SÉANCE

du jeudi 3 avril 2025

77e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président

Secrétaires : M. Guy Benarroche, Mme Catherine Di Folco.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Avenant à la convention entre la France et la Suisse du 9 septembre 1966 (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Suisse du 9 septembre 1966 modifiée, en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales.

Discussion générale

M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l'étranger .  - La convention fiscale franco-suisse en date du 9 septembre 1966 prévoit que les revenus tirés d'un emploi salarié sont imposables sur le lieu d'exercice de l'activité. Cette règle s'applique notamment aux travailleurs frontaliers résidant en France et exerçant une activité salariée dans le canton de Genève.

Toutefois, un accord du 11 avril 1983 concernant huit autres cantons suisses - Berne, Soleure, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Vaud, Valais, Neuchâtel et Jura - dispose que ces revenus sont imposés dans l'État de résidence, c'est-à-dire la France. Cette règle résulte d'un échange de lettres de 1910 et 1911 entre l'Empire allemand et trois cantons suisses. L'engagement allemand a été repris par la France en vertu du traité de Versailles, puis étendu à d'autres cantons en 1935. Il concernait à l'époque principalement les résidents suisses, mais il a été choisi, en 1983, de maintenir la règle d'imposition en vigueur, en dépit d'une inversion du flux migratoire. Une compensation de 4,5 % de la masse totale des rémunérations brutes annuelles des travailleurs frontaliers, de l'État de résidence vers l'État d'exercice de l'activité, a alors été décidée.

Un accord de 1973 prévoit le versement par le canton de Genève aux départements de l'Ain et de la Haute-Savoie d'une compensation de 3,5 % de la masse totale des salaires bruts des résidents en France travaillant dans ce canton, afin de dédommager ces départements pour la charge liée aux infrastructures et services publics dont ces travailleurs frontaliers bénéficient -  plus de 380 millions d'euros en 2023.

Le présent avenant traite du télétravail et intègre les dernières normes de l'OCDE.

Avec le développement du télétravail lié à la crise covid, la France et la Suisse ont conclu des accords amiables pour en neutraliser les effets fiscaux. L'avenant dont nous débattons, signé le 27 juin 2023, prévoit les règles applicables au télétravail -  hors accord de 1983. Ainsi, à compter du 1er janvier 2023, les revenus issus du télétravail -  dans la limite de 40 % du temps de travail annuel  - restent imposables dans l'État de l'employeur. En contrepartie, cet État verse à l'État de résidence une compensation fixée à 40 % des impôts dus sur ces rémunérations. La règle de calcul spécifique lorsque l'employeur se situe dans le canton de Genève est maintenue. Au-delà de ces 40 %, aucune compensation n'est due et le droit d'imposition des rémunérations des périodes télétravaillées revient à l'État de résidence.

Pour les frontaliers travaillant dans les huit cantons suisses précités, l'accord trouvé ne remet pas en cause les règles en vigueur : les revenus des travailleurs qui exercent en télétravail -  dans la limite de 40 % de leur temps de travail annuel  - demeurent imposables dans l'État de résidence. Au-delà, les règles de droit commun de la convention de 1966 s'appliquent. Le montant des compensations dues pour le télétravail sera déterminé grâce au nouveau dispositif d'échange de renseignements prévu dans l'avenant.

Cet avenant, novateur et équilibré pour nos finances publiques, est très attendu par les 230 000 travailleurs frontaliers français. Il répond à un besoin de flexibilité et de clarté des règles fiscales applicables au télétravail. Il pourra contribuer au désengorgement des transports et améliorer l'équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle des télétravailleurs. (Mme Sylvie Vermeillet applaudit.)

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure de la commission des finances .  - La semaine dernière, la commission des finances a adopté l'article unique de ce projet de loi.

En application de l'article 53 de la Constitution, l'entrée en vigueur des conventions fiscales est subordonnée à l'autorisation du Parlement. Cette adoption est attendue, car l'avenant a été définitivement approuvé par l'Assemblée fédérale suisse le 14 juin 2024. Son application concernera les plus de 236 000 résidents en France qui travaillent en Suisse.

