Traitement des maladies des cultures végétales par aéronefs télépilotés
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l'aide d'aéronefs télépilotés.
Discussion générale
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI) Sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, qui fait légitimement débat, ma position est claire : la réduction des risques et celle des usages. L'enjeu est en réalité celui de l'accompagnement des agriculteurs, car les interdictions brutales sont nocives.
Les progrès techniques, et notamment l'agriculture de précision, sont des alliés pour protéger les cultures tout en réduisant les risques environnementaux et sanitaires.
Je remercie le député Jean-Marc Fugit, initiateur du texte, et le rapporteur Henri Cabanel pour leur travail.
Après une expérimentation menée sur trois ans, l'Anses conclut que « le recours à des drones de pulvérisation est une alternative pouvant présenter de multiples avantages ». D'abord, une amélioration des conditions de travail. L'Anses estime que le facteur de réduction des risques pour l'utilisateur est de 200 sur un terrain en pente, entre l'utilisation d'un drone et d'un chenillard.
Ensuite, une amélioration d'ordre sanitaire, en raison d'un meilleur ciblage et d'un éloignement de l'appliquant de la zone d'épandage. Les travailleurs des bananeraies qui luttent contre la cercosporiose noire sont contraints à une pulvérisation depuis le sol vers le sommet des bananiers, qui les expose à des retombées de produits fongicides - sans parler de la fatigue. L'usage du drone est un vrai progrès pour eux.
Enfin, une amélioration d'ordre environnemental, grâce à la moindre utilisation de produits de traitement.
Voici donc une solution concrète, scientifiquement validée qui, tout en préservant les bénéfices des produits de traitement, en réduit drastiquement les risques.
La proposition de loi borne strictement son cadre d'utilisation. Le périmètre d'utilisation du drone est restreint aux seuls terrains en forte pente, aux bananeraies et aux cultures de vigne-mère. Les applications par drone sont limitées aux produits à faible risque pour la santé humaine, aux produits de biocontrôle et à ceux utilisés en agriculture biologique. Voilà qui est de nature à rassurer. L'établissement de distances de sécurité garantira la santé des personnes et la préservation de l'environnement. C'est donc un texte équilibré, qui offre des garanties suffisantes à nos agriculteurs comme à nos concitoyens.
Il établit une méthode robuste, fondée sur l'évaluation scientifique des avantages manifestes du drone pour la santé et l'environnement. Le dispositif pourra être étendu par voie réglementaire à d'autres parcelles ou cultures. En mettant la science au coeur du processus, on réduira la lourdeur des procédures.
Au vu de ces progrès, je vous invite à voter ce texte conforme. Il inscrit notre agriculture dans une démarche équilibrée, au bénéfice de notre production, de la santé humaine et de l'environnement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP, du RDPI et du RDSE)
M. Henri Cabanel, rapporteur de la commission des affaires économiques . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE ; M. Vincent Louault applaudit également.) Ce texte, attendu par les agriculteurs, permet de déroger, sous de strictes conditions, à l'interdiction générale de pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques, en autorisant l'usage de drones.
Je reconnais que la transition avec le précédent texte, sur le scandale du chlordécone, n'est pas simple - mais il est question ici d'améliorer la protection des applicateurs et de réduire à terme la quantité de pesticides utilisés.
Cette proposition de loi modernise le cadre législatif applicable à l'usage des drones pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques. Nous poursuivons ainsi la dé-surtransposition de notre droit.
Le Sénat s'est déjà prononcé par deux fois sur cette question : en mai 2023, dans la proposition de loi Ferme France, portée par MM. Duplomb, Louault et Mérillou et plus récemment, dans la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, de MM. Duplomb et Menonville, qui contient un dispositif quasi-identique.
Considérant qu'un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, notre commission a adopté ce texte sans modification. C'est du reste le souhait des acteurs agricoles que j'ai entendus en audition.
Tout en maintenant l'interdiction de principe, l'article unique prévoit une dérogation spécifique pour certains usages de drones, conformément à l'article 9 de la directive européenne de 2009 relative à l'utilisation des pesticides compatible avec le développement durable.
Cet usage est encadré et limité. Il n'est pas question d'autoriser la pulvérisation par hélicoptère de produits toxiques ! Seuls les produits de biocontrôle, les produits autorisés en agriculture biologique et ceux classés à faible risque sont concernés, et uniquement sur les parcelles en pente, les bananeraies et les vignes-mères porte-greffe. Enfin, les règles générales entourant l'usage de drones et l'usage de produits phytopharmaceutiques s'appliquent.
Seule différence avec le dispositif adopté dans la proposition de loi Duplomb-Menonville, le pourcentage minimal de la pente passe de 30 % à 20 %. Cela permettra à davantage d'agriculteurs de bénéficier de cette technique, et donc de réduire leurs risques au travail. Rappelons qu'en 2023, la viticulture détenait le triste record d'accidents du travail graves et mortels. Si le texte réduit l'exposition aux produits phytopharmaceutiques et les accidents liés à l'utilisation de machines agricoles, ce sera un progrès.
La question de l'usage des produits phytopharmaceutiques dans les bananeraies est sensible, nos débats sur le précédent texte l'ont montré. Ce texte ne répond qu'imparfaitement aux besoins spécifiques de la filière, frappée par la cercosporiose noire, mais c'est un point de départ.
