Restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents.
Discussion des articles (Suite)
Article 4 bis
Mme la présidente. - Amendement n°47 de M. Brossat et du groupe CRCE-K.
M. Ian Brossat. - Cet amendement supprime l'article 4 bis qui assimile les enfants de moins de 16 ans à des majeurs lorsque l'infraction est grave. Nous nous opposons à ce qu'un enfant de 13 ans soit placé en détention provisoire, sous surveillance électronique avec assignation à résidence ou dans un centre éducatif fermé pour deux ans. Ce serait contre-productif, car les enfants n'ont pas la maturité et le discernement des adultes.
Mme la présidente. - Amendement identique n°54 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Hier, j'ai loué le travail du rapporteur et déploré que ses arguments n'aient pas été entendus par la majorité et le Gouvernement, mais je ne partage pas sa position sur cet article 4 bis, qui aggrave le régime de la détention provisoire des mineurs de 13 à 16 ans pour des infractions en bande organisée ou liées au terrorisme.
La commission d'enquête sur le narcotrafic a montré que les mineurs de 13 à 16 ans qui sont enrôlés dans les réseaux sont aussi des victimes des trafiquants, et peuvent facilement tomber dans la radicalisation ou le narcotrafic. Les causes de la délinquance juvénile sont systémiques : déscolarisation, précarité, rejet parental, mal-logement, défaillance éducative, absence de perspectives. Une politique d'accompagnement est plus adaptée qu'un renforcement des mesures répressives ou de la détention provisoire...
Plus ces jeunes sont vulnérables, plus ils sont des cibles de choix pour les réseaux qui les exploitent.
M. Francis Szpiner, rapporteur de la commission des lois. - Ces dispositions ont été votées par le Sénat dans la proposition de loi Buffet sur la lutte antiterroriste. Nous parlons ici d'une minorité de gens extrêmement dangereux, radicalisés très jeunes, qu'il faut surveiller.
J'ai eu à plaider pour la famille du père Hamel : l'un des assassins était un mineur sous bracelet électronique, dont la surveillance s'était relâchée.
Ces mesures sont nécessaires, pour un nombre de cas très restreint, au regard de la spécificité du crime de terrorisme et du crime organisé, quand nous avons dépassé le stade de la prévention et de la réinsertion. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice. - Même avis.
M. Guy Benarroche. - La commission d'enquête sur le narcotrafic a montré que ces jeunes délinquants étaient les premières victimes, choisies en raison de leur précarité - des enfants de plus en plus jeunes, des mineurs non accompagnés, sans papiers, à la rue...
Renforcer leur mise sous surveillance ne réglera pas le problème. Ils sont remplaçables à souhait. Au début, c'est l'argent qui les attire, mais rapidement, c'est la menace physique, jusqu'à l'homicide, qui les tient. La solution est de les exfiltrer des réseaux qui les utilisent, car pendant la surveillance que vous proposez, ils restent des cibles.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Je pense le contraire. Ces mesures coercitives et de surveillance sont aussi façon de protéger ces mineurs des bandes. Si vous les laissez dans la nature, ils continueront à être exploités par les organisations criminelles. S'ils sont sous mesure de surveillance, ils seront peut-être remplacés, mais ceux-là au moins seront sous protection de justice. Avis défavorable.
Les amendements identiques nos47 et 54 ne sont pas adoptés.
L'article 4 bis est adopté.
Après l'article 4 bis
Mme la présidente. - Amendement n°50 rectifié septies de Mme Carrère-Gée et alii.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Cet amendement autorise le juge, quand les faits sont graves et que la personnalité du mineur le justifie, à prononcer d'ultracourtes peines d'emprisonnement ou le placement en centre éducatif fermé.
La réforme Belloubet a interdit le prononcé de peines inférieures ou égales à un mois. En empêchant le juge de proportionner la peine, elle prive la justice de toute possibilité de sanction pour la délinquance ordinaire, ouvrant la voie à l'escalade délinquante, avec à la clé de futures très longues peines.
Les ultracourtes peines sont une façon d'individualiser la peine. C'est une mesure protectrice qui soustrait le mineur à un environnement criminogène et permet la mise en place de mesures éducatives. Un bref passage en prison ou en centre éducatif fermé sera l'occasion d'évaluer sa situation : est-il en danger, nécessite-t-il une prise en charge psychologique, est-il victime de violence parentale ou de chantage ?
La décision serait spécialement motivée. Il s'agit d'adapter la justice aux besoins des mineurs comme à la gravité des faits commis.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Comment cela se passerait-il, en pratique ? Admettons qu'un mineur arrive se devant le juge - soit en audience immédiate, soit après la césure, soit en comparution immédiate. Le problème, c'est que les courtes peines sont interdites par le code pénal pour tout le monde, majeur et mineur - vous ne pouvez les rétablir au détour d'un amendement à une loi sur la justice des mineurs, ce serait un cavalier, et censuré à ce titre.
Vous introduisez une différenciation des peines, au détriment du mineur, alors que le majeur ne peut faire l'objet d'une courte peine.
Une fois la peine prononcée, le juge ne peut prescrire des évaluations et des mesures éducatives, sinon dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve, qui existe déjà.
Pour des raisons à la fois pratiques et constitutionnelles, je ne peux qu'émettre un avis défavorable. Attendons les conclusions de la mission d'information sur l'exécution des peines confiée à Mmes Schalck, Harribey et Vérien.
Le problème de la justice des mineurs doit être traité globalement, tant sur le plan des procédures que des peines.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Sur la forme, je rejoins le rapporteur. Il n'est pas possible, aujourd'hui, de prononcer de courtes peines - depuis des décennies, sous Mmes Dati, Taubira ou Belloubet, nous avons tous voté des dispositions en ce sens.
Faut-il rétablir de très courtes peines, d'une semaine à un mois ? La question peut se poser. Le système actuel fonctionne-t-il bien ? Les récidives montrent que non. Le système des courtes peines fonctionne-t-il ? On ne le sait pas.