Les relations fiscales franco-suisses sont encadrées par un enchevêtrement de plusieurs textes fiscaux et budgétaires, compte tenu de l'organisation confédérale de la Suisse.

La convention fiscale de 1966 fixe les règles de partage des impositions entre la France et la Suisse. Son article 17 dispose que les travailleurs transfrontaliers sont imposés dans l'État d'exercice de l'activité.

L'accord fiscal de 1983 établit un régime frontalier entre la France et huit cantons suisses et retient un principe d'imposition dans l'État de résidence, contrairement aux principes du droit fiscal international et par dérogation à la convention de 1966.

Un accord budgétaire spécifique du 29 janvier 1973, avec le canton de Genève -  qui relève de la convention de 1966  - , prévoit le versement aux départements de l'Ain et de la Haute-Savoie d'une compensation égale à 3,5 % de la masse salariale brute des 114 000 travailleurs transfrontaliers qui travaillent dans le canton de Genève.

Le premier volet de l'avenant concerne le télétravail, qui s'est fortement développé depuis la crise covid. Avec le télétravail, l'État d'exercice de l'activité devient de facto l'État de résidence. Pour neutraliser les effets fiscaux de l'essor du télétravail, deux accords amiables de 2022 ont été conclus.

Le premier, relatif aux frontaliers relevant de l'accord de 1983, stipule que l'exercice du télétravail -  dans la limite de 40 % du temps de travail  - ne remet en cause ni le statut de frontalier ni les règles d'imposition dans l'État de résidence. Le second, relatif aux transfrontaliers régis par la convention de 1966, maintient l'imposition dans l'État de situation de l'employeur si le télétravail n'excède pas 40 % du temps de travail. Au-delà, la rémunération de l'activité en télétravail est imposée dans l'État de résidence.

L'avenant prévoit que l'État d'exercice de l'activité verse à l'État de résidence une compensation fiscale, contrepartie au renoncement à des recettes fiscales, qui s'élève à 40 % des impôts dus sur les rémunérations versées à raison des activités exercées en télétravail depuis l'État de résidence. Un montant spécifique de compensation est prévu pour le canton de Genève.

L'adoption de cet avenant renforcera la sécurité juridique des contribuables transfrontaliers et simplifiera les règles applicables en matière d'imposition des rémunérations. Il contribuera également à désengorger le trafic routier entre la France et la Suisse.

Toutefois, le Gouvernement n'a pas été en mesure de nous fournir une évaluation précise de ses conséquences sur nos recettes fiscales. La faiblesse de l'étude d'impact est d'autant plus regrettable que la Cour des comptes a déjà par le passé souligné l'insuffisance de l'expertise économique préalable à la négociation des conventions fiscales.

La mise en oeuvre du mécanisme d'échange automatique d'informations, prévu pour 2026, devra être suivie avec attention. La limitation à dix jours des missions temporaires assimilables à du télétravail inquiète certains travailleurs transfrontaliers.

Le second volet de l'avenant consiste en une mise à jour partielle de la convention de 1966 aux derniers standards de l'OCDE. Le préambule de la convention est réécrit au regard de l'objectif de lutte contre l'évasion et la fraude fiscales ; une clause générale anti-abus est intégrée pour lutter contre les montages fiscaux abusifs ; la procédure de règlement des différends est modernisée ; un mécanisme évitant la double imposition des bénéfices des entreprises est introduit. L'avenant intègre également un nouvel article à la demande de la Suisse permettant de garantir l'applicabilité des règles de l'OCDE relatives à l'imposition minimale des entreprises.

C'est un accord équilibré, de nature à renforcer la sécurité juridique de nos contribuables transfrontaliers et à intégrer les derniers standards internationaux. La commission des finances vous propose donc d'adopter le présent projet de loi sans modification. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et du RDPI)

M. Pascal Savoldelli .  - Derrière la rondeur diplomatique, cet avenant traduit une conception de la justice fiscale. Il est aussi révélateur de la concurrence fiscale entre pays et des transformations du travail à l'heure numérique. À mon sens, il y a un loup : la lente érosion de notre capacité de décider de nos règles.

