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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Protéger l'école de la République et les personnels qui y travaillent

Discussion générale

M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de loi

Mme Annick Billon, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Mme Mireille Conte Jaubert

M. Jean Hingray

M. Pierre Ouzoulias

Mme Monique de Marco

Mme Marie-Pierre Monier

Mme Laure Darcos

M. Max Brisson

Mme Samantha Cazebonne

Mme Agnès Evren

Discussion des articles

Article 1er

Après l'article 1er

Article 2

Article 3

Après l'article 3

Article 4

Article 5

Article 6

Article 6 bis

Article 7

Vote sur l'ensemble

Mme Colombe Brossel

Mme Monique de Marco

Accord en CMP

Modifications de l'ordre du jour

Risque lié aux batteries au lithium et cartouches de protoxyde d'azote (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Jean-François Longeot, auteur de la proposition de loi

M. Cyril Pellevat, auteur de la proposition de loi

Mme Jocelyne Antoine, rapporteure de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche

M. Bernard Pillefer

M. Alexandre Basquin

M. Jacques Fernique

M. Hervé Gillé

M. Daniel Chasseing

Mme Marta de Cidrac

Mme Patricia Schillinger

Mme Mireille Jouve

Discussion des articles

Article 1er

Article 2

Prévention et gestion des inondations par les collectivités territoriales (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Jean-Yves Roux, auteur de la proposition de loi

M. Jean-François Rapin, auteur de la proposition de loi

M. Pascal Martin, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche

M. Jean-Pierre Corbisez

M. Jacques Fernique

M. Hervé Gillé

M. Christopher Szczurek

Mme Laure Darcos

M. Laurent Somon

Mme Solanges Nadille

M. Michel Masset

M. Jean-Michel Arnaud

M. Laurent Burgoa

Mme Anne-Sophie Patru

Discussion des articles

Article 1er

Mme Christine Lavarde

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique

Après l'article 1er

Après l'article 2

Article 3

Après l'article 3

Vote sur l'ensemble

M. Jean-Baptiste Lemoyne

Mme Maryse Carrère

M. Jean-François Rapin, auteur de la proposition de loi

M. Michel Canévet

M. Hervé Gillé

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

Lutte contre les usages détournés du protoxyde d'azote

Discussion générale

M. Ahmed Laouedj, auteur de la proposition de loi

Mme Maryse Carrère, rapporteure de la commission des affaires sociales

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins

Mme Anne Souyris

Mme Marion Canalès

M. Daniel Chasseing

M. Khalifé Khalifé

Mme Solanges Nadille

Mme Véronique Guillotin

Mme Jocelyne Guidez

Mme Silvana Silvani

Discussion des articles

Article 1er

Article 2

Après l'article 2

Ordre du jour du lundi 10 mars 2025




SÉANCE

du jeudi 6 mars 2025

63e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente

Secrétaires : M. Guy Benarroche, Mme Marie-Pierre Richer.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Protéger l'école de la République et les personnels qui y travaillent

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à protéger l'école de la République et les personnels qui y travaillent, présentée par M. Laurent Lafon et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP) Les assassinats de Samuel Paty le 16 octobre 2020 et de Dominique Bernard le 13 octobre 2023 ont choqué la France. Ils ont révélé les menaces et les pressions dont les personnels de l'éducation nationale sont victimes.

Mickaëlle Paty, soeur de Samuel Paty, a écrit un courrier à Gérard Larcher, trois ans après les faits. Aussitôt, Gérard Larcher a demandé à la commission des lois et à la commission de la culture de mener une mission conjointe de contrôle, pour faire le point, trois ans après les faits, alors que Dominique Bernard était encore en vie. Les travaux de cette mission, dotée des pouvoirs de commission d'enquête, ont souligné la violence endémique qui sévit dans de nombreux établissements : deux tiers des établissements secondaires ont déclaré un incident grave au cours de l'année scolaire 2021-2022 ; 58 500 enseignants déclarent avoir été menacés, 17 200 avoir été bousculés intentionnellement, 900 avoir été menacés avec une arme. Ces chiffres font froid dans le dos.

La violence contre les enseignants s'est banalisée, un sentiment de peur s'est installé progressivement dans de nombreux établissements. Le passage à l'acte - pour une note, pour une remarque, pour le contenu d'un cours - est désormais perçu comme une éventualité.

Or la mission première de l'école est de faire partager aux élèves les valeurs de la République, en plus de transmettre un savoir. Cependant, la contestation des enseignements et des principes de la République augmente dans tous les établissements. L'école de la République, creuset de la nation, est attaquée.

La mission conjointe de contrôle a formulé 38 recommandations pour restaurer l'autorité de l'institution scolaire, dont six d'entre elles sont de nature législative ; elles font l'objet de cette proposition de loi - madame la ministre, n'oubliez pas nos recommandations d'ordre réglementaire.

L'article 1er recentre le contenu de l'enseignement moral et civique (EMC) sur la formation aux valeurs et aux principes de la République, notamment à la laïcité, aux institutions et aux enjeux sociétaux, environnementaux et internationaux. Le Sénat a proposé à plusieurs reprises de clarifier cet enseignement jugé trop bavard.

La mission d'information a mis en lumière les zones d'ombre persistantes depuis la loi de 2004. L'article 2 y remédie.

L'article 3 responsabilise les parents des enfants qui perturbent la vie scolaire. Nous avons constaté que les faits ont souvent pour origine les parents d'élèves.

L'article 4 rend automatique l'octroi de la protection fonctionnelle pour les personnels de l'éducation nationale victimes de violences, d'outrages ou de menaces. Cette mesure fait débat au sein du Gouvernement. Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour inscrire dans la loi ce qui se fait déjà en pratique.

L'article 5 autorise l'administration à déposer plainte en lieu et place d'un agent de l'éducation nationale, traduisant dans la loi la proposition de Stanislas Guerini.

Je laisserai la rapporteure présenter l'article 6, qui a été adopté par la commission à son initiative.

Nous avons travaillé avec la commission des lois, notamment avec François-Noël Buffet, appelé entre-temps à d'autres fonctions.

Les enseignants sont dans la crainte et dans l'attente. Cette proposition met à disposition des outils qui sécuriseront davantage les établissements, pour que les enseignants puissent exercer leur métier sans s'interroger sur leur propre sécurité.

J'espère que cette proposition de loi nous rassemblera pour apporter une réponse utile et efficace. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Jacques Grosperrin.  - Très bien !

Mme Annick Billon, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Faut-il voir le verre à moitié vide ou à moitié plein ? Selon le ministère, en 2024, aucun incident grave envers les personnels n'a eu lieu dans un établissement secondaire sur deux. Renversons la perspective : un établissement sur deux en a connu un : cela représente 5 300 incidents graves en un an et 147 par semaine scolaire.

La violence se banalise. Le rapport de Laurent Lafon et François-Noël Buffet a mis des chiffres et des mots sur le malaise des professeurs, révélant la peur qu'ils ont à exercer leur métier. Je remercie Gérard Larcher de faire de l'éducation une priorité constante de nos travaux.

Deux consensus émergent de ce texte. Premièrement, les articles 4 et 5, qui renforcent la protection des enseignants, ont été salués, y compris par les syndicats. Deuxièmement, le pouvoir réglementaire détient les clefs de l'amélioration du système scolaire ; nous comptons sur vous, madame la ministre, pour mettre en oeuvre les 32 propositions du rapport qui sont d'ordre réglementaire.

L'article 1er réécrit l'article L. 312-15 du code de l'éducation, trop bavard.

L'article 2 précise le contenu de la loi de 2004, afin de lever toute ambiguïté sur le terrain.

L'article 3 responsabilise les élèves perturbateurs et leurs parents. Le pouvoir réglementaire doit mettre en place des sanctions analogues pour lutter contre le non-respect de l'assiduité scolaire.

L'article 4 soulève une question de fond : faut-il un statut de protection spécifique pour les enseignants ? Oui, disons-nous, car s'attaquer à l'école, c'est s'attaquer à la République. Prévoyons donc l'octroi immédiat et de plein droit de la protection fonctionnelle.

L'article 5 répond à la même logique ; il permet à l'administration de porter plainte à la place de l'agent.

L'article 6 et 6 bis donnent au chef d'établissement les moyens pour assurer la sécurité de son établissement. La création d'un portique coûte cher. Nous avons prévu, en commission, de sécuriser juridiquement l'inspection visuelle et d'autoriser la fouille des sacs par un professeur référent. Ces pratiques sont devenues monnaie courante dans notre société. On peut le déplorer, mais c'est la réalité. Il serait paradoxal qu'elles ne soient pas autorisées dans les collèges et les lycées.

L'article 7 étend la proposition de loi aux territoires d'outre-mer concernés.

Ce texte ne résoudra pas tous les maux de l'école, mais il constitue un nouveau pas pour restaurer l'autorité et la sécurité dans les établissements, et répondre au désarroi croissant des enseignants.

Les mesures réglementaires doivent suivre ; nous comptons sur vous, madame la ministre. Sans moyens financiers ni outils juridiques adaptés, ces dispositions ne pourront se concrétiser.

Le contexte est grave. J'ai une pensée pour les familles des enseignants sauvagement assassinés ces cinq dernières années. Protéger les enseignants, c'est protéger la République. (Applaudissements)

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - L'examen de cette proposition de loi intervient à un moment charnière pour notre école. Les assassinats de Samuel Paty et Dominique Bernard ont ébranlé notre pays, meurtri la communauté éducative. Ils incarnaient la République, transmettaient ses valeurs - liberté, égalité, fraternité - ainsi que la laïcité, principe au fondement de notre nation.

Les personnels de l'éducation nationale font face, chaque jour, à des remises en cause de leur autorité, à des menaces, des agressions. En 2022-2023, 16 % des directeurs d'école et 48 % des chefs d'établissement déclarent avoir été confrontés à un fait grave. Il s'agit dans 90 % des cas d'atteintes aux personnes, majoritairement des violences verbales. D'où 5 200 demandes de protection fonctionnelle, en augmentation de 30 % par rapport à 2021-2022.

Les atteintes à la laïcité révèlent les pressions qui s'exercent au quotidien à l'école et dans la classe. Depuis le début de l'année scolaire, les chefs d'établissement ont signalé plus de 500 contestations d'enseignements et refus d'activités scolaires, plus de 450 revendications communautaires et refus des valeurs républicaines, plus de 330 provocations verbales et plus de 250 suspicions de prosélytisme. Ces actes sont inacceptables. La protection de l'école et de son personnel est une priorité absolue du Gouvernement.

Grâce à une mobilisation forte, des progrès ont été réalisés. On a constaté une hausse préoccupante des faits en 2023-2024 : les 6 500 faits recensés représentaient un triplement par rapport à l'année précédente. La tendance est désormais à la baisse : au premier semestre de cette année scolaire, on compte 2 100 faits.

Le plan national de formation aux valeurs de la République et à la laïcité, lancé en 2021, a permis de former 700 000 personnels. Ce déploiement se poursuit, favorisant la réflexion collective et la cohérence des réponses au sein des équipes pédagogiques.

Le ministère s'est montré à la hauteur des enjeux, grâce à des dispositifs de signalement, de sanction et d'accompagnement. Tout incident fait l'objet d'une remontée via l'application Faits Établissement ; certains faits sont transmis au procureur de la République via l'article 40 du code de procédure pénale. Les victimes sont accompagnées dans leur démarche de dépôt de plainte. Des entretiens avec les parents et des mesures disciplinaires dans le second degré sont prévus.

Dans le cadre du budget 2025, 170 postes de conseiller principal d'éducation (CPE) et 600 postes d'assistants d'éducation ont été créés. Le 29 janvier dernier, des services de défense et de sécurité ont été instaurés par décret dans chaque académie, renforçant la collaboration quotidienne avec les préfectures, les procureurs et les forces de l'ordre. Plus de 500 écoles et établissements bénéficient d'un dispositif de sécurité renforcé.

L'école n'a pas attendu pour agir. Le Sénat a toujours été à nos côtés sur ce point. Cette proposition de loi, issue du rapport Lafon-Buffet, présente des avancées significatives.

Enfin, je vous confirme que je suis prête à envisager un nouveau train de mesures réglementaires.

Ma priorité est la formation des enseignants. Le Gouvernement soutient la réforme de l'enseignement d'EMC.

M. Max Brisson.  - Bien !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Les nouveaux programmes d'EMC suivent déjà cette orientation.

La proposition de loi renforce la responsabilisation des parents des enfants perturbateurs. Je travaille avec le garde des sceaux, la ministre chargée de la famille et les présidents des conseils départementaux afin d'impliquer les deux parents dans leur rôle éducatif.

En matière de protection fonctionnelle immédiate, la loi vient consacrer la pratique. Quant au pouvoir de substitution de l'institution pour porter plainte, il est de nature à rassurer les victimes.

La loi du 15 mars 2004 appelle non pas des dispositions complémentaires, mais une vigilance quotidienne sur leur pleine application.

L'école est un bien commun qu'il nous appartient, au-delà de nos idées politiques, de préserver et de défendre. L'école doit rester un espace protégé où les valeurs républicaines s'enseignent et se vivent au quotidien. Il y va de notre responsabilité envers nos professeurs, nos élèves, notre République. La protection de l'école ne saurait souffrir d'aucune faiblesse. Je sais que nous répondrons ensemble, en bonne intelligence, à cette exigence. (Applaudissements)

Mme Mireille Conte Jaubert .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) L'école de la République est le coeur battant de notre démocratie, le lieu où se transmettent le savoir, l'esprit critique et les valeurs au fondement de notre nation. Aujourd'hui, ce sanctuaire est menacé. Les assassinats de Samuel Paty et de Dominique Bernard ont révélé une réalité insoutenable : les enseignants et personnels éducatifs ne sont plus en sécurité. Ces actes de barbarie sont des attaques contre la République.

Nous ne pouvons plus tolérer ces actes de violence contre les enseignants. La peur s'installe, et avec elle le doute : peut-on encore enseigner librement ?

L'État ne peut rester spectateur ; il doit garantir à chaque enseignant et chaque élève un cadre d'apprentissage sécurisé.

L'école est un lieu d'apprentissage des savoirs fondamentaux et du vivre-ensemble dont les valeurs sont contestées.

