Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.
Accueil de scientifiques états-uniens
M. Pierre Ouzoulias . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées des groupes SER et Les Républicains) Une nouvelle inquisition sévit aux États-Unis : ses victimes sont les scientifiques, la connaissance et la rationalité. Des chercheurs sont licenciés, des mots interdits, des disciplines proscrites. La méthode scientifique est répudiée. Les nouveaux Torquemada condamnent la raison critique héritée des Lumières.
Cette croisade obscurantiste ne touche pas que les États-Unis. Elle a ses thuriféraires en Europe et en France. Elle veut abolir les principes éthiques et rationnels de notre démocratie.
Plusieurs milliers de scientifiques ont été licenciés et 300 000 sont menacés. La France doit tout mettre en oeuvre pour les accueillir. Plusieurs universités leur ont déjà offert les moyens de poursuivre leurs recherches. Ces efforts doivent être intensifiés et coordonnés en France et en Europe.
Il faut sauver ces chercheurs, mais aussi leurs données scientifiques, patrimoine commun de l'humanité, qui risquent de disparaître dans un gigantesque autodafé numérique.
La République française, qui considère avec Monge et Condorcet qu'un savoir rationnel et scientifique autonome du pouvoir politique est l'une des conditions de la démocratie, doit tout mettre en oeuvre pour soutenir ces scientifiques. (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDSE, du RDPI et des groupes INDEP et UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche . - La situation est très préoccupante aux États-Unis : il suffit de regarder l'état du NIH, de la NSF, de la NOAA ou de la Nasa.
Des pans entiers de la recherche sont sabrés dans le domaine médical, sur des suivis d'épidémies, des zoonoses, mais aussi sur les questions liées au climat. C'est doublement dramatique : il y a moins de chercheurs et des programmes internationaux sont menacés ou arrêtés.
Des bases de données utilisées dans le monde entier sont inaccessibles et certains mots-clés sont interdits. Cela pose des difficultés majeures à toute la communauté scientifique internationale.
Certaines universités ouvrent des postes pour accueillir ces chercheurs. Nous soutenons ces efforts.
Il faut aussi mobiliser la Commission européenne et développer l'autonomie stratégique de l'Europe en matière de recherche. Nous devons reconsidérer tous nos partenariats et nous doter de bases de données autonomes, pour que tous les chercheurs développent une recherche libre, autonome, fondée sur la liberté académique. (M. François Patriat et Mme Vanina Paoli-Gagin applaudissent.)
Agression du rabbin d'Orléans
M. Pierre-Antoine Levi . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le 22 mars, le rabbin d'Orléans, Arié Engelberg, a été agressé en pleine rue devant son fils de 9 ans, à l'approche de Pessah.
Pas moins de 1 570 actes antisémites ont été recensés en 2024, représentant 62 % des crimes de haine religieuse perpétrés dans notre pays.
Nous dénonçons la banalisation de l'antisémitisme d'atmosphère. Je pense aux déclarations irresponsables de LFI. Ils poursuivent leur travail de sape depuis le 7 octobre. En témoigne la prétendue marche contre le racisme de samedi dernier, devenue une marche pour l'antisémitisme. Quelle honte !
Ce sont les valeurs mêmes de la République qui sont atteintes.
Face à cette situation profondément alarmante, nous ne pouvons rester silencieux. La sécurité de nos concitoyens de confession juive doit être notre priorité.
Quelles mesures spécifiques pour garantir la sécurité des lieux de culte à l'approche des fêtes religieuses et quels moyens contre l'antisémitisme qui gangrène notre société ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe SER)
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations . - L'événement qui a eu lieu à Orléans a choqué tous les Français - heureusement. C'est un homme de foi, un père, qui a été attaqué devant son enfant, par un auteur très jeune. Cela devrait nous préoccuper : victimes comme auteurs sont de plus en plus jeunes.
Nous devons apporter une réponse collective à l'antisémitisme d'atmosphère, à tous ceux qui font comme si cela pouvait être acceptable, comme si l'on pouvait reprendre l'iconographie des années 1930...
Appeler à la mobilisation contre la haine ne peut signifier marcher main dans la main avec un fiché S. C'est cela l'antisémitisme d'atmosphère qui prolifère dans notre pays. L'indifférence, voilà le risque auquel nous devons faire face.
Le Sénat a agi : je salue l'adoption de la proposition de loi Lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur, que vous avez défendue avec Bernard Fialaire. Lors de son examen à l'Assemblée nationale, nous souhaitons y intégrer les conclusions des assises de lutte contre l'antisémitisme, que j'ai relancées ; il s'agit de former les enseignants et de lutter dès le plus jeune âge contre la désinformation et le complotisme.
Au Sénat, je vous sais toutes et tous rassemblés dans ce combat et vous en remercie. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP et sur quelques travées du groupe SER)
Protection des écosystèmes marins
Mme Mathilde Ollivier . - (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER) L'heure est à l'urgence pour l'océan, notre meilleur allié, qui subit pourtant une pression extrême : surpêche, pollution, acidification...
