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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Salut au président de la Chambre des Lords
Accueil de scientifiques états-uniens
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche
Protection des écosystèmes marins
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe
Guerre commerciale américaine et filière viticole
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe
Quatrième année d'internat en médecine générale
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe
Essor de l'enseignement supérieur privé
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche
Compensation des charges départementales
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation
Vaccination contre les méningocoques
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
Prévention et lutte contre les addictions
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
Mise au point au sujet d'un vote
Missions d'information (Nominations)
Restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants (Procédure accélérée - Suite)
Discussion des articles (Suite)
Intitulé de la proposition de loi
Mise au point au sujet d'un vote
Ordre du jour du jeudi 27 mars 2025
SÉANCE
du mercredi 26 mars 2025
73e séance de la session ordinaire 2024-2025
Présidence de M. Dominique Théophile, vice-président
Secrétaires : M. François Bonhomme, Mme Catherine Conconne.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Salut au président de la Chambre des Lords
M. le président. - (Mmes et MM. les sénateurs et les membres du Gouvernement se lèvent.) J'ai le plaisir de saluer la présence dans notre tribune d'honneur du président de la Chambre des Lords du Royaume-Uni, Lord McFall. (Applaudissements) Il est accompagné par la nouvelle présidente du groupe d'amitié France-Royaume-Uni du Sénat, notre collègue Cécile Cukierman. (Applaudissements)
M. le président du Sénat a échangé ce matin avec Lord McFall en présence de nos collègues Loïc Hervé, vice-président, Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes, Philippe Paul, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et Cécile Cukierman.
Dans un contexte international dont les tensions et la gravité nous obligent à repenser ou conforter nos alliances, nous sommes heureux de réaffirmer l'amitié franco-britannique, qui a marqué l'histoire. Nous l'avons commémorée l'année dernière, à l'occasion des 120 ans de l'Entente cordiale et du 80e anniversaire du Débarquement.
Le Royaume-Uni est un allié et partenaire majeur, notamment en matière de politique étrangère, de défense et de sécurité. Nous avons à relever ensemble de nouveaux défis en matière de défense.
Le lien qui nous unit se nourrit des échanges entre nos deux chambres. Le groupe d'amitié accueille régulièrement des délégations de parlementaires britanniques. Et comment ne pas nous remémorer la venue au Sénat, le 21 septembre 2023, lors de sa visite d'État en France, de Sa Majesté le roi Charles III et son discours historique dans notre hémicycle ?
Nos deux chambres ont montré et continuent de prouver leur capacité à réinventer leur rôle fondamental pour nos démocraties respectives, ainsi que l'indispensable apport du bicamérisme.
Mes chers collègues, en votre nom à tous, je souhaite à Lord McFall la plus cordiale bienvenue au Sénat de la République française. (Applaudissements)
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.
Accueil de scientifiques états-uniens
M. Pierre Ouzoulias . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées des groupes SER et Les Républicains) Une nouvelle inquisition sévit aux États-Unis : ses victimes sont les scientifiques, la connaissance et la rationalité. Des chercheurs sont licenciés, des mots interdits, des disciplines proscrites. La méthode scientifique est répudiée. Les nouveaux Torquemada condamnent la raison critique héritée des Lumières.
Cette croisade obscurantiste ne touche pas que les États-Unis. Elle a ses thuriféraires en Europe et en France. Elle veut abolir les principes éthiques et rationnels de notre démocratie.
Plusieurs milliers de scientifiques ont été licenciés et 300 000 sont menacés. La France doit tout mettre en oeuvre pour les accueillir. Plusieurs universités leur ont déjà offert les moyens de poursuivre leurs recherches. Ces efforts doivent être intensifiés et coordonnés en France et en Europe.
Il faut sauver ces chercheurs, mais aussi leurs données scientifiques, patrimoine commun de l'humanité, qui risquent de disparaître dans un gigantesque autodafé numérique.
La République française, qui considère avec Monge et Condorcet qu'un savoir rationnel et scientifique autonome du pouvoir politique est l'une des conditions de la démocratie, doit tout mettre en oeuvre pour soutenir ces scientifiques. (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDSE, du RDPI et des groupes INDEP et UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche . - La situation est très préoccupante aux États-Unis : il suffit de regarder l'état du NIH, de la NSF, de la NOAA ou de la Nasa.
Des pans entiers de la recherche sont sabrés dans le domaine médical, sur des suivis d'épidémies, des zoonoses, mais aussi sur les questions liées au climat. C'est doublement dramatique : il y a moins de chercheurs et des programmes internationaux sont menacés ou arrêtés.
Des bases de données utilisées dans le monde entier sont inaccessibles et certains mots-clés sont interdits. Cela pose des difficultés majeures à toute la communauté scientifique internationale.
Certaines universités ouvrent des postes pour accueillir ces chercheurs. Nous soutenons ces efforts.
Il faut aussi mobiliser la Commission européenne et développer l'autonomie stratégique de l'Europe en matière de recherche. Nous devons reconsidérer tous nos partenariats et nous doter de bases de données autonomes, pour que tous les chercheurs développent une recherche libre, autonome, fondée sur la liberté académique. (M. François Patriat et Mme Vanina Paoli-Gagin applaudissent.)
Agression du rabbin d'Orléans
M. Pierre-Antoine Levi . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le 22 mars, le rabbin d'Orléans, Arié Engelberg, a été agressé en pleine rue devant son fils de 9 ans, à l'approche de Pessah.
Pas moins de 1 570 actes antisémites ont été recensés en 2024, représentant 62 % des crimes de haine religieuse perpétrés dans notre pays.
Nous dénonçons la banalisation de l'antisémitisme d'atmosphère. Je pense aux déclarations irresponsables de LFI. Ils poursuivent leur travail de sape depuis le 7 octobre. En témoigne la prétendue marche contre le racisme de samedi dernier, devenue une marche pour l'antisémitisme. Quelle honte !
Ce sont les valeurs mêmes de la République qui sont atteintes.
Face à cette situation profondément alarmante, nous ne pouvons rester silencieux. La sécurité de nos concitoyens de confession juive doit être notre priorité.
Quelles mesures spécifiques pour garantir la sécurité des lieux de culte à l'approche des fêtes religieuses et quels moyens contre l'antisémitisme qui gangrène notre société ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe SER)
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations . - L'événement qui a eu lieu à Orléans a choqué tous les Français - heureusement. C'est un homme de foi, un père, qui a été attaqué devant son enfant, par un auteur très jeune. Cela devrait nous préoccuper : victimes comme auteurs sont de plus en plus jeunes.
Nous devons apporter une réponse collective à l'antisémitisme d'atmosphère, à tous ceux qui font comme si cela pouvait être acceptable, comme si l'on pouvait reprendre l'iconographie des années 1930...
Appeler à la mobilisation contre la haine ne peut signifier marcher main dans la main avec un fiché S. C'est cela l'antisémitisme d'atmosphère qui prolifère dans notre pays. L'indifférence, voilà le risque auquel nous devons faire face.
Le Sénat a agi : je salue l'adoption de la proposition de loi Lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur, que vous avez défendue avec Bernard Fialaire. Lors de son examen à l'Assemblée nationale, nous souhaitons y intégrer les conclusions des assises de lutte contre l'antisémitisme, que j'ai relancées ; il s'agit de former les enseignants et de lutter dès le plus jeune âge contre la désinformation et le complotisme.
Au Sénat, je vous sais toutes et tous rassemblés dans ce combat et vous en remercie. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP et sur quelques travées du groupe SER)
Protection des écosystèmes marins
Mme Mathilde Ollivier . - (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER) L'heure est à l'urgence pour l'océan, notre meilleur allié, qui subit pourtant une pression extrême : surpêche, pollution, acidification...
Ce week-end, le Président de la République organise le sommet SOS Océan, en amont de la Conférence de l'ONU à Nice, en juin.
Nous nous sommes fixé des objectifs ambitieux et clairs : 30 % d'aires marines protégées, 10 % en protection stricte. Or la réalité est tout autre : seulement 1,6 % des aires marines sont réellement protégées ; ailleurs, tout est permis !
Il faut un objectif clair de 10 % de protection stricte et en finir avec l'écran de fumée de la protection forte à la française.
Vous devez promouvoir une transition claire et durable de la pêche, avec la fin de la pêche au chalut de fond.
Nous ne pouvons pas donner des leçons au monde entier alors que nous ne sommes pas à la hauteur. Allez-vous sortir du flou ? Quelle est votre vision pour protéger les écosystèmes marins ? (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - La protection des écosystèmes marins est une des priorités de Mme Pannier-Runacher, qui est à Berlin pour le Dialogue de Petersberg sur le climat.
Un poumon bleu, un trésor de biodiversité et un élément essentiel de notre souveraineté alimentaire : voilà ce que sont les fonds marins. Nous devons les préserver. C'est l'objectif des aires marines protégées.
Vous pointez l'impact du chalutage de fond. Sa pratique est interdite depuis 2016 à plus de 800 mètres de profondeur. Nous étudions avec les acteurs la possibilité d'élargir cette mesure.
Nous voulons nous appuyer sur des données scientifiques. C'est le travail de Mme Agnès Pannier-Runacher avant la Conférence de l'ONU à Nice. Notre boussole, c'est la science. Nous travaillons pour faire diminuer la pression globale et la pression zone par zone.
Néanmoins, le chalutage assure 40 % des volumes de nos criées. Son interdiction aboutirait à la disparition de notre pêche artisanale.
M. Jean-François Rapin. - Bravo !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée. - Quelque 80 % de notre consommation de produits de la mer est importée de pays où les normes environnementales sont moins vertueuses. Nous devons donc agir en France, mais aussi combattre la pêche illégale ailleurs. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)
M. Max Brisson. - Très bien !
Mme Mathilde Ollivier. - Installer des photographies sur les océans autour du Sénat ne suffira pas. Dire d'une zone dont on détruit les fonds marins qu'elle est protégée, c'est absurde. Le Sénat ne peut ignorer la réalité scientifique et l'océan ne peut plus attendre ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)
Rixe mortelle à Yerres
M. Jean-Raymond Hugonet . - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.) Monsieur le Premier ministre, il y a 48 heures à Yerres, dans mon département de l'Essonne, une fois encore, une fois de trop, un adolescent a perdu la vie après avoir été poignardé lors d'une rixe entre quartiers. Ce gigantesque gâchis nous plonge dans l'effroi ; nos pensées vont aux familles.
Aujourd'hui, 90 % des rixes ont lieu en région parisienne. Comme le dit la préfète Frédérique Camilleri, un quart des rixes recensées en France ont lieu en Essonne.
Pourtant, les acteurs de terrain travaillent d'arrache-pied contre ce fléau.
Mais l'ultraviolence juvénile n'est pas le fruit du hasard. Partout, l'autorité est bafouée et les jeunes concernés sont souvent en échec scolaire dès l'école primaire.
Je ne remets pas en cause la volonté des ministres qui se succèdent, mais rien ne change vraiment. Quelle est votre analyse de cet échec collectif ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Je partage avec vous l'extrême tristesse de cet événement survenu à Yerres.
Les violences en bande ont augmenté. L'Essonne concentre un quart de ces événements.
Les policiers ont interpellé six individus, issus des deux quartiers. Ceux-ci étaient défavorablement connus des forces de l'ordre.
Pas moins de 338 rixes ont été recensées en 2024. Les armes blanches sont présentes dans trois quarts des situations et circulent même dans les écoles.
Cinq personnes sont décédées en 2024, contre deux en 2023.
La préfète a réuni hier les élus locaux, en présence du Procureur de la République. La CRS 8 a été déployée dès hier soir.
