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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Hommage aux victimes du terrorisme

Parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal

Harmoniser le scrutin de liste aux élections municipales (Procédure accélérée)

Discussion générale commune

M. Éric Kerrouche, auteur de la proposition de loi organique et rapporteur de la commission des lois

Mme Nadine Bellurot, auteure de la proposition de loi organique et rapporteure de la commission des lois

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité

M. Cédric Chevalier

Mme Agnès Canayer

M. Didier Rambaud

M. Michel Masset

Mme Anne-Sophie Patru

Mme Cécile Cukierman

Mme Ghislaine Senée

M. Pierre-Alain Roiron

M. Olivier Paccaud

M. Jean-Michel Arnaud

M. Bruno Belin

Discussion des articles de la proposition de loi

Article 1er

Mme Jocelyne Guidez

Mme Kristina Pluchet

M. Olivier Jacquin

M. Joshua Hochart

Mme Cécile Cukierman

M. Alain Houpert

Mme Anne Chain-Larché

Mme Sonia de La Provôté

M. Cédric Vial

Mme Corinne Féret

Mme Anne-Sophie Romagny

M. Bernard Fialaire

Mme Ghislaine Senée

M. Laurent Somon

Après l'article 1er

Article 1er bis

Article 1er ter

Après l'article 1er ter

Article 2 (Supprimé)

Article 3

Après l'article 3

Article 4 (Suppression maintenue)

Article 5

Intitulé de la proposition de loi

Vote sur l'ensemble

Mme Cécile Cukierman

M. Cédric Chevalier

M. Cédric Vial

M. Pierre-Alain Roiron

M. Vincent Louault

M. Jean-Marie Mizzon

Mme Annick Jacquemet

M. Christian Bilhac

Mme Ghislaine Senée

Discussion des articles de la proposition de loi organique

Article 1er

Résilience des infrastructures critiques et renforcement de la cybersécurité (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique

M. Hugues Saury, rapporteur de la commission spéciale

M. Patrick Chaize, rapporteur de la commission spéciale

M. Michel Canévet, rapporteur de la commission spéciale

Mme Vanina Paoli-Gagin

Mme Patricia Demas

Mme Nicole Duranton

M. Bernard Fialaire

M. Olivier Cadic

Mme Michelle Gréaume

M. Akli Mellouli

Mme Audrey Linkenheld

Mme Marta de Cidrac

M. Mickaël Vallet

Mme Catherine Belrhiti

Mise au point au sujet d'un vote

Résilience des infrastructures critiques et renforcement de la cybersécurité (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles

Article 1er

Mme Hélène Conway-Mouret

Mme Michelle Gréaume

Avant l'article 5

Article 5

Mme Catherine Morin-Desailly

Article 5 bis

Après l'article 5 bis

Article 6

Ordre du jour du mercredi 12 mars 2025




SÉANCE

du mardi 11 mars 2025

65e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Alain Marc, vice-président

Secrétaires : Mme Marie-Pierre Richer, M. Mickaël Vallet.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Hommage aux victimes du terrorisme

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs et Mme la ministre se lèvent.) Madame la ministre, mes chers collègues, depuis 2019, le 11 mars est la journée nationale d'hommage aux victimes du terrorisme. C'est également la date choisie par l'Union européenne, en souvenir de l'attentat qui a eu lieu en 2004 à Madrid. Le terrorisme n'a pas de frontières.

En cette journée de commémoration, nous pouvons nous souvenir des nombreuses victimes des actes de terrorisme qui ont ensanglanté à plusieurs reprises notre pays. Plus que jamais, nous devons rester unis face à la menace terroriste, et défendre les valeurs de la République.

À la demande de M. le Président du Sénat, je vous propose de commencer notre séance en observant une minute de recueillement en leur mémoire. (Mmes et MMles sénateurs et Mme la ministre observent un moment de recueillement.)

Parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal

Harmoniser le scrutin de liste aux élections municipales (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal et de la proposition de loi organique visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité, présentée par Mme Nadine Bellurot, M. Éric Kerrouche, Mme Sonia de La Provôté, M. Didier Rambaud et plusieurs de leurs collègues.

La procédure accélérée a été engagée sur ce dernier texte.

Il a été décidé que ces deux textes feraient l'objet d'une discussion générale commune.

Discussion générale commune

M. Éric Kerrouche, auteur de la proposition de loi organique et rapporteur de la commission des lois .  - Nous examinons la proposition de loi de la députée Élodie Jacquier-Laforge adoptée en février 2022 à l'Assemblée nationale ainsi que la proposition de loi organique que Nadine Bellurot, Sonia de La Provôté, Didier Rambaud et moi-même avons déposée en octobre 2024 à la suite des recommandations de la délégation aux collectivités territoriales, que vous connaissez bien, madame la ministre. Leur objet est d'étendre le scrutin de liste proportionnel aux communes de moins de 1 000 habitants.

La crise de l'engagement local s'est étendue particulièrement dans les communes rurales et se traduit par un double phénomène : d'une part, par la baisse du nombre de candidats aux élections municipales. Quelque 106 communes ne disposaient, au premier tour des élections municipales de 2020, d'aucun candidat, et à l'issue du renouvellement général, 345 communes ne disposaient pas d'un conseil municipal complet. Ces chiffres sont nettement supérieurs à ceux qui ont été observés en 2014, où seules 64 communes étaient sans candidat, et 228 sans conseil municipal complet.

D'autre part, le nombre de démissions en cours de mandat est à un niveau inédit : en février 2025, 2 647 maires avaient démissionné, soit 7,6 % des édiles. Près de 30 000 conseillers municipaux avaient également démissionné à mi-mandat. Cela engendre des dysfonctionnements dans les petites communes.

La crise des vocations est liée à de multiples facteurs : dégradation des conditions d'exercice des mandats locaux - la proposition de loi sur le statut de l'élu tente d'y répondre.

Le mode de scrutin n'y est pas étranger non plus. Depuis 1884, le scrutin de liste majoritaire à deux tours concernait toutes les communes, mais progressivement le scrutin proportionnel de liste s'est étendu. La dernière extension date de 2013, pour les communes de plus de 1 000 habitants. Ce texte franchit la dernière étape et l'étend aux communes de moins de 1 000 habitants, soit 70 % des communes et 13 % de la population.

Trois adaptations sont prévues pour ces communes de moins de 1000 habitants.

L'article 1er autorise le dépôt de listes incomplètes : au moins cinq candidats pour les communes de moins de 100 habitants, neuf candidats pour les communes de 100 à 499 habitants et onze pour celles de 500 à 999 habitants.

L'article 3 étend aux communes de 500 à 999 habitants le bénéfice de la fameuse présomption de complétude, aujourd'hui en vigueur pour les communes de moins de 500 habitants. Depuis la loi Engagement et proximité de 2019, l'effectif légal du conseil municipal des communes de moins de 100 habitants, fixé à sept, est réputé complet lorsqu'il comprend au moins cinq membres ; pour les communes de 100 à 499, il est réputé complet à neuf membres - sur onze normalement. Une nouvelle strate serait créée pour les communes de 500 à 999 habitants, avec un effectif réputé complet à treize membres - pour un effectif légal de quinze. Par la combinaison des articles 2 et 3, le conseil municipal de ces communes serait donc réputé complet dès onze membres.

La commission a souscrit à l'objet principal de la proposition de loi et de la proposition de loi organique. Nous sommes convaincus de la nécessité d'étendre le scrutin de liste pour harmoniser les règles et résoudre les difficultés liées au scrutin majoritaire. D'où notre proposition de loi transpartisane.

Trois arguments justifient cette extension du scrutin de liste : la personnalisation excessive du vote due au scrutin majoritaire et au panachage en premier lieu. Le fait même de rayer des noms est en contradiction avec le principe selon lequel on vote pour un projet, et non contre un individu. Il faut mettre fin au « tir aux pigeons ». Le scrutin de liste permet de constituer des équipes autour d'un projet et garantit le pluralisme politique.

Ensuite, la différence de traitement pour les communes de moins de 1 000 habitants n'est plus justifiée : ce sont des communes comme les autres.

Enfin, il n'est pas justifié que ces communes n'appliquent pas le principe constitutionnel de parité : le nombre de femmes dans ces conseils municipaux est de 37 % contre 48 % dans les autres. La part des femmes maires y est de trois points supérieure aux autres communes.

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Et alors ?

M. Éric Kerrouche, rapporteur.  - L'Association des maires ruraux de France (AMRF), l'Association des maires de France (AMF) et Intercommunalités de France ont pris position pour cette réforme afin d'engager une nouvelle dynamique d'engagement local. C'est un enjeu de vitalité démocratique.

L'entrée en vigueur des mesures proposées doit se faire l'an prochain. Le retard dans le calendrier d'examen est lié aux soubresauts politiques de ces derniers mois. Ce texte a été adopté par l'Assemblée nationale il y a trois ans. L'article 28 de la loi Engagement et proximité disposait qu'avant le 31 décembre 2021, le code électoral devait être modifié pour étendre l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives municipales et communautaires.

Si le législateur favorise la stabilité électorale, il permet d'y déroger au cas par cas. La précédente réforme est intervenue en mai 2013 en vue des élections de mars 2014. Nous sommes dans une logique comparable. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Sonia de La Provôté applaudit également.)

Mme Nadine Bellurot, auteure de la proposition de loi organique et rapporteure de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Anne-Sophie Patru applaudit également.) La commission partage l'objectif d'étendre le mode de scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants. Nous devons entendre les demandes des maires de France. Mais cette généralisation ne signifie pas uniformisation systématique. C'est pourquoi la commission a prévu des mesures souples pour les petites communes. Cette réforme a vocation à s'appliquer dès les prochaines élections municipales.

Nous souhaitons un dispositif opérationnel, adapté aux communes les moins peuplées, et sécurisé, avec la neutralisation des effets de bord.

Deux différences substantielles ont été introduites par rapport à la proposition de loi de l'Assemblée nationale.

Nous autorisons le dépôt de listes incomplètes -  c'est indispensable. Cette dérogation pragmatique préserve le pluralisme. Les communes de 500 à 999 habitants seront donc également concernées par le réputé complet. L'application de cette règle faciliterait le fonctionnement des conseils municipaux concernés. Nous avons donc supprimé l'article 2 qui créait une nouvelle strate, car nous souhaitons l'harmonisation. La possibilité de complétude pour les communes de 500 à 999 habitants est suffisamment souple.

Pour encourager l'engagement local, la commission a prévu de pouvoir ajouter deux candidats supplémentaires pour les communes de moins de 1 000 habitants : pour une commune de moins de 100 habitants, la liste pourrait comporter cinq, sept ou neuf candidats, ce qui répond à l'inquiétude des élus.

Afin de tenir compte du risque inhérent lié aux effectifs réduits et au risque de multiplication d'élections partielles intégrales, nous proposons un nouveau mécanisme d'élection complémentaire pour les communes de moins de 1 000 habitants. Elle serait obligatoire lorsque le conseil a perdu un tiers de son effectif ou qu'il doit être complété en vue d'élire le maire ou plusieurs adjoints. Toutefois, cette élection aurait lieu au scrutin de liste, avec une plus grande souplesse pour le dépôt des listes ; des listes avec deux candidats de moins ou de plus pourront être déposées.

La commission a procédé à deux harmonisations essentielles : le mode de désignation des conseillers communautaires est harmonisé grâce à la généralisation du fléchage ; les adjoints au maire seraient élus au scrutin de liste paritaire, mais avec une dérogation à la règle du remplacement de l'adjoint par un conseiller de même sexe.

La commission a souhaité répondre à une difficulté qui nous a été signalée à propos de la présomption du réputé complet en cas de vacance postérieure au dernier renouvellement général ou à la dernière élection. Certaines communes de moins de 500 habitants ont dû organiser des élections complémentaires avant l'élection du nouveau maire alors qu'elles atteignaient le réputé complet, en raison d'une lecture de la préfecture qui nous a semblé contraire à l'intention du législateur de 2019. La commission, à l'article 3, autorise donc les conseils concernés à procéder à l'élection du nouveau maire sans élection complémentaire.

La commission a neutralisé les effets de bord. Elle a ainsi maintenu à trois le nombre de délégués au collège sénatorial pour les communes de 500 à 999 habitants.

Cette proposition de loi offre désormais toutes les garanties de souplesse et d'opérationnalité, tout en répondant à l'objectif d'harmonisation.

Nous avons également adopté deux modifications à la proposition de loi organique, dans un souci de cohérence et de lisibilité.

Ce texte favorise l'engagement des citoyens et propose une dynamique collective plutôt que l'addition d'individualités. L'engagement d'une équipe au service des électeurs est un gage de réussite.

Dépersonnaliser le vote, éviter le « tir aux pigeons » qui démobilise les élus, voilà les objectifs. L'engagement local doit être encouragé.

Cette réforme accompagne celle du statut de l'élu, adoptée au Sénat et très prochainement discutée à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité .  - (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC ; M. Bruno Belin applaudit également.) Cette proposition de loi revêt une dimension démocratique non négligeable (M. Jean-Jacques Panunzi proteste) : il s'agit de favoriser la constitution d'équipes cohérentes et d'oeuvrer à une plus juste représentativité des hommes et des femmes.

Il faut sortir du panachage qui favorise les affrontements interpersonnels. Le « tir aux pigeons » est de moins en moins accepté. Les maires des plus petites communes souffrent de cette situation : ils peuvent être les conseillers les moins bien élus parce qu'ils ont privilégié l'intérêt général. Le Gouvernement est conscient de ces difficultés.

Le Parlement a adopté une proposition de loi sénatoriale de protection des élus. L'Assemblée nationale débattra la semaine du 26 mai de la proposition de loi sur le statut de l'élu.

Les femmes sont souvent les premières engagées dans la vie sociale et associative des communes rurales. (Mme Anne-Sophie Romagny s'exclame.)

En 2020, près de 3 700 communes ont eu une liste unique même si elles comptaient parfois plus de 1 000 habitants. L'instauration du scrutin de liste n'a pas engendré de politisation de la vie communale dans les communes de plus de 1 000 habitants.

Deux aménagements d'ampleur ont été proposés par la commission : la possibilité de déposer des listes incomplètes avec deux candidats de moins que l'effectif légal, et l'extension du réputé complet aux communes de 500 à 999 habitants.

Puisque cette proposition de loi adapte le code électoral et que le Gouvernement doit sécuriser les élections municipales de 2026, le Conseil constitutionnel sera saisi.

Ce texte n'est pour autant pas une révolution. La réforme du scrutin de 2013 n'a pas eu les conséquences redoutées à l'époque.

La parité s'inscrit dans l'évolution de la société qui s'étend à de nombreux champs professionnels -  ordres des médecins, chirurgiens-dentistes, architectes. La part des femmes parmi les élus locaux atteint 42 %. La parité est une demande des associations d'élus locaux, qui ont publié un communiqué de presse le 6 février.

L'AMRF a rappelé, dans un communiqué publié le 5 mars, le sens profondément démocratique de cette proposition de loi : l'élection municipale doit se faire autour du triptyque : une commune, une liste, un projet.

Concernant les modalités d'élection des adjoints au maire, j'entends les arguments des opposants à l'obligation paritaire et m'en remettrai à la sagesse du Sénat.

Du fait de l'extension du fléchage, un maire élu à la suite de la démission de son prédécesseur ne pourrait pas représenter sa commune à l'intercommunalité -  c'est un irritant. Le Sénat et l'Assemblée nationale ont précisé en 2019 que dans une commune où il n'y a qu'un représentant à l'intercommunalité, celui-ci est par défaut le maire, sauf décision expresse de ce dernier.

Des dispositions complémentaires portent sur l'effectif des conseils municipaux des communes nouvelles. Je salue l'engagement des parlementaires membres du groupe de travail -  Agnès Canayer, Cécile Cukierman, Éric Kerrouche, Sonia de La Provôté et Stéphane Sautarel notamment.

Plusieurs sénateurs proposent de prolonger jusqu'au troisième renouvellement après la constitution de la commune nouvelle la convergence des effectifs des conseils municipaux. Le Gouvernement y sera favorable.

Cette proposition de loi a vocation à entrer en vigueur pour les municipales de 2026. Conjointement, vous examinez une proposition de loi organique concernant les ressortissants des autres pays de l'Union européenne, à laquelle le Gouvernement sera favorable.

Ce texte est une nouvelle étape pour rendre la démocratie locale plus juste et plus sûre, renforcer la cohérence des équipes municipales, protéger le maire, consolider le fonctionnement de nos institutions et assurer, en définitive, une représentation plus équilibrée et démocratique.

Vous connaissez mon attachement à des communes fortes et vivantes : elles méritent une élection basée sur un projet et une équipe.

Je salue le travail des rapporteurs.

Cette proposition de loi, fruit d'une volonté transpartisane, nous offre l'opportunité d'accomplir un pas vers cet objectif. Notre démocratie ne peut être figée dans des institutions immuables. Elle vit à travers la diversité de nos élus, à travers la capacité de nos collectivités à représenter la société.

C'est dans cet esprit de responsabilité et de dialogue que je vous invite à entamer cette discussion. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Cédric Chevalier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Miracle ! On a trouvé LA solution - au mal-être des maires, au manque de candidats, aux contraintes administratives... Avec le scrutin de liste et la parité obligatoire, ce sera « le bonheur est dans l'urne »... (Sourires à droite.)

Plus sérieusement, ce texte soulève de nombreuses interrogations.

D'abord, le calendrier : pourquoi une telle précipitation ? Pourquoi ce bouleversement, alors que le statut de l'élu est laissé de côté ? Les maires l'ont-ils demandé ? Pourquoi ces incessants changements, qui ne répondent à aucune demande locale ? (On le confirme sur plusieurs travées au centre et à droite)

M. Olivier Paccaud.  - Aucune !

M. Cédric Chevalier.  - Les élus sont en souffrance. Plutôt que de les soutenir, ce texte leur ajoute des contraintes. En 2020, la moitié des maires ont eu du mal à constituer leur équipe municipale ; 86 % ont peiné à trouver des volontaires et 22 % ont très difficilement respecté la parité. C'est dans les communes de moins de 3 500 habitants que se trouve le pourcentage le plus élevé de femmes maires.

Mme Sonia de La Provôté.  - Bravo !

M. Olivier Paccaud.  - Sans la loi !

M. Cédric Chevalier.  - J'ai moi-même été maire d'une commune de moins de 350 habitants. J'ai présenté une liste paritaire, sans y avoir été obligé, mais en convoquant simplement des personnes motivées. Imposer des règles rigides de parité, c'est méconnaître la réalité. Dans certaines communes, la majorité des habitants sont des hommes, dans d'autres, des femmes. Doit-on refuser une candidature motivée et disponible parce que l'équilibre n'est pas atteint ?

M. Éric Kerrouche, rapporteur.  - Arrêtez !

M. Cédric Chevalier.  - Interrogeons-nous d'abord sur les causes profondes de la crise de l'engagement municipal. Commençons plutôt par adopter définitivement la loi portant statut d'élu local, votée à l'unanimité au Sénat.

Un élu doit trouver un juste équilibre entre vie professionnelle, politique et personnelle. C'est la position de la délégation aux collectivités territoriales, qui proposait de faire du statut de l'élu local un prérequis et une priorité absolue. Pourquoi cela a-t-il été perdu de vue ?

C'est comme pour le ZAN : on a fait les bons diagnostics, tracé les bons chemins mais on finit par voter des règles stratosphériques, absurdes, qui ne tiennent pas compte des réalités de terrain. (Mme Anne-Sophie Romagny le confirme.)

Certes, cette réforme apporte certains assouplissements, en réduisant le nombre requis pour constituer une liste ou en permettant un conseil municipal incomplet. Pour le reste, elle complexifie. Alors qu'on avait le choix entre liste bloquée et liste ouverte, demain, une personne ne pourra se présenter seule. Où est la liberté ? Nous l'obligeons à trouver des colistiers, au risque d'intégrer des personnes non motivées, et d'attiser les conflits.

On parle de tir aux pigeons ? En grande majorité, les maires sont réélus, même avec moins de voix que les autres candidats. Quand on se représente à une élection, on prend ses responsabilités. C'est la démocratie.

Qui nous dit que demain, on ne nous imposera pas l'étiquette des listes, renforçant ainsi la politisation ?

Rien ne garantit que cette réforme améliore la situation. En réalité, nombre de maires risquent de renoncer face à ces difficultés. Le remède pourrait être pire que le mal. Le danger ultime, nous le connaissons : l'absence de conseil municipal, et donc la disparition des petites communes ! (Mme Sonia de La Provôté lève les bras au ciel.)

C'est pourquoi j'ai déposé des amendements pour préserver le mode de scrutin actuel. Commençons par adopter un réel statut de l'élu, protecteur ; il sera temps ensuite de discuter du mode de scrutin.

Au sein de mon groupe, chacun votera en conscience, mais la majorité des membres partagent mon point de vue. Plus de motivation, moins de sur-réglementation, et liberté pour les petites communes ! (« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs travées des groupes INDEP, Les Républicains, et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Agnès Canayer .  - La démocratie ne se trouve pas seulement dans l'engagement libre des citoyens, mais aussi dans la possibilité de choisir ses représentants. Ce texte permet de répondre à la crise des vocations, qui se manifeste partout en France par le manque de candidats, les démissions et la fragilisation des équipes municipales.

Afin d'enrayer cette spirale, il faut faciliter l'engagement collectif. Cela suppose un véritable statut de l'élu et un renforcement de l'éducation à la citoyenneté. Les associations d'élus considèrent que cette réforme pourrait favoriser l'esprit d'équipe.

Sur la parité, les élus sont partagés ; ils craignent de ne pas trouver de candidates. La possibilité de déposer des listes électorales incomplètes répond à cette crainte.

Le texte renforcera la stabilité en évitant que les querelles de clocher ne se répercutent sur la vie démocratique. Les conditions pour qu'un conseil municipal soit réputé complet sont assouplies.

J'ai déposé un amendement pour qu'un homme maire ou une femme maire puisse avoir deux adjoints de même sexe, si la parité est globalement respectée.

Le maintien de la strate supérieure jusqu'au troisième renouvellement général facilitera l'acceptabilité pour les communes nouvelles.

Les sénateurs Les Républicains voteront diversement, selon les retours de maires qu'ils ont rencontrés. C'est parce que la commune est la colonne vertébrale de notre confiance dans la politique qu'elle doit être renforcée. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Didier Rambaud .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Un an avant les élections municipales de 2026, nous légiférons sur deux sujets qui concernent de près les élus locaux : la parité et le mode de scrutin.