La Suisse, l'un des derniers sanctuaires de l'optimisation et de l'évasion fiscales en Europe, signe des accords fiscaux pour sortir de la liste noire des paradis fiscaux, sans nuire toutefois à sa place financière. C'est un beau tour de passe-passe...

Cet avenant, qui fait l'impasse sur les stratégies de domiciliation artificielle des profits et sur l'imposition effective des flux financiers offshore, prétend définir un partage de la fiscalité issu du télétravail. La Suisse en ressort triplement gagnante : elle bénéficie d'une main-d'oeuvre française qualifiée ; elle capte une part significative de la valeur ajoutée générée ; or les charges collectives afférentes -  formation, logement, infrastructures, services publics, sécurité sociale  - reposent largement sur la France.

Cet accord acte le transfert d'une base imposable vers la Suisse, ce que le Parlement suisse reconnaît lui-même : « cette solution est très favorable à la Suisse et meilleure que celle négociée avec l'Italie. » Il ajoute : « Sans cet avenant, la baisse des recettes fiscales suisses aurait atteint plusieurs centaines de millions de francs suisses par an » -  une information absente de l'étude d'impact... Bercy accepte donc des recettes fiscales en berne (Sourires), dans le cadre d'une convention profondément déséquilibrée.

Et cet avenant crée des effets d'aubaine, laissant le champ libre aux optimisations discrètes et aux arrangements officieux. Cette doctrine fiscale complaisante nous inquiète, alors qu'il faudrait, au contraire, rééquilibrer la relation franco-suisse.

Nous nous opposons à ce choix politique et remettons sur la table notre proposition de résolution de 2018 pour une COP de la justice fiscale, élaborée avec Éric Bocquet après le scandale des Swissleaks.

Mme Ghislaine Senée .  - Depuis la crise sanitaire, le télétravail a bouleversé nos habitudes.

Première terre d'accueil de nos compatriotes à l'étranger et partenaire commercial essentiel, la Suisse entretient avec la France des liens étroits et historiques.

L'encadrement du télétravail s'imposait, alors que le nombre de transfrontaliers a augmenté de 19 % en quatre ans. L'intégration du pilier 2 de l'OCDE est une étape importante. Cet avenant est attendu.

Je déplore cependant l'insuffisance de l'étude d'impact : comment mesurer les effets de cet avenant sans données chiffrées ? La Cour des comptes a déjà émis une telle critique.

L'avenant prévoit un ajustement des prix de transfert entre entreprises associées, mais avec quels mécanismes concrets ? Certaines entreprises risquent de déplacer leurs bénéfices vers la Suisse, où le taux d'imposition est inférieur.

Une partie des coûts sociaux des travailleurs transfrontaliers repose sur les finances publiques françaises. Le salaire mensuel moyen est de 4 382 euros en Suisse, contre 2 735 euros en France. En cas de perte d'emploi, les allocations chômage sont perçues pendant trois à cinq mois en Suisse, avant de basculer sur le système français. Cela fragilise l'Unédic et France Travail, avec des pertes estimées à plusieurs milliards d'euros. Une convergence entre nos deux pays est nécessaire.

Je regrette que les négociations sur la convention fiscale franco-suisse en matière de successions soient au point mort.

Cet avenant constitue une avancée notable vers une coopération fiscale plus adaptée aux réalités des travailleurs transfrontaliers : le GEST votera ce projet de loi.

M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué.  - Merci !

Mme Florence Blatrix Contat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Derrière ce texte, il y a des enjeux concrets pour des milliers de travailleurs frontaliers et pour nos finances publiques. En tant que sénatrice de l'Ain, j'y suis très attentive. Le nombre de travailleurs frontaliers vers Genève a augmenté de 86 % depuis 2010 -  et de plus de 5 % en 2024.

