La santé mentale, grande cause du Gouvernement pour l'année 2025 : quels moyens pour en faire une priorité ?

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur « La santé mentale, grande cause du Gouvernement pour l'année 2025 : quels moyens pour en faire une priorité ? », à la demande du groupe SER.

Mme Marion Canalès, pour le groupe SER .  - En 2025, un Français sur cinq est touché par un problème de santé mentale, soit 13 millions de personnes, tandis que 3 millions souffrent de troubles psychiques sévères. Les Français consomment le plus d'anxiolytiques au monde. Quelque 13 % des enfants et adolescents, soit 1,6 million de mineurs, présentent un trouble psychique. Selon un rapport du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA), la médication des 6-17 ans a doublé.

Le coût économique et humain direct et indirect des problèmes de santé mentale est évalué à 110 milliards d'euros.

Michel Barnier avait pourtant érigé la santé mentale en grande cause nationale.

À quoi pourrait ressembler notre pays avec une politique publique à la hauteur ? Faisons un exercice de projection optimiste.

Nous sommes en 2040. Parlons d'abord des jeunes. La France a rattrapé son retard, et, comme au Canada, elle compte un psychologue pour 3 000 étudiants, et non plus un pour 30 000, et elle cherche à atteindre le rapport de un pour 1 500.

Toujours en 2040, Santé publique France révèle que le nombre de gestes suicidaires a fortement baissé : les urgences ne sont plus contraintes de réguler les accès.

Dans le Puy-de-Dôme, les 5,7 ETP de psychiatrie infanto-juvénile pour 100 000 enfants ne sont plus qu'un lointain souvenir. Les enfants sont accompagnés à l'école et on recrute des infirmières scolaires.

En 2040, toute une génération obtient une réponse de soin dans des délais acceptables, et non plus un sur deux, comme en 2025. Les nouveaux parents, qui n'ont pas bénéficié des mêmes chances, rappelleront à leurs enfants qu'à leur époque, tout cela n'existait pas.

Comment y parvenir ? En créant trois postes universitaires en pédopsychiatrie dans chaque faculté, et 15 000 postes de psychologues dans l'éducation nationale, ou encore en développant les bureaux d'aide psychologique universitaire (Bapu).

J'en viens à la démographie médicale et paramédicale. Nous sommes toujours en 2040. Les effets de l'ouverture du numerus clausus sont une réalité. Les projections de 2020 se sont réalisées et le retour à la hausse du nombre de psychiatres est réel. Plus aucun département ne connaît de déserts pédopsychiatriques.

Comment y parvenir ? En revalorisant les professionnels, en recréant des postes, en ouvrant des lits de pédopsychiatrie.

Passons à l'hôpital. En 2040, le temps d'attente en centres médico-psychologiques (CMP) s'est considérablement réduit, et n'est plus de 18 mois. Les pathologies sont prises en charge tôt, s'aggravent moins, impactant favorablement la chaîne d'accompagnement.

Enfin, les territoires. En 2040, dans les campagnes, les contrats locaux de santé mentale (CLSM) sont généralisés, et sont mieux implantés dans les territoires. Territoires ruraux et QPV sont mieux couverts. Les disparités sont en passe d'être résolues.

Comment y parvenir ? En finançant les CLSM et en mettant au coeur de l'offre de soin les droits des patients et des aidants.

Évidemment, cet exercice peut sembler décalé. Mais je me projette avec optimisme sur ce sujet grave. Ce sujet touche tout le monde. Je veux croire que nous prendrons des décisions de long terme, qui changeront radicalement les choses. Jaurès disait que le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel.

Nous devons voir loin, notamment en santé mentale. Pour relever ce défi, il faut de la constance et du sérieux, et le Sénat ne manque ni de constance ni de sérieux. Combien de rapports avons-nous déjà consacrés à ce sujet ? J'attends avec impatience le rapport de mes collègues de la commission des affaires sociales.

Je le répète : le coût des problèmes de santé mentale est de 110 milliards d'euros. À l'image de la Lopmi, nous avons besoin d'une vraie loi de programmation, qui viserait à faire de la France un pays où on retrouve équilibre et sécurité structurelle.

Cette ambition dépasse les clivages politiques. La santé mentale des Français et les finances publiques seraient gagnantes. Faisons ensemble le pari de cette France que j'ai décrite ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - (MmeFrédérique Puissat et Marie-Claire Carrère-Gée applaudissent.) La santé mentale est un des défis majeurs de l'époque. En faire un grand débat national reflète la prise de conscience à l'oeuvre.

Les députés et les sénateurs se sont investis sur ce sujet ; je remercie le groupe SER de l'avoir inscrit à l'ordre du jour, Marion Canalès en particulier.

Je partage votre ambition : il faut donner les moyens de renforcer la santé mentale ; et j'ajouterais qu'il faut en faire une cause durable, tant les chiffres sont inquiétants.

Notre pays est le premier consommateur de psychotropes d'Europe. Le suicide reste tragiquement la première cause de décès des 15-35 ans. Les professionnels font face à des tensions croissantes, nous manquons de ressources médicales.