Les questions de parité et de cohésion concernent toutes les communes, mais plus particulièrement les plus petites d'entre elles. Lors des travaux de la délégation aux collectivités territoriales, nous avons constaté qu'il y avait 37 % de femmes dans les conseils municipaux des communes de moins de 1 000 habitants, contre 48 % ailleurs. Harmoniser les modes de scrutin y remédierait - et entraînerait aussi une meilleure représentation des femmes au Sénat.

Le scrutin de liste aurait comme autre avantage de faire émerger un collectif, plutôt qu'une addition d'intérêts particuliers. La politique n'est pas qu'une affaire d'incarnation, ce sont aussi des idées, des valeurs et des projets partagés.

Nous avons été souvent maires avant d'être sénateurs. Vous savez bien que certaines élections au scrutin majoritaire se transforment en tir aux pigeons. Avec cette réforme, nous inciterons les citoyens à voter non pas contre un candidat qui n'aurait pas, en tant que maire, accordé une autorisation d'urbanisme, mais bien pour des projets.

Je voterai ces textes qui apportent des assouplissements bienvenus.

Je comprends que ces sujets fassent débat. J'ai échangé avec les maires de mon département, ils sont partagés. Mais le communiqué de presse des associations d'élus du 6 février est clair : les associations sont en faveur de cette réforme, et ce depuis 2020, y compris pour les élections municipales de 2026. (Mme Cécile Cukierman proteste.)

Mme Anne-Marie Nédélec.  - Ce n'est pas ce que disent les maires !

M. Didier Rambaud.  - Le RDPI votera pour. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du GEST.)

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux », depuis la révision constitutionnelle dont nous fêtions le vingt-cinquième anniversaire en juillet dernier.

L'accès des femmes aux mandats électoraux a progressé, mais n'est toujours que de 38 % dans les communes de moins de 1 000 habitants. Ce combat doit faire consensus : c'est le corollaire de la promesse républicaine.

Le constat de la crise de l'engagement local est manifeste, entre pénurie de candidats et démissions de masse.

Pour y remédier, le texte généralise le scrutin proportionnel. Cela aura nécessairement des conséquences dans les petites communes, conduisant les équipes à construire un projet commun pour le territoire communal. Cela protégera la cohésion des équipes des effets pervers du mode de scrutin actuel.

Je regrette que le calendrier ne nous permette pas d'assurer une stabilité électorale. Certains membres du RDSE proposeront de reporter l'application à 2032. Cette réforme n'est pas la priorité des élus locaux, qui nous alertent plutôt sur le manque de soutien, voire de considération de l'État, la désertification médicale ou les fermetures de classes.

M. Olivier Paccaud.  - Bravo !

M. Michel Masset.  - Cette proposition ne fait par ailleurs pas l'unanimité au sein de l'AMRF.

Mon groupe soutient pleinement la parité mais s'interroge sur l'opportunité de la proportionnelle dans les plus petites communes.

Je salue le travail des rapporteurs, qui ont assoupli le texte pour favoriser le pluralisme. Le RDSE est partagé. Plusieurs membres réservent leur vote. Nous nous retrouvons cependant pour témoigner notre soutien aux élus et serons favorables à toutes les initiatives confortant la place des élus ruraux dans le maillage territorial. Notre vote dépendra de la position exprimée par les maires de nos territoires respectifs. (Applaudissements sur les travées du RDSE et quelques travées du groupe UC ; M. Bernard Buis applaudit également.)

Mme Anne-Sophie Patru .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Comment soutenir les maires dans les communes, ces petites républiques dans la grande, comme le dit le Président du Sénat, faisant siens les mots de Jules Barni ? (On apprécie la référence à droite.)

Le constat est sans appel, avec 245 communes sans conseil municipal complet en 2020, et 30 000 conseillers municipaux démissionnaires depuis. La pénurie de candidatures et le nombre croissant des démissions traduisent un malaise. Nous saluons le texte que vous aviez porté, madame la ministre, en faveur d'un statut de l'élu.

Je salue les initiatives de notre délégation aux collectivités territoriales, mais aussi de l'Assemblée nationale, qui ont apporté leur pierre à l'édifice. Elles comportent l'extension du scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants et les dispositions relatives à la complétude des conseils municipaux. Merci aux rapporteurs, qui ont sécurisé le texte pour les plus petites communes, comme le demandaient les associations d'élus.

La capacité du scrutin de liste à créer un collectif dans les communes de moins de 500 habitants sera précieuse. La parité des équipes communales évitera les obligations initialement envisagées par les députés pour les intercommunalités.

L'application pour les prochaines élections municipales est à saluer, pour lutter contre le manque d'engagement dans les petites communes.

Reste la question de la réduction du nombre d'élus dans les conseils municipaux. La proposition de loi relance le débat. Il nous faudra l'approfondir, en tenant compte des strates et du cas des communes nouvelles. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Cécile Cukierman .  - Notre groupe a toujours su défendre la parité. Notre ancienne présidente, Hélène Luc, menait déjà ce combat il y a plus de vingt ans, alors que les femmes n'étaient que 5,6 % dans notre hémicycle.

Mais la proposition de loi et la proposition de loi organique que nous examinons visent, au-delà de la parité, à instaurer le scrutin de liste dans les communes de moins de 1 000 habitants. L'objectif mis en avant, plus que légitime, est subordonné à ce changement de scrutin.

Or nous considérons que le scrutin de liste n'est pas systématiquement le plus adéquat pour ces communes. (Applaudissements les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du RDSE)

Pourquoi cette obsession d'uniformiser ? Alors que la crise de l'engagement local nous préoccupe tous - 5 % des maires ont démissionné depuis 2020 -, nous devons faire preuve d'une minutieuse précaution, surtout à un an des élections.

Le panachage permet aux électeurs de construire leur liste, après quoi les élus n'ont d'autre choix que d'avancer ensemble. L'absence de prime majoritaire favorise le pluralisme et le dynamisme de la démocratie locale. Alors que nous regrettons l'incapacité à bâtir un consensus à l'échelle nationale, les promoteurs du texte veulent supprimer ce qui en constitue la substance à l'échelle locale !

Notre position sera la même si, demain, sous prétexte de clarifier la situation, certains proposaient de réformer à la hache le mode de scrutin des législatives pour réduire le pluralisme.

Les 25 000 communes de moins de 1 000 habitants connaissent une réalité bien différente de celle des grandes villes. En 2020, 86 % d'entre elles ont élu leur conseil municipal au premier tour. Dans la Loire, un second tour n'a été nécessaire que dans huit communes sur 320.

Considérer qu'une liste est réputée complète même s'il manque deux candidats affaiblirait la démocratie locale, car nous réduirions la liberté de choix des électeurs. Qui sont ces cinq personnes, ou ces neuf, qui décideraient qu'elles représenteraient le village au lieu de sept, ou treize ? (Nombreuses marques d'assentiment à droite ; Mme Cathy Apourceau-Poly renchérit.)

Adopter ce texte serait risqué et antidémocratique. Les élus et les habitants des communes de moins de 1 000 habitants n'ont pas à pâtir des conséquences d'un retard du calendrier parlementaire.

La crise de l'engagement est un fléau, et nous savons combien la tâche des maires est lourde. Notre rôle est d'accompagner et de soutenir les élus. Alors que cette crise sera plus forte que jamais en 2026, il est temps de le leur redonner des capacités à agir et des moyens de faire : c'est ainsi que nous rendrons tout son sens au mandat d'élu d'une commune rurale dans notre République ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et Les Républicains ; Mme Évelyne Perrot et M. Cédric Chevalier applaudissent également.)

M. Jean-Jacques Panunzi.  - Bravo !

Mme Ghislaine Senée .  - L'inscription à l'ordre du jour de ces deux textes est vraiment, vraiment une bonne nouvelle pour la démocratie locale.

Proposer aux citoyens de barrer certains noms est devenu anachronique. Le panachage fait ressortir les comportements les plus éloignés des valeurs de la République : misogynie, racisme, intérêts particuliers. (Protestations à droite) Souvent, un maire ou un adjoint à l'urbanisme sont sanctionnés pour avoir défendu l'intérêt général.

Ce texte est l'aboutissement de la réforme de 2013, qui a instauré le scrutin de liste dans les communes de 1 000 à 3 500 habitants. Si nous avons progressé dans la garantie de l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux - la parité est réalisée dans les conseils régionaux et départementaux et les communes de plus de 1 000 habitants -, le combat n'est pas gagné.

Sur le plan quantitatif, le Sénat et l'Assemblée nationale comptent à peine plus d'un tiers de femmes ; de même, elles ne sont que 37,5 % dans les conseils municipaux des communes de moins de 1 000 habitants - et je ne parle pas des intercommunalités... Sur le plan qualitatif, dans la répartition des postes exécutifs, les femmes sont souvent cantonnées aux secteurs qui intéressent moins les hommes, perçus comme secondaires.

Chaque fois que nous avons franchi un palier, la réforme a eu ses détracteurs, soulignant notamment un prétendu risque de discrimination des hommes. Mais, comme M. Chevalier l'a prouvé, il est parfaitement possible de constituer une liste paritaire dans une commune de 300 habitants. (M. Jean-Jacques Panunzi s'exclame.) La parité est une force dans une équipe municipale !

Mme Audrey Linkenheld.  - Ce n'est pas gagné...

Mme Ghislaine Senée.  - La proposition de loi organique, non examinée par l'Assemblée nationale, devra l'être avant une éventuelle CMP, si le Gouvernement engage la procédure accélérée. Madame la ministre, je salue votre ténacité.

Nous saluons le travail de la commission des lois, à la suite de celui de notre délégation aux collectivités territoriales. Les petites communes ont besoin de citoyens engagés au sein de leurs conseils. Pour lutter contre le découragement et le désenchantement dans l'exercice de la chose publique, il faut avancer aussi sur le statut de l'élu, sans oublier les élus municipaux sans délégation.

Notre groupe votera ces deux textes sans une once de doute. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mmes Émilienne Poumirol et Isabelle Briquet applaudissent également.)

M. Pierre-Alain Roiron .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cette proposition de loi s'attaque à l'une des résistances structurelles persistantes de notre démocratie. Nous saluons le travail des rapporteurs Nadine Bellurot et Éric Kerrouche. Ce sujet nous a mobilisés de manière transpartisane - fait notable, quoiqu'il ne soit pas rare dans notre assemblée.

Quatre années se sont écoulées depuis l'adoption de la proposition de loi par l'Assemblée nationale. La vive actualité politique a pris le pas sur cette réforme, mais celle-ci demeure une urgence démocratique, soutenue par les associations d'élus : AMRF, AMF et Intercommunalités de France.

Le Sénat a une responsabilité historique : adopter ce texte qui approfondira la démocratie locale, assurera sa vitalité et fera de l'égalité une réalité. L'égal accès aux mandats locaux n'est pas une option, mais une exigence républicaine.

L'extension du scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants, soit plus de 70 % des communes, est une mesure pragmatique et efficace pour favoriser l'émergence d'un vivier de candidatures. Loin d'être une contrainte, elle fera en sorte que l'engagement des femmes ne soit plus une exception. Cette avancée concrète s'inscrira dans la continuité des lois adoptées depuis une vingtaine d'années.

La commission des lois a notablement amélioré le texte, afin de garantir l'opérationnalité juridique du dispositif et de répondre aux réalités de terrain. En particulier, une souplesse est prévue par la notion de conseil réputé complet : les petites communes pourront ainsi fonctionner normalement même si leur conseil n'est pas complet. La commission a toutefois souhaité que les communes de 500 à 999 habitants conservent trois délégués au collège électoral des sénateurs, même si leur conseil municipal ne compte que treize membres au lieu de quinze.

Nous saluons aussi le maintien du mécanisme d'élection complémentaire pour les communes de moins de 1 000 habitants. Le scrutin de liste paritaire bénéficierait des mêmes souplesses que celles prévues pour les renouvellements généraux.

L'objectif est clair : éviter la multiplication des élections partielles intégrales et préserver la stabilité des conseils municipaux.

Notre groupe a déposé un amendement visant à proroger le système dérogatoire relatif à l'effectif des conseillers municipaux des communes nouvelles pour un second renouvellement général. Ces communes ont besoin de temps pour construire une dynamique collective. Cette mesure pragmatique témoigne de notre volonté de soutenir les territoires dans leur diversité et de leur donner les moyens de réussir leur transformation.

L'application du scrutin de liste paritaire aux plus petites communes ne remet pas en cause l'harmonisation du mode de désignation des adjoints, puisque en cas de démission ou d'empêchement, le remplacement ne sera pas soumis à une contrainte de sexe.

La commission a maintenu la suppression de l'article 4, qui imposait une répartition paritaire des vice-présidences des EPCI. Nous entendons la volonté de miser sur l'effet d'entraînement de cette réforme, mais surtout celle d'accorder la priorité aux communes de moins de 1 000 habitants.

À l'approche des élections municipales de 2026, la crise des vocations est une réalité préoccupante, mais non une fatalité. Elle est le symptôme d'un désenchantement et d'un épuisement face à un mandat trop lourd, trop exposé et trop peu reconnu. Elle se traduit par une baisse alarmante du nombre de candidats et une augmentation inédite du nombre de démissions depuis 2020.

Il faut redonner du sens aux mandats et favoriser la diversité et l'équilibre. Le scrutin de liste va dans ce sens, en encourageant la constitution d'équipes soudées autour d'un projet commun. Il brisera aussi le plafond de verre auquel se sont trop souvent heurtées les femmes et mettra fin au tir aux pigeons, qui fragilise les maires et déstabilise durablement les conseils municipaux.

Ces textes constituent une avancée majeure pour l'avenir de nos territoires : le groupe SER les votera. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Bernard Buis applaudit également.)

M. Olivier Paccaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Cédric Chevalier applaudit également.) Voilà quatre-vingts ans, les femmes françaises devenaient enfin pleinement citoyennes, découvrant des droits civiques jusqu'alors réservés à la gent masculine : le vote et l'éligibilité. Elles furent alors un peu plus de 200 à devenir maires et trente-trois à devenir députées.

Depuis lors, société et législation ont évolué. Les femmes occupent plus de responsabilités, notamment politiques, et le pays ne s'en porte pas plus mal. Sans psychanalyse de comptoir, la complémentarité entre Mars et Vénus n'est pas qu'une caricature...

La loi a joué un rôle clé pour esquisser une meilleure représentativité du personnel politique. L'objectif de parité doit être salué. Mais bien légiférer, c'est-à-dire rendre possible ce qui est souhaitable, n'est pas toujours aisé. Certains textes sont quasi parfaits, comme celui instaurant les binômes paritaires aux élections départementales ; mais, parfois, les intentions peuvent se révéler fâcheuses.

Ainsi, on nous propose de soumettre les 25 000 villages de moins de 1 000 habitants à l'obligation de présentation de listes paritaires. Or si la règle n'est pas la même pour toutes les communes, c'est parce que le législateur a considéré qu'il est trop difficile d'appliquer le scrutin de liste dans nos petites communes.

Non que les ruraux soient rétifs à avoir une femme pour édile. Au contraire, la proportion de femmes maires est plus élevée dans les communes de moins de 1 000 habitants ! C'est la constitution de la liste qui pose problème. Par ces temps mauvais de désengagement républicain, nul ne peut nier que la quête de candidats et candidates relève du chemin de croix. (M. Jean-Jacques Panunzi approuve.) Dans ce contexte, est-il pertinent d'instaurer une contrainte supplémentaire, fût-elle vertueuse ?

J'ai sondé les élus des 680 communes de l'Oise, dont plus de 500 comptent moins de 1 000 habitants. Le résultat est net : les deux tiers sont défavorables à cette mesure.

Christine Ortegat, maire de La Neuville-sur-Oudeuil, m'a répondu : « J'y suis favorable, mais je peine à trouver ou motiver des candidates. La parité obligatoire me semble un obstacle pour constituer une équipe solide. »

Pascal Wawrin, maire de Villers-Saint-Sépulcre : « Trouver des administrées qui souhaitent s'impliquer est compliqué. La parité ajoute une pression supplémentaire et peut finir par décourager. »

Carole Gautier, maire de Senots : « Il n'est pas envisageable de remplir une liste avec des noms simplement pour répondre à une règle de parité. La seule règle est le volontariat et celui-ci n'est pas genré. »

Marcel Dufour, maire de Verderel-lès-Sauqueuse : « La parité, il faut l'encourager, mais pas l'imposer. »

Pour aboutir au damier parfait, il faudra exclure des sortants compétents uniquement parce qu'ils sont du mauvais genre. Écarter celui ou celle qui consacre son énergie à la commune depuis des années au profit d'une personne moins motivée, mais qui possède le bon chromosome, cela est-il juste ?

Et nos conseils deviendront-ils le miroir idéal de la société ? N'y aura-t-il pas trop de retraités, par exemple ? Où s'arrêtera la logique des quotas ? N'ouvre-t-on pas une boîte de Pandore ?

Fondée sur une vision idéalisée et idéologique, cette proposition de loi risque de mettre à mal de nombreux conseils municipaux et de fragiliser la ruralité. Je ne voterai pas ce texte à la teinte de miel mais à la saveur de fiel.

Est-il juste d'imposer à un candidat motivé de céder sa place à un autre parce qu'il serait doté du bon chromosome ? Où arrêter aussi la logique des quotas ? Pourquoi ne pas imposer une obligation de nombre de jeunes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Laure Darcos et MM. François Bonneau et Cédric Chevalier applaudissent également.)

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cette proposition de loi représente une triple avancée : démocratique, politique et sociale.

Démocratique, car tous nos concitoyens pourront élire leurs conseillers municipaux dans les mêmes conditions. Politique, car les électeurs se détermineront sur un projet lisible porté par une équipe plus cohérente ; la représentation des minorités sera également améliorée. (Mme Anne-Marie Nédélec proteste.) Sociale, car ce texte ouvre la voie à la parité, reprenant la recommandation 64 de notre rapport Femmes et ruralité.

Les réserves qui s'expriment existaient déjà en 2013. La parité n'est pas une contrainte administrative. Les femmes représentent 55 % de la population des territoires ruraux : pourquoi la parité ne serait-elle pas possible dans ces territoires, comme partout ailleurs ?

Dans un esprit de compromis, la commission des lois a prévu, notamment, que la parité ne serait pas obligatoire parmi les adjoints. Ces mesures sont de nature à lever les doutes qui subsistent.

La société est mûre : nous avons des femmes maires, des femmes députées. Dans mon territoire, nous avons réalisé la parité dès 2001, sans aucune difficulté. Alors, osons ! (Applaudissements sur de nombreuses travées des groupes UC et SER, du RDPI et du GEST)

M. Bruno Belin .  - (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains) Ce débat suscite des avis partagés dans tous les rangs.

Jamais un mandat n'a été aussi difficile, jamais les démissions n'ont été aussi nombreuses. Les maires se sont payé tous les chocs : covid inflation, guerre. Commençons donc par saluer l'engagement des élus sortants.

Dans ce contexte, n'aurions-nous pas pu avoir un texte plus ambitieux, qui traite du statut de l'élu et de la lutte contre l'abstention ? Des expérimentations auraient pu être menées, par exemple pour le vote en semaine. Le retour du cumul des mandats aurait aussi pu être abordé. (Mme Audrey Linkenheld s'exclame.)

Mais ce texte a le mérite d'exister. Il est le fruit des travaux de la délégation aux collectivités territoriales et de la commission des lois.

La parité, nul ne la conteste. Dans les conseils départementaux, les binômes paritaires se sont imposés sans difficulté. Prévoir son extension aux exécutifs communautaires pourrait être utile.

Au regard de mon expérience municipale de plus de quatre décennies, je suis pour la fin du panachage. Je pourrais vous raconter moult histoires liées à des querelles familiales ancestrales - sans parler du remembrement. Il faut une équipe, un projet et un leader, puis le choix des urnes. (Mme Françoise Gatel approuve.) Le scrutin proportionnel laisse aux oppositions la place nécessaire pour s'exprimer.

J'espère que nous trouverons des candidats qui formeront ces équipes avec envie, gourmandise même, pour exercer ce mandat exceptionnel. (Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI ; Mme Ghislaine Senée applaudit également.)

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Je suis attentive aux enthousiasmes divers qui se sont exprimés... (Sourires)

À un an des prochaines municipales, il est possible de faire évoluer les choses. D'autant que cette réforme n'est pas une surprise : nous en parlons depuis longtemps, et cette proposition de loi a déjà été votée par l'Assemblée nationale.

Monsieur Paccaud, quatre-vingts ans après l'octroi du droit de vote aux femmes, nous pouvons aller plus loin qu'une esquisse de parité sans qu'il s'agisse d'une révolution. Vous me connaissez : je n'étais pas connue dans cet hémicycle pour être une féministe.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - C'est vrai !

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. - En octobre dernier, nous avons débattu de l'abaissement du nombre de conseillers municipaux. L'incomplétude des conseils municipaux en dessous de 1 000 habitants est une souplesse bienvenue.

Ce soir, je défendrai à l'Assemblée nationale le texte du Sénat sur l'eau et l'assainissement. (M. Jean-Michel Arnaud s'en félicite.) Nous renforçons le dispositif Villages d'avenir. On peut toujours faire plus, mais nous ne sommes pas restés inactifs.

Soyons clairs : nous ne portons pas atteinte à la liberté de qui que ce soit. Il s'agit de respecter davantage les électeurs, en leur permettant de se prononcer sur un projet.

Je connais des communes de mon département où le maire sortant ou un adjoint n'a pas été réélu en raison de l'influence d'un propriétaire de résidence secondaire qui ne voulait pas que le village change. (Murmures désapprobateurs à droite)

M. Jean-Jacques Panunzi.  - N'exagérons pas !

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Nous n'aurons pas plus de mal à trouver des femmes que des hommes pour former les listes.

J'ai déjà fait vingt-six visites officielles sur le terrain, et les élus me parlent avec franchise. J'étais dans les Vosges vendredi dernier : les élus soutiennent ces dispositions, car ils attendent les assouplissements prévus en cas d'incomplétude.

Madame Cukierman, c'est bien parce que nous croyons, comme vous, à la vertu du consensus, notamment au sein des « petites républiques » dont a parlé Mme Patru, que nous préférons que les élus se mettent d'accord avant les élections plutôt qu'après.

Ce texte est un pas de plus pour protéger les maires et renforcer la démocratie. J'insiste : s'il n'était pas adopté, l'incomplétude ne serait pas possible. (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe UC et sur des travées du RDPI)

Discussion des articles de la proposition de loi

Article 1er

Mme Jocelyne Guidez .  - Comme nombre d'entre vous, j'ai sondé les maires de mon département, l'Essonne, en particulier les femmes maires. Leurs avis sont diamétralement opposés à celui du président de l'AMRF. (Marques d'approbation à droite)

Nous savons combien il est difficile de constituer des listes. Ajouter la contrainte de parité augmenterait le risque de listes incomplètes. Au demeurant, la proportion de femmes maires est plus forte dans les petites communes : 21 %, contre moins de 18 % dans les villes. L'engagement féminin ne doit pas reposer sur la contrainte administrative. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains ; Mme Mireille Jouve et M. Cédric Chevalier applaudissent également.)