Au-delà du constat, l'enjeu est de mieux prévenir. Des actions seront conduites avec l'éducation nationale dans et aux abords des établissements scolaires. Le maire de Cernay, près de Mulhouse, a engagé une démarche remarquable dans ce domaine.
La Haute Assemblée examine en ce moment la proposition de loi de M. Attal relative à la délinquance des mineurs.
Nous avons engagé la révision de la stratégie nationale de prévention de la délinquance.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Bien sûr, nous allons légiférer si le Conseil constitutionnel ne détricote pas ce que nous votons ici. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Joshua Hochart applaudit également ; vives protestations à gauche ; M. Franck Montaugé mime une brasse coulée.)
Plusieurs voix sur les travées du groupe SER. - C'est honteux !
M. Jean-Raymond Hugonet. - Il faut aussi que le Gouvernement publie des circulaires et donne des instructions au parquet sur le port de couteaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Turquie
Mme Nicole Duranton . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Celui qui gagne Istanbul gagne la Turquie, avait déclaré Erdogan il y a quelques années. Cela résonne particulièrement aujourd'hui. L'AKP a perdu Istanbul en 2019. Celui qui perd Istanbul perd-il la Turquie ?
L'incarcération du très populaire maire d'Istanbul qui venait d'être désigné candidat à la présidentielle par son parti, le CHP, marque une fois de plus un point de bascule dans l'affaiblissement de la démocratie en Turquie, pays pourtant membre de l'Otan et du Conseil de l'Europe et candidat à l'adhésion à l'Union européenne.
Le président Erdogan est confronté à une usure du pouvoir et à une montée en puissance de l'opposition, qui contrôle les principales villes du pays.
Les dérives totalitaires du pouvoir en place conduisent des dizaines de milliers de manifestants à se mobiliser en faveur de la démocratie et de l'État de droit.
Cela fait écho aux résistances en Hongrie, en Serbie, en Géorgie et en Slovaquie. Les démocrates se lèvent pour dire : non, l'autoritarisme et le nationalisme ne conduisent pas à la prospérité, mais à la remise en cause des droits et des libertés de tous.
Comment la France compte-t-elle soutenir le peuple turc dans la défense de ses droits ? Quel dialogue avec la Turquie ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du GEST et du groupe SER)
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe . - Dès le 19 mars, la France a exprimé sa vive préoccupation après l'arrestation puis l'incarcération du maire d'Istanbul, M. ?mamo?lu. Les manifestations qui ont suivi dans toute la Turquie montrent la gravité de la situation.
Soyons clairs : le respect des droits de l'opposition, de la liberté de manifester et de la liberté d'expression est une pierre angulaire de l'État de droit.
La Turquie, en tant que membre du Conseil de l'Europe, a souscrit librement aux engagements de protection de l'État de droit. Leur respect aura une incidence sur la suite de nos relations tant bilatérales que multilatérales.
Nous avons donné des consignes de prudence à nos ressortissants sur place.
Alors qu'un sommet pour l'Ukraine aura lieu demain à Paris, nous travaillons avec tous les partenaires et soutiens de l'Ukraine, y compris la Turquie. (M. François Patriat applaudit.)
Guerre commerciale américaine et filière viticole
M. Jean-Pierre Grand . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) La région Occitanie, en particulier le Languedoc, est le plus grand vignoble de France avec 16 millions d'hectolitres annuels, soit 30 % de la production nationale. La viticulture est la deuxième activité économique de la région après le tourisme.
En 2022, les États-Unis représentaient 19 % des exportations en valeur. La taxation à 200 % des vins et spiritueux, annoncée par le président des États-Unis, s'ajoute à la déconsommation en France et dans le monde - moins 50 % en Chine ! Des droits de douane de 200 % signeraient l'arrêt des expéditions et 4 milliards d'euros de moins pour l'export, sans marché de substitution.
L'impact pour notre filière serait brutal et irréversible. Nous savons combien nos produits viticoles sont un emblème national fort ; aussi est-il logique que certains dirigeants étrangers leur appliquent des mesures de rétorsion. Cibler le whisky, le bourbon et les vins américains n'est pas une bonne idée. Seule la diplomatie française peut faire changer d'avis l'administration américaine. Où en sont les négociations ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe . - Les trois principes du Gouvernement sont clairs : nous devons répondre fermement et de manière proportionnée aux droits de douane injustifiés sur l'acier et l'aluminium. Nous devons rester unis pour soutenir la Commission européenne ; enfin, nous devons agir pour la désescalade, en faisant comprendre aux États-Unis qu'une guerre commerciale ne serait dans l'intérêt de personne.
Les contre-mesures proposées par la Commission européenne sont les mêmes que celles de 2018. Nous lui avons demandé de les adapter, pour tenir compte de la situation spécifique de nos vins et spiritueux.
Jusqu'à présent, l'administration américaine n'a instauré aucun nouveau droit de douane : la Commission poursuit son dialogue avec les États-Unis.
Jean-Noël Barrot est actuellement en déplacement en Asie pour chercher les voies de la désescalade face aux mesures antidumping lancées par la Chine. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP)
Quatrième année d'internat en médecine générale
M. Henri Cabanel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le 23 décembre 2022, le PLFSS a instauré une quatrième année de formation pour les médecins généralistes. Deux ans plus tard, le flou persiste. Au Journal officiel du 9 août 2023 a été publiée la nouvelle maquette du diplôme d'études spécialisées pour la rentrée universitaire 2023-2024, les premiers étudiants devant entrer en quatrième année en 2026-2027.
Peu d'avancées concrètes depuis. Quel statut pour les docteurs juniors, quelle rémunération, quel accompagnement ?
L'objectif était de former les médecins et de les inciter à s'installer là où ils sont les plus nécessaires, pour lutter contre les déserts médicaux. C'est un enjeu prioritaire. Quand le Gouvernement publiera-t-il les arrêtés d'application de cette réforme essentielle pour l'accès aux soins ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Bernard Buis et Mme Nicole Duranton applaudissent également.)
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Nous sommes pleinement engagés pour la réussite de cette réforme. Pas moins de 3 700 médecins généralistes supplémentaires sont attendus pour novembre 2026. Ce sujet a fait l'objet d'une réunion ce matin avec le Premier ministre.
Il faudra évaluer l'opportunité de cette présence médicale dans les territoires. L'organisation territoriale se fait en lien avec les médecins, puisqu'il y a besoin de maîtres de stage. Cette année d'internat supplémentaire offre aux jeunes médecins l'occasion de se confronter à l'exercice libéral, pour les inciter à s'installer ensuite dans ces territoires.
Nous travaillons avec l'AMF et Départements de France pour trouver des logements et faire découvrir ces territoires aux jeunes médecins.
La rémunération sera modulée en fonction de la participation à l'offre de soins et du niveau de sous-dotation des territoires - même si 87 % du territoire est un désert médical, certains sont particulièrement sous-dotés.
Nous espérons déclencher une prise de conscience, pour une meilleure prise en charge des patients.
M. Henri Cabanel. - Vous n'avez pas répondu : quand prendrez-vous ces arrêtés ? (Marques d'approbation sur plusieurs travées) L'inquiétude grandit dans les territoires malgré une dynamique universitaire très forte. Près de 13 800 praticiens agréés maîtres de stage des universités (Pamsu) ont été recrutés en 2024, soit un quart des médecins généralistes.
Les perspectives de recrutement des futurs Pamsu sont liées aux futurs arbitrages sur le diplôme d'études spécialisées et le statut des maîtres de stage de ces docteurs juniors.
Gouvernance d'EDF (I)
Mme Viviane Artigalas . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous savions déjà que le Gouvernement, dans le prolongement de ses prédécesseurs, ne voulait pas d'un débat parlementaire sur la politique énergétique de la France, à travers la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Nous savons désormais qu'il ne veut pas non plus travailler avec Luc Rémont.
Pourtant, le PDG d'EDF a su mobiliser les personnels dans un contexte énergétique problématique lié à l'agression russe en Ukraine et aux difficultés du nucléaire historique, pour redresser l'entreprise et lancer des projets d'avenir : nouveau nucléaire, énergies renouvelables...
De façon abrupte et inhabituelle, il souligne l'impossibilité du dialogue avec l'État. Le différend est profond et porte sur des questions stratégiques - objectifs, trajectoires - et, plus inquiétant, sur les moyens financiers nécessaires à l'action.
Pouvez-vous nous donner des explications ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K)
M. Mickaël Vallet. - Bravo !
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - La PPE fait l'objet d'un très grand nombre de consultations depuis de très nombreuses années... (M. Yannick Jadot lève les bras au ciel.)
M. Yannick Jadot et M. Fabien Gay. - Et le Parlement ?
M. Éric Lombard, ministre. - ... conformément à la loi que nous appliquons et appliquerons.
Notre objectif central est de parvenir à une économie décarbonée en 2050, en développant à la fois le nucléaire et les énergies renouvelables.
M. Fabien Gay. - On va en débattre !
M. Éric Lombard, ministre. - Cela passera par six réacteurs pressurisés européens - EPR - et par une nouvelle politique commerciale.
Nous considérons que Bernard Fontana, patron de Framatome, qui, à ce titre, a construit les chaudières pour les nouvelles centrales, est idéalement placé pour poursuivre ce chantier à la tête d'EDF. J'ai rendu hommage personnellement à Luc Rémont pour avoir relancé les réacteurs, déployé une stratégie, et trouvé la voie d'un accord sur le financement des centrales. (M. Fabien Gay proteste.)
Il ne peut y avoir de divergence stratégique entre EDF et l'État, puisque ce dernier est actionnaire d'EDF à 100 %.
Après le très bon bilan de Luc Rémont (rires à gauche), Bernard Fontana pourra poursuivre les travaux (protestations à gauche) une fois sa candidature validée par le Parlement au titre de l'article 13 de la Constitution. (M. François Patriat applaudit.)
M. Fabien Gay. - Il faut un débat !
Mme Viviane Artigalas. - Votre réponse nous laisse sur notre faim. Il faut qu'une loi de programmation énergie climat soit débattue au Parlement, comme cela était prévu initialement. Nous pourrons alors débattre des visions divergentes évoquées par Luc Rémont. Le Parlement ne peut pas être exclu de la définition de notre stratégie énergétique, surtout dans un contexte géopolitique aussi tendu.
La PPE version 3 ainsi discutée n'en sera que plus robuste. (Applaudissements à gauche ; M. Philippe Grosvalet, Mme Anne-Catherine Loisier et M. Jean-Michel Arnaud applaudissent également.)
Conflit israélo-palestinien
M. Pascal Allizard . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je rentre d'une visite en Israël et en Cisjordanie en qualité de président de la délégation française à l'assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et de représentant spécial pour les affaires méditerranéennes. Nous y avons rencontré de nombreux décideurs israéliens et palestiniens ainsi que le patriarche orthodoxe grec et des représentants de la société civile. Sur le terrain, la situation demeure tendue et bloquée. Israéliens et Palestiniens vivent dans un climat d'insécurité et de défiance, alors que tous les otages ne sont pas libérés. L'Égypte a préparé une contre-proposition, soutenue par les dirigeants arabes, au projet du président Trump.
La France soutiendra-t-elle ce plan ? Est-elle encore audible au Proche-Orient ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing, Mme Nicole Duranton et M. Akli Mellouli applaudissent également.)
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe . - Vous connaissez l'engagement historique de la France dans la région. Sa position a été claire depuis le 7 octobre : respect du droit humanitaire international, protection des civils, libération inconditionnelle de tous les otages et cessez-le-feu permanent pour retrouver les conditions d'un dialogue vers une solution à deux États, garantissant la souveraineté des Palestiniens et la sécurité d'Israël. Nous soutenons les initiatives des médiateurs américains, qatariens ou égyptiens, mais aussi le plan arabe pour préparer le jour d'après dans la bande de Gaza. Nous travaillons avec nos partenaires européens dans cette perspective ; le Hamas, ennemi d'Israël mais aussi du peuple palestinien, ne devra pas y être associé.