On cite à l'envi l'exemple des Pays-Bas, sur lequel je me suis donc penché. Aux Pays-Bas, il y a 9 000 détenus, et un tiers des condamnations sont à des travaux d'intérêt général (TIG) ab initio - en France, c'est moins de 3 %. Depuis trois mois, j'ai lu toute la littérature sur le sujet, et le bilan est mitigé, voire négatif. L'efficacité des courtes peines n'est pas établie. La proposition de loi de Loïc Kervran, examinée la semaine prochaine à l'Assemblée nationale, sera l'occasion d'évoquer le sujet. Mais il me semble difficile de viser d'emblée uniquement les mineurs ; il faudrait sans doute commencer par les majeurs.
Ensuite, si cet amendement était voté, où mettre ces mineurs incarcérés pour quelques jours ou quelques semaines ? Nous avons 650 places en centres éducatifs fermés, ils sont pleins à 80 % ; nous allons en inaugurer quatre autres cette année, une quinzaine d'ici à 2027 - mais à douze mineurs par centre, cela ne fait pas la maille. Quant aux ailes pour mineurs dans les prisons, elles sont à saturation.
Il serait malhonnête de ma part d'accepter votre amendement - et de ne pouvoir le mettre en oeuvre faute de place. Car les élus sont nombreux à réclamer des lieux de détention - mais n'en veulent surtout pas sur leur territoire ! Je reçois des pétitions d'élus de toute sensibilité... Résultat, je n'ai pas de lieu où incarcérer des mineurs pour un mois.
Enfin, les mineurs incarcérés le sont généralement en détention provisoire ; en moyenne, ils y passent quatre mois. Selon un chiffre de 2011 - cela date, mais je m'efforce d'améliorer l'évaluation - 75 % d'entre eux récidivent. Visiblement, la prison pousse plutôt vers la délinquance.
Les centres éducatifs fermés peuvent avoir de bons côtés lorsqu'ils sont bien encadrés par des agents de la PJJ, mais ne sont pas une réussite absolue non plus. (Mme Laurence Harribey le confirme de la tête.) Les jeunes n'y ont que huit heures de cours par semaine ; il n'y a pas de cours entre mai et septembre, pas de statut pour les professeurs. Bref, nous ne sommes guère performants.
Pour toutes ces raisons, même si je comprends votre amendement, je ne peux y être favorable. Ce texte prévoit néanmoins des sanctions immédiates si l'assistance éducative n'est pas suivie : c'est une avancée considérable.
Mme Laurence Harribey. - Je souscris aux propos du rapporteur et du garde des sceaux.
Avec Mmes Schalk et Vérien, nous entamons nos auditions. Sur l'efficacité des peines ultracourtes, personne n'est d'accord. Outre qu'on ne saurait les réserver aux mineurs, les professionnels indiquent qu'il faut au moins six mois pour que la prise en charge en centre éducatif fermé porte des fruits. L'efficacité du « choc carcéral » soulève également des réserves. Nous nous rendrons aux Pays-Bas.
S'il doit y avoir de très courtes peines, il faut un accompagnement. Le rapport de la Cour des comptes est très critique sur les centres éducatifs fermés, qui coûtent très cher pour une efficacité incertaine.
Nous voterons contre cet amendement : prenons le temps d'y travailler et d'avoir une vision globale.
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Je soutiens l'amendement de Mme Carrère-Gée. Le dispositif proposé n'est pas la panacée, mais a le mérite de poser le problème. Il faut mettre une butée à la succession de comportements délinquants qui ne sont pas réprimés.
M. le garde des sceaux dit manquer de lieux de détention pour ces mineurs. J'entends qu'il y a des difficultés matérielles, mais est-ce une raison pour refuser d'étudier cette piste ?
La question n'est pas tant celle de l'enfermement que de l'accompagnement éducatif de ces jeunes. Plus on les arrête tôt, plus on leur propose tôt un dispositif éducatif, plus ils pourront prendre conscience de leurs actes et retrouver le droit chemin.
Les autres solutions ne fonctionnent pas, on le voit avec les centres éducatifs fermés. Pourquoi ne pas essayer ?
M. Akli Mellouli. - Le modèle néerlandais privilégie les peines alternatives, comme les travaux d'intérêt général, dit le ministre. Inspirons-nous-en !
Je souscris aux propos du rapporteur. Pourquoi prévoir une exception pour les mineurs ?
« Essayons », dit Mme Aeschlimann. Mais on joue avec des vies humaines ! Si la prison formait les citoyens de demain, si les centres éducatifs fermés fonctionnaient, cela se saurait. Misons sur l'éducation et la prévention ; le tout répressif n'est pas la solution, tous les éducateurs vous le diront. La vraie question est celle du suivi de ces jeunes après la peine.
En cédant au dogmatisme, vous jouez aux apprentis sorciers ! Répondons d'abord aux difficultés sociales - sans quoi, nous aurons une énième loi inefficace, bonne seulement à faire monter les fachos qui trouvent qu'on ne va jamais assez loin ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; marques d'indignation sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Laurence Rossignol. - Le ministre de la justice, ancien ministre de l'intérieur qui plus est, vous dit que cet amendement n'est pas opérant. On ne peut pourtant pas le soupçonner d'être contre votre camp en matière de politique pénale, carcérale et sécuritaire !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - L'enquête le dira...
Mme Laurence Rossignol. - Quand le rapporteur vous dit que votre mesure n'est pas applicable, vous ne l'entendez pas non plus.
« Cela permet de poser le problème », dites-vous ? Ici, nous réformons le code pénal, nous ne faisons pas des lois déclamatoires !
Savez-vous combien de mesures éducatives sont en attente ? Plus de quatre mille ! Savez-vous que certains mineurs auteurs n'ont pas vu d'éducateur de la PJJ depuis six mois ? En prônant une solution purement carcérale, vous prenez acte des insuffisances de la PJJ, mais poursuivez la dégradation de la prise en charge de ces mineurs. Nous sommes autant que vous préoccupés par les problèmes qu'ils posent à la société. Il n'y a pas d'un côté ceux qui se soucient de la sécurité publique, et de l'autre, ceux qui ne s'intéresseraient qu'aux enfants !
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Nous n'avons pas de leçon à recevoir.
Mme Laurence Rossignol. - Nous en recevons à longueur de journée : je ne vais pas me gêner pour dire ce que je pense !
M. Marc-Philippe Daubresse. - Je voterai cet amendement. Maire pendant vingt-neuf ans, j'ai mis en place des politiques de prévention. J'ai constaté à maintes reprises que les mesures éducatives ne suffisaient pas à prévenir la récidive, voire la multirécidive.