Nous sommes tous concernés par cet enjeu prioritaire de santé publique. Il faut créer un mouvement de fond, une mobilisation collective qui embarque toute notre société.

Je vois le nombre de propositions de loi et de rapports sur ce sujet ; certaines initiatives sont intéressantes et proviennent de tous bords.

On peut citer la mission d'information sur la grande cause, conduite par Jean Sol, Daniel Chasseing et Céline Brulin, ou encore la proposition de résolution de Nathalie Delattre.

On parle de plus en plus librement de santé mentale à l'école ou en famille. Les personnes publiques prennent aussi la parole, comme dernièrement des personnalités révélant leur bipolarité. Les mentalités changent.

Il s'agit d'ancrer notre politique dans une ambition de long terme et transversale. Dans mon intervention le 19 mars dernier, j'ai présenté en conseil des ministres mes priorités d'action.

La première priorité est le développement de l'accès aux soins et le renforcement de la prévention, avec une augmentation des crédits de 3 millions d'euros entre 2020 et 2024, soit une hausse de 42 % : d'où le numéro national de prévention du suicide 3114, des repérages plus précoces, ou la formation des médecins du travail au repérage des troubles psychiques.

Je veux garantir un accès rapide aux soins psychiatriques. Il convient de faire monter en puissance le dispositif Mon soutien psy, dans lequel plus de 500 psychologues supplémentaires se sont engagés. Nous voulons désengorger les services hospitaliers, à la suite du rapport de Sandrine Rousseau et de Nicole Dubré-Chirat.

J'ai demandé hier à la Commission nationale de psychiatrie de travailler à des propositions d'évolution de la psychiatrie de secteur pour qu'elle se coordonne mieux avec les centres experts et pour réduire les délais de prise en charge en CMP, encore trop longs.

Je sais que nous partageons ces priorités.

Le renforcement des maisons de l'enfant et infanto-juvéniles est un point important, tout comme l'attention aux plus vulnérables, notamment aux enfants de l'aide sociale à l'enfance (ASE).

Nous devons aussi lutter contre toutes les formes d'addictions.

Ma deuxième priorité est la formation et l'attractivité de la psychiatrie, sans quoi les actions évoquées resteront des voeux pieux. La maladie psychiatrique fait partie de la santé mentale, mais c'est aussi un sujet à part entière qui nécessite une prise en charge par des spécialistes.

Il faut faire en sorte que des jeunes rejoignent ces spécialités mal connues. Favoriser les stages en psychiatrie pendant les cursus pourrait être une solution. En effet, 37 % des futurs médecins déclarent que la psychiatrie leur fait peur. Cette appréhension est liée à des drames, des actes de violence commis par des patients.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Yannick Neuder, ministre.  - Ces drames nous amènent à prendre des mesures fortes. Bruno Retailleau l'a détaillé ; nous y reviendrons lors de l'examen de la proposition de loi du député Philippe Pradal.

Je souhaite aussi encourager la pratique avancée des infirmiers. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE)

Mme Jocelyne Guidez .  - La santé des personnes souffrant de troubles mentaux ou psychologiques passe par la garantie de leur sécurité. En 2011, l'Igas pointait des défaillances en matière de sécurité. Elle dénonçait une sous-estimation des agressions, notamment sexuelles, et une organisation peu adaptée.

À Massy, il y a quinze jours, une femme a perdu la vie, poussée sur les voies par un homme souffrant de troubles psychiatriques. Il ne s'agit pas de jeter l'opprobre ni sur les patients ni sur les soignants, qui ne sont pas des gardiens de prison. Mais il faut garantir à la fois la sécurité des malades, sans renoncer à la sécurité de tous.

Cela faisait partie des enjeux du plan pour la sécurité des professionnels de santé de septembre 2023, qui prévoyait des dispositifs d'alerte et le déploiement de caméras. Monsieur le ministre, ce plan a-t-il donné lieu à un premier bilan ? D'autres actions sont-elles envisagées ?

M. Yannick Neuder, ministre.  - C'est un sujet légitime. Concernant les infrastructures sécurisées, les unités doivent être modernisées, notamment pour les patients agités. Il faut renforcer les équipes mobiles de crise ou de post-crise pour éviter les hospitalisations sous contrainte. Le programme Quality Rights de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) y contribue.

Environ 24 000 agressions de soignants ont lieu chaque année, chiffre sans doute sous-estimé. Nous examinerons la proposition de loi Pradal qui rend notamment obligatoire la déclaration d'agression de soignants et des dispositifs anonymisés en matière de dépôt de plaintes.

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - La santé mentale a été érigée au rang de grande cause nationale, c'est un grand pas en avant. Toutefois, nous nous interrogeons sur la prise en charge des malades en France. La prise de parole de Nicolas Demorand sur sa bipolarité met en lumière les errances médicales endurées par les patients. Ainsi, la quétiapine est actuellement en rupture.

Avec 6 000 cas par an, le suicide est la première cause de mortalité chez les 16-25 ans.