Le télétravail soulève des difficultés particulières pour les travailleurs frontaliers. L'absence de règles claires risque de remettre en cause l'équilibre fiscal franco-suisse. L'avenant introduit un mécanisme de compensation fiscale au profit de l'État de résidence dont l'Ain bénéficiera partiellement.

Comme la rapporteure, je regrette que l'étude d'impact ne chiffre pas les conséquences de cet avenant sur nos finances publiques. En outre, l'échange automatique de renseignements prévu à l'article 6 ne sera pleinement opérationnel qu'en 2026. Enfin, l'avenant prévoit que les missions temporaires exercées dans l'État de résidence ou dans un pays tiers seront assimilées à du télétravail, à condition qu'elles ne dépassent pas dix jours par an, ce qui inquiète notamment les petites structures, comme les ONG basées à Genève.

Cet avenant intègre les normes de l'OCDE : clause anti-abus, réforme du règlement des différends, ajustement corrélatif pour éviter la double imposition. La convention franco-suisse reste néanmoins en deçà des ambitions de l'OCDE.

Cet avenant rend la convention compatible avec l'imposition minimale de 15 % pour les groupes dont le chiffre d'affaires mondial dépasse les 750 millions d'euros, conformément au pilier 2 de l'OCDE.

C'est une avancée - certes perfectible. Le groupe SER votera le projet de loi tout en restant attentif aux conséquences pour les travailleurs et les collectivités. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure.  - Très bien.

Mme Laure Darcos .  - La Suisse et la France partagent bien davantage qu'une langue commune et 572 km de frontières : une histoire européenne, un attachement à la démocratie libérale et une coopération transfrontalière dynamique.

Quelque 200 000 Suisses vivent en France et 200 000 Français en Suisse. Ils sont autant à traverser chaque jour la frontière pour aller travailler. Au total, 800 000 personnes sont concernées.

Nos liens avec la Suisse sont donc très forts, à l'instar de ceux qui nous unissent au Royaume-Uni. Mais les différences importantes entre nos deux économies conduisent à un certain nombre de difficultés.

La Suisse, parfois décrite comme un paradis fiscal, offre un très haut niveau de services publics, avec une fiscalité particulièrement faible - nous ferions bien de nous en inspirer. C'est le troisième pays de l'OCDE sur le plan du niveau de vie, quand la France n'est qu'au neuvième rang. Le patrimoine moyen net des ménages y est deux fois plus élevé qu'en France. Alors que le salaire moyen est de 2 300 euros en France, il est de 7 000 en Suisse. Le taux de chômage n'y est que de 2,9 %, contre plus de 7 % en France.

Nos concitoyens des départements limitrophes sont chaque année toujours plus nombreux à traverser la frontière pour aller travailler en Suisse, ce qui contribue à vider ces départements d'une partie de leur main-d'oeuvre, car les employeurs français ne peuvent absolument pas s'aligner ! Cette situation impacte aussi les conditions de vie, avec le renchérissement des prix immobiliers, notamment. Annemasse, à proximité immédiate de Genève, a dû imposer l'encadrement des loyers.

Nous avons donc dû signer des conventions fiscales, en 1966 et en 1983, que l'avenant examiné aujourd'hui met à jour, notamment sur la question des télétravailleurs. L'avenant fixe ainsi à 40 % la quantité maximale de télétravail autorisée dans le cadre des conventions.

Mais la question du régime social des travailleurs frontaliers, en particulier le chômage, n'est pas évoquée. Les travailleurs transfrontaliers français cotisent en Suisse, mais sont indemnisés par la France quand ils perdent leur emploi, ce qui se traduit chaque année par un déficit important. Il en va de même avec l'Allemagne et le Luxembourg. Entre 2011 et 2023, la France a ainsi perdu 9 milliards d'euros !

Le groupe Les Indépendants votera ce projet de loi, mais demande que les relations sociales qui nous lient aux pays frontaliers, en particulier à nos amis suisses, soient revues. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDSE)

Mme Évelyne Renaud-Garabedian .  - Ce projet de loi autorise l'approbation de l'avenant à la convention fiscale franco-suisse, qui régit l'imposition de 220 000 Français qui travaillent en Suisse, dont plus de 110 000 dans le seul canton de Genève.