Le RDSE salue cette proposition de loi, qui vise à forger une conscience citoyenne commune en recentrant l'EMC. L'enseignement des valeurs de notre République doit être consolidé.

Le texte précise le périmètre de l'interdiction du port de signes religieux. Une clarification était nécessaire.

Il responsabilise les parents des élèves qui posent problème. Le respect du cadre scolaire n'est pas une option. L'école doit être un lieu d'apprentissage, non le champ de bataille de l'indiscipline.

La protection fonctionnelle des enseignants est renforcée, les dépôts de plainte facilités.

Ce texte est un bouclier pour l'avenir, un message clair à ceux qui veulent imposer la peur.

Nous sommes à un tournant. Voulons-nous une école soumise aux pressions communautaires, où la peur et l'autocensure prennent le pas sur la liberté d'enseigner ? Ou voulons-nous une école forte, fière de ses valeurs, qui permette aux enfants de devenir des citoyens libres et éclairés ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC)

M. Jean Hingray .  - L'école de la République vacille. Samuel Paty et Dominique Bernard : deux noms, deux visages, deux drames qui ont brisé l'illusion de la sécurité. Deux martyrs de la liberté d'enseigner. Leur mort n'est pas un fait divers, mais une alerte, une déchirure dans notre pacte républicain.

Il faut réaffirmer haut et fort les principes et les valeurs qui fondent l'école de la nation. Ce n'est pas une proposition de loi de circonstance ; elle s'inscrit dans un travail de longue haleine de la mission de contrôle.

Des écoles primaires au secondaire, tous les territoires sont concernés : deux tiers des établissements secondaires ont déclaré un incident grave ; 58 500 enseignants ont déclaré avoir fait l'objet de menaces en 2021. Ces chiffres ne sont pas abstraits. Ce sont autant de visages, de femmes et d'hommes qui ont du mal à exercer leur métier. Il n'y a plus de sanctuaire : un mot mal interprété peut déclencher la tempête. Même l'école primaire est touchée désormais.

Certains parents attendent tout de l'école, quand d'autres la contestent pied à pied. Résultat : depuis 2012, les démissions d'enseignants augmentent. Elles ont bondi de 36 % en 2021-2022.

Ce n'est pas qu'une crise de recrutement, c'est aussi une crise de confiance - confiance dans la capacité de la République à protéger ceux qui la servent.

Plus grave encore : près de 56 % des enseignants du secondaire public ont déclaré s'être autocensurés sur les questions religieuses pour ne pas faire de vagues. Un enseignant sur deux en réseaux d'éducation prioritaire (REP) et un quart d'entre eux en milieu rural ont déjà été confrontés à une contestation des valeurs républicaines. Des enseignants, par crainte de réactions violentes, choisissent de ne plus enseigner des principes fondamentaux.

C'est le coeur du problème : l'école républicaine n'est plus le lieu où l'on débat librement de tout, mais un champ de mines.

Il était de notre responsabilité de proposer une réponse républicaine et législative pour protéger les enseignants. Je remercie Laurent Lafon de ce travail.

L'EMC est recentré, la loi de 2004 clarifiée. La laïcité s'appliquera partout où la République enseigne. Le texte responsabilise les parents, car l'autorité parentale ne s'arrête pas aux portes de l'école. La protection fonctionnelle et les dépôts de plainte sont facilités.

Ensuite, tout chef d'établissement doit être informé lorsqu'un élève est condamné pour terrorisme. Enfin, un amendement d'Annick Billon introduit un pouvoir de fouille du chef d'établissement ; la sécurité est la première condition de la liberté.

Parce que la République est une et indivisible, cette loi s'appliquera partout : en métropole, en outre-mer, à Wallis-et-Futuna, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française.

Protéger l'école, c'est protéger la République elle-même. Nous devons porter ce message avec force. Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Pierre Ouzoulias .  - Le 16 octobre 2020, Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie, était décapité. Le 13 octobre 2023, Dominique Bernard a été assassiné par un terroriste islamique, parce qu'il était professeur de lettres. Ces deux professeurs incarnaient la raison critique héritée des Lumières, la laïcité et la connaissance comme instrument d'émancipation des individus et des sociétés. Dans sa propagande officielle, l'État islamique avait encouragé le meurtre des enseignants. Ces terroristes voulaient atteindre l'école de la République et son projet universaliste.

Samuel Paty et Dominique Bernard sont deux martyrs de la laïcité ; il faut nous incliner de nouveau devant leur mémoire. Leur mort nous rappelle que le grand combat de la République pour la liberté et l'émancipation est plus actuel que jamais.

Il est regrettable que l'institution éducative n'ait pas recueilli les témoignages des enseignants qui souhaitaient témoigner de leur mal-être après ces assassinats.

Les enquêtes menées par des chercheurs, comme Ismaïl Ferhat, révèlent leur sentiment de solitude. Ils se sentent seuls face aux revendications et contestations des parents et des élèves. Madame la ministre, il est toujours temps d'ouvrir ces cahiers de doléances. La République doit réaffirmer son soutien envers les enseignants.

L'octroi automatique de la protection fonctionnelle est une nécessité. Pourtant, le taux d'octroi a diminué en 2023, alors que le nombre de demandes a fortement augmenté : un quart des demandes n'ont pas été satisfaites.

Défendre les enseignants de l'école de la République, c'est aussi leur donner les moyens d'exercer leur mission -  formation, remplacement des professeurs absents, mixité scolaire, fin des injonctions pédagogiques permanentes  - pour qu'il n'y ait plus de territoires perdus de la République, pour qu'il n'y ait plus de territoires abandonnés par la République. (Applaudissements)

Mme Monique de Marco .  - En octobre 2023, devant notre mission de contrôle, Mickaëlle Paty a déclaré, « si la mort de mon frère avait servi à quelque chose, Dominique Bernard serait encore là ».

Je remercie Laurent Lafon et Annick Billon de cette initiative. Nous avons aujourd'hui le recul nécessaire pour légiférer. Cela dit, certaines mesures de cette proposition portent atteinte à des droits fondamentaux, sans que leur efficacité soit démontrée.

L'article 6 autorise l'information des chefs d'établissements quand un élève est visé par une procédure judiciaire pour des faits de terrorisme. Cela porte atteinte à la présomption d'innocence et au secret de l'instruction. Faisons confiance à la justice pour prendre les mesures qui s'imposent, même si je comprends que certains veuillent donner au chef d'établissement des prérogatives comparables à celles des forces de l'ordre.

L'article 6 bis, qui donne compétence aux chefs d'établissements et aux CPE de fouiller les élèves en cas de menace, me semble inadapté. Le code de la sécurité intérieure permet déjà de telles fouilles dans un cadre judiciaire et sous le contrôle du procureur, en cas de menace terroriste. Les forces de l'ordre sont formées pour cela, contrairement aux chefs d'établissement. Si un chef d'établissement refusait d'y procéder, quelles seraient les conséquences judiciaires ? Rappelez-vous que trois personnes ont été blessées par l'assaillant de Dominique Bernard. Cette disposition expose les membres de la communauté éducative plus qu'elle ne les protège.

La proposition de Max Brisson, qui confère aux enseignants le statut de dépositaires de l'autorité publique, introduit une confusion entre les missions de police et d'enseignement.

Les propositions qui visent à affaiblir la protection fonctionnelle nous inquiètent. Je pense notamment à la proposition de retrait de ladite protection si l'agent a commis une faute. On l'a vu avec Samuel Paty : cela peut coûter la vie à un agent. Il faut accorder la protection au regard du danger encouru, puis sanctionner l'éventuelle faute dans un second temps.

Nous espérons que le débat lèvera nos inquiétudes sur ces points.

Mme Marie-Pierre Monier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je repense aux mots de Mickaëlle Paty : « Perdre l'école, ce n'est pas perdre une bataille ni offrir une prise de guerre à l'adversaire, c'est perdre la guerre. »

Nous ne pouvons pas baisser les bras. Nous le devons à la mémoire de Samuel Paty et Dominique Bernard et à tous nos personnels éducatifs. L'article 4, mesure phare du texte, répond pleinement à cette exigence, en accordant une protection de plein droit et sans délai. Mais je regrette le dépôt d'un amendement du Gouvernement qui retire les outrages du champ de la protection, alors même que les infractions contre le monde éducatif consistent essentiellement en des outrages, menaces, insultes et injures. (M. Pierre Ouzoulias le confirme.)

L'article 5, qui permet à l'administration de déposer plainte en lieu et place de l'agent, concrétise un engagement ministériel de septembre 2023. Je regrette cependant que le Gouvernement soit dans une logique moins-disante, en ne prévoyant qu'une simple faculté. N'alimentons pas le « pas le vague », qui n'a pas disparu. (MM. Max Brisson et Laurent Lafon marquent leur approbation.)

Nous partageons l'esprit de l'article 1er, qui recentre l'enseignement civique et moral, mais regrettons la disparition de certaines notions, que nous proposerons de réintroduire par amendement.

Le périmètre de la loi de 2004 -  à laquelle nous sommes attachés  - doit être précisé, pour supprimer les zones grises, ce qui sécurisera les décisions prises par les personnels éducatifs.

Nous voulons aménager la portée l'article 6 pour préserver la présomption d'innocence, en réservant l'information obligatoire aux seules condamnations.

Si l'article 6 ter semble opportun, il faut préciser que l'autorisation écrite de l'élève ou de ses parents est obligatoire.

Nous regrettons la rédaction floue de l'article 3 et craignons son détournement à des fins de répression et de stigmatisation ; d'où notre amendement qui vise d'abord à prévenir et accompagner.

Le groupe SER soutient l'objectif de ce texte - protéger les personnels -, mais certaines dispositions ainsi que les amendements du Gouvernement nous posent question. Notre vote dépendra de l'évolution du texte en séance. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Laure Darcos .  - Le 16 octobre 2020, Samuel Paty perdait la vie dans des circonstances atroces. Trois ans plus tard, Dominique Bernard était assassiné en protégeant ses élèves. Pourquoi l'école de la République et ceux qui la servent avec passion, nos « hussards noirs », subissent-ils menaces, violences et agressions ? C'est pour tenter de répondre à cette question que nos commissions de la culture et des lois ont créé une mission conjointe de contrôle dont les recommandations sont en partie reprises dans ce texte.

Tous les territoires et tous les niveaux d'éducation sont concernés. Les remarques faites à un élève peuvent - hélas - vite dégénérer. Le contenu des enseignements est souvent contesté et nombre d'enseignants s'autocensurent. Devrons-nous un jour cesser d'enseigner la sexualité, l'égalité entre les femmes et les hommes ou la laïcité ? Ne rien faire serait criminel. N'importe quel collaborateur du service public de l'éducation peut faire l'objet d'un déferlement de haine.

Nous saluons la cohérence du texte de Laurent Lafon et le travail d'Annick Billon.

L'enseignement de l'EMC est recentré sur l'essentiel.

L'interdiction du port de signes religieux distinctifs est étendue aux activités organisées en dehors du temps scolaire, car la religion relève de la sphère privée.

La responsabilisation des enfants est nécessaire, comme celle de leurs parents. Je suis très favorable aux travaux d'intérêt général (TIG) sur le lieu de vie scolaire.

Les membres de la communauté éducative doivent bénéficier d'un soutien sans faille, en dehors de toute faute qui pourrait leur être imputée personnellement.

En outre, la proposition de loi permet à l'administration de porter plainte au nom de l'enseignant, avec son accord, afin de l'exonérer de formalités pesantes.

Il est important que les services académiques et les chefs d'établissement soient informés d'une mise en examen ou d'une condamnation d'un élève pour terrorisme.

Le temps est à l'action. Le groupe Les Indépendants soutiendra ce texte, mais veillera à son application et à son évaluation. Je vous remercie de vous saisir des recommandations relevant du champ réglementaire, madame la ministre d'État. Ainsi, nous retrouverons des établissements apaisés. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Max Brisson .  - Jonathan Sandler, Samuel Paty, Dominique Bernard ; trois professeurs, trois assassinats, qui ont révélé les menaces et agressions dont les personnels de nos écoles sont victimes au quotidien. Ne les oublions jamais.

Cette proposition de loi honore le Sénat. Elle témoigne de notre capacité de réfléchir à froid. L'enjeu de la mission de contrôle était de proposer des solutions pour éviter de tels drames. Je salue le travail remarquable de Laurent Lafon et de François-Noël Buffet. L'audition de Mickaëlle Paty nous a tous émus. (M. Pierre Ouzoulias le confirme.)

Il fallait des mesures concrètes et opérationnelles : je remercie Laurent Lafon, auteur, et Annick Billon, rapporteure, qui nous proposent une réponse mature.

Il est crucial de rassurer et de protéger nos professeurs, car nous ne pouvons accepter que des milliers d'entre eux exercent sur le qui-vive. Il n'y aura pas d'attractivité du métier sans réponse durable à leur mal-être. Parmi les pays de l'Union européenne, la France est celui qui a le taux de violences à l'école le plus élevé ; parmi les pays de l'OCDE, seuls l'Argentine, le Mexique et le Brésil font pire.

Ce texte, qui vise à mieux armer l'institution pour protéger les professeurs, est un début de réponse. Il est nécessaire mais ne suffira pas, car l'essentiel de la réponse est d'ordre réglementaire. C'est pourquoi, madame la ministre d'État, nous vous remercions d'avoir dit votre volonté de vous saisir de nombreuses préconisations du rapport du Sénat, qui est une mine de propositions en matière de prévention, de sanction et de réparation.

Vigilance : ne diluons pas la protection des professeurs dans une protection générale des fonctionnaires. Le ministère de l'intérieur protège ses policiers et gendarmes ; il est temps que le ministère de l'éducation nationale fasse de même - nous en sommes encore loin. (M. Pierre Ouzoulias le confirme.)

Oui, nous devons étendre la neutralité religieuse à toutes les activités scolaires. Oui, nous devons renforcer la responsabilité des parents - même si je regrette que la jurisprudence n'autorise pas les contrats d'engagement. Oui, nous devons octroyer automatiquement la protection fonctionnelle aux personnels scolaires et je proposerai de renforcer les sanctions pénales pour les auteurs de violences. Oui, nous devons donner des droits nouveaux aux chefs d'établissement, car leurs prérogatives n'ont cessé d'être rabotées.

Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi, en espérant qu'elle soit la première étape vers une action plus ferme pour protéger nos professeurs et notre école. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

Mme Samantha Cazebonne .  - Ce texte répond à une problématique cruciale : la protection des enseignants et des personnels de l'école de la République. Elle fait suite aux travaux d'une mission de contrôle, lancée à la suite de l'assassinat de Samuel Paty. L'assassinat de Dominique Bernard n'a fait que confirmer l'importance de renforcer notre arsenal législatif.

Je rends hommage aux enseignants, directeurs, personnels administratifs, en France et dans le réseau d'enseignement français à l'étranger. Nous leur devons les conditions de travail les plus sereines possible.

Nous partageons le même idéal : faire de l'école un sanctuaire.

Je remercie Laurent Lafon et Annick Billon de leur travail. La mission de contrôle a fait le triste constat d'une violence endémique dans les établissements scolaires, qui a pris une ampleur telle qu'elle touche désormais l'école primaire.

Le recentrage de l'EMC est bienvenu. J'ai déposé un amendement afin de ne pas oublier les établissements du réseau d'enseignement français à l'étranger.

L'article 2 clarifie l'article du code de l'éducation relatif au port de signes religieux. Des zones grises persistaient concernant les activités en dehors du temps scolaire.

L'article 3 inscrit dans la loi le principe de l'accompagnement et de la responsabilisation des élèves perturbateurs et de leurs parents.

L'octroi automatique de la protection fonctionnelle et la possibilité pour l'administration de déposer plainte en lieu et place d'un agent vont dans le sens d'une plus grande protection des enseignants et du personnel de l'éducation nationale. Je défendrai un amendement permettant aux agents consulaires de déposer plainte pour les enseignants du réseau d'enseignement français à l'étranger lorsque le droit local le permet. Réfléchissons à la protection fonctionnelle de ces enseignants à l'étranger, car tous n'en bénéficient pas.

Le RDPI votera ce texte, qui va dans le bon sens. (M. Laurent Lafon applaudit.)

Mme Agnès Evren .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette semaine, à Nîmes, un jeune de 17 ans a poignardé un élève de 13 ans, devant un collège. Ce n'est pas un fait divers, mais un fait de société. Chaque semaine, l'école de la République est le théâtre de violences inouïes - à Paris, il y a deux mois, un jeune de 16 ans a été assassiné... Combien de temps allons-nous encore tolérer une telle décivilisation ? Comment l'école pourrait-elle rester un lieu de civilisation si elle vacille sous les coups de la violence, du communautarisme et de la déconstruction ? L'autorité de l'école a été affaiblie. Un indicateur aurait dû nous alerter : trois mille démissions d'enseignants en 2021, six fois plus qu'il y a quinze ans.

Le rapport de la mission de contrôle décrit une école où la promesse d'émancipation est menacée. Qu'est devenue la promesse de liberté quand la moitié des enseignants déclare s'être déjà autocensurée ? Plus de 37 000 enseignants ont été menacés en 2022. Chaque jour, entre deux et trois d'entre eux sont agressés avec une arme.

Qu'est devenue la promesse d'égalité quand les violences sont concentrées dans certains établissements difficiles ? Alors que 42 % des parents rapportent des faits de violences, ils sont 69 % en REP.

Qu'est devenue la promesse de fraternité lorsque 28 % des enseignants se voient refuser la protection fonctionnelle ? On pense à Samuel Paty. Pis, le refus est bien souvent implicite : c'est un abandon lâche et scandaleux.

Lorsque la loi ne protège plus, il faut changer la loi. Je remercie Laurent Lafon et Annick Billon pour cette proposition de loi salutaire et courageuse, premier jalon vers le rétablissement de l'ordre à l'école : face aux délinquants, elle responsabilise les élèves et leurs parents ; face au besoin de protection de la communauté éducative, elle rend automatique l'octroi de la protection fonctionnelle ; face aux communautarismes, elle clarifie l'interdiction des signes religieux ; face à la décivilisation, elle recentre l'EMC sur la connaissance des institutions et des valeurs républicaines.

Si nous laissons notre école s'effondrer, c'est notre société qui s'effondrera. Soyons courageux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions)

Discussion des articles

Article 1er

Mme la présidente.  - Amendement n°27 du Gouvernement.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - L'article 1er recentre le contenu de l'EMC. Nous ajoutons deux notions : former des citoyens libres et développer l'esprit critique. C'est plus que jamais nécessaire.

Mme la présidente.  - Amendement n°7 de Mme Monier et du groupe SER.

Mme Colombe Brossel.  - L'école est le lieu de l'émancipation individuelle et collective. La notion de liberté est importante : un citoyen libre, cela se construit.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Même si la commission souhaitait de la concision, ces ajouts ont été acceptés. Sagesse sur l'amendement n°27. Aussi, je propose que Mme Brossel retire son amendement ou le rende identique à celui du Gouvernement.

M. Max Brisson.  - Être citoyen, n'est-ce pas déjà être libre, responsable et doté d'esprit critique ? En précisant, on affaiblit. Le texte de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est concis, et c'est parce qu'il n'abuse pas de mots qu'il est passé à la postérité.

M. Stéphane Piednoir.  - J'ai les mêmes réserves que Max Brisson. On veut alléger le contenu de l'EMC, on l'alourdit.

Pourquoi donner un avis défavorable à l'amendement n°7 et un avis favorable à l'amendement n°27 qui a le même objet ? Cartésien de formation, je m'abstiendrai.

L'amendement n°27 est adopté.

L'amendement n°7 n'a plus d'objet.

Mme la présidente.  - Amendement n°22 rectifié de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Oui, certains cours d'EMC sont bavards. Mais à la suite de la proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur, il me semble fondamental d'éduquer les élèves à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme, le sexisme et toutes les autres formes de discrimination et de haine. Précisons-le dans la loi.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Nous préférons une écriture plus concise. Par ailleurs, le code de l'éducation prévoit, d'une manière générale, la formation aux médias, à l'information, à la lutte contre le racisme, ainsi que l'éducation à l'environnement et au développement durable. Avis défavorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Même avis.

M. Max Brisson.  - Le Café pédagogique, jamais avare de critiques, parle de retour à l'instruction civique. Pour ma part, j'en suis très heureux. À vouloir tout apprendre, on n'apprend plus rien. Le recentrage permettra d'enseigner les principes, valeurs et institutions de la République. C'est essentiel.

Mme Monique de Marco.  - Je suis d'accord avec M. Brisson.

M. Pierre Ouzoulias.  - Le rapport de Claude Nicolet de 1984, « Pour une restauration de l'éducation et de l'instruction civiques », est d'une actualité criante. Inspirons-nous-en pour donner une ligne de conduite aux enseignants. L'école de la République forme des républicains.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - La lutte contre le racisme figure déjà dans le code de l'éducation.

L'amendement n°22 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°6 de Mme Monier et du groupe SER.

Mme Colombe Brossel.  - Ce n'est pas à nous de rédiger les programmes - c'est le rôle du Conseil supérieur des programmes. Mais nous pouvons en fixer les grandes orientations.

Le monde change : notre école doit être celle du XXIe siècle et non une école fantasmée. Aussi, il faut sensibiliser les élèves aux dangers d'internet et à la manipulation de l'information.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis défavorable. Le code de l'éducation prévoit déjà la formation des élèves au numérique.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Retrait, sinon avis défavorable. Plusieurs articles du code de l'éducation évoquent la sensibilisation des élèves aux usages d'internet, l'éducation aux médias, ou encore la sensibilisation au harcèlement.

M. Max Brisson.  - Il revient au Parlement de fixer les grandes orientations relatives aux programmes. Madame la ministre d'État, saisirez-vous le Conseil supérieur des programmes afin qu'ils soient modifiés dans le sens de ce texte ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Oui, je souhaite ce recentrage. Le travail est engagé.

Mme Monique de Marco.  - C'est peut-être inscrit, mais ce n'est jamais enseigné. Il faudrait le faire dans le cadre de l'EMC.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

L'article 1er, modifié, est adopté.

Après l'article 1er

Mme la présidente.  - Amendement n°5 de M. Ouzoulias et alii.

M. Pierre Ouzoulias.  - Le 18 février, madame Eustache-Brinio, vous disiez : « Voile et abaya ne sont pas des vêtements culturels, mais des étendards politiques ; ils sont imposés par l'islam le plus rigoriste. Le port de l'abaya par de plus en plus de petites filles participe d'un effrayant apartheid sexuel. »

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - C'était bien dit !

M. Pierre Ouzoulias.  - Pourquoi alors acceptez-vous un apartheid sexuel dans les écoles privées sous contrat ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Qui vous dit que je ne voterai pas votre amendement ?

M. Pierre Ouzoulias.  - Monsieur Hingray dit : « la laïcité s'applique partout où la République enseigne ». Considérez-vous que la République n'enseigne pas dans les écoles privées sous contrat ?

Par cet amendement, je propose que la loi de 2004 soit étendue à tous les établissements, y compris privés sous contrat.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Bravo !

M. Pierre Ouzoulias.  - Pourquoi refuserions-nous à deux millions d'élèves la protection de la laïcité ? Eux aussi ont droit à l'émancipation. Dans le contexte actuel, il est important de rappeler la dignité due à tous. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du RDSE)

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Je salue la constance de notre collègue Ouzoulias, qui porte ses convictions avec force. (Sourires) Toutefois, sa proposition me paraît inconstitutionnelle.

M. Pierre Ouzoulias.  - Ah ?

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Il existe depuis vingt ans un modus vivendi sur le périmètre d'application de la loi de 2004. Ne rouvrons pas la guerre entre école privée et école publique ! Avis défavorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Monsieur le sénateur, je vous renvoie aux travaux de la commission Stasi. Le contrat d'association signé par les établissements privés sous contrat emporte l'obligation d'enseigner les principes et les valeurs de la République. En revanche, la sauvegarde du caractère propre de l'établissement privé, qui est un principe constitutionnel, implique que les convictions religieuses s'y expriment plus librement que dans le public. C'est pourquoi la loi de 2004 ne s'y applique pas. Il est sage d'en rester là.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Nous soutenons pleinement l'extension de l'application de la loi de 2004 aux établissements privés sous contrat.

On reproche, à tort, à la gauche d'avoir abandonné la laïcité...

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Pas à tort !

Mme Marie-Pierre Monier.  - ... quand elle refuse de la voir dévoyée. Au contraire, nous y sommes viscéralement attachés, et considérons qu'elle ne doit pas s'arrêter aux portes des établissements privés sous contrat - financés à 73 % par l'argent public.

La loi de 2004 est un facteur d'apaisement dans les établissements publics, sanctuaires laïcs où les esprits se forment à l'abri du prosélytisme. Il est d'autant plus judicieux d'étendre son périmètre au regard des atteintes à la laïcité dans l'enseignement privé sous contrat, récemment mises en lumière. Envoyons un signal fort en faveur d'une laïcité ambitieuse.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Je voterai votre amendement, monsieur Ouzoulias. J'ai moi-même travaillé dans un établissement privé sous contrat, qui accueillait des élèves en grande difficulté : des questions se posent désormais qui ne se posaient pas il y a dix ans. Nous devons protéger les enfants de certaines dérives communautaires. Je suis tout à fait en phase avec Pierre Ouzoulias sur ce sujet.

M. Pierre Ouzoulias.  - Merci, chère collègue.

Selon la Constitution, la France est une République laïque. Dès lors, la laïcité doit s'appliquer partout. Il faut définir le caractère propre (Mme Colombe Brossel applaudit) ; la Constitution garantit la liberté d'enseignement, ce n'est pas la même chose.

Dans les Hauts-de-Seine, des filles voilées désertent le collège public pour fréquenter le collège privé, en face. Comment accepter que la laïcité soit plus permissive d'un côté de la rue que de l'autre ? C'est incohérent. La cohérence laïque est ici, à gauche ! (Mme Jacqueline Eustache-Brinio proteste avec le sourire.)

M. Max Brisson.  - M. Ouzoulias est toujours cohérent - dans ses attaques systématiques contre l'enseignement privé catholique ! (Murmures à gauche) Cette constance l'honore.

M. Pierre Ouzoulias.  - Merci !

M. Max Brisson.  - Il saisit chaque occasion pour remettre en cause le subtil équilibre de la loi Debré et des principes constitutionnels.

La gauche s'en prend systématiquement, et uniquement, à l'enseignement privé catholique. (Protestations à gauche) Ne donnons pas d'eau au moulin de ceux qui, comme le député Vannier, ont pour obsession de mettre à bas l'enseignement privé sous contrat.

M. Bernard Fialaire.  - Je ne veux pas rallumer la guerre scolaire. Dans mon département, établissements privés et publics mutualisent la cantine, organisent des rencontres sportives, des sorties communes. Tolérer le port de signes religieux pour certains enfants et non pour d'autres, c'est schizophrénique !

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

M. Bernard Fialaire.  - Je voterai cet amendement, qui redonne de la cohérence.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture.  - L'amendement de Pierre Ouzoulias témoigne de sa ténacité et de son habileté, mais nous éloigne de l'objet de notre texte. Nous ne sommes pas obligés de nous engouffrer dans la brèche ! (Sourires)

Ce texte adresse un message clair et fort aux enseignants et au personnel éducatif sur la sécurité au sein des établissements : restons-en là, ne le dénaturons pas, concentrons-nous sur son objet.

M. Stéphane Piednoir.  - La cohérence, à gauche ? Pas tous les jours ! Cela dépend des gauches. (Murmures à gauche) Au Sénat, on a la chance d'avoir des représentants plutôt raisonnables ; ce n'est pas le cas dans une autre assemblée, qui agite de nouveau la guerre scolaire.

Bernard Fialaire a appelé à respecter la neutralité vestimentaire lors des sorties scolaires. Tiens, tiens... Nous sommes le seul groupe à réclamer la même neutralité vestimentaire dans et hors les murs de l'établissement - sans recevoir beaucoup d'écho de la gauche.

Enfin, je m'étonne que cet amendement ne soit pas considéré comme un cavalier législatif : on est très loin du texte initial.

Je connais la malice de Pierre Ouzoulias et son attachement à la laïcité, mais je crains qu'il n'y ait autre chose derrière son amendement ; que le coup d'après soit de nier le caractère propre des établissements privés, qui proposent par exemple de l'enseignement religieux, toujours sur la base du volontariat et d'un document signé en début d'année.