Mme Kristina Pluchet .  - Je suis élue d'un département où plus de 80 % des communes comptent moins de 1 000 habitants. J'encourage le Sénat à faire preuve de prudence et à ne pas modifier l'équilibre actuel. L'écart entre les deux sexes peut être important dans la population de certaines communes. Il faut prendre en compte la motivation des candidats plutôt que d'essayer d'imposer la parité au forceps.

Comment ne pas voir dans cette réforme une pression déguisée vers des regroupements forcés de communes ? (Mme Anne-Sophie Romagny renchérit.) Quel intérêt de complexifier les choses à la veille des élections ?

M. Olivier Jacquin .  - Trois jours après le 8 mars, souvenons-nous que la France n'est pas parmi les pays les plus audacieux en matière de droits des femmes : droite de vote en 1945, compte bancaire indépendant en 1965 et reconnaissance officielle du port du pantalon en 2013 !

Cette réforme fait largement consensus parmi les associations d'élus. Aux maires de petites communes qui hésitent à se représenter en raison de la possible obligation de liste paritaire, je réponds : c'est comme plonger dans une eau un peu fraîche par une belle journée ensoleillée, on hésite un peu d'abord et puis on ne regrette rien !

M. Joshua Hochart .  - Alors que nous traversons une crise de l'engagement local, les élus, indispensables à la vie locale, risquent de se décourager devant une réforme déconnectée des réalités du terrain.

Voter pour des personnes rend la démocratie plus vivante. Cette réforme va rendre la vie politique locale plus complexe, alors que la ruralité a besoin de simplicité.

Le Rassemblement national s'oppose à cette réforme qui ne répond à aucune demande des élus de terrain. Nous voterons donc contre cet article 1er. Protégeons nos petites communes en leur accordant plus de souplesse. La France des territoires ne doit pas être sacrifiée sur l'autel d'une uniformisation croissante ! (Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit.)

Mme Cécile Cukierman .  - Nous rencontrons tous beaucoup d'élus. Les avis sont partagés parce que ce texte est complexe et vise plusieurs objectifs. Que répondre aux maires qui veulent le scrutin de liste mais pas la parité obligatoire, ou l'inverse ? À ceux qui veulent bien baisser le nombre de conseillers, mais si on garde le panachage ? La réalité, c'est la fébrilité devant la crise de l'engagement.

Évitons de nous renvoyer les positions des associations d'élus : ou alors, l'année prochaine, votons à l'unanimité l'indexation de la DGF sur l'inflation, que réclament ces associations !

Le tir aux pigeons n'est certes pas agréable, mais demeure limité. Et ce n'est pas non plus « la fête au village » dans les communes de plus de 1 000 habitants ! Des listes sortantes se font battre à plate couture : le maire, certes, n'est pas sorti du conseil municipal, mais se retrouve seul élu d'opposition.

Enfin, quand il y a deux démissions dans une équipe de cinq, il devient quand même difficile de continuer à gérer la commune...

M. Alain Houpert .  - La Côte-d'Or compte 698 communes, dont 80 % ont moins de 500 habitants. Olivier Paccaud l'a dit : légiférer, c'est rendre possible ce qui est souhaitable. La parité est souhaitable, mais est-elle possible partout ? Nous risquons d'aboutir à un constat d'échec. Cette loi n'est-elle pas un cheval de Troie pour pousser à des regroupements forcés de communes ? Enfin, que la proposition de loi ait été adopté par l'Assemblée nationale n'est pas un argument ; c'est nous, au Sénat, qui sommes, dans notre grande majorité, passés sous les fourches caudines du scrutin municipal ! Je voterai contre cet article.

Mme Anne Chain-Larché .  - Le Sénat a pris la mauvaise habitude de répondre à des questions qui ne lui sont pas posées. (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains ; Mme Laure Darcos et M. Cédric Chevalier applaudissent également.) Les élus ne demandent pas ces mesures. Que l'exécutif cesse de les mépriser et qu'il leur donne plutôt davantage de moyens ! Nous devons les soutenir face aux incivilités et agressions qui les visent de plus en plus.

Les équipes pour l'année prochaine sont déjà constituées, en vue de représenter les différents secteurs de la commune, mais aussi différentes professions et sensibilités. Le Sénat perd son temps et, ce qui est plus grave, son âme. Si nous continuons à réduire le nombre d'élus, nous ouvrirons la voie à la réduction du nombre de communes, que nous ne souhaitons pas ! (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains ; MM. Ghislain Cambier et Cédric Chevalier applaudissent également.)

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - Bravo !

Mme Sonia de La Provôté .  - Toutes les communes doivent avoir des équipes municipales qui défendent un projet commun. C'est un gage de transparence, de loyauté pour les électeurs, mais aussi d'efficacité. On ne bâtit pas un mandat à partir d'un trait de crayon.

Il serait difficile de trouver des femmes ? Ce devait être impossible pour les communes de plus de 1 000, sans parler des binômes pour les conseils départementaux... Finalement, les femmes ont apporté beaucoup, comme le souligne l'Assemblée des départements de France.

Le Sénat est dans son rôle en proposant ce texte. Des élus portent ce projet, certains de petites communes rurales. La démocratie est grandie d'en discuter. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Cédric Vial .  - Madame la ministre, j'ai travaillé à vos côtés au sein de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, pour plus de simplification. À quel moment a-t-on dérapé ? Le conseil municipal pourrait être composé de moins d'élus que de candidats et pourtant être déclaré complet ! Certains conseils municipaux pourront perdre le tiers de leurs élus. Nous instaurons des différences dans les communes de moins de 1 000 habitants qui ne feront pas d'élections générales mais complémentaires, dans la limite de « plus deux » ? On marche sur la tête !

On ne peut pas faire cela, madame la ministre ! (Applaudissement sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Corinne Féret .  - La moitié de notre société est constituée de femmes. (M. Akli Mellouli applaudit.)

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - Oh là là !

Mme Corinne Féret.  - Pourquoi serait-il difficile d'avoir autant de femmes que d'hommes dans les conseils municipaux, y compris des petites communes ? Pourquoi en 2025, entend-on encore que ce ne serait pas possible ?

M. Olivier Paccaud.  - Caricature !

Mme Corinne Féret.  - Les femmes seront autant motivées que les messieurs pour participer à ces conseils municipaux.

Mme Anne-Marie Nédélec.  - Ce n'est pas le sujet.

Mme Anne-Sophie Romagny .  - C'est un raccourci que de dire qu'il serait difficile de trouver des femmes. Non, le problème, c'est la contrainte normative. (On renchérit sur les travées du groupe INDEP.) La Marne compte 89 % de communes de moins de 1 000 habitants : 70 % des maires sont contre cette réforme. Dans une commune de 50 habitants, trouver trois ou quatre femmes, c'est une contrainte supplémentaire. Pensez-vous vraiment que la France ait besoin de nouvelles contraintes ?

Des maires me disent avoir dû se priver de femmes au conseil municipal, ou comme adjointes, à cause de la parité !

Quant au tir aux pigeons, rien n'empêche des candidats de faire campagne ensemble mais de se présenter en uninominal. (Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDSE)

M. Bernard Fialaire .  - Je ne crois pas que le Sénat perde son âme quand il se propose de voter ce que demandent les associations d'élus. (Vives protestations sur plusieurs travées à droite)

M. Olivier Paccaud.  - Le président de l'AMRF !

M. Bernard Fialaire.  - On peut préférer au sport individuel le sport collectif, qui oblige à composer avec les autres. De même, je préfère la démocratie représentative à la démocratie directe : elle commence par l'élaboration d'équipes qui partagent un projet et assument leurs responsabilités devant leurs concitoyens.

Je ne suis pas pour la complétude des listes, qui peut être compliquée pour les toutes petites communes. Je plaide plutôt pour un vrai statut de commune déléguée dans les communes nouvelles.

Quand on n'est pas capable de trouver sept personnes pour siéger au conseil municipal, il faut se poser des questions. (Marques d'impatience sur plusieurs travées à droite, l'orateur ayant dépassé son temps de parole.) Christian Bilhac disait : il y a plus de femmes que d'hommes dans les associations de parents d'élèves ; pourquoi pas dans les conseils municipaux ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Ghislaine Senée .  - Devant les difficultés à constituer des listes, certains parlent de crise des vocations. J'y vois plutôt une crise politique. On entend sans cesse que l'engagement, c'est difficile. À nous de démontrer que le rôle d'élu municipal est extraordinaire ! Tous les sénateurs qui ont été maire vous diront que ce fut leur mandat préféré !

Beaucoup de citoyennes auraient envie de s'engager mais n'en ont pas l'idée. Moi, on est venu me chercher, parce qu'on avait besoin de femmes sur la liste. Le calendrier n'est pas simple, mais nous trouverons les femmes. Ce n'est pas une contrainte supplémentaire, mais un moyen de retrouver de la vitalité. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Corinne Féret applaudit également.)

M. Laurent Somon .  - Mme Cukierman l'a dit, la question n'est pas celle de la parité, dès lors qu'on arrive à trouver des femmes motivées. Ce qui m'inquiète, c'est le risque d'attrition démocratique, alors que les élections municipales sont celles qui réunissent le plus d'électeurs.

Les associations d'élus du département de la Somme s'opposent à cette réforme.

Dans beaucoup de communes de plus de 1 000 habitants, il n'y a qu'une seule liste. Où est le choix démocratique ? (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Mme Cécile Cukierman.  - Exactement !

M. Laurent Somon.  - Dès lors, à quoi bon aller voter ? (« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié ter de M. Chevalier et alii.

M. Cédric Chevalier.  - Cet amendement supprime l'article 1er.

Certains disent qu'il est facile de trouver des femmes... mais alors, pourquoi changer les règles ?

La sagesse serait de d'abord adopter définitivement le statut de l'élu local, que nous avions voté à l'unanimité : attendons de voir le texte qui sortira de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes INDEP, UC, Les Républicains et du RDSE)

M. le président.  - Amendement identique n°25 rectifié de M. Vial et alii.

M. Cédric Vial.  - C'est un amendement simple, mais il est toujours compliqué de faire simple...

M. Jacques Grosperrin.  - C'est la France !

M. Cédric Vial.  - Ce texte va introduire une complexification inouïe - on aurait pu parler de l'impact sur les conseils communautaires, sur le nombre d'adjoints...

Surtout, l'introduction du scrutin proportionnel va politiser les petites communes, jusqu'ici préservées de la politique politicienne. (M. Éric Kerrouche le conteste.)

M. Jacques Grosperrin.  - Exactement.

M. Cédric Vial.  - Paradoxalement, la règle de complétude aboutira à des conseils municipaux incomplets, car il est difficile de trouver des élus bénévoles.

Sans parler de la règle qui veut qu'on ne change pas le mode de scrutin moins d'un an avant l'élection, cette réforme va à rebours de la vraie liberté démocratique dans les petites communes, qui est de pouvoir se prononcer sur des noms. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains, UC et INDEP)

M. Éric Kerrouche, rapporteur.  - Le débat est conforme à ce que nous pouvions en attendre. Revenons à un peu de rationalité (M. Olivier Paccaud proteste) : cette réforme ne mérite ni cet excès d'honneur, ni cette indignité. Les avantages l'emportent-ils sur les inconvénients ?

Il s'agit d'une demande, rare et unanime, de l'AMF, de l'AMRF, d'Intercommunalités de France (vives protestations à droite), exprimée devant notre délégation aux collectivités territoriales et réitérée lors des auditions.

Nous avions eu les mêmes débats lorsque nous avons baissé le seuil du scrutin de liste de 3 500 à 1 000 habitants. Depuis, les communes concernées n'ont pourtant pas fait remonter de problèmes.

M. Laurent Somon.  - Dans la Somme, si.

M. Éric Kerrouche, rapporteur.  - Les communes rurales comptent sensiblement plus de femmes, pour des raisons d'espérance de vie et parce que les hommes se déplacent plus pour les activités économiques. (Mme Anne-Sophie Romagny s'exclame.)

Le mode de scrutin ne va pas entraîner la disparition des petites communes. (Mme Anne-Marie Nédélec proteste.) Nous voulons au contraire leur redonner de la vitalité démocratique. Surtout, nous simplifions : le mode de scrutin actuel dans les communes de moins de 1 000 habitants est tout sauf simple !

Avis défavorable aux amendements de suppression. La question du calendrier ne se pose pas : la loi a été votée à l'Assemblée nationale il y a trois ans, nous devions l'examiner en 2024. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Le statut de l'élu est évidemment une priorité. Nous l'avons voté à l'unanimité. Mais la question est totalement décorrélée de celle du mode de scrutin : je ne comprends même pas qu'on puisse faire le lien.

M. Olivier Paccaud.  - Dommage.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Nous savons que la vie est souvent plus compliquée. Chacun a son expérience : j'ai été présidente de l'association des maires de mon département, vice-présidente de l'AMF, j'ai visité vingt-six départements et interrogé à chaque fois les maires sur ce sujet...

Ce texte a le soutien des associations : pas seulement celui de leurs présidents (« Si ! » sur plusieurs travées du groupe Les Républicains), mais bien celui de leurs bureaux. Le président Michel Fournier n'a pas décidé seul ! (M. Loïc Hervé le confirme.) Qu'il n'y ait pas d'unanimité ne me choque pas, c'est la démocratie.

Sur le statut de l'élu, vous avez raison. Le texte sera devant l'Assemblée nationale le 26 mai.

Cette réforme est une simplification : un seul mode de scrutin pour toutes les communes de France. On n'est pas en train d'inventer une usine à gaz ! (« Si ! » sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Personne ne réclame un retour en arrière pour les communes de 1 000 à 3 500 habitants. (Murmures sur plusieurs travées)

Nous sommes tous engagés pour la commune, premier kilomètre de la République - moi la première. C'est respecter les électeurs des petites communes que de leur soumettre un projet. Ce n'est pas en continuant en l'état qu'on réglera le problème du désengagement des élus... Un projet est un contrat avec les électeurs : une liste, c'est un collectif, pas une addition d'individus.

Le risque de politisation ? Je connais des communes de plus de 10 000 habitants avec une seule liste, et des communes de plus de 1 000 habitants où l'équipe municipale s'est constituée sur un projet, sans que cela renforce du tout la politisation.

Ce texte est raisonnable. Respecter l'article 1er de la Constitution ne me dérange pas. (Sourires) On impose la parité à l'ordre des architectes ou à l'ordre des médecins : on peut le faire pour les petites communes. Attendre 2032 serait déraisonnable. Je salue les jeunes en tribune : j'espère qu'ils s'engageront.

Avis très défavorable. Si vous votez cet amendement, vous ne pourrez pas regretter, en avril 2026, qu'on manque de conseillers municipaux ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Bernard Buis applaudit également.)

M. Loïc Hervé.  - Bravo !

Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois.  - L'hémicycle est un peu agité... Il y avait sans doute la même ambiance en 2013, lorsque le seuil du scrutin de liste a été abaissé. Or les craintes soulevées par la réforme de mai 2013 - qui s'appliquait, je le rappelle, aux élections de mars 2014 - ont été levées. La politisation redoutée n'a pas été observée.

À mes yeux, le sujet n'est pas celui de la parité. Personne ici ne conteste que les femmes puissent faire de la politique, personne ne souhaite faire obstacle à la parité, qui n'est que la conséquence du scrutin de liste.

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

Mme Muriel Jourda, présidente de la commission.  - Le panachage peut conduire à exclure des membres clé de l'équipe - le maire, voire l'ensemble des adjoints ! - ce qui complique la gestion de la commune. (Marques d'impatience à droite) C'est une image d'Épinal que celle de la petite commune où tout le monde s'entend !

Comme la ministre, je m'étonne du traitement réservé aux associations d'élus. C'est une demande de l'AMF depuis 2013 - confirmée, dans mon département, par les deux présidents d'associations d'élus. Faut-il nous y opposer parce que nous avons discuté avec tel ou tel maire ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC ; M. Bernard Buis applaudit également.)

M. Étienne Blanc.  - En lisant les argumentaires des associations d'élus, nous avons vu le désarroi d'élus de petites communes, d'adjoints en charge de l'urbanisme battus aux élections pour avoir pris une décision qui n'avait pas plu au plus grand nombre...

Mais enfin, pourquoi le Gouvernement s'attache-t-il à faire la guerre à la liberté ? La liberté de choisir celui qu'on veut élire, de porter un jugement sur tel ou tel comportement, telle ou telle politique.

Vous me direz : c'est une histoire de chasse, de voisinage, de querelle familiale antédiluvienne... Mais c'est la réalité de la France. Dans mon département du Rhône, il y a un petit village qui s'appelle Clochemerle. Dans la réalité comme dans les romans, c'est la liberté qui l'emporte. Avec ce texte, vous faites la guerre à la liberté dans les petites communes... (Protestations sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Loïc Hervé.  - Arrêtez !

M. Étienne Blanc.  - ... que vous devriez plutôt protéger. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Joshua Hochart applaudit également.)

Mme Cécile Cukierman.  - Depuis quinze ans que je suis sénatrice, je ne savais pas que les propositions de l'AMRF devaient être votées ! (Mme Françoise Gatel proteste.) Nombre d'entre elles ont pourtant été rejetées, sur l'intercommunalité, sur les financements, les compétences...

Il nous appartient à nous, élus, d'écouter les associations d'élus, comme les autres corps intermédiaires, puis d'avoir un débat éclairé.

Si le calendrier d'examen du texte pose problème, c'est que le pays est en pleine crise politique - la situation n'était pas la même lorsqu'on a étendu le scrutin de liste aux communes de 1 000 à 3 500 habitants.

Si une réforme du mode de scrutin pouvait régler la crise de l'engagement, cela se saurait ! La difficulté à animer une équipe municipale, les démissions, l'attrition des compétences, la quête de sens, le risque pénal - voilà les vrais problèmes, qui justifient un statut de l'élu avant tout autre réforme. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains, INDEP et UC ; Mme Mireille Jouve applaudit également.)

Mme Laure Darcos.  - Le bureau de l'AMRF est en réalité très partagé. Idem dans les départements. L'absence de réponse aux sondages a été prise pour une approbation... Je voterai l'amendement de suppression, que j'ai cosigné.

Le scrutin de liste est peut-être la solution dans certains départements, mais dans l'Essonne, ce sont des dizaines de communes qui ne trouveront pas de candidats en 2026 !

Pourquoi des gens de bonne volonté, qui ont envie de s'engager, de travailler avec des gens de sensibilité différente au sein d'une majorité municipale, seraient-ils écartés au motif qu'une personnalité sur la liste ne plaît pas ? Là aussi, il y a du tir aux pigeons !

Quant à la parité, ce sont des femmes maires qui m'ont dit avoir du mal à trouver des candidates - ce n'est pas un problème de féminisme ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Pierre-Alain Roiron.  - (Marques d'impatience à droite) Nous attendions qu'un Gouvernement inscrive la proposition de loi sur le statut de l'élu à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Ce serait fait dans quelques semaines.

J'étais maire en 2013, lors de la précédente réforme : déjà, on soulevait la question, récurrente, du calendrier.

Les avis sont partagés dans les territoires ; les associations d'élus ne sont pas unanimes, mais majoritairement pour.

Quant à la parité, n'allez pas me dire que dans une commune de moins de cent habitants, avec cinq conseillers municipaux, on ne peut pas trouver deux femmes !

M. Grégory Blanc.  - Initialement, je partageais plusieurs des arguments qui ont été évoqués, je craignais une complexification. Mais lors des auditions, j'ai entendu la souffrance des maires - et pas seulement ceux qui avaient été battus !

Comment y répondre ? Oui, il faut avancer sur les compétences, sur le statut de l'élu, mais la souffrance engendrée par le panachage et la stabilité des équipes sont aussi des sujets importants.

Tranchons d'abord le mode de scrutin, puis nous aborderons les autres sujets, comme la complétude, aux articles suivants.

Nous avons l'obligation impérieuse de répondre aux tensions dans les équipes rurales et de ces femmes et ces hommes qui souhaitent s'engager pour leur territoire. (Mme Cécile Cukierman s'exclame.)

M. Guillaume Gontard.  - Le GEST votera contre les amendements de suppression. Je me méfie du simplisme. Ne rien faire, ne pas vouloir se confronter aux problèmes est source de complexité. Des questions se posent, il faut savoir y répondre.

Ce problème ne date pas d'hier, les associations d'élus en discutent depuis quatre ans. Plusieurs textes ont été débattus, et votés. Il faut avancer, acter les choses.

La parité a toujours avancé parce qu'elle était imposée, pour les élections départementales, par exemple : c'est grâce à cette obligation que le Sénat s'est féminisé !

On redoute la politisation, mais la politique n'est pas un gros mot. À travers le scrutin de liste, on défendra un projet, du collectif - et le collectif a toujours été source de liberté.

M. Laurent Duplomb.  - On me pense plutôt réactionnaire et conservateur...

M. Jérôme Durain.  - C'est vrai ! (Sourires)

M. Laurent Duplomb.  - Pourtant, je ne voterai pas ces amendements. J'ai été maire, je suis encore conseiller municipal dans une commune de plus de 1 000 habitants. S'il fallait revenir au mode de scrutin antérieur, il y aurait une levée de boucliers !

Les habitants des communes de 900 habitants ont-ils moins de droit que les autres ?

S'engager, c'est d'abord d'avoir un projet pour sa commune. L'addition d'individus, dans un scrutin uninominal, ne fait pas un projet. Et si l'on est plusieurs, autant constituer une liste !

L'intérêt général n'est pas la somme des intérêts particuliers. La difficulté pour un élu, c'est de savoir dire non. Or ceux qui ont ce courage ont souvent plus de coups de crayon que ceux qui disent toujours oui, ou qui ne font rien ! (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes UC, SER, et du GEST)

M. Bernard Fialaire.  - (Marques d'impatience à droite) Sénateur du Rhône, près de Clochemerle, je veux défendre la liberté, corollaire de la responsabilité. Les règles qui fixent le vivre-ensemble n'attentent pas à la liberté : elles la protègent. Ce texte protège la liberté, l'égalité entre les sexes, la fraternité. Je le voterai avec enthousiasme. (M. François Patriat applaudit.)

M. Jean-François Husson.  - En 2013, j'avais soutenu l'extension du scrutin de liste, pour faire avancer la parité mais aussi l'intercommunalité.