On peut discuter des moyens, mais c'est un autre sujet.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - C'est quand même un sujet.
M. Marc-Philippe Daubresse. - J'ai cité le cas d'un jeune qui se lance dans le trafic à 14 ans - aujourd'hui, ce serait 12 ans -, gangrène tout un quartier, multiplie cambriolages, car-jackings et home-jackings, est interpellé en flagrance à trente-cinq reprises et fait l'objet de trente-cinq rappels à l'ordre. (Mme Laurence Harribey proteste.)
M. Guy Benarroche. - C'est une fable !
M. Marc-Philippe Daubresse. - La trente-sixième fois, il est envoyé en centre éducatif fermé ; il s'en moque. On ne le voit plus pendant quinze jours. Puis il atteint ses 18 ans, repasse une trente-septième fois devant le tribunal, qui, là, le condamne à la prison. Il y a passé un an et demi. On ne l'a plus revu faire son trafic dans le quartier.
Le simple fait d'avoir une sanction répressive au-dessus de votre tête, accompagnée d'une sanction éducative, peut calmer un délinquant. Nous devons essayer. Nous voterons cet amendement.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Nous sommes tous d'accord sur le rôle de la sanction.
Mme Laurence Rossignol. - Bien sûr !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - La politique pénale pour les mineurs ne fonctionne pas, je suis le premier à le dire.
J'ai moi aussi été maire et confronté aux mêmes difficultés. Quand on sait ce qui conduit les mineurs à rentrer dans la délinquance violente, on peut se demander si un mois de prison ou de centre éducatif fermé est une réponse, vu le fonctionnement actuel.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Vous n'avez pas de réponse.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - En tant que chef d'administration, chargé de l'application de la loi, je vous dis que cette mesure est inapplicable. La faute à qui ? Depuis Albin Chalandon...
M. Marc-Philippe Daubresse. - C'était en 1986 !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - ... - j'avais 4 ans -, on n'a quasiment plus construit de places de prison. Or le ministère de la justice met sept ans à construire une prison.
Peut-être faut-il des courtes peines - je suis prêt à en débattre, même si je n'ai pas d'étude établissant leur efficacité -, mais les prisons sont déjà pleines ! Allez-vous faire sortir des gens en détention provisoire pour crime afin de les remplacer par des mineurs délinquants ?
Que voulez-vous que je fasse ? Que je sorte un mineur du système éducatif pour le placer en centre éducatif fermé, où il n'aura que huit heures de cours par semaine et rien de mai à octobre ?
M. Marc-Philippe Daubresse. - Vous allez changer tout cela !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Cela ne fait que trois mois que je suis là. Et changer le statut des professeurs prend du temps.
Oui, le système est défaillant, mais le texte voté par l'Assemblée nationale apporte des réponses.
Aujourd'hui, un gamin qui fait du trafic de drogue à Tourcoing ou Lambersart est présenté à un juge qui prononce une mesure éducative ; s'il ne la respecte pas, il ne se passe rien. Ce texte instaure une sanction en cas de non-respect de la mesure éducative : ce peut être le centre éducatif fermé ou le couvre-feu, comme en Espagne. Si le mineur viole le couvre-feu, on passe à une sanction plus forte.
Chacun élève ses enfants comme il peut. Quand on en a, on revoit ses grandes idées.
Mme Laurence Rossignol. - Cela rend modeste !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - En effet. Mais il faut proportionner la sanction. Il y a une différence entre « tu ne feras pas cela ! » répété dix-huit fois sans effet et « tu ne feras pas cela ou tu resteras dans ta chambre pendant trois semaines ».
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Toute l'idée est de proportionner la sanction.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - J'entends, mais un mois de prison directement, ce n'est pas proportionné ! Nous proposons une gradation, avec une sanction si la mesure éducative n'est pas respectée.
Pourquoi la courte peine pour les mineurs, quand elle n'existe pas pour les majeurs ? En 2011 - la droite était aux responsabilités -, 75 % des mineurs passés en prison récidivaient ; on doit être à 100 % de réitérants.
Réfléchissons à des lieux spécifiques d'incarcération pour les mineurs, à des suivis éducatifs sur le modèle du service militaire adapté (RSMA) outre-mer, avec encadrement militaire, pourquoi pas...
M. Marc-Philippe Daubresse. - Ça marche !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Pourquoi pas, en effet, j'y suis favorable. Mais les mettre un mois à Fleury-Mérogis ? Gardons cela pour des personnes en détention provisoire pour crime.
Les dispositions du texte répondent à votre demande de sanction ; votre amendement, qui plus est inconstitutionnel, n'est pas nécessaire.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Sans parler de son caractère anticonstitutionnel, toute personne de bonne foi comprend que cette mesure n'est pas applicable. Vous devrez l'expliquer à l'opinion, qui compte tant pour certains. Tout cela me paraît aberrant.
La question des courtes peines n'est pas taboue, mais une mission d'information est en cours. Il y a des initiatives qui pourront conduire à envisager une peine de prison d'un mois. L'instaurer ainsi, de but en blanc, au détour d'une proposition de loi, n'est pas raisonnable. Une loi qui n'est pas appliquée n'est pas une bonne loi.
M. Olivier Paccaud. - Admettons que chacun ici soit de bonne foi.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - C'est une présomption.
M. Olivier Paccaud. - Vos propos m'ont choqué. Notre ami Akli Mellouli, avec la passion qui le caractérise, a employé le mot de « facho ».
M. Akli Mellouli. - Je n'ai traité personne de facho. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit !
M. Olivier Paccaud. - Le mot est sorti de votre bouche. (M. Akli Mellouli et Mme Mathilde Ollivier s'exclament.) Je voterai l'amendement de Mme Carrère-Gée. Je m'étonne d'entendre le ministre dire qu'une loi serait inapplicable faute de moyens. Lorsqu'on a voulu dédoubler les classes en 2017, on nous a répondu : c'est impossible. Or cela s'est fait ! (Marques d'approbation à droite) Cela a pris parfois du temps... Certes, pour un centre éducatif fermé, il y a un coût. (M. Francis Szpiner le confirme.) Mais si on ne vote que ce qu'on peut faire aujourd'hui, on ne vote plus rien.