Ce week-end, le Président de la République organise le sommet SOS Océan, en amont de la Conférence de l'ONU à Nice, en juin.
Nous nous sommes fixé des objectifs ambitieux et clairs : 30 % d'aires marines protégées, 10 % en protection stricte. Or la réalité est tout autre : seulement 1,6 % des aires marines sont réellement protégées ; ailleurs, tout est permis !
Il faut un objectif clair de 10 % de protection stricte et en finir avec l'écran de fumée de la protection forte à la française.
Vous devez promouvoir une transition claire et durable de la pêche, avec la fin de la pêche au chalut de fond.
Nous ne pouvons pas donner des leçons au monde entier alors que nous ne sommes pas à la hauteur. Allez-vous sortir du flou ? Quelle est votre vision pour protéger les écosystèmes marins ? (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - La protection des écosystèmes marins est une des priorités de Mme Pannier-Runacher, qui est à Berlin pour le Dialogue de Petersberg sur le climat.
Un poumon bleu, un trésor de biodiversité et un élément essentiel de notre souveraineté alimentaire : voilà ce que sont les fonds marins. Nous devons les préserver. C'est l'objectif des aires marines protégées.
Vous pointez l'impact du chalutage de fond. Sa pratique est interdite depuis 2016 à plus de 800 mètres de profondeur. Nous étudions avec les acteurs la possibilité d'élargir cette mesure.
Nous voulons nous appuyer sur des données scientifiques. C'est le travail de Mme Agnès Pannier-Runacher avant la Conférence de l'ONU à Nice. Notre boussole, c'est la science. Nous travaillons pour faire diminuer la pression globale et la pression zone par zone.
Néanmoins, le chalutage assure 40 % des volumes de nos criées. Son interdiction aboutirait à la disparition de notre pêche artisanale.
M. Jean-François Rapin. - Bravo !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée. - Quelque 80 % de notre consommation de produits de la mer est importée de pays où les normes environnementales sont moins vertueuses. Nous devons donc agir en France, mais aussi combattre la pêche illégale ailleurs. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)
M. Max Brisson. - Très bien !
Mme Mathilde Ollivier. - Installer des photographies sur les océans autour du Sénat ne suffira pas. Dire d'une zone dont on détruit les fonds marins qu'elle est protégée, c'est absurde. Le Sénat ne peut ignorer la réalité scientifique et l'océan ne peut plus attendre ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)
Rixe mortelle à Yerres
M. Jean-Raymond Hugonet . - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.) Monsieur le Premier ministre, il y a 48 heures à Yerres, dans mon département de l'Essonne, une fois encore, une fois de trop, un adolescent a perdu la vie après avoir été poignardé lors d'une rixe entre quartiers. Ce gigantesque gâchis nous plonge dans l'effroi ; nos pensées vont aux familles.
Aujourd'hui, 90 % des rixes ont lieu en région parisienne. Comme le dit la préfète Frédérique Camilleri, un quart des rixes recensées en France ont lieu en Essonne.
Pourtant, les acteurs de terrain travaillent d'arrache-pied contre ce fléau.
Mais l'ultraviolence juvénile n'est pas le fruit du hasard. Partout, l'autorité est bafouée et les jeunes concernés sont souvent en échec scolaire dès l'école primaire.
Je ne remets pas en cause la volonté des ministres qui se succèdent, mais rien ne change vraiment. Quelle est votre analyse de cet échec collectif ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Je partage avec vous l'extrême tristesse de cet événement survenu à Yerres.
Les violences en bande ont augmenté. L'Essonne concentre un quart de ces événements.
Les policiers ont interpellé six individus, issus des deux quartiers. Ceux-ci étaient défavorablement connus des forces de l'ordre.
Pas moins de 338 rixes ont été recensées en 2024. Les armes blanches sont présentes dans trois quarts des situations et circulent même dans les écoles.
Cinq personnes sont décédées en 2024, contre deux en 2023.
La préfète a réuni hier les élus locaux, en présence du Procureur de la République. La CRS 8 a été déployée dès hier soir.
Au-delà du constat, l'enjeu est de mieux prévenir. Des actions seront conduites avec l'éducation nationale dans et aux abords des établissements scolaires. Le maire de Cernay, près de Mulhouse, a engagé une démarche remarquable dans ce domaine.
La Haute Assemblée examine en ce moment la proposition de loi de M. Attal relative à la délinquance des mineurs.
Nous avons engagé la révision de la stratégie nationale de prévention de la délinquance.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Bien sûr, nous allons légiférer si le Conseil constitutionnel ne détricote pas ce que nous votons ici. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Joshua Hochart applaudit également ; vives protestations à gauche ; M. Franck Montaugé mime une brasse coulée.)
Plusieurs voix sur les travées du groupe SER. - C'est honteux !