Le principe est l'imposition dans l'État d'exercice de l'activité salariale -  sauf pour certains cantons. Ce dispositif conventionnel fonctionne bien, mais mérite d'être modernisé.

Un salarié résidant en France et travaillant en Suisse pourra télétravailler jusqu'à 40 % de son temps de travail annuel sans remettre en cause son imposition dans l'État de l'employeur. En contrepartie, ce dernier verse à l'État de résidence une compensation fiscale égale à 40 % de l'imposition de ces rémunérations. Pour Genève, où une compensation existe déjà, cela ne concernera que la part de télétravail entre 15 % et 40 %.

Cet avenant intègre aussi une clause anti-abus et met en place un mécanisme d'échange de données fiscales, opérationnel en 2026.

Ce texte est à la fois pragmatique pour les travailleurs et équilibré pour les États. Toutefois, sa mise en oeuvre devra être suivie avec vigilance.

J'ai quelques réserves sur l'application des dix jours de mission temporaire assimilables au télétravail - qui risque d'être très compliquée  - sur le report à 2026 de la mise en oeuvre du mécanisme d'échange d'informations et sur le manque de visibilité à propos des futures compensations budgétaires.

La sécurité juridique et fiscale ne tient pas seulement à la lettre d'un traité, mais à sa mise en oeuvre. Jusqu'en 2021, les pensionnés français du régime général de la sécurité sociale résidant en Italie n'étaient imposés qu'en France. Pour une raison inconnue, soudainement, ils se sont vu réclamer l'impôt italien, assorti de pénalités exorbitantes et rétroactives à compter de 2015. Certains ont vendu leur logement, d'autres ont tout perdu.

Je reste, ainsi que nos 524 conseillers des Français de l'étranger, à votre disposition, monsieur le ministre, pour en parler. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Stéphane Fouassin .  - Ce projet de loi est essentiel pour moderniser nos relations fiscales avec la Suisse. Il actualise la convention de 1966 pour clarifier les dispositifs applicables aux transfrontaliers, tout en répartissant équitablement les recettes entre nos deux pays.

Il améliore la lutte contre la fraude fiscale, en reprenant les meilleurs standards de l'OCDE : clause anti-abus et élargissement des possibilités de recours en cas de différend.

Il pérennise aussi les accords temporaires sur le télétravail conclus lors de la crise covid : désormais, 40 % du temps de travail pourra être réalisé à distance, sans remise en cause des règles d'imposition.

Il introduit aussi une compensation fiscale au profit de l'État de résidence, ce qui devrait davantage bénéficier à la France.

Je suis cependant sensible aux points de vigilance soulevés par la rapporteure, dont l'absence de chiffrage du montant des compensations. Je m'inquiète aussi des dix jours de mission temporaire, qui poseront problème pour ceux qui se déplacent fréquemment, notamment dans les ONG.

En dépit de ces quelques réserves, je considère qu'en adoptant cet avenant, nous renforçons notre coopération fiscale avec la Suisse, nous améliorons la justice fiscale et nous apportons des garanties aux travailleurs et aux entreprises. Le RDPI votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Patricia Schillinger.  - Très bien.

M. Christian Bilhac .  - Pas moins de 230 000 travailleurs français traversent chaque jour la frontière suisse. C'est 86 % de plus qu'en 2010.

Si la Constitution limite les prérogatives de notre Parlement en matière de relations internationales, notre rôle est tout de même important.

Ce projet de loi aurait dû être examiné plus tôt mais nos perturbations politiques, bien exotiques aux yeux des Suisses, l'ont empêché.

Les accords conclus depuis 2020 ont apporté une première réponse temporaire aux évolutions constatées. Toutefois, les conséquences fiscales du télétravail ne sont pas négligeables pour nos finances publiques. Avec notre voisin luxembourgeois, le télétravail coûtait de 30 à 60 millions d'euros pour la France, avant un avenant en 2022.

