Renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - Mayotte est confrontée à une intense pression migratoire. Cette proposition de loi y renforce les conditions d'accès à la nationalité française ; c'est une première réponse à une situation qui pèse nos services publics et l'économie locale.

Ce projet de loi aggrave la première dérogation introduite en 2018. Le texte de compromis de la CMP conserve une partie des apports du Sénat. Nous nous étions attachés à la sécurité du texte pour éviter toute censure du Conseil constitutionnel.

Je me félicite du maintien de la durée d'un an de séjour régulier des parents avant la naissance de l'enfant qui pourrait prétendre ensuite au droit du sol. Cela s'appliquera aux deux parents. Il y a nécessité de le prévoir, pour faire face au phénomène croissant des reconnaissances frauduleuses de paternité.

Pour ne pas créer de rupture d'égalité avec les familles monoparentales, nous avons travaillé, avec Philippe Gosselin, à une rédaction ne privant pas les enfants nés dans une telle famille d'accéder à la nationalité française. J'estime que notre rédaction est pleinement satisfaisante, car plus dissuasive tout en restant proportionnée.

La CMP a rétabli l'obligation pour les parents de présenter un passeport biométrique pour apposer une mention relative à la durée du séjour régulier. Il s'agit de lutter contre la fraude documentaire à Mayotte.

Si cet objectif est louable et quoique satisfait du compromis trouvé, je m'interroge de l'introduction de cette précision actuellement prévue par décret dans un texte législatif. Selon une jurisprudence du Conseil constitutionnel de 1982, ce n'est pas parce que la loi empiète sur le domaine réglementaire qu'elle est forcément inconstitutionnelle. Malheureusement, cette jurisprudence a dégradé la qualité de la norme et a conduit à une prolifération de lois empiétant sur le domaine réglementaire.

Ce seul texte ne résoudra pas les difficultés de la crise migratoire de Mayotte. L'accès à la nationalité participe de l'attrait de Mayotte, mais ce n'est pas la seule cause.

En attendant la mobilisation d'autres leviers, je vous propose d'adopter le texte de la CMP, satisfaisant et totalement proportionné.

M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement .  - Je vous prie d'excuser le garde des sceaux qui ne peut être présent.

En février dernier je m'exprimais devant vous sur le projet de loi d'urgence pour Mayotte, première réponse de gestion des urgences vitales après le passage du cyclone Chido, avant d'envisager la réparation puis la refondation.

Moins de deux mois plus tard, le Gouvernement a été au rendez-vous de ses engagements : hier, lors de la conférence des présidents, nous avons inscrit le projet de loi de programmation sur la refondation de Mayotte et un projet de loi organique pour réarmer Mayotte à l'ordre du jour du Sénat. Ils sont à la hauteur des attentes des habitants et des élus.

Le cyclone qui a ravagé Mayotte a mis en lumière des calamités qui existaient déjà. Le sous-développement des infrastructures et des services publics s'ajoute à deux fléaux majeurs : l'habitat illégal et l'immigration clandestine. Il faut éviter un retour à la situation antérieure sans aucun changement.

La crise a exacerbé ces problèmes. Le projet de loi de refondation de M. Valls tentera d'y répondre.

Mayotte n'est pas un territoire comme un autre : c'est le plus jeune département français et celui où les écarts entre les principes de notre droit et la réalité sont les plus grands.

Un habitant sur deux est étranger. Chaque année, plus de 10 000 enfants y naissent -  soit 25 naissances par jour  - dont près des trois quarts ont une mère en situation irrégulière. Chaque année, des femmes enceintes traversent les mers en bravant tous les risques pour accoucher à Mayotte. Nous ne pouvons laisser perdurer ce drame quotidien, dû à la proximité des Comores. Les conséquences sont dramatiques : les écoles sont surchargées, avec parfois 50 enfants qui se partagent une salle de classe, les établissements de santé sont saturés, l'insécurité ronge l'île et le cyclone Chido a encore porté un coup à la cohésion sociale.

Depuis 2017, les effectifs de policiers et de gendarmes ont doublé. En 2023, il y a eu plus de 25 000 reconduites à la frontière, ce qui représente un tiers des expulsions sur le territoire national.