M. Jean-Raymond Hugonet. - Il faut aussi que le Gouvernement publie des circulaires et donne des instructions au parquet sur le port de couteaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Turquie
Mme Nicole Duranton . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Celui qui gagne Istanbul gagne la Turquie, avait déclaré Erdogan il y a quelques années. Cela résonne particulièrement aujourd'hui. L'AKP a perdu Istanbul en 2019. Celui qui perd Istanbul perd-il la Turquie ?
L'incarcération du très populaire maire d'Istanbul qui venait d'être désigné candidat à la présidentielle par son parti, le CHP, marque une fois de plus un point de bascule dans l'affaiblissement de la démocratie en Turquie, pays pourtant membre de l'Otan et du Conseil de l'Europe et candidat à l'adhésion à l'Union européenne.
Le président Erdogan est confronté à une usure du pouvoir et à une montée en puissance de l'opposition, qui contrôle les principales villes du pays.
Les dérives totalitaires du pouvoir en place conduisent des dizaines de milliers de manifestants à se mobiliser en faveur de la démocratie et de l'État de droit.
Cela fait écho aux résistances en Hongrie, en Serbie, en Géorgie et en Slovaquie. Les démocrates se lèvent pour dire : non, l'autoritarisme et le nationalisme ne conduisent pas à la prospérité, mais à la remise en cause des droits et des libertés de tous.
Comment la France compte-t-elle soutenir le peuple turc dans la défense de ses droits ? Quel dialogue avec la Turquie ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du GEST et du groupe SER)
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe . - Dès le 19 mars, la France a exprimé sa vive préoccupation après l'arrestation puis l'incarcération du maire d'Istanbul, M. ?mamo?lu. Les manifestations qui ont suivi dans toute la Turquie montrent la gravité de la situation.
Soyons clairs : le respect des droits de l'opposition, de la liberté de manifester et de la liberté d'expression est une pierre angulaire de l'État de droit.
La Turquie, en tant que membre du Conseil de l'Europe, a souscrit librement aux engagements de protection de l'État de droit. Leur respect aura une incidence sur la suite de nos relations tant bilatérales que multilatérales.
Nous avons donné des consignes de prudence à nos ressortissants sur place.
Alors qu'un sommet pour l'Ukraine aura lieu demain à Paris, nous travaillons avec tous les partenaires et soutiens de l'Ukraine, y compris la Turquie. (M. François Patriat applaudit.)
Guerre commerciale américaine et filière viticole
M. Jean-Pierre Grand . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) La région Occitanie, en particulier le Languedoc, est le plus grand vignoble de France avec 16 millions d'hectolitres annuels, soit 30 % de la production nationale. La viticulture est la deuxième activité économique de la région après le tourisme.
En 2022, les États-Unis représentaient 19 % des exportations en valeur. La taxation à 200 % des vins et spiritueux, annoncée par le président des États-Unis, s'ajoute à la déconsommation en France et dans le monde - moins 50 % en Chine ! Des droits de douane de 200 % signeraient l'arrêt des expéditions et 4 milliards d'euros de moins pour l'export, sans marché de substitution.
L'impact pour notre filière serait brutal et irréversible. Nous savons combien nos produits viticoles sont un emblème national fort ; aussi est-il logique que certains dirigeants étrangers leur appliquent des mesures de rétorsion. Cibler le whisky, le bourbon et les vins américains n'est pas une bonne idée. Seule la diplomatie française peut faire changer d'avis l'administration américaine. Où en sont les négociations ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe . - Les trois principes du Gouvernement sont clairs : nous devons répondre fermement et de manière proportionnée aux droits de douane injustifiés sur l'acier et l'aluminium. Nous devons rester unis pour soutenir la Commission européenne ; enfin, nous devons agir pour la désescalade, en faisant comprendre aux États-Unis qu'une guerre commerciale ne serait dans l'intérêt de personne.
Les contre-mesures proposées par la Commission européenne sont les mêmes que celles de 2018. Nous lui avons demandé de les adapter, pour tenir compte de la situation spécifique de nos vins et spiritueux.
Jusqu'à présent, l'administration américaine n'a instauré aucun nouveau droit de douane : la Commission poursuit son dialogue avec les États-Unis.
Jean-Noël Barrot est actuellement en déplacement en Asie pour chercher les voies de la désescalade face aux mesures antidumping lancées par la Chine. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP)
Quatrième année d'internat en médecine générale
M. Henri Cabanel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le 23 décembre 2022, le PLFSS a instauré une quatrième année de formation pour les médecins généralistes. Deux ans plus tard, le flou persiste. Au Journal officiel du 9 août 2023 a été publiée la nouvelle maquette du diplôme d'études spécialisées pour la rentrée universitaire 2023-2024, les premiers étudiants devant entrer en quatrième année en 2026-2027.
Peu d'avancées concrètes depuis. Quel statut pour les docteurs juniors, quelle rémunération, quel accompagnement ?
L'objectif était de former les médecins et de les inciter à s'installer là où ils sont les plus nécessaires, pour lutter contre les déserts médicaux. C'est un enjeu prioritaire. Quand le Gouvernement publiera-t-il les arrêtés d'application de cette réforme essentielle pour l'accès aux soins ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Bernard Buis et Mme Nicole Duranton applaudissent également.)