Mme Colombe Brossel.  - Je ne sais si je fais partie des élus « raisonnables », mais ma mère serait heureuse de l'entendre ; je lui enverrai le compte rendu ! (Sourires)

Merci à M. Ouzoulias de provoquer ce débat. Il faudra bien l'avoir, sereinement ; il faudra bien définir ce qu'est le caractère propre...

M. Max Brisson.  - Les masques tombent !

Mme Colombe Brossel.  - Les enfants et adolescents, esprits en formation, citoyens en devenir, doivent bénéficier de la même protection, quel que soit le cadre qui les accueille - le dire ne menace en rien l'enseignement privé sous contrat. Je ne rallume pas la guerre scolaire - je n'avais pas l'âge de défiler en 1984, je ne porte aucun combat, mais je tiens à la rationalité politique.

Mme Laure Darcos.  - Dans les écoles privées, il y a un contrat tripartite, signé par l'établissement, les parents et les élèves, qui est gage de clarté, de respect et de confiance. Je regrette que ce ne soit pas le cas dans le public. Il faudrait pouvoir souligner la place de la laïcité et la nature des enseignements. Malheureusement, c'est une vraie différence entre les deux systèmes scolaires.

Nous voterons contre cet amendement.

Mme Monique de Marco.  - Le débat s'égare. Je crois être raisonnable, jusqu'à preuve du contraire. Nous ne sommes pas du tout contre l'enseignement privé, de ce côté de l'hémicycle.

Madame Darcos, quand j'étais enseignante, le règlement intérieur était présenté aux parents et aux élèves en début d'année, et signé par eux et par le chef d'établissement. Je ne pense pas que cela ait changé. Je voterai cet amendement.

M. Laurent Somon.  - La proposition de loi porte sur la protection fonctionnelle. Certains amendements ravivent des débats certes de fond, mais qui n'ont pas leur place ici. C'est pourquoi nous n'avons pas déposé d'amendement sur les signes religieux pour les accompagnateurs de sorties scolaires, par exemple. Je vous invite à retirer l'amendement, sans quoi, nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Annick Billon applaudit également.)

L'amendement n°5 est mis aux voix par scrutin public à la demande du groupe CRCE-K.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°212 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 338
Pour l'adoption 115
Contre 223

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°14 rectifié de Mme Cazebonne et du RDPI.

Mme Samantha Cazebonne.  - C'est un amendement de soutien au personnel des établissements français à l'étranger. Je souhaite que l'homologation d'un établissement français à l'étranger rappelle que chacun doit respecter les principes et les valeurs de la République, qu'on se trouve à Moscou, en Hongrie, au Honduras ou au Venezuela.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - En commission, vous aviez présenté un amendement différent. Cette version rectifiée fait référence aux valeurs de la République. À titre personnel, avis favorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Votre amendement est satisfait : le programme d'EMC est bien enseigné dans nos établissements à l'étranger. Retrait ?

Mme Samantha Cazebonne.  - Merci à Mme la rapporteure de son soutien, merci à Mme la ministre de rappeler que l'amendement est satisfait. Je voulais signifier que nous sommes aux côtés de ces personnels, dans des pays où l'on conteste parfois nos valeurs.

L'amendement n°14 rectifié est retiré.

Article 2

Mme la présidente.  - Amendement n°21 rectifié de Mme Aeschlimann et alii.

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Cet amendement applique le principe de laïcité aux élèves en stage et en apprentissage. On ne comprendrait pas pourquoi l'élève serait libéré, pendant cette période, des règles qui s'appliquent à l'école. L'apprentissage, je le rappelle, est une période de formation initiale sous statut scolaire, l'élève n'est pas un salarié. Nous devons donner à nos élèves des règles simples et claires, applicables en raison de leur statut et non du lieu où ils se trouvent.

L'amendement de la commission s'applique aux activités en lien avec les enseignements ; celui-ci le complète.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Nous ne souhaitons pas revenir sur le périmètre de la loi de 2004.

Le but des stages et des périodes d'apprentissage est d'immerger le jeune dans le monde du travail. Le règlement intérieur de l'entreprise s'applique à lui pendant cette période - a fortiori pour les apprentis, qui ont un contrat de travail.

Je m'interroge : qui serait chargé de faire respecter l'application de cette mesure ? L'entreprise, le maître de stage, l'établissement scolaire ?

Avis défavorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Même avis.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Je voterai cet amendement, que j'ai cosigné. N'en déplaise à certains, c'est plutôt à droite que l'on défend la laïcité, depuis quelques années...

M. Pierre Ouzoulias.  - Pas complètement tout de même.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Un élève, en stage, est sous la responsabilité de l'établissement scolaire : son statut reste celui d'un élève en formation. Le contrôle est assuré par les enseignants, lors des visites de stage. Il n'y a donc aucune difficulté à faire appliquer des principes et des règles. On ne peut défendre la laïcité sans l'écrire.

L'amendement n°21 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié quater de Mme Maryse Carrère et alii.

Mme Maryse Carrère.  - La formulation de l'article 2 pourrait laisser penser qu'on étend l'interdiction du port de signes religieux aux activités périscolaires, qui ne relèvent pas de l'Éducation nationale mais des collectivités ou d'associations partenaires. La loi de 2004 est équilibrée, ne la fragilisons pas en introduisant une ambiguïté.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - La commission ne souhaite pas modifier le périmètre de la loi de 2004. C'est un texte sur l'école, et non sur les activités périscolaires organisées par les collectivités territoriales. Avis défavorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°4 rectifié quater n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Article 3

Mme la présidente.  - Amendement n°10 rectifié de Mme Monier et du groupe SER.

Mme Colombe Brossel.  - Cet amendement, rectifié après échange avec la rapporteure Billon et le président Lafon, encadre davantage les modalités d'accompagnement et de responsabilisation des élèves et de leurs familles en cas de non-respect de leurs obligations, des personnels et de l'institution. Il est très précis, pour écarter tout risque de censure pour incompétence négative du législateur.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°38 de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Ce sous-amendement prévoit une médiation incluant l'équipe pédagogique, l'élève concerné et ses responsables légaux, afin d'offrir à l'équipe éducative un soutien extérieur à l'établissement dans des cas particulièrement conflictuels et apaiser le dialogue.

Mme la présidente.  - Amendement n°11 rectifié de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - En audition, l'Autonome de solidarité laïque a suggéré d'instaurer des médiations au sein des établissements afin d'éviter les crises et conflits ; d'où cet amendement.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Responsabilisation, accompagnement, sanction : avis favorable à l'amendement n°10 tel que rectifié.

En revanche, avis défavorable au sous-amendement n°38. La médiation est un processus de négociation qui implique la responsabilité de chacune des parties. Une médiation en cas de violence affaiblirait l'institution scolaire. Rien ne justifie les menaces, les violences ou les outrages contre les personnels. Avis défavorable également à l'amendement n°11 rectifié.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Défavorable à la médiation en cas de violence.

S'agissant de l'amendement n° 10 rectifié, je m'interroge sur l'intérêt d'inscrire dans la loi des dispositions d'ordre réglementaire. Réfléchissons plutôt à la façon dont les chefs d'établissement peuvent travailler avec les procureurs et les préfets pour amener les familles à exercer leur responsabilité parentale face à des élèves perturbateurs. Avis défavorable.

Le sous-amendement n°38 n'est pas adopté.

L'amendement n°10 rectifié est adopté et l'article 3 est ainsi rédigé.Les amendements nos11 rectifié et 20 rectifié n'ont plus d'objet.

Après l'article 3

Mme la présidente.  - Amendement n°12 rectifié de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Nous interdisons la transmission par l'administration des coordonnées personnelles des agents de l'éducation nationale.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis favorable : il faut préserver la séparation entre vie professionnelle et vie privée.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - La protection de la vie privée des enseignants est un enjeu important, mais l'amendement est d'ores et déjà satisfait. Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°12 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Je précise que si l'amendement n°20 rectifié est tombé sans avoir été présenté, c'est que l'amendement n°10 rectifié, qui a été adopté, réécrivait globalement l'article 3. C'est conforme à l'article 46 bis alinéa 2 du règlement.

M. Laurent Somon.  - Rappel au règlement. J'ai bien lu l'article 46 bis alinéa 2, mais nous demandons une brève suspension de séance pour bien comprendre.

La séance est suspendue quelques instants.

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié sexies de M. Brisson et alii.

M. Max Brisson.  - Nous avons manqué d'information pour voter en pleine connaissance de cause : il n'avait pas été précisé qu'il s'agissait d'une rédaction globale.

Cet amendement signé par 67 collègues durcit les sanctions encourues par les personnes qui profèrent des violences verbales ou physiques contre les enseignants. Actuellement, les peines ne sont pas assez dissuasives ; il faut instaurer un régime juridique analogue à celui qui protège les forces de l'ordre et les magistrats.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis favorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - À titre personnel, j'y suis favorable. Mais dans le cadre interministériel, on ne comprendrait pas pourquoi seuls les enseignants seraient concernés. Sagesse.

L'amendement n°2 rectifié sexies est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié sexies de M. Brisson et alii.

M. Max Brisson.  - Même chose, mais pour les chefs d'établissement. Reconnaissons leur mission essentielle.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis favorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - On parle des chefs d'établissements et non des directeurs d'école ou des CPE ; cet amendement mériterait d'être retravaillé. Sagesse.

L'amendement n°1 rectifié sexies est adopté et devient un article additionnel.

Article 4

Mme la présidente.  - Amendement n°28 du Gouvernement.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Nous intégrons ces dispositions dans la bonne partie du code de l'éducation.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis favorable.

L'amendement n°28 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°29 du Gouvernement.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Il s'agit de clarifier le champ d'application de l'article 4 en ciblant les personnels de l'éducation exerçant au contact direct des élèves.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis défavorable : vous excluez non seulement les personnels d'enseignement supérieur, ce qui pourrait se comprendre, mais aussi les agents des services centraux ou déconcentrés.

L'amendement n°29 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°30 du Gouvernement.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Il s'agit de circonscrire l'octroi automatique de la protection fonctionnelle aux atteintes qui nécessitent une mise en place de plein droit et sans délai, c'est-à-dire les menaces et les violences. Le cas des outrages est plus compliqué, il faut parfois se pencher sur les faits.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis défavorable, cela affaiblit la portée du texte.

L'amendement n°30 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°13 rectifié de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Actuellement, la procédure de demande de protection fonctionnelle est identique pour toutes les administrations. Nous proposons qu'elle soit adressée par le chef d'établissement, pour sortir la personne concernée de sa solitude. Il faut aussi prévoir un recours d'urgence pour les agents qui n'ont pas obtenu de réponse : ils pourraient saisir le juge administratif au bout de 48 heures sans avoir à prouver l'urgence.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis défavorable, cela fait peser sur le chef d'établissement une lourde responsabilité.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°13 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°31 du Gouvernement.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Amendement de clarification : les dispositions du code des relations entre le public et l'administration s'appliquent sans qu'il soit nécessaire d'y renvoyer.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis favorable.

L'amendement n°31 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°25 de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Le chef d'établissement doit effectuer un signalement sur la plateforme Pharos lorsqu'un agent est l'objet de menaces, de haine ou de harcèlement en ligne.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Défavorable. L'obligation existe déjà, et cela pourrait laisser penser, a contrario, qu'il s'agit de la seule mesure de protection dont bénéficient les agents.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis défavorable.

L'amendement n°25 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°19 rectifié de Mme Cazebonne et du RDPI.

Mme Samantha Cazebonne.  - Amendement d'appel. Les personnels de l'enseignement français à l'étranger ne bénéficient pas de la même protection fonctionnelle, alors qu'ils peuvent rencontrer les mêmes difficultés. Les établissements homologués doivent s'emparer de cette question.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis défavorable, pour des raisons de forme : le Gouvernement n'a pas besoin d'un décret pour autoriser le ministère des affaires étrangères à prendre des mesures.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Je m'engage à organiser la réunion que vous souhaitez, madame Cazebonne.

L'amendement n°19 rectifié est retiré.

L'article 4, modifié, est adopté.

Article 5

Mme la présidente.  - Amendement n°32 du Gouvernement.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Je suis très favorable à ce que l'administration dépose plainte à la place des agents, mais il est important de cerner les motifs concernés. Cet amendement cible les infractions qui donnent lieu à cet accompagnement.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis défavorable, même si nous pourrons y revenir dans le cadre de la navette.

L'amendement n°32 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°33 du Gouvernement.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Mise en cohérence avec un amendement du Gouvernement à l'article 4.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis toujours défavorable. Il n'y a pas lieu de créer deux statuts différents.

L'amendement n°33 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°34 du Gouvernement.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Laissons l'administration apprécier l'opportunité de déposer plainte au nom de son agent. Parfois, ce n'est pas approprié. Préférons la faculté à l'obligation.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis défavorable : cela affaiblit le texte.

L'amendement n°34 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°18 rectifié de Mme Cazebonne et du RDPI.

Mme Samantha Cazebonne.  - Le représentant consulaire français pourrait déposer plainte lorsque le droit local l'autorise.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - La commission avait émis un avis défavorable, mais puisqu'il a été précisé « lorsque le droit local le permet », avis favorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Cet élément est à intégrer dans la réflexion globale que nous devons mener. Retrait ?

L'amendement n°18 rectifié est retiré.

L'article 5 est adopté.

Article 6

Mme la présidente.  - Amendement n°8 de Mme Monier et du groupe SER.

Mme Colombe Brossel.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°23 de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Défendu.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis défavorable : les services académiques et les chefs d'établissements sont déjà informés pour les crimes à caractère sexuel.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Même avis.

Les amendements identiques nos8 et 23 ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°36 du Gouvernement.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - L'amendement identifie précisément les crimes et les infractions terroristes dans le code pénal.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis favorable à cet amendement rédactionnel.

L'amendement n°36 est adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

Article 6 bis

Mme la présidente.  - Amendement n°24 de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - L'article 6 bis a été ajouté par la commission sans faire l'objet d'audition. La fouille des sacs est une prérogative des forces de l'ordre : ne brouillons pas les frontières. Les syndicats m'ont alertée sur cet article.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Il s'agit d'une possibilité accordée aux chefs d'établissements, non d'une obligation. Il n'est pas question qu'ils s'improvisent officiers de police judiciaire. Avis défavorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Il faut assurer la sécurité et éviter l'introduction d'armes blanches dans les établissements. Les inspections visuelles des sacs sont déjà possibles. Je souhaite que les fouilles restent réalisées par les forces de l'ordre, sous le contrôle de l'autorité judiciaire. Sagesse.