La seule réponse administrative ou répressive ne suffira pas. Il faut aussi agir sur les règles de droit qui jouent un rôle d'attraction, voire d'incitation à l'immigration. La proposition de loi de Philippe Gosselin s'inscrit dans ce contexte. Le texte vise à adapter le droit aux réalités de Mayotte dans le respect de la Constitution. Nous voulons éviter que la naissance à Mayotte ne représente un ancrage administratif pour toute la famille.

Ce texte allonge la durée de résidence des parents de trois mois à un an avant la naissance. S'y ajoute l'exigence de résidence pour les deux parents pour éviter les reconnaissances frauduleuses de paternité et le contournement des conditions d'accès à la nationalité. Toutefois, une clause de tempérance a été incluse pour ne pas pénaliser les familles monoparentales.

Je le dis avec gravité : ce texte ne remet pas en cause le droit du sol. Il en encadre seulement les effets.

La décision du Conseil constitutionnel de septembre 2018 a reconnu que des adaptations spécifiques peuvent être apportées à Mayotte, dès lors qu'elles sont justifiées, limitées et proportionnées.

Ce texte est une réponse attendue, nécessaire et juste. Il permet à la République de parler un langage clair, adapté et exigeant. Il renforce la cohésion sociale à Mayotte, qui repose sur une présence réelle, régulière et sincère sur le territoire.

C'est pourquoi je vous invite à adopter sans réserve les conclusions de cette CMP. Cette proposition de loi ne réglera pas tous les défis mais apporte une réponse structurante, solide et conforme à nos valeurs. Surtout, elle envoie un message clair aux habitants de Mayotte : la République est là : elle écoute, elle agit et elle protège.

Vote sur l'ensemble

M. le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12 du règlement, le Sénat statue par un seul vote sur l'ensemble du texte.

M. Akli Mellouli .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Monsieur le ministre, nous sommes d'accord sur le constat ; nous ne serons pas d'accord sur les suites à donner.

Selon Ernest Lavisse, « on apprend à être Français ». Ce n'est pas un héritage figé dans le marbre du sang ou du sol, mais une construction éducative et culturelle, une volonté d'appartenance partagée.

Or ce texte est en contradiction avec ces valeurs. Inspiré par les idées de l'extrême droite, défendu par la droite et soutenu par le camp gouvernemental, il marque une nouvelle brèche dans notre pacte républicain.

Les habitants de Mayotte espéraient un message clair, un soutien concret, mais on leur offre un débat nauséabond sur le droit du sol, instrumentalisé par ceux qui refusent d'assumer leurs responsabilités. Désormais il faudra un an de résidence régulière pour les deux parents avant la naissance d'un enfant à Mayotte pour qu'il accède à la nationalité française.

Ce texte n'apporte aucune solution aux problèmes de Mayotte mais désigne un bouc émissaire : l'étranger.

L'urgence, c'est la crise sociale, alimentaire, sanitaire. Avant le cyclone, les trois quarts de la population vivaient déjà sous le seuil de pauvreté. Comment peut-on faire croire que la solution passe par la réduction du droit du sol ?

L'État a failli, en traitant ce département comme une périphérie lointaine plutôt que comme une partie intégrante de la République. Mayotte mérite mieux que cela ; des écoles dignes de ce nom, des hôpitaux modernes, des infrastructures adaptées, une égalité réelle.

L'urgence est aussi climatique. La nature ne connaît pas de frontières, elle ne s'arrête pas à une ligne sur une carte. À Mayotte comme ailleurs, c'est l'inaction qui engendre l'inégalité. Il faut des politiques visionnaires. Nous devons agir car sinon nous ne réglerons pas les défis à venir.

La pression migratoire existe ; mais comment y répondre alors que nous avons réduit de 37 % notre aide au développement aux Comores et aux pays voisins ? Comment stabiliser cette région sans une politique ambitieuse de codéveloppement ? Notre incapacité à changer de paradigme dans nos relations avec l'Afrique nourrit ces dynamiques migratoires.

« Une civilisation qui s'avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente », disait Aimé Césaire. Sommes-nous prêts à abandonner nos compatriotes mahorais à une pauvreté structurelle tout en leur désignant l'étranger comme coupable de tous leurs maux ? Mayotte nous rappelle que nous ne pouvons créer une République à deux vitesses et que l'outre-mer ne doit pas être relégué au rang de sous-France.