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Nous sommes pleinement engagés pour la réussite de cette réforme. Pas moins de 3 700 médecins généralistes supplémentaires sont attendus pour novembre 2026. Ce sujet a fait l'objet d'une réunion ce matin avec le Premier ministre.
Il faudra évaluer l'opportunité de cette présence médicale dans les territoires. L'organisation territoriale se fait en lien avec les médecins, puisqu'il y a besoin de maîtres de stage. Cette année d'internat supplémentaire offre aux jeunes médecins l'occasion de se confronter à l'exercice libéral, pour les inciter à s'installer ensuite dans ces territoires.
Nous travaillons avec l'AMF et Départements de France pour trouver des logements et faire découvrir ces territoires aux jeunes médecins.
La rémunération sera modulée en fonction de la participation à l'offre de soins et du niveau de sous-dotation des territoires - même si 87 % du territoire est un désert médical, certains sont particulièrement sous-dotés.
Nous espérons déclencher une prise de conscience, pour une meilleure prise en charge des patients.
M. Henri Cabanel. - Vous n'avez pas répondu : quand prendrez-vous ces arrêtés ? (Marques d'approbation sur plusieurs travées) L'inquiétude grandit dans les territoires malgré une dynamique universitaire très forte. Près de 13 800 praticiens agréés maîtres de stage des universités (Pamsu) ont été recrutés en 2024, soit un quart des médecins généralistes.
Les perspectives de recrutement des futurs Pamsu sont liées aux futurs arbitrages sur le diplôme d'études spécialisées et le statut des maîtres de stage de ces docteurs juniors.
Gouvernance d'EDF (I)
Mme Viviane Artigalas . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous savions déjà que le Gouvernement, dans le prolongement de ses prédécesseurs, ne voulait pas d'un débat parlementaire sur la politique énergétique de la France, à travers la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Nous savons désormais qu'il ne veut pas non plus travailler avec Luc Rémont.
Pourtant, le PDG d'EDF a su mobiliser les personnels dans un contexte énergétique problématique lié à l'agression russe en Ukraine et aux difficultés du nucléaire historique, pour redresser l'entreprise et lancer des projets d'avenir : nouveau nucléaire, énergies renouvelables...
De façon abrupte et inhabituelle, il souligne l'impossibilité du dialogue avec l'État. Le différend est profond et porte sur des questions stratégiques - objectifs, trajectoires - et, plus inquiétant, sur les moyens financiers nécessaires à l'action.
Pouvez-vous nous donner des explications ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K)
M. Mickaël Vallet. - Bravo !
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - La PPE fait l'objet d'un très grand nombre de consultations depuis de très nombreuses années... (M. Yannick Jadot lève les bras au ciel.)
M. Yannick Jadot et M. Fabien Gay. - Et le Parlement ?
M. Éric Lombard, ministre. - ... conformément à la loi que nous appliquons et appliquerons.
Notre objectif central est de parvenir à une économie décarbonée en 2050, en développant à la fois le nucléaire et les énergies renouvelables.
M. Fabien Gay. - On va en débattre !
M. Éric Lombard, ministre. - Cela passera par six réacteurs pressurisés européens - EPR - et par une nouvelle politique commerciale.
Nous considérons que Bernard Fontana, patron de Framatome, qui, à ce titre, a construit les chaudières pour les nouvelles centrales, est idéalement placé pour poursuivre ce chantier à la tête d'EDF. J'ai rendu hommage personnellement à Luc Rémont pour avoir relancé les réacteurs, déployé une stratégie, et trouvé la voie d'un accord sur le financement des centrales. (M. Fabien Gay proteste.)
Il ne peut y avoir de divergence stratégique entre EDF et l'État, puisque ce dernier est actionnaire d'EDF à 100 %.
Après le très bon bilan de Luc Rémont (rires à gauche), Bernard Fontana pourra poursuivre les travaux (protestations à gauche) une fois sa candidature validée par le Parlement au titre de l'article 13 de la Constitution. (M. François Patriat applaudit.)
M. Fabien Gay. - Il faut un débat !
Mme Viviane Artigalas. - Votre réponse nous laisse sur notre faim. Il faut qu'une loi de programmation énergie climat soit débattue au Parlement, comme cela était prévu initialement. Nous pourrons alors débattre des visions divergentes évoquées par Luc Rémont. Le Parlement ne peut pas être exclu de la définition de notre stratégie énergétique, surtout dans un contexte géopolitique aussi tendu.
La PPE version 3 ainsi discutée n'en sera que plus robuste. (Applaudissements à gauche ; M. Philippe Grosvalet, Mme Anne-Catherine Loisier et M. Jean-Michel Arnaud applaudissent également.)
