Renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.
Discussion générale
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations . - « La seule chose qui dure toujours, c'est l'enfance. Quand elle s'est mal passée, on y reste coincé à vie. ». Ces mots sont de Rebecca Lighieri, dans Il est des hommes qui se perdront toujours.
Les 27 000 témoignages recueillis par la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) ne disent pas autre chose. Le temps ne répare pas ; il condamne seulement à survivre, à porter des blessures parfois invisibles.
Les agresseurs savent ce qu'ils font. Première stratégie, au coeur de l'inceste : ils ciblent des victimes incapables de parler, parce que les enfants ont confiance dans les membres de la famille. Les agresseurs fabriquent une fausse normalité, isolent leur proie, inversent la culpabilité. L'enfant est pris au piège de la sidération, de la confusion et du silence, pétrifié par la peur des représailles et du rejet.
Ce silence est non un choix, mais une impossibilité, dont les bourreaux tirent avantage. Toutefois, si l'enfant ne verbalise pas forcément, il envoie des signaux, par des troubles du comportement. J'ai donc déposé un amendement visant à rendre obligatoire la formation à la détection des abus sexuels pour tous les professionnels au contact des enfants. Ils doivent apprendre à voir et à comprendre.
Mais l'enfermement ne s'arrête pas là. Lorsqu'enfin la victime, devenue adulte, trouve le courage de parler, elle se heurte à un mur. Alors qu'il a fallu des décennies pour se souvenir, comprendre, nommer, la justice répond : prescription, trop tard. Les agresseurs savent que le temps joue en leur faveur. Les preuves disparaissent, les souvenirs s'estompent, la parole des victimes est contestée. Quand elles trouvent enfin la force de parler, les victimes s'entendent dire qu'elles auraient dû le faire plus tôt.
C'est pourquoi le Gouvernement est favorable aux amendements visant à rétablir la rédaction initiale de l'article 1er, qui introduit l'imprescriptibilité en matière civile des viols commis sur des mineurs, pour leur permettre d'obtenir réparation. Virginie Cresci évoque « le prix des larmes ». Frais de justice, hospitalisations, carrières entravées : les victimes paient. L'imprescriptibilité civile ferait payer les agresseurs. Il faut accélérer le circuit de réparation. Toutes les victimes ne saisiront pas la justice, mais cette possibilité restée ouverte de demander et obtenir réparation les aidera à reprendre le contrôle de leur vie.
Je sais les doutes du Sénat, mais mesurez ce qu'un refus signifierait pour les victimes, celles qui n'ont pu parler, qui attendent et espèrent.
Les violences faites aux femmes ne se résument pas aux coups. D'ailleurs, les violences conjugales ne commencent jamais par des coups - les femmes partiraient en courant. La mécanique est insidieuse, implacable. Le contrôle coercitif est une stratégie d'anéantissement, un poison lent. La domination revêt les habits de l'amour, l'attention se mue en surveillance, l'intérêt en flicage. Il vous surveille, exige des comptes sur vos horaires, multiplie les appels, trie vos relations, décide de ce que vous faites, vous coupe du monde, contrôle vos finances, vous rend dépendante. Alors vous commencez à douter, à vous excuser, à vous effacer. Vous pesez chaque mot, vous vérifiez l'heure. Au bout du chemin, il ne reste plus que lui - le piège s'est refermé. La violence physique ou sexuelle peut alors se déployer, sans témoin ni issue.
Nous avons le pouvoir et le devoir d'agir. Je suis favorable à la rédaction que propose votre commission des lois.
Nous avons trop longtemps laissé les victimes se battre seules. La lutte contre les violences est notre responsabilité. La République doit entendre toutes les victimes, déjouer toutes les stratégies des agresseurs, les sanctionner implacablement.
Tel est notre combat. Aujourd'hui, ensemble, nous pouvons gagner une nouvelle bataille. (Applaudissements)
Mme Dominique Vérien, rapporteure de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) L'intervention du législateur en matière de violences sexuelles et sexistes (VSS) et de violences intrafamiliales est abondante ; il faut s'en réjouir. Cependant, il reste encore beaucoup à faire, car le droit peine à saisir la particularité de ces infractions de l'intime. La justice a du mal à caractériser des faits qui se déroulent le plus souvent à huis clos.
Avec Elsa Schalck, nous avons donc accueilli favorablement la proposition de loi déposée par Mme Bergé lorsqu'elle était députée.
L'article 1er visait à introduire l'imprescriptibilité civile, et non pénale, pour les violences sexuelles sur des mineurs. Le droit français ne connaît que l'imprescriptibilité pénale, uniquement pour le génocide et les crimes contre l'humanité. Elle est donc exceptionnelle, grave et solennelle.
L'article 1er a été supprimé à l'Assemblée nationale en commission et n'a pas été rétabli en séance. La commission des lois du Sénat a maintenu cette suppression.
Nous partageons les constats de ceux qui appellent à l'allongement des délais de prescription. Oui, les victimes ont besoin de temps, parfois de décennies, pour dénoncer, voire même réaliser les faits. Souvent, elles ont besoin d'obtenir la reconnaissance par la justice du dommage subi pour se reconstruire.
Néanmoins, les auditions ont montré qu'une modification trop large des règles de prescription entraînerait plus de difficultés qu'elle n'en résoudrait - et qu'elle se ferait au détriment des victimes.
D'abord, la disparition des preuves matérielles dans le temps rendrait l'imprescriptibilité souvent théorique et donc déceptive pour les victimes. Ensuite, spécificité de l'action en responsabilité civile, la charge de la preuve pèse sur le demandeur. La victime doit démontrer non seulement la réalité des faits, mais aussi que son traumatisme découle directement et uniquement des violences sexuelles subies. On l'expose donc à voir sa vie privée déballée par la défense au cours de l'audience, au risque d'un nouveau traumatisme, sans garantie de réparation.
Voulons-nous des symboles, à l'effectivité douteuse ? Voulons-nous adresser aux victimes un message sans portée concrète ?
J'ajoute que l'action civile en réparation se transmet aux héritiers de la victime, même si elle n'a pas été engagée avant son décès : tout allongement de la prescription, et a fortiori l'imprescriptibilité, présenterait un risque considérable pour la paix sociale. Cela s'apparenterait à une poursuite indéfinie, y compris par des tiers. La limite entre la justice et la vengeance serait brouillée. C'est pourquoi notre commission des lois n'a pas voulu modifier le droit en vigueur.
Le même raisonnement a prévalu pour l'article 2 sur la prescription glissante : si la commission est favorable à l'objectif poursuivi, elle a fait preuve de vigilance. Le dispositif, introduit en 2021, n'a fait l'objet d'aucun bilan. Il soulève en outre des difficultés probatoires identiques, et porte donc le même risque déceptif pour les victimes.
La commission vous proposera de conserver l'extension aux majeurs de la prescription glissante pour viol, mais de ne pas retenir les autres mesures de l'article 2.
Mme Elsa Schalck, rapporteure de la commission des lois . - Le contrôle coercitif est une somme de microrégulations au sein d'un couple qui contraignent tous les aspects de la vie quotidienne de la victime, jusqu'à la dépendance. C'est une forme insidieuse et perverse de violence conjugale.
Quelle est la solution la plus adaptée pour réprimer ces agissements ? La plus sécurisée au plan juridique, la plus pragmatique pour les enquêteurs et magistrats, la plus lisible pour les victimes.
La rédaction adoptée par les députés, fondée sur les sentiments de la victime, présentait un risque constitutionnel, comportait des éléments contradictoires entre eux et apparaissait contraire à la Convention européenne des droits de l'homme. Elle ne pouvait pas prospérer. Nous avons donc opté pour une réécriture globale de l'article 3.
La création d'une infraction autonome de contrôle coercitif aurait été un facteur de complexité et aurait posé des problèmes d'articulation avec les infractions existantes. Pire, elle aurait eu un effet d'éviction, au détriment de délits plus durement sanctionnés.
En renonçant à inscrire les mots contrôle coercitif dans le code pénal, nous avons fait le choix de l'efficacité plutôt que du symbole.
La loi pénale est d'interprétation stricte, or les praticiens doivent pouvoir qualifier le contrôle coercitif au cas par cas, afin de protéger au mieux les victimes. Le mieux est parfois l'ennemi du bien, et trop préciser la loi peut être contreproductif. Faisons confiance aux enquêteurs et aux magistrats pour adapter leurs décisions à la réalité des faits.
Nous avons voulu fonder la nouvelle définition pénale du contrôle coercitif sur des termes clairs, existants dans nos lois, maîtrisés par les praticiens et aisément compréhensibles pour les victimes. Je vous invite donc à soutenir la rédaction de la commission à l'article 3.
La question des circonstances aggravantes en matière de viol n'a pas fait l'objet de débats publics aussi nourris, mais ne sous-estimons pas pour autant la portée de l'article 5. Les amendements nous permettront de garantir une meilleure répression du viol.
Madame la ministre, vous avez souhaité une loi-cadre sur les violences faites aux femmes. Je m'en réjouis. Les victimes ne doivent plus hésiter à porter plainte. Le principal obstacle à la répression des VSS est à rechercher dans la société plutôt que dans la loi. Le chemin est long pour que la honte change de camp, mais nous devons tout faire pour accélérer. Comblons les lacunes de notre droit sans renoncer aux principes qui guident l'action du législateur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, du RDPI et du groupe SER)
M. Daniel Chasseing . - Chaque année, près de 217 000 femmes sont victimes de viols, de tentatives de viols ou d'agressions sexuelles. L'arsenal juridique s'étoffe, mais de nombreuses victimes peinent encore à obtenir justice.
Cette proposition de loi vise à mieux réprimer ces violences. Je salue le travail mené à l'Assemblée nationale par Aurore Bergé et Maud Bregeon, ainsi qu'au Sénat, par Elsa Schalck et Dominique Vérien.
L'article 1er, qui a été supprimé, prévoyait l'imprescriptibilité en matière civile pour les violences sexuelles contre un mineur. Je proposerai de le rétablir.
Les chiffres cités par le rapport de la Ciivise sont alarmants : en France, 14,5 % des femmes et 6,4 % des hommes âgés de 18 à 75 ans auraient été confrontés à des violences sexuelles avant 18 ans. Chaque année, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles ; 90 % des victimes développent des symptômes de troubles du stress post-traumatique (TSPT).
Plus l'agresseur est proche de la victime, plus cette dernière peine à dénoncer son bourreau. Seulement 12 % des victimes dénoncent les faits au moment de leur commission si l'auteur est proche ; c'est 9 % en cas d'inceste. Il faut souvent des années pour qu'elles trouvent la force de se manifester. Pendant ce temps, l'auteur n'est pas inquiété.
C'est pourquoi la loi du 3 août 2018 a allongé de vingt à trente ans le délai de prescription en matière pénale des crimes sexuels commis sur les mineurs. En matière civile, ce délai n'est que de vingt ans. Or il est plus facile de faire reconnaître le préjudice subi au civil qu'au pénal, où les preuves sont plus complexes à réunir. D'où l'intérêt de l'imprescriptibilité civile, qui permet à la victime d'obtenir justice.
La loi du 21 avril 2021 a introduit la prescription glissante pour les victimes mineures ; l'article 2 l'étend aux victimes majeures, ce qui va dans le bon sens. La personne qui récidive doit pouvoir être poursuivie pour tous les viols commis antérieurement.