Les Mahorais ne demandent pas la charité, mais la justice. Il faut non pas des lois qui excluent mais des politiques qui intègrent. Nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe CRCE-K)

Mme Corinne Narassiguin .  - Nous nous apprêtons à entériner une nouvelle entaille dans un principe fondamental de notre République, le droit du sol. Vous vous attaquez à l'indivisibilité de la République après l'avoir fait avec la loi Asile et immigration en 2018. Vous proposez une nouvelle modification de la loi, sans évaluation de celle de 2018, malgré nos demandes. Cette loi a été inefficace en matière d'immigration illégale, car si le nombre d'acquisitions de la nationalité française à Mayotte a été divisé par trois, le nombre d'étrangers en situation irrégulière a été multiplié par dix et le nombre de naissances a augmenté de 47 % entre 2014 et 2022.

Les débats sur cette proposition de loi nous ont contraints à écouter des arguments et des fantasmes nauséabonds : comme si les migrants réalisaient un benchmark, que le ventre des femmes n'était destiné qu'à faire des enfants destinés à devenir français.

Il est tellement plus facile de ne pas s'interroger sur les raisons qui les poussent à fuir la misère, tellement plus facile de ne pas investir dans les services publics, de ne pas financer des coopérations avec les Comores ! Réformer le droit du sol coûte moins cher...

La fin des visas territorialisés, que nous avons tenté de défendre avec Saïd Omar Oili, a été balayée d'un revers de main par le ministre, au prétexte que nous ne l'avions pas fait quand nous étions au Gouvernement. C'est oublier qu'en huit ans, les tensions se sont exacerbées.

Fait rare, la CMP a durci la version du texte issue du Sénat en rétablissant l'exigence de résidence régulière pour les deux parents et l'exigence d'un passeport biométrique, ce qui est inconstitutionnel car tous les pays n'en disposent pas.

Vous risquez de multiplier la non-reconnaissance des enfants et de créer des situations dangereuses. Avec les familles monoparentales, la rupture d'égalité des enfants devant la loi est réelle : l'un des parents peut décéder peu de temps après la naissance ou avoir déserté.

L'atteinte manifeste et disproportionnée de ce texte au droit du sol n'est ni justifiée ni adaptée. Il n'a jamais été démontré, depuis 2018, que la réduction du droit du sol avait endigué l'immigration. Avec ce texte, ce que vous faites réellement, c'est mettre un pied dans la porte pour remettre en cause le droit du sol sur tout le territoire français. Même le régime de Vichy n'avait pas osé y toucher ! Nous saisirons le Conseil constitutionnel pour Mayotte et pour tous ces enfants. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Sophie Briante Guillemont applaudit également.)

Mme Laure Darcos .  - Mayotte souffre, prise au piège d'un poids démographique lié aux flux migratoires : s'y ajoutent la dégradation des services publics, l'insécurité, l'insalubrité et la dégradation de l'environnement.

Ce département subit le détournement du droit du sol par un pays étranger qui conteste la souveraineté de la France sur ce territoire. C'est une opération de déstabilisation dans l'optique d'une prise de contrôle. Il faut rassurer nos concitoyens et y adapter les conditions d'accès à la nationalité française.

Ce texte pose une première pierre et adresse un signal fort aux Mahorais, qui ne sont pas seuls pour lutter contre l'immigration. Il aligne le droit sur les réalités démographiques et sociales de Mayotte.

Je me réjouis du maintien de la position du Sénat sur les conditions de résidence. Je rejoins la position de la CMP qui applique ces dispositions aux deux parents. Je suis aussi favorable à l'exigence de passeports biométriques.

Je salue le travail du rapporteur, Stéphane Le Rudulier.

L'immigration est un fléau à Mayotte qui porte atteinte à nos valeurs républicaines. Il faudra aussi agir par la voie diplomatique avec les Comores. Une coordination entre nos forces maritimes, aériennes et terrestres doit être instaurée pour mettre fin à cette situation. Peut-être qu'ainsi, enfin, les petits Mahorais pourront aller à l'école toute la journée, alors qu'actuellement ils sont obligés de suivre leurs cours en rotation. C'est inadmissible !

Mme Lauriane Josende .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte prolonge une adaptation du droit du sol à Mayotte, notamment en matière de durée de résidence régulière des parents avant la naissance. Cette disposition est dérogatoire au droit commun.

Mayotte, en plein canal du Mozambique, est le point d'arrivée de migrations venant des Comores et d'autres États d'Afrique continentale. La perspective d'acquisition de la nationalité française peut être une motivation non négligeable, quand bien même elle ne serait qu'un déterminant parmi d'autres.