Monsieur le rapporteur, vous dites qu'il y a une différence entre les majeurs et les mineurs... C'est l'ordonnance de 1945. Mais le principe de l'amendement de Marie-Claire Carrère-Gée, c'est justement de les différencier ! Je ne comprends pas votre position.
M. Guy Benarroche. - Je ne vais pas utiliser les mots qui vous ont choqué, monsieur Paccaud.
Vous avez l'écoute sélective. Les arguments du rapporteur et du ministre étaient variés : inconstitutionnalité, difficulté d'application, absence de preuve d'efficacité là où la mesure est appliquée, et même effet contre-productif, le mineur risquant de s'incruster dans la délinquance. Vous reprenez le seul élément de l'inapplicabilité... Effectivement, ce n'est pas parce qu'une mesure n'est pas applicable qu'on ne peut pas légiférer. Mais n'oubliez pas les autres arguments.
Monsieur Daubresse, vous dites que le rapporteur a juridiquement raison mais que nous sommes ici pour faire de la politique... Mais nous ne sommes pas dans un meeting politique : nous avons pour mission d'écrire une loi réfléchie et applicable.
Mme Marie Mercier. - Il est extrêmement gênant de voir des jeunes en prison. Nous en voyons et allons en voir. Bien sûr, il ne faut pas qu'ils y restent ou y retournent, mais il faudrait surtout éviter qu'ils y entrent. Comme quelque chose ne fonctionne pas dans notre justice, nous essayons d'inventer. Évidemment, pour une courte peine, ils n'iraient pas à Fleury-Mérogis, Bois d'Arcy ou aux Baumettes...
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Où, alors ?
Mme Marie Mercier. - Il faudrait des endroits spéciaux, où l'on pourrait identifier les situations de danger, les violences, les troubles médicaux ou psychologiques. Un jeune délinquant est aussi une victime.
Les peines ultracourtes sont proposées par le psychiatre Maurice Berger. Ne soyons pas dogmatiques en refusant même d'y réfléchir.
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°50 rectifié septies est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°240 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Pour l'adoption | 184 |
Contre | 136 |
L'amendement n°50 rectifié septies est adopté et devient un article additionnel.
Article 5 (Supprimé)
Mme la présidente. - Amendement n°16 rectifié de Mme Evren et alii.
L'amendement n°16 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement identique n°19 rectifié ter de M. Daubresse et alii.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Nous pensons que l'amendement n°49 rectifié sexies de Marie-Claire Carrère-Gée, sous-amendé par Marie-Carole Ciuntu, a de bonnes chances d'être adopté ; nous retirons donc celui-ci.
L'amendement n°19 rectifié ter est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°17 rectifié de Mme Bellurot et alii.
Mme Nadine Bellurot. - Je le retire aussi. Mais j'aimerais qu'on étudie la possibilité de déroger au principe d'atténuation des peines pour les mineurs de plus de 15 ans.
L'amendement n°17 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°49 rectifié sexies de Mme Carrère-Gée et alii.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Une réponse claire et équilibrée s'impose. Faire du droit, c'est assumer la responsabilité de l'écrire. Pour les mineurs de plus de 16 ans coupables d'infractions graves passibles d'au moins sept ans de prison, cet amendement inverse la logique actuelle du code de la justice pénale des mineurs : il n'y aura pas d'excuse de minorité, sauf décision contraire du juge, que ce dernier devra alors motiver. Le droit actuel conduit à une indulgence quasi systématique, ni compréhensible ni justifiable. La peine ne saurait être toujours fixée selon le prisme de l'âge.
Nous mettons en avant un principe de responsabilité : l'exigence de motivation répond à un impératif judiciaire - le juge devra expliquer en quoi la personnalité ou la situation du mineur justifient un traitement différencié - et de transparence, nos concitoyens devant pouvoir comprendre les décisions de justice.
Mme la présidente. - Sous-amendement n°60 de Mme Ciuntu.
Mme Marie-Carole Ciuntu. - Sans remettre en cause les principes constitutionnels, nous modifions la majorité requise au sein de la cour d'assises des mineurs pour écarter l'application des atténuations de peine, pour assouplir la procédure.
Mme la présidente. - Amendement n°4 rectifié de Mme Vérien et alii.
Mme Dominique Vérien. - Je le retire au profit de l'amendement de Marie-Claire Carrère-Gée.
L'amendement n°4 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement identique n°11 rectifié de Mme Ramia et alii.
Mme Salama Ramia. - Même chose.
L'amendement n°11 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°61 de M. Szpiner, au nom de la commission des lois.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Je me rallie au sous-amendement de Mme Ciuntu, auquel je donne un avis favorable.
L'amendement n°61 est retiré.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - J'ai un seul problème : Marie-Claire Carrère-Gée parle des délits punis de sept ans de prison, mais dans l'amendement, il est fait mention de trois ans. C'est trois ou sept ?
Mme Laurence Rossignol. - C'est trois ans dans l'amendement !
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Je peux rectifier l'amendement.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Je pense qu'il aurait été plus convenable de mentionner cinq ans.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Nous faisons confiance au rapporteur.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Dans ce cas, je donne un avis de sagesse.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Ah, sagesse, d'accord...
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Vous prévoyez l'absence d'atténuation en cas de récidive légale d'un mineur de plus de 16 ans. Cela n'arrivera presque jamais. Mais comme j'ai bien compris qu'il y avait une volonté d'affichage (« Oh ! » à droite) et que je ne veux pas passer pour un affreux hostile à toute répression, sagesse.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Avis favorable au sous-amendement de Marie-Carole Ciuntu et à l'amendement de Marie-Claire Carrère-Gée ainsi sous-amendé.
Notre difficulté, c'est l'automaticité que vous prévoyez. Vous écrivez « en écartant d'office », donc c'est automatique.
Mme Dominique Vérien. - Mais il y a écrit « sauf si ».
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - La proposition de loi Attal dit qu'il n'y a pas, dans certains cas, d'excuse de minorité - que les magistrats utilisent très peu par ailleurs - , sauf décision contraire du magistrat. Mais elle ne l'écarte pas d'office.
Je n'ose évoquer la CMP (sourires), néanmoins il faudra faire attention à la rédaction.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Je rectifie mon amendement dans le sens demandé par le rapporteur, en prévoyant cinq ans.
Mme la présidente. - Il devient donc l'amendement n°49 rectifié septies.