Conflit israélo-palestinien
M. Pascal Allizard . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je rentre d'une visite en Israël et en Cisjordanie en qualité de président de la délégation française à l'assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et de représentant spécial pour les affaires méditerranéennes. Nous y avons rencontré de nombreux décideurs israéliens et palestiniens ainsi que le patriarche orthodoxe grec et des représentants de la société civile. Sur le terrain, la situation demeure tendue et bloquée. Israéliens et Palestiniens vivent dans un climat d'insécurité et de défiance, alors que tous les otages ne sont pas libérés. L'Égypte a préparé une contre-proposition, soutenue par les dirigeants arabes, au projet du président Trump.
La France soutiendra-t-elle ce plan ? Est-elle encore audible au Proche-Orient ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing, Mme Nicole Duranton et M. Akli Mellouli applaudissent également.)
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe . - Vous connaissez l'engagement historique de la France dans la région. Sa position a été claire depuis le 7 octobre : respect du droit humanitaire international, protection des civils, libération inconditionnelle de tous les otages et cessez-le-feu permanent pour retrouver les conditions d'un dialogue vers une solution à deux États, garantissant la souveraineté des Palestiniens et la sécurité d'Israël. Nous soutenons les initiatives des médiateurs américains, qatariens ou égyptiens, mais aussi le plan arabe pour préparer le jour d'après dans la bande de Gaza. Nous travaillons avec nos partenaires européens dans cette perspective ; le Hamas, ennemi d'Israël mais aussi du peuple palestinien, ne devra pas y être associé.
Vous connaissez l'engagement de notre diplomatie à Gaza, au Liban, dans toute la région. La voix singulière, indépendante de la France est celle du respect du droit international et de la paix.
M. Pascal Allizard. - Merci pour votre réponse. L'administration Trump rêve de transformer Gaza en Palm Beach ou en Riviera, quitte à vider le territoire de sa population. C'est inacceptable.
Les habitants de la région aspirent à la paix, à la stabilité et à une vie normale. La politique arabe de la France, sa parole singulière héritée du général de Gaulle, doit redevenir notre boussole diplomatique.
Il faut créer les conditions d'une paix juste et durable pour les deux parties. C'est cette voix équilibrée que le Président de la République doit faire entendre lors de son déplacement en Égypte.
Nous ne pouvons plus assister en spectateurs aux événements mondiaux, comme c'est, hélas, le cas pour les négociations en cours comme en Ukraine. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER, ainsi que sur plusieurs travées du GEST et du groupe CRCE-K ; Mme Sophie Briante Guillemont applaudit également.)
Essor de l'enseignement supérieur privé
M. Yan Chantrel . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) À la Sorbonne, les chercheurs vous interpellent : ils n'ont plus les moyens de remplir les missions de l'université publique, saignée par une baisse de près de 50 % de ses budgets de fonctionnement et d'investissement. Nos universités sont étranglées par le cumul des charges non compensées ces dernières années, alors que le nombre d'étudiants a explosé.
Résultat : l'enseignement supérieur privé prospère. Surfant sur l'anxiété suscitée par Parcoursup et la manne financière de la réforme de l'apprentissage, de nombreux acteurs tirent parti de la faible régulation du secteur pour maximiser leurs profits.
C'est le cas notamment de Galileo, dont le système de maximisation, digne d'Orpea, vient d'être mis au jour par la journaliste Claire Marchal : étudiants entassés au mépris des normes de sécurité, frais exorbitants pour des diplômes en carton, intervenants sous-payés, statistiques mensongères.
Alors que ces boîtes à fric exploitent l'angoisse des jeunes et des familles, vous avez demandé une inspection sur la transparence de leur fonctionnement. C'est un évident préalable, mais nous attendons des actions fortes : contrôles a priori, labellisation renforcée, sanctions en cas de pratiques abusives. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Pierre Ouzoulias et Mme Evelyne Corbière Naminzo applaudissent également.)
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Oui, l'enseignement supérieur privé a connu un développement spectaculaire, parallèlement à l'essor de l'apprentissage. Ces formations professionnalisantes répondent aux souhaits de nombreuses familles. La qualité est souvent au rendez-vous, mais pas toujours.
Dès notre entrée en fonction, Élisabeth Borne et moi-même avons été extrêmement attentifs à cet enjeu. Nous avons déréférencé de Parcoursup un certain nombre de formations qui ne donnaient pas satisfaction. Comme vous l'avez signalé, une inspection a été lancée pour s'assurer de la transparence des pratiques des entreprises d'enseignement supérieur.
En outre, nous préparons avec la ministre du travail une amélioration du label Qualiopi, qui permettra une régulation plus efficace du secteur. Celle-ci est essentielle : nous la devons aux jeunes.
Le coût des formations, parfois très élevé, n'est en aucun cas gage de qualité. Et, bien entendu, il faut expliquer aux familles que les formations publiques répondent très souvent à leurs besoins.
M. Mickaël Vallet. - Accessoirement...
Gouvernance d'EDF (II)
M. Jean-Baptiste Blanc . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'Élysée a mis fin, assez brutalement, aux fonctions de Luc Rémont à la tête d'EDF. Pourtant, sous sa direction, le groupe avait renoué avec une situation financière saine et rétabli sa production.