La désertification médicale et le manque de personnels empêchent une prise en charge correcte.

À Lens, le dernier médecin, qui gérait à lui seul dix unités fonctionnelles, vient de démissionner. Ainsi, 2 500 enfants et jeunes se trouvent sans solution, dans un bassin de vie de 240 000 habitants. Accompagnement, traitement et soins adaptés pour chaque patient, voilà le triptyque sur lequel nous devons nous appuyer. Quels moyens l'État entend-il mettre en place pour y parvenir ?

M. Yannick Neuder, ministre.  - Les troubles bipolaires touchent 1 à 2 % de la population. Ils sont souvent mal ou tardivement diagnostiqués. S'y ajoutent d'autres pathologies comme la schizophrénie ou l'autisme de haut niveau, qui bénéficient de centres experts.

Il faut former plus et mieux les personnels paramédicaux pour réduire les délais de prise en charge dans les CMP.

Quelque 60 % des étudiants en médecine considèrent la psychiatrie comme une sous-spécialité, mal valorisée : il faut renforcer l'attractivité de cette discipline.

L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a donné son autorisation pour obtenir des équivalences de quétiapine. Un fractionnement à l'unité est aussi possible.

Mme Anne Souyris .  - En France, on prescrit plus qu'on ne guérit : 16 millions de Français ont déjà pris des psychotropes et seulement 20 % des patients suivent une psychothérapie en complément de la prise de médicaments.

Thérapies cognitives et comportementales (TCC) et EMDR (désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires), ces psychothérapies non médicamenteuses ont montré leurs effets positifs.

À Paris, les étudiants attendent cinq mois pour une consultation en Bapu ; pour les CMP, c'est trois mois.

Quand allons-nous orienter systématiquement les patients et les patientes sous psychotropes vers un professionnel de santé mentale et une psychothérapie ? À quand un remboursement des séances de psychothérapie pour l'ensemble de la population ? La santé psychique est un soin comme un autre.

M. Yannick Neuder, ministre.  - Il existe en effet un paradoxe entre la surmédication et le défaut d'accompagnement humain. La France est le premier consommateur européen de psychotropes.

Dans ce contexte, nous avons favorisé le développement de Mon soutien psy, des équipes mobiles et des groupes d'entraide mutuelle.

Toutefois, la démédicalisation excessive n'est pas la solution, tout comme la prescription ne l'est pas non plus. Convergeons vers une approche intégrative fondée sur l'alliance thérapeutique, et sur la capacité à reconstruire un projet, une forme de confiance.

Nous réfléchissons à un remboursement des psychothérapies.

Mme Anne Souyris.  - Chez les enfants, la consommation des antidépresseurs a augmenté de 62 % entre 2014 et 2021 et de 74 % pour les psychostimulants, alors que seules 20 % des personnes sont suivies. Les psychothérapies devraient être systématiquement remboursées. Il est urgent d'agir : il y a eu 40 % de plus de tentatives de suicide ces dernières années, principalement des jeunes.

M. Yannick Neuder, ministre.  - Ces chiffres sont réels. Notre stratégie vise à développer les dépistages précoces des troubles de l'attention chez les enfants. C'est une recommandation des associations de psychiatres, qui conduit à plus de prises en charge, et donc plus de prescriptions médicamenteuses. Oui pour réfléchir au remboursement des psychothérapies.

Mme Anne Souyris.  - J'espère que cette réflexion aboutira à un remboursement.

Mme Annie Le Houerou .  - Les populations vulnérables sont souvent victimes d'une double stigmatisation : sur le plan psychologique et sur le plan social. Ainsi, 75 % des sans-abri présentent des troubles psychiatriques. Leur accès aux soins est problématique, alors que les services de psychiatrie, saturés, peinent à recruter et que les soignants généralistes sont peu ou pas formés à la santé mentale.

Résultat : les maires sont démunis. Ainsi, le maire de Saint-Brieuc a été agressé récemment. Combien de maires ont été confrontés à ce type de situation ? Les forces de l'ordre absorbent les manquements de notre système, mais sans réponse adaptée.

Pourtant, des réponses existent : les équipes mobiles de psychiatrie et précarité, les pensions de famille, les groupes d'entraide mutuelle. Les réponses médicales doivent être mieux coordonnées.

Comment aider ces personnes déjà éprouvées ? Comment développer l'aller-vers ? Comment rendre les métiers de la psychiatrie plus attractifs ?

M. Yannick Neuder, ministre.  - Je ne sais pas si je pourrai répondre à toutes vos questions.

Les publics les plus vulnérables sont l'objet d'une attention constante. Des projets territoriaux seront mis en place avec l'État avant l'été, au profit des publics vulnérables, avec des parcours enfants-adolescents.

Nous sommes limités par le manque de professionnels, notamment de paramédicaux : il faut en former davantage, en partenariat avec les régions. Je regrette la suppression il y a quelques années des infirmiers spécialisés en psychiatrie. Les docteurs juniors interviendront dans les territoires, et n'oublions pas nos 5 000 étudiants à l'étranger : j'espère que le Sénat acceptera la proposition de loi leur permettant de revenir en France. Enfin, des mesures financières sont prévues pour renforcer l'attractivité, par exemple pour Mon soutien psy.