La notion de contrôle coercitif, théorisée par Evan Stark en 2007, a été utilisée par la cour d'appel de Poitiers le 31 janvier 2024. Son intégration dans notre droit paraît bienvenue, mais la rédaction de l'Assemblée nationale soulevait des difficultés juridiques et d'application. Elsa Schalck et Dominique Vérien ont su lui donner une assise juridique plus solide, en intégrant le contrôle coercitif au harcèlement sur conjoint.
La répression des violences sexuelles nécessite une mobilisation collective et des mesures efficaces. Les victimes subissent des décennies durant les stigmates des violences sexuelles.
Le groupe Les Indépendants soutient ce texte. (M. Pierre Ouzoulias et Mme Christine Bonfanti-Dossat applaudissent.)
Mme Marie-Do Aeschlimann . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'ampleur des violences sexuelles donne froid dans le dos. Chaque année en France, plus de 200 000 femmes sont victimes de viol, de tentatives de viol ou d'agression sexuelle. Toutes les trois minutes, un enfant est victime d'inceste, de viol ou d'agression sexuelle.
Sous l'effet d'une libération de la parole salutaire, notre société s'est emparée de cette question, notre droit a évolué pour mieux protéger les victimes et mieux réprimer les auteurs.
En 2023, une proposition de loi de Valérie Létard a instauré une aide universelle d'urgence pour les femmes victimes de violences conjugales. Selon la présidente de la Cnaf, 42 400 personnes ont bénéficié de ce pack nouveau départ. C'est peu, sur les 230 000 victimes de violences conjugales. Il faut mieux faire connaître ce dispositif.
Cette proposition de loi d'Aurore Bergé, dont chacun connaît l'engagement sur ce sujet, vise à renforcer la protection que la société doit aux victimes de VSS. Chacun mesure la nécessité d'adapter notre droit à la réalité des traumatismes qui empêchent les victimes de parler avant des décennies. Toutefois, cela ne peut se faire au détriment de la cohérence de notre droit. C'est un équilibre délicat à trouver.
L'article 1er, qui prévoyait l'imprescriptibilité civile pour les viols commis sur des mineurs, a été supprimé. Le rapport de Mmes Vérien et Schalck explique en quoi cette mesure ne servirait ni les victimes ni notre système juridique. La disparition des preuves avec le temps rendrait cette imprescriptibilité inefficace ; elle serait source de désillusion pour les victimes, sur lesquelles pèse la charge de la preuve.
L'arrêt de la Cour de cassation du 7 juillet 2022 fixant la consolidation du préjudice comme point de départ du délai de prescription assure une prise en compte élargie des traumatismes subis.
L'imprescriptibilité ouvrirait la porte à des contentieux interminables impliquant les héritiers. À ce titre, elle compromettrait l'objectif de pacification de la société.
Le délai de prescription pénale a été porté à trente ans, à compter de la majorité de la victime, qui peut donc saisir la justice jusqu'à ses 48 ans. De plus, la prescription glissante introduite en 2021 assure que les récidivistes seront mieux poursuivis ; le texte l'étend aux victimes de viol majeures. Cela évite de laisser impunis des crimes sexuels sériels.
Le concept anglo-saxon de contrôle coercitif résulte en France d'une construction jurisprudentielle, après l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 31 janvier 2024. Son introduction dans notre législation représentait un défi. Le Sénat a retravaillé cette notion pour l'insérer plus efficacement dans notre ordonnancement juridique. Face au risque constitutionnel, la commission des lois a renoncé à une infraction pénale autonome et pris appui sur le code pénal et la notion de harcèlement moral du conjoint, gage de sécurité juridique.
Au-delà de sa qualification, le repérage du contrôle coercitif est clé, car ces violences du quotidien, souvent invisibles, isolent les victimes, qui, sous emprise, les minimisent. Les travailleurs sociaux, les professionnels de l'éducation nationale et de santé doivent être formés à identifier ces signaux.
Notre boussole doit être l'efficacité concrète des mesures que nous adopterons, dans la rigueur juridique. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
Mme Solanges Nadille . - Ce texte a été déposé à l'Assemblée nationale par Aurore Bergé, alors députée. Madame la ministre, je vous félicite pour votre travail au long cours sur ces sujets.
Huit ans après le début du mouvement #MeToo, il y a eu des progrès notables, une prise de conscience collective et des évolutions législatives, mais le chemin est encore long.
La loi du 3 août 2018 a réprimé les VSS du quotidien - sifflements de rue, remarques sexistes, propositions sexuelles - et a porté le délai de prescription pour viol sur un mineur de vingt à trente ans. Aucun adulte ne peut désormais se prévaloir du consentement sexuel d'un mineur de moins de 15 ans, ou 18 ans en cas d'inceste.
Le nombre de victimes et de condamnations est en augmentation constante depuis 2016. Nous détectons mieux, la parole se libère ; les magistrats se sont pleinement saisis des outils à leur disposition.
Mais notre système est perfectible. Il existe en effet un écart substantiel entre le nombre de victimes et le nombre de condamnations. Les règles actuelles de prescription posent problème en cas d'amnésie traumatique : quand la victime trouve la force de briser le silence, la justice lui oppose qu'il est trop tard. C'est pourquoi nous soutenons le rétablissement de l'article 1er introduisant l'imprescriptibilité civile. Nous défendons aussi la prescription glissante pour les crimes sexuels commis sur les majeurs : la prescription ne doit pas protéger les récidivistes.
Le droit actuel ne permet pas toujours de réprimer les schémas comportementaux qui s'apparentent à des violences conjugales, visant à maintenir la victime dans un état de dépendance et de subordination. Si le Royaume-Uni ou le Canada reconnaissent dans leur droit la notion de contrôle coercitif pour réprimer une série d'actes s'inscrivant dans une stratégie de contrôle au sein du couple, le droit français ne comprend pas de notion équivalente. À la suite d'une jurisprudence de 2024, le texte prévoit d'inscrire une définition dans le code pénal. Nous soutenons la rédaction de la commission des lois du Sénat.
La lutte contre la récidive est un autre enjeu crucial.
Malgré quelques désaccords avec la commission, nous voterons en faveur de ce texte.
Enfin, j'aurai une attention particulière pour nos outre-mer. En 2024, une dizaine de femmes y ont péri sous les coups de leur conjoint. Je salue le travail de Justine Bénin sur le sujet. Je me félicite de l'ouverture de la maison des femmes de Guadeloupe, le 8 mars dernier. Voulue par notre président Guy Losbar, c'est un espace d'écoute, de ressources et de solidarité. À bientôt en Guadeloupe, madame la ministre, pour la visiter ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
Mme Olivia Richard . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions ; Mme Marie-Do Aeschlimann applaudit également.) Il y a quelques mois, dans le métro, j'entends une femme au téléphone. Elle répétait : « je ne comprends pas ce que tu attends de moi ». Elle ajoutait : « cela fait vingt-quatre ans que je te préviens quand je sors du travail, je rentre toujours directement, je n'ai jamais été en retard ». Sa voix angoissée m'a marquée.
Le contrôle coercitif est un crime contre la liberté. La victime abandonne progressivement son autonomie. Ce matin, France Info parlait du texte dont nous débattons et expliquait la notion de contrôle coercitif. Rien que parler de ce mécanisme qui se retrouve a posteriori chez toutes les victimes de féminicide, c'est un pas.
Il y a quelques jours, une femme saluait votre courage, madame la ministre. J'ajouterai : votre pugnacité. Je sais votre engagement aux côtés des femmes, y compris les Françaises établies à l'étranger, dont l'isolement est aggravé par la distance. Je vous en remercie.
Nos deux rapporteures sont l'une, avocate, l'autre présidente de notre délégation aux droits des femmes, corapporteure des crédits de la justice, et ingénieure en travaux publics. Quel rapport ? Pour construire, il faut une expertise solide, une analyse rigoureuse, une vision globale - et des financements. C'est dire si Dominique Vérien est qualifiée pour nous guider. Les analyses de nos rapporteures sont le fruit des auditions, non d'un parti pris.
L'édifice pénal et civil que nous bâtissons est d'une construction lente, parfois anarchique, qui mériterait sans doute d'être remis à plat. J'appartiens à la coalition parlementaire en faveur d'une loi globale contre les VSS. Dans le contexte international actuel, la France s'honore à choisir le camp de la liberté, de l'intelligence et du progrès. Madame la ministre, vous travaillez à construire un consensus pour une réponse globale, je vous en remercie.
Néanmoins, il nous faut adopter un texte applicable par l'ensemble de la chaîne judiciaire. Il faut de la cohérence, de la solidité. C'est potentiellement source de frustration. La semaine dernière était jugé un homme qui, après avoir tiré dans les jambes de son ex-femme, l'a brûlée vive. Heureusement, la peine a été très lourde, mais le crime n'aurait pas dû pouvoir être commis.
Madame la ministre, vous nous permettez d'aborder ces questions importantes, de protéger les victimes avant que le pire n'arrive. Il faut mettre fin au continuum de violences.
Nous aurons un débat sur l'imprescriptibilité civile. Permettez-moi de saluer Annick Billon pour son engagement indéfectible. Je soutiendrai son amendement de repli qui porte le délai de prescription en matière civile à trente ans, pour l'aligner avec le pénal.
L'extension aux majeurs de la prescription glissante, qui existe déjà pour les mineurs, est une belle avancée, qui permettra de juger les violeurs pour l'ensemble de leur oeuvre.
Il n'y a pas de solution simple. Encore faut-il que les mesures que nous votons soient opérationnelles et lisibles.
Les avancées obtenues par les femmes ont comme corollaire une montée du masculinisme. Attention à ce mouvement de balancier, qui s'observe aux États-Unis, où les entreprises, même européennes, sont sommées de renoncer à leurs politiques d'égalité, où les personnes trans sont refoulées à la frontière...
C'est pourquoi nous devons avancer sur un socle juridique solide. Le groupe UC ne fera pas défaut à cette lutte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées des groupes Les Républicains, SER, CRCE-K et du GEST)
Mme Evelyne Corbière Naminzo . - Les chiffres sont alarmants. En 2023, on dénombre 114 135 victimes de violences sexuelles ; 85 % sont des femmes, 57 % d'entre elles sont mineures. Toutes les trois minutes, un enfant est victime d'un viol ou d'une agression sexuelle. Ces chiffres sont largement sous-estimés, car seules 6 % des victimes de violences sexuelles et 14 % des victimes de violences conjugales se tournent vers les forces de sécurité. À La Réunion, les forces de l'ordre interviennent en moyenne dix-sept fois par jour pour des faits de violences intrafamiliales.
Justice doit être rendue, les victimes ne peuvent plus se contenter d'un classement sans suite.
Je regrette que le texte ait perdu de son ambition ; je pense notamment à l'imprescriptibilité civile des viols sur mineur.
Les faits sont prescrits pour 75 % des victimes ayant témoigné devant la Ciivise. De nombreuses victimes dans l'enfance n'ont pas pu porter plainte en raison des menaces ou manipulations des agresseurs, ou d'amnésie post-traumatique. Or un avis de classement sans suite est vécu comme une injonction à l'oubli et au pardon.
L'imprescriptibilité des viols sur mineurs permettrait aux victimes d'être reconnues comme telles, d'autant que les traumatismes subis impactent durablement leur situation financière.
La prescription glissante, introduite en 2021, prolonge les délais de prescription en cas de récidive. C'est une avancée pour poursuivre les agresseurs sériels. Nous saluons son extension aux majeurs.
Les termes de contrôle coercitif n'apparaissent plus dans le texte, mais le débat autour de cette notion nous aura permis d'avancer.