Vous connaissez l'engagement de notre diplomatie à Gaza, au Liban, dans toute la région. La voix singulière, indépendante de la France est celle du respect du droit international et de la paix.
M. Pascal Allizard. - Merci pour votre réponse. L'administration Trump rêve de transformer Gaza en Palm Beach ou en Riviera, quitte à vider le territoire de sa population. C'est inacceptable.
Les habitants de la région aspirent à la paix, à la stabilité et à une vie normale. La politique arabe de la France, sa parole singulière héritée du général de Gaulle, doit redevenir notre boussole diplomatique.
Il faut créer les conditions d'une paix juste et durable pour les deux parties. C'est cette voix équilibrée que le Président de la République doit faire entendre lors de son déplacement en Égypte.
Nous ne pouvons plus assister en spectateurs aux événements mondiaux, comme c'est, hélas, le cas pour les négociations en cours comme en Ukraine. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER, ainsi que sur plusieurs travées du GEST et du groupe CRCE-K ; Mme Sophie Briante Guillemont applaudit également.)
Essor de l'enseignement supérieur privé
M. Yan Chantrel . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) À la Sorbonne, les chercheurs vous interpellent : ils n'ont plus les moyens de remplir les missions de l'université publique, saignée par une baisse de près de 50 % de ses budgets de fonctionnement et d'investissement. Nos universités sont étranglées par le cumul des charges non compensées ces dernières années, alors que le nombre d'étudiants a explosé.
Résultat : l'enseignement supérieur privé prospère. Surfant sur l'anxiété suscitée par Parcoursup et la manne financière de la réforme de l'apprentissage, de nombreux acteurs tirent parti de la faible régulation du secteur pour maximiser leurs profits.
C'est le cas notamment de Galileo, dont le système de maximisation, digne d'Orpea, vient d'être mis au jour par la journaliste Claire Marchal : étudiants entassés au mépris des normes de sécurité, frais exorbitants pour des diplômes en carton, intervenants sous-payés, statistiques mensongères.
Alors que ces boîtes à fric exploitent l'angoisse des jeunes et des familles, vous avez demandé une inspection sur la transparence de leur fonctionnement. C'est un évident préalable, mais nous attendons des actions fortes : contrôles a priori, labellisation renforcée, sanctions en cas de pratiques abusives. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Pierre Ouzoulias et Mme Evelyne Corbière Naminzo applaudissent également.)
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Oui, l'enseignement supérieur privé a connu un développement spectaculaire, parallèlement à l'essor de l'apprentissage. Ces formations professionnalisantes répondent aux souhaits de nombreuses familles. La qualité est souvent au rendez-vous, mais pas toujours.
Dès notre entrée en fonction, Élisabeth Borne et moi-même avons été extrêmement attentifs à cet enjeu. Nous avons déréférencé de Parcoursup un certain nombre de formations qui ne donnaient pas satisfaction. Comme vous l'avez signalé, une inspection a été lancée pour s'assurer de la transparence des pratiques des entreprises d'enseignement supérieur.
En outre, nous préparons avec la ministre du travail une amélioration du label Qualiopi, qui permettra une régulation plus efficace du secteur. Celle-ci est essentielle : nous la devons aux jeunes.
Le coût des formations, parfois très élevé, n'est en aucun cas gage de qualité. Et, bien entendu, il faut expliquer aux familles que les formations publiques répondent très souvent à leurs besoins.
M. Mickaël Vallet. - Accessoirement...
Gouvernance d'EDF (II)
M. Jean-Baptiste Blanc . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'Élysée a mis fin, assez brutalement, aux fonctions de Luc Rémont à la tête d'EDF. Pourtant, sous sa direction, le groupe avait renoué avec une situation financière saine et rétabli sa production.
M. Rémont évoque des désaccords stratégiques sur le financement du nouveau nucléaire et la politique tarifaire.
Cette décision suscite des interrogations nombreuses. Quelles en sont les raisons ? Pourquoi n'y a-t-il eu aucune concertation, aucune explication de Matignon, aucun débat devant la représentation nationale ? Les articles 20 et 21 de la Constitution ne sont-ils pas ignorés ?
Le rapport Armand avait cerné les erreurs passées et formulé des recommandations claires : le Gouvernement envisage-t-il de s'en écarter ?
Plus largement, comment l'État entend-il donner à EDF un cadre stable et soutenable, après deux décennies d'injonctions contradictoires ? Pouvez-vous nous assurer que le projet Hercule, visant un éventuel démantèlement du groupe, ne sera pas remis sur la table ? Quelle feuille de route avez-vous confiée à Bernard Fontana et en quoi diffère-t-elle de celle que M. Rémont aurait refusée ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC)
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - Nous avions un certain nombre de désaccords avec Luc Rémont, ce qui ne m'a pas empêché de lui rendre hommage pour avoir remis en ordre la capacité de production et entamé la réorganisation du groupe.
Nous aurions souhaité, conformément au cahier des charges prévu et à l'accord de novembre 2023, une plus grande réactivité pour la signature de contrats de long terme avec nos grandes entreprises industrielles consommatrices d'énergie : il s'agissait d'un élément tout à fait substantiel du mandat de M. Rémont.
En outre, avec Marc Ferracci, nous considérions être arrivés au terme de la négociation sur le financement du nouveau programme nucléaire ; ce n'était pas la position de M. Rémont.
Cette décision a été prise en total accord avec le Président de la République et le Premier ministre.
Le Parlement sera saisi du projet de nomination du nouveau PDG, conformément à l'article 13 de la Constitution. Le mandat qui lui sera confié est inchangé. Nous souhaitons qu'il poursuive les discussions avec les industriels, parachève l'organisation lancée par Luc Rémont et finalise l'accord financier sur les six nouveaux réacteurs.
Cette décision a été prise dans l'intérêt du pays, d'EDF et de nos entreprises. (M. François Patriat applaudit.)
M. Jean-Baptiste Blanc. - Merci pour ces explications. Il y a une question qu'il faudra bien trancher un jour : EDF est-elle une régie ou une société ? Là aussi, le « en même temps » a ses limites... (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains ; M. Éric Lombard manifeste en vain son souhait de répondre à l'orateur.)
Compensation des charges départementales
Mme Anne-Sophie Romagny . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains) Pour les départements, la coupe est pleine : au rythme actuel, l'année prochaine, 80 % seront dans le rouge.
Dans quelques jours, le 1er avril, le RSA sera revalorisé de 1,7 %. Coût pour les départements : 158 millions d'euros. Comme d'habitude, aucune compensation n'est prévue...
Le Gouvernement aurait pu geler cette hausse en 2025 ou tout simplement compenser la dépense correspondante en loi de finances.
Mme Silvana Silvani. - Qui a voté le budget ? Un peu de cohérence !
Mme Anne-Sophie Romagny. - L'État ne peut pas supprimer les leviers fiscaux des collectivités, leur imposer des recettes non compensées et les accuser opportunément d'être responsables des déficits !
D'autres dépenses supplémentaires non compensées pèsent sur les départements cette année : hausse des cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, extension du Ségur, convention collective nationale unique. Au total, près de 1 milliard d'euros, alors que les dotations aux collectivités sont gelées. (Mme Silvana Silvani s'exclame à nouveau.)
Comment comptez-vous rééquilibrer les relations financières entre l'État et les départements ? Allez-vous compenser la revalorisation du RSA ? (Vifs applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur certaines travées du groupe SER ; Mme Nicole Duranton applaudit également.)
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation . - La dégradation de la situation financière des départements résulte de deux facteurs : la baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et l'accroissement des dépenses sociales. Nul ne le nie.
L'État a pris des engagements, notamment dans le cadre de la fusion progressive de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH). Le Gouvernement a garanti pour cette année un taux de couverture équivalent à celui de l'an dernier. (M. Jean-Baptiste Lemoyne renchérit.) En outre, le fonds de sauvegarde a été reconduit, pour 200 millions d'euros. Au total, pour la Marne, le soutien se monte à 4,1 millions d'euros.
La revalorisation du RSA représente 70 millions d'euros. La loi de finances pour 2025 permet aux départements d'y faire face, puisqu'ils peuvent augmenter les DMTO. Le département de la Marne a connu une baisse des DMTO de seulement 6 % : il pourra faire face.
Enfin, sur l'initiative de votre collègue Stéphane Sautarel, la moitié des départements sont exonérés de ponction sur leur budget de fonctionnement. (M. Stéphane Sautarel apprécie.)
Nous restons sensibles à la situation des départements et préparons une conférence financière des territoires. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Anne-Sophie Romagny. - L'augmentation des DMTO est nécessaire pour absorber les dépenses antérieures non compensées. (Applaudissements sur de nombreuses travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe SER) L'État doit 70 millions d'euros à l'Yonne et près de 100 millions à la Marne !
Échelon de proximité, les départements assurent des compétences de solidarité. (M. Hussein Bourgi approuve.) Aujourd'hui, ils sont à l'os ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains ; applaudissements sur quelques travées du groupe SER)
Vaccination contre les méningocoques
Mme Corinne Imbert . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Devant la recrudescence des infections invasives à méningocoque, la Haute Autorité de santé (HAS) a publié de nouvelles recommandations sur le rattrapage vaccinal. Le nombre d'infections a été particulièrement élevé en janvier, avec treize décès. Cela fait suite à 615 cas d'infections déclarées en 2024, un record depuis 2010.
Les vaccins sont efficaces. En remplacement de la vaccination contre le méningocoque C, obligatoire depuis 2018, la vaccination ACWY est désormais obligatoire chez tous les nourrissons jusqu'à 12 mois, depuis le 1er janvier 2025. La vaccination contre le méningocoque B est recommandée et obligatoire pour tous les nourrissons jusqu'à deux ans, depuis le 1er janvier 2025. Par ailleurs, chez les adolescents de 11 à 14 ans, la vaccination ACWY est désormais recommandée.
Mais la HAS estime qu'il faut aller plus loin, en proposant plusieurs schémas de rattrapage vaccinal. Monsieur le ministre, vous êtes médecin : qu'en pensez-vous ? Allez-vous agir ? Si oui, dans quel délai ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Élisabeth Doineau et Véronique Guillotin applaudissent également.)
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Nous observons une recrudescence des cas de méningites : 600 par an, dont près de 60 décès depuis juillet et 13 en janvier.
Certains territoires nous inquiètent tout particulièrement, comme la métropole de Rennes, avec six cas de la même souche. Depuis un mois, nous y vaccinons et dans quelques jours, 50 000 des 100 000 étudiants auront été vaccinés.
Début février, à la suite du décès d'un enfant de 3 ans dans la Drôme, j'ai réinterrogé la HAS sur le calendrier vaccinal.
Depuis le 1er janvier, il était obligatoire de vacciner les nourrissons contre toutes les souches de méningocoque ; l'obligation est désormais étendue aux enfants de moins de 2 ans, avec rattrapage jusqu'à 3 ans. Il y aura une nouvelle phase de vaccination de rattrapage des 11-14 ans, en lien avec l'éducation nationale, avec une double vaccination méningocoque et papillomavirus. Enfin, la vaccination est fortement recommandée pour les 15-24 ans.
Mais les recommandations de la HAS sont un peu complexes ; nous allons donc proposer une simplification du calendrier vaccinal. Au pays de Pasteur, nous organiserons une grande conférence, le 18 avril prochain, pour lutter contre l'obscurantisme propagé par les antivax sur les réseaux sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
MM. Guillaume Chevrollier et Max Brisson. - Très bien !
Mme Corinne Imbert. - Je salue votre réactivité pour Rennes : vous n'avez pas attendu les recommandations de la HAS pour agir.