Cet ensemble de mesures améliorera la situation, mais cela suppose faut un investissement pluriannuel. (Mme Émilienne Poumirol acquiesce.)

Mme Marie-Claude Lermytte .  - Les constats sont alarmants : selon les derniers chiffres de la Drees, le suicide est la première cause de mortalité chez les 15-24 ans ; chez les agriculteurs, le risque est supérieur de 30 % aux autres catégories professionnelles.

Quelque 21 % des internes en médecine ont eu des pensées suicidaires, et 13 % d'entre eux consomment des antidépresseurs. Que dire des élus ? Selon l'AMF, 83 % des maires estiment que leur mandat est usant.

Certaines catégories de population sont plus exposées que d'autres, mais la santé mentale nous concerne tous. En matière de santé, il faut intervenir le plus tôt possible : cela suppose une présence de proximité, avec des professionnels capables d'orienter. Sur 1 800 postes de médecins scolaires, seuls 650 postes sont pourvus. Comment renforcer l'attractivité de ces métiers ?

M. Yannick Neuder, ministre.  - La société est frappée par ces questions dans son ensemble. Un agriculteur se suicide tous les trois jours, malheureusement.

Nous voulons réarmer la médecine scolaire : des campagnes de rattrapage musclées en matière de vaccination sont prévues, en septembre notamment contre le papillomavirus.

Des médecins peuvent avoir l'occasion d'une deuxième vie professionnelle dans ces métiers.

Mais, encore une fois, il faut former davantage de soignants et améliorer l'attractivité des carrières de santé. Cela ne passe pas uniquement par des revalorisations salariales : la qualité du travail et la quête de sens concourent à améliorer les choses.

M. Jean Sol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Anne-Sophie Romagny et M. Bernard Fialaire applaudissent également.) Au sein de la commission des affaires sociales, je mène une mission d'information avec Daniel Chasseing et Céline Brulin sur l'état des lieux de la santé mentale depuis la crise sanitaire : les CMP sont à bout de souffle. Les délais d'attente sont de six mois, voire un an. Les centres sont contraints de se concentrer sur les patients les plus touchés.

Les ARS accordent des financements aux organisations innovantes. Or les CMP, pas toujours innovants, ont fait leurs preuves. La pénurie de médecins psychiatres ne se résoudra pas rapidement : orientons les crédits vers de nouveaux postes d'infirmiers en pratique avancée (IPA). (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Yannick Neuder, ministre.  - Ces délais sont en effet insupportables. Toutefois, certains territoires, dont le vôtre, bénéficient encore d'une prise en charge par secteur. Il faut aider au réarmement des CMP, qui ont un rôle fondamental. Là encore, il n'y a aucune restriction budgétaire, mais davantage de professionnels à former. Je priorise tous les professionnels qui veulent s'engager dans les CMP !

Nous avançons sur les projets territoriaux de santé mentale, avec une action spécifique, avant l'été, sur la prise en charge des plus jeunes.

Le Premier ministre formulera des propositions avant la fin avril. Les déserts médicaux touchent aussi la santé mentale. J'espère faire venir de nombreux professionnels - nos étudiants partis à l'étranger, ceux que nous formons en formation initiale ou continue, nos jeunes docteurs.

Je vais prochainement faire un diagnostic précis de l'offre de santé dans chaque département, intercommunalité par intercommunalité - cela me semble être le bon échelon.

M. Jean Sol.  - Tout l'enjeu de la grande cause nationale sera de traduire des actions identifiées par la feuille de route en financements effectifs sur le terrain.

M. Bernard Buis .  - Ayant été gestionnaire de collège pendant 35 ans, j'aborderai la santé mentale des jeunes. Selon l'enquête nationale en collège et en lycée menée par l'École des hautes études en santé publique et l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives sur la période 2018-2022, la santé mentale des collégiens et lycéens s'est dégradée : 14 % des collégiens et 15 % des lycéens présentent un risque important de dépression ; 24 % des lycéens déclarent des pensées suicidaires et 13 % d'entre eux ont déjà fait une tentative de suicide, dont 3 % ont débouché sur une hospitalisation.

Selon le délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, Frank Bellivier, la situation ne s'améliore pas depuis la crise sanitaire.

L'école ne peut pas tout, mais pèse pour beaucoup dans la construction d'un élève. Comment en faire un lieu de prévention et de sensibilisation ? Au-delà des numéros d'urgence, du protocole santé mentale et de la démarche École promotrice de santé, comment le Gouvernement peut-il renforcer les moyens déployés à l'école ?

M. Yannick Neuder, ministre.  - Nous voulons réarmer la médecine scolaire, qui manque cruellement de médecins et d'infirmiers. En mai se tiendront les assises de la santé scolaire, avec pour objectif d'améliorer les recrutements. Nous avons plusieurs leviers. Nous continuons à développer les maisons des adolescents et des jeunes adultes, avec un objectif de doublement d'ici à 2027. Il y en a actuellement 125, nous en voulons au moins une par département.