M. Christophe Chaillou. - L'échange est symptomatique de nos débats depuis hier. Peu importe que ce soit constitutionnel ! Peu importe que ce soit efficace ! Il faut y aller, voter, faire de l'affichage. Cela ne peut que nous interpeller. L'atténuation des peines est un principe fondamental de la justice des mineurs. Ce n'est pas mineur, si je peux me le permettre ! Ce principe repose sur la prise en compte du moindre discernement des mineurs et de leur capacité à se réinsérer. C'est le primat aussi de l'éducatif sur le répressif. Cela est constitutionnel et conforme aux engagements internationaux de la France. Nous sommes opposés à cet amendement.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Entre 2007 et 2014, il y a eu des situations validées par le Conseil constitutionnel où l'excuse de minorité était écartée par défaut.
M. Guy Benarroche. - On assiste à la création d'une justice expérimentale. La Constitution, l'écriture du texte, la capacité à appliquer la loi, son efficacité, tout cela importe peu. On peut légiférer au doigt mouillé, a vista de nas. Le texte de loi sera catastrophique, inapplicable et partiellement retoqué.
Je remercie Mme Mercier de ses propos. Pour les autres, vous pensez qu'on peut incarcérer un mineur pendant un mois, puis six... Mais vous savez très bien que tout cela crée de la récidive et n'empêche pas le narcotrafic. Vous voulez donner à l'opinion publique l'impression que vous avez pris le problème à bras-le-corps. Tout cela c'est du grain à moudre pour le RN et nous le paierons tous.
Mme Laurence Rossignol. - Certains d'entre vous ont-ils déjà assisté au délibéré du procès en assises d'un mineur ? Moi oui.
Le tribunal n'a pas levé l'excuse de minorité. À combien a-t-il été condamné, pour un féminicide particulièrement cruel ? Dix-huit ans. Ce qui m'a frappé, c'est que ce garçon n'avait toujours aucune conscience, aucun regret de l'acte commis. Il était toujours dans le déni. L'excuse de minorité aurait été levée, il aurait pris trois ans de plus, mais il aurait été dans le même déni. Je regrette votre fétichisation de l'excuse de minorité. Hier, la présidente Verien a évoqué le meurtrier de Philippine : il avait été condamné à sept ans pour viol, alors qu'il était mineur. Sans l'excuse de minorité, il serait sorti deux ans plus tard. Cela aurait changé beaucoup de choses pour Philippine et sa famille, mais cela n'aurait rien changé pour l'autre jeune fille qu'il aurait sans doute croisée. Ce qui importe, ce n'est pas la durée de son incarcération, mais l'ensemble des dysfonctionnements qui ont suivi. L'excuse de minorité n'a rien à voir avec tout cela. Ce qui compte, c'est la prise de conscience de l'acte.
À la demande du groupe Les Républicains, le sous-amendement n°60 est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°241 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l'adoption | 224 |
Contre | 114 |
Le sous-amendement n°60 est adopté.
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°49 rectifié septies, ainsi sous-amendé, est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°242 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Pour l'adoption | 223 |
Contre | 114 |
L'amendement n°49 rectifié septies, sous-amendé, est adopté.
L'article 5 est ainsi rétabli.
Après l'article 5 (Supprimé)
Mme la présidente. - Amendement n°20 rectifié bis de M. Daubresse et alii.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Le groupe Les Républicains souhaite avancer sur l'excuse de minorité. Je continue à penser qu'il faudra une mesure exceptionnelle de construction de places de prison. Nous pouvons utiliser des procédures dérogatoires pour aller plus vite : ce qui a été fait pour les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) et pour Notre-Dame de Paris peut être fait pour les prisons.
Je retire cet amendement qui était de repli.
L'amendement n°20 rectifié bis est retiré.
Article 6
Mme la présidente. - Amendement n°5 rectifié bis de Mme Vérien et alii.
Mme Dominique Vérien. - Nous voulons rétablir l'article 6 et remplacer le recueil de renseignements socio-éducatifs par une note actualisée lorsque le mineur concerné est suivi par la PJJ.
Simplifions les choses plutôt que de répliquer des recueils de renseignements.
Mme la présidente. - Amendement identique n°22 rectifié quater de M. Daubresse et alii.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°12 rectifié de Mme Ramia et alii.
Mme Salama Ramia. - Cet amendement rétablit l'article 6 dans la rédaction de l'Assemblée nationale. Nos juridictions ont de plus en plus de mal à mener les investigations nécessaires sur la personnalité et la situation des mineurs délinquants. Le recueil de renseignements socio-éducatifs est lourd et redondant quand le jeune est déjà suivi par la PJJ. Nous proposons de le remplacer par une note actualisée, pour une meilleure prise en charge du mineur et une justice plus adaptée aux réalités du terrain.
Mme la présidente. - Amendement n°55 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - C'est le même amendement. Cet article a été introduit par Sacha Houlié à l'Assemblée nationale.
Le manque de personnel des juridictions est connu, et nous ne souhaitons pas surcharger les magistrats et le personnel administratif de demandes qui pourraient être remplacées par des processus moins lourds et tout aussi efficaces.
Le rapport d'évaluation du code de la justice pénale des mineurs préconise le remplacement du recueil de renseignements socio-éducatifs par une note de situation, contenant le cas échéant les coordonnées de l'assureur en responsabilité civile des parents. C'est de bon sens.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Les éducateurs que j'ai entendus en audition y étant unanimement opposés, la commission avait émis un avis défavorable sur les quatre amendements. Mais il s'agit d'un avis mollement défavorable. (Sourires)
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Avis favorable... tout court ! (Sourires)
Mme Laurence Harribey. - C'est le genre d'amendements qui n'apporte pas énormément mais envoie un signe. Nous les voterons. Néanmoins, il faudrait plus de moyens numériques et moins de lourdeurs administratives pour la PJJ. Si le ministère de la justice était un peu plus outillé, il pourrait aussi nous fournir des statistiques plus fournies.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Il faudrait aussi que la PJJ soit plus motivée...
Les amendements identiques nos5 rectifié bis et 22 rectifié quater sont adoptés.
Les amendements identiques nos12 rectifié et 55 n'ont plus d'objet.
L'article 6, modifié, est adopté.