La Meurthe-et-Moselle compte 472 communes de moins de 1 000 habitants. J'ai sondé les maires : les deux tiers sont opposés au scrutin de liste, 80 % d'entre eux disent peiner à remplir l'obligation de parité. Dans 15 % des cas, le répondant a ajouté : n'avez-vous pas autre chose à faire en ce moment ? (Murmures d'approbation à droite) Cela a contribué à forger mon avis.

Les associations d'élus jouent leur rôle ; lors du budget, nous les écoutons, ce qui ne les empêche pas de nous égratigner... C'est le jeu de la démocratie. Nous écoutons les points de vue des uns et des autres, puis nous nous prononçons.

M. Olivier Paccaud.  - Je voterai les amendements de suppression.

Le mode de scrutin actuel est-il mauvais ? Je ne le crois pas. Empêche-t-il la parité ? Non. Nous avons tous, dans nos territoires, des communes de moins de 1 000 habitants où le maire est une femme, où tous les adjoints sont des femmes !

Mme Audrey Linkenheld.  - Et ça va, ou pas ?

M. Olivier Paccaud.  - Le problème n'est pas la parité mais la parité obligatoire. Dans ces conseils municipaux d'amazones, vous allez devoir renvoyer la moitié de ces femmes pour respecter la parité ! (Mme Audrey Linkenheld proteste.)

M. Patrick Kanner.  - Scandaleux !

M. Olivier Paccaud.  - Dans d'autres, majoritairement masculins, il faudra renvoyer des hommes, pourtant de bonne volonté.

Pour avoir de bons conseillers municipaux, il ne faut pas une parité obligatoire, mais une motivation obligatoire !

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Pour les femmes, la parité a été un élément déclencheur, c'est vrai.

En bonne centriste, je défendrai un amendement de compromis, qui fixe le seuil à 500 habitants. En revanche, pour les plus petites communes, il me semble très compliqué d'imposer le scrutin de liste.

M. Pierre Jean Rochette.  - Très bien.

M. Alain Joyandet.  - La question de la parité est derrière nous. J'ai voté toutes les lois sur la parité - c'est la seule façon pour qu'il y ait encore 50 % d'hommes à l'avenir ! (Sourires)

La Haute-Saône compte 530 communes de moins de 1 000 habitants, sur 539. Dans les départements ruraux, 70 à 80 % des maires sont contre cette réforme !

M. Jérôme Durain.  - Et les associations, alors ?

M. Alain Joyandet.  - Les élus locaux ne comprennent pas.

M. Jérôme Durain.  - Il faut leur expliquer !

M. Alain Joyandet.  - Avec la loi NOTRe, nous avons créé une usine à gaz. Il a fallu huit ans pour obtenir que le transfert de la compétence eau et assainissement soit facultatif ! (Mme Françoise Gatel proteste.)

Pourquoi faudrait-il un mode de scrutin uniforme dans toute la France ? Au Sénat, nous ne sommes pas tous élus de la même façon ! Pourquoi tous les sénateurs ne seraient-ils pas élus au scrutin uninominal ? (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et INDEP ; Mme Mireille Jouve applaudit également.)

M. Loïc Hervé.  - Cette proposition de loi est l'occasion d'aller au bout de la logique de la parité. (Mme Kristina Pluchet s'exclame.)

Je salue le consensus au sein des associations d'élus, mais le plus important, c'est d'en finir avec la pratique archaïque du tir aux pigeons. (Applaudissements quelques travées du groupe SER) À un an des municipales, le Sénat enverrait un signal fort en y mettant fin. C'est une punition très dure à vivre pour les élus, dans des communes à peine sous le seuil des 1 000 habitants.

La tête de liste doit pouvoir choisir ceux qui assumeront les responsabilités. Quand tout le monde est réélu sauf le maire et l'adjoint à l'urbanisme, l'argument se retourne !

Mme Cécile Cukierman.  - Il est élu au second tour !

M. Loïc Hervé.  - Nous ferions coup double en votant cette proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Patrick Kanner.  - J'écoutais le débat depuis mon bureau : c'est le même qu'il y a quarante ans, lors de la création des conseils régionaux, élus à la proportionnelle - une grande réforme de la gauche. (M. Jacques Grosperrin s'exclame.)

Depuis, nous avons cheminé sur le chemin de la parité, objectif républicain - et vous voudriez vous arrêter à la dernière marche ?

Président du département du Nord, j'ai eu l'honneur, avec Claudy Lebreton, de construire le nouveau scrutin départemental.

M. Alain Joyandet.  - Ce n'est pas une réussite !

M. Patrick Kanner.  - Avant cette réforme, on comptait 13 % de femmes dans les conseils départementaux, et moins d'une dizaine de présidentes de département. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) On nous disait qu'on ne trouverait pas de femmes ? Elles représentent aujourd'hui 50 % des présidents de département. (M. Olivier Paccaud s'exclame.) Regardez l'avenir en face et non dans le rétroviseur !

M. Alain Joyandet.  - Ce n'est pas le débat !

Mme Corinne Féret.  - Je réagis aux propos d'Olivier Paccaud, qui a parlé d'un « conseil municipal d'amazones ». Je regarde la définition, et je constate que ce terme peut avoir une connotation négative. (Vives protestations à droite) Rassurez-moi, monsieur le sénateur, sinon je serais obligée de faire un rappel au règlement. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)

M. Olivier Paccaud.  - J'admire les amazones ! C'est ridicule !

À la demande des groupes SER et INDEP, les amendements identiques nos7 rectifié ter et 25 rectifié ter sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°215 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 311
Pour l'adoption 120
Contre 191

Les amendements identiques nos7 rectifié ter et 25 rectifié ter ne sont pas adoptés.

(Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST, et sur plusieurs travées des groupes UC, Les Républicains et du RDPI ; M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié de M. Mizzon et alii.

M. Jean-Marie Mizzon.  - Tous les sénateurs le savent : le monde des communes est hétérogène. Méconnaître cela est méconnaître le droit à la différenciation qui a tant de vertus.

Créer une équipe municipale demande plus d'efforts aux petites communes. Pour une commune de 300 habitants, trouver une équipe de 9 conseillers, c'est un effort identique à celui de trouver 3 900 conseillers pour une commune de 130 000 habitants.

En ajoutant condition sur condition, nous créons des difficultés.

De plus, face à la raréfaction des candidats, nous risquons de remettre en cause un principe à valeur constitutionnelle, le pluralisme. Nos concitoyens sont en droit de pouvoir choisir. Ne nous tirons pas une balle dans le pied !

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié de M. Mizzon et alii.

M. Jean-Marie Mizzon.  - Défendu.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Ces deux amendements sont en quelque sorte des amendements de repli. Ils sont contraires à la position de la commission, qui veut harmoniser et simplifier. Des mesures ont été adoptées pour tenir compte de la situation particulière des communes rurales. Avis défavorable.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - J'approuve les arguments de la rapporteure. Il s'agit de consolider un vote aux élections municipales fondé sur un projet et une équipe. Nous avons fixé le seuil à 1 000 habitants. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Hervé Maurey.  - À titre personnel, je suis plutôt attaché au mode de scrutin actuel. Je crains que l'extension du scrutin de liste n'entraîne une politisation et une rigidification de la vie locale (murmures sur les travées du groupe SER et du GEST) et ne décourage les citoyens de s'engager. On risque alors de ne pas avoir de liste concurrente.

Cependant, je voterai pour cette proposition de loi. J'ai consulté les maires de communes de moins de 1 000 habitants de mon département : 70 % ont répondu et 70 % souhaitent cette réforme.

Je voterai néanmoins les amendements de M. Mizzon : il serait plus sage de mener la réforme progressivement, en commençant par les communes de plus de 500 habitants, avant d'envisager une généralisation.

À la demande du groupe SER, l'amendement n°2 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°216 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 306
Pour l'adoption   73
Contre 233

L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté.

À la demande du groupe SER, l'amendement n°3 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°217 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 307
Pour l'adoption   68
Contre 239

L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°38 du Gouvernement.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Cet amendement rédactionnel harmonise les règles de composition des commissions de contrôle des listes électorales.

M. le président.  - Amendement identique n°43 de Mme Bellurot et M. Kerrouche, au nom de la commission des lois.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Cet amendement rédactionnel identique.

Les amendements identiques nos38 et 43 sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié de Mme Romagny et alii.

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Je suis étonnée que mon amendement n'ait pas été examiné avec celui de M. Mizzon. Il faut adapter cette réforme électorale en ouvrant le scrutin de liste aux communes de plus de 500 habitants seulement. Il s'agit d'une mesure d'équilibre. Procédons étape par étape.

M. le président.  - L'amendement de M. Mizzon était de réécriture globale, à la différence du vôtre.

M. le président.  - Amendement identique n°33 rectifié de M. Roux et alii.

Mme Maryse Carrère.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°37 rectifié du Gouvernement.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Rédactionnel.

M. le président.  - Amendement identique n°44 de Mme Bellurot et M. Kerrouche, au nom de la commission des lois.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Rédactionnel.

M. le président.  - Amendement n°34 rectifié de M. Roux et alii.

Mme Mireille Jouve.  - Ces listes incomplètes, une fois élues, pourraient avoir des difficultés à maintenir un effectif complet pendant toute la durée du mandat. Nous craignons aussi une concurrence entre listes complètes et incomplètes ; ces dernières risqueraient de devenir la norme. Ainsi nous réservons les listes incomplètes aux communes de moins de 500 habitants.

M. Éric Kerrouche, rapporteur.  - Sur les amendements identiques nos4 rectifié et 33 rectifié, avis défavorable ; l'idée est d'harmoniser jusqu'au bout.

L'amendement n°34 rectifié est problématique. L'autorisation de dépôt de liste incomplète tient compte des difficultés des petites communes. Il ne s'agit pas de la règle générale, mais uniquement d'une faculté, librement utilisée ou non. Avis défavorable.

Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois.  - Je demande la priorité de vote pour les amendements nos37 rectifié et 44.

M. le président.  - Elle est de droit si le Gouvernement ne s'y oppose pas.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Avis favorable.

La priorité est ordonnée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Avis défavorable aux amendements nos4 rectifié et 33 rectifié de Mme Romagny et M. Roux. Ils s'apparentent aux amendements défendus par M. Mizzon, or nous sommes pour une règle universelle.

L'amendement n°34 rectifié de M. Roux mélange les deux modes de scrutin : voilà une complexification très artistique... Avis défavorable.

M. le président.  - Nous allons procéder à un scrutin public.

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Monsieur le président, je suis perdue. Mon amendement est en discussion commune, pourtant il parle de tout autre chose ! De plus, je ne sais plus sur quoi nous votons.

M. le président.  - Si les amendements nos37 rectifié et 44 sont adoptés, les autres deviendront sans objet.

Mme Cécile Cukierman.  - Madame Romagny, l'appel en priorité fera tomber votre amendement. C'est cela, la réalité... Dont acte.

Cela étant dit, il devient compliqué de simplifier ; on déroge, on essaie de trouver des pis-aller pour chaque cas particulier, mais pour quel résultat ?

Nous allons débattre un moment, alors je repose ma question : en quoi simplifions-nous la vie des communes lorsqu'une équipe de cinq conseillers, au lieu de sept, se retrouvera, après deux démissions, à trois ? Est-ce cela, l'avenir d'une belle équipe et d'un projet municipal ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mme Mireille Jouve applaudit également.)

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Je souscris à l'ordonnancement proposé par la commission. Les amendements en question sont des déclinaisons de ceux de M. Mizzon, avec des seuils différents.

M. Jean-François Longeot.  - Une certaine confusion semble régner. Aussi je demande une suspension de séance de quelques minutes. Peut-être ne suis-je pas assez réactif... (Sourires)

M. le président.  - Selon le règlement, quand la commission des lois demande la priorité, celle-ci peut être acceptée par le Gouvernement. Ces amendements sont votés en premiers et, s'ils sont adoptés, ils font tomber les autres.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Peut-on toutefois suspendre la séance quelques minutes ?

La séance est suspendue pour quelques instants.

M. Éric Kerrouche, rapporteur.  - L'amendement n°4 rectifié de Mme Romagny n'était pas examiné avec celui de M. Mizzon pour des raisons légistiques : il ne réécrivait pas l'article, à la différence de celui de M. Mizzon.

Pourquoi est-il en discussion commune avec les amendements nos34 rectifié, 37 rectifié et 44 de M. Roux, du Gouvernement et de la commission ? Parce qu'il porte sur les mêmes alinéas.

Quant à la priorité, la commission peut la demander dans un cas comme celui-ci, lorsqu'un amendement règle de nombreux points en discussion.

À la demande de la commission des lois, les amendements identiques nos37 rectifié et 44 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°218 :

Nombre de votants 308
Nombre de suffrages exprimés 268
Pour l'adoption 245
Contre   23

Les amendements identiques nos37 rectifié et 44 sont adoptés.

Les amendements identiques nos4 rectifié et 33 rectifié n'ont plus d'objet, non plus que l'amendement n°34 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°15 rectifié bis de M. Mizzon et alii.

M. Jean-Marie Mizzon.  - Comme pour les communes de plus de 1 000 habitants, les communes de moins de 1 000 pourraient avoir deux candidats de plus. Aléas, soucis, démissions... tout cela existe.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Demande de retrait. Cet amendement est satisfait.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Cet amendement est pertinent... comme le texte initial. Retrait, car satisfait.

L'amendement n°15 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°28 rectifié bis de M. Chasseing et alii.

M. Daniel Chasseing.  - Cet amendement m'a été suggéré lorsque j'ai interrogé des maires. En dessous de 500 habitants, la parité est difficile à appliquer. Nous prévoyons donc une dérogation en ce sens.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Retrait, sinon avis défavorable. L'exigence de parité est inscrite dans la Constitution. Je ne crois pas que la crainte d'un manque de candidates soit justifiée. Chaque fois que le législateur a prévu des scrutins paritaires, cette crainte a été exprimée, avant d'être dissipée par la pratique.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Le souhait du Gouvernement, c'est de renforcer la démocratie selon le principe : une liste, une équipe, un projet. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Cécile Cukierman.  - Personnellement, je ne voterai pas cet amendement, mais je ne voterai pas l'article non plus. On mélange deux choses. La question n'est pas pour ou contre la parité. (M. Patrick Kanner le conteste.)

Pardon, monsieur le président Kanner, je n'ai pas inscrit mes propos dans cette perspective depuis 14 h 30. Ceux qui sont là depuis le début de nos débats le savent...

Le code électoral, ce n'est pas une carte de restaurant ! Je crois que cette proposition de loi, telle qu'elle est rédigée, ne répond pas aux enjeux et ne résoudra rien : la crise politique restera la même.

Quand il y aura des listes uniques partout, et que plus personne n'ira voter, aurons-nous restauré la vitalité de la démocratie ?

À la demande du groupe SER, l'amendement n°28 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°219 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 325
Pour l'adoption   17
Contre 308

L'amendement n°28 rectifié bis n'est pas adopté.

M. Cédric Vial.  - Nous n'allons pas refaire le match, mais je pense que le sujet est très important. Ce texte ayant été voté à l'Assemblée nationale, potentiellement, il pourra s'appliquer sur tous nos territoires.

Si nous n'avions pas voté par scrutin public, l'amendement de suppression de l'article 1er aurait été adopté.

Monsieur Kanner, vous avez dit que c'était grâce à vous que nous avions ce nouveau mode de scrutin dans les départements (M. Patrick Kanner le confirme) dont vous êtes fier, semble-t-il, mode de scrutin qui a dénaturé l'organisation des scrutins cantonaux et privé les cantons de leur sens. Je comprends, il y a une logique : j'étais opposé à cette réforme et je le suis toujours aujourd'hui pour les petites communes. Les conseillers départementaux sont aujourd'hui très peu connus et peu représentatifs. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Cédric Chevalier.  - Je voterai contre cet article à titre personnel. Nous allons ouvrir une boîte de Pandore. Nous avons envoyé un message aux maires en leur disant qu'ils n'étaient pas capables d'animer la vie démocratique dans les petites communes, alors que c'est faux ! (M. Jean-Gérard Paumier applaudit.)

M. Éric Kerrouche, rapporteur.  - Allons !

M. Cédric Chevalier.  - Je souhaite bonne chance aux sénateurs sur cette ligne au prochain renouvellement en 2026... (Quelques marques d'indignation au centre)

M. Patrick Kanner.  - Je me suis battu pour un scrutin uninominal à deux tours, pour conserver un ancrage territorial. M. Philippe Grosvalet peut en témoigner.

Le scrutin public est très utilisé par la majorité sénatoriale. Combien de fois, parce que vous étiez minoritaires dans l'hémicycle, avez-vous réussi - pardonnez-moi l'expression  - à flinguer des propositions de gauche ? Je suis plus attaché au scrutin tel qu'il existe à l'Assemblée nationale : un homme, une voix et une seule procuration par personne. (M. André Reichardt proteste.)

À la demande des groupes SER et Les Républicains, l'article 1er est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°220 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 312
Pour l'adoption 233
Contre   79

L'article 1er, modifié, est adopté.

(Applaudissements sur quelques travées du GEST et du groupe UC)

Après l'article 1er

M. le président.  - Amendement n°39 du Gouvernement.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Nous adaptons ce texte à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française.

M. Éric Kerrouche, rapporteur.  - C'est une habilitation à prendre des ordonnances. Il faut être prudent. L'extension du mode de scrutin fait l'objet de demandes réitérées dans l'Hexagone, mais aucune consultation n'a été faite dans les collectivités d'outre-mer. Par ailleurs, les outre-mer n'ont pas été évoqués lors de l'examen à l'Assemblée nationale. Gardons du recul, et que le Gouvernement s'engage à réaliser toutes les consultations nécessaires. Sagesse en attendant.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Je rappelle la situation particulière de la Nouvelle-Calédonie. Certes, cela ne pourra se faire sans dialogue avec les territoires concernés.

L'amendement n°39 est adoptéet devient un article additionnel.

Article 1er bis

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié bis de M. Chevalier et alii.

L'amendement n°8 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°40 du Gouvernement.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - C'est un amendement de coordination qui prévoit aussi de désigner les conseillers communautaires en fonction de l'ordre du tableau pour les communes de moins de 1 000 habitants.

Dans la loi Engagement et proximité, nous avions prévu, pour éviter des irritants, que lorsqu'il n'y a qu'un conseiller communautaire dans la commune, il soit par défaut le maire, sauf décision contraire de sa part.

Avec le système du fléchage, en cas de démission d'un maire qui était aussi conseiller communautaire, le nouveau maire ne sera pas de facto conseiller communautaire. Cela pourrait créer des dissensions au sein de l'intercommunalité.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Nous avions souhaité, dans une logique d'harmonisation, étendre le fléchage aux communes de moins de 1 000 habitants. Certains maires regrettent de ne pas disposer de la même légitimité démocratique que les conseillers communautaires élus au suffrage universel direct. Cependant, on nous a interpellés sur le fait qu'un nouveau maire ne serait pas assuré de disposer de la place de conseiller communautaire vacante. La commission a émis un avis de sagesse sur ce point. À titre personnel, je voterai pour cet amendement.

M. Pierre-Alain Roiron.  - Nous ne voterons pas cet amendement. Dans une logique de liste, il est normal qu'il y ait un fléchage.

Mme Cécile Cukierman.  - J'adore le Sénat dans ces moments-là... Depuis deux heures et demie, on nous dit qu'il faut tout harmoniser. Mais finalement on ne va pas tout harmoniser !

Dans les communes de moins de 1 000 habitants, on dépose la liste, avec fléchage. Mais en cas d'élection complémentaire, plus de fléchage ! Et hop, hop, hop ! Comme vous n'avez pas simplifié à l'article 1er, voilà ce à quoi on aboutit à l'article 1er bis... Nous nous abstiendrons.

M. Vincent Louault.  - Nous voici dans le gras du problème. Même dans les petites communes, il y a des accords locaux : un maire laisse son numéro deux prendre la place au conseil communautaire ; on a fait démissionner quatre personnes pour garder un sénateur au conseil communautaire... (Murmures) Eh oui, je voulais garder le lien avec mon territoire. (On s'en amuse sur plusieurs travées.) Nous n'avons pas fini de faire le SAV de cette loi. (Marques d'approbation sur plusieurs travées)

M. Cédric Vial.  - C'est une simplification incroyable. Bravo ! (On s'en amuse sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Je comprends. Mais si vous ne souhaitez pas d'assouplissement, ne votez pas cet amendement !

La simplification, c'est qu'il y aura un même type de scrutin pour toutes les communes. Quand on a une équipe et un projet, les électeurs votent pour telle ou telle liste, en connaissance de cause ; c'est respectueux de la démocratie. Les rapporteurs et moi-même prenons en compte les situations des plus petites communes, d'où notre proposition sur l'incomplétude.

L'amendement que je vous présente répond à des effets collatéraux, conformément à ce que le Sénat a voté en 2019. Toutefois, on peut aussi en rester à une généralisation totale... Chacun son choix.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié de Mme Romagny et et alii.

Amendementn°45 de Mme Bellurot et M. Kerrouche, au nom de la commission des lois.

L'amendement n°40 est adopté, et l'article 1er bis est ainsi rédigé.

Les amendements nos5 rectifié et 45 n'ont plus d'objet.

Article 1er ter

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié bis de M. Chevalier et alii.

L'amendement n°9 rectifié bis est retiré.

Présidence de M. Dominique Théophile, vice-président

M. le président.  - Amendement n°42 du Gouvernement.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Il s'agit de supprimer l'extension aux communes de moins de 1 000 habitants de l'obligation de représentation proportionnelle - c'est-à-dire paritaire - des commissions municipales, qui n'ont pas de pouvoir de décision. Assouplissons !

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié de Mme Romagny et alii.

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Je le retire, car il n'a plus lieu d'être.

L'amendement n°6 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°27 rectifié bis de Mme Romagny et alii.

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Cet amendement supprime l'obligation de parité pour les adjoints dans les communes de moins de 1 000 habitants. C'est déjà suffisamment compliqué !

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Sagesse sur l'amendement n°42, car nous avons besoin de souplesse.

Un adjoint au maire peut ne pas être remplacé par un adjoint de même sexe. La souplesse apportée par la commission répond à l'amendement n°27 rectifié bis : avis défavorable.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Sagesse.

L'amendement n°42 est adopté.

À la demande du groupe SER, l'amendement n°27 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°221 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 312
Pour l'adoption 120
Contre 192

L'amendement n°27 rectifié bis n'est pas adopté.

À la demande du groupe Les Républicains, l'article 1er ter est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°222 :

Nombre de votants 334
Nombre de suffrages exprimés 307
Pour l'adoption 252
Contre   55

L'article 1er ter, modifié, est adopté.

Après l'article 1er ter

M. le président.  - Amendement n°20 rectifié ter de Mme Canayer.

Mme Agnès Canayer.  - Il nous semble qu'il serait judicieux de prendre en compte le sexe du maire pour le calcul de la parité en ce qui concerne les adjoints : ainsi, dans un exécutif de trois personnes, quand le maire est un homme, il ne peut avoir deux adjointes...