Nous devons aussi avancer sur les projets territoriaux de santé mentale, avec des actions particulières en direction des jeunes. Les élus locaux ont des propositions à faire en la matière ; Daniel Fasquelle, maire du Touquet, les représente dans la task force dédiée.

Mme Mireille Conte Jaubert .  - La pandémie a mis en lumière une triste réalité : la santé mentale de nos jeunes. Troubles du sommeil, anxiété, isolement, décrochage, les difficultés s'accentuent face à la pression académique et la peur de l'avenir.

Les établissements doivent rester des lieux où l'on apprend, mais aussi où l'on est accompagné. Or les services de santé universitaires sont saturés, la médecine scolaire est sous-dotée et les délais pour consulter un spécialiste s'allongent.

Des dispositifs existent, mais doivent être mieux intégrés au parcours des jeunes. La grande cause nationale est une avancée - je rappelle l'engagement de Nathalie Delattre sur le sujet, notamment au travers de sa proposition de résolution, adoptée ici à l'unanimité.

Il faut multiplier le nombre de psychologues dans les universités, sensibiliser étudiants et enseignants, garantir un accès rapide à des soins adaptés. Quelles mesures envisagez-vous pour renforcer l'accompagnement psychologique au sein des établissements ? Nous devons être au rendez-vous de cette urgence.

M. Yannick Neuder, ministre.  - Les étudiants peuvent se rendre dans les maisons des adolescents, selon leur âge. Les dispositifs Mon soutien psy et Santé psy étudiant ont fusionné : ils sont désormais accessibles à tous et remboursés dès l'âge de 3 ans.

Nous réfléchissons à une feuille de route sur le sommeil, qui se dégrade chez les jeunes. Nous envisageons aussi une limitation du temps d'écran au sein des établissements. Il existe de nombreux dispositifs : le 3114, VigilanS, les groupes d'entraide mutuelle. Il faut les amplifier pour faire face aux besoins grandissants de notre jeunesse. Pour ce faire, je le répète, il nous faut former des professionnels.

Mme Anne-Sophie Romagny .  - Merci au groupe socialiste pour cette initiative.

Le covid, avec ses confinements et ses déconfinements, son lot d'angoisses, a eu des effets ravageurs sur la santé mentale des jeunes, qui ont été isolés à l'âge où l'on se construit.

Le rapport de l'Igas sur la pauvreté et les conditions de vie des jeunes ruraux met en évidence leur précarité et formule des recommandations pour lutter contre l'exclusion croissante de cette jeunesse invisible. L'éloignement géographique freine leur accès à la santé ou à l'emploi, l'isolement pèse sur leur santé mentale. Les dispositifs spécialisés de formation et d'accompagnement vers l'emploi ou la santé se concentrent dans les grandes agglomérations. Le rapport plaide notamment pour un renforcement de l'accompagnement en santé mentale. Quelles mesures spécifiques prévoyez-vous pour les jeunes ruraux, en sus du dispositif Sentinelle qui s'attache au mal-être agricole ?

M. Yannick Neuder, ministre.  - La ruralité cumule les difficultés : isolement, difficulté d'accès à certains plateaux techniques, à certaines structures d'hospitalisation. Le taux de suicide chez les agriculteurs est élevé. Le dispositif Agri'écoute fonctionne bien, avec une trentaine de psychologues qui offrent un soutien téléphonique ; ces dispositifs sont souvent animés par d'anciens agriculteurs bénévoles.

J'espère que les communautés territoriales des professionnels de santé (CTPS) se multiplieront, et se mobiliseront sur la santé des jeunes.

Je veille à ce que les maisons des adolescents soient accessibles partout, y compris en zone rurale. D'où l'enjeu de formation, pour rattraper les retards accumulés et offrir à tous les jeunes, des villes et des champs, l'accès à ces dispositifs.

Mme Corinne Féret .  - Les troubles du neurodéveloppement (TND) - autisme, troubles du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), troubles dys - ont des effets importants sur le quotidien des jeunes, mais aussi des proches aidants. La mission d'information sur les TND, dont j'étais rapporteure avec Jocelyne Guidez et Laurent Burgoa, a souligné notre retard en matière de diagnostic et de prise en charge, faute de psychiatres, de psychomotriciens, d'ergothérapeutes et d'orthophonistes.

Nos recommandations ont été reprises dans la loi du 15 novembre dernier, qui introduit deux examens de repérage, à 9 mois et à 6 ans.

Ériger la santé mentale en grande cause suppose de disposer de professionnels pour la psychoéducation, les thérapies comportementales, la remédiation cognitive. Que comptez-vous faire pour améliorer l'accompagnement des personnes souffrant de TND ?

M. Yannick Neuder, ministre.  - Les TND sont aussi suivis par Charlotte Parmentier-Lecocq avec une stratégie de repérage, d'accompagnement et d'articulation des parcours. Les troubles du spectre autistique ou les TDAH présentent un lien évident avec le champ de la santé mentale. Les repérages précoces vont dans le bon sens.