Article 7
Mme la présidente. - Amendement n°23 rectifié quinquies de M. Daubresse et alii.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Pour ne pas limiter la possibilité de placer un mineur en détention provisoire dans le cadre d'une information judiciaire, nous restreignons l'exigence de transmission d'un rapport éducatif aux mineurs poursuivis selon la procédure de jugement en audience unique.
L'amendement n°23 rectifié quinquies, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L'article 7 est ainsi rédigé.
Article 9 (Supprimé)
Mme la présidente. - Amendement n°13 rectifié de Mme Ramia et alii.
Mme Salama Ramia. - Cet amendement rétablit l'article 9 dans la rédaction issue de l'Assemblée nationale. Le code de la justice pénale des mineurs repose sur un principe simple : privilégier la sanction éducative à la sanction répressive. En cas de condamnation, nous souhaitons contraindre la juridiction à proposer systématiquement une mesure de réparation aux parties. Cela s'inscrit pleinement dans l'esprit de la justice restaurative. C'est plus constructif, plus efficace, et cela favorise la responsabilisation des jeunes.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Avis défavorable. La systématisation de mesures de réparation part d'une bonne idée, mais n'est pas adaptée dans la pratique. Comment l'appliquera-t-on aux multirécidivistes imperméables à cette approche ? Ce serait gaspiller les moyens de la PJJ.
L'alinéa 2 viderait de son sens la césure du procès pénal.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Avis défavorable, pour les mêmes raisons. Le problème, c'est l'automaticité : on ne peut pas contraindre le juge. D'ores et déjà, la juridiction propose, chaque fois que cela est possible, une mesure de réparation.
L'amendement n°13 rectifié n'est pas adopté.
L'article 9 demeure supprimé.
Article 10 (Supprimé)
Mme la présidente. - Amendement n°7 rectifié de Mme Vérien et alii.
Mme Dominique Vérien. - Le code de la justice pénale des mineurs prévoit une césure : la peine est prononcée six mois après la déclaration de culpabilité. Nous souhaitons rétablir l'article 10, qui donne à la juridiction la possibilité de prononcer un sursis à statuer en cas d'appel et laisse quatre mois à la cour d'appel pour trancher. Nous demandons au juge de faire vite pour les mineurs, nous pouvons aussi le demander à la cour d'appel.
Il paraît cohérent que la peine corresponde à une culpabilité avérée, confirmée par la cour d'appel.
Mme la présidente. - Amendement identique n°14 rectifié de Mme Ramia et alii.
Mme Salama Ramia. - Défendu.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Je suis viscéralement contre, pour une raison simple : le principe du double degré de juridiction, dont vous ne pouvez priver les mineurs. Il existe un effet dévolutif de l'appel. La cour d'appel peut décider de la culpabilité et de la peine.
En outre, vous ne pouvez pas imposer de délai à la cour d'appel, car, si ce délai n'était pas respecté, aucune sanction ne serait prononcée et ce serait la fête pour tous les délinquants...
Cet amendement pose problème, techniquement et philosophiquement. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Même avis. Le délai de quatre mois paraît compliqué à tenir, sauf moyens énormes que les parlementaires ne manqueront pas de voter en faveur du budget de la justice... (Sourires)
Les amendements identiques nos7 rectifié et 14 rectifié sont retirés.
Après l'article 10 (Supprimé)
Mme la présidente. - Amendement n°25 rectifié quater de M. Daubresse et alii.
M. Marc-Philippe Daubresse. - J'ai écouté le garde des sceaux tout à l'heure. Il a été ministre de l'intérieur.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - C'était le bon temps.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Il se souvient des émeutes, des regroupements de jeunes la nuit, de ce qui s'est passé à Halluin et à Roubaix.
On cherche tous des solutions, Marie Mercier l'a dit. Dans cet esprit, nous proposons avec cet amendement la création d'un couvre-feu.
L'amendement n°25 rectifié quater, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°27 rectifié septies de M. Daubresse et alii.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Amendement de cohérence avec le précédent, qui précise la marche à suivre quand un mineur ne respecte pas les mesures éducatives auxquelles il est soumis. L'autorité judiciaire et les représentants légaux seront systématiquement avisés.
L'amendement n°27 rectifié septies, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°26 rectifié quater de M. Daubresse et alii.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Défendu.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Avis défavorable. Je comprends la logique de notre collègue, mais la rétention prévue soulève des difficultés. C'est un vrai sujet : si le non-respect des mesures éducatives n'a pas de conséquences, ces mesures perdent de leur sens. Mais on ne peut garder un mineur en rétention sans contrôle d'un magistrat du siège ni intervention des représentants légaux. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Avis favorable. Pour l'heure, si le mineur ne respecte pas ses mesures éducatives, il ne se passe rien ; grâce aux mesures proposées par M. Daubresse, une sanction interviendra. Il ne s'agit évidemment pas de détention, mais de rétention dans un centre éducatif fermé, et l'amendement prévoit bien que l'autorité parentale et le juge des enfants seront prévenus.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Je rends hommage à l'inventivité du garde des sceaux, qui vient d'imaginer une notion juridique inconnue : on est privé de sa liberté d'aller et venir, mais ce n'est pas une peine privative de liberté... Soit on est en garde à vue sous le contrôle d'un magistrat du parquet, soit on est en détention sous le contrôle d'un magistrat du siège. La rétention dans les conditions proposées, je vois mal comment elle pourrait prospérer sur le plan constitutionnel. Nul ne peut être privé de liberté sans l'accord d'un magistrat.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Monsieur le rapporteur, il me semble qu'il y a confusion : ce que propose M. Daubresse se fera bien sous le contrôle du juge des enfants.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Absolument ! Nous parlons la même langue, monsieur le ministre... Les amendements de cette série sont cohérents.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Peut-être, mais ce n'est pas constitutionnel !
L'amendement n°26 rectifié quater est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°24 rectifié quinquies de M. Daubresse et alii.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Amendement de cohérence, là aussi.
L'amendement n°24 rectifié quinquies, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°51 du Gouvernement.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Je reviens quelques instants sur l'amendement n°26 rectifié quater, pour dissiper tout malentendu. Une mesure éducative est d'abord prononcée. Lorsqu'elle n'est pas respectée, le magistrat est informé. Le mineur est retenu dans un centre éducatif fermé - reconnaissez que c'est un peu mieux qu'un commissariat - pour une durée maximale de douze heures, après quoi le magistrat statue. Cela me paraît parfaitement constitutionnel.