Il prévoit un mécanisme d'expérimentation sur d'autres cultures, qui fera l'objet d'une évaluation de la part de l'Anses, avant de pouvoir être pérennisé s'il y a des bénéfices manifestes pour la santé humaine et pour l'environnement. Cela permet de faire évoluer les règles de façon plus agile que s'il fallait repasser par le Parlement pour chaque filière.
Je vous invite à voter sans modification ce texte équilibré, qui tient compte des incertitudes restantes. Dès lors, l'avis de la commission sera défavorable sur les treize amendements déposés - nous en débattrons.
Nous tenons ici un compromis intéressant pour notre agriculture, même s'il ne résoudra pas l'ensemble des problèmes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, du RDSE et du RDPI)
M. Bernard Fialaire . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Nous sommes ici pour confirmer le vote de la proposition de loi visant à lever les contraintes sur le métier d'agriculteur. La principale différence réside dans le pourcentage minimal de pente, qui passe à 20 %, ouvrant plus largement le bénéfice de cette innovation.
Il fallait revenir sur une surtransposition, en autorisant la pulvérisation par drone quand les avantages pour la santé humaine et l'environnement sont manifestes. Cette technologie n'en est qu'à ses prémices, mais elle réduit l'exposition des opérateurs et la quantité de produits phytosanitaires et d'eau utilisée, elle renforce l'attractivité des métiers agricoles en limitant les contraintes et la pénibilité, et elle sauvera de l'arrachage des vignobles héroïques, comme j'en connais chez moi, dans le Beaujolais. (M. Vincent Louault renchérit.)
L'écriture proposée ici est un compromis équilibré. Le dispositif est circonscrit à l'épandage de produits à faible risque ou autorisés en agriculture biologique. L'Anses évaluera les risques et avantages de cette méthode, et jouera le rôle de garde-fou.
Ce texte s'appuie sur une expérimentation évaluée par l'Anses, dont le rapport a fait état de résultats mesurés. Les performances de drones apparaissent encore inférieures à celles des pulvérisateurs terrestres classiques, et des incertitudes subsistent.
Ce texte prolonge cette expérimentation sans risques sanitaires ou environnementaux et envoie un signal positif à la recherche et à l'innovation, tout en accompagnant nos agriculteurs, en attendant la technologie du futur : une identification des maladies sur pied pour traiter les dès la première infection. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Bernard Buis applaudit également.)
M. Yves Bleunven . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Dominique Estrosi Sassone applaudit également.) Le progrès technique au service de la transition écologique, voilà qui pourrait résumer ce texte. Ce postulat est évident pour nombre d'entre nous, pourtant je sais que nos débats seront nourris.
Le cadre européen, qui interdit l'épandage aérien de produits phytosanitaires, autorise des dérogations sous certaines conditions strictes. En 2018, dans le cadre de la première loi Égalim, nous avions autorisé l'expérimentation pour trois ans de la pulvérisation aérienne de produits utilisés en agriculture biologique ou dans les exploitations labellisées haute valeur environnementale (HVE), pour des surfaces présentant une pente supérieure ou égale à 30 %.
L'Anses a rendu son rapport d'évaluation et conclu que le recours aux drones présente de multiples avantages par rapport à la pulvérisation terrestre. L'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) a fait aussi état de son efficacité.
Mais l'expérimentation étant arrivée à son terme, la France se retrouve à nouveau en surtransposition, alors que le droit européen offre des marges de manoeuvre. D'où la nécessité de légiférer.
Si la dissolution de l'Assemblée nationale a mis du plomb dans les hélices de cette proposition de loi, le Sénat a déjà autorisé par deux fois une dérogation, dans la proposition de loi Ferme France, puis dans la proposition de loi de MM. Duplomb et Menonville, que je remercie.
Un drone pèse moins qu'un pulvérisateur dorsal de 40 kg, ne se renverse pas sur une pente raide, et n'expose pas de la même manière les travailleurs aux produits pulvérisés : selon l'Anses, l'exposition est 200 fois plus faible avec un drone qu'avec un chenillard. Nos agriculteurs gagnent ainsi en confort, en sécurité, en espérance de vie.
Les drones sont aussi écologiques, leur précision permet de mieux cibler les traitements et d'utiliser moins de produit. Ils sont utiles sur des sols détrempés, les traitements pouvant être appliqués directement pour éviter une propagation rapide ; ils offrent une solution au tassement des sols pour l'agriculture de conservation.
La législation de l'utilisation de nouvelles technologies est aussi un enjeu de souveraineté alimentaire, puisque notre capacité à produire en dépend. Les acteurs agricoles sont demandeurs, et l'Allemagne, l'Autriche ou la Belgique autorisent déjà ces pratiques.
La proposition de loi pose un cadre strict. Elle ne concerne que les produits de biocontrôle, les produits utilisés dans l'agriculture biologique et les produits à faible risque, et seulement pour les parcelles en pente, pour les bananeraies et pour les vignes-mères de porte-greffes,
Si l'expérimentation est évaluée favorablement par l'Anses, le régime d'autorisation devra être étendu.