Il faut associer les Maisons de l'enfant et de la famille, structurer et coordonner l'offre spécialisée. Quelque 400 ETP supplémentaires sont prévus pour les CMP pour enfants, avec des centres labellisés pour l'autisme à haut niveau. L'article 51 sur la santé protégée ou le programme Pegase pour les enfants confiés à l'ASE sont des initiatives intéressantes. Nous avons inscrit les TND dans le programme de la Haute Autorité de santé (HAS) pour 2025-2030. Je lancerai prochainement les filières régionales de prise en charge du TDAH. Enfin, la création des plateformes de coordination et d'orientation permet d'accélérer la prise en charge, pour un parcours plus fluide et décloisonné. Mais là encore, il faut des professionnels de santé.

Mme Corinne Féret.  - Près de deux enfants par classe sont concernés. Les familles attendent des moyens supplémentaires.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée .  - Je sais gré au Gouvernement de François Bayrou d'avoir repris la décision de Michel Barnier de faire de la santé mentale la grande cause de 2025.

Je regrette le silence assourdissant sur la consommation de cannabis des jeunes, qui affecte insidieusement leur santé mentale. Il faut briser le tabou et rappeler que le cannabis ralentit la maturation du cerveau, dégrade la mémoire de travail, entrave les capacités d'apprentissage, affecte la manière de traiter l'information. Dans un monde saturé de fausses informations, cette fragilité cognitive rend le cerveau des jeunes plus vulnérable aux manipulations. La consommation de cannabis affaiblit la résilience à l'effort, provoque une anxiété diffuse, mine la motivation, avec à la clé un repli sur soi et une incapacité à faire face aux exigences scolaires. C'est enfin l'un des principaux risques de déclenchement de la schizophrénie. Que de vies brisées par une substance que d'aucuns présentent comme inoffensive...

Que comptez-vous faire pour mettre fin à l'illusion dangereuse selon laquelle le cannabis n'est pas dangereux pour la santé mentale ?

Mme Frédérique Puissat.  - Bravo !

M. Yannick Neuder, ministre.  - Vous avez bien résumé les impacts néfastes du cannabis sur les fonctions neurosupérieures. Le cannabis est aussi une cause facilitante d'accidents de la voie publique, première cause de mortalité et de traumatologie chez les jeunes.

La banalisation du cannabis, souvent mélangé avec d'autres drogues, est une porte d'entrée vers d'autres drogues plus dures, comme la cocaïne.

Certains États comme le Canada regrettent de l'avoir légalisé : la consommation d'autres drogues plus dures y a augmenté. (Mme Émilienne Poumirol s'exclame.) C'est donc tolérance zéro, à l'exception du cannabis thérapeutique. Non au cannabis dit récréatif, qui a des conséquences terribles sur la santé de nos jeunes.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Pouvez-vous vous engager à mener une campagne de communication sur ce sujet cette année ?

M. Yannick Neuder, ministre.  - Faire une campagne de communication sur les dangers de la drogue, certainement. Nous y travaillons avec la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca).

M. Simon Uzenat .  - La santé mentale n'est plus une bombe à retardement, mais à fragmentation ; la crise sanitaire a été un amplificateur. Les maladies psychiatriques sont les premières affections de longue durée chez les moins de 30 ans. Nous regrettons qu'il ait fallu attendre cinq ans pour en faire une cause nationale.

Entre 2020 et 2022, 24 % des établissements psychiatriques ont fermé 10 % à 30 % de leurs lits. On arrive à un point de rupture des capacités d'hospitalisation. Très peu d'étudiants choisissent la psychiatrie, et 23 % des postes à l'hôpital public sont vacants. Parmi les causes citées, il y a la responsabilité juridique.

Il faudrait une démarche globale et coordonnée, avec un institut national dédié, comme pour le cancer. Qu'en pensez-vous ?

Jeunes comme personnes âgées sont concernés. La coordination entre les équipes médicales est cruciale, or la dimension psychiatrique est insuffisamment prise en compte, tout comme le lien avec les proches.

M. Yannick Neuder, ministre.  - Je regrette comme vous les fermetures de lits en psychiatrie. Je me répète : il faut former plus de soignants pour pouvoir rouvrir des lits.

L'entrée en psychiatrie se fait dans 40 % des cas via les urgences. Le rapport de la députée Dubré-Chirat préconise de nombreuses mesures ; j'espère en prendre certaines par voie réglementaire, comme prévoir dans chaque service d'urgences un référent pour prendre en charge les malades psychiatriques.

Je mesure les inquiétudes liées à la responsabilité. Les internes disent que la psychiatrie leur fait peur. Derrière, il y a le risque de laisser sortir un malade qui commettrait des délits ou crimes. La responsabilité est réelle. On peine d'ailleurs à trouver des psychiatres pour siéger dans les groupes d'évaluation départementaux.

Je ne suis pas favorable à la création d'un institut national à l'image de l'Institut national du cancer (Inca) : l'heure n'est pas à la création de superstructures. Redonnons plutôt à notre jeunesse l'envie de s'investir dans ces filières.