L'amendement n°24 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°9 de Mme Monier et du groupe SER.

Mme Colombe Brossel.  - Défendu.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis défavorable : rendre obligatoire la fouille imposerait une lourde responsabilité aux chefs d'établissements.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Sagesse.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

L'article 6 bis est adopté.

L'article 6 ter est adopté.

Article 7

Mme la présidente.  - Amendement n°37 du Gouvernement.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Levée de gage.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis favorable.

L'amendement n°37 est adopté et l'article 7 est supprimé.

Vote sur l'ensemble

Mme Colombe Brossel .  - Nous voterons cette proposition de loi, dont l'objet central est d'accroître la protection que la République doit aux enseignants et à ceux qui font vivre la communauté scolaire. Nous le devons à Samuel Paty, à Dominique Bernard, à l'ensemble des enseignants qui construisent du commun au quotidien.

Est-ce la proposition de loi que les socialistes auraient écrite ? Je ne le crois pas, mais c'est la beauté du débat démocratique.

Je remercie Laurent Lafon et Annick Billon pour leur esprit constructif. Montrons aux enseignants que nous nous rassemblons pour les protéger : c'est ainsi que nous contribuerons à la consolidation de la République.

Mme Monique de Marco .  - Nous penchions pour l'abstention, constatant qu'aucun de nos amendements ou presque n'a été adopté. (M. Laurent Lafon et Mme Annick Billon le contestent.) Mais pour ne pas rompre l'unanimité, le GEST votera le texte. (On s'en réjouit sur plusieurs travées.)

À la demande du groupe UC, la proposition de loi, modifiée, est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°213 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 341
Contre    0

La proposition de loi est adoptée.

Mme la présidente.  - À l'unanimité ! (Applaudissements)

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Je remercie le Sénat pour ce vote ; c'est un message fort adressé aux personnels de l'éducation nationale et aux enseignants. Nous sommes à leurs côtés pour les protéger contre les violences. (Applaudissements)

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Je remercie tous les groupes. Nous partageons la volonté de travailler à la sécurité des enseignants. La protection fonctionnelle et le dépôt de plainte seront facilités.

Dans notre vie quotidienne, nous sommes tous soumis à des fouilles. Il me semble pertinent qu'elles soient possibles dans les établissements si l'élève l'accepte, et que, sinon, elles soient effectuées par les forces de l'ordre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Lafon, président de la commission.  - Je remercie Annick Billon et l'ensemble de l'hémicycle pour ce vote unanime ; c'est la conclusion d'un travail en commun avec la commission des lois et François-Noël Buffet. Merci, madame la ministre, pour votre soutien. Je comprends qu'il y a des discussions interministérielles, mais il me semble nécessaire de reconnaître des spécificités au sein de la fonction publique, notamment concernant la sécurité des enseignants. (Applaudissements)

La séance est suspendue à 13 h 15.

Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président

La séance reprend à 14 h 45.

Accord en CMP

M. le président.  - La commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Modifications de l'ordre du jour

M. le président.  - Par lettre en date du 3 mars, M. Claude Malhuret, président du groupe Les Indépendants - République et Territoires, a demandé le remplacement, à l'ordre du jour de l'espace réservé à son groupe du jeudi 20 mars, de la proposition de loi encadrant l'activité des plateformes de revente agissant en qualité de tiers de confiance par un débat, sous forme de discussion générale, sur le thème : « Revente de billets pour les manifestations sportives et culturelles : quelles actions pour protéger les consommateurs et lutter contre les fraudes et la spéculation ? »

Acte est donné de cette demande.

Par ailleurs, nous pourrions inscrire par priorité, à la demande du Gouvernement, en premier point de l'ordre du jour du lundi 17 mars la lecture, sous réserve de leur dépôt, des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports. Nous pourrions en conséquence débuter la séance à 16 heures.

Il en est ainsi décidé.

Par ailleurs, à la demande du Premier président de la Cour des comptes, nous pourrions débuter la séance du jeudi 27 mars, consacrée au débat à la suite du dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes, à 11 heures.

Il en est ainsi décidé.

Risque lié aux batteries au lithium et cartouches de protoxyde d'azote (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre le risque incendie lié aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d'azote dans les installations de collecte, de tri et de recyclage, présentée par MM. Jean-François Longeot et Cyril Pellevat et plusieurs de leurs collègues, à la demande du groupe UC.

Discussion générale

M. Jean-François Longeot, auteur de la proposition de loi .  - Pas moins de 13 % des 18-24 ans ont déjà expérimenté le protoxyde d'azote pour son usage récréatif. Or cette drogue, facile d'accès, a des effets dévastateurs sur leur santé. La loi du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d'azote, issue d'une proposition de Valérie Létard, a marqué une première avancée, en interdisant la vente aux mineurs.

Reste à traiter la pollution silencieuse liée à ce phénomène : les élus locaux sont démunis face aux nombreuses bonbonnes abandonnées dans l'espace public. Ces déchets s'amoncellent, sans solution de traitement.

Pis : les bonbonnes sont de véritables bombes à retardement dans les usines d'incinération. L'explosion d'une seule cartouche peut entraîner jusqu'à 150 000 euros de dégâts, sans parler des dangers pour les agents qui travaillent dans les installations. La production d'énergie des réseaux de chaleur est également perturbée.

Cette situation est intenable. Notre proposition de loi vise à y remédier : elle s'inscrit dans le prolongement de la loi Agec de 2020 et repose sur le principe pollueur-payeur. Les producteurs doivent assumer leurs responsabilités et prendre en charge les coûts liés à la collecte et au traitement de ces produits.

Je forme le voeu que le Sénat adopte ce texte, qui prévoit des solutions concrètes, à l'unanimité, comme l'a fait la commission, puis que la navette aboutisse au bénéfice de l'environnement et de nos concitoyens. (Applaudissements sur de nombreuses travées)

M. Cyril Pellevat, auteur de la proposition de loi .  - M. Longeot et moi-même avons mis en commun nos travaux pour présenter conjointement ce texte. Pour ma part, je me suis penché sur les risques d'incendie liés aux batteries au lithium, extrêmement inflammables, notamment en cas de choc ou au contact de l'eau.

Les piles ou batteries au lithium sont présentes dans de nombreux objets du quotidien - jouets, brosses à dents, cartes de voeux électroniques - et ne peuvent souvent pas être retirées, faute d'écoconception. Résultat : elles provoquent dans les centres de tri des incendies aux conséquences désastreuses. Le Bureau d'analyse des risques et pollutions industriels a recensé autant d'accidents entre 2016 et 2019 qu'au cours des quinze années précédentes. La moitié des vingt-quatre incendies survenus en 2023 dans les centres de tri étaient liée à ces batteries - et les simples départs de feu ont été beaucoup plus nombreux.

Face à ce phénomène, les centres de tri sont en difficulté : la sécurité de leurs employés est en jeu et leur viabilité économique est fragilisée, compte tenu des coûts des réparations, des investissements nécessaires dans la prévention et des difficultés croissantes à s'assurer. Les collectivités territoriales peinent à trouver des solutions quand les centres doivent fermer pour travaux.

Il est urgent d'agir. Avec notre proposition de loi, les metteurs sur le marché et les éco-organismes devront mieux informer les consommateurs sur le tri différencié.

La création d'un fonds d'indemnisation, prévue à l'article 2, semblait poser des difficultés : la commission a choisi de se concentrer sur la prévention et a supprimé cette mesure. J'accepte cette solution, mais la prévention ne suffit pas toujours : une évaluation devra être menée et, le cas échéant, la question de l'indemnisation devra être reconsidérée.

Les financements dégagés ne serviront pas seulement à payer des panneaux. Il s'agit de financer aussi des équipements de prévention des incendies. La répartition des charges entre éco-organismes et centres de tri doit être précisée : j'ai déposé un amendement en ce sens.

Je remercie M. Longeot et la rapporteure Antoine pour notre travail collectif. Adoptons ce texte d'une importance capitale pour les entreprises de recyclage et nos territoires. (Applaudissements sur de nombreuses travées)

Mme Jocelyne Antoine, rapporteure de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.   - En 2023, 20 % des accidents et incidents technologiques recensés concernaient la filière déchets, soit plus de 250 événements. La tendance est à la hausse, en raison de l'émergence de nouveaux produits, générateurs de déchets dangereux.

Ce phénomène interroge les responsabilités des acteurs du cycle de vie de ces produits : producteurs, consommateurs, opérateurs de collecte et de recyclage, collectivités territoriales.

Les batteries au lithium sont à l'origine de la moitié des départs de feu constatés dans les centres de tri. Leur usage se développe, notamment dans les piles bouton, de petite taille. Hautement inflammables au contact de l'oxygène ou de l'eau, ces piles constituent un risque pour la santé des agents et l'équilibre économique des centres.

Entre 15 et 20 % des batteries au lithium échappent au tri collectif. Du fait des incendies qu'elles provoquent dans les installations de traitement, les gestionnaires sont confrontés à une explosion de leurs primes d'assurance.

L'article 1er prévoit des campagnes de sensibilisation interfilières. L'article 2, qui instaurait un fonds d'indemnisation, paraissait non conforme au droit européen : nous avons opté pour une solution plus opérationnelle et équitable, consistant à faire financer par les producteurs les actions de prévention. Ce faisant, nous adoptons une approche préventive plutôt que curative. En outre, selon la direction générale de la prévention des risques, dans 60 % des cas, l'implication des batteries au lithium dans les incendies n'est que supposée, ce qui rendrait l'indemnisation juridiquement incertaine.

Le second problème traité par ce texte est l'explosion des cartouches de protoxyde d'azote dans les incinérateurs.

Une fois consommées, les bouteilles ou cartouches sont souvent abandonnés dans les corbeilles de rue ou sur la voie publique. Or il s'agit de déchets dangereux. La chaleur extrême des incinérateurs entraîne une dilatation du gaz encore présent dans les bouteilles, puis une explosion. Des perturbations en résultent sur les réseaux de chaleur. Les préjudices pour les collectivités territoriales représentent entre 15 et 20 millions d'euros par an.

L'article 3 intègre le traitement de ces déchets à la filière à responsabilité élargie du producteur (REP) des déchets diffus spécifiques (DDS). Les producteurs devront ainsi verser des écocontributions destinées à assurer le traitement de ces déchets et à mener des campagnes de sensibilisation sur les règles de tri. La commission a exclu de ce dispositif les bouteilles rechargeables, à usage souvent professionnel et pour lesquelles il existe un système de collecte.

Mais ces mesures ne résoudront pas tout. Une évolution est nécessaire des règles européennes de conception des contenants - avec notamment des soupapes de sécurité - pour réduire à la source les risques d'explosion.

Les cartouches de protoxyde d'azote entraînent des surcoûts pour les collectivités territoriales du fait également de leur abandon dans l'espace public. En vertu du principe pollueur-payeur, l'article 4 prévoit la prise en charge des frais de ramassage par les producteurs ou leurs éco-organismes.

Enfin, la commission a modifié l'intitulé du texte afin de viser le risque d'incendie en général et d'élargir le champ des installations concernées aux centres de stockage ou de transfert.

Je salue MM. Longeot et Pellevat, dont je me suis efforcée d'enrichir le texte sans trahir les volontés. La commission a adopté la proposition de loi à l'unanimité, ce qui témoigne d'une prise de conscience collective de l'urgence à agir. (Applaudissements sur de nombreuses travées)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche .  - Ce débat, d'apparence technique, porte sur un sujet important : la hausse du nombre d'accidents dans les installations de traitement des déchets. Entre 2017 et 2019, ces accidents ont été aussi nombreux qu'au cours des quinze années précédentes. C'est préoccupant pour les riverains, les élus et les assureurs, mais surtout pour les centres et leurs salariés, qui sont en première ligne.

Les fortes chaleurs sont aussi en cause. Mais la majeure partie de cette hausse est liée aux batteries au lithium. Deux tiers des accidents et incidents sont dus à un mauvais tri de ces piles et batteries.

À ce problème s'ajoute celui des incendies liés aux cartouches et bouteilles de protoxyde d'azote, souvent mal triées, voire abandonnées sauvagement. Ce phénomène met en danger les personnels des installations et entraîne des surcoûts pour les gestionnaires.

Je salue l'initiative conjointe de MM. Longeot et Pellevat. Nous avons déjà renforcé les obligations destinées à réduire l'accidentologie. Mais il faut responsabiliser tous les acteurs de la chaîne, des producteurs aux consommateurs.

J'approuve le choix fait par la commission d'une approche préventive. Au fond, indemniser, c'est renoncer à agir. Des campagnes de communication à destination du public et des professionnels sont indispensables. Je souhaite qu'elles soient obligatoirement intégrées dans les cahiers des charges des filières REP de batteries et équipements électriques électroniques.

S'agissant du protoxyde d'azote, le Gouvernement agit pour en limiter les usages détournés, notamment par les plus jeunes. Cet enjeu de santé publique fait l'objet d'un autre texte, que vous examinerez plus tard dans l'après-midi. Mais tant que le problème se pose, il faut traiter la fin de vie de ces produits.

Je connais les conséquences des catastrophes causées par ces produits. Ce texte est attendu par les élus locaux. Il marque une évolution utile, et c'est pourquoi j'ai demandé qu'il bénéficie de la procédure accélérée. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du groupe UC)

M. Bernard Pillefer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les batteries au lithium et les cartouches de protoxyde d'azote sont de véritables bombes à retardement jetées dans nos poubelles et qui finissent dans nos incinérateurs. Les dégâts se chiffrent en millions d'euros, et ce sont les collectivités territoriales qui paient la facture.

Je remercie Jean-François Longeot d'avoir suscité le débat sur les cartouches de protoxyde d'azote. Ce gaz hilarant ne fait plus rire personne : il est cause d'un scandale environnemental en même temps que d'un problème de santé publique.

Les chiffres sont accablants : la réparation d'une installation à la suite d'une explosion coûte entre 20 000 et 200 000 euros ; 70 % des cartouches sont abandonnées dans l'espace public, entraînant d'importants coûts de ramassage.