Arrêtons de prendre une pente décroissante et offrons à nos agriculteurs la possibilité d'utiliser les nouvelles technologies, lorsqu'elles ont fait la preuve de leur efficacité : c'est du pragmatisme ! Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDPI ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)
M. Gérard Lahellec . - (M. Alexandre Basquin applaudit.) Pour assurer le développement durable de notre agriculture, nous devons soutenir les modernisations et donc la recherche, surtout quand il s'agit de réduire la consommation de produits phytosanitaires, d'économiser l'eau et de limiter les gaspillages. C'est pourquoi nous soutenons les missions de l'Inrae, les expertises de l'Anses et les politiques publiques visant à pérenniser les spécificités de notre agriculture familiale, en ne laissant aucune ferme sur le bord de la route. Il n'y a pas de ruralité vivante sans agriculteurs !
Je salue l'excellence de votre approche, monsieur le rapporteur. En tant que viticulteur converti au bio, vous avez à coeur la protection de la santé des producteurs, mais aussi des voisins. Je salue également en vous l'héritier des Lumières : merci de rappeler que le progrès des sciences et des techniques peut améliorer les conditions de production, soulager la condition humaine et protéger la nature.
La mécanisation motorisée de l'agriculture est encore minoritaire à l'échelle mondiale. La traction humaine, par des femmes, est encore de mise dans certaines contrées. Quand des technologies nouvelles apparaissent qui servent le mieux-être de l'humanité, ne nous en privons pas. Avec vous, j'ai envie de dire : vive le progrès !
Mais il existe un abîme entre le silex et l'énergie cosmique : piloter cette dernière implique connaissances et précautions. Cela vaut aussi pour l'épandage des produits phytosanitaires par drone.
La culture viticole étant faiblement développée en Bretagne, je me garderai de tout commentaire sur les avantages attendus de cette pratique. Sensible au drame du chlordécone, je me garderai là aussi de toute conclusion hâtive.
Mais ce débat me semble décalé, dans un contexte d'obscurantisme marqué par des attaques contre les scientifiques. Le degré de précaution du texte constitue un aveu : difficile de conjuguer tous les paramètres. Plus la loi entre dans les détails, plus elle devient précaire et contestable. Pourtant, on nous reprochera sans doute bientôt d'avoir été trop prudents, d'avoir trop limité le périmètre...
La boîte de Pandore est ouverte, les imprécisions sont trop importantes. Nous nous opposerons à ce texte.
M. Daniel Salmon . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Cette proposition de loi s'inscrit dans la lignée de la loi Égalim de 2018, qui avait remis en cause l'interdiction absolue de l'épandage aérien de pesticides. Alors que le monde agricole est en crise et que l'agrochimie altère notre biodiversité, pérenniser la pulvérisation de pesticides par drone n'était vraiment pas une priorité.
Si la majorité sénatoriale s'est déjà prononcée en faveur d'un dispositif similaire, nous estimons, nous, que ce n'est pas une solution aux enjeux de rendement ni de santé des agriculteurs. Notre objectif est la sortie encouragée et progressive des pesticides de synthèse. (M. Laurent Duplomb maugrée.) Nous ne sommes pas opposés par principe aux évolutions technologiques, si celles-ci améliorent les conditions de travail des agriculteurs, dans le respect de la santé humaine et environnementale. Mais les conditions ne sont pas réunies.
Certes, vous vous limitez à certains produits et à certaines parcelles, mais nous y voyons un cheval de Troie visant à enterrer à terme le principe d'interdiction des pulvérisations aériennes. Le rapporteur l'a dit : cette proposition de loi n'est qu'un point de départ. On sait ce qui se cache derrière. (M. Vincent Louault s'exclame.)
Ce procédé est présenté comme moins néfaste, mais l'Anses souligne que les essais sont trop peu nombreux pour aboutir à des conclusions fiables. On ne peut garantir l'innocuité de ces pratiques : le principe de précaution doit s'appliquer.
Nous nous opposons donc à cette expérimentation. Il faut des données scientifiques supplémentaires. Une étude d'impact aurait été utile. Nous nous opposons plus encore à la généralisation des essais sur tous les types de culture en cas d'« avantage manifeste », alors qu'il faudrait une évaluation objective de l'ensemble des incidences, et non se fonder sur des données partielles et orientées.
En ouvrant la voie à la généralisation des drones, ce texte alimente l'endettement et prolonge un système productiviste à bout de souffle (« Oh là là ! » exaspérés sur les travées du groupe Les Républicains), alors qu'il faudrait orienter la recherche vers une vraie transition agroécologique. Sans compter que l'usage de technologies importées altère notre souveraineté.
Nous conditionnerons notre vote à l'adoption des amendements de compromis que nous avons déposés. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Victorin Lurel applaudit également.)
M. Jean-Claude Tissot . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Jacques Fernique applaudit également.) Cette proposition de loi entend déroger au principe général d'interdiction de pulvérisation aérienne des produits phytopharmaceutiques.
Je suis surpris de la juxtaposition de deux textes contradictoires dans cet espace réservé : l'un tendait à indemniser les victimes du chlordécone - ce que la majorité sénatoriale n'a pas permis.
Mme Frédérique Puissat. - C'est ça, oui !
M. Jean-Claude Tissot. - L'autre étend les possibilités d'épandage ! Comme si la réalité des scandales sanitaires passés n'avait aucun effet.