Si la proposition de loi nous met sur le bon chemin, nous resterons attentifs à la future loi-cadre. Face au fléau des VSS, nous avons besoin d'une approche globale : prise en charge complète des victimes, meilleure formation au repérage des violences, recrutement de magistrats spécialisés.
Alors que nous assistons à l'explosion des discours masculinistes partout dans le monde, et que le sexisme progresse dans la société française, nous devons renforcer la prévention et l'éducation à la vie affective et sexuelle.
Selon le juge Édouard Durand, une scène de violence sexuelle n'est pas un face-à-face privé entre victime et agresseur. Elle implique un troisième protagoniste : la société. Pour lutter contre les VSS, nous devons nous doter de mesures ambitieuses et efficaces.
Le groupe CRCE-K votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et INDEP)
Mme Mélanie Vogel . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Les VSS sont les crimes et délits les moins bien punis, y compris en France. En France, une femme est victime de viol ou de tentative de viol toutes les deux minutes et demie ; un enfant est victime de viol ou d'agression sexuelle toutes les trois minutes. Une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son compagnon ou ex-compagnon. On dénombre 271 000 victimes de violences conjugales, 742 par jour.
Imaginons que 742 médecins soient agressés par leurs patients tous les jours, et qu'un médecin soit tué tous les trois jours. Ce serait une mobilisation générale, un branle-bas de combat pour mettre fin au carnage ! Mais pour les femmes et les enfants, victimes des hommes de leur entourage, il ne se passe pas grand-chose.
Dans 97 % des cas de violences sexuelles sur enfants, les pédocriminels ne sont pas condamnés ; 96 % des plaintes pour viols sont classées, seules 0,6 % donnent lieu à une condamnation. Imaginez que 99,4 % des meurtres restent impunis !
Neuf victimes de viol sur dix connaissent leur agresseur, qui est souvent un membre de la famille. La violence est commise dans l'intimité des foyers, par nos pères, nos oncles, nos frères, nos amis, nos conjoints, nos voisins - et souvent sous le regard de ceux-là.
Cette spécificité des VSS explique les difficultés à porter plainte ou simplement à agir. La proposition de loi y répond avec l'allongement du délai de prescription et l'imprescriptibilité civile.
Parce que les VSS sont enferrés au plus profond de nos vies, que l'amnésie traumatique existe, que l'envahissement émotionnel est immense, le droit doit adapter les règles de prescription, pour tenir compte de la capacité des victimes à agir en justice.
Il était essentiel que la France participe à la conversation mondiale sur le contrôle coercitif, entamée il y a quelques années. Pendant des siècles, dominer les femmes, les violer, les battre, contrôler leurs dépenses, leurs mouvements, maîtriser leur vie a été légal. Aujourd'hui, malgré la criminalisation des violences conjugales, les mécanismes de privation de liberté mis en place par les hommes passent souvent sous les radars.
Viser dans notre droit la manière dont les hommes reproduisent leur domination sur des femmes n'est pas tâche facile ; le travail d'écriture est complexe. Mais j'espère que nous avancerons dans ce sens, grâce à la navette parlementaire. Le GEST votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST et des groupes SER et UC ; Mme Evelyne Corbière Naminzo applaudit également.)
Mme Audrey Linkenheld . - (Mme Marie-Pierre de La Gontrie applaudit.) Ce texte est attendu, car notre droit peine encore à saisir les VSS dans toute leur brutalité. Derrière les chiffres, il y a des vies abîmées.
Le groupe SER partage pleinement la volonté politique qui sous-tend ce texte : il faut mieux protéger les victimes et durcir les sanctions. Plusieurs textes récents ont renforcé la réponse judiciaire et nous y avons pris notre part, notamment Laurence Rossignol.
Il nous est proposé de modifier à nouveau le code pénal, le code de procédure pénale et le code civil : nous y souscrivons, car les VSS sont en constante évolution.
Nous sommes d'accord avec le changement de titre de la proposition de loi, issu d'un amendement de nos collègues députés socialistes : il s'agit de protéger toutes les victimes, quels que soient leur âge, leur genre, leur situation.
Nous devons réfléchir aux délais et règles de prescription, car la parole des victimes met du temps à se libérer. Si nous doutons de l'utilité d'une imprescriptibilité civile totale, nous sommes en revanche convaincus de l'intérêt de la prescription glissante, qui mériterait d'être étendue aux victimes majeures, sous certaines conditions.
Le contrôle coercitif, concept bien appréhendé en sociologie, doit l'être également en droit. Le travail de la police, de la gendarmerie et de la justice doit être facilité. Il faut veiller à ce que ce dispositif soit réellement opérant en droit, au risque, sinon, de susciter des déceptions. Nous sommes favorables à la rédaction retenue en commission pour l'article 3, qui s'inspire notamment de la jurisprudence et du droit comparé, pour compléter l'infraction de harcèlement sur conjoint.
L'article 5 répond aux attentes des associations féministes et de victimes qui dénoncent des peines parfois bien légères. Laurence Rossignol, qui en est l'inspiratrice, y reviendra.
Mais nous sommes circonspects sur le prolongement de la garde à vue, modification substantielle de notre code de procédure pénale, avec d'importants effets de bord.
Si l'ambition de ce texte est confirmée, le groupe SER le votera.
Nous devons aligner le droit avec la réalité, mais aussi donner à la justice et aux forces de sécurité les moyens d'appliquer ce droit, mieux former les professionnels à la détection des VSS et soutenir les associations qui agissent auprès des victimes.
Ces violences doivent être prises en compte de façon intégrale dans toutes nos politiques publiques pour prévenir, reconnaître, accompagner et réparer. (Mmes Sophie Briante Guillemont et Dominique Vérien applaudissent.)
Mme Évelyne Renaud-Garabedian . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Sophie Briante Guillemont et Dominique Vérien applaudissent également.) En 2024, seules 104 000 femmes victimes de crimes et délits à caractère sexuel ont osé déposer plainte - un chiffre à rapprocher du 1,4 million de femmes ayant déclaré avoir subi des violences sexuelles en 2021. Il s'agit d'une réalité quotidienne qui détruit sournoisement l'intégrité physique, psychique et morale des victimes.
Sur le terrain, les progrès sont tangibles : ordonnance de protection, bracelet anti-rapprochement (BAR), logement d'urgence, pack nouveau départ, entre autres.
La proposition de loi prévoyait initialement l'imprescriptibilité de l'action civile en cas de viol sur mineur et certains sénateurs demandent son rétablissement. À titre personnel, je considère que l'imprescriptibilité n'est souhaitable ni pour la victime ni pour la justice, car elle peut susciter de faux espoirs et aboutir à des désillusions. À l'agression physique pourrait s'ajouter l'agression symbolique d'un classement sans suite. Je ne voterai donc pas ces amendements.
Sur le plan pénal, ce texte - que je voterai - présente des avancées, notamment sur la question du contrôle coercitif.
En ma qualité de sénateur des Français de l'étranger, j'ai créé, avec Priscillia Routier Trillard et Sophie Briante Guillemont, la plateforme Save You, qui vient en aide aux Françaises victimes de violences conjugales vivant à l'étranger. Cela nous a permis d'examiner plusieurs modèles étrangers intéressants. L'Angleterre, le Pays de Galles, l'Écosse et la Belgique ont intégré le contrôle coercitif dans leur droit. L'Espagne a voté, dès 2004 une loi-cadre, complétée par des lois successives, et mis en place des équipes de police spécialisées, des tribunaux spécialisés au civil comme au pénal, une protection complète et immédiate de la victime. Le nombre de féminicides y a baissé de 25 % depuis 2024.
Cela devrait nous inciter à élaborer la véritable loi-cadre que nous attendons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC et du RDSE)
Mme Laurence Rossignol . - (Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Mélanie Vogel applaudissent.) Madame la ministre, je salue votre créativité juridique (Mme Aurore Bergé sourit) et votre engagement à réunir les parlementaires pour élaborer la future loi-cadre.
J'avais déposé un amendement pour compléter ainsi l'article 215 du code civil : « La communauté de vie n'implique pas d'obligation de relations sexuelles entre les époux. » Quelle ne fut pas ma surprise lorsque j'ai appris que la commission avait considéré que cet amendement ne faisait pas partie du périmètre du texte !
Le viol entre époux, difficile à prouver, donne lieu à assez peu de décisions de justice. Ajouter le consentement dans le code pénal n'y changera pas grand-chose. La Cour européenne des droits de l'homme a considéré que le fait de refuser des relations sexuelles n'était pas constitutif d'un divorce pour faute. Nous devons clarifier cette notion de devoir conjugal, car il y a l'idée que la communauté de vie entre époux inclut l'obligation - et le droit à - de relations sexuelles. Les femmes doivent savoir qu'elles peuvent dire non. Et pour le leur dire, il faut écrire dans le code civil que le devoir conjugal n'existe pas - comme nous avons écrit il y a quelque temps que l'éducation des enfants se faisait sans violence physique ni psychologique.
J'informe l'honorable commission des lois que je déposerai de nouveau cet amendement lors de l'examen de la proposition de loi sur le consentement. J'espère que nous pourrons alors dire aux Françaises : mesdames, vous n'êtes pas obligées de passer à la casserole tous les soirs. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, du RDSE et du GEST)
Mme Sophie Briante Guillemont . - Pendant trop longtemps, le sujet des VSS est resté tabou - leur ampleur est pourtant effrayante : plus de 271 000 femmes ont subi de telles violences dans le cadre conjugal en 2023. Ces violences conduisent parfois au meurtre : pas moins de 140 femmes ont été tuées en 2024 par leur conjoint ou ex-conjoint - sans compter les féminicides de Françaises à l'étranger...
Ces agressions concernent aussi des enfants et des adolescents, avec des effets dévastateurs : selon la Ciivise, chaque année, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles.
Cette proposition de loi comble plusieurs lacunes. D'abord, l'instauration de l'imprescriptibilité civile sur les infractions sexuelles commises sur les mineurs. Au civil, la victime peut demander des dommages et intérêts à son agresseur. Mais les actions civiles sont prescrites en cinq ans en règle générale, en vingt ans pour ces faits.
Je comprends parfaitement les arguments en faveur de l'imprescriptibilité : les victimes prennent souvent conscience de la réalité du traumatisme trop tard et ont besoin que la justice leur dise « Je vous crois. » Pourtant, comme les rapporteures, j'appelle à la prudence : la prescription évite de donner de faux espoirs aux victimes. En outre, les règles de prescription ont récemment évolué grâce à la Cour de cassation : le délai de prescription court désormais à compter de la consolidation, qui peut intervenir des décennies après l'infraction et alors que les faits sont déjà prescrits au pénal. Le compromis actuel nous semble donc intelligent et suffisant.
Autre aménagement prévu par le texte : la prescription glissante en cas de commission d'une seconde infraction, par le même auteur, sur une autre victime.
Le contrôle coercitif, qui semble faire consensus, a toutefois été réécrit à plusieurs reprises lors de la navette. Cette notion englobe diverses stratégies subtiles et perverses qui visent à restreindre l'autonomie de son partenaire. Les rapporteures ont décidé de l'ajouter à la définition du harcèlement sur conjoint - c'est préférable. La commission des lois a adopté une position nécessairement prudente, en l'absence d'étude d'impact et alors que la matière ne cesse d'évoluer. Faisons confiance aux justiciables et à la justice pour s'emparer des outils récemment mis en place, avant de créer de nouvelles dispositions.