Je partage votre avis sur la simplification du calendrier vaccinal, car on s'y perd tous ! Si l'on veut que cela soit bien compris par les familles, il faut simplifier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Prévention et lutte contre les addictions
Mme Catherine Conconne . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous faisons face à une submersion massive. C'est l'une des conclusions de la commission d'enquête du Sénat sur l'impact du narcotrafic en France, de nos collègues Jérôme Durain et Étienne Blanc. Des mesures massives sont annoncées pour traquer ceux qui profitent outrageusement de ce commerce lucratif.
Le 13 mars dernier, à la Martinique, Manuel Valls a parlé d'un risque existentiel d'effondrement de la Martinique face à la violence du narcotrafic. Il nous a promis que l'État ne nous laisserait pas tomber.
La consommation de drogue fait des dégâts croissants dans notre société, avec son lot de souffrances. Mon territoire est concerné par des saisies records, mais aussi par les effets d'une consommation préoccupante. Les professionnels de la santé mentale écopent à la main : ils sont dépassés.
La Cour des comptes a regretté une réponse sanitaire et médico-sociale insuffisante, par manque de volontarisme et défaut de ciblage sur les jeunes, alors que près de la moitié des 18-24 ans reconnaissent avoir déjà consommé du cannabis.
Que compte faire le Gouvernement pour être enfin à la hauteur de la situation ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Les chiffres sont effroyables : 100 000 décès par an sont dus à la drogue, dont 60 000 cancers. Sans oublier l'alcool et le tabac, car tout est lié.
Dans le cadre du plan Santé mentale, grande cause nationale 2025, nous défendons des mesures de tous types : la tolérance zéro vis-à-vis du narcotrafic, mais aussi la prise en charge médicale et psychologique, ainsi que des campagnes de prévention, en lien avec la société française d'addictologie, en direction des jeunes et des femmes enceintes, notamment. N'oublions pas que les consommateurs sont aussi, bien souvent, des patients qui nécessitent une prise en charge. Telle est l'action complète du Gouvernement. (Mme Marie-Claire Carrère-Gée applaudit.)
Mme Catherine Conconne. - On en parle depuis longtemps, mais ça commence quand ? Car aujourd'hui, la prévention des addictions, c'est une petite journée par-ci, un petit spot radio par-là, alors que l'humanité est en train de s'effondrer à cause de la drogue. Il faut des mesures extrêmement déterminées. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du RDSE et du groupe UC ; M. Bruno Sido applaudit également.)
Moulins et barrages
Mme Béatrice Gosselin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il faut parfois des années pour renouveler le droit d'usage d'une installation hydroélectrique. Dans la Manche comme ailleurs, les propriétaires de moulins et de petits barrages produisent une électricité locale, propre et renouvelable, qui s'inscrit pleinement dans votre objectif d'un mix énergétique diversifié. Mais ils ont toutes les peines du monde à obtenir le renouvellement ou l'extension de leur autorisation d'exploiter, qui repose pourtant souvent sur un droit fondé en titre.
Les exigences de l'Office français de la biodiversité (OFB) sont démesurées et les services déconcentrés du ministère font de la surenchère environnementale, au détriment de la production. Cette instruction déséquilibrée est mal vécue sur le terrain, où ceux qui produisent de l'énergie verte sont découragés.
Quand les services de l'État vont-ils enfin faciliter la transition énergétique plutôt que d'en freiner les acteurs de proximité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - L'hydroélectricité est la première source d'énergie renouvelable de notre pays, c'est une source ancienne à laquelle nous sommes attachés et dont nous devons faciliter le développement.
Une mission d'information sur les grands barrages a été confiée aux députés Philippe Bolo et Marie-Noëlle Battistel.
Les petites installations jouent aussi un rôle important. Oui, la réglementation environnementale peut ralentir les projets, car nous devons tenir compte de l'impact écologique de ces barrages ainsi que des différents usages de l'eau.
Un médiateur de l'hydroélectricité a été installé, d'abord en Occitanie grâce à la loi Climat et résilience. Son rôle a ensuite été étendu à toutes les régions, avec la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables.
Nous travaillons à un soutien public spécifique pour les petites centrales, qui rencontrent encore des difficultés. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Béatrice Gosselin. - La production nationale d'hydroélectricité est de 12 térawattheures - ce n'est pas négligeable. Mettez un médiateur si vous le souhaitez, mais, de grâce, permettez-leur de travailler. Quoi de mieux qu'une énergie locale et décarbonée ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ainsi que sur quelques travées du groupe INDEP)
Gouvernance d'EDF (III)
M. Daniel Fargeot . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Vendredi, nous apprenions par la presse le remerciement de Luc Rémont, deux ans après sa nomination. Cela interroge s'agissant d'une entreprise stratégique, engagée dans la négociation des tarifs de l'électricité pour les industries électro-intensives et le pilotage d'un programme nucléaire ambitieux.
Pendant ce temps, le budget de l'EPR de Flamanville est multiplié par quatre pour atteindre 13 milliards d'euros et sa mise en service est, une fois de plus, reportée, à fin 2025.
Le départ précipité de Luc Rémont donne une impression de malaise, de cap incertain, de stratégie étatique qui peine à s'affirmer. Sans inflexion forte, le pilotage restera fragmenté. C'est une alerte stratégique.
Quelle garantie pouvez-vous nous donner sur la stabilité de la gouvernance de l'entreprise et la capacité de l'État à piloter, avec EDF, les futurs EPR 2, sans reproduire les erreurs du passé ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Frédérique Puissat applaudit également.)
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - Si le Parlement autorise sa nomination, le mandat de Bernard Fontana comportera deux axes essentiels.
Le premier est relatif à la politique de prix. Le prix de l'électricité a baissé de 15 % pour les Français depuis le début de l'année et nous voulons instaurer un mécanisme favorisant sa stabilité. EDF doit négocier avec les entreprises électro-intensives, rapidement.
Le second concerne la construction des six EPR. Le devis de construction doit maintenant être stabilisé. Les équipes d'ingénierie, de maîtrise d'oeuvre et d'ouvrage sont désormais constituées, mais la gouvernance doit être mieux structurée, afin de livrer les centrales dans les délais prévus.
La nouvelle architecture du Gouvernement met toutes les dimensions de ce dossier - actionnaire, énergie, grande entreprise - sous l'autorité de Bercy - c'est un gage de cohérence de l'action de l'État.
Avec cette merveilleuse entreprise qu'est EDF, nous maintenons le cap fixé en novembre 2023. Je rends hommage à ses salariés, essentiels pour notre pays. (M. François Patriat applaudit.)
M. Daniel Fargeot. - La trajectoire que vous dessinez est intéressante, mais elle appelle une vigilance de chaque instant, sans coupure. La relance nucléaire doit se traduire par des engagements stables, une gouvernance claire et des résultats tangibles, en particulier sur les EPR. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
La séance est suspendue à 16 h 20.
Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente
La séance reprend à 16 h 30.
Mise au point au sujet d'un vote
Mme Isabelle Florennes. - Lors du scrutin public n°239, Mme Jocelyne Antoine souhaitait voter contre.
Acte en est donné.
Décès d'un ancien sénateur
Mme la présidente. - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue François Trucy, qui fut sénateur du Var de 1986 à 2014.
CMP (Nominations)
Mme la présidente. - Des candidatures ont été publiées pour siéger au sein de la commission mixte paritaire (CMP) chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne ; et de la CMP chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte.
Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.
Avis sur des nominations
Mme la présidente. - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des finances a émis un avis favorable, par quatorze voix pour et aucune voix contre, à la nomination de Mme Florence Peybernes aux fonctions de présidente de la Haute Autorité de l'audit. La commission des lois a émis un avis favorable, par quinze voix pour, et une voix contre, à la nomination de M. Vincent Mazauric aux fonctions de président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.
Missions d'information (Nominations)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la désignation des dix-neuf membres de la mission d'information sur le thème : « Faciliter l'accès aux services publics : restaurer le lien de confiance entre les administrations et les administrés » et des vingt-trois membres de la mission d'information sur le thème : « Dix ans après la loi NOTRe et la loi Maptam, quel bilan pour l'intercommunalité ? »
En application de l'article 21, alinéa 3 de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées. Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.
Restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents.
Discussion des articles (Suite)
Article 4 bis
Mme la présidente. - Amendement n°47 de M. Brossat et du groupe CRCE-K.
M. Ian Brossat. - Cet amendement supprime l'article 4 bis qui assimile les enfants de moins de 16 ans à des majeurs lorsque l'infraction est grave. Nous nous opposons à ce qu'un enfant de 13 ans soit placé en détention provisoire, sous surveillance électronique avec assignation à résidence ou dans un centre éducatif fermé pour deux ans. Ce serait contre-productif, car les enfants n'ont pas la maturité et le discernement des adultes.
Mme la présidente. - Amendement identique n°54 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Hier, j'ai loué le travail du rapporteur et déploré que ses arguments n'aient pas été entendus par la majorité et le Gouvernement, mais je ne partage pas sa position sur cet article 4 bis, qui aggrave le régime de la détention provisoire des mineurs de 13 à 16 ans pour des infractions en bande organisée ou liées au terrorisme.
La commission d'enquête sur le narcotrafic a montré que les mineurs de 13 à 16 ans qui sont enrôlés dans les réseaux sont aussi des victimes des trafiquants, et peuvent facilement tomber dans la radicalisation ou le narcotrafic. Les causes de la délinquance juvénile sont systémiques : déscolarisation, précarité, rejet parental, mal-logement, défaillance éducative, absence de perspectives. Une politique d'accompagnement est plus adaptée qu'un renforcement des mesures répressives ou de la détention provisoire...
Plus ces jeunes sont vulnérables, plus ils sont des cibles de choix pour les réseaux qui les exploitent.
M. Francis Szpiner, rapporteur de la commission des lois. - Ces dispositions ont été votées par le Sénat dans la proposition de loi Buffet sur la lutte antiterroriste. Nous parlons ici d'une minorité de gens extrêmement dangereux, radicalisés très jeunes, qu'il faut surveiller.
J'ai eu à plaider pour la famille du père Hamel : l'un des assassins était un mineur sous bracelet électronique, dont la surveillance s'était relâchée.
Ces mesures sont nécessaires, pour un nombre de cas très restreint, au regard de la spécificité du crime de terrorisme et du crime organisé, quand nous avons dépassé le stade de la prévention et de la réinsertion. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice. - Même avis.
M. Guy Benarroche. - La commission d'enquête sur le narcotrafic a montré que ces jeunes délinquants étaient les premières victimes, choisies en raison de leur précarité - des enfants de plus en plus jeunes, des mineurs non accompagnés, sans papiers, à la rue...
Renforcer leur mise sous surveillance ne réglera pas le problème. Ils sont remplaçables à souhait. Au début, c'est l'argent qui les attire, mais rapidement, c'est la menace physique, jusqu'à l'homicide, qui les tient. La solution est de les exfiltrer des réseaux qui les utilisent, car pendant la surveillance que vous proposez, ils restent des cibles.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Je pense le contraire. Ces mesures coercitives et de surveillance sont aussi façon de protéger ces mineurs des bandes. Si vous les laissez dans la nature, ils continueront à être exploités par les organisations criminelles. S'ils sont sous mesure de surveillance, ils seront peut-être remplacés, mais ceux-là au moins seront sous protection de justice. Avis défavorable.
Les amendements identiques nos47 et 54 ne sont pas adoptés.
L'article 4 bis est adopté.
Après l'article 4 bis
Mme la présidente. - Amendement n°50 rectifié septies de Mme Carrère-Gée et alii.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Cet amendement autorise le juge, quand les faits sont graves et que la personnalité du mineur le justifie, à prononcer d'ultracourtes peines d'emprisonnement ou le placement en centre éducatif fermé.