Une directive d'octobre 2009, transposée en 2010, pose le principe général d'interdiction de l'épandage de produits phytosanitaires par avion, hélicoptère et ULM, en raison de la nocivité de ces produits pour l'homme et l'environnement. Ce qui était vrai il y a quinze ans l'est toujours. Pourtant, l'interdiction fait l'objet de dérogations, de coups de boutoir : en atteste la proposition de loi Ferme France ou la proposition de loi Duplomb-Menonville.
Les auteurs du texte s'appuient sur des rapports de l'Anses et de l'Inrae - pour une fois cités en exemple et non pointés du doigt. Toutefois, je n'en ai pas la même lecture. Dans son rapport d'évaluation de 2022, l'Anses estime que les performances d'application par drone sont « plus faibles et plus variables que celles d'applications par matériel terrestre ». Surtout, l'Anses ne donne aucun avis tranché et préconise de poursuivre les expérimentations avant toute généralisation. L'efficacité est donc discutable.
Il y a d'autres moyens pour améliorer les conditions de travail des paysans que d'arroser les champs de pesticides. Mais la vraie raison figure dans l'exposé des motifs : « préserver le potentiel agricole ». Comme toujours, on en revient à la logique productiviste et compétitive.
Nous sommes conscients des spécificités de certains territoires, notamment ultramarins. Ce sujet mérite une réflexion spécifique.
Pour nous, il convient de dissocier l'usage de la technique d'une part, et des produits utilisés d'autre part. Jamais les socialistes ne refuseront le progrès, surtout quand il améliore les conditions de travail. En revanche, jamais nous ne défendrons l'usage des pesticides. Il s'agit de la santé des paysans, des consommateurs, des riverains, des sols, de la faune, de la flore et des milieux aquatiques.
Dès 2012, le rapport de Nicole Bonnefoy dénonçait l'épandage aérien des pesticides, soulignant le risque de dérive. Voté à l'unanimité, il prônait l'application stricte du principe de précaution. Nous en sommes loin. Quant au droit à l'essai, ouvrant l'autorisation pour toute culture et toute parcelle « en cas d'avantage manifeste à l'issue de l'expérimentation », sans repasser devant le Parlement, il est excessivement dangereux.
Fidèle à sa position, le groupe SER s'opposera à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Vincent Louault . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Nous voterons bien sûr cette proposition de loi conforme.
Aucun agriculteur n'aime pulvériser des produits de protection des plantes. La manipulation et le remplissage sont très pénibles, cela coûte fort cher et l'hygrométrie impose de pulvériser très tôt ou très tard. L'avenir est à l'emploi d'automates, dont les drones : personne ne veut revenir à l'épandage par hélicoptère ou ULM !
Ce texte ne généralise pas l'usage des drones pour tous les produits et toutes les parcelles : je le regrette, car le drone, c'est l'avenir. (M. Alexandre Basquin lève les bras au ciel.)
Il prévoit trois dérogations très encadrées, que je trouve pour ma part dépourvues d'ambition. (M. Christian Redon-Sarrazy ironise.) Les produits concernés sont autorisés au niveau européen et français et expressément approuvés pour un usage par aéronef : bref, ils ont une autorisation de mise sur le marché (AMM), comme tout produit. Uniquement des produits de biocontrôle, à faible risque ou autorisés en agriculture biologique : quelle ambition... Seuls trois types de parcelles sont concernés, uniquement quand la pente est supérieure à 20 % : bonjour l'usine à gaz ! Nos amis de l'Office français de la biodiversité (OFB) contrôleront... L'exploitant doit posséder un certiphyto - c'est déjà le cas. L'Anses est présente à chaque étape - c'est déjà le cas.
Les drones ne sont pas la panacée, mais ils réduisent la pénibilité et l'accidentologie. On sait les accidents parfois mortels causés par le retournement d'un tracteur vigneron. Ces innovations de précision sont des alliées certaines de l'agriculture et de l'environnement, et limitent l'impact des traitements sur la santé. Quand vous pulvérisez manuellement les bananeraies, le produit retombe sur votre tête. Pourquoi se priver d'un usage étendu des drones ?
Les drones de 2025 permettent d'intervenir au plus près de la culture, dès l'apparition de la maladie, pour limiter la progression : en cas d'invasion du puceron cendré sur le colza, on ne traite plus tout le champ, mais seulement une partie. C'est un progrès immense.
Plusieurs pays ont mis en place de tels usages. Ici, il s'agit d'une avancée minimale, mais nous avançons, peu à peu, vers une agriculture plus vertueuse, attractive, innovante et économiquement viable. Nous sommes à la pointe de la modernité : les solutions existent, utilisons-les ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Bernard Buis applaudit également.)
M. Pierre Cuypers . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous nous sommes déjà prononcés à deux reprises sur ce sujet, lors de la proposition de loi Ferme France et lors de la proposition de loi Duplomb-Menonville, dont j'étais rapporteur. Le groupe Les Républicains votera ce texte, qui reprend quasiment mot pour mot la disposition relative aux drones que nous avions adoptée alors, à la suite de l'accord avec la ministre, que je remercie.
Les produits autorisés dans le dispositif sont les moins dangereux ; leur usage est limité à trois situations : parcelles en pente, vignes-mères porte-greffes, bananeraies.