Nous avons besoin d'une loi-cadre pour traiter de l'éducation, de la prévention, de la récidive et de l'accompagnement des victimes. Le RDSE aimerait d'ailleurs y intégrer l'élargissement du champ de l'ordonnance de protection, défendu par notre présidente Maryse Carrère, et adopté au Sénat en novembre dernier.
Le RDSE votera évidemment ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe UC ; Mme Muriel Jourda et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
Discussion des articles
Article 1er (Suppression maintenue)
M. le président. - Amendement n°4 rectifié ter de Mme Billon et alii.
Mme Annick Billon. - Le délai de prescription de vingt ans prive de nombreuses victimes de réparation, car la prise de conscience est longue : 40 % des enfants victimes sont concernés par une amnésie dissociative - 50 % en cas d'inceste. La suppression des délais de prescription est la première demande des victimes ; c'est d'ailleurs l'une des quinze recommandations prioritaires de la Ciivise.
C'est pourquoi nous voulons rétablir l'article 1er. La justice civile doit permettre aux victimes d'obtenir réparation. La procédure civile, plus souple, plus rapide et où la charge de la preuve est allégée, permet aux victimes d'être reconnues en tant que telles. La Suisse, les Pays-Bas, la Belgique, le Canada, le Royaume-Uni et le Danemark ont déjà choisi cette voie.
Enfin, pour répondre aux inquiétudes de la commission des lois, l'amendement a été rectifié sur la question des héritiers.
M. le président. - Amendement identique n°15 rectifié ter de M. Chasseing et alii.
M. Daniel Chasseing. - Cet amendement rétablit l'article 1er de la version initiale de la proposition de loi, qui prévoyait l'imprescriptibilité en matière civile pour les infractions sexuelles commises sur mineur.
Il faut en effet parfois plusieurs décennies pour qu'une victime dénonce son bourreau. L'imprescriptibilité permet aux victimes d'obtenir justice.
Les héritiers de l'agresseur ne seraient pas tenus par les dettes résultant d'une éventuelle condamnation.
M. le président. - Amendement identique n°18 rectifié de Mme Nadille et du RDPI.
Mme Solanges Nadille. - Nous avons l'occasion de repenser ces dispositifs pour qu'aucune victime ne soit laissée de côté : la loi doit s'adapter à ceux qui souffrent, et non l'inverse.
M. le président. - Amendement identique n°21 rectifié bis de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Nous souhaitons l'imprescriptibilité civile pour les crimes sexuels sur mineur. L'enquête de la Ciivise a révélé que les faits étaient prescrits pour 75 % des victimes ayant témoigné.
Cet amendement répond aux demandes des victimes. Dans leur corps, nulle prescription : elles doivent pouvoir porter plainte à tout moment. L'amnésie post-traumatique pour les personnes victimes dans leur enfance est fréquente : c'est le cas pour 54 % des victimes de moins de 10 ans.
L'imprescriptibilité est conforme aux conventions internationales et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Le Conseil de l'Europe recommande de supprimer ce délai de prescription.
M. le président. - Amendement identique n°31 rectifié de Mme Vogel et alii.
Mme Mélanie Vogel. - C'est le même amendement, rétablissant l'imprescriptibilité civile - et non pénale. Permettons aux victimes de porter plainte à n'importe quel moment, tant que le préjudice peut être démontré.
Les arguments contre cette mesure sont fallacieux. Cela emporterait des déceptions, dites-vous ? C'est vrai, mais pas plus grandes que celles entraînées par la prescription, qui empêche d'agir.
Les seuls crimes imprescriptibles sont les crimes contre l'humanité. La gravité des faits est certes un critère important, mais il ne doit pas être le seul : prenons en compte le quantum des peines et la capacité des victimes à porter plainte.
Il aurait pu être choquant qu'une fille ait à réparer le viol commis par son père, mais nous y avons remédié.
M. le président. - Amendement n°40 du Gouvernement.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Nous voulons nous aussi revenir au texte initial. L'imprescriptibilité garantit aux victimes la possibilité d'accéder à la justice : nul affichage, ici.
Il y a déception quand les victimes ne peuvent plus s'exprimer, à cause de la prescription.
Deuxième objection : la matérialité des faits, toujours difficile à démontrer - hormis dans le cas des viols de Mazan, qui avaient été enregistrés.
Plaçons-nous non pas du côté de l'institution judiciaire, mais du côté des victimes : lorsqu'on leur refuse l'accès à la justice, c'est un drame supplémentaire.
Les cinq amendements identiques précédents apportent une précision supplémentaire sur les héritiers. Aussi, je retire celui du Gouvernement à leur profit.
L'amendement n°40 est retiré.
M. le président. - Amendement n°19 rectifié de Mme Nadille et du RDPI.
Mme Solanges Nadille. - Cet amendement de repli porte le délai de prescription à trente ans, afin de l'harmoniser avec les dispositions pénales.
M. le président. - Amendement n°5 rectifié de Mme Billon et alii.
Mme Annick Billon. - Là aussi, il s'agit d'un amendement de repli qui aligne le délai de prescription à trente ans sur le délai applicable au pénal. Par conséquent, dans certains cas, les auteurs de violence sont condamnés, sans que les victimes puissent demander réparation.
Certes, le point de départ des délais n'est pas le même - au pénal, c'est la majorité de la victime, au civil, c'est la consolidation du dommage - , mais il est logique d'aligner les durées.
En outre, avec un délai de trente ans, nous évitons le risque d'un contentieux qui se prolongerait sur plusieurs générations.
M. le président. - Amendement identique n°16 rectifié bis de M. Chasseing et alii.
M. Daniel Chasseing. - Cet amendement de repli aligne aussi la prescription civile sur la prescription pénale. De nombreuses victimes souffrent de troubles psychologiques persistants.
M. le président. - Amendement identique n°41 du Gouvernement.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - C'est aussi un amendement de repli. Dans un souci de cohérence entre droit civil et droit pénal, je vous propose d'aligner les délais à trente ans.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Nous parlons bien d'imprescriptibilité civile, et non pénale. Les victimes, très majoritairement, demandent une imprescriptibilité pénale, et non pas civile.
Nous sommes viscéralement attachées, Elsa Schalck et moi, mais aussi toute la commission des lois, à la protection des victimes de violences sexuelles, tout particulièrement des mineurs. Nous aboutissons pourtant à la même conclusion que l'Assemblée, en écartant tant l'allongement de la prescription au civil que l'imprescriptibilité civile.
L'action civile n'est pas nécessairement plus favorable que l'action publique. La preuve serait plus facile à apporter devant le juge civil, dites-vous ? Mais celui-ci ne dispose pas de moyens d'enquête - contrairement au juge pénal - et la charge de la preuve et du lien de causalité pèse sur la victime. Quarante ans après les faits, la défense va venir fouiller votre vie et chercher à prouver que vous avez subi d'autres dommages depuis le fait d'origine. Il s'agit en outre d'une procédure écrite. (Mme Mélanie Vogel ironise.) Si un justiciable agit au civil, sans être allé au préalable au pénal, il ne pourra ensuite plus saisir le juge pénal. Enfin, en règle générale, le droit à réparation se transmet aux héritiers. La rectification de vos amendements corrige partiellement ce problème, mais vous créez une exception majeure au droit des successions, que nous n'avons pas eu le temps d'expertiser. Attention aux effets de bord ! (Mme Mélanie Vogel ironise.)
Le point de départ du délai, la consolidation, est souvent postérieur à la majorité de la victime. Un arrêt de la Cour de cassation de 2022 porte sur des faits survenus dans les années 1970 : la Cour de cassation a considéré que tant qu'il n'y a pas consolidation, il n'y a pas prescription - plus de 46 ans après les faits...
La commission des lois a donc écarté l'allongement du délai de prescription au civil à trente ans - vingt ans, c'est déjà bien long. Elle a également rejeté l'imprescriptibilité, car elle considère qu'il n'y a pas de différence de nature entre imprescriptibilité civile et imprescriptibilité pénale : la tradition juridique retient un principe de solidarité des prescriptions civile et pénale. Certes, il existe des exceptions, mais la logique demeure : en témoigne la décision dite Touvier de la Cour de cassation, dans laquelle l'imprescriptibilité pénale est devenue aussi civile. D'où l'intérêt d'aller au pénal, pour continuer à poursuivre au civil.
On a aussi entendu dire que la parole se libérait parfois, soit parce que la prescription approchait, soit parce qu'elle était échue - les victimes peuvent alors dire ce qu'elles ont sur le coeur, sans risquer d'envoyer quelqu'un en prison...
Voilà pourquoi l'imprescriptibilité civile n'est pas envisageable.
La commission a émis donc un avis défavorable à tous ces amendements, mais, à titre personnel, j'ai un avis un peu différent. (« Ah ! » à gauche) Je suis totalement défavorable à l'imprescriptibilité, mais je suis plus nuancée sur le fait de porter le délai à trente ans.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Avis favorable à l'ensemble de ces amendements. Nous souhaitons d'abord que l'imprescriptibilité puisse être rétablie. À défaut, nous serons favorables aux amendements de repli.
Évidemment, il n'est pas question de remettre en cause notre engagement commun contre les VSS et a fortiori celles commises à l'encontre des enfants. Nos débats portent sur les solutions juridiques.
C'est parce que l'action au pénal peut s'éteindre que l'imprescriptibilité au civil permettrait de conserver un recours au juge.
Il y a un risque puissant d'inégalité d'accès des victimes à la notion de consolidation. Pour y recourir, il faut la connaître et que les victimes soient bien conseillées par les avocats. Et si l'on n'atteint jamais la consolidation, on a une imprescriptibilité de fait. (Mme Dominique Vérien le confirme.) Dans ce cas, autant l'écrire dans la loi ! C'est plus lisible.
C'est pour maintenir l'exception pénale sur les génocides et les crimes contre l'humanité que j'ai axé le dispositif sur le civil. Les associations le comprennent et soutiennent cette proposition qui permet d'avoir accès au juge tout au long de sa vie. Ne fermons plus la porte aux victimes et garantissons-leur l'accès au juge, et, peut-être, à la réparation.
Mme Jocelyne Antoine. - Il est largement démontré qu'il faut un temps très long aux victimes pour ne serait-ce que mettre les mots sur les agressions subies. J'ai en mémoire l'audition du juge Durand devant notre délégation aux droits des femmes, qui nous avait tous ébranlés.
Mais que pensent les victimes de la suppression de l'article 1er ? C'est comme si on leur disait : j'entends votre douleur, mais... Il ne saurait y avoir de « mais ». Je voterai l'amendement de Mme Billon, car je veux pouvoir dire aux victimes : j'entends votre douleur et cela devient imprescriptible. À défaut, je voterai les amendements de repli.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Merci à la ministre d'avoir rappelé qu'il n'y a pas de faux débats entre nous : nous cherchons tous les meilleures solutions.
Le débat sur l'imprescriptibilité est très délicat. Nous parlons bien d'imprescriptibilité civile, puisque nous avons renoncé à l'imprescriptibilité pénale. Donc, assumons l'aspect symbolique de notre démarche.
L'imprescriptibilité ou l'allongement à trente ans, est-ce utile ? D'un point de vue juridique, probablement pas, compte tenu de la consolidation.
Une procédure civile est beaucoup plus complexe qu'une procédure pénale, car il faut prouver un lien de causalité. Bon courage aux victimes qui essaieront de l'engager ! Ensuite, c'est coûteux, car cela suppose un avocat.
M. le président. - Il faut conclure.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Pour toutes ces raisons, il n'est pas raisonnable de proposer l'imprescriptibilité, pour les victimes.