La maternité de Mamoudzou est la plus active de France. Une part disproportionnée de la population de l'archipel est composée de personnes étrangères, souvent en situation irrégulière, y compris des enfants nés de parents étrangers.

Cette situation fonde une situation législative différenciée, comme l'y autorise le Conseil constitutionnel par sa décision de 2018, afin de réduire l'attractivité du territoire mahorais. Cela répond aux attentes des habitants. L'urgence est d'autant plus grande que le cyclone Chido a exacerbé les difficultés sur le terrain.

Je salue le travail du rapporteur Stéphane Le Rudulier. La CMP a ouvert la voie à une position commune des députés et sénateurs.

La durée de résidence régulière avant la naissance est portée à un an pour les deux parents pour que l'enfant puisse ensuite prétendre à la nationalité française. La loi est par ailleurs adaptée lorsque seul l'un des parents est connu.

Il faut aussi travailler rapidement et efficacement pour répondre aux problèmes économiques, sociaux et environnementaux des Mahorais.

Nous voterons le texte de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Salama Ramia .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Réunis en CMP ce mardi, les parlementaires sont parvenus à un accord. En 2023, 10 280 enfants naissaient à Mayotte, dont 75 % d'une mère étrangère. C'est un flux migratoire colossal que Mayotte absorbe seule.

Pourtant, certains collègues, sans comprendre les souffrances des Mahorais, refusent, par péché dogmatique, de partager les étrangers qui arrivent sur l'île, en contradiction avec le mécanisme de solidarité existant au sein de l'Union européenne.

La CMP a maintenu la condition d'un séjour régulier d'un an pour les deux parents. En cas de famille monoparentale, grâce au rapporteur, les conditions ne seront examinées que pour la seule mère déclarante. L'exigence d'un passeport biométrique a été réintroduite afin de lutter contre la fraude documentaire.

Aux grands maux les grands remèdes. Vous devez entendre l'usure qui existe. Je remercie les membres de la CMP qui ont su nous écouter.

À la suite de l'adoption définitive de ce texte que nous appelons de nos voeux, nous voulons vous sensibiliser à la nécessité de supprimer le titre de séjour territorialisé à Mayotte. Il est illusoire de croire que ce seul texte parvienne à stopper la gangrène.

Alors que sur le continent européen, la France se partage le quota de migrants avec les autres États, notre pays maintient le flux migratoire sur la seule île de Mayotte, sans aucune répartition, même régionale. Les emplois et les services publics sont pourtant insuffisants pour nos propres familles.

Ce texte est une première étape ; nous le voterons pour une application immédiate à Mayotte. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Sophie Briante Guillemont .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Cette proposition de loi de Philippe Gosselin ne nous satisfait pas. Le RDSE s'y oppose nettement, qu'il s'agisse de la version de l'Assemblée nationale, anticonstitutionnelle, de celle du Sénat, certes plus raisonnable, ou de celle de la CMP, plus dure.

Les arguments que nous avons avancés demeurent : la condition de résidence régulière pour les deux parents a été réintroduite en CMP, certes avec une sécurité pour les familles monoparentales. Avec un tel dispositif, l'exercice du droit du sol s'en trouve compromis, d'autant plus qu'un passeport biométrique sera exigé.

Aucune leçon n'a été tirée de la réforme de 2018 : le nombre de naissances irrégulières n'a pas baissé ; il a même augmenté de 14 %. Rien ne permet d'affirmer que le droit du sol est un facteur d'attractivité. Lorsque nous manions de grands principes de notre République, nous devons être très prudents. Nous ne pouvons faire des réformes aussi importantes sans étude d'impact.

Cette loi ne résoudra pas le problème d'immigration de Mayotte. Elle ne changera rien, sinon qu'elle placera Mayotte encore plus en périphérie de notre République. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Akli Mellouli applaudit également.)

Mme Olivia Richard .  - Je parle au nom d'Isabelle Florennes, chef de file du groupe UC sur ce texte, qui ne peut être parmi nous ce matin.

Chacun sait la situation de Mayotte, tragiquement mise en lumière par le passage du cyclone Chido en septembre dernier, qu'il s'agisse de l'accès à l'eau, de la précarité des services publics les plus basiques ou de la pression migratoire.

Je salue l'engagement admirable des élus mahorais, qui sont des lanceurs d'alerte que nous devons écouter.