Nous sommes loin d'une ouverture incontrôlée ! Il s'agit de tirer parti des possibilités offertes par le droit européen pour adapter et moderniser notre agriculture, au bénéfice des applicateurs de produits phytopharmaceutiques, de l'environnement et de la réduction des intrants. Demain, nous pourrons traiter au plus près des besoins, et non l'ensemble de la parcelle.
La semaine dernière, à l'initiative de Laurent Duplomb, nous sommes allés dans l'Oise assister à une pulvérisation d'eau par drone sur un verger. En dix ans, la technologie a fait des progrès considérables, en termes de précision. L'usage des drones à des fins agricoles est autorisé en Suisse, et les surfaces traitées augmentent d'année en année.
L'adoption de ce texte facilitera les débats à l'Assemblée nationale, en mai, sur la proposition de loi Duplomb-Menonville, texte très attendu par la profession agricole et soutenu par notre ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE)
M. Bernard Buis . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce texte de Jean-Luc Fugit a été inscrit dans notre espace réservé en raison des incertitudes autour de l'examen à l'Assemblée nationale de la proposition de loi Duplomb-Menonville, et parce que le RDPI entend répondre aux attentes du monde agricole.
Les travaux de l'Anses sur l'expérimentation menée entre 2019 et 2022 ont montré que l'exposition des opérateurs aux produits phytosanitaires était 200 fois inférieure qu'avec un matériel terrestre. Un pulvérisateur à dos d'homme pèse 40 kg, et chaque année, des agriculteurs meurent écrasés par leur tracteur lors d'un épandage. L'épandage par drone est très utile pour les sols instables, comme les rizières, pour les bananeraies ou encore les parcelles à forte pente, comme dans la vallée du Rhône, à Tain-l'Hermitage - je salue au passage notre collègue Gilbert Bouchet.
M. Laurent Burgoa. - Très bien !
M. Bernard Buis. - Les drones sont légers, rapides, manoeuvrables et précis : c'est donc une solution intéressante pour traiter plus efficacement et préserver la santé des agriculteurs.
L'autorisation d'épandage sera strictement limitée aux produits phytopharmaceutiques autorisés en bio et aux produits de biocontrôle. Les opérations seront soumises à l'évaluation favorable de l'Anses.
Nous avons l'occasion de voter conforme un texte attendu par la profession agricole. Le Sénat a déjà adopté ces mesures à deux reprises, en mai 2023 et janvier 2025.
La grande majorité de notre groupe votera pour. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Vincent Louault applaudit également.)
M. Christian Klinger . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'agriculture est un pilier de notre économie et notre patrimoine. Nos agriculteurs font face à des défis croissants : changement climatique, pression économique, exigences environnementales. Nous avons la responsabilité d'accompagner ces femmes et ces hommes qui nous nourrissent en leur donnant accès aux outils les plus innovants.
Depuis 2011, la France interdit la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques. Toutefois, certaines zones pentues ne peuvent être traitées efficacement par des moyens terrestres. La proposition de loi ne revient pas sur l'interdiction de principe, mais adapte la législation aux réalités de terrain. Ce n'est pas un retour en arrière, mais une avancée pragmatique, raisonnée et responsable.
La proposition de loi permettra de réduire l'usage global de produits phytosanitaires, grâce à une meilleure application des produits.
Elle répondra à une forte demande des agriculteurs, notamment ceux qui exploitent dans des conditions topographiques complexes.
Enfin, et surtout, elle protégera la santé des agriculteurs. Les expériences menées en Alsace et en Ardèche le démontrent, avec une baisse des risques d'accident du travail, entre autres. Car aujourd'hui, pour traiter les vignes sur les terrains escarpés, les agriculteurs ont recours à des moyens lourds, coûteux et dangereux.
Des acteurs engagés, comme les domaines Schlumberger ou la CFTC Agri, ont montré que la technologie des drones pouvait être au service de la sécurité des personnes.
La législation européenne de 2009 visait les hélicoptères et les avions. La surtransposition française a inclus les drones, mais il en va autrement en Allemagne ou en Autriche. La Suisse assimile la pulvérisation par drone à une pulvérisation terrestre.
En votant cette proposition de loi, nous faisons le choix d'une agriculture raisonnée, au service du développement durable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Louault applaudit également.)
Discussion des articles
Article 1er
M. le président. - Amendement n°9 de M. Salmon et alii.
M. Daniel Salmon. - L'Anses a rendu une évaluation prudente, mais elle note qu'avec un drone, par rapport à des matériels d'application classiques, les dépôts sur les cultures sont supérieurs, de même que le niveau de contamination de mannequins placés à quelques mètres de la parcelle. Les incertitudes sont trop importantes !
Nous nous opposons à la généralisation de cette technique à toutes les cultures, alors que nous ne disposons d'aucune évaluation scientifique. Ouvrons les yeux : il s'agit de généraliser demain l'épandage de toutes sortes de pesticides sur toutes les cultures !
M. Henri Cabanel, rapporteur. - Avis défavorable. Ce texte est équilibré : il veille à ne pas pulvériser n'importe quoi n'importe quand. Certes, il y a une légère dérive, mais les buses antidérive la réduiront. L'Anses a réalisé ses comparaisons avec des produits phytosanitaires de synthèse, or il s'agit ici de produits de biocontrôle.