Mme Olivia Richard. - Oui, nous avons besoin de symboles dans ce domaine. Je partage le constat de Dominique Vérien sur les effets de bord : l'exclusion des héritiers mérite un débat plus long.
Attention, la procédure civile est accusatoire et non inquisitoire. C'est donc aux victimes d'apporter chacune des preuves ; c'est bien plus compliqué que de demander une enquête.
Et l'évaluation du préjudice financier se mesure par une incapacité temporaire de travail, un manque à gagner. Obtenir 10 000 ou 30 000 euros, ce sera dérisoire au regard du traumatisme. La victime se sentira-t-elle réparée ou reconnue ?
M. le président. - Il faut conclure. (Mmes Marie-Pierre de La Gontrie, Laurence Rossignol et Audrey Linkenheld protestent.)
Mme Annick Billon. - Nous avons levé la difficulté concernant les héritiers.
Je me mets à la place d'une victime et me demande juste ce qu'elle attend : l'imprescriptibilité. Pour avoir porté la loi de 2021, qui avait introduit la prescription glissante, et pour en subir encore les conséquences sur les réseaux sociaux, je sais que le chemin est étroit.
Je défends l'imprescriptibilité, parce qu'elle est civile et que c'est un premier pas, probablement, vers l'imprescriptibilité pénale.
Dans son avis consultatif du 21 mars 2018, le Conseil d'État n'a pas vu d'obstacle juridique à l'imprescriptibilité des VSS faites aux mineurs. En outre, le 24 mai 2019, le Conseil constitutionnel a estimé que l'extension de l'imprescriptibilité à d'autres crimes que ceux contre l'humanité n'était pas contraire aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)
Mme Laurence Rossignol. - Je crois en être à mon trente-septième débat parlementaire sur la question de l'imprescriptibilité. Je me souviens même avoir demandé un rapport à Flavie Flament sur le sujet, après la publication de La consolation, sur les viols qu'elle avait subis par le photographe Hamilton.
Il faut que l'on cesse d'aborder la question de l'imprescriptibilité pénale uniquement sous l'angle de l'affaiblissement de celle qui existe pour les crimes contre l'humanité. C'est un totem de la Chancellerie ! Or c'est ce que les associations de victimes demandent. Dès lors, on bidouille. La ministre a été astucieuse pour répondre à la demande des associations, tout en ménageant la Chancellerie. Mais accepter d'étendre l'imprescriptibilité pénale aux viols des mineurs affaiblirait-il celle des crimes contre l'humanité ?
Bien entendu, il y a un risque de déception, comme à chaque fois que l'on porte plainte. Seulement 13 % des viols poursuivis sont condamnés.
M. le président. - Il faut conclure.
Mme Marie-Do Aeschlimann. - J'étais plutôt défavorable à l'imprescriptibilité civile. Je le suis toujours, mais je prends en compte l'amendement de Mme Billon sur la non-transmissibilité de l'action civile aux héritiers, qui apporte une sécurité juridique.
Outre la question de la conservation des preuves, l'action civile prévoit la démonstration de la réalité des faits fautifs, et un lien de causalité avec un préjudice établi. C'est compliqué pour la victime. Le risque d'effet déceptif est réel. L'imprescriptibilité risque d'être un miroir aux alouettes.
Avec l'allongement à trente ans du délai de prescription, la question de la conservation des preuves demeure. L'article 2226 du code civil sur la prescription n'évoque pas la consolidation, qui est une construction jurisprudentielle. Pour des raisons de cohérence, j'aurais tendance à être contre l'imprescriptibilité civile et pour l'allongement à trente ans de la prescription civile.
Mme Mélanie Vogel. - Toutes les actions en justice pour VSS menées en France sont déceptives. Si on devait calibrer notre code civil et notre code pénal en fonction de la capacité de la justice à condamner, on légiférerait autrement !
Nous ouvrons aux victimes la possibilité de s'engager dans ce processus, libre à elles de choisir de le faire ou non. Statistiquement, il y a des victimes dans cet hémicycle. Pourquoi certaines parlent-elles au nom des autres ?
La matérialité des faits serait impossible à établir après vingt ans ? Elle est déjà difficile à établir quelques semaines après les faits...
La jurisprudence prévoit toute une série de mesures qui permettent aux victimes une imprescriptibilité de fait. Mais si on y est favorable, pourquoi ne pas la rendre de droit pour toutes les victimes ?
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Notre groupe votera ces amendements en faveur de l'imprescriptibilité civile. Répétons-le : un enfant est violé toutes les trois minutes. Quel genre de société accepte cela ? En votant cet amendement, on pose un interdit social. Les associations, les médecins le disent : ces traumatismes, ces blessures dans l'enfance sont des mutilations que l'on conserve dans sa vie d'adulte. Certes, il sera difficile de lier les causes aux effets, mais allons voir des cas concrets. Des victimes m'ont dit qu'elles ont été violées par leur père, qu'elles ont dû se taire à sa demande, sous la menace qu'il ne paye pas leurs études. Voilà du concret !
Toute victime qui libère sa parole s'expose aux jugements. On entend trop souvent que des affaires de viols sont correctionnalisées sous prétexte qu'il serait trop éprouvant pour elles d'aller aux assises.
M. Daniel Chasseing. - Je voterai pour l'imprescriptibilité. Le texte initial prévoit cette imprescriptibilité en cas de préjudice entraîné par des tortures, des barbaries, des violences ainsi que des agressions sexuelles contre des mineurs. Cette année, 160 000 enfants ont été victimes.
Cette imprescriptibilité ne concerne pas le pénal mais le civil. Elle ne concerne pas non plus les majeurs. Votons-la.
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - Le débat est difficile, complexe, juridique. Il nous a semblé, à la lecture de rapports et après des auditions de victimes, qu'il ne fallait toucher à la prescription que d'une main tremblante. Mme Rossignol a raison de dire qu'il ne faut pas bidouiller. Gare aux amendements qui viendraient modifier le droit des successions.
Nous avons tous à coeur de défendre l'ensemble des victimes, mais cela a un coût : l'avocat est obligatoire au civil, en cas de préjudice corporel et lorsque le préjudice est supérieur à 10 000 euros. Si, après des décennies d'attente, la victime n'a finalement pas accès au juge, ce sera plus que déceptif.
Enfin, nous avons déjà rallongé les droits de prescription au pénal et au civil. Avec un point de départ à la consolidation, les délais sont extrêmement longs. J'entends l'argument de la cohérence entre pénal et civil, mais le point de départ de la prescription n'est pas le même.
Nous instaurons pour la première fois une prescription glissante en matière pénale pour les majeurs victimes de viols. C'est une véritable avancée.
Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois. - Rappelons quelques principes. Je défends la position des rapporteures. Il s'agit de la prescription de deux actions. L'action civile permet à une victime d'obtenir l'indemnisation de son préjudice. L'action pénale déclenche une enquête pénale sur une infraction, c'est-à-dire un trouble à l'ordre public.
La prescription extinctive consiste à laisser passer un laps de temps à l'issue duquel il n'est plus possible d'ouvrir d'action, au pénal comme au civil. Premier fondement de la prescription : plus le temps passe, moins il sera facile d'apporter une preuve. Le deuxième fondement tient à notre vision des rapports sociaux et de la pacification de la société. L'absence d'action forge alors une forme de droit à l'oubli.
L'imprescriptibilité en droit français concerne deux infractions pénales gravissimes : le génocide et le crime contre l'humanité - elles sont suffisamment massives pour que l'on puisse toujours en apporter la preuve. Elles ne doivent pas être oubliées ; d'ailleurs, nous les commémorons.
Ne mélangeons pas action civile et action pénale. L'action pénale imprescriptible correspond au fondement inverse des actions prescriptibles.
Nous accordons tous une importance particulière aux VSS, en particulier celles contre les mineurs. Nous ne les traitons pas de la même façon que les autres infractions.
En matière civile, le point de départ de l'action est la consolidation, c'est-à-dire la situation d'une victime insusceptible d'évolution, favorable ou défavorable. Cela peut mettre du temps à intervenir. Mme la ministre estimait ce point de départ trop aléatoire, mais le point de départ de la prescription civile est aléatoire par nature.
Au civil, il faut apporter des preuves, ce qui est extrêmement difficile en l'espèce. En revanche, au pénal, une enquête est réalisée.
Il ne faut pas oublier la règle una via electa : si vous avez choisi l'action civile, vous ne pourrez plus ensuite lancer une action pénale. Agissons plutôt sur l'action pénale.
La prescription glissante pour les mineurs est pertinente, elle mérite d'être reconduite pour les majeurs. Mais ne bouleversons pas les règles de droit ! Facilitons l'action pénale, laissons là l'action civile. Ce n'est pas le vrai combat.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - J'ai un profond désaccord avec vous sur le droit à l'oubli. (Mme Olivia Richard renchérit.) Je ne veux pas de droit à l'oubli, je le récuse profondément. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du GEST ; M. Philippe Grosvalet applaudit également.)
Parfois, les mécanismes de défense et de protection ont enfoui dans la mémoire le traumatisme subi, en raison du sceau du secret, de la honte et de l'impossibilité de parler. Les victimes soulignent qu'elles sont condamnées à la perpétuité par les crimes sexuels subis.
J'assume ces amendements sur l'imprescriptibilité : je ne veux pas que les auteurs puissent dormir tranquilles. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du GEST, des groupes SER et CRCE-K ; Mme Laure Darcos applaudit également.)
À la demande de la commission des lois, les amendements identiques nos4 rectifié ter, 15 rectifié ter, 18 rectifié, 21 rectifié bis et 31 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°250 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 323 |
Pour l'adoption | 98 |
Contre | 225 |
Les amendements identiques nos4 rectifié ter, 15 rectifié ter, 18 rectifié, 21 rectifié bis et 31 rectifié ne sont pas adoptés.
À la demande de la commission des lois, l'amendement n°19 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°251 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l'adoption | 178 |
Contre | 163 |
L'amendement n°19 rectifié est adopté et l'article 1er est ainsi rédigé.
Les amendements identiques nos5 rectifié, 16 rectifié bis et 41 n'ont plus d'objet.
Après l'article 1er (Suppression maintenue)
M. le président. - Amendement n°32 de Mme Vogel et alii.
Mme Mélanie Vogel. - Les amendements nos32 et 33 sont des amendements de repli. L'amendement n°32 fait courir la prescription à partir de la consolidation.
M. le président. - Amendement n°33 de Mme Vogel et alii.
Mme Mélanie Vogel. - L'amendement n°33 suspend la prescription en cas d'obstacle insurmontable, comme une amnésie traumatique. Cela clarifierait le code civil.
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - L'amendement n°32 est redondant avec l'article 2226 du code civil. En outre, le juge doit retenir le point de départ le plus favorable pour la victime. Ce n'est pas possible si la consolidation intervient avant la majorité. Avis défavorable.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Ces amendements sont satisfaits par l'article 2226 du code civil. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°32 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°33.
Article 2
M. le président. - Amendement n°22 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.
Mme Marie-Claude Varaillas. - La prescription glissante est une grande avancée. Nous souhaitons l'élargir aux victimes majeures. Elle permet de juger l'ensemble des faits commis par des auteurs sériels. Le plus souvent, le violeur ne s'arrête pas à un seul viol, comme en attestent plusieurs affaires médiatisées. Actuellement, une jeune femme de 18 ou 19 ans victime d'un violeur en série aux côtés de mineurs ne peut pas bénéficier de la prescription glissante. Il ne faut pas laisser sur le bord de la route les victimes majeures.