M. Simon Uzenat.  - Former plus de soignants, oui, mais il faut donner aux internes l'envie de s'orienter vers ces métiers. Attention au saupoudrage de la prise en charge.

M. Alain Milon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Un Français sur quatre sera concerné par un trouble mental au cours de sa vie. Déstigmatisation, prévention et repérage précoce, amélioration de l'accès aux soins sur l'ensemble du territoire, accompagnement, voilà les priorités. Il faut dépasser l'affichage et déployer une force de premier recours pour le dépistage et la prévention, de nouveaux métiers, de nouvelles compétences afin de recentrer le temps médical sur les prises en charge complexes.

Répondre à ces besoins implique de former des professionnels de santé au repérage des troubles, mais aussi de financer des postes d'IPA, d'assistants médicaux, de coordonnateurs, et de sensibiliser les professionnels accueillant le public.

Il faut structurer l'offre de soins sur le territoire, pilotée par les ARS en lien avec les collectivités territoriales.

Quelles mesures ont été adoptées, ou proposées, pour donner un contenu à cette grande cause nationale ?

M. Yannick Neuder, ministre.  - Nous avons centré nos efforts sur le renforcement de la première ligne, agi sur les déterminants de santé mentale, comme l'exposition aux violences, notamment sexuelles, les addictions, les discriminations, la précarité financière. Nous avons consolidé les maisons des adolescents, les CPTS, avec Mon soutien psy. Nous avons renforcé de 400 postes les CMP pour enfants.

Rendez-vous en juin, lors du comité interministériel, qui visera à fluidifier les parcours. Je rappelle que l'année a commencé début mars, après l'adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale !

Mme Patricia Demas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La santé mentale a été déclarée grande cause nationale en 2025. Les acteurs de la santé mentale l'attendaient depuis des années, mais ils veulent plus qu'une déclaration d'intention. En fin de semaine, le forum national pour la santé mentale se tiendra dans mon département des Alpes-Maritimes.

Douze millions de Français souffrent de troubles psychiques ; une tentative de suicide a lieu toutes les trois minutes... Il est urgent de nous en préoccuper.

Face à la pénurie de psychiatres, à la désertification médicale, à la saturation de notre système de santé, nous devons développer les complémentarités pour améliorer les parcours de soins.

Comment votre feuille de route prévoit-elle de remédier à la saturation des CMP ? Quelles améliorations pour Mon soutien psy ?

M. Yannick Neuder, ministre.  - Nous nous verrons donc vendredi, à Cannes, pour la deuxième édition du Psychodon, que j'inaugurerai.

Mon soutien psy est désormais remboursé et en accès direct. J'ai demandé un rapport pour en mesurer les résultats. Les douze séances proposées ne sont pas toutes utilisées, mais plus de 500 000 patients ont été pris en charge, par 5 500 psychologues conventionnés.

Je souhaite aussi renforcer les moyens des CMP, qui ont plus besoin de personnels formés que de moyens financiers.

Mme Patricia Demas.  - J'aurais aimé parler de moyens financiers, car c'est le nerf de la guerre. Nous avons besoin d'un ordre de grandeur. Merci de votre mobilisation.

M. Yannick Neuder, ministre.  - Voici des chiffres : entre 2018 et 2026, 3,3 milliards d'euros seront consacrés à la santé mentale.

Mme Patricia Demas.  - La santé mentale est grande cause nationale en 2025, mais il faut poursuivre l'effort sur plusieurs années.

C'est un enjeu de société qui concerne toutes les générations, qui révèle nos fractures sociales, et autour duquel nous devons réunir toutes les forces vives de notre nation, mais aussi des moyens financiers.

M. Laurent Somon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La santé mentale est un enjeu majeur : 12,5 millions de personnes sont concernées ; un jeune adulte sur deux montre des signes de dépression ; on compte 6 000 suicides par an. Avec plus de 23 milliards d'euros, les maladies psychiatriques sont le premier poste de dépenses de l'assurance maladie.

Les assises de 2021 ont montré que l'on avait besoin d'une approche holistique, articulée aux besoins des territoires. Les structures locales jouent un rôle essentiel dans l'accompagnement du patient. Les élus locaux, garants du lien social, ont une responsabilité particulière, en impulsant des politiques locales et en mobilisant les acteurs de santé.

Pour une meilleure articulation entre le national et le local, pourquoi ne pas envisager un délégué interministériel à la santé mentale, avec des référents dans les ARS ? Il faudrait aussi renforcer les projets territoriaux de santé mentale et créer des centres experts pour la santé mentale, ainsi qu'un centre référent d'accompagnement.

Il faut redéfinir le rôle des structures locales et des élus dans le pilotage de la politique nationale de la psychiatrie. Faisons en sorte que chaque territoire ait les moyens nécessaires !