M. Rémont évoque des désaccords stratégiques sur le financement du nouveau nucléaire et la politique tarifaire.
Cette décision suscite des interrogations nombreuses. Quelles en sont les raisons ? Pourquoi n'y a-t-il eu aucune concertation, aucune explication de Matignon, aucun débat devant la représentation nationale ? Les articles 20 et 21 de la Constitution ne sont-ils pas ignorés ?
Le rapport Armand avait cerné les erreurs passées et formulé des recommandations claires : le Gouvernement envisage-t-il de s'en écarter ?
Plus largement, comment l'État entend-il donner à EDF un cadre stable et soutenable, après deux décennies d'injonctions contradictoires ? Pouvez-vous nous assurer que le projet Hercule, visant un éventuel démantèlement du groupe, ne sera pas remis sur la table ? Quelle feuille de route avez-vous confiée à Bernard Fontana et en quoi diffère-t-elle de celle que M. Rémont aurait refusée ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC)
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - Nous avions un certain nombre de désaccords avec Luc Rémont, ce qui ne m'a pas empêché de lui rendre hommage pour avoir remis en ordre la capacité de production et entamé la réorganisation du groupe.
Nous aurions souhaité, conformément au cahier des charges prévu et à l'accord de novembre 2023, une plus grande réactivité pour la signature de contrats de long terme avec nos grandes entreprises industrielles consommatrices d'énergie : il s'agissait d'un élément tout à fait substantiel du mandat de M. Rémont.
En outre, avec Marc Ferracci, nous considérions être arrivés au terme de la négociation sur le financement du nouveau programme nucléaire ; ce n'était pas la position de M. Rémont.
Cette décision a été prise en total accord avec le Président de la République et le Premier ministre.
Le Parlement sera saisi du projet de nomination du nouveau PDG, conformément à l'article 13 de la Constitution. Le mandat qui lui sera confié est inchangé. Nous souhaitons qu'il poursuive les discussions avec les industriels, parachève l'organisation lancée par Luc Rémont et finalise l'accord financier sur les six nouveaux réacteurs.
Cette décision a été prise dans l'intérêt du pays, d'EDF et de nos entreprises. (M. François Patriat applaudit.)
M. Jean-Baptiste Blanc. - Merci pour ces explications. Il y a une question qu'il faudra bien trancher un jour : EDF est-elle une régie ou une société ? Là aussi, le « en même temps » a ses limites... (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains ; M. Éric Lombard manifeste en vain son souhait de répondre à l'orateur.)
Compensation des charges départementales
Mme Anne-Sophie Romagny . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains) Pour les départements, la coupe est pleine : au rythme actuel, l'année prochaine, 80 % seront dans le rouge.
Dans quelques jours, le 1er avril, le RSA sera revalorisé de 1,7 %. Coût pour les départements : 158 millions d'euros. Comme d'habitude, aucune compensation n'est prévue...
Le Gouvernement aurait pu geler cette hausse en 2025 ou tout simplement compenser la dépense correspondante en loi de finances.
Mme Silvana Silvani. - Qui a voté le budget ? Un peu de cohérence !
Mme Anne-Sophie Romagny. - L'État ne peut pas supprimer les leviers fiscaux des collectivités, leur imposer des recettes non compensées et les accuser opportunément d'être responsables des déficits !
D'autres dépenses supplémentaires non compensées pèsent sur les départements cette année : hausse des cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, extension du Ségur, convention collective nationale unique. Au total, près de 1 milliard d'euros, alors que les dotations aux collectivités sont gelées. (Mme Silvana Silvani s'exclame à nouveau.)
Comment comptez-vous rééquilibrer les relations financières entre l'État et les départements ? Allez-vous compenser la revalorisation du RSA ? (Vifs applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur certaines travées du groupe SER ; Mme Nicole Duranton applaudit également.)
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation . - La dégradation de la situation financière des départements résulte de deux facteurs : la baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et l'accroissement des dépenses sociales. Nul ne le nie.
L'État a pris des engagements, notamment dans le cadre de la fusion progressive de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH). Le Gouvernement a garanti pour cette année un taux de couverture équivalent à celui de l'an dernier. (M. Jean-Baptiste Lemoyne renchérit.) En outre, le fonds de sauvegarde a été reconduit, pour 200 millions d'euros. Au total, pour la Marne, le soutien se monte à 4,1 millions d'euros.
La revalorisation du RSA représente 70 millions d'euros. La loi de finances pour 2025 permet aux départements d'y faire face, puisqu'ils peuvent augmenter les DMTO. Le département de la Marne a connu une baisse des DMTO de seulement 6 % : il pourra faire face.
Enfin, sur l'initiative de votre collègue Stéphane Sautarel, la moitié des départements sont exonérés de ponction sur leur budget de fonctionnement. (M. Stéphane Sautarel apprécie.)
Nous restons sensibles à la situation des départements et préparons une conférence financière des territoires. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Anne-Sophie Romagny. - L'augmentation des DMTO est nécessaire pour absorber les dépenses antérieures non compensées. (Applaudissements sur de nombreuses travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe SER) L'État doit 70 millions d'euros à l'Yonne et près de 100 millions à la Marne !
