été posés : 109 milliards d'euros d'investissements dans les infrastructures annoncés par le Président de la République, un plan européen de 200 milliards d'euros pour renforcer nos capacités souveraines.

M. Olivier Henno .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) Il est des sujets qu'on évoque avec constance et force bonnes intentions, mais qui peinent à se concrétiser : c'est le cas de la simplification européenne.

De longue date, les entreprises dénoncent une charge administrative étouffante, qui alourdit les coûts, bride l'innovation et mine notre compétitivité. Nos concurrents américains ou asiatiques, eux, évoluent dans des cadres plus souples, lisibles et favorables à l'innovation.

Entre 2019 et 2024, l'Union européenne a produit 13 000 nouvelles normes, deux fois plus que les États-Unis ; il y a un enjeu de volume, mais aussi de cohérence et de lisibilité.

Les directives Omnibus ont le mérite d'exister, mais l'action menée est trop timide. Élu du Nord, je mesure la menace qui pèse sur ArcelorMittal, notamment dans le Dunkerquois. Cette entreprise refuse d'investir dans la transition énergétique en dépit des subventions reçues, de 800 millions d'euros sur un projet industriel de 1,7 milliard d'euros. Et elle annonce 1 milliard d'euros d'investissements aux États-Unis...

Notre réarmement restera un mot creux sans filière française et européenne de l'acier, mais aussi de l'aluminium.

Avec Alain Chatillon, j'ai coécrit un rapport sur la concurrence européenne. Concurrence libre et non faussée, multilatéralisme, normes : c'était le monde d'hier. Désormais, nos concurrents abordent l'industrie sous l'angle de la puissance. Rien de nouveau : La Bruyère disait que la puissance d'un pays se mesure à son industrie.

Il ne s'agit pas de renoncer à nos normes sociales ou environnementales, mais de les rendre compatibles avec la réalité économique. Soyons efficaces et cohérents, la vitalité de notre économie en dépend.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - Vous pouvez compter sur l'engagement de Marc Ferracci pour soutenir la compétitivité.

M. Olivier Rietmann, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP) Ce riche débat demandé par le groupe Les Républicains ne peut que réjouir le président de la délégation aux entreprises...

La simplification des charges administratives pesant sur les entreprises et l'allégement des normes européennes en matière de responsabilité sociale sont deux nécessités qui se conjuguent.

Qui trop embrasse mal étreint, disait Rabelais. Ainsi, de nombreuses initiatives européennes sont justifiées dans leur principe, mais conçues en silos et pèsent toujours sur les entreprises, au point parfois de les menacer de disparition.

Si la Commission européenne avait procédé à un test PME approfondi pour chaque nouvelle norme, nous n'en serions pas là. Heureusement, elle n'a eu d'autre choix que d'entendre le désarroi des entreprises, et la déclaration de Budapest a amorcé une révolution.

L'exemple le plus choquant a été la décision d'arrêter la production de moteurs thermique en 2035. Ni les États ni les entreprises n'ont été consultés, et l'étude d'impact a été pour le moins légère, surtout au regard des conséquences de cette décision. La Commission européenne doit fixer des objectifs ; elle outrepasse ses prérogatives quand elle se substitue aux États au mépris du principe de subsidiarité.

La décarbonation de notre production est indispensable, mais le Green Deal a imposé aux entreprises une charge administrative importante pour un coût non négligeable. Les PME aussi sont touchées, lorsqu'elles font partie des chaînes de valeur de grandes entreprises. La méthode et le rythme n'étaient pas les bons. Il doit s'agir d'obligations de moyens, non de résultats, et mieux proportionnées.

Nous avons besoin d'une approche réaliste et pragmatique pour renforcer notre protection face à la concurrence, par une réglementation adaptée au nouveau climat des affaires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Prochaine séance demain, mercredi 30 avril 2025, à 15 heures.

La séance est levée à 23 h 10.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 30 avril 2025

Séance publique

À 15 h et 16 h 30

Présidence : M. Gérard Larcher, président, M. Pierre Ouzoulias, vice-président

Secrétaires : M. Jean-Michel Arnaud, Mme Céline Brulin

1Questions d'actualité au Gouvernement

2Débat sur le rapport d'avancement annuel sur le plan budgétaire et structurel de moyen terme 2025-2029 (demande de la commission des finances)