M. le président. - Amendement n°3 rectifié de Mme Guillotin et alii.
M. Philippe Grosvalet. - Cet amendement vise à rétablir la prescription glissante pour les victimes majeures d'un viol ou d'une agression sexuelle : cela participe du même continuum d'infractions. Il est nécessaire que le droit pénal tienne compte de cette réalité.
M. le président. - Amendement identique n°34 de Mme Vogel et alii.
Mme Mélanie Vogel. - Défendu.
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - Le texte de la commission a prévu la prescription glissante pour les majeurs en cas de viols. C'est un vrai atout. La subtilité réside dans les deux restrictions adoptées : l'interruption de la prescription et l'atteinte sexuelle. On fait une confusion alors entre prescription délictuelle et criminelle.
L'amendement n°22 soulève des difficultés techniques.
Sur les amendements nos3 rectifié et 34, nous avons restreint le champ de la prescription glissante, mais elle est bien permise pour les majeurs en cas de viol. Avis défavorable.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Retrait de l'amendement n°22 au profit des amendements identiques nos3 rectifié et 34, pour lesquels j'émets un avis favorable, car ils rétablissent la rédaction de l'Assemblée nationale.
Nous considérons qu'une agression sexuelle doit être prise en compte et que la prescription glissante doit pouvoir s'appliquer si un viol est commis ensuite.
L'amendement n°22 n'est pas adopté.
À la demande de la commission des lois, les amendements identiques nos3 rectifié et 34 sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°252 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l'adoption | 155 |
Contre | 186 |
Les amendements identiques nos3 rectifié et 34 ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°6 rectifié bis de Mme Billon et alii.
Mme Annick Billon. - Une victime d'un viol subi dans l'enfance peut porter plainte au pénal jusqu'à ses 48 ans. C'est trop peu, car 50 % des victimes d'inceste souffrent d'amnésie dissociative. Les victimes ne doivent pas s'adapter au droit, c'est l'inverse. La recommandation n°60 de la Ciivise appelle à rendre imprescriptibles les violences sexuelles sur les mineurs.
L'amendement vise à doubler le délai de prescription au pénal, conformément à la tendance constatée dans d'autres pays ou dans des organismes internationaux. Quelque 18 des 43 États parties à la convention de Lanzarote ne prévoient plus de prescription pour tout ou partie des violences sexuelles sur mineurs.
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - Avis défavorable.
Au regard du débat sur la prescriptibilité, nous sommes opposés à l'imprescriptibilité pénale ; votre amendement revient à la mettre en place de facto, avec une prescription de soixante ans.
Il serait contre-productif de refaire le débat. La France fait partie des dix-huit États parties prenantes de la convention de Lanzarote car elle a rallongé les délais.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Avis défavorable.
L'amendement n°6 rectifié bis n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté.
Après l'article 2
M. le président. - Amendement n°8 rectifié bis de Mme Billon et alii.
Mme Annick Billon. - En 2023, plus de cent mille victimes de violences sexuelles ont été recensées, mais seuls 6 % ont porté plainte. Quelque 62 % des victimes de viols n'informent pas les autorités, pour ne pas revivre leurs traumatismes. Répéter leur récit peut aggraver leurs souffrances. Nous proposons l'enregistrement des témoignages des majeurs sous réserve de leur accord.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Sagesse : cela existe déjà pour les mineurs. Il faut toutefois voir comment l'appliquer. Selon la Chancellerie, il est déjà possible, avec l'accord de l'intéressé, de procéder à de tels enregistrements.
Mme Laurence Rossignol. - Cet amendement n'a pas été déclaré irrecevable au titre des articles 40 ou 45 de la Constitution ? Je le voterai, mais je m'en étonne...
M. le président. - Veuillez ne pas interrompre la rapporteure.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Votre amendement a été déclaré irrecevable au titre de l'article 45 car il concernait des articles du code civil relatifs au mariage : c'était très éloigné du texte que nous examinons. Je regrette qu'ils n'aient pas pu être retenus mais nous trouverons dans le texte sur le consentement un endroit où les insérer, car il est très utile de préciser ce que vous vouliez faire au travers de votre amendement.
Mme Laurence Rossignol. - Vous le voterez, évidemment ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Sagesse sur l'amendement n°8 rectifié bis puisque ces enregistrements sont déjà possibles.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Même avis.
Mme Olivia Richard. - J'ai cosigné cet amendement dont je suis convaincue de la pertinence. Les avocates accompagnent les victimes dans un processus douloureux. L'accueil des victimes dans les commissariats n'est toujours pas optimal ; évitons qu'elles aient à recommencer leur témoignage en filmant le premier dépôt de plainte.
L'amendement n°8 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.
Article 3
M. le président. - Amendement n°35 de Mme Vogel et alii.
Mme Mélanie Vogel. - Cet amendement rétablit la rédaction de l'Assemblée nationale sur le contrôle coercitif. J'ai conscience des difficultés posées par cette notion et de sa complexité : faut-il en faire une infraction autonome ou une circonstance aggravante ? L'Assemblée nationale en faisait une infraction autonome et reconnaît pleinement les effets du contrôle coercitif sur l'ensemble des victimes, y compris sur les enfants. Elle donne à la justice les outils nécessaires pour le reconnaître et le sanctionner.
À l'instar d'autres parlements étrangers, il est temps que le Parlement inscrive dans le droit les différents mécanismes qui permettent aux hommes de continuer à dominer les femmes - même si un certain nombre d'actes ont déjà été interdits.
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - Avis défavorable. Vous reprenez la rédaction de l'Assemblée nationale, avec les risques d'inconstitutionnalité déjà évoqués.
Il est difficile d'inscrire dans la loi un concept sociologique. Les auditions ont permis de trouver la bonne formule pour ne pas faire du contrôle coercitif une circonstance aggravante du harcèlement, mais bien un des éléments de caractérisation. Il faut pouvoir dénoncer les actions cumulées.
Faire entrer le contrôle coercitif dans notre législation est une avancée majeure : on caractérise le concept, tout en laissant la liberté aux magistrats de l'interpréter. Les arrêts de la cour d'appel de Poitiers montrent que le juge civil s'est déjà saisi du concept.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Je suivrai l'avis des rapporteurs. La rédaction adoptée par la commission des lois est équilibrée. Dès lors, avis défavorable.
L'amendement n°35 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°23 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Nous souhaitons inclure les comportements et propos répétés ayant pour effet de restreindre la vie professionnelle des victimes dans l'article 222-33-2-1 du code pénal.
Si les victimes résistent, cela débouche sur des violences, voire des féminicides. Les auteurs veulent maintenir leur emprise sur leur conjointe. C'est grâce à sa vie professionnelle qu'une victime peut s'échapper : l'entraver, c'est l'empêcher de fuir. Il est donc important d'inclure l'entrave à la vie professionnelle dans les faits restreignant la liberté des personnes.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Retrait, même s'il n'y a pas de divergence de fond : nous souhaitons tous que ces pressions soient réprimées. La définition en vigueur couvre bien la vie professionnelle de la victime. En outre, la notion de vie professionnelle est inconnue du code pénal. Évitons d'injecter dans notre droit des notions qui lui sont étrangères : cela compliquerait la vie des enquêteurs et des victimes.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Même avis : tenons-nous en à la rédaction adoptée par la commission des lois. La notion de contrôle coercitif est devenue consensuelle.
L'amendement n°23 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°25 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Nous incluons les menaces ou les pressions physiques dans l'infraction définie dans le même article du code pénal. Une menace physique permet à un conjoint de maintenir sa victime dans la peur.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable. La notion de pression physique n'existe ni en droit ni en pratique : comment se distinguerait-elle des violences de toute nature ?
En outre, le contrôle coercitif peut se cumuler aux violences : c'est pourquoi nous l'avons intégré à la notion de harcèlement.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Même avis.
L'amendement n°25 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°26 Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Nous complétons la définition du contrôle coercitif en prenant en compte les menaces et pressions exercées par des moyens numériques : surveillance numérique via des GPS, cyberharcèlement, manipulation d'objets connectés, création de fausses identités, entre autres.
Les agresseurs détournent aussi les outils à des fins de chantage ou pour perturber les relations des victimes avec leurs proches, ou leur vie professionnelle. Selon le centre Hubertine-Auclert, les victimes restreignent leur activité numérique pour échapper à la surveillance.
Dans ce domaine, il est difficile d'apporter des preuves du détournement de prestations sociales ou d'usage frauduleux de polices d'assurance, notamment.
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - Avis défavorable. L'objectif, légitime, est satisfait par la rédaction de la commission. Les pressions psychologiques, telles que définies dans le texte, concernent tous les moyens utilisés. Cela inclut les pressions numériques. Définir un nombre limité de menaces serait dangereux : quid de celles qui ne sont pas mentionnées ?
En outre, des quantums de peine plus élevés sont déjà prévus.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Vous avez raison dans la description du contrôle coercitif, mais évitons l'écueil de la liste : on risque d'oublier un critère pertinent. La rédaction actuelle, générale, est plus satisfaisante. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°26 est retiré.
M. le président. - Amendement n°24 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Nous voulons remplacer la notion de pression et menace financière par celle de pression et menace économique : la définition est plus large et correspond aux notions développées par la convention d'Istanbul.
Les pressions économiques du conjoint correspondent à la mainmise administrative, la gestion exclusive des comptes bancaires, le contrôle total des ressources du couple ou la mise en danger du patrimoine de la femme. Cette notion est déjà définie au niveau international ; en outre, elle englobe davantage de situations pratiques.
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - Même raisonnement que pour l'amendement précédent : la Cour de cassation ne connaît pas la notion de pression économique. Dès lors, il n'est pas judicieux d'insérer cette notion dans le code pénal.
Sur le fond, la jurisprudence connaît le concept de pression financière, qui peut être caractérisée lorsque l'auteur exploite la situation de dépendance économique de la victime.
Enfin, l'infraction de harcèlement sur conjoint, définie à l'article 3, couvre les cas que vous évoquez. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Même avis.
Mme Laurence Rossignol. - J'ai compris la logique de la rapporteure sur les amendements précédents, mais pas pour celui-ci. Mme Corbière Naminzo a raison : le terme « économique » est plus large et plus efficace que le terme « financier ». D'ailleurs, en matière de violences faites aux femmes, on parle de violences économiques. (Mme Laure Darcos le confirme.)
Pourquoi ne pas sous-amender l'amendement n°24, pour prévoir les pressions à la fois économiques et financières, ou adopter cet amendement, qui est plus large ?
Cette notion est étrangère au code pénal et à la jurisprudence ? Mais il nous arrive d'adopter des dispositions que la jurisprudence et le code pénal n'ont jamais osé imaginer... Reconnaissez que le code pénal napoléonien n'est pas le meilleur vecteur pour défendre les femmes. (Mmes Mélanie Vogel et Laure Darcos s'en amusent.) Voyons la situation avec nos yeux de 2025.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Cet amendement est juste. Les pressions financières et les pressions économiques, ce sont deux choses différentes. Je suggère une rectification de l'amendement pour que les deux notions soient citées.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Je me réjouis de ce débat. Je veux bien rectifier mon amendement, pour y intégrer les deux termes, « financières et économiques ».
Mme Mélanie Vogel. - N'en faisons pas une condition cumulative, mais alternative. Écrivons : « économiques ou financières ». (Mme Evelyne Corbière Naminzo approuve.)