La réforme Belloubet a interdit le prononcé de peines inférieures ou égales à un mois. En empêchant le juge de proportionner la peine, elle prive la justice de toute possibilité de sanction pour la délinquance ordinaire, ouvrant la voie à l'escalade délinquante, avec à la clé de futures très longues peines.
Les ultracourtes peines sont une façon d'individualiser la peine. C'est une mesure protectrice qui soustrait le mineur à un environnement criminogène et permet la mise en place de mesures éducatives. Un bref passage en prison ou en centre éducatif fermé sera l'occasion d'évaluer sa situation : est-il en danger, nécessite-t-il une prise en charge psychologique, est-il victime de violence parentale ou de chantage ?
La décision serait spécialement motivée. Il s'agit d'adapter la justice aux besoins des mineurs comme à la gravité des faits commis.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Comment cela se passerait-il, en pratique ? Admettons qu'un mineur arrive se devant le juge - soit en audience immédiate, soit après la césure, soit en comparution immédiate. Le problème, c'est que les courtes peines sont interdites par le code pénal pour tout le monde, majeur et mineur - vous ne pouvez les rétablir au détour d'un amendement à une loi sur la justice des mineurs, ce serait un cavalier, et censuré à ce titre.
Vous introduisez une différenciation des peines, au détriment du mineur, alors que le majeur ne peut faire l'objet d'une courte peine.
Une fois la peine prononcée, le juge ne peut prescrire des évaluations et des mesures éducatives, sinon dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve, qui existe déjà.
Pour des raisons à la fois pratiques et constitutionnelles, je ne peux qu'émettre un avis défavorable. Attendons les conclusions de la mission d'information sur l'exécution des peines confiée à Mmes Schalck, Harribey et Vérien.
Le problème de la justice des mineurs doit être traité globalement, tant sur le plan des procédures que des peines.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Sur la forme, je rejoins le rapporteur. Il n'est pas possible, aujourd'hui, de prononcer de courtes peines - depuis des décennies, sous Mmes Dati, Taubira ou Belloubet, nous avons tous voté des dispositions en ce sens.
Faut-il rétablir de très courtes peines, d'une semaine à un mois ? La question peut se poser. Le système actuel fonctionne-t-il bien ? Les récidives montrent que non. Le système des courtes peines fonctionne-t-il ? On ne le sait pas.
On cite à l'envi l'exemple des Pays-Bas, sur lequel je me suis donc penché. Aux Pays-Bas, il y a 9 000 détenus, et un tiers des condamnations sont à des travaux d'intérêt général (TIG) ab initio - en France, c'est moins de 3 %. Depuis trois mois, j'ai lu toute la littérature sur le sujet, et le bilan est mitigé, voire négatif. L'efficacité des courtes peines n'est pas établie. La proposition de loi de Loïc Kervran, examinée la semaine prochaine à l'Assemblée nationale, sera l'occasion d'évoquer le sujet. Mais il me semble difficile de viser d'emblée uniquement les mineurs ; il faudrait sans doute commencer par les majeurs.
Ensuite, si cet amendement était voté, où mettre ces mineurs incarcérés pour quelques jours ou quelques semaines ? Nous avons 650 places en centres éducatifs fermés, ils sont pleins à 80 % ; nous allons en inaugurer quatre autres cette année, une quinzaine d'ici à 2027 - mais à douze mineurs par centre, cela ne fait pas la maille. Quant aux ailes pour mineurs dans les prisons, elles sont à saturation.
Il serait malhonnête de ma part d'accepter votre amendement - et de ne pouvoir le mettre en oeuvre faute de place. Car les élus sont nombreux à réclamer des lieux de détention - mais n'en veulent surtout pas sur leur territoire ! Je reçois des pétitions d'élus de toute sensibilité... Résultat, je n'ai pas de lieu où incarcérer des mineurs pour un mois.
Enfin, les mineurs incarcérés le sont généralement en détention provisoire ; en moyenne, ils y passent quatre mois. Selon un chiffre de 2011 - cela date, mais je m'efforce d'améliorer l'évaluation - 75 % d'entre eux récidivent. Visiblement, la prison pousse plutôt vers la délinquance.
Les centres éducatifs fermés peuvent avoir de bons côtés lorsqu'ils sont bien encadrés par des agents de la PJJ, mais ne sont pas une réussite absolue non plus. (Mme Laurence Harribey le confirme de la tête.) Les jeunes n'y ont que huit heures de cours par semaine ; il n'y a pas de cours entre mai et septembre, pas de statut pour les professeurs. Bref, nous ne sommes guère performants.
Pour toutes ces raisons, même si je comprends votre amendement, je ne peux y être favorable. Ce texte prévoit néanmoins des sanctions immédiates si l'assistance éducative n'est pas suivie : c'est une avancée considérable.
Mme Laurence Harribey. - Je souscris aux propos du rapporteur et du garde des sceaux.
Avec Mmes Schalk et Vérien, nous entamons nos auditions. Sur l'efficacité des peines ultracourtes, personne n'est d'accord. Outre qu'on ne saurait les réserver aux mineurs, les professionnels indiquent qu'il faut au moins six mois pour que la prise en charge en centre éducatif fermé porte des fruits. L'efficacité du « choc carcéral » soulève également des réserves. Nous nous rendrons aux Pays-Bas.
S'il doit y avoir de très courtes peines, il faut un accompagnement. Le rapport de la Cour des comptes est très critique sur les centres éducatifs fermés, qui coûtent très cher pour une efficacité incertaine.
Nous voterons contre cet amendement : prenons le temps d'y travailler et d'avoir une vision globale.
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Je soutiens l'amendement de Mme Carrère-Gée. Le dispositif proposé n'est pas la panacée, mais a le mérite de poser le problème. Il faut mettre une butée à la succession de comportements délinquants qui ne sont pas réprimés.
M. le garde des sceaux dit manquer de lieux de détention pour ces mineurs. J'entends qu'il y a des difficultés matérielles, mais est-ce une raison pour refuser d'étudier cette piste ?
La question n'est pas tant celle de l'enfermement que de l'accompagnement éducatif de ces jeunes. Plus on les arrête tôt, plus on leur propose tôt un dispositif éducatif, plus ils pourront prendre conscience de leurs actes et retrouver le droit chemin.
Les autres solutions ne fonctionnent pas, on le voit avec les centres éducatifs fermés. Pourquoi ne pas essayer ?
M. Akli Mellouli. - Le modèle néerlandais privilégie les peines alternatives, comme les travaux d'intérêt général, dit le ministre. Inspirons-nous-en !
Je souscris aux propos du rapporteur. Pourquoi prévoir une exception pour les mineurs ?
« Essayons », dit Mme Aeschlimann. Mais on joue avec des vies humaines ! Si la prison formait les citoyens de demain, si les centres éducatifs fermés fonctionnaient, cela se saurait. Misons sur l'éducation et la prévention ; le tout répressif n'est pas la solution, tous les éducateurs vous le diront. La vraie question est celle du suivi de ces jeunes après la peine.
En cédant au dogmatisme, vous jouez aux apprentis sorciers ! Répondons d'abord aux difficultés sociales - sans quoi, nous aurons une énième loi inefficace, bonne seulement à faire monter les fachos qui trouvent qu'on ne va jamais assez loin ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; marques d'indignation sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Laurence Rossignol. - Le ministre de la justice, ancien ministre de l'intérieur qui plus est, vous dit que cet amendement n'est pas opérant. On ne peut pourtant pas le soupçonner d'être contre votre camp en matière de politique pénale, carcérale et sécuritaire !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - L'enquête le dira...
Mme Laurence Rossignol. - Quand le rapporteur vous dit que votre mesure n'est pas applicable, vous ne l'entendez pas non plus.
« Cela permet de poser le problème », dites-vous ? Ici, nous réformons le code pénal, nous ne faisons pas des lois déclamatoires !
Savez-vous combien de mesures éducatives sont en attente ? Plus de quatre mille ! Savez-vous que certains mineurs auteurs n'ont pas vu d'éducateur de la PJJ depuis six mois ? En prônant une solution purement carcérale, vous prenez acte des insuffisances de la PJJ, mais poursuivez la dégradation de la prise en charge de ces mineurs. Nous sommes autant que vous préoccupés par les problèmes qu'ils posent à la société. Il n'y a pas d'un côté ceux qui se soucient de la sécurité publique, et de l'autre, ceux qui ne s'intéresseraient qu'aux enfants !
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Nous n'avons pas de leçon à recevoir.
Mme Laurence Rossignol. - Nous en recevons à longueur de journée : je ne vais pas me gêner pour dire ce que je pense !
M. Marc-Philippe Daubresse. - Je voterai cet amendement. Maire pendant vingt-neuf ans, j'ai mis en place des politiques de prévention. J'ai constaté à maintes reprises que les mesures éducatives ne suffisaient pas à prévenir la récidive, voire la multirécidive.
On peut discuter des moyens, mais c'est un autre sujet.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - C'est quand même un sujet.
M. Marc-Philippe Daubresse. - J'ai cité le cas d'un jeune qui se lance dans le trafic à 14 ans - aujourd'hui, ce serait 12 ans -, gangrène tout un quartier, multiplie cambriolages, car-jackings et home-jackings, est interpellé en flagrance à trente-cinq reprises et fait l'objet de trente-cinq rappels à l'ordre. (Mme Laurence Harribey proteste.)
M. Guy Benarroche. - C'est une fable !
M. Marc-Philippe Daubresse. - La trente-sixième fois, il est envoyé en centre éducatif fermé ; il s'en moque. On ne le voit plus pendant quinze jours. Puis il atteint ses 18 ans, repasse une trente-septième fois devant le tribunal, qui, là, le condamne à la prison. Il y a passé un an et demi. On ne l'a plus revu faire son trafic dans le quartier.
Le simple fait d'avoir une sanction répressive au-dessus de votre tête, accompagnée d'une sanction éducative, peut calmer un délinquant. Nous devons essayer. Nous voterons cet amendement.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Nous sommes tous d'accord sur le rôle de la sanction.
Mme Laurence Rossignol. - Bien sûr !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - La politique pénale pour les mineurs ne fonctionne pas, je suis le premier à le dire.
J'ai moi aussi été maire et confronté aux mêmes difficultés. Quand on sait ce qui conduit les mineurs à rentrer dans la délinquance violente, on peut se demander si un mois de prison ou de centre éducatif fermé est une réponse, vu le fonctionnement actuel.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Vous n'avez pas de réponse.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - En tant que chef d'administration, chargé de l'application de la loi, je vous dis que cette mesure est inapplicable. La faute à qui ? Depuis Albin Chalandon...
M. Marc-Philippe Daubresse. - C'était en 1986 !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - ... - j'avais 4 ans -, on n'a quasiment plus construit de places de prison. Or le ministère de la justice met sept ans à construire une prison.
Peut-être faut-il des courtes peines - je suis prêt à en débattre, même si je n'ai pas d'étude établissant leur efficacité -, mais les prisons sont déjà pleines ! Allez-vous faire sortir des gens en détention provisoire pour crime afin de les remplacer par des mineurs délinquants ?
Que voulez-vous que je fasse ? Que je sorte un mineur du système éducatif pour le placer en centre éducatif fermé, où il n'aura que huit heures de cours par semaine et rien de mai à octobre ?
M. Marc-Philippe Daubresse. - Vous allez changer tout cela !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Cela ne fait que trois mois que je suis là. Et changer le statut des professeurs prend du temps.
Oui, le système est défaillant, mais le texte voté par l'Assemblée nationale apporte des réponses.