L'amendement n°51 instaure un couvre-feu sur le modèle espagnol : un mineur pourra être tenu de rester chez lui en dehors des heures d'apprentissage, de travail ou d'autres obligations, par exemple médicales.
L'amendement n°51, accepté par la commission, est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°28 rectifié quater de M. Daubresse et alii.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Nous proposons de doubler, à titre expérimental, le nombre d'assesseurs siégeant auprès du juge des enfants dans les tribunaux pour enfants. Ces assesseurs perçoivent une indemnité - certes peu considérable, mais l'amendement a donc un coût. Le garde des sceaux a annoncé qu'il levait le gage. (M. Gérald Darmanin le confirme.) Cette mesure renforcera l'implication de la société dans les décisions à l'égard des mineurs.
Mme la présidente. - Amendement n°40 rectifié de Mme Ramia et alii.
Mme Salama Ramia. - Le tribunal pour enfants est présidé par un juge des enfants, accompagné de deux assesseurs. Nous proposons de porter le nombre de ces derniers à quatre pour renforcer le rôle de la société dans les décisions de justice à l'égard des mineurs et la solennité des audiences. Je propose que Mayotte soit territoire d'expérimentation.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Avis favorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Même avis.
Mme Laurence Rossignol. - Puisqu'il est question d'associer les citoyens, peut-être pourrait-on en profiter pour supprimer les cours criminelles départementales, dont ils sont exclus...
L'amendement n°28 rectifié quater est adopté et devient un article additionnel. L'amendement n°40 rectifié n'a plus d'objet.
Article 11
Mme la présidente. - Amendement n°21 rectifié ter de M. Daubresse et alii.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Cet amendement de coordination n'a plus lieu d'être.
L'amendement n°21 rectifié ter est retiré.
L'article 11 est adopté.
Après l'article 11
Mme la présidente. - Amendement n°41 rectifié de M. Fialaire et alii.
Mme Maryse Carrère. - Le rapport de 2022 dont M. Fialaire est l'un des coauteurs met en lumière l'insuffisance des statistiques disponibles. Nous demandons un rapport assurant un suivi détaillé de la délinquance des mineurs.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Notre doctrine est claire : avis défavorable aux demandes de rapport. Il ne tient qu'à nous de faire usage de nos pouvoirs de contrôle.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°41 rectifié n'est pas adopté.
Intitulé de la proposition de loi
Mme la présidente. - Amendement n°8 rectifié de Mme Vérien et alii.
Mme Dominique Vérien. - Le rapporteur a proposé un nouvel intitulé, les travaux de la commission ayant réduit l'ambition du texte. Comme nous l'avons à nouveau renforcée en séance, revenons à l'intitulé initial.
Mme la présidente. - Amendement identique n°15 rectifié de Mme Ramia et alii.
Mme Salama Ramia. - Défendu.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Je trouve l'intitulé originel blessant et péjoratif pour l'institution judiciaire. Avant que M. Attal ne s'y penche, la justice des mineurs aurait été déliquescente ; puis, tel Zorro, il en aurait restauré l'autorité... Je serais magistrat pour enfants, éducateur ou personnel de la PJJ, je ne le prendrais pas bien. Le législateur gagne parfois à faire preuve de modestie. L'intitulé que nous avons adopté est plus adéquat.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Mollement sagesse... (Marques d'amusement)
Mme la présidente. - Je ne suis pas certaine que ce qualificatif qui commence à apparaître dans notre hémicycle soit approprié.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - J'en suis l'auteur.
Mme Laurence Rossignol. - Nous avons été convaincus par le rapporteur, d'autant qu'il y avait de nombreuses autres possibilités pour nommer ce texte : proposition de loi visant à en finir avec l'ordonnance de 1945, à juger les enfants comme des majeurs, à privilégier l'incarcération des mineurs sur l'éducation... (On ironise à gauche.) Tous ces intitulés auraient été plus conformes à l'esprit qui anime les promoteurs du texte. Ils n'ont d'ailleurs cessé de dire eux-mêmes qu'il ne serait pas applicable ou que le Conseil constitutionnel n'en laisserait pas subsister grand-chose.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Vous n'êtes pas le juge constitutionnel.
Mme Laurence Rossignol. - Mais vous opterez pour votre titre, parce que vous êtes tellement fiers de vous !
À l'issue d'une épreuve à main levée déclarée douteuse, les amendements identiques nos8 rectifié et 15 rectifié, mis aux voix par assis et levé, ne sont pas adoptés.
Vote sur l'ensemble
M. Christophe Chaillou . - Chacun est conscient de la nécessité de répondre aux interrogations sur la justice des mineurs, notamment dans le contexte de plusieurs événements récents.
Ce texte a fait l'objet d'un travail important avec l'éclairage juridique du rapporteur. L'approche de la commission des lois était largement partagée, même si nous nous étonnons de la position changeante de plusieurs de ses membres sur certains sujets.
Le débat a été symptomatique d'une certaine dérive du Sénat : aucune prise de recul sur les dispositions récentes, aucune prise en compte du monde judiciaire, opposé à la proposition de loi, aucun égard pour la constitutionnalité des mesures, ou si peu.
Le texte issu de nos débats va à l'encontre des principes fondamentaux de la justice des mineurs : atténuation de la responsabilité en fonction de l'âge, primauté de l'éducatif, spécialisation des juridictions. Les lignes rouges ont été franchies sur la comparution immédiate dès 15 ans et l'atténuation des peines.
Sans surprise, nous voterons contre le texte. S'il venait à être définitivement adopté, le juge constitutionnel serait amené à s'y pencher de près. L'émotion ne doit pas nous conduire à légiférer de façon émotionnelle.
Mme Marion Canalès . - Un Clermontois fameux, Blaise Pascal, a dit : « Le propre de la puissance est de protéger. » Rien dans ce texte ne s'inscrit dans cet esprit.
Hier, vous avez instauré la comparution immédiate pour les mineurs. Aujourd'hui, majorité sénatoriale et Gouvernement ont navigué vers une justice expérimentale bricolée, affranchie de l'excuse de minorité.
Rien pour protéger les mineurs et répondre aux difficultés structurelles du secteur de l'accompagnement. Ce débat n'aura été qu'une succession de suspensions de séance (on ironise à droite)...