M. Éric Kerrouche, rapporteur.  - L'élection du maire et celle des adjoints sont deux élections distinctes. (Mme Françoise Gatel le confirme.) De plus, votre amendement introduit des difficultés de calcul dans la règle de la parité et viendrait en contradiction avec la rédaction de l'article 1er ter telle qu'elle vient d'être adoptée. Vous créez une différence de traitement injustifiée entre les communes de 500 à 1 000 habitants et celles de 1 000 à 1 500 habitants, alors qu'elles ont le même nombre d'adjoints.

Tenons-nous en à la règle de parité que nous avons instituée. Avis défavorable.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Madame Canayer, je salue votre créativité.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Légendaire !

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - L'élection du maire et celle des adjoints sont deux élections différentes.

Retrait, sinon avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Cet amendement, que j'ai cosigné, apporte une souplesse bienvenue. C'est le bon sens près de chez vous ! Le principe de parité serait respecté dans l'esprit, mais avec une faculté d'adaptation. C'est nécessaire pour que chacun s'approprie la loi. Les objections du rapporteur et de la ministre ne sont pas insurmontables.

Mme Agnès Canayer.  - Malgré cette défense engagée, je retirerai cet amendement techniquement compliqué à mettre en oeuvre. C'est néanmoins un vrai sujet, qui mérite une réponse.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Je le reprends !

M. le président.  - L'amendement n°20 rectifié ter devient l'amendement n°20 rectifié quater.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous examinons une proposition de loi sur la parité dans le bloc communal. Une majorité de sénateurs a voté l'article 1er. Mais depuis tout à l'heure, nous examinons et votons des amendements qui ne respectent pas ladite parité. Dont acte.

À la demande du groupe SER, l'amendement n°20 rectifié quater est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°223 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 319
Pour l'adoption   54
Contre 265

L'amendement n°20 rectifié quater n'est pas adopté.

Article 2 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°29 rectifié de M. Chasseing et alii.

M. Daniel Chasseing.  - Face à la difficulté de rassembler un nombre suffisant de candidats dans les petites communes, je propose d'adapter le nombre de conseillers à la taille de la commune : celles de moins de 100 habitants auraient cinq conseillers, celles de 100 à 499 habitants, neuf conseillers, celles de 500 à 999 habitants, onze conseillers et celles de 1 000 à 1 499 habitants, quinze conseillers.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - En octobre 2024, une proposition de loi visant à réduire le nombre de conseillers municipaux dans les petites communes a été rejetée à deux voix près, alors qu'elle avait été votée par la commission des lois. Dommage... Retrait ?

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Oui, il est parfois difficile de trouver des candidats en nombre suffisant...

La rapporteure a évoqué la proposition de loi repoussée en octobre dernier, d'où notre proposition autour de l'incomplétude.

Votre amendement ne tire pas les conséquences d'une éventuelle réduction du nombre de conseillers municipaux sur le collège électoral du Sénat, ce qui soulèverait d'importantes difficultés. Avis défavorable.

M. Vincent Louault.  - Nous n'avions pas entendu cet argument sur le collège électoral en octobre dernier...

Si la proposition de loi de l'époque s'était concentrée sur les communes de moins de 1 000 habitants, elle aurait été adoptée.

Mme Cécile Cukierman.  - C'est vrai !

M. Vincent Louault.  - M. Chasseing va maintenir son amendement et il va se prendra une balle, comme on dit à la campagne... Pas grave.

M. Pierre-Alain Roiron.  - Cette question est légitime. Certes, la proposition de loi Bonneau a été rejetée à une très courte majorité. Mais pourquoi y revenir alors que nous avons la possibilité de prévoir deux conseillers municipaux de moins ? Une strate nouvelle n'est pas forcément bienvenue. Nous voterons contre.

M. Cédric Vial.  - Les élus municipaux, bénévoles, sont l'âme de nos communes rurales. Mais cette proposition de loi supprime 40 000 élus ! (M. Éric Kerrouche s'en étonne.) Est-ce judicieux, à l'heure où nous avons tant besoin d'engagement ? Non !

Mme Cécile Cukierman.  - Qui est habilité, dans une commune, à décider s'il faut cinq conseillers municipaux, sept ou neuf ? Solidarité avec le corps préfectoral : il va y en avoir des contentieux pour discrimination ! Qui serez-vous pour rejeter le dixième sur la liste ?

Tout ceci n'est pas mûr : à un an des élections, c'est vraiment ajouter du bazar au bazar. Nous nous abstiendrons.

M. Éric Kerrouche, rapporteur.  - Je peine à comprendre le débat.

Je sais l'engagement de Cédric Vial pour la défense des élus. Il n'est pas question de supprimer des élus, mais de mettre en oeuvre une faculté qui existe depuis 2019 et qui permet de considérer comme complets les conseils des communes de moins de 500 habitants et de l'étendre à la tranche 500-1 000.

M. Cédric Vial.  - Mais là, ce sera dès le premier tour !

Mme Cécile Cukierman.  - Ce n'est pas le même mode de scrutin !

M. Éric Kerrouche, rapporteur.  - Mais c'est le même nombre de candidats. Je ne comprends pas non plus l'intervention de Mme Cukierman. Pour une commune de moins de 100 habitants, le seuil légal est de sept conseillers ; le réputé complet est de cinq conseillers ; on peut ajouter deux suppléants, soit neuf conseillers. On pourra donc avoir des listes de cinq, sept ou neuf candidats, que la préfecture validera.

Mme Cécile Cukierman.  - Et on empêchera tel ou tel d'être candidat, parce que les autres candidats de la liste ne l'aiment pas.

M. Éric Kerrouche, rapporteur.  - Mais personne ne peut s'imposer sur une liste dans les communes de plus de 1 000 habitants !

M. Laurent Somon.  - On nous fait croire qu'il s'agit d'aligner, mais en réalité on multiplie les dérogations (Mme Françoise Gatel le conteste.)

Mme Cécile Cukierman.  - Il a raison !

M. Éric Kerrouche, rapporteur.  - Je ne comprends pas.

M. Cédric Vial.  - C'est bien le problème !

M. Éric Kerrouche, rapporteur.  - Quelle est la différence entre les communes de moins de 1 000 habitants et celles de plus de 1 000 habitants ? C'est bien la taille. Les règles doivent donc tenir compte des effectifs limités qui peuvent poser des difficultés particulières. (M. Olivier Rietmann le conteste.) Ces adaptations de bon sens nous sont demandées. (Mme Cécile Cukierman proteste.)

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - L'amendement abaisse le nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 1 500 habitants. Ce passionnant débat a eu lieu, il a été tranché. Aujourd'hui, nous traitons du scrutin de liste pour les communes de moins de 1 000 habitants. Je vous propose de retirer l'amendement.

M. Jean-Pierre Grand.  - Le Sénat a une image de marque : le sérieux. Comment défendre ce texte devant nos grands électeurs ? Les présidents de groupe doivent s'entendre pour arrêter ce débat.

M. Éric Kerrouche, rapporteur.  - Bien sûr !

M. Jean-Pierre Grand.  - Nous sommes dans le grotesque absolu. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et CRCE-K ; M. Jean-François Longeot applaudit également.)

M. Michel Masset.  - Je ne comprends pas pourquoi nous continuons de débattre d'un sujet sur lequel nous nous sommes déjà prononcés.

M. Daniel Chasseing.  - J'ai entendu Mme la rapporteure et je retire l'amendement.

L'amendement n°29 rectifié est retiré.

Article 3

M. le président.  - Amendement n°30 rectifié bis de M. Chasseing et alii.

M. Daniel Chasseing.  - Il s'agit d'ajuster les seuils réputant complets les conseils municipaux : 5 pour les communes de moins de 100 habitants ; 7 pour celles de 100 à 400 habitants ; 9 pour celles de 500 à 999 habitants et 13 pour celles de 1 000 à 1 499 habitants.

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié de M. Grégory Blanc et alii.

M. Grégory Blanc.  - Cet amendement de compromis permet de conserver le scrutin de liste dans les communes de 500 à 999 habitants, tout en abaissant leur seuil de complétude de treize à onze.

M. Éric Kerrouche, rapporteur.  - L'amendement de M. Chasseing, qui concerne des communes de plus 1 000 habitants, n'est pas passé loin de l'article 45. Tenons-nous-en aux communes de moins de 1 000 habitants.

La baisse du seuil, de quatre unités, proposée par M. Blanc serait trop brutale. Restons-en à ce que propose la commission.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Même si le débat existe, l'amendement de Daniel Chasseing concerne les communes de moins de 1 000 habitants : avis défavorable.

L'amendement de M. Grégory Blanc propose un taux de réduction un peu trop fort et n'est pas cohérent avec le reste du texte. Avis défavorable, à regret.

M. Grégory Blanc.  - Trop fort ? Mais pour une commune de moins de 100 habitants, le réputé complet correspond à deux conseillers en moins ; c'est la même chose pour les communes de 100 à 499 habitants et celles de 500 à 999 habitants. Il faudrait plutôt de la proportionnalité. On ne peut pas faire moins trois, car cela donnerait un chiffre impair. D'où notre proposition à moins quatre.

M. Daniel Chasseing.  - On aurait pu ne conserver que les dispositions concernant les communes de moins de 1 000 habitants. Mais je retire mon amendement.

L'amendement n°30 rectifié bis est retiré.

L'amendement n°14 rectifié n'est pas adopté.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Je souhaite faire un rappel au règlement. L'article 44 bis alinéa 3 du règlement dispose que, pour être déclarés recevables, les amendements doivent présenter un lien, même indirect, avec le texte en discussion. Je soutiens que l'amendement que j'avais déposé au sujet des incompatibilités avait bien un lien direct avec la proposition de loi.

Une femme maire, par ailleurs secrétaire générale de mairie d'une autre commune membre de la même intercommunalité, ne peut pas siéger au conseil communautaire !

Nous nous plaignons de la censure du Conseil constitutionnel, mais nous nous autocensurons !

Acte en est donné.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Nous parlons mode de scrutin et vous proposez un amendement sur les incompatibilités. Cette réflexion pourra se poursuivre dans le débat sur le texte relatif au statut de l'élu.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Il a déjà été adopté dans ce texte...

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - C'est coquin ! (Sourires)

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - C'était pour être sûr !

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - C'est bien la preuve qu'il n'avait pas sa place dans ce texte.

À la demande du groupe Les Républicains, l'article 3 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°224 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 310
Pour l'adoption 249
Contre   61

L'article 3 est adopté.

Après l'article 3

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié de M. Roiron et du groupe SER.

M. Pierre-Alain Roiron.  - Il s'agit d'un amendement de simplification au bénéfice des communes nouvelles, qui prolonge la période transitoire jusqu'au troisième renouvellement général. Par exemple, alors que l'effectif du conseil d'une commune nouvelle de 7 000 habitants devrait être de 29, il sera, pendant la période transitoire, celui de la strate supérieure, soit 33.

Il s'agit aussi de simplifier le droit en matière de remplacement des sièges vacants dans ces communes. Dans sa décision d'avril 2019, le Conseil d'État a considéré que le droit en vigueur ne permettait pas de faire appel au suivant de liste dans les communes dites historiques. En cas de perte de plus d'un tiers de ses membres, le conseil doit donc être intégralement renouvelé, en sorte que le bénéfice de la période transitoire est perdu.

M. le président.  - Amendement identique n°13 rectifié ter de M. Grégory Blanc et alii.

M. Grégory Blanc.  - Le dispositif des communes nouvelles n'est pas stabilisé. Le groupe de travail de l'AMF demande une telle évolution. La diminution du nombre d'élus en sifflet, qui aurait été de bon sens, n'est pas constitutionnelle ; nous devons trouver une autre solution.

M. le président.  - Amendement identique n°21 rectifié bis de Mme Canayer et alii.

Mme Agnès Canayer.  - Cette modification, très attendue par les communes nouvelles, permettra de relancer la dynamique de rapprochements.

M. le président.  - Amendement identique n°22 rectifié quater de Mme de La Provôté et alii.

Mme Sonia de La Provôté.  - Dans certaines communes nouvelles, composées de près de 25 communes historiques, on passe de 103 à 63, puis 23 conseillers municipaux -  c'est rude. Dans des communes nouvelles très étendues, sans continuité urbaine, il est délicat d'être représenté par seulement 23 conseillers.

M. le président.  - Amendement identique n°24 rectifié ter de Mme Bourcier et alii.

Mme Corinne Bourcier.  - Dans certains cas, comme celui de ma commune du Maine-et-Loire, les communes nouvelles peuvent compter plus de dix communes historiques, auxquelles les habitants sont très attachés. Parfois éloignées de plus de 20 kilomètres, elles ne peuvent être comparées aux quartiers d'une ville. Les communes nouvelles ont moins de dix ans : il leur faut des équipes solides.

M. le président.  - Sous-amendement n°41 du Gouvernement.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Voilà des amendements transpartisans, comme le groupe de travail que j'ai relancé avec des associations d'élus et des parlementaires, pour évaluer l'existant et trouver des solutions. L'année 2025 a vu un regain de projets de création de communes nouvelles. Il n'y aura pas de créations d'ici à 2027 en raison des élections municipales, mais les candidats peuvent avoir pour projet de constituer une telle commune, aussi doit-on clarifier le débat.

Lors de l'examen à l'Assemblée nationale de la proposition de loi d'Annick Billon, des députés avaient manifesté le souhait d'allonger la période transitoire.

Je suis très favorable à vos amendements, car je considère qu'il s'agit d'une situation provisoire, qui permet de consolider la commune nouvelle. Il est néanmoins nécessaire d'apporter une précision de sécurisation juridique. Je me réjouis de ce consensus.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - La commission salue également le consensus. Avis favorable aux amendements identiques ainsi qu'au sous-amendement du Gouvernement qui apporte une précision utile.

Mme Cécile Cukierman.  - Je m'excuse, mais je vais briser le consensus...

Je m'étonne de l'audace de nos collègues qui ont déposé un amendement sur les communes nouvelles dans le cadre d'un texte sur la parité au sein du bloc communal sans craindre l'irrecevabilité. Personnellement, je n'aurais pas osé ! Je comprends donc l'amertume de Jean-Baptiste Lemoyne : pourquoi son amendement n'est-il pas recevable, vu que les autres le sont ?

C'est à croire que l'on utilise l'argument de la parité pour faire passer des mesures qui n'ont pas grand-chose à voir avec elle.

M. Olivier Rietmann.  - Eh oui !

Mme Cécile Cukierman.  - Nous nous abstiendrons sur les amendements identiques. Nous avons besoin d'une vraie évaluation des communes nouvelles.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - C'est prévu.

Mme Cécile Cukierman.  - Parfois, ces regroupements se font à la hache, de manière plus ou moins imposée - il ne faut pas le dire, mais c'est pourtant la réalité !

M. Cédric Vial.  - C'est la deuxième fois que Mme Cukierman développe les arguments que je m'apprêtais à exposer... (Mme Cécile Cukierman s'en amuse.)

Madame la ministre, vous connaissez mon attachement aux communes nouvelles. Mais que font ces amendements dans la présente discussion ? Pense-t-on sérieusement qu'une commune nouvelle comptera moins de 1 000 habitants ? (M. Olivier Rietmann renchérit.)

Nous avons besoin d'un texte sur les communes nouvelles. Au lieu de cela, nous abordons le sujet par le petit bout de la lorgnette. Ce débat est important, ne l'escamotons pas. Je ne comprends pas ce que ces amendements font ici.

Le sous-amendement n°41 est adopté.

Les amendements identiques nos1 rectifié, 13 rectifié ter, 21 rectifié bis, 22 rectifié quater et 24 rectifié ter, sous-amendés, sont adoptés et deviennent un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°19 rectifié de M. Piednoir et alii.

Mme Martine Berthet.  - J'ai cosigné cet amendement de M. Piednoir, car j'ai le même cas dans mon département. La création d'une commune nouvelle résulte d'une démarche volontaire des élus : il faut leur accorder la souplesse nécessaire. Or le code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit un nombre trop faible de conseillers à partir du deuxième renouvellement général. La crainte est forte que les communes historiques ne soient plus suffisamment représentées. Nous proposons donc que l'effectif du conseil municipal soit augmenté d'une unité par commune déléguée.

M. le président.  - Amendement n°23 rectifié de Mme Bourcier et alii.

Mme Corinne Bourcier.  - Cet amendement a le même objet, mais vise seulement les communes nouvelles comportant au moins cinq communes déléguées. Disposer d'un maillage d'élus sur l'ensemble du territoire est essentiel pour conserver la proximité avec les habitants et la dynamique actuelle en matière de communes nouvelles.

M. Éric Kerrouche, rapporteur.  - La pérennisation d'un effectif dérogatoire irait à l'encontre du principe constitutionnel d'égalité. Un dispositif temporaire s'entend parfaitement, mais les communes nouvelles doivent tendre progressivement vers le droit commun. Avis défavorable.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - En effet, la pérennité reviendrait à créer une catégorie particulière de communes, bénéficiant d'une forme de bonus. Le risque d'inconstitutionnalité est sérieux. En outre, ces communes seraient surreprésentées dans le collège des électeurs sénatoriaux. Oui à des mesures temporaires d'encouragement, non à des dérogations excessives et pérennes. Avis défavorable.

M. Cédric Vial.  - J'aimerais une explication sur l'application de l'article 45 de la Constitution à ces amendements. Le débat sur les communes nouvelles est trop important pour être ainsi escamoté. Oui, on peut envisager un statut particulier pour les communes nouvelles, mais pas au détour d'un amendement à une loi sur les communes de moins de 1 000 habitants !

Les communes nouvelles ne sont pas des communes comme les autres ; il leur faut un temps d'adaptation, notamment en matière de gouvernance. Discutons-en, mais de manière globale. En débattre ainsi n'est pas sérieux. Par ailleurs, il faut parler de communes historiques et non de communes déléguées - ce dernier statut est optionnel, soumis à la décision de la commune nouvelle.

Mme Martine Berthet.  - Je retire l'amendement n°19 rectifié, mais j'insiste sur la nécessité de résoudre cette difficulté, ainsi que les autres que rencontrent les communes nouvelles.

L'amendement n°19 rectifié est retiré, de même que l'amendement n°23 rectifié.

Article 4 (Suppression maintenue)

M. le président.  - Amendement n°35 de Mme Senée et alii.

Mme Ghislaine Senée.  - Nous regrettons la suppression de cet article à l'Assemblée nationale, que la commission a maintenue. Les femmes ne sont que 36 % parmi les conseillers communautaires, 20 % parmi les vice-présidents d'intercommunalité et 11 % parmi les présidents. Il faut aller au bout de la démarche et prévoir que la proportion de femmes dans l'exécutif doit être la même que dans l'organe délibérant. Le Sénat a déjà adopté cette mesure en 2019, dans le cadre de la loi Engagement et proximité. Parmi nos huit vice-présidents, nous avons trois femmes, soit 37 % - presque exactement la proportion de femmes dans l'hémicycle. Une belle exemplarité.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Je comprends votre volonté de faire progresser la parité dans les EPCI, mais l'amendement ne serait pas opérationnel. En effet, il faudrait au préalable modifier les modalités d'élection des vice-présidents. Ce débat doit sans doute avoir lieu, mais, pour l'heure, retrait sinon avis défavorable.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - J'entends votre souhait de renforcer la parité au sein des intercommunalités. L'adoption de cette proposition de loi y contribuera, car il y aura plus de femmes dans les conseils communautaires. Par ailleurs, vous renvoyez au décret une disposition qui pourrait être fixée par la loi : quand j'étais parlementaire, j'étais réticente à confier à l'exécutif le rôle qui était le mien...

Pour avoir fait quelques simulations, je crains que votre amendement soit contreproductif, les hommes restant très majoritaires dans les organes délibérants.

Enfin, je me demande pourquoi on ne s'interroge jamais sur la parité au sein des syndicats intercommunaux.

Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Cécile Cukierman.  - Je salue la sincérité du groupe écologiste dans ce combat. Je n'ai pas voté cette mesure dans le cadre de la loi Engagement et proximité. Dans les intercommunalités géantes imposées par la loi NOTRe, les petites communes n'auront toujours qu'un seul élu au conseil communautaire. Or le changement de mode de scrutin conduira-t-il à plus de femmes maires dans les communes de moins de 1 000 habitants ?

Mme Sonia de La Provôté.  - Évidemment !

Mme Cécile Cukierman.  - Rendez-vous en 2026 !

Ce qui fait le poids des femmes, c'est le fléchage paritaire. Mais ce système dépend du nombre de conseillers communautaires, donc du poids des villes. Je ne voudrais pas qu'on augmente encore le poids des grandes communes au détriment des petites, sous prétexte de parité.

Nous ne voterons pas cet amendement.

M. Éric Kerrouche, rapporteur.  - J'avais déposé un amendement identique lors de la loi Engagement et proximité ; j'y suis donc personnellement favorable. Néanmoins, la commission n'a pas souhaité revenir sur la suppression de l'article par l'Assemblée nationale. Des progrès restent à faire, et il faudra sans doute y revenir.

M. Christian Bilhac.  - Je rejoins Mme Cukierman. Cet amendement part de bons sentiments, mais il est ruralicide. (M. Grégory Blanc s'exclame.) Dans ma commune, Péret, nous étions trois représentants à l'intercommunalité, puis il n'y en a plus eu qu'un seul. Les petites communes se sentent humiliées. Nous n'avons pas le pouvoir de décider que, dans la moitié des communes, le maire sera une femme. Il ne faudrait pas que la parité justifie que les élus des grandes communes dominent encore plus l'exécutif ! Je voterai contre cet amendement.

Mme Ghislaine Senée.  - Il est normal que tous les maires siègent à l'intercommunalité. Mais faut-il qu'ils soient tous dans l'exécutif ? La question se pose. C'est dans les petites communes qu'il y a le plus de travail - c'est d'ailleurs à leur tête qu'on trouve le plus de femmes maires.

L'amendement n°35 n'est pas adopté.

L'article 4 demeure supprimé.

Article 5

M. le président.  - Amendement n°36 rectifié de Mme Canayer et alii.

Mme Agnès Canayer.  - Cet amendement prévoit l'entrée en vigueur immédiate des dispositions relatives aux communes nouvelles.

M. Éric Kerrouche, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Avis favorable, sous réserve d'ajouter : « , qui entre en vigueur au lendemain de sa publication, ».

Mme Agnès Canayer.  - Soit.

L'amendement n°36 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié bis de M. Chevalier et alii.

L'amendement n°11 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°32 rectifié de M. Daubet et alii.

L'amendement n°32 rectifié n'est pas défendu.