Aujourd'hui, un gamin qui fait du trafic de drogue à Tourcoing ou Lambersart est présenté à un juge qui prononce une mesure éducative ; s'il ne la respecte pas, il ne se passe rien. Ce texte instaure une sanction en cas de non-respect de la mesure éducative : ce peut être le centre éducatif fermé ou le couvre-feu, comme en Espagne. Si le mineur viole le couvre-feu, on passe à une sanction plus forte.
Chacun élève ses enfants comme il peut. Quand on en a, on revoit ses grandes idées.
Mme Laurence Rossignol. - Cela rend modeste !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - En effet. Mais il faut proportionner la sanction. Il y a une différence entre « tu ne feras pas cela ! » répété dix-huit fois sans effet et « tu ne feras pas cela ou tu resteras dans ta chambre pendant trois semaines ».
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Toute l'idée est de proportionner la sanction.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - J'entends, mais un mois de prison directement, ce n'est pas proportionné ! Nous proposons une gradation, avec une sanction si la mesure éducative n'est pas respectée.
Pourquoi la courte peine pour les mineurs, quand elle n'existe pas pour les majeurs ? En 2011 - la droite était aux responsabilités -, 75 % des mineurs passés en prison récidivaient ; on doit être à 100 % de réitérants.
Réfléchissons à des lieux spécifiques d'incarcération pour les mineurs, à des suivis éducatifs sur le modèle du service militaire adapté (RSMA) outre-mer, avec encadrement militaire, pourquoi pas...
M. Marc-Philippe Daubresse. - Ça marche !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Pourquoi pas, en effet, j'y suis favorable. Mais les mettre un mois à Fleury-Mérogis ? Gardons cela pour des personnes en détention provisoire pour crime.
Les dispositions du texte répondent à votre demande de sanction ; votre amendement, qui plus est inconstitutionnel, n'est pas nécessaire.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Sans parler de son caractère anticonstitutionnel, toute personne de bonne foi comprend que cette mesure n'est pas applicable. Vous devrez l'expliquer à l'opinion, qui compte tant pour certains. Tout cela me paraît aberrant.
La question des courtes peines n'est pas taboue, mais une mission d'information est en cours. Il y a des initiatives qui pourront conduire à envisager une peine de prison d'un mois. L'instaurer ainsi, de but en blanc, au détour d'une proposition de loi, n'est pas raisonnable. Une loi qui n'est pas appliquée n'est pas une bonne loi.
M. Olivier Paccaud. - Admettons que chacun ici soit de bonne foi.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - C'est une présomption.
M. Olivier Paccaud. - Vos propos m'ont choqué. Notre ami Akli Mellouli, avec la passion qui le caractérise, a employé le mot de « facho ».
M. Akli Mellouli. - Je n'ai traité personne de facho. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit !
M. Olivier Paccaud. - Le mot est sorti de votre bouche. (M. Akli Mellouli et Mme Mathilde Ollivier s'exclament.) Je voterai l'amendement de Mme Carrère-Gée. Je m'étonne d'entendre le ministre dire qu'une loi serait inapplicable faute de moyens. Lorsqu'on a voulu dédoubler les classes en 2017, on nous a répondu : c'est impossible. Or cela s'est fait ! (Marques d'approbation à droite) Cela a pris parfois du temps... Certes, pour un centre éducatif fermé, il y a un coût. (M. Francis Szpiner le confirme.) Mais si on ne vote que ce qu'on peut faire aujourd'hui, on ne vote plus rien.
Monsieur le rapporteur, vous dites qu'il y a une différence entre les majeurs et les mineurs... C'est l'ordonnance de 1945. Mais le principe de l'amendement de Marie-Claire Carrère-Gée, c'est justement de les différencier ! Je ne comprends pas votre position.
M. Guy Benarroche. - Je ne vais pas utiliser les mots qui vous ont choqué, monsieur Paccaud.
Vous avez l'écoute sélective. Les arguments du rapporteur et du ministre étaient variés : inconstitutionnalité, difficulté d'application, absence de preuve d'efficacité là où la mesure est appliquée, et même effet contre-productif, le mineur risquant de s'incruster dans la délinquance. Vous reprenez le seul élément de l'inapplicabilité... Effectivement, ce n'est pas parce qu'une mesure n'est pas applicable qu'on ne peut pas légiférer. Mais n'oubliez pas les autres arguments.
Monsieur Daubresse, vous dites que le rapporteur a juridiquement raison mais que nous sommes ici pour faire de la politique... Mais nous ne sommes pas dans un meeting politique : nous avons pour mission d'écrire une loi réfléchie et applicable.
Mme Marie Mercier. - Il est extrêmement gênant de voir des jeunes en prison. Nous en voyons et allons en voir. Bien sûr, il ne faut pas qu'ils y restent ou y retournent, mais il faudrait surtout éviter qu'ils y entrent. Comme quelque chose ne fonctionne pas dans notre justice, nous essayons d'inventer. Évidemment, pour une courte peine, ils n'iraient pas à Fleury-Mérogis, Bois d'Arcy ou aux Baumettes...
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Où, alors ?
Mme Marie Mercier. - Il faudrait des endroits spéciaux, où l'on pourrait identifier les situations de danger, les violences, les troubles médicaux ou psychologiques. Un jeune délinquant est aussi une victime.
Les peines ultracourtes sont proposées par le psychiatre Maurice Berger. Ne soyons pas dogmatiques en refusant même d'y réfléchir.
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°50 rectifié septies est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°240 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Pour l'adoption | 184 |
Contre | 136 |
L'amendement n°50 rectifié septies est adopté et devient un article additionnel.
Article 5 (Supprimé)
Mme la présidente. - Amendement n°16 rectifié de Mme Evren et alii.
L'amendement n°16 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement identique n°19 rectifié ter de M. Daubresse et alii.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Nous pensons que l'amendement n°49 rectifié sexies de Marie-Claire Carrère-Gée, sous-amendé par Marie-Carole Ciuntu, a de bonnes chances d'être adopté ; nous retirons donc celui-ci.
L'amendement n°19 rectifié ter est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°17 rectifié de Mme Bellurot et alii.
Mme Nadine Bellurot. - Je le retire aussi. Mais j'aimerais qu'on étudie la possibilité de déroger au principe d'atténuation des peines pour les mineurs de plus de 15 ans.
L'amendement n°17 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°49 rectifié sexies de Mme Carrère-Gée et alii.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Une réponse claire et équilibrée s'impose. Faire du droit, c'est assumer la responsabilité de l'écrire. Pour les mineurs de plus de 16 ans coupables d'infractions graves passibles d'au moins sept ans de prison, cet amendement inverse la logique actuelle du code de la justice pénale des mineurs : il n'y aura pas d'excuse de minorité, sauf décision contraire du juge, que ce dernier devra alors motiver. Le droit actuel conduit à une indulgence quasi systématique, ni compréhensible ni justifiable. La peine ne saurait être toujours fixée selon le prisme de l'âge.
Nous mettons en avant un principe de responsabilité : l'exigence de motivation répond à un impératif judiciaire - le juge devra expliquer en quoi la personnalité ou la situation du mineur justifient un traitement différencié - et de transparence, nos concitoyens devant pouvoir comprendre les décisions de justice.
Mme la présidente. - Sous-amendement n°60 de Mme Ciuntu.
Mme Marie-Carole Ciuntu. - Sans remettre en cause les principes constitutionnels, nous modifions la majorité requise au sein de la cour d'assises des mineurs pour écarter l'application des atténuations de peine, pour assouplir la procédure.
Mme la présidente. - Amendement n°4 rectifié de Mme Vérien et alii.
Mme Dominique Vérien. - Je le retire au profit de l'amendement de Marie-Claire Carrère-Gée.
L'amendement n°4 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement identique n°11 rectifié de Mme Ramia et alii.
Mme Salama Ramia. - Même chose.
L'amendement n°11 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°61 de M. Szpiner, au nom de la commission des lois.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Je me rallie au sous-amendement de Mme Ciuntu, auquel je donne un avis favorable.
L'amendement n°61 est retiré.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - J'ai un seul problème : Marie-Claire Carrère-Gée parle des délits punis de sept ans de prison, mais dans l'amendement, il est fait mention de trois ans. C'est trois ou sept ?
Mme Laurence Rossignol. - C'est trois ans dans l'amendement !
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Je peux rectifier l'amendement.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Je pense qu'il aurait été plus convenable de mentionner cinq ans.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Nous faisons confiance au rapporteur.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Dans ce cas, je donne un avis de sagesse.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Ah, sagesse, d'accord...
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Vous prévoyez l'absence d'atténuation en cas de récidive légale d'un mineur de plus de 16 ans. Cela n'arrivera presque jamais. Mais comme j'ai bien compris qu'il y avait une volonté d'affichage (« Oh ! » à droite) et que je ne veux pas passer pour un affreux hostile à toute répression, sagesse.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Avis favorable au sous-amendement de Marie-Carole Ciuntu et à l'amendement de Marie-Claire Carrère-Gée ainsi sous-amendé.
Notre difficulté, c'est l'automaticité que vous prévoyez. Vous écrivez « en écartant d'office », donc c'est automatique.
Mme Dominique Vérien. - Mais il y a écrit « sauf si ».
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - La proposition de loi Attal dit qu'il n'y a pas, dans certains cas, d'excuse de minorité - que les magistrats utilisent très peu par ailleurs - , sauf décision contraire du magistrat. Mais elle ne l'écarte pas d'office.
Je n'ose évoquer la CMP (sourires), néanmoins il faudra faire attention à la rédaction.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Je rectifie mon amendement dans le sens demandé par le rapporteur, en prévoyant cinq ans.
Mme la présidente. - Il devient donc l'amendement n°49 rectifié septies.
M. Christophe Chaillou. - L'échange est symptomatique de nos débats depuis hier. Peu importe que ce soit constitutionnel ! Peu importe que ce soit efficace ! Il faut y aller, voter, faire de l'affichage. Cela ne peut que nous interpeller. L'atténuation des peines est un principe fondamental de la justice des mineurs. Ce n'est pas mineur, si je peux me le permettre ! Ce principe repose sur la prise en compte du moindre discernement des mineurs et de leur capacité à se réinsérer. C'est le primat aussi de l'éducatif sur le répressif. Cela est constitutionnel et conforme aux engagements internationaux de la France. Nous sommes opposés à cet amendement.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Entre 2007 et 2014, il y a eu des situations validées par le Conseil constitutionnel où l'excuse de minorité était écartée par défaut.
M. Guy Benarroche. - On assiste à la création d'une justice expérimentale. La Constitution, l'écriture du texte, la capacité à appliquer la loi, son efficacité, tout cela importe peu. On peut légiférer au doigt mouillé, a vista de nas. Le texte de loi sera catastrophique, inapplicable et partiellement retoqué.
Je remercie Mme Mercier de ses propos. Pour les autres, vous pensez qu'on peut incarcérer un mineur pendant un mois, puis six... Mais vous savez très bien que tout cela crée de la récidive et n'empêche pas le narcotrafic. Vous voulez donner à l'opinion publique l'impression que vous avez pris le problème à bras-le-corps. Tout cela c'est du grain à moudre pour le RN et nous le paierons tous.
Mme Laurence Rossignol. - Certains d'entre vous ont-ils déjà assisté au délibéré du procès en assises d'un mineur ? Moi oui.