M. Yannick Neuder, ministre.  - L'appel de Nantes a permis à cinq associations nationales d'élus de s'engager.

Le projet territorial de santé mentale est l'outil le plus efficace, s'il est en lien avec les conseils locaux de santé mentale. Nous avons déjà un délégué ministériel ; c'est à mon ministère de se mettre en relation avec les autres ministères pour porter ces politiques publiques.

Il existe déjà des centres experts, certes pas partout. Développons-les, sans créer de nouvelles structures.

Mme Anne Ventalon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Selon l'OMS, treize millions de Français présentent un trouble psychique et un quart de la population consomme des psychotropes. C'est la première cause d'invalidité, la deuxième cause d'arrêt maladie et le premier poste de dépenses du régime général de l'assurance maladie, avec 23 milliards d'euros. Les problèmes de santé mentale frappent tous les milieux et tous les âges.

Je me réjouis que le Gouvernement en ait fait une grande cause nationale. Encouragées par les ARS, des collectivités territoriales mettent en place des conseils locaux de santé mentale, mais se heurtent au manque de psychiatres et de pédopsychiatres. L'accès aux soins en santé mentale reste très dégradé. Comment allez-vous accompagner les collectivités dans le déploiement des conseils locaux en santé mentale ?

M. Yannick Neuder, ministre.  - Nous devons renforcer la territorialisation de nos actions, en nous appuyant sur les élus locaux.

Formation de professionnels, renforcement de l'attractivité -  tant à l'hôpital qu'en ville  - , déstigmatisation : autant d'enjeux.

C'est un travail de longue haleine. Je n'ai pas de solution immédiate, mais avec une vision transversale et interministérielle sur ces sujets très préoccupants, nous avancerons.

M. Jean-Luc Fichet, pour le groupe SER .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je remercie les orateurs pour la qualité de leurs interventions.

La santé mentale est une réalité complexe et multidimensionnelle, de la souffrance ordinaire jusqu'à l'anxiété, la dépression, le suicide, les troubles autistiques, notamment. Elle prend des formes nouvelles : souffrance au travail, éco-anxiété.

Les souffrances mentales sont peu connues. Pourtant elles ont de nombreuses répercussions sur les malades et leur entourage et suscitent souvent incompréhension et inquiétude.

Plus de 2 millions de Français sont pris en charge par les services psychiatriques : c'est la première source d'arrêts de travail prolongés et 25 % des causes d'invalidité.

Selon une enquête de Santé publique France, 24 % de la population présente un état anxieux -  11 points de plus qu'avant la pandémie  - , 17 % un état dépressif, en hausse de 7 points, une personne sur dix a des pensées suicidaires, en hausse de 6 points.

Cette détérioration est particulièrement marquée chez les jeunes, d'où l'importance des chèques psy, mais la limitation du nombre de séances n'a pas de sens -  les soins psychiques prennent du temps.

Les femmes souffrent davantage. Quelque 38 % des femmes salariées sont en situation de mal-être au travail, contre 22 % pour les hommes.

La santé mentale est le parent pauvre de notre système de santé depuis des décennies, avec un sous-financement chronique. Pas moins de 60 % des lits ont été fermés ces 40 dernières années. Résultat : la pression augmente sur les hôpitaux publics et les déserts médicaux se multiplient.

Depuis 2017, le Président de la République et ses gouvernements successifs n'ont pas saisi l'urgence d'agir, malgré deux feuilles de route, insuffisantes. Une première feuille de route, en 2018, a créé la délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie et prévu des mesures sur la prévention, la réinsertion et le soin, mais sans moyens suffisants. La seconde feuille de route, en 2021, a prévu 1,9 milliard d'euros sur cinq ans, mais en recyclant des mesures déjà annoncées.

La grande cause nationale est un symbole, mais c'est surtout un appel à la mobilisation de toute la société. Cela doit être l'occasion d'accorder de nouveaux moyens financiers à un secteur en crise.

Il faut une approche globale et pluriannuelle, par le biais d'une loi de programmation et grâce à des institutions vraiment adaptées à l'accueil des malades. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Prochaine séance demain, jeudi 10 avril 2025, à 10 h 30.

La séance est levée à 23 h 35.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 10 avril 2025

Séance publique

À 1h 30 et l'après-midi

Présidence : M. Gérard Larcher, président, M. Pierre Ouzoulias, vice-président, Mme Sylvie Robert, vice-présidente

Secrétaires : Mme Sonia de La Provôté, Mme Nicole Bonnefoy

1Débat sur l'apprentissage (demande des commissions des affaires sociales, des affaires économiques et de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport)

2Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire (procédure accélérée) (texte de la commission, n°524, 2024-2025) (demande du Gouvernement)

3Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, invitant à favoriser la restauration de la sécurité en Haïti afin de créer les conditions nécessaires à la mise en place d'un processus politique de sortie de crise, présentée par Mme Hélène Conway-Mouret et plusieurs de ses collègues (n°900 rectifié, 2022-2023) (demande du groupe SER)

4. Débat sur le thème : « Pour garantir la sincérité du débat public, quelle mise en oeuvre des politiques françaises et européennes de régulation des plateformes en ligne ? » (demande du GEST)