Mme Annie Genevard, ministre. - J'ajoute l'amélioration des conditions de travail de l'agriculteur, ce n'est pas rien. Avis défavorable.
M. Laurent Burgoa. - Très bien !
M. Daniel Salmon. - Évidemment, nous ne sommes pas insensibles aux conditions de travail des opérateurs. Mais ces épandages sont réalisés dans le cadre d'une agriculture intensive qui contribue au développement des maladies et conduit au surtraitement. On nous dit d'un côté que l'opérateur sera moins exposé et de l'autre qu'il s'agit de produits tolérés en agriculture biologique : c'est un peu contradictoire.
Cette expérimentation est un faux nez : en fait, c'est le premier pas vers une autorisation généralisée des pesticides.
M. Victorin Lurel. - Cela n'améliorera pas les conditions de travail dans les bananeraies, parce que vous traiterez la canopée, mais il restera des pulvérisations à faire à dos d'homme. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains) Aussi voterai-je cet amendement.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°11 de M. Salmon et alii.
M. Daniel Salmon. - Nous en restons à la prorogation de l'expérimentation en cours, très encadrée, et demandant un nouveau bilan de l'Anses dans deux ans.
M. Henri Cabanel, rapporteur. - Avis défavorable. Cet amendement revient à l'état du droit tel qu'issu de la loi Égalim de 2019. Six ans plus tard, nous devons aller de l'avant. Je suis pour une expérimentation, mais n'ayons pas peur de notre ombre.
Les conclusions de l'Anses sont globalement positives, malgré quelques réserves, levées car il s'agit de produits peu dangereux.
L'expérimentation permettra en outre d'évaluer les bénéfices d'autres usages des drones.
Mme Annie Genevard, ministre. - L'expérimentation a démarré en 2018 avec la loi Égalim - il y a sept ans. L'Anses a rendu son rapport en 2022 - il y a trois ans. À un moment, il faut décider. Avis défavorable.
M. Daniel Salmon. - Je reprends les arguments de Victorin Lurel : la pulvérisation par drone n'est possible que pour certaines cultures. Si des champignons sont situés sous les feuilles, cela ne fonctionne pas.
Continuons d'expérimenter et restons prudents. Voyez le chlordécone ! Il faut aller de l'avant, mais avec modération, en pesant le pour et le contre, sans fuite en avant technosolutionniste.
M. Victorin Lurel. - L'épandage aérien a été interdit en 2014 en Guadeloupe et en Martinique. Les avions ont été vendus à Saint-Domingue, qui vend aussi des bananes avec le label bio... J'ai personnellement suivi cette affaire lorsque j'étais directeur de la chambre d'agriculture. Je suis très prudent, car on ne sait jamais quels produits sont épandus. Je voterai l'amendement de M. Salmon.
M. Laurent Duplomb. - L'interdiction de l'utilisation de drones pour les bananiers a imposé d'intervenir par le dessous des feuilles, alors que la maladie débute sur le dessus des feuilles.
Si, intelligemment, on pouvait utiliser les mêmes produits pour une intervention par le dessus des feuilles, nous ne serions pas dans cette situation et nous n'aurions pas connu de telles baisses de rendements !
Résultat : nous importons des bananes du Costa Rica qui sont traitées avec 46 traitements aériens - contre 9 chez nous - et des molécules interdites en France. Avec les drones et les mêmes produits que pour les traitements au sol, nous pourrions réduire notre nombre de passages à six. (M. Jean-Claude Tissot proteste.)
L'amendement n°11 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°8 rectifié bis de M. Tissot et alii.
M. Jean-Claude Tissot. - Cet amendement supprime le droit à l'essai, car le Parlement ne serait pas consulté avant l'extension de l'épandage par drone à d'autres cultures. Cela revient à ouvrir une boîte de Pandore que nous ne réussirons jamais à refermer. L'objectif, on le voit, c'est de supprimer toutes les réglementations et de limiter l'intervention des agences de l'État, comme l'Anses, dans un contexte de forte défiance à l'égard du monde scientifique.
Face à ce risque de fuite en avant, nous réaffirmons le principe de précaution : l'exception ne doit pas devenir la règle.
M. le président. - Amendement identique n°10 de M. Salmon et alii.
M. Daniel Salmon. - Nous allons vers une généralisation, alors que toutes les cultures n'ont pas fait l'objet d'évaluation : cette fuite en avant est inquiétante.
Mme la présidente. - Amendement n°13 de M. Salmon et alii.
M. Daniel Salmon. - Nous allons mesurer les « avantages manifestes » des drones : c'est donc bien que l'on veut des conclusions positives... Remplaçons « avantages manifestes » par « incidences », afin de mesurer les avantages, mais aussi les inconvénients, en toute objectivité.
M. Henri Cabanel, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements identiques nos8 rectifié bis et 10. L'expérimentation est une bonne méthode lorsqu'elle est encadrée, comme c'est le cas ici. Si les évaluations de l'Anses ne sont pas concluantes, elle ne sera pas pérennisée. Le Parlement n'a pas à autoriser à chaque fois : il pose un cadre et le pouvoir réglementaire applique.
Sur l'amendement n°13, notre rédaction reprend les mots de la directive sur les produits phytopharmaceutiques, il n'y a donc pas lieu d'en changer. Avis défavorable.