Le tribunal n'a pas levé l'excuse de minorité. À combien a-t-il été condamné, pour un féminicide particulièrement cruel ? Dix-huit ans. Ce qui m'a frappé, c'est que ce garçon n'avait toujours aucune conscience, aucun regret de l'acte commis. Il était toujours dans le déni. L'excuse de minorité aurait été levée, il aurait pris trois ans de plus, mais il aurait été dans le même déni. Je regrette votre fétichisation de l'excuse de minorité. Hier, la présidente Verien a évoqué le meurtrier de Philippine : il avait été condamné à sept ans pour viol, alors qu'il était mineur. Sans l'excuse de minorité, il serait sorti deux ans plus tard. Cela aurait changé beaucoup de choses pour Philippine et sa famille, mais cela n'aurait rien changé pour l'autre jeune fille qu'il aurait sans doute croisée. Ce qui importe, ce n'est pas la durée de son incarcération, mais l'ensemble des dysfonctionnements qui ont suivi. L'excuse de minorité n'a rien à voir avec tout cela. Ce qui compte, c'est la prise de conscience de l'acte.
À la demande du groupe Les Républicains, le sous-amendement n°60 est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°241 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l'adoption | 224 |
Contre | 114 |
Le sous-amendement n°60 est adopté.
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°49 rectifié septies, ainsi sous-amendé, est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°242 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Pour l'adoption | 223 |
Contre | 114 |
L'amendement n°49 rectifié septies, sous-amendé, est adopté.
L'article 5 est ainsi rétabli.
Après l'article 5 (Supprimé)
Mme la présidente. - Amendement n°20 rectifié bis de M. Daubresse et alii.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Le groupe Les Républicains souhaite avancer sur l'excuse de minorité. Je continue à penser qu'il faudra une mesure exceptionnelle de construction de places de prison. Nous pouvons utiliser des procédures dérogatoires pour aller plus vite : ce qui a été fait pour les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) et pour Notre-Dame de Paris peut être fait pour les prisons.
Je retire cet amendement qui était de repli.
L'amendement n°20 rectifié bis est retiré.
Article 6
Mme la présidente. - Amendement n°5 rectifié bis de Mme Vérien et alii.
Mme Dominique Vérien. - Nous voulons rétablir l'article 6 et remplacer le recueil de renseignements socio-éducatifs par une note actualisée lorsque le mineur concerné est suivi par la PJJ.
Simplifions les choses plutôt que de répliquer des recueils de renseignements.
Mme la présidente. - Amendement identique n°22 rectifié quater de M. Daubresse et alii.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°12 rectifié de Mme Ramia et alii.
Mme Salama Ramia. - Cet amendement rétablit l'article 6 dans la rédaction de l'Assemblée nationale. Nos juridictions ont de plus en plus de mal à mener les investigations nécessaires sur la personnalité et la situation des mineurs délinquants. Le recueil de renseignements socio-éducatifs est lourd et redondant quand le jeune est déjà suivi par la PJJ. Nous proposons de le remplacer par une note actualisée, pour une meilleure prise en charge du mineur et une justice plus adaptée aux réalités du terrain.
Mme la présidente. - Amendement n°55 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - C'est le même amendement. Cet article a été introduit par Sacha Houlié à l'Assemblée nationale.
Le manque de personnel des juridictions est connu, et nous ne souhaitons pas surcharger les magistrats et le personnel administratif de demandes qui pourraient être remplacées par des processus moins lourds et tout aussi efficaces.
Le rapport d'évaluation du code de la justice pénale des mineurs préconise le remplacement du recueil de renseignements socio-éducatifs par une note de situation, contenant le cas échéant les coordonnées de l'assureur en responsabilité civile des parents. C'est de bon sens.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Les éducateurs que j'ai entendus en audition y étant unanimement opposés, la commission avait émis un avis défavorable sur les quatre amendements. Mais il s'agit d'un avis mollement défavorable. (Sourires)
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Avis favorable... tout court ! (Sourires)
Mme Laurence Harribey. - C'est le genre d'amendements qui n'apporte pas énormément mais envoie un signe. Nous les voterons. Néanmoins, il faudrait plus de moyens numériques et moins de lourdeurs administratives pour la PJJ. Si le ministère de la justice était un peu plus outillé, il pourrait aussi nous fournir des statistiques plus fournies.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Il faudrait aussi que la PJJ soit plus motivée...
Les amendements identiques nos5 rectifié bis et 22 rectifié quater sont adoptés.
Les amendements identiques nos12 rectifié et 55 n'ont plus d'objet.
L'article 6, modifié, est adopté.
Article 7
Mme la présidente. - Amendement n°23 rectifié quinquies de M. Daubresse et alii.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Pour ne pas limiter la possibilité de placer un mineur en détention provisoire dans le cadre d'une information judiciaire, nous restreignons l'exigence de transmission d'un rapport éducatif aux mineurs poursuivis selon la procédure de jugement en audience unique.
L'amendement n°23 rectifié quinquies, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L'article 7 est ainsi rédigé.
Article 9 (Supprimé)
Mme la présidente. - Amendement n°13 rectifié de Mme Ramia et alii.
Mme Salama Ramia. - Cet amendement rétablit l'article 9 dans la rédaction issue de l'Assemblée nationale. Le code de la justice pénale des mineurs repose sur un principe simple : privilégier la sanction éducative à la sanction répressive. En cas de condamnation, nous souhaitons contraindre la juridiction à proposer systématiquement une mesure de réparation aux parties. Cela s'inscrit pleinement dans l'esprit de la justice restaurative. C'est plus constructif, plus efficace, et cela favorise la responsabilisation des jeunes.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Avis défavorable. La systématisation de mesures de réparation part d'une bonne idée, mais n'est pas adaptée dans la pratique. Comment l'appliquera-t-on aux multirécidivistes imperméables à cette approche ? Ce serait gaspiller les moyens de la PJJ.
L'alinéa 2 viderait de son sens la césure du procès pénal.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Avis défavorable, pour les mêmes raisons. Le problème, c'est l'automaticité : on ne peut pas contraindre le juge. D'ores et déjà, la juridiction propose, chaque fois que cela est possible, une mesure de réparation.
L'amendement n°13 rectifié n'est pas adopté.
L'article 9 demeure supprimé.
Article 10 (Supprimé)
Mme la présidente. - Amendement n°7 rectifié de Mme Vérien et alii.
Mme Dominique Vérien. - Le code de la justice pénale des mineurs prévoit une césure : la peine est prononcée six mois après la déclaration de culpabilité. Nous souhaitons rétablir l'article 10, qui donne à la juridiction la possibilité de prononcer un sursis à statuer en cas d'appel et laisse quatre mois à la cour d'appel pour trancher. Nous demandons au juge de faire vite pour les mineurs, nous pouvons aussi le demander à la cour d'appel.
Il paraît cohérent que la peine corresponde à une culpabilité avérée, confirmée par la cour d'appel.
Mme la présidente. - Amendement identique n°14 rectifié de Mme Ramia et alii.
Mme Salama Ramia. - Défendu.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Je suis viscéralement contre, pour une raison simple : le principe du double degré de juridiction, dont vous ne pouvez priver les mineurs. Il existe un effet dévolutif de l'appel. La cour d'appel peut décider de la culpabilité et de la peine.
En outre, vous ne pouvez pas imposer de délai à la cour d'appel, car, si ce délai n'était pas respecté, aucune sanction ne serait prononcée et ce serait la fête pour tous les délinquants...
Cet amendement pose problème, techniquement et philosophiquement. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Même avis. Le délai de quatre mois paraît compliqué à tenir, sauf moyens énormes que les parlementaires ne manqueront pas de voter en faveur du budget de la justice... (Sourires)
Les amendements identiques nos7 rectifié et 14 rectifié sont retirés.
Après l'article 10 (Supprimé)
Mme la présidente. - Amendement n°25 rectifié quater de M. Daubresse et alii.
M. Marc-Philippe Daubresse. - J'ai écouté le garde des sceaux tout à l'heure. Il a été ministre de l'intérieur.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - C'était le bon temps.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Il se souvient des émeutes, des regroupements de jeunes la nuit, de ce qui s'est passé à Halluin et à Roubaix.
On cherche tous des solutions, Marie Mercier l'a dit. Dans cet esprit, nous proposons avec cet amendement la création d'un couvre-feu.
L'amendement n°25 rectifié quater, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°27 rectifié septies de M. Daubresse et alii.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Amendement de cohérence avec le précédent, qui précise la marche à suivre quand un mineur ne respecte pas les mesures éducatives auxquelles il est soumis. L'autorité judiciaire et les représentants légaux seront systématiquement avisés.
L'amendement n°27 rectifié septies, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°26 rectifié quater de M. Daubresse et alii.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Défendu.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Avis défavorable. Je comprends la logique de notre collègue, mais la rétention prévue soulève des difficultés. C'est un vrai sujet : si le non-respect des mesures éducatives n'a pas de conséquences, ces mesures perdent de leur sens. Mais on ne peut garder un mineur en rétention sans contrôle d'un magistrat du siège ni intervention des représentants légaux. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Avis favorable. Pour l'heure, si le mineur ne respecte pas ses mesures éducatives, il ne se passe rien ; grâce aux mesures proposées par M. Daubresse, une sanction interviendra. Il ne s'agit évidemment pas de détention, mais de rétention dans un centre éducatif fermé, et l'amendement prévoit bien que l'autorité parentale et le juge des enfants seront prévenus.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Je rends hommage à l'inventivité du garde des sceaux, qui vient d'imaginer une notion juridique inconnue : on est privé de sa liberté d'aller et venir, mais ce n'est pas une peine privative de liberté... Soit on est en garde à vue sous le contrôle d'un magistrat du parquet, soit on est en détention sous le contrôle d'un magistrat du siège. La rétention dans les conditions proposées, je vois mal comment elle pourrait prospérer sur le plan constitutionnel. Nul ne peut être privé de liberté sans l'accord d'un magistrat.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Monsieur le rapporteur, il me semble qu'il y a confusion : ce que propose M. Daubresse se fera bien sous le contrôle du juge des enfants.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Absolument ! Nous parlons la même langue, monsieur le ministre... Les amendements de cette série sont cohérents.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Peut-être, mais ce n'est pas constitutionnel !
L'amendement n°26 rectifié quater est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°24 rectifié quinquies de M. Daubresse et alii.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Amendement de cohérence, là aussi.
L'amendement n°24 rectifié quinquies, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°51 du Gouvernement.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Je reviens quelques instants sur l'amendement n°26 rectifié quater, pour dissiper tout malentendu. Une mesure éducative est d'abord prononcée. Lorsqu'elle n'est pas respectée, le magistrat est informé. Le mineur est retenu dans un centre éducatif fermé - reconnaissez que c'est un peu mieux qu'un commissariat - pour une durée maximale de douze heures, après quoi le magistrat statue. Cela me paraît parfaitement constitutionnel.
L'amendement n°51 instaure un couvre-feu sur le modèle espagnol : un mineur pourra être tenu de rester chez lui en dehors des heures d'apprentissage, de travail ou d'autres obligations, par exemple médicales.
L'amendement n°51, accepté par la commission, est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°28 rectifié quater de M. Daubresse et alii.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Nous proposons de doubler, à titre expérimental, le nombre d'assesseurs siégeant auprès du juge des enfants dans les tribunaux pour enfants. Ces assesseurs perçoivent une indemnité - certes peu considérable, mais l'amendement a donc un coût. Le garde des sceaux a annoncé qu'il levait le gage. (M. Gérald Darmanin le confirme.) Cette mesure renforcera l'implication de la société dans les décisions à l'égard des mineurs.
Mme la présidente. - Amendement n°40 rectifié de Mme Ramia et alii.
Mme Salama Ramia. - Le tribunal pour enfants est présidé par un juge des enfants, accompagné de deux assesseurs. Nous proposons de porter le nombre de ces derniers à quatre pour renforcer le rôle de la société dans les décisions de justice à l'égard des mineurs et la solennité des audiences. Je propose que Mayotte soit territoire d'expérimentation.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Avis favorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Même avis.
Mme Laurence Rossignol. - Puisqu'il est question d'associer les citoyens, peut-être pourrait-on en profiter pour supprimer les cours criminelles départementales, dont ils sont exclus...