L'article 3 marque une avancée essentielle en regroupant ces produits sous une même filière à responsabilité élargie du producteur et en appliquant le principe pollueur-payeur. Ces bouteilles doivent être percées, ce qui libère un gaz à effet de serre trois cents fois plus nocif que le CO2. Les ferrailleurs refusent souvent de les récupérer. Il y a urgence à durcir l'encadrement de l'achat et de la consommation de ces cartouches.

Je salue aussi l'engagement de M. Pellevat, qui s'est fait l'écho des revendications de terrain au sujet des piles au lithium, déchets invisibles qui se logent dans les objets du quotidien.

La première bataille est celle de l'information en matière de tri. L'article 1er marque un premier pas, mais il faudra aller plus loin.

Autre problème majeur : les centres de tri ont de plus en plus de difficultés à s'assurer. Dans sa version initiale, l'article 2 prévoyait la création d'un fonds d'indemnisation ; ce dispositif était contraire au droit européen et à l'esprit des REP et s'inscrivait dans une logique punitive plutôt que préventive. La priorité est de faire cesser les accidents, pas d'améliorer leur indemnisation. Le dispositif proposé par la rapporteure créera une boucle vertueuse avec les compagnies d'assurances. Les enjeux financiers ne sont pas les mêmes pour les centres, mais cette réécriture était nécessaire.

Je remercie la rapporteure pour son travail rigoureux et pragmatique.

Nos centres de tri sont sous pression : le groupe UC votera résolument ce texte qui apporte des réponses concrètes.

M. Alexandre Basquin .  - Nous saluons l'initiative de Jean-François Longeot et Cyril Pellevat et la pertinence des travaux de Mme Antoine.

L'usage du protoxyde d'azote est un fléau pour la santé des plus jeunes, qui recherchent les effets hilarants de ce gaz. Des moyens plus coercitifs pour lutter contre ce phénomène désastreux sont indispensables.

Au-delà de l'aspect sanitaire, l'usage du protoxyde d'azote comme la multiplication des batteries au lithium ont des conséquences dans les centres de collecte et de tri. Nous saluons l'intégration de ces deux questions dans le même texte.

Les cartouches et bonbonnes de protoxyde d'azote, rarement complètement vidées, peuvent exploser et provoquer d'importants dégâts matériels. Dans le centre de valorisation énergétique de Valenciennes, cela se produit une fois par semaine, pour un coût de 1 million d'euros l'année dernière.

Le gaz hilarant ne fait pas du tout rire les usines d'incinération, et ce n'est pas aux collectivités locales de prendre constamment en charge les dégâts. Ces explosions obligent les gestionnaires à se réorienter vers des centres d'enfouissement, ce qui a des conséquences environnementales, sans parler des risques pour le personnel et des effets sur les réseaux de chaleur.

Le traitement des batteries au lithium a également des conséquences de plus en plus lourdes. Véritable cauchemar pour les pompiers, les incendies liés à ces batteries ont bondi de 150 % en dix ans. Dans 60 % des cas, ils surviennent dans les centres de tri.

Il est nécessaire de prendre des mesures fortes, en particulier d'appliquer le principe, juste et essentiel, du pollueur-payeur. L'intégration des cartouches de gaz de protoxyde d'azote au sein de la REP DDS et la prise en charge de la prévention par les éco-organismes vont dans le bon sens.

Il faut également agir à l'échelon européen pour imposer de nouvelles normes et contraindre les industriels à produire des cartouches avec valves de sécurité.

N'exonérons pas les industriels de leurs responsabilités, sanitaires ou environnementales. Pour l'heure, le groupe CRCE-K votera ce texte, qui marque un premier pas important. (Applaudissements sur de nombreuses travées)

M. Jacques Fernique .  - Quelque 1 400 incendies se sont déclarés entre 2010 et 2019 dans les installations de traitement des déchets : les piles et batteries au lithium en sont en grande partie responsables. Entre 15 % et 20 % d'entre elles ne font pas l'objet de la collecte sélective dont elles relèvent en principe. Or si elles ne sont pas traitées dans le cadre de leur filière REP, ces batteries peuvent flamber au simple contact de l'eau ou de l'air.

Les cartouches de protoxyde d'azote explosent également, lorsque le gaz se dilate sous l'effet de la chaleur. Ces explosions, qui provoquent aussi des arrêts de production des réseaux de chaleur, coûtent entre 15 millions et 20 millions d'euros par an.

Le texte de MM. Longeot et Pellevat est opportun, et le travail remarquable de la rapporteure l'a rendu plus opérationnel.

Le protoxyde d'azote, utilisé comme drogue récréative, entraîne souvent l'abandon de déchets dans l'espace public. Le tri n'est pourtant pas un geste de bonne volonté optionnel : c'est un devoir citoyen permanent. Il est urgent de renforcer la communication au travers des campagnes interfilières. L'article 1er est donc tout à fait bienvenu.

Nous soutenons l'approche préventive adoptée à l'article 2. Elle est, à ce stade, plus praticable que celle qui est fondée sur l'indemnisation. La réparation des dommages doit être dans une large mesure à la charge des metteurs sur le marché. La rapporteure a eu raison de modifier le dispositif initial.

S'agissant des cartouches de protoxyde d'azote, il faut agir en faveur d'un tarissement à la source. La proposition de loi dont nous débattrons en fin d'après-midi va dans ce sens.

Le présent texte transfère les contenants de protoxyde d'azote vers la filière REP DDS, alors qu'ils relèvent jusqu'ici de la filière déchets ménagers. Reste à avancer sur l'écoconception : l'Ademe et les services de l'État doivent avancer rapidement sur le sujet, en bonne intelligence avec l'Union européenne.

Le GEST soutient pleinement ce texte et se réjouit de l'engagement de la procédure accélérée. (Applaudissements sur de nombreuses travées)

M. Hervé Gillé .  - Nous examinerons plus tard dans l'après-midi les risques sanitaires liés à l'usage détourné du protoxyde d'azote. La présente proposition de loi vise à assurer la sécurité des centres de tri et de leurs agents, confrontés à une multiplication des explosions et incendies.

Le groupe SER a toujours soutenu le principe pollueur-payeur. Ce texte s'inscrit dans cette logique. Nous nous réjouissons que ceux qui mettent ces produits sur le marché assument les frais liés à la collecte et au traitement des déchets.

Malgré cette avancée importante, le texte ne répond pas à tous nos questionnements. La suppression du fonds initialement prévu à l'article 2 mérite d'être discutée. La voie retenue substitue à un dispositif opérationnel un objectif imprécis. Le texte ne précise pas les conditions de mise en oeuvre de la nouvelle disposition. Le groupe SER appelle de ses voeux un soutien renforcé aux collectivités territoriales.

Cette proposition de loi n'en est pas moins un pas important vers une gestion plus responsable de ces déchets. Le groupe SER la votera. (Applaudissements sur de nombreuses travées)

M. Daniel Chasseing .  - Je félicite Jean-François Longeot et Cyril Pellevat pour cette proposition de loi.

Les incendies et départs de feu dans les centres de recyclage ne sont pas nouveaux, mais les batteries au lithium en augmentent le nombre. Les conséquences d'un mauvais tri sont dramatiques : les incendies polluent l'air et l'eau en plus de mettre en danger les agents, et les résiliations d'assurance se multiplient.

Il est essentiel de renforcer la prévention des accidents par la sensibilisation des consommateurs. La commission a raison de faire contribuer les éco-organismes à ces coûts.

L'usage détourné des cartouches de protoxyde d'azote et leur abandon sur la voie publique sont des sources de danger et de surcoûts. Il faut limiter la consommation parmi les jeunes, ce qui est l'objet du texte qui sera examiné en fin d'après-midi.

Ces cartouches doivent faire partie de la REP DDS, pour que les producteurs soient responsabilisés. Il est anormal de faire reposer sur les seules collectivités les surcoûts liés au ramassage et au traitement de ces déchets dangereux. (Applaudissements sur de nombreuses travées)

Mme Marta de Cidrac .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Entre 2018 et 2024, le nombre d'incendies et de départs de feu dans les centres de tri a été multiplié par dix. Le nombre d'explosions augmente en raison de la présence de cartouches de protoxyde d'azote, entraînant un préjudice de 15 à 20 millions d'euros par an.

Derrière l'apparence technique de cette proposition de loi se cachent de graves enjeux. Les produits utilisant les batteries au lithium se multiplient et l'usage du protoxyde d'azote bouleverse la chaîne qui va de la production à la consommation.

Il faut repenser les objectifs et le périmètre de l'économie circulaire, qui doit intégrer l'enjeu de la prévention des risques industriels. Il s'agit de recycler, bien sûr, mais aussi de garantir la sécurité des infrastructures de traitement.

Ce texte marque une avancée essentielle. Il n'est pas juste que la gestion des risques repose sur les opérateurs de déchets : les producteurs doivent être associés pleinement à ce travail.

Je salue l'action des filières REP déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) et piles et accumulateurs. Elles ont mis en place les assises de prévention des incendies, permettant de diffuser une culture du risque parmi les opérateurs. Cette responsabilité doit être préventive et non palliative. Il serait contreproductif de créer un effet d'aubaine pour les assureurs et de déresponsabiliser certains acteurs.

Ce texte ne réglera pas tout. La réponse passe aussi par la lutte contre les usages détournés du protoxyde d'azote - nous en débattrons plus tard dans l'après-midi.

Ce texte marque un tournant dans notre approche de l'économie circulaire, en faisant de la prévention des accidents un enjeu à part entière. Il faudra approfondir cette évolution. (Applaudissements sur de nombreuses travées)

Mme Patricia Schillinger .  - Nos déchets en disent long sur notre époque ; ils reflètent les évolutions de notre société et les maux dont elle souffre. Lorsqu'ils deviennent un danger pour ceux qui les collectent, il est urgent d'agir. Les dommages liés au lithium et au protoxyde d'azote sont des signaux d'alerte. Je salue le travail de Jean-François Longeot et Cyril Pellevat sur ces sujets.

Vingt-quatre incendies se sont déclarés dans des centres de tri en 2023. La présence croissante des déchets dangereux dans les ordures ménagères est un fardeau pour les collectivités territoriales.

Ce texte propose des solutions concrètes : prévention - une campagne annuelle sur les risques des déchets inflammables est prévue - et responsabilisation des producteurs. Initialement, le texte prévoyait un fonds d'indemnisation, mais la commission a préféré à ce dispositif une approche préventive.

Ce texte ne réglera pas tous les problèmes, mais constitue une avancée essentielle. Il faut standardiser les contenants et les soupapes de sécurité sur les bonbonnes de gaz à l'échelle de l'Union européenne.

Nous voterons cette proposition de loi, qui constitue un premier jalon pour la protection de nos infrastructures, de leurs salariés et de nos collectivités. (Applaudissements sur de nombreuses travées)

Mme Mireille Jouve .  - Ce texte a été adopté à l'unanimité en commission ; j'espère qu'il en ira de même en séance.

Notre société est malade de ses paradoxes. « La consommation est la seule raison d'être de toute production », disait Adam Smith : cette réalité organise nos sociétés.

Cartes de voeux musicales, télécommandes, vêtements lumineux, analgésiques : tous ces produits ont un coût environnemental, sanitaire et économique. Les cartouches et les batteries sont trop souvent jetées aux ordures ménagères ou abandonnées sur la voie publique. Cela entraîne des surcoûts importants pour les collectivités territoriales.

Dans les Bouches-du-Rhône, la communauté de communes Vallée des Baux-Alpilles a annoncé une grande campagne de communication par le truchement des réseaux sociaux. De même dans le Calvados.

Au-delà des risques physiques, les dispositifs doivent être mis à l'arrêt. Résultat : le réseau de chauffage ne fonctionne plus. Grégory Richet, président du Syndicat national du traitement et de la valorisation des déchets urbains, évalue entre 14 et 20 millions d'euros par an les surcoûts liés à ces accidents.

Du producteur à l'opérateur de traitement des déchets, il est devenu impératif de réinterroger les responsabilités de chacun.

Oui à la campagne annuelle interfilières, à la prévention des accidents dans les centres des déchets et au principe pollueur-payeur. Notre groupe votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur de nombreuses travées)

Discussion des articles

Article 1er

M. le président.  - Amendement n°8 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Cet amendement renvoie les modalités d'application de l'article 1er au cahier des charges des filières concernées. Toutes comportent un volet prévention, dont le contenu est adapté à chaque filière.

Mme Jocelyne Antoine, rapporteure.  - Les cahiers des charges sont un vecteur plus approprié que le décret. Avis favorable.

L'amendement n°8 est adopté.

L'article 1er, modifié, est adopté.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°7 de M. Gillé et du groupe SER.

M. Hervé Gillé.  - Rétablissons le principe d'une indemnisation des collectivités gestionnaires d'installations de traitement de déchets en cas de dommage causé par des batteries au lithium ou des cartouches de protoxyde d'azote. Je regrette la suppression du fonds d'indemnisation. Il y a certes l'argument de l'incompatibilité avec le droit européen, mais le dispositif proposé demeure trop flou et insuffisamment opérationnel.

Aussi, cet amendement propose de mettre à la charge des producteurs et des éco-organismes la réparation des dommages, qui sera financée par les écocontributions.

M. le président.  - Amendement n°5 de M. Pillefer.

M. Bernard Pillefer.  - Certains sites ont consenti d'importants investissements en matière de prévention des accidents. Il ne faudrait pas que les bons élèves soient pénalisés pour avoir anticipé : les éco-organismes prendront-ils en charge les investissements déjà réalisés ?

Mme Jocelyne Antoine, rapporteure.  - La prise en charge proposée par l'amendement n°7 est contraire à la directive-cadre sur les déchets. De plus, une telle mesure déresponsabiliserait les opérateurs. La prévention risque de n'être plus une priorité. Avis défavorable.

Je partage vos préoccupations, monsieur Pillefer. Votre amendement n°5 est toutefois satisfait : la participation des éco-organismes inclut les investissements déjà réalisés, sous la forme d'un bonus. Retrait ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Même avis que la rapporteure sur l'amendement n°7. J'ajoute que les filières REP n'ont pas vocation à se substituer aux assureurs.

Retrait, sinon avis défavorable à l'amendement n°5, qui est satisfait.