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - Les termes ne sont pas les mêmes. La notion « économique » revêt une dimension plus large utilisée par d'autres chambres, même si la notion ne figure pas dans le droit pénal. Sagesse sur l'amendement n°24 ainsi rectifié.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Même avis.
M. le président. - Le mot « financières » est remplacé par les mots « économiques ou financières ».
L'amendement n°24 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°12 rectifié de M. Bazin et alii.
M. Arnaud Bazin. - Un animal domestique, chien ou chat, est présent dans 50 % des foyers français - donc dans 50 % des foyers où il y a de la violence. Une personne violente l'est avec tous les êtres vulnérables, donc accessoirement avec les animaux, comme l'ont montré des études statistiques anglo-saxonnes.
La loi de novembre 2021 sur la prévention des maltraitances sur les animaux prévoit une information obligatoire à la Cellule de recueil des informations préoccupantes (Crip).
N'oublions pas les menaces sur les animaux domestiques. La commission me renvoie à la notion de harcèlement ; mais comme ce n'est pas forcément dans la culture des magistrats, je propose d'insérer un alinéa pour l'expliciter.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Si vous aviez prévu le cas de la garde des animaux dans une ordonnance de protection, nous aurions été favorables, mais cet amendement est satisfait sur le fond : les menaces de maltraitance sur des animaux sont prises en compte, comme en témoigne un arrêt de la cour d'appel de Rouen qui, en 2017, a considéré comme une pression psychologique le fait de faire croire à une personne qu'on lui rendrait son animal de compagnie si elle démissionnait.
En outre, le mieux est l'ennemi du bien ; la notion de pression psychologique est appréciée de manière large par les magistrats. La chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt de septembre 2020, a ainsi considéré comme une humiliation le fait de convier des gogo-dancers à l'anniversaire de son épouse. (Mme Laure Darcos s'en amuse.)
De plus, pourquoi citer les animaux, et non les enfants ou les proches de la victime ? Cela pourrait en outre poser des problèmes probatoires autour de la définition du lien affectif ?
Enfin, votre amendement utilise des termes inconnus du droit, tels que « crainte » ou « lien affectif ».
Dès lors, demande de retrait, même si nous sommes d'accord : faire pression sur quelqu'un avec son animal mérite d'être poursuivi.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Même avis.
M. Arnaud Bazin. - Je me range à l'avis de la rapporteure, même si cette pression psychologique est particulièrement répandue : dans 50 % des cas, la femme a retardé son départ du foyer en raison de pressions à l'égard de l'animal de compagnie. Or plus la femme reste dans le foyer, plus elle prend des risques.
Pensons à toujours prendre en compte l'animal domestique. Les magistrats doivent être formés dans ce sens : l'animal est une très bonne sentinelle du climat de la famille.
L'ordonnance de protection permet déjà d'éviter que l'animal devienne un objet de chantage.
L'amendement n°12 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°27 Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Nous proposons de compléter la définition du contrôle coercitif, en considérant qu'un usage abusif des procédures administratives constitue une circonstance aggravante.
De nombreux auteurs de violences utilisent le système judiciaire comme un levier pour prolonger le contrôle coercitif après la séparation : multiplication des procédures judiciaires, incidents procéduraux permettent d'imposer des coûts prohibitifs à la victime et de mettre en cause sa crédibilité, alors qu'elle continue de se mettre à nu pour raconter sa vie. Cela emporte des conséquences sur ses ressources et sa santé.
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - Avis défavorable. Il s'agit d'une fausse bonne idée. Intégrer un usage abusif de dispositifs ou d'institutions n'est pas une notion définie dans le droit, d'où un risque de censure du Conseil constitutionnel.
En outre, cela risque d'entraîner un détournement de la procédure aux dépens de la victime : si la conjointe multiplie les procédures, l'auteur des violences pourrait utiliser cette disposition.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - La question des procédures bâillons qui empêchent les victimes d'ester en justice est à considérer. Nous l'aborderons dans la loi-cadre. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - J'entends les propos de la ministre. J'attends avec impatience que l'on aborde cet aspect central des violences à l'encontre des victimes. On ne peut pas s'en sortir lorsqu'on est accablé de procédures au cours desquelles on doit prouver que l'on n'a pas perdu la tête et qu'on est capable d'assurer sa parentalité.
L'amendement n°27 est retiré.
M. le président. - Amendement n°28 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Cet amendement rétablit la rédaction de l'Assemblée nationale, afin de protéger l'enfant qui grandit avec un parent agresseur, et de protéger les victimes de VSS au sein du couple. L'autorité parentale ne doit pas être utilisée par le parent exerçant le contrôle coercitif. Omettre le volet civil entraîne une faille qui pourrait rendre vaines les dispositions pénales créées par cet article.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable. Nous avons supprimé les modifications du code civil qui compromettent la défense des enfants et des familles et sont contraires à la jurisprudence de la CEDH et à l'office du juge aux affaires familiales (JAF).
Comme les auditions nous l'ont confirmé, celui-ci a toute liberté d'appréciation pour prendre en considération le contrôle coercitif. La magistrate Gwenola Joly-Coz nous a demandé elle-même de laisser le plus de liberté possible au JAF.
Ces modifications comportent une forme d'automaticité qui méconnaît l'office du JAF, qui doit se prononcer au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Même avis.
Mme Laurence Rossignol. - Les deux derniers amendements et la réponse de la ministre au précédent amendement révèlent un énorme problème de justice aux affaires familiales. Il y a des cas où le contrôle coercitif ou le harcèlement ne sera pas jugé pénalement et où le JAF continuera de faire comme s'il n'était pas au courant.
« Le juge », c'est une notion pour étudiant de droit de deuxième année ! Dans la réalité, il y a des juges - c'est-à-dire une loterie pour les femmes. On ne sait pas comment protéger les femmes ou les enfants de décisions du JAF ignorant des décisions correctionnelles.
Je n'ai jamais oublié le cas d'une mère qui soupçonnait des actes d'inceste à l'encontre de son enfant lors de l'exercice des droits de visite et d'hébergement, à laquelle le juge a répondu qu'elle avait raison, mais qu'il ne pouvait pas les matérialiser et qu'il n'avait d'autre choix que de lui enjoindre de renvoyer l'enfant chez le père. Elle est partie - il ne faut pas s'étonner, dans ces conditions, que ces femmes quittent la France avec leur enfant sous le bras !
Il faudrait aussi parler de l'utilisation par les pères du délit de non-représentation d'enfant.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - J'entends les arguments de Mme la rapporteure. Mais la loi du 18 mars 2024 visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales n'est pas appliquée sur le terrain. Une femme est tuée tous les trois jours, un enfant violé toutes les trois minutes... En un an, nous avons abouti à un texte voté, promulgué, avec décret d'application ; tout est là, mais les femmes et les enfants ne sont toujours pas protégés.
Cet amendement est là pour que nous réfléchissions enfin à faire en sorte que les lois que nous votons soient appliquées.
M. Pierre Ouzoulias. - Très bien !
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Il faut effectivement se battre pour une meilleure application, car celle-ci est inégale selon les territoires.
Mme Laurence Rossignol. - C'est une loterie !
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Nous devons former davantage les magistrats (Mme Aurore Bergé marque son accord) et améliorer le dialogue entre pénal et civil.
Cela avance. Toutefois, il y a énormément de personnes à former. Au-delà des forces de sécurité intérieure et des magistrats, il y a aussi les services sociaux, dont le travail est parfois délétère, par méconnaissance. Mais la solution ne passe pas par l'automaticité.
L'amendement n°28 n'est pas adopté.
Mme Laurence Rossignol. - Notre groupe votera cet article. Toutefois, je suis perplexe : pourra-t-il être utilisé contre les femmes ? Les prédateurs ont de très bons avocats qui savent très bien utiliser le droit pour le retourner contre les femmes.
Je suis assez gênée par l'alinéa 9 qui a trait au contrôle coercitif sur un mineur. Je ne voudrais pas qu'il favorise le retour du syndrome d'aliénation parentale.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Il ne s'agit pas de cela, il a trait aux couples de mineurs.
Mme Laurence Rossignol. - Est-ce très clair ? Cela sera publié au Journal officiel.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Oui !
Mme Laurence Rossignol. - Insistons bien sur le fait que cela ne peut en aucun cas être utilisé pour faire revenir le syndrome d'aliénation parentale.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'alinéa s'applique aux couples de jeunes, dont l'un des deux peut être mineur et au sein duquel s'exerce du contrôle coercitif. Cela ne concerne nullement le cas d'un parent sur un enfant.
L'article 3, modifié, est adopté.
La séance est suspendue quelques instants.
Article 5
M. le président. - Amendement n°9 rectifié de Mme Marie-Do Aeschlimann et alii.
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Cet amendement intègre parmi les circonstances aggravantes le cas où le viol est commis sur un patient dans un établissement de santé. Diverses affaires ont eu lieu, à Cochin en 2022, à Sainte-Anne en 2024 ou à l'hôpital du Mans en 2025 par exemple. Les auteurs peuvent être d'autres patients, des tiers ou même des soignants - l'affaire Le Scouarnec l'illustre tragiquement.
Dans les établissements de santé mentale, la vulnérabilité des patients est particulièrement élevée puisqu'ils peuvent être attachés à leur lit, la porte ouverte.
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - Sagesse. Nous entendons et partageons les raisons avancées, mais nous ne pouvons donner un avis favorable, ayant des doutes sur l'opérationnalité de la mesure.
La « particulière vulnérabilité » est déjà une circonstance aggravante. En outre, les établissements médico-sociaux, comme les Ehpad, ne sont pas inclus dans les établissements de santé.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Retrait, sinon avis défavorable. Je crains l'écueil des listes. Pourquoi inscrire tel lieu plutôt qu'un autre ? Cela ne favorise pas la clarté du droit.
Mme Laurence Rossignol. - Cet amendement me pose problème : on ne peut pas traiter de la même façon un patient et un professionnel de l'établissement. Certains patients auteurs ont des difficultés cognitives ; dans ce cas, il ne peut y avoir de circonstance aggravante.
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Cet amendement d'Annick Billon a été largement cosigné. Merci, madame la rapporteure, de votre écoute bienveillante. J'entends les arguments sur les risques d'une liste à la Prévert. Toutefois, cet amendement a le mérite de souligner cette particulière gravité.
L'amendement n°9 est retiré.
M. le président. - Amendement n°7 rectifié de Mme Billon et alii.
Mme Olivia Richard. - Un nombre croissant de viols sont filmés par leur auteur, puis diffusés, sans que notre droit permette de tenir compte de ces agissements. Seulement cinq cas de condamnation sont recensés par an, ce qui est sans proportion avec la réalité du phénomène des viols filmés.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis très favorable. La diffusion des images de viol est une circonstance aggravante, mais le seul fait de filmer n'est pas concerné. C'est une lacune à combler. Nous remercions Mme Billon et ses nombreux cosignataires d'avoir déposé ce très bon amendement. (Sourires)
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Retrait, sinon avis défavorable pour la même raison que précédemment. J'ai peur que l'on inclue tant de circonstances aggravantes que cela finisse par affaiblir notre propos. Rien n'empêche une prise en compte par les juridictions.
Mme Marie-Do Aeschlimann. - J'ai cosigné cet excellent amendement de Mme Billon et souhaite le voter : il serait dommage de le retirer. Avec la multiplication des téléphones portables, personne n'est à l'abri et il est particulièrement odieux d'utiliser l'intimité d'une relation pour faire chanter son ex-conjoint.
L'amendement n°7 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°37 rectifié de Mme Rossignol et du groupe SER.