L'amendement n°28 rectifié quater est adopté et devient un article additionnel. L'amendement n°40 rectifié n'a plus d'objet.
Article 11
Mme la présidente. - Amendement n°21 rectifié ter de M. Daubresse et alii.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Cet amendement de coordination n'a plus lieu d'être.
L'amendement n°21 rectifié ter est retiré.
L'article 11 est adopté.
Après l'article 11
Mme la présidente. - Amendement n°41 rectifié de M. Fialaire et alii.
Mme Maryse Carrère. - Le rapport de 2022 dont M. Fialaire est l'un des coauteurs met en lumière l'insuffisance des statistiques disponibles. Nous demandons un rapport assurant un suivi détaillé de la délinquance des mineurs.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Notre doctrine est claire : avis défavorable aux demandes de rapport. Il ne tient qu'à nous de faire usage de nos pouvoirs de contrôle.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°41 rectifié n'est pas adopté.
Intitulé de la proposition de loi
Mme la présidente. - Amendement n°8 rectifié de Mme Vérien et alii.
Mme Dominique Vérien. - Le rapporteur a proposé un nouvel intitulé, les travaux de la commission ayant réduit l'ambition du texte. Comme nous l'avons à nouveau renforcée en séance, revenons à l'intitulé initial.
Mme la présidente. - Amendement identique n°15 rectifié de Mme Ramia et alii.
Mme Salama Ramia. - Défendu.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Je trouve l'intitulé originel blessant et péjoratif pour l'institution judiciaire. Avant que M. Attal ne s'y penche, la justice des mineurs aurait été déliquescente ; puis, tel Zorro, il en aurait restauré l'autorité... Je serais magistrat pour enfants, éducateur ou personnel de la PJJ, je ne le prendrais pas bien. Le législateur gagne parfois à faire preuve de modestie. L'intitulé que nous avons adopté est plus adéquat.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Mollement sagesse... (Marques d'amusement)
Mme la présidente. - Je ne suis pas certaine que ce qualificatif qui commence à apparaître dans notre hémicycle soit approprié.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - J'en suis l'auteur.
Mme Laurence Rossignol. - Nous avons été convaincus par le rapporteur, d'autant qu'il y avait de nombreuses autres possibilités pour nommer ce texte : proposition de loi visant à en finir avec l'ordonnance de 1945, à juger les enfants comme des majeurs, à privilégier l'incarcération des mineurs sur l'éducation... (On ironise à gauche.) Tous ces intitulés auraient été plus conformes à l'esprit qui anime les promoteurs du texte. Ils n'ont d'ailleurs cessé de dire eux-mêmes qu'il ne serait pas applicable ou que le Conseil constitutionnel n'en laisserait pas subsister grand-chose.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Vous n'êtes pas le juge constitutionnel.
Mme Laurence Rossignol. - Mais vous opterez pour votre titre, parce que vous êtes tellement fiers de vous !
À l'issue d'une épreuve à main levée déclarée douteuse, les amendements identiques nos8 rectifié et 15 rectifié, mis aux voix par assis et levé, ne sont pas adoptés.
Vote sur l'ensemble
M. Christophe Chaillou . - Chacun est conscient de la nécessité de répondre aux interrogations sur la justice des mineurs, notamment dans le contexte de plusieurs événements récents.
Ce texte a fait l'objet d'un travail important avec l'éclairage juridique du rapporteur. L'approche de la commission des lois était largement partagée, même si nous nous étonnons de la position changeante de plusieurs de ses membres sur certains sujets.
Le débat a été symptomatique d'une certaine dérive du Sénat : aucune prise de recul sur les dispositions récentes, aucune prise en compte du monde judiciaire, opposé à la proposition de loi, aucun égard pour la constitutionnalité des mesures, ou si peu.
Le texte issu de nos débats va à l'encontre des principes fondamentaux de la justice des mineurs : atténuation de la responsabilité en fonction de l'âge, primauté de l'éducatif, spécialisation des juridictions. Les lignes rouges ont été franchies sur la comparution immédiate dès 15 ans et l'atténuation des peines.
Sans surprise, nous voterons contre le texte. S'il venait à être définitivement adopté, le juge constitutionnel serait amené à s'y pencher de près. L'émotion ne doit pas nous conduire à légiférer de façon émotionnelle.
Mme Marion Canalès . - Un Clermontois fameux, Blaise Pascal, a dit : « Le propre de la puissance est de protéger. » Rien dans ce texte ne s'inscrit dans cet esprit.
Hier, vous avez instauré la comparution immédiate pour les mineurs. Aujourd'hui, majorité sénatoriale et Gouvernement ont navigué vers une justice expérimentale bricolée, affranchie de l'excuse de minorité.
Rien pour protéger les mineurs et répondre aux difficultés structurelles du secteur de l'accompagnement. Ce débat n'aura été qu'une succession de suspensions de séance (on ironise à droite)...
M. Laurent Somon. - Il y en a eu une !
Mme Marion Canalès. - ... d'allers-retours et de tergiversations. Sans parler des nombreux risques d'inconstitutionnalité.
Oui, la puissance publique est là pour protéger. Hélas, ce gouvernement est plus prompt à punir qu'à protéger.
M. Ian Brossat . - Dès l'ouverture de ce débat, nous avons exprimé un certain nombre de craintes. De fait, elles se sont révélées fondées. Nous voterons contre ce texte qui remet en cause les principes de l'ordonnance de 1945.
Je regrette que, depuis plusieurs semaines, cette assemblée verse dans une forme de populisme législatif. On ne peut balayer d'un revers de main les risques d'inconstitutionnalité, surtout lorsqu'ils sont soulevés par le rapporteur lui-même, issu de la majorité sénatoriale. Cette attitude ne laisse pas de nous inquiéter.
M. Marc Laménie . - Le groupe INDEP votera cette proposition de loi. Je salue le travail de la commission et du rapporteur, ainsi que tous les collègues qui sont intervenus sur ce sujet sensible.
À titre personnel, je voterai contre ce texte, pour plusieurs raisons.
Le rapporteur a dit que le législateur devait faire preuve de modestie : pour défendre les mineurs, nous devons écouter les professionnels de l'enfance. La procédure de comparution immédiate est inadaptée aux mineurs, dont nous devons respecter les droits. Nous manquons cruellement de moyens, avec la suppression de 500 postes à la PJJ et des juridictions saturées. Incarcérer des mineurs, c'est les confronter à un milieu carcéral violent et dangereux. Et à la sortie, quid de leur éducation et de leur insertion professionnelle ?
Mme Laurence Rossignol . - Je remercie notre collègue Marc Laménie de me conforter, pour la deuxième fois en huit jours, dans l'idée que développer des arguments sérieux et débattre dans l'hémicycle sert à quelque chose. Il a écouté et a changé son vote.
Mme Laure Darcos. - Dans notre groupe, on est libre.
Mme Laurence Rossignol. - Bien sûr, chacun est indépendant au groupe Les Indépendants...
Le groupe SER ne peut pas voter un tel texte. Au-delà de ses malfaçons, il traduit des ruptures philosophiques. Je ne vous ai jamais entendu dire, chers collègues Les Républicains, que l'éducatif devait primer le répressif, qu'un mineur délinquant était un enfant en danger (Mme Marie-Claire Carrère-Gée proteste), ni reconnaître que l'emprisonnement, ça ne marche pas... Je ne vous ai jamais entendu parler de prévention.
Les infractions pénales des mineurs sont un échec socio-éducatif collectif. Avec les deux coupables que vous avez trouvés - les juges des enfants et les parents - , les chiffres de la délinquance juvénile n'ont pas fini de monter ! (Mme Marie-Carole Ciuntu ironise ; M. Jérôme Durain applaudit.)
M. Guy Benarroche . - Un troisième coupable a été trouvé, madame Rossignol : les enfants eux-mêmes.
Nos débats, vus de l'extérieur, sont lunaires, ainsi que le titrait un journal. Le rapporteur et le ministre, tous deux issus de votre majorité, vous ont expliqué pendant de longues minutes à quel point vos amendements comportaient des risques constitutionnels, mais vous êtes restés sourds.
C'est du pur affichage, destiné à faire croire que vous êtes les plus répressifs. Mais vous ne tiendrez pas votre promesse et cela sera favorable à l'extrême droite, vous le savez.
Votre second objectif, c'est d'acculer une nouvelle fois le Conseil constitutionnel à censurer vos dispositions, pour en faire une cible.
Pour vous, les mineurs sont coupables, telle une génération spontanée, comme si notre société de consommation extrême n'était pour rien dans cette violence...
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
M. Guy Benarroche. - Vous voulez de la comparution immédiate et des peines de prison ultracourtes, mais ça va résoudre quoi ?
M. Laurent Somon . - Si le monde était idéal, nous n'aurions pas eu ce débat. Mais l'augmentation de la délinquance des mineurs nous impose ce débat.
Nous ne faisons pas le procès des uns ou des autres : l'éducatif et le sécuritaire sont complémentaires.
Le constat est partagé. Le rôle du législateur, c'est d'améliorer la législation quand la société change. Vous nous reprochez l'absence d'étude d'impact ; mais nombre de lois que vous avez soutenues en étaient également dépourvues - voyez la loi NOTRe ! On en a vu les conséquences... (M. Thomas Dossus ironise.)
Ne faisons pas le travail du Conseil constitutionnel (M. Guy Benarroche hausse les sourcils), nous votons des textes pour améliorer la situation. Nous ne faisons pas non plus le travail de la CMP. Conservons l'indépendance du Sénat !
Attendons le bilan de l'application des lois, car il existe des lacunes - je pense par exemple aux mesures éducatives non suivies.
Je pense aussi aux victimes et à leurs familles. Les mesures éducatives ne régleront pas tout. (Mme Marion Canalès proteste.)
Mme Laurence Rossignol. - Personne n'a dit cela !
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
M. Laurent Somon. - La société change : nous devons évoluer.
Mme Laurence Harribey . - J'espère que vous ne nous faites pas le procès de n'être que pour l'éducatif, sans quoi nous n'aurions pas voté à l'unanimité la proposition de loi sur le narcotrafic. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Henri Cabanel applaudit également.)
Je travaille de manière rigoureuse et honnête. Quand, sur ce sujet, l'ensemble des personnels de justice nous disent que cela ne sert à rien, je les écoute, car je sais que je n'ai pas la science infuse.
En votant des textes peu applicables, nous fabriquons de l'antiparlementarisme et de l'extrémisme. Je suis soucieuse de ne pas participer à cela.
J'ai fait plusieurs immersions, dans un tribunal pour enfants, un tribunal judiciaire et un service pénitentiaire d'insertion et de probation (Spip) : c'est le b.a.-ba du parlementaire. Je suis étonnée par le manque de connaissance du terrain.
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
Mme Laurence Harribey. - Si l'on avait une délégation sénatoriale aux droits de l'enfant, nous pourrions développer une expertise sur ce sujet. J'invite le Sénat à y réfléchir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ainsi que sur quelques travées du groupe CRCE-K)
À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de loi est soumise à scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°243 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 227 |
Contre | 113 |
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
Mise au point au sujet d'un vote
Mme Maryse Carrère. - Lors du scrutin public n°239, Mme Véronique Guillotin souhaitait votait pour.
Acte en est donné.
Mme la présidente. - La liste des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte a été mise à jour et publiée.
Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.
Prochaine séance demain, jeudi 27 mars 2025, à 11 heures.
La séance est levée à 18 h 40.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du jeudi 27 mars 2025
Séance publique
À 11 heures
Présidence : M. Gérard Larcher, président
Secrétaires : Mme Alexandra Borchio Fontimp, Mme Véronique Guillotin
. Débat à la suite du dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes (demande de la Conférence des Présidents)