M. Laurent Somon. - Il y en a eu une !
Mme Marion Canalès. - ... d'allers-retours et de tergiversations. Sans parler des nombreux risques d'inconstitutionnalité.
Oui, la puissance publique est là pour protéger. Hélas, ce gouvernement est plus prompt à punir qu'à protéger.
M. Ian Brossat . - Dès l'ouverture de ce débat, nous avons exprimé un certain nombre de craintes. De fait, elles se sont révélées fondées. Nous voterons contre ce texte qui remet en cause les principes de l'ordonnance de 1945.
Je regrette que, depuis plusieurs semaines, cette assemblée verse dans une forme de populisme législatif. On ne peut balayer d'un revers de main les risques d'inconstitutionnalité, surtout lorsqu'ils sont soulevés par le rapporteur lui-même, issu de la majorité sénatoriale. Cette attitude ne laisse pas de nous inquiéter.
M. Marc Laménie . - Le groupe INDEP votera cette proposition de loi. Je salue le travail de la commission et du rapporteur, ainsi que tous les collègues qui sont intervenus sur ce sujet sensible.
À titre personnel, je voterai contre ce texte, pour plusieurs raisons.
Le rapporteur a dit que le législateur devait faire preuve de modestie : pour défendre les mineurs, nous devons écouter les professionnels de l'enfance. La procédure de comparution immédiate est inadaptée aux mineurs, dont nous devons respecter les droits. Nous manquons cruellement de moyens, avec la suppression de 500 postes à la PJJ et des juridictions saturées. Incarcérer des mineurs, c'est les confronter à un milieu carcéral violent et dangereux. Et à la sortie, quid de leur éducation et de leur insertion professionnelle ?
Mme Laurence Rossignol . - Je remercie notre collègue Marc Laménie de me conforter, pour la deuxième fois en huit jours, dans l'idée que développer des arguments sérieux et débattre dans l'hémicycle sert à quelque chose. Il a écouté et a changé son vote.
Mme Laure Darcos. - Dans notre groupe, on est libre.
Mme Laurence Rossignol. - Bien sûr, chacun est indépendant au groupe Les Indépendants...
Le groupe SER ne peut pas voter un tel texte. Au-delà de ses malfaçons, il traduit des ruptures philosophiques. Je ne vous ai jamais entendu dire, chers collègues Les Républicains, que l'éducatif devait primer le répressif, qu'un mineur délinquant était un enfant en danger (Mme Marie-Claire Carrère-Gée proteste), ni reconnaître que l'emprisonnement, ça ne marche pas... Je ne vous ai jamais entendu parler de prévention.
Les infractions pénales des mineurs sont un échec socio-éducatif collectif. Avec les deux coupables que vous avez trouvés - les juges des enfants et les parents - , les chiffres de la délinquance juvénile n'ont pas fini de monter ! (Mme Marie-Carole Ciuntu ironise ; M. Jérôme Durain applaudit.)
M. Guy Benarroche . - Un troisième coupable a été trouvé, madame Rossignol : les enfants eux-mêmes.
Nos débats, vus de l'extérieur, sont lunaires, ainsi que le titrait un journal. Le rapporteur et le ministre, tous deux issus de votre majorité, vous ont expliqué pendant de longues minutes à quel point vos amendements comportaient des risques constitutionnels, mais vous êtes restés sourds.
C'est du pur affichage, destiné à faire croire que vous êtes les plus répressifs. Mais vous ne tiendrez pas votre promesse et cela sera favorable à l'extrême droite, vous le savez.
Votre second objectif, c'est d'acculer une nouvelle fois le Conseil constitutionnel à censurer vos dispositions, pour en faire une cible.
Pour vous, les mineurs sont coupables, telle une génération spontanée, comme si notre société de consommation extrême n'était pour rien dans cette violence...
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
M. Guy Benarroche. - Vous voulez de la comparution immédiate et des peines de prison ultracourtes, mais ça va résoudre quoi ?
M. Laurent Somon . - Si le monde était idéal, nous n'aurions pas eu ce débat. Mais l'augmentation de la délinquance des mineurs nous impose ce débat.
Nous ne faisons pas le procès des uns ou des autres : l'éducatif et le sécuritaire sont complémentaires.
Le constat est partagé. Le rôle du législateur, c'est d'améliorer la législation quand la société change. Vous nous reprochez l'absence d'étude d'impact ; mais nombre de lois que vous avez soutenues en étaient également dépourvues - voyez la loi NOTRe ! On en a vu les conséquences... (M. Thomas Dossus ironise.)
Ne faisons pas le travail du Conseil constitutionnel (M. Guy Benarroche hausse les sourcils), nous votons des textes pour améliorer la situation. Nous ne faisons pas non plus le travail de la CMP. Conservons l'indépendance du Sénat !
Attendons le bilan de l'application des lois, car il existe des lacunes - je pense par exemple aux mesures éducatives non suivies.
Je pense aussi aux victimes et à leurs familles. Les mesures éducatives ne régleront pas tout. (Mme Marion Canalès proteste.)
Mme Laurence Rossignol. - Personne n'a dit cela !
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
M. Laurent Somon. - La société change : nous devons évoluer.
Mme Laurence Harribey . - J'espère que vous ne nous faites pas le procès de n'être que pour l'éducatif, sans quoi nous n'aurions pas voté à l'unanimité la proposition de loi sur le narcotrafic. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Henri Cabanel applaudit également.)
Je travaille de manière rigoureuse et honnête. Quand, sur ce sujet, l'ensemble des personnels de justice nous disent que cela ne sert à rien, je les écoute, car je sais que je n'ai pas la science infuse.
En votant des textes peu applicables, nous fabriquons de l'antiparlementarisme et de l'extrémisme. Je suis soucieuse de ne pas participer à cela.
J'ai fait plusieurs immersions, dans un tribunal pour enfants, un tribunal judiciaire et un service pénitentiaire d'insertion et de probation (Spip) : c'est le b.a.-ba du parlementaire. Je suis étonnée par le manque de connaissance du terrain.
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
Mme Laurence Harribey. - Si l'on avait une délégation sénatoriale aux droits de l'enfant, nous pourrions développer une expertise sur ce sujet. J'invite le Sénat à y réfléchir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ainsi que sur quelques travées du groupe CRCE-K)
À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de loi est soumise à scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°243 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 227 |
Contre | 113 |
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.