L'article 5, modifié, est adopté.

Intitulé de la proposition de loi

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié bis de M. Chevalier et alii.

L'amendement n°12 rectifié bis est retiré.

Vote sur l'ensemble

Mme Cécile Cukierman .  - La parité se peut servir d'autres fins que d'accroître la place des femmes dans la vie politique.

Réformer le mode de scrutin moins d'un an avant l'élection est une entorse aux principes.

J'ai beaucoup entendu : « un projet, une équipe, une liste » Mais le défi de la démocratie est de construire l'intérêt général, y compris avec le pénible du coin ou celui qui n'est jamais d'accord. Il est regrettable que cet espace de construction de l'intérêt général, qui existait dans les petites communes, ne soit pas préservé.

La grande majorité de notre groupe ne votera pas ce texte.

M. Cédric Chevalier .  - À titre personnel, je voterai contre la proposition de loi. J'ai eu l'impression d'assister à un débat entre rats des villes et rats des champs... Rendez-vous dans un an pour faire le bilan de la réforme. Si elle fonctionne, je serai le premier à le reconnaître ; j'espère que, dans le cas inverse, d'autres auront la même bonne foi.

M. Cédric Vial .  - Ce débat me laisse un sentiment d'amertume. Contrairement à ce que tous les élus de terrain nous demandent et à ce que nous avons tous dit lors de nos voeux de janvier dernier, nous complexifions au lieu de simplifier.

Mme Kristina Pluchet.  - Exactement !

M. Cédric Vial.  - Les règles deviennent inintelligibles pour les élus - sans parler des citoyens. J'ai été maire d'une ville de 1 250 habitants. Quand nous sommes passés du panachage au scrutin de liste, beaucoup de citoyens ont regretté cette évolution qui les privait d'une liberté de choix. De même, nous regretterons amèrement cette évolution.

Je ne crois pas que la procédure accélérée ait été engagée sur ce texte : j'espère donc que nous en serons saisis à nouveau.

M. Pierre-Alain Roiron .  - Il ne doit pas y avoir d'opposition entre les élus des villes et ceux des villages.

M. Olivier Rietmann.  - C'est pourtant le cas...

M. Pierre-Alain Roiron.  - J'ai été moi-même élu dans une petite ville de moins de 4 000 habitants.

Ce texte réglera-t-il tous les problèmes d'engagement des citoyens ? Je n'en suis pas certain. Il faudra avancer sur le statut de l'élu. Reste qu'il marque une avancée pour les communes de moins de 1 000 habitants. Le groupe SER le votera très majoritairement.

M. Vincent Louault .  - Ce texte relève de l'auto-allumage législatif. Vu le contexte international, je ne suis pas fier de participer à la remise en cause du dernier bloc de simplicité dans notre pays. (Mme Jacqueline Eustache-Brinio acquiesce.) Il faudra être attentif aux rectifications de votes : il ne s'agit pas de se débiner, et chacun devra assumer ses responsabilités. En cette fin d'après-midi, j'ai mal à ma commune rurale et à la démocratie locale. Dans la moitié des communes, il n'y aura qu'une seule liste : c'est cela, pour vous, la démocratie ? (Applaudissements sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains)

M. Jean-Marie Mizzon .  - À titre personnel, je ne voterai pas ce texte. Je regrette que l'amendement visant à instaurer une entrée en matière progressive, à partir de 500 habitants, n'ait pas été adopté. Le pluralisme, principe essentiel, pâtira de cette réforme. La participation aux élections en 2026 sera peut-être moindre encore qu'en 2020, ce qui ne sera pas un progrès. (M. Vincent Louault acquiesce.) Nous tapons à côté des vraies préoccupations des élus. La grande majorité attendait autre chose du Sénat !

Mme Annick Jacquemet .  - Dans le Doubs, plus de 65 % des maires s'opposent à cette évolution. La barre à 500 habitants aurait pu faire évoluer mon vote, mais, cet amendement ayant été rejeté, je voterai contre ce texte.

M. Christian Bilhac .  - Dans l'Hérault, certains maires sont pour, d'autres contre. Pour ma part, je crois à la démocratie participative : l'AMF soutient cette proposition de loi, l'AMRF aussi. Je voterai donc ce texte.

Mme Ghislaine Senée .  - Je me réjouis de la suppression du panachage, source de grandes difficultés pour des équipes qui ont un vrai projet pour leur commune.

Je me réjouis aussi pour la parité. Souvent, les femmes pensent qu'elles n'ont ni la compétence ni le temps de s'engager. Si on ne les y pousse pas, elles ne le font pas.

Dans ma commune de 700 habitants, j'ai réussi à constituer un conseil paritaire et un exécutif également paritaire. Cela a apporté beaucoup à la commune. (Applaudissements sur des travées du GEST et du groupe SER)

À la demande des groupes SER et Les Républicains, la proposition de loi, modifiée, est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°225 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 303
Pour l'adoption 192
Contre 111

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

Discussion des articles de la proposition de loi organique

Article 1er

M. le président.  - Amendement n°1 de M. Vial et alii.

M. Cédric Vial.  - En cohérence avec notre position dans le débat que nous venons d'avoir, nous voulons supprimer cet article.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Avis défavorable. Nous venons d'adopter la proposition de loi ordinaire : par cohérence, il faut adopter aussi la proposition de loi organique.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté.

L'article 2 est adopté.

La proposition de loi organique est mise aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°226 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l'adoption 164
Contre 160

La proposition de loi organique est adoptée.

La séance est suspendue à 20 h 20.

Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président

La séance reprend à 21 h 50.

Résilience des infrastructures critiques et renforcement de la cybersécurité (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité. La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique .  - Ce projet de loi vise à renforcer la sécurité et la résilience des structures indispensables au fonctionnement de la nation. C'est l'aboutissement d'un travail au long cours, sur la base des travaux du Sénat, qui fait de la France une nation à la pointe de la cybersécurité.

Je salue le travail de votre commission spéciale, en particulier de son président et de ses rapporteurs. Il y a six semaines, je disais devant elle que le renforcement de notre sécurité n'était plus un sujet technique, mais un enjeu géopolitique. Je n'imaginais pas à quelle vitesse l'actualité nous rattraperait.

Le 3 mars dernier, devant l'Assemblée nationale, le Premier ministre qualifiait la situation internationale de la plus grave, la plus dangereuse depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le 5 mars, le Président de la République alertait les Français sur les ingérences étrangères qui testent nos limites dans les airs, les mers, dans l'espace et derrière nos écrans. Les tensions géopolitiques affectent directement notre sécurité numérique.

Les crises à répétition nous invitent à muscler notre capacité d'anticipation et de réaction. La semaine dernière, le Conseil européen du numérique a été entièrement consacré à la cybersécurité : les Vingt-Sept ont signé l'appel de Varsovie, pour renforcer notre collaboration. C'est un moment charnière, dans lequel ce projet de loi prend tout son sens.

Nous ne partons pas de zéro. La France a depuis 2006 un dispositif de protection des secteurs d'activité vitale ; dès 2016, l'Union européenne a adopté la directive NIS 1 (Network and Information Security). Mais la menace a évolué et peut frapper n'importe qui, n'importe où, n'importe quand.

J'ai vu combien les soignants de l'hôpital André-Mignot demeuraient marqués par la cyberattaque du 23 décembre 2022. Comment ne pas l'être, quand le taux de mortalité augmente de 30 % en cas de cyberattaque ? J'ai constaté la menace lors de ma visite de la chambre de commerce de Lille, attaquée l'an dernier, et au conseil départemental du Loiret, il y a une semaine. Le degré de préparation fait toute la différence.

Nul n'est à l'abri. Réutiliser papier et crayon, ne pas pouvoir éditer de factures, payer ses salariés, fournir le service ou l'aide nécessaire à un public vulnérable : autant de situations contre lesquelles nous devons nous prémunir. Je salue la résilience et le sens du collectif des équipes que j'ai rencontrées : l'État est à leurs côtés.

Les chiffres sont sans équivoque. L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) fait état de 4 386 événements de sécurité l'année dernière, soit plus de douze par jour, en hausse de 15 % par rapport à 2023. Ces attaques frappent désormais l'ensemble du tissu économique et social : hôpitaux, collectivités, PME, TPE. Six sur dix concernent des petites structures. Cela n'arrive pas qu'aux autres ! Il ne s'agit plus de savoir si une organisation sera attaquée, mais quand.

Destiné à apporter une réponse forte, ce texte est organisé autour de trois axes.

Le titre Ier transpose la directive sur la résilience des entités critiques, dite REC. La France a été précurseur avec le dispositif des secteurs d'activité d'importance vitale (SAIV) : nous devons renforcer leur capacité à anticiper, résister, récupérer. Le projet de loi modernise, harmonise, prévoit une analyse des risques plus précise, une meilleure gestion des interdépendances, et permet de couvrir davantage de secteurs, dont l'assainissement, les réseaux de chaleur et de froid et l'hydrogène.

Le titre II transpose la directive NIS 2, pour un changement d'échelle, vers une cybersécurité collective. Quelque 15 000 entités stratégiques sont concernées, dans dix-huit secteurs d'activité. La menace est diffuse. Quatre principes guident notre action : concertation, proportionnalité, simplification et accompagnement. NIS 2 distingue les entités importantes des entités essentielles, soumises à des exigences plus strictes et à des contrôles accrus.

Nous avons choisi d'inclure 1 500 collectivités à NIS 2, car elles sont la cible d'une attaque sur quatre, selon l'Anssi. Elles n'encourront pas les mêmes sanctions financières, et nous veillerons à ce qu'elles s'adaptent progressivement à leurs nouvelles obligations : pendant trois ans, seuls des contrôles blancs, à visée éducative, s'appliqueront.

Le titre III renforce la résilience du secteur financier en transposant la directive Dora (Digital Operational Resilience Act). Les banques et institutions financières sont toujours plus exposées au risque de cyberattaque. Selon le FMI, elles auraient subi plus de 20 000 incidents en vingt ans, et une perte de 25 milliards d'euros entre 2020 et 2024.

La France a négocié Dora en veillant à sa bonne articulation avec NIS 2. La transposition y veille également. Je souhaite que les sociétés de financement y soient assujetties immédiatement, et non dans un délai de cinq ans. Nous devons les protéger au plus vite.

Votre commission spéciale a rendu le texte plus intelligible, en définissant notamment la notion d'incident et en améliorant l'harmonisation avec les autres pays de l'Union européenne : l'Anssi pourra ainsi opérer des équivalences avec les référentiels d'autres pays membres. Il s'agit pour nous de maintenir un haut niveau de protection sans compromettre la compétitivité de nos entreprises.

J'entends les objections faites à ce texte : coûts de mise en conformité, complexité administrative, nouvelles normes... Mais le coût d'une cyberattaque réussie est très supérieur à celui de la mise en conformité et des mesures de protection !

Rationaliser et harmoniser les pratiques en Europe sert en outre notre compétitivité, en évitant la fragmentation réglementaire.

Enfin, ce texte contribue au développement de solutions technologiques nationales et européennes et d'un écosystème industriel innovant, créateur de valeur et d'emplois.

Des retours du terrain, je retiens trois enseignements. Premièrement, ce texte doit être un outil de valorisation, par la création d'un label ad hoc. L'Anssi y travaille. Il permettra de faire valoir la résilience cyber non comme une contrainte mais comme un atout concurrentiel.

Deuxièmement, les entreprises et les collectivités doivent être accompagnées dans leurs nouvelles obligations. Je m'y attache, avec l'Anssi, la gendarmerie, les fédérations patronales et les associations.

Troisièmement, le secteur cyber français doit être capable de capter des parts de marché.

Ce projet de loi est une réponse nécessaire à une menace croissante. Notre pays doit être à la pointe dans ce secteur stratégique.

Ce texte doit aussi être l'occasion de sensibiliser le grand public. La première protection, c'est la pédagogie. Nous devons lever le tabou qui trop souvent entoure les cyberattaques.

Nul doute que nos débats aboutiront à un texte simple, efficace, utile à la sécurité des Français.

M. Hugues Saury, rapporteur de la commission spéciale .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le titre Ier du projet de loi transpose en droit français la directive REC, qui s'inspire en grande partie du dispositif français en vigueur depuis 2006, qu'il s'agit donc d'actualiser. Elle acte toutefois le passage d'une logique de protection des infrastructures d'importance vitale à une logique de résilience. On ne pourra jamais se protéger contre toutes les menaces ; l'enjeu est d'assurer la continuité des activités essentielles pour le pays.

Je note quelques différences entre le texte proposé et la directive. Les opérateurs exerçant dans le domaine de la défense ou de la sécurité nationale sont intégrés dans le champ de la transposition, ce qui n'était pas prévu par la directive. La réalisation d'une analyse des dépendances à l'égard des tiers n'y figure pas non plus. Les opérateurs devront réaliser un plan de protection et de résilience pour chaque point d'importance vitale, quand la directive ne prévoit de plans qu'à l'échelle de l'opérateur. Autant d'adaptations pertinentes au regard de l'objectif.

Les autres obligations introduites par le texte - élaboration d'un plan de résilience opérateur, notification des incidents, sanctions administratives - sont conformes à la directive.

La commission spéciale a adopté plusieurs amendements à l'article 1er pour définir les notions d'incident et de résilience, pour préciser la date à partir de laquelle s'applique une astreinte en cas de mise en demeure, pour fixer à vingt-quatre heures le délai de notification d'un incident ou encore pour renforcer les garanties d'indépendance de la commission des sanctions.

Au titre II, la commission a adopté deux amendements à l'article 6 précisant les notions d'incident et de vulnérabilité, absentes du projet de loi alors qu'elles figurent dans NIS 2.

Beaucoup reste à faire, notamment pour l'application concrète des dispositions du texte et leur déclinaison au niveau réglementaire. Madame la ministre, nous veillerons à ce que les services de l'État ne surtransposent pas et accompagnent efficacement les opérateurs.

M. Patrick Chaize, rapporteur de la commission spéciale .  - La menace cyber a changé de nature. Alors qu'elle visait surtout les grandes entreprises, à des fins d'espionnage industriel, et était souvent d'origine étatique, elle est devenue systémique, émane de groupes cybercriminels à but lucratif et cible désormais l'ensemble du tissu économique et social.

Selon l'Anssi, sur 144 attaques par rançongiciel en 2024, 37 % visaient des PME-TPE, 17 % des collectivités territoriales, 4 % des établissements de santé et 12 % des établissements d'enseignement supérieur. Les conséquences peuvent être particulièrement pénalisantes, provoquer des faillites voire mettre des vies en danger. Leur coût est estimé en 2022 à 2 milliards d'euros. En parallèle, la menace étatique demeure élevée, dans un contexte géopolitique perturbé.

Le projet de loi transpose fidèlement cette directive qui opère un changement de paradigme, en évitant l'écueil de la surtransposition.

Il a fait entrer dans le champ des entités régulées les régions, départements, communautés urbaines, communautés d'agglomération, communautés de communes et communes de plus de 30 000 habitants. Cela aura un coût. Ces 1 500 collectivités devront être accompagnées, mais rehausser leur niveau de cybersécurité est une nécessité.

Le choix a également été fait d'inclure les établissements d'enseignement menant des activités de recherche, après les attaques cyber subies par Paris-Saclay et Panthéon-Sorbonne en 2024.

Les amendements de la commission ont insisté sur la nécessaire proportionnalité des mesures de cybersécurité imposées par le référentiel de l'Anssi aux entités régulées. Il faudra tenir compte de la taille de l'entité, de son exposition aux risques, de leur probabilité de survenance et de leur gravité pour ne pas imposer d'obligations excessives et trop coûteuses. Nous avons limité le paiement des contrôles par les entités et encadré les sanctions les plus lourdes.

L'Anssi devra se mobiliser fortement pour faire connaître et comprendre les nouvelles obligations prévues par la réglementation. Ni contrôle ni sanction pendant la période de montée en puissance ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Michel Canévet, rapporteur de la commission spéciale .  - (Applaudissements au banc des commissions) Le titre III transpose la directive Dora. Le secteur financier est en effet une cible de choix. Le niveau élevé d'interconnexion constitue une vulnérabilité systémique, du fait du risque de propagation des incidents de l'une des 22 000 entités à l'ensemble du système. Selon la Banque de France, le risque cyber est supérieur au risque de marché et au risque climatique.

Le texte précise les obligations qui s'imposent aux acteurs financiers en matière de résilience opérationnelle et numérique, de gouvernance et de gestion des risques. Il détermine aussi le rôle et les pouvoirs de l'Autorité des marchés financiers (AMF), de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), de la Banque de France et de l'Anssi, qui doivent se communiquer tout renseignement utile.

La commission a adopté plusieurs amendements visant à simplifier la vie des entreprises, en fusionnant notamment les dispositifs de déclaration des incidents et en créant, à l'article 43 A, un guichet unique pour respecter l'article 19 de Dora.

M. André Reichardt.  - Très bien !

M. Michel Canévet, rapporteur.  - Je proposerai que ce rôle soit assumé par l'AMF. Le texte de la commission prévoit également que Dora s'applique aux succursales d'investissement de pays tiers, et reporte à 2030 l'application à l'ensemble des sociétés de financements. Pour les sociétés de financement « petites et non complexes », je vous présenterai un amendement appliquant un principe de proportionnalité. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Cadic applaudit également.)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - Au début du mois, le secrétaire américain à la défense, Pete Hegseth, a ordonné la suspension des opérations cyber concernant la Russie. Cela s'inscrit dans le processus de rapprochement mené par l'administration Trump pour concéder la victoire à Poutine...

Depuis l'invasion de l'Ukraine, le 24 février 2022, une guerre de haute intensité est en cours. À l'heure de la trahison de Trump, les troupes russes accélèrent. Quelque 2 000 kilomètres nous séparent de Kiev, mais ce conflit nous touche de près. Faux cercueils sous la tour Eiffel, étoiles de David taguées dans Paris pour influencer l'opinion, les exemples d'ingérence sont nombreux. Avec l'intelligence artificielle, l'infiltration de nos narratifs, comme le révèle NewsGuard, va s'intensifier.

Sans l'avoir déclarée, la Russie mène une guerre contre notre pays, nos intérêts, jusque sur notre territoire. Le Kremlin encourage la pègre à lancer contre nous des attaques cyber, quand il ne le fait pas lui-même. Le réseau interministériel de l'État a été visé, puis plusieurs sites du Gouvernement, la Sorbonne, l'université de Rennes, La Poste, des sites de région, entre autres. Les attaques contre des hôpitaux peuvent, par ricochet, entraîner des morts.

Vu la place centrale qu'occupe le numérique dans nos sociétés, la protection des réseaux devient vitale.

La France et l'Europe doivent réagir pour défendre leurs concitoyens, c'est le sens de l'adoption des directives REC, NIS 2 et Dora. Plusieurs niveaux de priorité ont été définis, avec différents régimes de protection. Il s'agit d'une mise à jour et d'une harmonisation. Veillons à ne pas céder à la tentation de la surtransposition, pour ne pas nuire à la compétitivité des acteurs. Je me serais contentée de l'application de la seule norme ISO 27001, pour un vrai choc de simplification, et pour éviter le forum shopping intra-communautaire...

Les sanctions prévues par le texte pour défaut de mise en oeuvre seront sans doute rares, les acteurs concernés ayant un intérêt direct à assurer leur propre sécurité. Elles sont toutefois indispensables.

Ce texte technique ne fera sans doute pas la une, mais il est d'une importance capitale. De sa bonne mise en oeuvre dépend la sécurité de nos entreprises, de nos collectivités, de nos services publics, et de nos concitoyens. Ce cadre devra être réévalué régulièrement.

Mais la réglementation ne suffira pas. Une réelle sécurité implique la souveraineté. Or la plupart de nos infrastructures et outils sont conçus aux États-Unis et fabriqués en Chine. Les Européens disent qu'ils ne peuvent plus dépendre des États-Unis pour leur armement - mais le numérique n'est-il pas la reine des armes, voire l'arme fatale ? À l'heure où les Européens n'ont plus d'autres amis qu'eux-mêmes, il est grand temps de bâtir une industrie numérique et logicielle, civile comme militaire. Les rapports Draghi et Letta nous montrent la voie.

L'industrie européenne devra respecter une logique de rentabilité. Mais la souveraineté et la liberté, notre liberté chérie, ont un prix. (MM. André Reichardt et Guillaume Chevrollier applaudissent.)

Mme Patricia Demas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue le travail des rapporteurs.

Je souhaite que l'on se saisisse de cette opportunité pour aller plus loin dans la protection de nos infrastructures numériques, devenues indispensables à la continuité des services essentiels de la nation.

La reconnaissance et la protection renforcée des infrastructures de réseau de communication électronique - fibre optique, antennes-relais de téléphonie mobile - sont cruciales. Il faudrait clarifier leur statut au sein même du code de la défense, et les reconnaître comme activités d'importance vitale, soumises à obligations de sécurité renforcées, en distinguant les infrastructures en fonction de leur criticité et de l'impact potentiel sur les citoyens en cas de défaillance ou d'attaque.

Il faut définir des exigences de sécurité spécifiques et adaptées à ces infrastructures numériques vitales, autour de trois dimensions : sécurité physique ; sécurité logique pour protéger les systèmes d'information ; sécurité environnementale, trop souvent négligée.

Enfin, il faudrait renforcer et clarifier les obligations qui pèsent sur les opérateurs concernés, en les précisant dans la loi. Elles ne doivent pas rester lettre morte.

La tempête Alex qui a frappé les Alpes-Maritimes en 2020 a mis en lumière nos vulnérabilités, coupant du monde de nombreuses personnes privées d'internet et de communications mobiles, paralysant l'activité, fragilisant les territoires. C'est dire l'importance de renforcer la résilience des infrastructures face aux aléas climatiques comme face aux actes de malveillance, afin de garantir la continuité des services essentiels.

Les exigences nouvelles transposées dans ce projet de loi sont un défi pour nos collectivités territoriales. La transposition de la directive NIS 2 étendra ces obligations aux plus petits EPCI, comme les communautés de communes, qui ne disposent pas forcément des moyens humains et financiers nécessaires pour s'y conformer. Le parcours cybersécurité du plan France Relance a démontré l'importance d'un accompagnement dédié, mais ce dispositif n'a bénéficié qu'à certaines intercommunalités. Un accompagnement spécifique de l'État sera clé pour atteindre les objectifs du projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. André Reichardt.  - Très bien.

Mme Nicole Duranton .  - Félicitations au président et aux rapporteurs pour leur travail.