L'amendement n°5 est retiré.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié de M. Pellevat et alii.

M. Cyril Pellevat.  - La REP doit inclure le financement des équipements de prévention des incendies. Les producteurs doivent assumer leur part.

Mme Jocelyne Antoine, rapporteure.  - Dans neuf cas sur dix, les accidents sont des incendies. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Retrait, sinon avis défavorable. La proposition de loi prévoit que les producteurs concourent au financement de la prévention des accidents dans les installations, en soutenant les actions de prévention. Il n'est pas souhaitable de soutenir les investissements qui concourent à la prévention. Cela risque d'interférer avec la gestion opérationnelle et la conduite industrielle des sites. Ce n'est guère opportun.

Mme Jocelyne Antoine, rapporteure.  - Avis défavorable, donc.

L'amendement n°4 rectifié est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

L'article 3 est adopté, de même que l'article 4.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

(Applaudissements)

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.  - Je remercie le Gouvernement d'avoir engagé la procédure accélérée ; Cyril Pellevat, d'avoir proposé, avec bon sens, de regrouper nos deux textes ; Jocelyne Antoine pour son travail remarquable ; l'ensemble des intervenants, qui nous ont permis d'adopter ce texte dans les délais impartis ; et enfin mon groupe, d'avoir inscrit ce texte dans son espace réservé.

Prévention et gestion des inondations par les collectivités territoriales (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à soutenir les collectivités territoriales dans la prévention et la gestion des inondations, présentée par MM. Jean-Yves Roux, Jean-François Rapin et plusieurs de leurs collègues, à la demande du RDSE.

Discussion générale

M. Jean-Yves Roux, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Cette proposition de loi traduit plusieurs recommandations du rapport rédigé avec Jean-François Rapin sur les inondations et adopté le 25 septembre dernier à l'unanimité. Après huit mois de travaux, trente-cinq auditions, trois déplacements et une consultation en ligne, nous répondons aux attentes des collectivités.

Le risque d'inondation menace de plus en plus nos biens et nos vies. Les élus locaux sont en première ligne et leur tâche est difficile. Ils ont besoin de procédures plus efficaces, plus rapides, plus simples - l'impératif de simplification a été le fil d'Ariane de nos travaux. Les élus locaux font en effet face à un enchevêtrement de normes et à des lourdeurs administratives qui ne favorisent ni la prévention ni l'action rapide.

La solidarité a aussi été un axe fort de nos travaux, afin de prendre en compte le manque de moyens de nombreuses petites collectivités territoriales. Dans mon département des Alpes de Haute-Provence, 90 % des communes ont moins de 1 000 habitants et manquent d'ingénierie. Le soutien humain et logistique à ces communes est impératif, afin que chacune soit accompagnée. La solidarité est un principe fondateur de la décentralisation.

L'article 1er simplifie les procédures administratives pour l'entretien des cours d'eau. De nombreux élus renoncent à intervenir en raison de la trop grande complexité de la réglementation, craignant des poursuites judiciaires. Il faut leur permettre d'agir en toute sécurité.

L'article 3 crée des réserves d'ingénierie, constituées d'agents publics territoriaux et chargées d'accompagner les communes sinistrées, dans une logique de solidarité territoriale.

J'espère que ce texte permettra d'améliorer la prévention face à l'un des défis les plus importants auquel doit faire face notre pays. C'est une étape, à compléter.

Ces mois de travail auprès de tous les acteurs ont renforcé ma conviction profonde : nous devons agir de manière pluridisciplinaire, toutes tendances politiques confondues.

Merci à Pascal Martin et Jean-François Longeot pour leur travail et leur soutien. (Applaudissements)

M. Jean-François Rapin, auteur de la proposition de loi .  - Ce texte fait suite à notre travail de contrôle sur les inondations de 2023-2024.

Notre territoire doit s'adapter au risque inondation. Depuis 2002, les programmes d'actions de prévention des inondations (Papi) ont fait la preuve de leur efficacité : nous en sommes à la troisième génération. Mais il faut en moyenne six ans pour élaborer un Papi !

L'article 2 prévoit l'accélération la mise en oeuvre des Papi, grâce à l'accompagnement des porteurs de projets par les services de l'État. La désignation d'un référent Papi est une avancée, mais encore insuffisante. Le rapporteur proposera des amendements, que je voterai.

Merci pour votre soutien, madame la ministre : la procédure accélérée est un encouragement précieux. Merci aussi au rapporteur, qui nous a informés au fur et à mesure. Je salue aussi le président Longeot.

En adoptant ce texte, nous ferons oeuvre utile pour nos élus et pour nos territoires. J'espère que l'Assemblée nationale s'en saisira rapidement.

En novembre 2023, au début des inondations dans le Pas-de-Calais, j'avais posé une question d'actualité au Gouvernement, rappelant que le jaune, l'orange et le rouge étaient entrés dans notre quotidien. Les inondations se sont ensuite multipliées dans tout le pays : nous n'étions plus seuls à affronter une situation si difficile. Services de l'État, communes et communautés de communes sont réactifs, mais il y a une période creuse avant l'amplification de l'effort : c'est cette période que nous devons combler. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et du RDSE)

M. Pascal Martin, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - En 1885 paraissait une nouvelle d'Émile Zola, L'inondation, sur les effets d'une puissante crue en aval de la Garonne, causant 700 morts.

M. Laurent Duplomb.  - Ce n'était pas encore le réchauffement climatique !

M. Pascal Martin, rapporteur.  - Cet épisode n'est pas si éloigné de ce que peuvent vivre nos concitoyens. Les pertes humaines ne sont plus aussi élevées, toutefois -  même si le tragique événement de Valence nous rappelle le danger de telles catastrophes naturelles. J'aurais préféré que ces phénomènes restent cantonnés aux récits...

La proposition de loi découle de la mission de contrôle de Jean-Yves Roux et de Jean-François Rapin qui, les bottes dans l'eau, se sont rendus sur le terrain et dont le rapport a été adopté à l'unanimité.

Les inondations sont le premier risque naturel en France, avec près de 19 millions d'habitants concernés. Désormais, il ne se passe pas un mois sans que l'un de nos territoires soit frappé par une crue, une coulée de boue ou une remontée de nappe. C'est un risque insidieux, mais dévastateur.

Les causes des inondations ne sont pas toujours identifiables, mais le mauvais entretien des cours d'eau y concourt systématiquement. (M. Laurent Duplomb renchérit.) Il est donc nécessaire d'intervenir en premier lieu sur les règles relatives à cet entretien.

Il s'agit d'abord de l'entretien régulier des cours d'eau non domaniaux, qui incombe à des milliers de propriétaires riverains, sur un million de kilomètres de berges. L'article 1er clarifie les règles générales d'intervention de ces propriétaires et je proposerai un amendement de clarification concernant les autorités gemapiennes.

À l'occasion des inondations dans les Hauts-de-France, les services de l'État ont interprété extensivement la notion d'urgence. Le texte fait siens ces progrès. Je défendrai un amendement pour que les interventions ne se limitent pas aux seuls cours d'eau : elles doivent aussi pouvoir concerner les routes, les ponts, les digues.

Nous devons aussi promouvoir la culture du risque, en simplifiant la réalisation et la mise en oeuvre des Papi ; le délai de réalisation de six ans est trop long et un dossier de Papi peut atteindre 2 000 pages !

M. Laurent Duplomb.  - Personne ne les lit !

M. Pascal Martin, rapporteur.  - Le texte crée un référent pour accompagner les collectivités dans l'élaboration de leurs Papi, ainsi qu'un guichet unique pour assister les porteurs de projets dans la réalisation des actions prévues aux Papi. Je proposerai de considérer comme acquises les procédures validées en amont : nous appliquons ainsi la règle du « dites-le-nous une seule fois ». Je proposerai aussi que les préfets coordonnateurs de bassin puissent reconnaître les actions labellisées qui relèvent d'une raison impérative d'intérêt public majeur et qui sont donc dispensées au titre de la dérogation sur les espèces protégées. Il ne s'agira pas d'une protection au rabais, puisque les deux autres critères cumulatifs continueront à s'appliquer.

Ces mesures ne révolutionneront pas la mise en oeuvre des Papi, mais l'accéléreront.

La dernière mesure phare de ce texte concerne la création d'une réserve d'ingénierie. Ce dispositif fera jouer la solidarité territoriale, au profit des communes dans le besoin. Les ressources existent et sont disponibles dans les territoires : ne nous en privons pas.

Je remercie les auteurs de la proposition de loi, avec qui j'ai travaillé en bonne intelligence, ainsi que la ministre, pour son écoute.

Bien sûr, ce texte ne résoudra pas toutes les difficultés, mais il est une première étape dans l'adaptation des territoires au changement climatique. Les collectivités seront mieux outillées face aux inondations.

J'espère que nous ne devrons pas attendre la prochaine crue centennale de la Seine pour que les députés -  contraints en 1910 de se rendre au Palais Bourbon en barque  - se saisissent de cette initiative ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche .  - Ce sujet me tient particulièrement à coeur : je salue Jean-François Rapin et Jean-Pierre Corbisez, autres représentants du Pas-de-Calais, territoire particulièrement touché en 2023 et 2024.

M. Laurent Somon.  - Et la Somme !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Nous avons vu nos concitoyens, les pieds dans l'eau, dans leurs maisons dévastées. Nous les avons accompagnés, plutôt bien, je pense. Mais nous savons que nous pouvons faire mieux.

Ces catastrophes laissent des cicatrices profondes dans nos communes. Malheureusement, les scientifiques nous annoncent qu'elles seront plus fréquentes et plus graves. Nous devons donc atténuer le dérèglement climatique et nous adapter à ses effets, pour protéger les Français.

Lundi prochain, je présenterai la version finale du plan d'adaptation au changement climatique, préparé de longue date et très largement concerté. Ce plan porte une ambition forte, car nous nous dirigeons vers une France à plus 4 degrés d'ici à la fin du siècle.

Pour déployer ce plan, nous avons obtenu des moyens via le projet de loi de finances pour 2025, notamment pour le fonds Barnier, avec 330 millions d'euros en autorisations d'engagement.

J'ai aussi lancé la mission Adaptation, qui permettra à 100 territoires pionniers de bénéficier de l'expertise des opérateurs de l'État pour les aider à élaborer leur feuille de route.

Les inondations survenues dans le Pas-de-Calais ont également permis de prendre la mesure des difficultés assurantielles. Il est inacceptable d'imposer une franchise de 500 000 euros à la commune de Blendecques !

En décembre 2023, nous avons refinancé la Caisse centrale de réassurance en rehaussant les taux de surprime, inchangés depuis 2009. Cela permettra de dégager 1,2 million d'euros supplémentaires par an pour le régime des catastrophes naturelles. Lundi dernier, avec les assureurs, nous avons défini dix priorités.

Je sais le Sénat particulièrement investi sur le sujet, avec l'adoption de la proposition de loi de Mme Lavarde, que je souhaite voir examinée rapidement à l'Assemblée nationale. (M. Jean-François Rapin apprécie.)

Il faut aussi développer la culture du risque. Je remercie le président Larcher d'avoir lancé une mission de contrôle conjointe pour dresser l'état des lieux de la gestion des inondations de 2023-2024. Complexité administrative, moyens insuffisants, question de la solidarité dans le financement de la compétence gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi) : telles ont été les difficultés identifiées.

Je soutiens cette proposition de loi qui s'articule autour du triptyque : simplifier, accélérer, accompagner. Il faut des ajustements pour la rendre opérationnelle -  merci au rapporteur. J'ai souhaité que la procédure accélérée soit engagée. Je salue le travail réalisé en commission de l'aménagement du territoire et du développement durable : le vote unanime de ce texte témoigne de votre démarche constructive. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

M. Jean-Pierre Corbisez .  - Les catastrophes climatiques risquent de se répéter et de s'amplifier : les Mahorais et les Réunionnais en ont fait les frais.

Entre 2023 et 2024, près de la moitié des départements français ont subi d'énormes dégâts. Pour le Nord et le Pas-de-Calais, c'est un coût de 640 millions d'euros, sans compter le traumatisme des victimes.

Nous devons engager une véritable transition écologique, avec de vrais moyens -  ils ne sont pas encore à la hauteur des enjeux.

Nous devons aussi anticiper les conséquences du dérèglement climatique, en évitant de reproduire les erreurs du passé, en adaptant nos constructions et notre économie.

Nous devons aussi nous préparer à réagir après une catastrophe, pour réparer le plus vite possible. Que de temps perdu ! Secouristes, bénévoles, professionnels de l'urgence : nous leur devons beaucoup. N'oublions pas les maires, les fonctionnaires territoriaux, les prestataires, qui font montre d'un professionnalisme qui les honore.

Ce texte vise à simplifier l'entretien des cours d'eau. Il prévoit un référent unique et crée une réserve d'ingénierie.

Nous regrettons que les assureurs ne soient pas mis à contribution à la hauteur de leurs profits et des besoins. Avec Pascal Savoldelli, nous avions déposé un amendement pour proposer une offre d'assurance équilibrée aux collectivités, mais il a été déclaré irrecevable. Selon le maire de Vesoul, également vice-président de l'AMF, 1 500 communes sont sans assurance.

Nous voterons ce texte. Merci au RDSE et aux auteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, du GEST, du RDSE et au banc des commissions)

M. Jacques Fernique .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) La gestion des inondations est devenue un enjeu majeur sur tout le territoire national. Épisodes cévenols, inondations par cumul de précipitations : les événements dramatiques se multiplient. Il nous faut donc agir et le Sénat montre qu'il se mobilise.

La première réponse concerne le réchauffement climatique, à l'origine de l'augmentation des précipitations et de leur imprévisibilité. Nous nous condamnons à subir plus de désastres si nous ne réagissons pas.

Nous sommes certes dans un contexte mondial troublé, mais ce qui se joue en Ukraine, c'est aussi notre capacité à préserver les accords de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Nous devons nous adapter à ce réchauffement inéluctable. Nous savons depuis le rapport Roux-Dantec de 2019 que la France a pris beaucoup de retard.

Il est indispensable de renforcer l'ingénierie des communes et des EPCI ayant la compétence gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi), car ce qu'il convient de faire dépasse les capacités de leurs services. Le fonds territorial Climat, voté au Sénat, aura un rôle précieux. Cette proposition de loi ouvre le débat sur la question de l'accompagnement technique. Justement, les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) manquent aussi de moyens. Ce texte n'est donc qu'une première étape.