L'avenant que nous examinons actuellement obligera les cantons suisses concernés à verser un montant correspondant à 40 % des impôts dus sur les rémunérations versées à raison des activités exercées en télétravail depuis la France. Pour le canton de Genève, la compensation ne concernera que la seule fraction de télétravail comprise entre 15 et 40 % du temps de télétravail par an.

Concrètement, à combien s'élèvera cette compensation pour la France ? Quel est l'impact de cette règle pour les contribuables concernés ? Nul ne sait y répondre, pas même l'administration fiscale dont l'étude d'impact est lacunaire. J'espère que nous n'allons pas mettre nos finances en berne avec cet avenant. (On apprécie le jeu de mots sur les travées du RDSE.)

L'échange automatique de renseignements inquiète les travailleurs français. Sophie Briante Guillemont a été alertée sur l'insécurité juridique et le risque de requalification fiscale abusive.

L'assurance chômage des transfrontaliers représente un coût important pour l'Unédic : 800 millions d'euros en 2023, et 9 milliards d'euros depuis 2011, sans aucun mécanisme de neutralisation. Cette situation ubuesque doit cesser ! La solution ne réside pas dans la baisse des indemnités envisagée par le gouvernement précédent, mais dans une réforme structurelle du régime social des travailleurs transfrontaliers, en lien avec nos voisins.

Malgré cela, le RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Sylvie Vermeillet applaudit également.)

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure.  - Très bien !

M. Jean-Marie Mizzon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Je salue le travail remarquable de notre collègue Sylvie Vermeillet. (Mme Sylvie Vermeillet le remercie.) Sa rigueur et son investissement ont été déterminants pour éclairer notre commission.

L'article 53 de notre Constitution exige que certains accords internationaux soient autorisés par le Parlement. Nous ne modifierons pas le contenu négocié par les diplomates. Il s'agit uniquement d'autoriser l'approbation de l'avenant du 27 juin 2023 modifiant la convention fiscale du 9 septembre 1966.

Les règles de partage d'imposition entre la France et la Suisse sont déterminées par deux accords principaux : celui de 1966 établit le principe de l'imposition dans l'État d'exercice de l'activité, et celui de 1983 qui crée une dérogation pour huit cantons.

Le développement du télétravail a modifié l'équation des accords fiscaux existants. Afin de clarifier l'effet fiscal du télétravail, les autorités françaises et suisses ont conclu depuis 2020 des accords amiables.

Un premier accord relevant de celui de 1983 stipule que le télétravail dans la limite de 40 % du temps de travail ne remet pas en cause les modalités d'imposition.

L'avenant de juin 2023 pérennise, dans son premier volet, les accords temporaires sur le télétravail. Il retient le principe d'imposition dans l'État de l'employeur lorsque le télétravail n'excède pas 40 % du temps de travail. En contrepartie, il prévoit une compensation fiscale de 40 % des impôts dus sur les rémunérations des activités exercées en télétravail, versée à l'État de résidence. Cela participe d'une simplification administrative, tout en renforçant la sécurité juridique du régime de télétravail transfrontalier.

L'avenant intègre, dans son second volet, les dernières avancées de l'OCDE contre l'optimisation et la fraude fiscales -  clause anti-abus, mécanisme pour éviter la double imposition... Il intègre aussi un nouvel article garantissant l'imposition minimale des entreprises.

Nous devons toutefois rester attentifs à certains points : il est regrettable que le Gouvernement n'ait pas fourni d'évaluation précise de cet avenant sur nos recettes fiscales, l'échange automatique d'informations à partir de 2026 et les dix jours de mission temporaire assimilable à du télétravail suscitent aussi des inquiétudes.

Enfin, malgré cette mise à jour opportune, cette convention diffère du modèle de convention de l'OCDE.

Néanmoins, cet avenant apporte des ajustements nécessaires et modernise le cadre de nos relations fiscales bilatérales. C'est pourquoi le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Discussion de l'article unique

L'article unique constituant l'ensemble du projet de loi est adopté.

(Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Laure Darcos applaudit également.)

La séance est suspendue quelques instants.