La France est confrontée à des menaces croissantes dans le domaine numérique. Dans un contexte géopolitique et sécuritaire dégradé, les infrastructures critiques peuvent être ciblées par des actions malveillantes visant tant les installations physiques que les systèmes d'information. Un tiers des Français a déjà été victime d'une cyberattaque et trois quarts des entreprises ont subi au moins une attaque cyber en 2024. Ces attaques ne se limitent pas aux personnes ou aux entreprises privées : hôpitaux, collectivités territoriales, écoles ou sites institutionnels sont des cibles vulnérables. Une perturbation de nos infrastructures critiques dans les secteurs de l'énergie, des transports ou de la santé peut avoir des conséquences désastreuses.

Le projet de loi vise à mieux nous prémunir contre cette menace et à renforcer la résilience des entités critiques, en transposant trois directives.

En transposant la directive REC, le projet de loi élargit le nombre de secteurs concernés, prend en compte l'interdépendance entre secteurs et entre États membres, et impose la notification des incidents majeurs. Les infrastructures devront adopter des mesures spécifiques pour assurer la continuité de leurs services, dans une logique de résilience.

La directive NIS 2 établit des exigences de cybersécurité pour les secteurs essentiels. Les entités concernées devront s'enregistrer auprès d'une autorité nationale, notifier les incidents et mettre en oeuvre des mesures adaptées de gestion des risques.

La directive Dora garantit quant à elle que le secteur financier continue à fonctionner même en cas de perturbation majeure, en renforçant la protection des données des clients et le rôle des autorités de surveillance notamment.

Ces trois directives constituent une réponse européenne coordonnée aux menaces croissantes qui pèsent sur nos infrastructures critiques. Il est primordial de les transposer au plus vite.

Toutefois, nous devrons accompagner les collectivités territoriales, notamment les EPCI qui n'ont pas toujours les moyens de se mettre en conformité. Le RDPI plaide pour un accompagnement financier et technique de l'État, et pour dispenser les collectivités des sanctions pécuniaires en cas de manquement.

Inutile de rappeler les méthodes employées par certains pays, comme la Russie, pour déstabiliser des pays européens et influer sur leurs processus démocratiques. Nous devons cesser d'être naïfs et coordonner nos réponses avec nos alliés européens. L'État doit être fort et souverain : il en va de la confiance de nos entreprises et de nos concitoyens.

Le numérique améliore notre quotidien, mais le progrès s'accompagne de nouvelles menaces. Nous devons choisir entre les subir ou s'en prémunir. Ce projet de loi apporte une réponse ambitieuse et nécessaire à ce défi. Le groupe RDPI votera ce texte.

M. Bernard Fialaire .  - Corbeil-Essonnes, Charleville-Mézières, Dax, Arles, Villefranche-sur-Saône, Cannes : quelques communes dont les hôpitaux ont été la cible de cyberattaques. Les conséquences sont dramatiques et paralysent les établissements qui en sont victimes. Les données volées peuvent être vendues ou utilisées pour des usurpations d'identité.

Il est essentiel de se prémunir contre ces risques.

La directive REC élargit le cadre juridique à onze secteurs d'activité, contre deux actuellement en France. Elle dote les opérateurs du marché intérieur de standards de sécurité communs tout en préservant la concurrence.

Ce projet de loi ambitionne de sécuriser les 500 infrastructures critiques et d'assurer la résilience des 1 500 entités dites essentielles ou importantes face aux risques de cyberattaques.

Enfin, le texte renforce la résilience opérationnelle du secteur financier européen. Il prévoit l'obligation de mettre en place des cadres complets de gouvernance des risques et impose des normes strictes de protection des données des clients.

L'Anssi pourra prononcer des sanctions allant jusqu'à 10 millions d'euros ou 2 % du chiffre d'affaires.

Infliger des sanctions financières aux collectivités territoriales ne paraît pas pertinent, alors que 73 % des petites et moyennes collectivités ne peuvent consacrer plus de 5 000 euros par an à l'informatique et à la sécurité des systèmes. Nous proposerons de les exonérer de sanctions en cas de manquement et de privilégier l'accompagnement, la formation et le soutien technique. Le RDSE proposera également de réduire l'astreinte de 5 000 à 100 euros par jour et d'exonérer de financement d'audits les administrations, les collectivités et les établissements publics administratifs, pour ne pas compromettre leur équilibre budgétaire.

Enfin, il est préférable de laisser un délai de cinq ans pour la mise en oeuvre des nouvelles règles.

Ce texte est nécessaire, mais les obstacles sont multiples : manque de ressources humaines, de moyens financiers, méconnaissance des réglementations. Nous devons veiller à ce que les obligations soient proportionnées, et à ce que les collectivités soient accompagnées par l'État. Le RDSE sera vigilant.

M. Olivier Cadic .  - (M. Michel Canévet applaudit.) En tant que président de la commission spéciale, je remercie ses membres et tout particulièrement Catherine Morin-Desailly, qui avait présidé la commission spéciale sur le projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique. Je souscris aux constats des rapporteurs qui ont fait évoluer le texte dans le bon sens - merci, madame la ministre, de l'avoir souligné. Je salue aussi le travail des membres de la commission spéciale. Je remercie l'Alliance pour la confiance numérique, le CyberCercle, la CyberTaskForce, dont l'expertise a nourri nos réflexions.

Des amendements ont été déposés en vue de la séance pour que le Gouvernement clarifie certains points.

La transposition de NIS 2 devait intervenir avant le 17 octobre 2024. Dissolution, censure, le texte a surmonté les péripéties politiques. Madame la ministre, vous aurez été un heureux élément de continuité !

En tant que rapporteur sur les crédits de l'Anssi depuis 2017, je m'attache à sensibiliser sur le sujet de la cybersécurité. En 2023, les cyberattaques ont coûté près de 90 milliards d'euros à l'économie française. J'ai souhaité une large diffusion publique des auditions de la commission spéciale, pour que nos concitoyens prennent conscience de la menace. L'objectif premier n'est pas d'empêcher les cyberattaques qui ne feront que s'accentuer. Il y a ceux qui ont été attaqués, et ceux qui le sont mais ne le savent pas encore !

M. André Reichardt.  - Et ceux qui le seront !

M. Olivier Cadic.  - L'objectif est d'être plus résilient et de pouvoir vite redémarrer après une cyberattaque

Bien que l'Anssi ait conduit depuis septembre 2023 des consultations avec plus de soixante-dix fédérations professionnelles, avec onze associations d'élus et quatre fédérations de collectivités territoriales, et malgré une étude d'impact de 900 pages, les personnes auditionnées ont déploré un manque d'information et de concertation, notamment sur le volet réglementaire. Second paradoxe : la crainte qu'une sous-transposition législative de certaines dispositions des directives - notamment sur le périmètre d'activité, la notion d'incident ou les délais - n'engendre une surtransposition réglementaire. J'ai eu le sentiment que l'on donnait parfois carte blanche à l'administration, sans que le législateur n'ait son mot à dire.

La commission spéciale a fait plusieurs recommandations à l'intention du Gouvernement : veiller à la proportionnalité des entités assujetties, simplifier les mesures d'application, se garder de toute surtransposition réglementaire et accompagner les collectivités en tenant compte des problèmes de compétences et de financement.

Ce texte ne peut être qu'un catalogue de mesures ; il doit porter une vision positive de l'élévation du niveau de cybersécurité.

Au niveau européen, la non-harmonisation se traduirait par un risque de distorsion de concurrence. Une entreprise respectant la norme ISO 27001 en Belgique est considérée comme conforme à la directive NIS 2. En France, selon l'Anssi, ce n'est pas le cas. Vous nous annoncez un label national, cela promet... L'application des mesures ne peut être laissée à la seule discrétion d'une agence qui ne rend aucun compte. Il faut élever au niveau politique le pilotage du projet de loi.

Enfin, par l'amendement n°1, je veux éviter aux fournisseurs de services de chiffrement la possibilité de prévoir des brèches de sécurité, ou backdoors. Notre compétitivité est en jeu.

Votre avis, madame la ministre, sera très suivi. Notre travail n'est pas terminé avec le vote de ce soir ; il doit être accepté par tous. Cela dépendra de la qualité du dispositif qui mettra en oeuvre le texte.

Le groupe UC votera pour. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Michelle Gréaume .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur quelques travées du groupe SER) Il y a des décennies où rien ne se passe, et des semaines où le temps s'accélère. Le monde s'embrase. La cybersécurité est un enjeu stratégique qui irrigue la société, les institutions, l'économie.

Ce texte, en deçà des enjeux, est le produit d'une doctrine politique qui s'est résignée à la dépendance, et qui préfère la résilience à la souveraineté, l'adaptation à la maîtrise et la soumission au capitalisme numérique mondialisé plutôt que la reconquête de nos capacités industrielles et technologiques.

Notre dépendance technologique au cloud et aux logiciels américains n'a jamais été aussi grande. Pourtant, nous avons su développer des câbles sous-marins avec des entrepreneurs nationaux. L'ADSL et la carte Vitale sont le fruit de l'industrie nationale. Mais les gouvernements successifs ont fait le choix de la désindustrialisation, de la disparition de Thomson ou d'Alcatel. Ommic, fleuron français des semi-conducteurs, et le domaine spatial ont été vendus. Le Gouvernement délaisse Atos. Les laboratoires de recherche de France Télécom ont été balayés. Nous avons manqué le tournant du cloud computing et sommes désormais soumis aux sociétés étrangères.

La France importe près de 20 milliards d'euros de technologie chaque année. Loin d'être un acteur de la révolution numérique, nous en sommes devenus des consommateurs passifs, prisonniers de systèmes d'exploitation et de cloud extraterritoriaux.

Le texte est le résultat de cet abandon. Il traduit une stratégie orientée vers l'aval de la chaîne de valeur, via les nouvelles obligations de reporting ou la surveillance de prestataires technologiques critiques, sans que le coût pour les collectivités et les entreprises ne soit évalué.

Mme Cécile Cukierman.  - Très bien !

Mme Michelle Gréaume.  - Dans certaines régions, les ressources humaines sont rares. Nous craignons des hausses de prix, mal anticipées par le Gouvernement.

Nous subissons les conséquences de choix d'externalisation des compétences et de plateformisation de l'action publique.

Ce texte, hélas, n'enrayera pas la concentration de ressources critiques entre les mains d'entreprises extra-européennes. Or cela conditionne l'autonomie stratégique des États et leurs capacités industrielles.

Nous émettons les réserves les plus vives quant à la méthode du Gouvernement...

M. le président.  - Merci, chère collègue.

Mme Cécile Cukierman.  - Elle termine !

Mme Michelle Gréaume.  - ... qui renvoie trop d'éléments à des décrets.

L'enjeu reste celui de l'émancipation technologique ou économique face aux grandes plateformes numériques et aux multinationales. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Cécile Cukierman.  - Très bien !

M. Akli Mellouli .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Dans un contexte de nouvelles tensions et de guerre hybride, face aux cybermenaces, nous devons nous prononcer sur la transposition de ces trois directives qui protégeront nos collectivités territoriales et entités critiques. Cette transposition est indispensable, mais nous devons nous interroger sur les moyens et l'accompagnement des entités.

La transposition de la directive REC protégera des activités critiques. Il s'agit de se rapprocher de l'objectif de résilience des infrastructures d'importance vitale en l'étendant à de nombreux secteurs, comme la santé publique et l'environnement. Le projet de loi inclut des structures industrielles ou installations publiques dont le dysfonctionnement aurait des conséquences graves sur les citoyens et l'économie.

Les inquiétudes dont nous ont fait part les plus petites structures sont réelles. Les collectivités territoriales feront face à des charges lourdes.

La transposition de Dora protégera efficacement les entités financières.

Concernant NIS 2, directive ambitieuse, nous nous interrogeons sur sa mise en oeuvre. Les collectivités territoriales sont aussi vulnérables, en témoignent les cyberattaques nombreuses ciblant nos mairies et nos hôpitaux. La transposition de NIS 2 prévoit d'inclure 1 500 collectivités territoriales et 15 000 entités.

Mais quels sont les moyens à la disposition des acteurs concernés ? La mise en conformité aura un coût de 2 milliards d'euros, dont 690 millions d'euros par an pour les collectivités territoriales. Nous regrettons l'absence d'un plan d'accompagnement des acteurs.

Enfin, nous déplorons les sanctions financières importantes, alors que les collectivités territoriales sont financièrement fragiles.

Notre groupe proposera par voie d'amendement des exonérations pour les collectivités, leurs groupements et leurs établissements. Nous aurions aimé une autre approche que celle de la sanction financière, avec un véritable plan national d'accompagnement.

Ce projet de loi est nécessaire et apporte des avancées. Il répond aux enjeux vitaux de la cybersécurité. Néanmoins, les circonstances budgétaires ne permettent pas aux acteurs concernés d'amorcer cette réflexion sereinement. Les petites collectivités ne peuvent être laissées seules face aux cybermenaces.

Le GEST votera pour ce projet de loi, même s'il aurait préféré aller plus loin, vers une stratégie européenne. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Audrey Linkenheld .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Du 1er au 3 avril, Lille accueillera le forum international de la cybersécurité (FIC). C'est dire si l'enjeu cyber est bien identifié dans cette ville. Pourtant, en mars 2023, elle a subi une attaque pour un coût d'environ 2 millions d'euros. Certes, aucune donnée n'a été perdue, mais le fonctionnement habituel de la collectivité a été perturbé.

Une collectivité sur dix déclare avoir subi une attaque dans les douze derniers mois, d'après le baromètre paru à l'occasion du dernier salon des maires. La menace est systémique.

La législation européenne tente de s'adapter à cette menace croissante, par une meilleure coordination notamment entre les États membres. Mais prenons garde à ce que cet enchaînement de textes européens ne complexifie pas le système. Attention aussi aux coûts !

Les directives opèrent un changement d'échelle. Pas moins de 1 500 collectivités territoriales deviennent des entités essentielles. Le défi est de taille pour ces structures, publiques et privées. Il leur faut mieux se protéger.

Cependant, le retard collectif en la matière ne sera pas facile à rattraper. La forte tension dans les métiers cyber comme les coûts en infrastructure, formation et mise en conformité peuvent être lourds à supporter.

La plupart des amendements du groupe SER ont trait à une montée en puissance progressive et concertée du projet de loi, avec un accompagnement. C'est sa condition d'acceptabilité première.

Ce texte comporte des contrôles et des sanctions. Or l'enjeu cyber ne peut être vécu comme punitif. Oui, la menace est réelle, mais rien ne serait pire que des blocages dus à trop de sanctions et pas assez d'explications.

Nous souhaitons vivement que la stratégie nationale cyber soit complétée par un plan d'accompagnement local, par exemple. Nous proposons aussi de réfléchir à un crédit d'impôt, déjà défendu en 2021 par Rémi Cardon et Sébastien Meurant.

L'adoption de mesures visant à améliorer notre cyber-résilience et notre cybersécurité est indispensable. Le groupe SER votera les principales dispositions que ce texte transpose, mais veillera aux conditions effectives de leur mise en oeuvre et aux moyens financiers. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Marta de Cidrac .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je félicite les rapporteurs pour leur travail sur cet enjeu crucial.

La directive REC modernise notre approche en passant d'une logique de protection à une approche de résilience. La directive NIS 2 élargit le périmètre des entités concernées. La directive Dora protège le secteur financier contre le risque cyber.

Ce texte prend toute son importance au regard de la montée en puissance des cyberattaques, notamment des rançongiciels. Nul n'est à l'abri. Comme le montrent les rapporteurs, en un an, les attaques ont bondi de 30 %, avec des conséquences économiques et sociales considérables.

L'hôpital Mignot, dans les Yvelines, que vous avez visité fin février, madame la ministre, est resté paralysé pendant des mois. Ces attaques sont des atteintes à notre souveraineté et à notre résilience nationales.

Je salue la vigilance des rapporteurs à ne pas surtransposer les directives européennes. Je forme le voeu que l'examen en séance publique suive une dynamique similaire.

Mais ce texte soulève des interrogations et appelle à des engagements clairs du Gouvernement.

La mise en oeuvre des obligations transposées pèsera notamment sur les plus petites entreprises. Un cadre clair et réaliste doit être définitif, et un accompagnement financier et technique assuré.

Il faudra aussi répondre aux questions de coordination et de contrôle. L'Anssi verra en effet ses responsabilités considérablement élargies. Sera-t-elle prête à assurer ce rôle élargi de supervision ?

L'examen du texte devra aborder certains points essentiels, comme le renforcement de l'accompagnement des acteurs privés et publics.

Nous devons légiférer vite. Le temps nous est compté. La transposition de certaines directives, notamment NIS 2, est déjà en retard. Mais ne confondons pas vitesse et précipitation. La réussite du texte dépendra des mesures concrètes d'accompagnement mises en oeuvre par le Gouvernement. Une sous-transposition législative ne doit pas conduire à une surtransposition réglementaire.

Protéger nos infrastructures critiques et renforcer la cybersécurité, ce n'est pas seulement une obligation légale, mais un impératif de souveraineté pour notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Mickaël Vallet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il est sept heures du matin quelque part en France lorsqu'un dysfonctionnement touche une installation d'eau potable. Le service n'est pas rétabli aussitôt, la panne s'aggrave, en quelques heures les réservoirs sont vides. Dans les hôpitaux, les industries, on rationne la consommation. Les populations paniquent. Le pire, c'est qu'il s'agit d'une défaillance technique aggravée par un manque de planification, d'anticipation et donc de résilience.

Cette situation est parfaitement vraisemblable. Et ce texte intervient comme une évidence.

Le tragique de l'histoire imposée à l'Ukraine a mis en lumière la vulnérabilité des infrastructures critiques.

La transposition de la directive REC ne fait que tirer les conséquences d'une réalité incontestable : la vulnérabilité croissante de nos infrastructures essentielles dans un monde où les crises deviennent la norme. Nous avons vu des collectivités tétanisées, des entreprises stratégiques paralysées par les rançongiciels. Nos infrastructures critiques sont devenues des cibles. Les yeux des gouvernants se dessillent enfin face aux menaces des impérialismes russe et chinois, mais aussi américain.

Le texte utilise la transposition pour opérer des révisions de politique publique. Nous ne sommes plus dans une logique de protection statique des infrastructures, mais dans une approche dynamique de la résilience.

La multiplication par cinq du nombre d'opérateurs d'importance vitale témoigne de la nécessité d'une vigilance accrue.

Les sénateurs socialistes ont amélioré le texte en commission. Nous examinerons le projet de loi dans ce même esprit de responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Catherine Belrhiti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte est d'une importance capitale. Les menaces numériques se multiplient, nous devons doter les entités essentielles des moyens de se protéger. Préserver nos intérêts fondamentaux demande un engagement sans faille.

Chaque semaine, les cyberattaques rappellent la vulnérabilité de nos systèmes d'information. Des hôpitaux ont été paralysés, des collectivités territoriales prises en otage par des rançongiciels. Des entreprises clés de notre base industrielle et technologique de défense (BITD) ont été ciblées.

Les conséquences sont désastreuses. La France subit une pression constante dans son cyberespace. L'année 2024 voit une augmentation de 15 % des incidents portés à la connaissance de l'Anssi.

Je salue l'avis du Conseil d'État du 6 juin 2024 sur le présent projet de loi, qui nous éclaire notamment sur son champ d'application.

Ce projet de loi prévoit une meilleure identification des entités essentielles, une responsabilisation accrue des dirigeants, des sanctions plus importantes en cas de manquement aux obligations de cybersécurité, entre autres. Cela demande des moyens adaptés et une coordination efficace entre l'État, les collectivités et les entreprises.

Ce texte va plus loin que la transposition, puisqu'il élargit dans son article 62 le champ de compétence de la résilience numérique au secteur financier. Ce choix cohérent va dans le sens de notre protection.

L'Anssi, qui joue un rôle central, verra ses pouvoirs renforcés. Mais avec quels moyens ?

Les obligations imposées par le texte ne doivent pas devenir un fardeau insurmontable pour les entreprises. La cybersécurité doit être considérée non comme une contrainte, mais comme un investissement stratégique. À nous d'accompagner les petites collectivités et les PME.

L'État doit jouer son rôle, en mettant les ressources nécessaires à disposition des communes ; mais les entreprises et les collectivités territoriales ont aussi un rôle essentiel à jouer.

Ce projet de loi, que je vous invite à adopter, est une étape vers une France plus résiliente face au défi numérique.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Laurent Somon.  - Lors du scrutin public n°226, j'ai commis une erreur de manipulation. Je souhaitais répliquer le vote sur le scrutin public n°225 : il fallait compter pour mon groupe 53 voix pour, 66 contre, 10 abstentions et 2 ne participant pas au vote. MM. Joyandet et Naturel souhaitaient voter contre.

Acte en est donné.

Résilience des infrastructures critiques et renforcement de la cybersécurité (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles

Article 1er

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Ce projet de loi arrive alors que la cybersécurité est une priorité absolue. La sécurité de nos infrastructures est vitale, ce n'est plus une option.

Toutefois, nous exprimons nos préoccupations pour les plus petites entités, notamment celles de notre BITD. Une étude de la direction générale de l'armement (DGA) menée sur 300 entreprises a révélé un niveau de maturité très faible. Nos amendements viseront à introduire une progressivité, de la souplesse et des exonérations de sanctions. Nous voulons protéger les entreprises en les accompagnant au mieux pour préserver leur compétitivité.

Mme Michelle Gréaume .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Notre demande de rapport sur la mise en oeuvre du contrôle des investissements étrangers a été déclarée irrecevable au titre de l'article 45. Il est impératif de protéger les entreprises françaises des risques de captation des savoir-faire technologiques en matière de cybersécurité. Le Gouvernement doit rester vigilant et proactif sur ce sujet.

M. le président.  - Amendement n°92 du Gouvernement.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - Cet amendement vise un rapprochement avec le périmètre de la SAIV, instaurée en France en 2006. Notre volonté est d'harmoniser et de simplifier, non de surtransposer. S'en tenir aux dispositions prises par la France en 2006 est la démarche la plus simple et la plus efficace. Ces entités ont déjà investi pour mettre en oeuvre des procédures ad hoc.

M. Hugues Saury, rapporteur.  - Cet amendement revient à la rédaction initiale de l'alinéa 7 de l'article 1er. Notre commission avait choisi de préciser le champ des activités d'importance vitale. Cette définition ne recouvre toutefois pas totalement celle de la directive REC.

Avis favorable.

L'amendement n°92 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°95 du Gouvernement.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - Cet amendement rédactionnel précise la notion de résilience.

M. Hugues Saury, rapporteur.  - Précision utile... Avis favorable.

L'amendement n°95 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°25 de Mme Conway-Mouret et du groupe SER.

Mme Hélène Conway-Mouret.  - L'autorité administrative devrait recueillir les observations d'un opérateur avant de le désigner comme opérateur d'importance vitale (OIV). Par cette consultation, des facteurs essentiels comme la taille de l'opérateur, les risques auxquels son secteur est confronté et sa capacité à assurer sa résilience seront pris en compte. Ces dispositions figurent déjà dans le code de la défense.