Mme Annie Genevard, ministre. - Même avis. La méthode par expérimentations successives, c'est la prudence même !
Les amendements identiques nos8 rectifié bis et 10 ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°13.
M. le président. - Amendement n°1 rectifié de M. Tissot et alii.
M. Christian Redon-Sarrazy. - Cet amendement revient au régime dérogatoire actuel en matière d'épandage.
La rédaction de la proposition de loi est ambiguë. Le code rural et de la pêche maritime prévoit que l'épandage aérien ne peut être déclenché qu'en cas de danger sanitaire grave. Or la proposition de loi semble autoriser l'épandage même si les produits épandus n'ont pas pour objet de lutter contre ledit danger sanitaire grave.
M. le président. - Amendement n°2 rectifié bis de M. Tissot et alii.
M. Jean-Claude Tissot. - Amendement de repli : nous précisons que la dérogation pour danger sanitaire grave ne peut porter que sur la pulvérisation de produits visant à lutter contre ce danger.
M. Henri Cabanel, rapporteur. - L'amendement n°1 rectifié est quasi rédactionnel. Mais nous voulons adopter le texte conforme, aussi avis défavorable. Même avis sur l'amendement n°2 rectifié bis.
Mme Annie Genevard, ministre. - Avis défavorable. Il s'agit d'une modification assez formelle.
L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°2 rectifié bis.
M. le président. - Amendement n°3 rectifié bis de M. Tissot et alii.
Mme Émilienne Poumirol. - La rédaction actuelle de la proposition de loi prévoit que la dérogation s'applique aux parcelles comportant une pente supérieure à 20 %. C'est ambigu : les parcelles dont seulement une partie présente une pente de plus de 20 % sont-elles concernées ?
Présidence de M. Xavier Iacovelli, vice-président
M. Henri Cabanel, rapporteur. - Avis défavorable, toujours : l'usage du verbe « comporter » ne soulève pas de difficultés.
Mme Annie Genevard, ministre. - Avis défavorable. Si l'on suit votre raisonnement, certaines parcelles à traiter le seraient et par drones et par chenillards, selon la pente. Mettez-vous à la place de l'opérateur ! (MM. Jean-Claude Tissot et Christian Redon-Sarrazy protestent.)
L'amendement n°3 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°4 rectifié bis de M. Tissot et alii.
Mme Annie Le Houerou. - Cet amendement vise à appliquer le principe de précaution, en modifiant le degré minimum de pente. L'expérimentation de la loi Égalim 1 portait sur une pente supérieure à 30 % et l'Anses avait émis des réserves... Monsieur le rapporteur, vous avez souligné la qualité des travaux de l'Anses : vous seriez bien inspiré d'entendre ses réserves !
Prévoir l'épandage aérien dès 20 % de pente est prématuré : l'abaissement du taux sans étude d'impact est une erreur. Les partisans de l'épandage aérien ne manqueront pas de vouloir baisser toujours plus ce seuil.
M. Henri Cabanel, rapporteur. - L'Assemblée nationale a longuement débattu de ce pourcentage de pente.
Vous savez bien que les risques sur une pente à 20 % ou 30 % sont les mêmes ! On parle d'une pente comparable à un escalier intérieur ! En cas de fortes pluies, avec des engins de plusieurs tonnes, je prends en compte avant tout la sécurité de l'applicateur. Avis défavorable.
Mme Annie Genevard, ministre. - Avis défavorable, également. Nous avons eu ce débat lors de l'examen de la proposition de loi Duplomb-Menonville : dans les deux cas, il s'agit de zones pentues, très accidentogènes et très pénibles pour les opérateurs, qui ont jusqu'à 30 kg sur le dos. Restons-en au texte adopté par l'Assemblée nationale.
L'amendement n°4 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°5 rectifié bis de M. Tissot et alii.
M. Christian Redon-Sarrazy. - Nous instaurons une zone de non-traitement à moins de 20 mètres des habitations en cas d'épandage par drone, car les risques de dérive sont accrus, comme l'a montré l'évaluation de l'Anses de 2022. Je vous renvoie aussi à notre rapport d'information sur les pesticides de 2012. Certains estiment que le risque de dérive est limité avec les drones : cela reste à démontrer.
Nous proposons 20 mètres, contre 250 mètres à l'Assemblée nationale : nous sommes donc raisonnables.
M. Henri Cabanel, rapporteur. - Avis défavorable. Je le répète : il s'agit de la pulvérisation de produits moins dangereux. Dès lors, pourquoi appliquer les mêmes règles que pour les produits toxiques ?
L'Anses définit les conditions d'usage des produits parmi lesquelles la distance de protection - qu'elle calcule dans des conditions de vent fort. Lors de notre déplacement avec Pierre Cuypers, nous avons constaté que nous étions loin d'avoir besoin de ces 25 mètres...
Mme Pascale Gruny. - Très bien !
Mme Annie Genevard, ministre. - Même avis.
L'amendement n°5 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°6 rectifié bis de M. Tissot et alii.
M. Victorin Lurel. - Monsieur Duplomb, nous ne sommes pas contre les drones, mais nous sommes prudents sur les produits utilisés.
La baisse de tonnage de la production de la banane n'est pas due uniquement à la cercosporiose.