Mme Laurence Rossignol. - Que l'on me permette un instant d'autosatisfaction (sourires) : l'article 5 est directement issu d'une proposition de loi que j'ai déposée il y a un an pour permettre le cumul de circonstances aggravantes en cas de viol.
Quoi de mieux pour une proposition de loi que d'être reprise par un amendement du garde des sceaux ? Je le lui ai néanmoins fait remarquer : je ne pouvais accepter une nouvelle invisibilisation du travail des femmes ! (Sourires)
Toutefois, il a apporté une modification qui m'a troublée : il peut y avoir effraction ailleurs que dans le domicile de la victime. Je propose donc de retirer cette précision.
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - Avis favorable. Il n'y a pas lieu d'imposer une telle restriction qui empêcherait de couvrir des viols sur le lieu de travail, tel qu'un cabinet de profession libérale.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Avis défavorable.
L'amendement n°37 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°38 rectifié bis de Mme Rossignol et du groupe SER.
Mme Laurence Rossignol. - La Chancellerie s'est permis une autre innovation... Parmi les circonstances aggravantes, figure le viol sériel. On a découvert cette notion lors de l'affaire Scala, le « violeur de la Sambre », qui avait commis une cinquantaine de viols, dont une victime mineure. Le juge n'a pu retenir que cette circonstance aggravante, et non le caractère sériel.
Par ailleurs, j'avais prévu que le cumul de circonstances aggravantes puisse conduire à une peine de trente ans de réclusion. Le garde des sceaux n'a pas retenu cette peine. En outre, cela aurait fait passer de la cour criminelle départementale à la cour d'assises. Or je pense qu'un auteur qui cumule tant de circonstances aggravantes mérite les assises.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis favorable. Nous avons prévu un système de cumul de circonstances aggravantes pour le harcèlement sur conjoint dans le cadre du contrôle coercitif ; nous devons faire de même pour le viol. Si la gravité des faits impose la cour d'assises, c'est tout à fait légitime.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Je salue le travail de Mme Rossignol. Sagesse sur cet amendement utile pour compléter le dispositif de circonstances aggravantes.
L'amendement n°38 rectifié bis est adopté.
L'article 5, modifié, est adopté.
Après l'article 6 (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°29 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Nous avons récemment voté des dispositions instaurant l'ordonnance de protection immédiate ; la victime de contrôle coercitif devrait pouvoir en bénéficier.
Nous ne pouvons ignorer que le contrôle coercitif s'inscrit dans une escalade de violences pouvant aller jusqu'au féminicide. Il faut protéger au mieux les victimes.
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - La modification est inopportune : le JAF doit pouvoir disposer d'une liberté d'appréciation pour protéger les victimes du contrôle coercitif. Cela lui lierait les mains. Les arrêts de la cour d'appel de Versailles de novembre 2024 montrent qu'il s'en saisit déjà. Enfin, l'ordonnance de protection vient de faire l'objet d'un décret d'application : laissons le temps faire son oeuvre. Avis défavorable.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Même avis.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Je comprends vos explications, mais je ne suis pas certaine que les victimes ou leurs familles le comprennent.
Le 6 novembre 2021, une femme a été tuée après avoir porté plainte pour une boîte aux lettres cassée. Les forces de l'ordre avaient alors expliqué que ce n'était qu'un signal faible. Elle n'en a pas moins été tuée de 70 coups de couteau. Je ne suis pas sûre que sa famille comprenne cet avis défavorable. Nous améliorons notre arsenal législatif, mais il n'atteint pas le terrain. Je maintiens mon amendement.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Je salue l'engagement de Mme la sénatrice Corbière-Naminzo, que j'ai pu mesurer à La Réunion. Depuis le début de l'année, vingt femmes ont été tuées et laissent derrière elles vingt-huit orphelins, dont certains ont assisté au meurtre ou ont découvert le corps sans vie de leur maman. C'est un enjeu pour le Gouvernement, mais aussi pour l'ensemble de la société. Nous devons détecter ces signaux faibles.
L'ordonnance de protection immédiate est en oeuvre depuis deux mois ; il faut la faire connaître. Nos magistrats, les policiers doivent être formés. C'est pourquoi j'ai demandé un retrait. Mais vous avez raison de souligner l'importance de l'effectivité.
L'amendement n°29 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°42 du Gouvernement.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Cet amendement complète le dispositif de détection des abus sexuels sur nos enfants dans le code de l'éducation, encore lacunaire. Les enfants envoient des signaux - troubles du comportement, du sommeil, de l'alimentation - qui doivent être mieux perçus par les professionnels qui les encadrent. Les abus sexuels sont un fléau de masse dans notre pays. Il faut les détecter tôt.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Sagesse ; c'est un avis émis à titre personnel, car nous avons reçu l'amendement tardivement. Il pourrait être satisfait par la modification d'un décret de 2009, qui n'est pas appliqué.
Nous avons besoin de former tout le monde. Les risques encourus par les mineurs le sont malheureusement souvent chez eux ; aussi l'école est le lieu de détection des abus. L'éducation à la vie relationnelle, affective et à la sexualité y participera.
Les services sociaux doivent être formés : ils peuvent avoir tendance à croire celui qui a l'air posé et percevoir la mère inquiète comme hystérique et incapable de s'occuper de son enfant.
En cas de contrôle coercitif, il y a bien un auteur et une victime - ce n'est pas du conflit. Il faut former tout le monde pour le repérer. Il est utile de le rappeler, d'où l'avis de sagesse.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Mme Vérien a dit tout ce que je voulais expliquer ! (Sourires)
L'amendement n°42 est adopté et devient un article additionnel.
Vote sur l'ensemble
M. Daniel Chasseing . - Ce texte est un repli. La prescription est passée de vingt à trente ans, mais nous regrettons que l'imprescriptibilité n'ait pas été adoptée.
L'intégration des menaces économiques comme infraction, proposée par Évelyne Corbière-Naminzo, est une avancée. Ce texte protège mieux les victimes et permet de traquer les délinquants sexuels plus longtemps, grâce à un amendement de Laurence Rossignol.
Le dernier amendement de Mme le ministre est bienvenu, pour détecter les troubles chez les enfants liés à ces violences. Notre groupe votera le texte.
Mme Laurence Rossignol . - Bien entendu, nous voterons ce texte. Le travail, positif, se poursuivra lors de la navette. Il existait une réelle volonté d'obtenir une infraction autonome.
Je suis à moitié satisfaite. Nous voulons faire entrer dans le code pénal des concepts psychosociaux, des outils d'enquête, des outils de compréhension des situations par les juges, et ce n'est pas toujours évident. Les effets de bord ne sont pas toujours mesurés.
Nous n'en avons pas fini avec les délais de prescription, avec les violences post-conjugales, avec le délit de non-représentation d'enfant. J'espère une grande loi, car cela fait maintenant six ans que nous légiférons par le biais de propositions de loi successives, avec des textes dont nous limitons le nombre d'articles pour que cela tienne dans un espace réservé... Nous avons finalement pris beaucoup de libertés par rapport aux positions de la Chancellerie.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Ne les fâchez pas !
Mme Laurence Rossignol. - La Chancellerie peut constater que nous travaillons, nous aussi, avec rigueur.
M. le président. - Sauf parfois sur les temps de parole ! (Sourires)
Mme Evelyne Corbière Naminzo . - Nous allons voter ce texte, mais il nous reste beaucoup de points à aborder. Nous avons besoin d'une loi-cadre, comme le réclament des associations féministes et de victimes.
Nous avons parlé du risque déceptif encouru par les victimes, mais on pourrait aussi parler du risque déceptif pour le Parlement, qui vote des textes et ne les voit pas mis en oeuvre sur le terrain.
Au-delà de l'injonction à libérer la parole, ajustons notre discours en indiquant aux victimes l'arsenal législatif existant et les leviers à actionner pour obtenir protection et justice, car les freins économiques et financiers s'ajoutent à l'isolement.
Mme Olivia Richard . - Le groupe UC votera ce texte. Pour ma part, je ne suis pas si déçue. En matière de droit des femmes, nous avançons souvent par petits pas. La prescription civile portée à trente ans, la prescription glissante pour les majeurs, l'intégration du contrôle coercitif dans le code pénal sont des avancées encourageantes. Nous attendons maintenant une loi-cadre. Merci à la ministre, et bravo à nos rapporteures.
Mme Marie-Do Aeschlimann . - Je suis heureuse d'avoir pu débattre de ce sujet, véritable fléau. Je suis satisfaite de l'intégration du contrôle coercitif dans l'arsenal juridique ; j'avais regretté que les violences économiques ne soient pas suffisamment prises en compte dans le cadre de l'ordonnance de protection. Il est essentiel d'offrir un soutien économique et financier aux femmes victimes de violences conjugales pour qu'elles puissent s'extraire des griffes de leur agresseur. Ce volet a été pris en compte dans la notion de contrôle coercitif : merci de n'avoir pas lâché l'affaire ! Les enfants sont parfois un élément du chantage pratiqué par les auteurs de violence.
Nous n'avons pas été d'accord sur tout, mais nous en avons débattu dans un contexte apaisé. Merci, madame la ministre, de nous avoir donné l'occasion d'avancer.
Mme Sophie Briante Guillemont . - Le RDSE votera ce texte. Le débat était intéressant et portait sur des notions juridiques nouvelles et complexes, comme l'imprescriptibilité civile et le contrôle coercitif. Une étude d'impact aurait été utile - mais il aurait fallu pour cela un projet de loi. J'insiste à mon tour sur la nécessité d'une loi-cadre.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations . - Je remercie M. le président de la bonne tenue du débat, les rapporteures pour leur travail et l'ensemble des groupes pour le vote qui se profile. Si on nous avait dit que le contrôle coercitif et la prescription glissante pour les viols sur majeurs seraient adoptés de cette façon, nous aurions été nombreux à signer des deux mains !
Tout l'enjeu réside désormais dans l'effectivité des droits nouveaux que nous créons, pour garantir leur application sur tout le territoire - ainsi qu'aux Françaises résidant à l'étranger, particulièrement vulnérables.
Je suis déterminée à avancer sur une loi-cadre pour donner à l'arsenal juridique existant plus de force et de cohérence et peut-être aller plus loin, si nous savons dégager des majorités.
Je vous remercie sincèrement pour la qualité et le respect qui a caractérisé les débats ; puisse l'autre chambre s'en inspirer ! (Sourires)
À la demande de la commission des lois, la proposition de loi, modifiée, est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°253 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l'adoption | 341 |
Contre | 0 |
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
M. le président. - Le texte est adopté à l'unanimité. (Applaudissements)
Prochaine séance, mardi 8 avril 2025, à 9 h 30.
La séance est levée à 18 h 55.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mardi 8 avril 2025
Séance publique
À 9 h 30, 18 h 30, le soir et la nuit
Présidence : M. Alain Marc, vice-président, M. Pierre Ouzoulias, vice-président, Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente
Secrétaires : Mme Alexandra Borchio Fontimp, M. Mickaël Vallet
1. Questions d'actualité
2. Débat sur le Livre blanc de la Commission européenne sur la Défense (demande du groupe Les Républicains)
3. Proposition de résolution tendant à renforcer les moyens de contrôle des sénateurs, conforter les droits des groupes politiques, et portant diverses mesures de clarification et de simplification, présentée par M. Gérard Larcher, Président du Sénat et Mme Sylvie Vermeillet, Présidente de la délégation du Bureau en charge du travail parlementaire et des conditions d'exercice du mandat de sénateur (texte de la commission, n°509, 2024-2025)