M. Hugues Saury, rapporteur.  - Cette possibilité est déjà prévue par le code de la défense. De plus, la rédaction de l'amendement nous pose problème : en l'absence de toute observation, la procédure s'arrêterait, ce qui me semble regrettable. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - Nous ne voyons pas de problème à inscrire ce point dans la loi. Avis favorable.

L'amendement n°25 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°93 du Gouvernement.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - Cet amendement rétablit la rédaction initiale du projet de loi. Il semble préférable de conserver une définition large qui vise les « risques de toute nature ».

M. Hugues Saury, rapporteur.  - La commission avait souhaité préciser la nature des risques. Cela étant, nous sommes favorables à l'approche globale préconisée par le Gouvernement.

Mme Audrey Linkenheld.  - Cet amendement revient sur une disposition adoptée en commission ; c'est regrettable. La définition que nous avions proposée était inspirée des articles 5 et 12 de la directive à transposer. Préciser la nature des risques, qui peuvent être terroristes, mais pas seulement, était une bonne chose. Nous voterons contre cet amendement.

L'amendement n°93 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°108 du Gouvernement.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - Cet amendement supprime la sous-traitance de la liste des dépendances à analyser. Restons pragmatiques, ne surtransposons pas - la sous-traitance ne fait pas partie de la directive REC - et n'introduisons pas de lourdeur administrative.

M. Hugues Saury, rapporteur.  - La rédaction issue de la commission renforce la résilience : la chaîne de sous-traitance est une source de vulnérabilité à part entière. Mais je suis sensible aux arguments du Gouvernement. Je m'en remets donc à la sagesse du Sénat.

L'amendement n°108 est adopté.

L'amendement rédactionnel n°113, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°62 rectifié de MM. Cédric Vial et Étienne Blanc.

M. Étienne Blanc.  - Le plan particulier de résilience doit viser aussi les équipements, au-delà des seules procédures.

M. Hugues Saury, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait par l'alinéa 35 qui vise l'ensemble des mesures prises ou envisagées par l'opérateur, ce qui inclut notamment les équipements et matériels. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - Même avis, pour les mêmes raisons. La loi définit les objectifs du plan de résilience, mais n'en détaille pas tous les éléments. Les plans types seront arrêtés par le Premier ministre.

M. Étienne Blanc.  - Prenant acte des explications de Mme la ministre qui figureront au compte rendu, je retire mon amendement.

L'amendement n°62 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°26 de Mme Conway-Mouret et du groupe SER.

Mme Hélène Conway-Mouret.  - Cet amendement prévoit que le décret en Conseil d'État sera pris après avis de la Cnil, afin de déterminer le juste équilibre entre sécurité et respect des libertés individuelles. La Cnil nous a confirmé que cela entrait dans ses prérogatives.

M. le président.  - Amendement identique n°49 de M. Dossus et du GEST.

M. Thomas Dossus.  - Les enquêtes prévues pourront donner accès au bulletin n°2 du casier judiciaire ainsi qu'à des traitements automatisés de données personnelles. Cette procédure a trait à des données sensibles : elle doit être encadrée par la Cnil.

M. Hugues Saury, rapporteur.  - Nous en avons beaucoup débattu : comment encadrer sans alourdir la procédure ? Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - Vous connaissez mon attachement à la protection des données personnelles. Mais ce décret ne les concerne pas. Retrait, sinon avis défavorable.

M. le président.  - Monsieur le rapporteur, suivez-vous cet avis ?

M. Hugues Saury, rapporteur.  - Oui.

Mme Audrey Linkenheld.  - Je m'étonne de la réponse du Gouvernement : comme l'a dit Hélène Conway-Mouret, la Cnil nous a confirmé que ce décret entrait dans son champ de compétence.

À l'issue d'une épreuve à main levée déclarée douteuse, les amendements identiques nos26 et 49, mis aux voix par assis et levé, ne sont pas adoptés.

L'article 1er, modifié, est adopté.

L'article 2 est adopté.

L'article 3 est adopté.

L'article 4 est adopté.

Avant l'article 5

M. le président.  - Amendement n°54 de M. Dossus et du GEST.

M. Thomas Dossus.  - L'augmentation massive du nombre d'entités régulées concerne principalement des TPE et PME, ainsi que des collectivités territoriales.

Elles doivent être accompagnées, au plan technique, financier, mais aussi sur les recrutements, la formation, etc. D'où notre plan national sur cinq ans. Un accompagnement progressif doit permettre d'éviter des charges disproportionnées sur ces entités, tout en élevant notre niveau général de cybersécurité.

M. Patrick Chaize, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait par l'article 5 : retrait, sinon avis défavorable.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - Même avis. L'accompagnement des entités est au coeur de notre projet et nous sommes pleinement mobilisés. J'ai demandé à l'Anssi de lancer des actions telles que « MonEspaceNIS 2 », « Cyber PME », ou encore « MonAideCyber ». Mais je veux aller plus loin : communiquer avec les entités concernées et les sensibiliser via les associations d'élus et les syndicats et organisations professionnelles.

J'ajoute : l'amendement fait référence aux TPE qui ne sont pas concernées.

L'amendement n°54 n'est pas adopté.

Article 5

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Nos collectivités territoriales, hôpitaux et entreprises sont de plus en plus victimes de cyberattaques, aux conséquences graves. Le travail de transposition de ces directives européennes est donc crucial.

En France, l'Anssi, en première ligne, sera confrontée à deux grands défis. Tout d'abord, l'appropriation par les entités concernées -  dont 1 500 collectivités territoriales  - de leurs nouvelles obligations. Leur mise en conformité nécessitera d'importants moyens humains et financiers. Les prochaines lois de finances devront y pourvoir, dans le cadre de l'effort global de défense évoqué récemment par le ministre Lecornu.

Voilà des années que nous demandons au Gouvernement une stratégie cyber. Dès 2015, je plaidais pour une gouvernance stratégique du secteur numérique et une montée en compétences du plus grand nombre. L'amendement introduisant l'article 5 bis adopté par la commission spéciale est donc fondamental.

Le second défi est le développement d'une industrie française et européenne compétitive, susceptible de répondre à la demande. Nos entreprises, qui fournissent des solutions fiables, doivent bénéficier du ruissellement. C'est un enjeu économique, mais aussi de souveraineté. C'est pourquoi j'ai insisté pour que l'Anssi soit également dotée d'une mission de soutien à la filière : merci aux rapporteurs et à mes collègues d'avoir adopté cet amendement en commission spéciale.

L'article 5 est adopté.

Article 5 bis

M. le président.  - Amendement n°65 de Mme Gréaume et du groupe CRCE-K.

M. Fabien Gay.  - Pas de stratégie nationale sur la cybersécurité sans souveraineté numérique. Au vu des bouleversements mondiaux, on ne peut pas être réduits à nous tourner vers des solutions extérieures, notamment américaines. Nous devons passer d'une stratégie de la confiance à une stratégie de la souveraineté. Nous appelons, comme le Conseil d'État, à l'arrêt de l'externalisation en faveur d'un capitalisme des plateformes.

J'en profite : que compte faire le Gouvernement s'agissant d'Atos ? Vous êtes en négociation sur les supercalculateurs jusqu'au 25 mai prochain -  nous nous en réjouissons. Mais quid des 10 000 salariés en France, 130 000 dans le monde ? Va-t-on laisser les acteurs privés dépecer l'entreprise ? Certains plaident pour la nationalisation complète. Le rapport que j'ai rédigé avec un collègue socialiste et deux collègues républicains préconisait l'entrée de l'État au capital d'Atos, à hauteur de 15 %.

M. Patrick Chaize, rapporteur.  - La stratégie nationale en matière de cybersécurité devra se concentrer sur les moyens de protéger nos entreprises, administrations et collectivités territoriales. Mais il faut aussi, parallèlement, soutenir l'écosystème. Il serait toutefois illusoire de penser n'avoir recours qu'à des technologies françaises ou européennes.

Je propose à Fabien Gay de retirer son amendement au profit de l'amendement n°36, qui traite de la question de la souveraineté numérique, sinon avis défavorable.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - La stratégie cyber a été présentée pour la première fois en 2015, puis réactualisée en 2019, 2021 et elle le sera de nouveau en 2025. Nous avons souscrit au point de vue du rapporteur qui souhaitait la mentionner dans le projet de loi.

Je vous invite donc à retirer votre amendement au profit de l'amendement n°96 du Gouvernement qui définit cette stratégie, sinon avis défavorable.

M. Fabien Gay.  - Monsieur le rapporteur, nous demandons une évaluation de notre dépendance afin de nous fixer des objectifs à cinq ou dix ans pour développer les solutions françaises et européennes. Nous ne prétendons pas faire du franco-français dès demain !

Je remercie Mme la ministre d'avoir répondu complètement à côté de ma question. (Sourires) On ne peut pas débattre de la cybersécurité et ne pas parler du réel. Il existe une entreprise, Atos, qui emploie 10 000 salariés en France et 130 000 en Europe. On fait quoi avec ?

J'interpelle le Gouvernement, parce que les appels d'offres d'Atos ne sont pas renouvelés et sont attribués à d'autres. Mais nous ne voulons secouer personne et surtout pas Mme la ministre qui n'était pas prête à répondre à notre question...

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - Vos propos me surprennent, car votre amendement portait sur la stratégie sur la cybersécurité -  l'amendement Atos a été jugé irrecevable. (M. Fabien Gay s'exclame.)

La question d'Atos est importante, mais elle ne relève pas de ce texte. Je vous invite à me la reposer, par exemple lors des questions d'actualité au Gouvernement.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Je suivrai l'avis du rapporteur, car nous examinons un texte précis. Mais je comprends la question soulevée par M. Gay, pour y avoir beaucoup travaillé !

Dès 2013, la commission des affaires européennes a mis ce sujet sur la table et dénoncé l'absence de stratégie globale et offensive en faveur de la souveraineté numérique. Et aujourd'hui, on pleure !

Nos dépendances technologiques sont très dangereuses ; nos infrastructures sont directement menacées. Si nous ne nous réarmons pas, nous sommes mal ! Sébastien Lecornu l'a redit ce week-end : même avec l'arme nucléaire, si nous ne sommes pas équipés au plan cyber, nous perdrons la guerre. Je comprends donc l'agacement de nos collègues, car on l'a dit et redit ! Certes, la France n'est pas seule responsable, le secteur étant régulé par l'Union européenne...

Nous avons gagné la « course des tortues », en ayant -  enfin !  - élaboré une réglementation, avec le DSA et le DMA. Mais le chemin est encore long pour mettre enfin en oeuvre cette politique industrielle qui nous fait cruellement défaut. Cela doit aussi être notre priorité. (Mme Michèle Gréaume applaudit.)

L'amendement n°65 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°96 du Gouvernement.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - La commission spéciale a souhaité intégrer la notion de stratégie dans le texte -  c'est utile. Mais nous souhaitons en préciser les objectifs, la gouvernance et les indicateurs de performance associés.

Madame Morin-Desailly, le Gouvernement s'efforce de bâtir notre souveraineté technologique et numérique depuis plusieurs années. La vision que nous portons fait son chemin en Europe. L'appui à notre écosystème est bien une priorité.

M. le président.  - Amendement n°39 de M. Vallet et du groupe SER.

M. Mickaël Vallet.  - Cet amendement étend la culture du risque cyber jusqu'à l'échelon communal. J'avais déposé un autre amendement, visant à intégrer ce risque dans les plans communaux de sauvegarde, mais il a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40. Mentionnons les communes, explicitement.

M. Patrick Chaize, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°96, qui revient sur le texte de la commission, notamment certains alinéas importants.

L'amendement n°39 semble satisfait par l'alinéa 6 de l'article 5 bis qui vise les « administrations publiques », ce qui inclut les collectivités territoriales. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - Demande de retrait de tous les amendements visant à préciser la stratégie -  dont l'amendement n°39  - au profit de l'amendement n°96.

Mme Audrey Linkenheld.  - Je m'étonne que, pour la ministre, la stratégie nationale puisse ne pas concerner les collectivités territoriales, qui font pourtant nation. J'ai fait état de la cyberattaque que nous avons subie à Lille, et vous savez que notre campus cyber est le premier en région. Comment les collectivités territoriales pourraient-elles entendre qu'elles ne font pas partie de la stratégie nationale cyber ?

Ma commune est soumise à un contrôle de la chambre régionale des comptes, qui lui demande, notamment, une stratégie cyber. Faut-il considérer que les stratégies locales seraient sans rapport avec la stratégie nationale ? Ce serait absolument incompréhensible !

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - Nous sommes pleinement d'accord sur l'objectif de cette stratégie : toutes les entités doivent être protégées et accompagnées. En revanche, nous divergeons sur la rédaction. Nous proposons un cadre général, qui inclut notamment les entreprises et les collectivités. Ces dernières sont au coeur de notre stratégie, c'est pourquoi le Gouvernement les a incluses parmi les entités soumises à NIS 2.

L'amendement n°96 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°39.

M. le président.  - Amendement n°43 de Mme Linkenheld et du groupe SER.

Mme Audrey Linkenheld.  - Cet amendement prévoit que le Gouvernement clarifie le rôle et le financement des CSIRT (Computer Security Incident Response Team), les centres de réponse aux incidents, structures indispensables à la réponse opérationnelle sur le terrain.

M. Patrick Chaize, rapporteur.  - Les CSIRT jouent un rôle essentiel de relais dans les territoires de l'action de l'Anssi. L'article 24 prévoit leur agrément afin de leur donner plus de poids dans la politique de cybersécurité. Il est tout à fait opportun que la stratégie nationale traite de leur cadre d'intervention et de leur déploiement dans tous les territoires, mais votre amendement est satisfait par les deuxième et troisième alinéas de l'article 5 bis. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - Les CSIRT font bien sûr partie de notre stratégie ; je réaffirme mon attachement à ce dispositif d'accompagnement de proximité. Mais il nous semble que l'article 5 bis les intègre déjà. Dès lors, nous demandons le retrait de l'amendement.

L'amendement n°43 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°36 de Mme Blatrix Contat et du groupe SER.

Mme Florence Blatrix Contat.  - L'autonomie stratégique de la France et de l'Union européenne suppose que nous continuions d'investir dans des infrastructures - solutions logicielles, cloud - localisées en Europe et financées par des capitaux européens. L'ambition de l'Union européenne de supprimer toute dépendance à l'égard des systèmes non européens d'ici à 2030 doit être une priorité de notre stratégie nationale de cybersécurité.

M. Patrick Chaize, rapporteur.  - Avis favorable. Le renforcement de notre souveraineté est une priorité dans le contexte international actuel. La rédaction de l'article 5 bis ne couvrait pas cette question.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - De telles orientations pouvant déjà figurer dans l'article 1er, il ne me paraît pas nécessaire de les inclure ici. En outre, comme je l'ai indiqué, le Gouvernement privilégie une rédaction de portée générale. Cependant, nous sommes très attachés à cet objectif : dès lors, sagesse.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Je voterai pour l'amendement de Florence Blatrix Contat, avec qui j'ai beaucoup travaillé sur ces questions au sein de la commission des affaires européennes. La reconquête de notre souveraineté et de notre autonomie stratégique, que nous avons laissées s'effilocher, est un enjeu fondamental.

L'amendement n°36 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°42 de Mme Linkenheld et du groupe SER.

Mme Audrey Linkenheld.  - Cet amendement et les suivants visent à préciser le contenu de la stratégie nationale cyber.

L'amendement n°42 traite du soutien aux collectivités territoriales, notamment financier.

M. Patrick Chaize, rapporteur.  - Les modalités de soutien aux collectivités devront bien sûr être prévues par la stratégie nationale. Il ne nous a pas paru nécessaire de le préciser ici. Néanmoins, sagesse positive.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°42 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°34 de Mme Linkenheld et du groupe SER.

Mme Audrey Linkenheld.  - Cet amendement porte sur l'identification et le renforcement des compétences et formations nécessaires sur l'ensemble du territoire en matière de cybersécurité. La question des moyens humains, en particulier, est cruciale.

Si nous déposons ces amendements, monsieur le rapporteur, c'est bien que nous considérons qu'ils ne sont pas satisfaits.

Quand nous posons des questions précises, madame la ministre, nous attendons des réponses précises. C'est le cas notamment sur les CSIRT : nous espérons bien que vous y êtes favorable, mais voulons des précisions sur leur financement, notamment dans le contexte financier difficile que connaissent les régions.

M. Patrick Chaize, rapporteur.  - Le renforcement des compétences en cybersécurité sur l'ensemble du territoire est une priorité. Là encore, l'amendement nous a paru largement satisfait, mais sagesse positive.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - Même avis.

Sur les CSIRT, madame Linkenheld, ces dispositifs en sont à leur première année d'existence - nous sommes encore en phase de calage. Néanmoins, certains ont déjà trouvé leur modèle économique. Nous serons attentifs à la situation de toutes les régions. Je vous renvoie aux discussions budgétaires à venir.

Nous ouvrons un grand nombre de discussions en réponse au contexte géopolitique. Le renforcement de la cybersécurité sera discuté dans ce cadre.

L'amendement n°34 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°38 de Mme Linkenheld et du groupe SER.

Mme Audrey Linkenheld.  - Il s'agit toujours de préciser l'accompagnement des collectivités et des entreprises sur les territoires.

Nous proposons que, dans chaque département, un sous-préfet soit désigné comme référent en matière de cybersécurité et coordonne l'accompagnement des collectivités, en amont comme en aval d'éventuelles attaques. Il ne s'agit pas de créer un sous-préfet supplémentaire : cette mission reviendrait à un sous-préfet déjà en place, en plus de ses missions thématiques ou territoriales.

M. Patrick Chaize, rapporteur.  - L'idée est intéressante, mais risque de se heurter aux CSIRT régionaux. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - Je comprends l'intention, mais cela relève du niveau réglementaire. Une mission est en cours sur le renforcement de l'action des préfets et sous-préfets. Avis défavorable.

M. Patrick Chaize, rapporteur.  - Avis défavorable.

L'amendement n°38 n'est pas adopté.

L'article 5, modifié, est adopté.

Après l'article 5 bis

M. le président.  - Amendement n°35 de M. Cardon et du groupe SER.

M. Rémi Cardon.  - La délégation aux entreprises a voté à l'unanimité un rapport sur les TPE et PME, grandes oubliées de la cybersécurité. Les OIV sont protégés par l'Anssi et disposent de certains services. Quand on ne peut passer par la porte, on passe par la fenêtre : par les TPE et PME ! Cet amendement instaure un crédit d'impôt, que j'ai ramené de 30 000 à 15 000 euros, pour aider les petites entreprises concernées par NIS 2 à s'armer en matière de cybersécurité.

M. Patrick Chaize, rapporteur.  - Nous voulions également créer un crédit d'impôt, mais cela a paru déraisonnable au vu du contexte dégradé de nos finances publiques. L'amendement créerait en outre des effets d'aubaine. Le Gouvernement travaille à une labellisation NIS 2 : c'est la piste à explorer en priorité. Avis défavorable.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - Je souscris à la volonté d'accompagner les entreprises de petite taille, cibles de six attaques sur dix. Mais un crédit d'impôt paraît inadapté, au vu du contexte financier. Cette dépense fiscale serait en outre difficilement pilotable et source d'effets d'aubaines. Le dispositif cible par ailleurs les TPE, qui ne sont pas concernées par NIS 2, ce qui paraît peu justifiable.

Ces dépenses doivent être considérées comme un investissement : les coûts de mise en conformité sont dix fois inférieurs à ceux d'une cyberattaque.

Nous avons réfléchi à un label ad hoc : j'y reviendrai demain.

Avis défavorable.

M. Fabien Gay.  - Contexte financier difficile ? Ça dépend pour quoi !

Le Président de la République explique que nous allons nous surarmer, sans qu'on sache avec quels financements. Les dépenses sociales et environnementales ne peuvent être sorties des critères de Maastricht, mais, pour les armes, c'est possible...

Avec M. Rietmann, nous menons une mission sur les 2 210 dispositifs d'aide aux entreprises, dont un tiers de crédits d'impôt. En écoutant Mme la ministre, je buvais du petit-lait : effet d'aubaine, mal ciblé, difficilement pilotable... Et pour le crédit d'impôt recherche, qu'en est-il ? Nous saurons, madame la ministre, nous resservir de vos arguments.

Je ne suis pas un grand défenseur des crédits d'impôt, mais, si vous n'en voulez pas, que proposez-vous ? À l'article 1er, vous nous avez fait sortir les sous-traitants du dispositif. Vous ne pouvez pas, à l'article 5, refuser de les aider financièrement à s'armer. Les petites entreprises sont celles qui subissent le plus d'attaques !

L'amendement n°35 n'est pas adopté.

Article 6

M. le président.  - Amendement n°97 du Gouvernement.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée.  - Amendement de précision, pour tenir compte du facteur humain susceptible de relever d'une vulnérabilité.

M. Hugues Saury, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°97 est adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

L'article 7 est adopté.

M. le président.  - Nous avons examiné 20 amendements au cours de la soirée ; il en reste 84 à examiner sur ce texte.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 12 mars 2025, à 15 heures.

La séance est levée à minuit trente-cinq.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 12 mars 2025

Séance publique

À 15 heures, 16 h 30 et le soir

Présidence : M. Gérard Larcher, président Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente, M. Didier Mandelli, vice-président

Secrétaires : M. Fabien Genet, M. Guy Benarroche

1Questions d'actualité

2Trois conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié :

=> Projet de loi autorisant l'approbation de la Résolution n°259 portant modification de l'article 1er de l'Accord portant création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement afin de permettre l'élargissement limité et progressif du champ d'action géographique de la Banque à l'Afrique subsaharienne et à l'Irak (procédure accélérée) (texte de la commission, n°406, 2024-2025)

=> Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Observatoire du réseau d'antennes d'un kilomètre carré (SKAO) relatif à l'adhésion de la France à l'Observatoire (procédure accélérée) (texte de la commission, n°408, 2024-2025)

=> Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité sur la coopération dans le domaine de la défense entre la République française et le Royaume d'Espagne (texte de la commission, n°404, 2024-2025)

3. Explications de vote puis vote sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à proroger le dispositif d'expérimentation favorisant l'égalité des chances pour l'accès à certaines écoles de service public (texte de la commission, n°397, 2024-2025)

4. Suite du projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité (procédure accélérée) (texte de la commission, n°394, 2024-2025)

5. Proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux, présentée par MM. Guislain Cambier, Jean-Baptiste Blanc et plusieurs de leurs collègues (procédure accélérée) (texte de la commission, n°373, 2024-2025) (demande du groupe Les Républicains)