Cet amendement vise à préserver les espaces naturels, qui seraient exclus de la zone d'épandage aérien : mieux vaut le dire clairement.
M. Henri Cabanel, rapporteur. - Cet amendement prévoit une exclusion large et sans discernement, qui s'appliquerait à des zones fort différentes. Dans un parc naturel, l'utilisation d'un drone pourrait être la seule solution pour traiter certaines zones, pentues par exemple.
Avis défavorable.
Mme Annie Genevard, ministre. - Même avis.
L'amendement n°6 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°7 rectifié bis de M. Tissot et alii.
M. Christian Redon-Sarrazy. - L'arrêté précisant le régime dérogatoire doit être pris après avis conforme - et non avis simple - de l'Anses. Son expertise et son indépendance sont essentielles, même si nous avons conscience des pressions qu'elle subit.
M. Henri Cabanel, rapporteur. - Chacun doit rester dans son rôle : l'Anses rend un avis, et, en général, les ministres en tiennent compte. Quoi qu'il en soit, le droit européen, précis et strict, s'impose aux autorités nationales : avis défavorable.
Mme Annie Genevard, ministre. - Quiconque s'intéresse à l'Anses sait à quel point ses avis pèsent lourd dans nos décisions. Un avis conforme n'ajouterait rien : avis défavorable.
L'amendement n°7 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°12 de M. Salmon et alii.
M. Daniel Salmon. - Nous proposons au Gouvernement de consulter les associations agréées de protection de l'environnement, en plus des organisations professionnelles et syndicales agricoles. (On ironise à droite.) J'entends vos murmures, chers collègues de la droite, mais les associations environnementales ont toute leur place pour rédiger des arrêtés.
M. Laurent Burgoa. - (Levant les bras au ciel) Aïe aïe aïe !
M. Henri Cabanel, rapporteur. - On peut demander leur avis à ces associations, mais c'est bien le politique qui prend la décision finale. (Mmes Frédérique Puissat et Pascale Gruny applaudissent.)
M. Laurent Burgoa. - Bravo !
M. Henri Cabanel, rapporteur. - Je suis un grand défenseur de la démocratie contributive, mais in fine c'est la démocratie représentative qui doit l'emporter, via nos élus, au suffrage universel.
Dès lors, avis défavorable, tout en rappelant que ces associations peuvent aussi saisir l'Anses.
Mme Annie Genevard, ministre. - Avis défavorable. Le projet d'arrêté sera soumis à la consultation du public, puisqu'il s'agit d'une réglementation à incidence environnementale. Une large consultation est prévue : croyez-moi, les associations sont familières de ces pratiques.
Mme Frédérique Puissat. - Exactement !
M. Vincent Louault. - Au regard du nombre d'amendements déposés par MM. Jean-Claude Tissot et Daniel Salmon, il n'y a pas que les buses qui dérivent !
L'amendement n°12 n'est pas adopté.
L'article 1er est adopté.
Vote sur l'ensemble
M. Daniel Salmon . - Nous nous opposons à cette expérimentation, prélude à une généralisation de l'usage des drones.
Il existe d'autres moyens pour lutter contre la cercosporiose noire. Avec la fuite en avant sur les pesticides, au Brésil, il faut renouveler les molécules tous les quatre ans. J'ai entre les mains une étude : en travaillant sur l'agronomie, sur la répartition spatiale des cultures, en plantant des haies, on évite la propagation de la cercosporiose, avec des résultats probants. Bien sûr, cela ne plaît pas à certains acteurs, mais il y va de la biodiversité et de la santé humaine.
Madame la ministre, le terme « avantages manifestes » aurait été adopté par mes collègues députés, dites-vous ? Ce n'est pas tout à fait exact : ils ont ajouté « manifestes » et c'était un repli au repli... Une étude doit être impartiale, sans mentionner au départ les résultats auxquels on veut aboutir.
M. Henri Cabanel, rapporteur de la commission des affaires économiques . - La directive européenne interdit l'utilisation des drones, hormis quelques cas dérogatoires, bien encadrés : nul cheval de Troie.
Les pentes de 20 % concernent certains vignobles. Je suis favorable à un encépagement de vignes plus résistantes, en vue de réduire radicalement les intrants. Ces dérogations sont une avancée pour les vignes-mères, desquelles sont retirés les greffons qui feront les vignes de demain, et qui pourront être traitées par drone à 60 cm du sol.
Tous les traitements effectués par drone seront préventifs, ce qui diminuera la pénibilité du travail pour les applicateurs intervenant dans les bananeraies. (M. Victorin Lurel acquiesce.)
M. Daniel Gremillet . - Je remercie le rapporteur. Ce texte, que nous soutenons, sera facteur de progrès : nous pourrons intervenir sur un timbre-poste, et non de manière généralisée. Cher collègue Daniel Salmon, chaque fois qu'un paysan peut éviter un traitement, il le fait.
Ce texte protégera mieux les plantes et réduira les traitements : je le voterai avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; M. Bernard Buis applaudit également.)
Mme Pascale Gruny. - Très bien !
À la demande du RDPI, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°260 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 334 |
Pour l'adoption | 237 |
Contre | 97 |
La proposition de loi est définitivement adoptée.
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDPI et du RDSE)
La séance, suspendue à 20 h 30, reprend à 22 heures.