Le Sénat confirme sa vigilance et son écoute, en tant que chambre des collectivités territoriales. Les adaptations de l'accès à la nationalité ont toujours trouvé un écho favorable dans notre chambre, car elles étaient demandées par les élus mahorais.

Avec une population pour plus de la moitié d'origine étrangère et pour près d'un tiers en situation irrégulière, il n'est plus possible de nier que les évolutions migratoires pèsent sur la vie quotidienne des Mahorais.

Ce texte reconnaît le caractère attractif des perspectives d'acquisition de la nationalité française, offrant aux parents en situation irrégulière une perspective de régularisation en tant que parents d'un enfant français.

Nous nous inscrivons dans la continuité directe de la réforme de 2018.

Les résultats sont loin d'être satisfaisants et nous devons aller plus loin, tout en veillant à la constitutionnalité et à l'applicabilité des nouvelles règles. C'est un travail exigeant auquel nous nous sommes attelés.

Ce texte étend la durée de résidence régulière des deux parents de trois mois à un an avant la naissance pour que l'enfant puisse ensuite prétendre à la nationalité par droit du sol.

Ces conditions risquant de priver de ses droits les enfants issus de familles monoparentales. La CMP a créé une exception pour elles, ce dont je me félicite en tant que membre de la délégation aux droits des femmes. A également été réintroduite l'obligation de présenter un passeport biométrique valide, afin de lutter contre le fléau de la fraude documentaire.

Ce texte répond à l'urgence d'une situation et s'inscrit dans la continuité des efforts entrepris tout en n'oblitérant pas la nécessité d'un texte plus global, lequel devrait être examiné fin mai au Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

Mme Evelyne Corbière Naminzo .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Si attaquer l'État de droit est à la mode, c'est souvent au détriment des plus vulnérables. Les habitants de l'île de Mayotte peuvent en témoigner. Ils ont subi un cyclone dévastateur tuant beaucoup trop de personnes, ravageant leurs maisons, leurs familles, leurs écoles, leurs hôpitaux, leurs villes, leurs villages et leurs services publics.

Pourtant, les Mahorais sont déjà discriminés, avant même les évènements climatiques : 77 % de la population était sous le seuil de pauvreté, 37 % au chômage, 30 % des foyers n'étaient pas raccordés à l'eau et un logement sur quatre était en tôle.

L'allocation aux adultes handicapés (AAH), la prime d'activité et le RSA ne sont versés qu'à hauteur de 50 % par rapport à l'Hexagone. Les services de santé sont saturés et les classes sont organisées en rotations d'une demi-journée.

Aucun chiffre ne démontre que les conditions d'accès à la nationalité sont un facteur d'attractivité migratoire : si, depuis le durcissement législatif de 2018, le nombre de personnes devenues françaises est passé de 2 900 en 2018 à 860 en 2022, les flux migratoires, eux, se sont intensifiés.

L'accès à la nationalité n'est pas le motif principal d'immigration. Aucune personne étrangère ne consultera ce texte avant de décider d'immigrer. Ces femmes veulent simplement une vie meilleure, permettre que leurs enfants aillent à l'école et survivre à leur accouchement.

Ce texte impose à tous les enfants nés à Mayotte d'avoir deux parents résidant régulièrement sur le territoire français depuis au moins un an pour pouvoir obtenir la nationalité. Vous voulez créer de la clandestinité et piéger ces personnes déjà vulnérables dans une précarité administrative, économique et sociale. Très peu d'entre vous connaissent la réalité du terrain, mais sachez qu'un tiers des résidents étrangers de Mayotte sont nés sur l'île. Ils constituent la moitié de la population, dont la moitié est régulière. Les autres sont condamnés à la clandestinité et doivent occuper des emplois informels dans des conditions dangereuses.

Autre réalité : la préfecture est fermée une bonne partie de l'année depuis deux ans et la demande de titres est dématérialisée, mais il est impossible d'obtenir un rendez-vous en ligne : on empêche délibérément ces personnes d'être en règle.

Le grand pays des droits de l'homme fait aujourd'hui le choix politique d'être hostile aux étrangers, à commencer par les enfants.

Cessons d'utiliser Mayotte comme un laboratoire de dégradation des droits avant extension à l'ensemble du territoire national. Nous nous opposons à ce texte dangereux. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, GEST et du RDSE)

À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°248 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 325
Pour l'adoption 204
Contre 121

La proposition de loi est adoptée.

La séance est suspendue quelques instants.