Échelon de proximité, les départements assurent des compétences de solidarité. (M. Hussein Bourgi approuve.) Aujourd'hui, ils sont à l'os ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains ; applaudissements sur quelques travées du groupe SER)
Vaccination contre les méningocoques
Mme Corinne Imbert . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Devant la recrudescence des infections invasives à méningocoque, la Haute Autorité de santé (HAS) a publié de nouvelles recommandations sur le rattrapage vaccinal. Le nombre d'infections a été particulièrement élevé en janvier, avec treize décès. Cela fait suite à 615 cas d'infections déclarées en 2024, un record depuis 2010.
Les vaccins sont efficaces. En remplacement de la vaccination contre le méningocoque C, obligatoire depuis 2018, la vaccination ACWY est désormais obligatoire chez tous les nourrissons jusqu'à 12 mois, depuis le 1er janvier 2025. La vaccination contre le méningocoque B est recommandée et obligatoire pour tous les nourrissons jusqu'à deux ans, depuis le 1er janvier 2025. Par ailleurs, chez les adolescents de 11 à 14 ans, la vaccination ACWY est désormais recommandée.
Mais la HAS estime qu'il faut aller plus loin, en proposant plusieurs schémas de rattrapage vaccinal. Monsieur le ministre, vous êtes médecin : qu'en pensez-vous ? Allez-vous agir ? Si oui, dans quel délai ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Élisabeth Doineau et Véronique Guillotin applaudissent également.)
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Nous observons une recrudescence des cas de méningites : 600 par an, dont près de 60 décès depuis juillet et 13 en janvier.
Certains territoires nous inquiètent tout particulièrement, comme la métropole de Rennes, avec six cas de la même souche. Depuis un mois, nous y vaccinons et dans quelques jours, 50 000 des 100 000 étudiants auront été vaccinés.
Début février, à la suite du décès d'un enfant de 3 ans dans la Drôme, j'ai réinterrogé la HAS sur le calendrier vaccinal.
Depuis le 1er janvier, il était obligatoire de vacciner les nourrissons contre toutes les souches de méningocoque ; l'obligation est désormais étendue aux enfants de moins de 2 ans, avec rattrapage jusqu'à 3 ans. Il y aura une nouvelle phase de vaccination de rattrapage des 11-14 ans, en lien avec l'éducation nationale, avec une double vaccination méningocoque et papillomavirus. Enfin, la vaccination est fortement recommandée pour les 15-24 ans.
Mais les recommandations de la HAS sont un peu complexes ; nous allons donc proposer une simplification du calendrier vaccinal. Au pays de Pasteur, nous organiserons une grande conférence, le 18 avril prochain, pour lutter contre l'obscurantisme propagé par les antivax sur les réseaux sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
MM. Guillaume Chevrollier et Max Brisson. - Très bien !
Mme Corinne Imbert. - Je salue votre réactivité pour Rennes : vous n'avez pas attendu les recommandations de la HAS pour agir.
Je partage votre avis sur la simplification du calendrier vaccinal, car on s'y perd tous ! Si l'on veut que cela soit bien compris par les familles, il faut simplifier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Prévention et lutte contre les addictions
Mme Catherine Conconne . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous faisons face à une submersion massive. C'est l'une des conclusions de la commission d'enquête du Sénat sur l'impact du narcotrafic en France, de nos collègues Jérôme Durain et Étienne Blanc. Des mesures massives sont annoncées pour traquer ceux qui profitent outrageusement de ce commerce lucratif.
Le 13 mars dernier, à la Martinique, Manuel Valls a parlé d'un risque existentiel d'effondrement de la Martinique face à la violence du narcotrafic. Il nous a promis que l'État ne nous laisserait pas tomber.
La consommation de drogue fait des dégâts croissants dans notre société, avec son lot de souffrances. Mon territoire est concerné par des saisies records, mais aussi par les effets d'une consommation préoccupante. Les professionnels de la santé mentale écopent à la main : ils sont dépassés.
La Cour des comptes a regretté une réponse sanitaire et médico-sociale insuffisante, par manque de volontarisme et défaut de ciblage sur les jeunes, alors que près de la moitié des 18-24 ans reconnaissent avoir déjà consommé du cannabis.
Que compte faire le Gouvernement pour être enfin à la hauteur de la situation ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Les chiffres sont effroyables : 100 000 décès par an sont dus à la drogue, dont 60 000 cancers. Sans oublier l'alcool et le tabac, car tout est lié.
Dans le cadre du plan Santé mentale, grande cause nationale 2025, nous défendons des mesures de tous types : la tolérance zéro vis-à-vis du narcotrafic, mais aussi la prise en charge médicale et psychologique, ainsi que des campagnes de prévention, en lien avec la société française d'addictologie, en direction des jeunes et des femmes enceintes, notamment. N'oublions pas que les consommateurs sont aussi, bien souvent, des patients qui nécessitent une prise en charge. Telle est l'action complète du Gouvernement. (Mme Marie-Claire Carrère-Gée applaudit.)
Mme Catherine Conconne. - On en parle depuis longtemps, mais ça commence quand ? Car aujourd'hui, la prévention des addictions, c'est une petite journée par-ci, un petit spot radio par-là, alors que l'humanité est en train de s'effondrer à cause de la drogue. Il faut des mesures extrêmement déterminées. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du RDSE et du groupe UC ; M. Bruno Sido applaudit également.)
Moulins et barrages
Mme Béatrice Gosselin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il faut parfois des années pour renouveler le droit d'usage d'une installation hydroélectrique. Dans la Manche comme ailleurs, les propriétaires de moulins et de petits barrages produisent une électricité locale, propre et renouvelable, qui s'inscrit pleinement dans votre objectif d'un mix énergétique diversifié. Mais ils ont toutes les peines du monde à obtenir le renouvellement ou l'extension de leur autorisation d'exploiter, qui repose pourtant souvent sur un droit fondé en titre.
Les exigences de l'Office français de la biodiversité (OFB) sont démesurées et les services déconcentrés du ministère font de la surenchère environnementale, au détriment de la production. Cette instruction déséquilibrée est mal vécue sur le terrain, où ceux qui produisent de l'énergie verte sont découragés.
Quand les services de l'État vont-ils enfin faciliter la transition énergétique plutôt que d'en freiner les acteurs de proximité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - L'hydroélectricité est la première source d'énergie renouvelable de notre pays, c'est une source ancienne à laquelle nous sommes attachés et dont nous devons faciliter le développement.
Une mission d'information sur les grands barrages a été confiée aux députés Philippe Bolo et Marie-Noëlle Battistel.
Les petites installations jouent aussi un rôle important. Oui, la réglementation environnementale peut ralentir les projets, car nous devons tenir compte de l'impact écologique de ces barrages ainsi que des différents usages de l'eau.
Un médiateur de l'hydroélectricité a été installé, d'abord en Occitanie grâce à la loi Climat et résilience. Son rôle a ensuite été étendu à toutes les régions, avec la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables.
Nous travaillons à un soutien public spécifique pour les petites centrales, qui rencontrent encore des difficultés. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Béatrice Gosselin. - La production nationale d'hydroélectricité est de 12 térawattheures - ce n'est pas négligeable. Mettez un médiateur si vous le souhaitez, mais, de grâce, permettez-leur de travailler. Quoi de mieux qu'une énergie locale et décarbonée ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ainsi que sur quelques travées du groupe INDEP)
Gouvernance d'EDF (III)
M. Daniel Fargeot . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Vendredi, nous apprenions par la presse le remerciement de Luc Rémont, deux ans après sa nomination. Cela interroge s'agissant d'une entreprise stratégique, engagée dans la négociation des tarifs de l'électricité pour les industries électro-intensives et le pilotage d'un programme nucléaire ambitieux.
Pendant ce temps, le budget de l'EPR de Flamanville est multiplié par quatre pour atteindre 13 milliards d'euros et sa mise en service est, une fois de plus, reportée, à fin 2025.
Le départ précipité de Luc Rémont donne une impression de malaise, de cap incertain, de stratégie étatique qui peine à s'affirmer. Sans inflexion forte, le pilotage restera fragmenté. C'est une alerte stratégique.
Quelle garantie pouvez-vous nous donner sur la stabilité de la gouvernance de l'entreprise et la capacité de l'État à piloter, avec EDF, les futurs EPR 2, sans reproduire les erreurs du passé ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Frédérique Puissat applaudit également.)
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - Si le Parlement autorise sa nomination, le mandat de Bernard Fontana comportera deux axes essentiels.
Le premier est relatif à la politique de prix. Le prix de l'électricité a baissé de 15 % pour les Français depuis le début de l'année et nous voulons instaurer un mécanisme favorisant sa stabilité. EDF doit négocier avec les entreprises électro-intensives, rapidement.
Le second concerne la construction des six EPR. Le devis de construction doit maintenant être stabilisé. Les équipes d'ingénierie, de maîtrise d'oeuvre et d'ouvrage sont désormais constituées, mais la gouvernance doit être mieux structurée, afin de livrer les centrales dans les délais prévus.
La nouvelle architecture du Gouvernement met toutes les dimensions de ce dossier - actionnaire, énergie, grande entreprise - sous l'autorité de Bercy - c'est un gage de cohérence de l'action de l'État.
Avec cette merveilleuse entreprise qu'est EDF, nous maintenons le cap fixé en novembre 2023. Je rends hommage à ses salariés, essentiels pour notre pays. (M. François Patriat applaudit.)
M. Daniel Fargeot. - La trajectoire que vous dessinez est intéressante, mais elle appelle une vigilance de chaque instant, sans coupure. La relance nucléaire doit se traduire par des engagements stables, une gouvernance claire et des résultats tangibles, en particulier sur les EPR. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
La séance est suspendue à 16 h 20.
Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente
La séance reprend à 16 h 30.