Je rappelle l'importance d'une réforme en profondeur du système assurantiel : les assureurs ne doivent pas se désengager des territoires les plus à risque et ils doivent s'engager plus pour la prévention. Le fait que la totalité de la prime catastrophe naturelle n'ait pas été affectée au fonds Barnier est un mauvais signal.

Nous savons le rôle essentiel du sol pour limiter les ruissellements et les sécheresses. Aussi, remettre en cause les objectifs quantitatifs du ZAN nous condamne à des inondations plus graves. Préserver les haies permet de ralentir l'écoulement de l'eau : la proposition de loi Salmon doit être rapidement mise en oeuvre.

Malgré l'absence de réponse sur tous ces points, nous voterons ce texte.

M. Hervé Gillé .  - Le gouvernement espagnol a estimé l'impact des inondations à Valence à 22 milliards d'euros et le coût de la reconstruction à 31,4 milliards d'euros.

Les inondations sont un enjeu majeur pour les territoires ; les collectivités territoriales sont en première ligne. Ce texte leur fournit des outils plus efficaces.

Un chiffre retient notre attention : d'ici à 2050, le nombre d'inondations pourrait augmenter de 19 %. Nous savons que les crises climatiques sont de plus en plus violentes : près de 53 % des départements ont été touchés par des inondations entre novembre 2023 et juin 2024. Les dégâts ont atteint 640 millions d'euros, rien que dans le Nord et dans le Pas-de-Calais.

Il est donc nécessaire de renforcer les dispositifs de prévention et d'accompagnement des collectivités locales.

Le groupe SER se félicite du travail en commission qui a permis de clarifier certaines mesures comme celles sur l'entretien des cours d'eau.

L'un des points positifs de cette proposition de loi est la mise en place d'un guichet unique pour l'accompagnement des communes sinistrées, ce qui facilitera leurs démarches.

Mais la question du financement reste en suspens : c'est l'éléphant au milieu de la pièce ! Cette proposition de loi ne répond qu'en partie aux besoins financiers des collectivités territoriales pour financer leurs actions de prévention. La taxe Gemapi, plafonnée à 40 euros par habitant, montre ses limites face aux besoins croissants, notamment pour l'entretien des digues. Nous devons réfléchir à des financements complémentaires et à une mutualisation des ressources à l'échelle des bassins versants. Nous poursuivrons la réflexion au sein de la délégation aux collectivités territoriales, avec Jean-Yves Roux et Rémy Pointereau.

Il faudra aussi intégrer la gestion des milieux aquatiques, souvent délaissée au profit de la seule prévention des inondations.

Le groupe SER votera cette proposition de loi, première étape pour renforcer la résilience de nos territoires face aux inondations. (Applaudissements sur les travées du GEST et du RDSE ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

M. Christopher Szczurek .  - Le département du Pas-de-Calais a subi, entre octobre 2023 et février 2024, un épisode de crue dramatique : 205 communes touchées, des milliers d'habitants traumatisés, des acteurs économiques en grande difficulté. Cette proposition de loi arrive donc à point nommé.

Les inondations constituent le premier risque climatique sur notre territoire. Quelque 18 millions d'habitants et 10,5 millions de logements sont exposés au débordement des cours d'eau : il était temps que le législateur se saisisse du sujet. Je salue le travail de Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux qui apporte des solutions concrètes au plus près des besoins du terrain, en rompant avec une logique trop bureaucratique.

Avec l'aggravation du dérèglement climatique, la prévention des inondations et la gestion des cours d'eau constituent un défi fondamental. Je l'ai constaté sur le terrain.

L'entretien des cours d'eau est fondamental. Auparavant, les curages étaient effectués par des riverains consciencieux. L'intercommunalisation de la compétence eau, la taxe Gemapi et la complexification juridique ont engendré une bureaucratie dantesque, déconnectée des territoires.

L'article 1er est donc une avancée bienvenue. Nous sommes également favorables à l'article 2 pour une meilleure planification, ainsi qu'à l'article 3, car les communes sont trop souvent laissées à elles-mêmes en cas d'inondation : la création d'une réserve départementale d'ingénierie est une bonne chose.

Ce texte correspond à notre vision territoriale et apporte des réponses adéquates au problème des inondations dans tous les territoires français.

Mme Laure Darcos .  - (M. Daniel Chasseing applaudit.) Les inondations sont le premier risque naturel en France. En 2024, elles ont été dévastatrices en Essonne : 74 communes ont été reconnues en état de catastrophe naturelle à la suite de la tempête Kirk - et 15 nouvelles communes se sont ajoutées à la liste. D'octobre 2023 à juin 2024, de nombreux dégâts ont été recensés en raison de pluies diluviennes et d'orages violents.

Nous devons agir vite. Il faut atténuer, mais aussi prévenir et adapter.

Les communes, en première ligne, font face à des lourdeurs administratives. Notre mot d'ordre est toujours le même : simplification.

En amont, il faut anticiper au mieux. Différents outils de prévention sont aux mains des autorités gemapiennes, mais les lourdeurs et les délais -  six ans pour un Papi...  - entravent notre capacité de prévoir.

Il faut accélérer et mettre en place des mesures d'anticipation effectives. Le référent et le guichet unique sont de bonnes mesures. Nous devons aussi nous préparer à faire face à l'imprévisible : il faut donc de la souplesse et un meilleur accompagnement des collectivités.

Actuellement, les communes peuvent déroger aux demandes d'autorisation ou de déclaration en cas de danger grave ou immédiat. Cette proposition de loi ajoute une dérogation pour remédier à une inondation d'ampleur ou éviter sa réitération à court terme.

L'après-crise est aussi un enjeu. Les communes sont souvent démunies, faute de moyens techniques ou humains. Pour y faire face, une réserve d'ingénierie est prévue pour leur venir en appui.

En outre, un guichet unique auprès du préfet centralisera les demandes et accompagnera les communes pour bénéficier des aides auxquelles elles peuvent prétendre.

Certaines difficultés demeurent, qu'il s'agisse de la couverture de Vigicrues et de FR-Alert, du dialogue nécessaire entre les syndicats de rivières et l'État dans certaines zones humides ou sites classés ou encore de la question des moyens financiers.

Mais cette proposition de loi est une étape vers la simplification : le groupe Les Indépendants la votera. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; MM. Pascal Martin et Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent également.)

M. Laurent Somon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le sujet est d'actualité pour nos territoires, comme l'ont montré les inondations qui ont frappé le département de la Somme - certes plus marginalement que le Pas-de-Calais et le Nord - entre novembre 2023 et janvier 2024. Mon département reste d'ailleurs en vigilance inondation.

Les inondations de 1920 et 2001 avaient illustré le risque de remontée des nappes phréatiques. Avec le dérèglement climatique, les risques de submersion sont amplifiés : il est urgent d'aménager les bassins hydrographiques, d'entretenir les exutoires, d'adapter les activités et les règles d'urbanisme. Depuis 2001, le département de la Somme agit via un syndicat de bassin, et a investi 70 millions d'euros pour aménager le fleuve et ses affluents.

Le rapport de Marcel Deneux, à la suite de la commission d'enquête de 2001 sur les inondations dans la Somme, permettait déjà d'établir les causes et les responsabilités, d'évaluer les coûts et de prévenir les risques. En 2013, le Sénat adoptait une proposition de loi de Pierre-Yves Colombat. La situation actuelle impose de nouveaux travaux.

Selon le rapport de la mission d'information, la sinistralité pourrait augmenter de 6 à 19 % d'ici à 2050, avec une hausse des submersions marines estimée entre 75 % et 91 %. Les rapporteurs plaident pour une diffusion de la culture du risque, une politique de prévention efficace et solidaire, adaptée à chaque territoire.

La proposition de loi modernise l'arsenal juridique et simplifie les procédures - c'est une attente des élus locaux. Elle prévoit la mise en place d'une cellule technique d'accompagnement des collectivités ; clarifie les périmètres d'intervention des collectivités en substitution des propriétaires riverains ; simplifie l'élaboration et la mise en oeuvre des Papi - il faut cinq à six ans entre le lancement et la labellisation par l'État ; crée une réserve d'ingénierie, confiée aux centres de gestion de la fonction publique territoriale à l'échelle du département.

Le Sénat est mobilisé sur les sujets climatiques - je pense à la proposition de loi de Christine Lavarde sur le régime CatNat, adoptée à l'unanimité en octobre 2024 qu'il est urgent d'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Solanges Nadille .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) En France, 18,6 millions d'habitants sont exposés au risque inondation, désormais premier risque naturel. Sont notamment concernés les territoires littoraux, ainsi que les territoires d'outre-mer, pendant la saison cyclonique.

Je salue les travaux de nos deux commissions. Ce texte traduit quatre des vingt recommandations du rapport Roux-Rapin.

Nous nous inscrivons dans le triptyque « simplifier, accélérer, accompagner ». Beaucoup d'opérations d'entretien des cours d'eau sont entravées par un surplus de normes. Les élus hésitent à intervenir, de peur de voir leur responsabilité engagée. Une simplification s'impose, car nous ne pouvons pas tolérer cet attentisme qui nuit à la prévention.

L'article 1er permettra d'élargir le périmètre des opérations éligibles à la procédure d'urgence. Il faut généraliser une pratique éprouvée dans le Pas-de-Calais et le Nord en 2023-2024, pour permettre aux collectivités d'intervenir plus souvent sans procédure administrative préalable.

La procédure d'élaboration des Papi est bien trop complexe, ce qui exaspère les élus locaux. La mise en place d'un référent Papi est attendue. L'instauration d'un guichet unique va dans le bon sens.

Nous soutenons la proposition d'instaurer une réserve d'ingénierie pour aider les communes sinistrées à obtenir des aides, élaborer des dossiers d'assurance ou autres tâches dépassant souvent les compétences des plus petites communes. Aucune commune ne sera laissée au bord du chemin. Nous soutiendrons l'amendement du rapporteur qui renvoie les modalités pratiques au décret.

Le RDPI votera ce texte attendu des élus locaux. Nous serons attentifs à sa bonne mise en oeuvre outre-mer. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE)

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Ce texte traduit quatre des vingt recommandations du rapport d'information, adopté à l'unanimité. J'espère que ce texte aura la même issue. Et je ne dis pas cela parce que je fais partie du même groupe que l'un des auteurs...

M. Henri Cabanel.  - Un peu quand même ! (Sourires)

M. Michel Masset.  - Je salue aussi Jean-François Rapin.

Cette proposition de loi est nécessaire et attendue par nombre de communes rurales. Elle simplifie les dispositifs de gestion des cours d'eau, et renforce la solidarité entre les territoires par la création d'une réserve d'ingénierie pour les communes sinistrées.

La gestion de l'après-crise ne doit plus être l'angle mort de la lutte contre les inondations. Les inondations ont mis en évidence les carences en matière d'accompagnement par les services de l'État. Les petites communes manquent de compétences et de moyens financiers, or la solidarité financière entre EPCI est encore à construire. La taxe Gemapi, plafonnée à 40 euros, n'est pas à la hauteur des enjeux.

Élu du Lot-et-Garonne, je connais les difficultés des élus locaux à faire face aux crues. Le transfert de la compétence Gemapi a été trop abrupt, ses conséquences financières mal anticipées. Un EPCI de mon département a dû débourser 500 000 euros pour une étude sur l'état des digues ! Sans compter le montant des travaux : 400 000 euros, pour une brèche de 100 mètres linéaires. La communauté de communes Val de Garonne devra prendre en charge 22 millions d'euros de travaux... C'est intenable. Il faut parvenir à concilier le potentiel fiscal des métropoles en aval avec les travaux à réaliser en amont.

Cette proposition de loi envoie un message politique fort en levant des contraintes administratives qui pèsent sur nos élus. Elle consolide notre politique de prévention. Simplification, solidarité et accompagnement : voilà qui doit nous mener sur le chemin d'une meilleure anticipation. Le RDSE la votera à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes Les Républicains et UC)

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cette proposition de loi s'inscrit dans la nécessaire acclimatation de nos modes de vie aux phénomènes naturels. J'en remercie le rapporteur et les auteurs - qui s'étaient rendus dans les Hautes-Alpes dans le cadre de leur mission de contrôle. Entre 2023 et 2024, 56 collectivités de mon département ont été reconnues en état de catastrophe naturelle : 38 % ! Lors du passage de la tempête Aline, en décembre 2023, les télécommunications ont été interrompues, de même que la principale route nationale ; la station de Risoul a été coupée du monde.

Je souhaite faire part du retour d'expérience des élus locaux. Il faut simplifier, notamment le curage et le traitement de l'engravement, ingérable dans les terrains de montagne. Il faut impérativement réformer la compétence et la taxe Gemapi. La charge financière de la gestion des cours d'eau doit être pensée à l'échelle du bassin.

Je salue la réactivité des services de secours et des services de restauration des terrains en montagne (RTM). Les dégâts des inondations ont représenté 38 millions d'euros : la dotation de solidarité aux collectivités victimes d'événements climatiques (DSEC) n'a pas suffi ; il a fallu l'appui de la ministre Gatel pour obtenir des crédits exceptionnels. Ce système de financement n'est pas tenable, avec la multiplication à venir de ces phénomènes.

Ce texte est une première étape législative dans le bon sens. Nous le voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE et sur quelques travées Les Républicains)

M. Laurent Burgoa .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les inondations sont le premier risque naturel en France ; 18,6 millions de Français y sont exposés.

Les récentes inondations meurtrières dans le Gard ont mis en lumière les lourdeurs administratives qui entravent l'action des élus.

L'objet de cette proposition de loi est clair : simplifier, accélérer, accompagner les collectivités dans la prévention et la gestion des inondations.

Tout d'abord, elle facilite l'entretien des cours d'eau, levier majeur pour éviter l'aggravation des crues. Les élus du Gard ont fait part de leurs frustrations devant la complexité des procédures administratives.

M. Jean-François Longeot, président de la commission.  - Bien sûr !

M. Laurent Burgoa.  - La proposition de loi simplifie la mise en oeuvre des Papi, trop souvent ralentie par des démarches administratives fastidieuses. Il faut cinq ans entre le lancement de la procédure et sa labellisation par les services de l'État, c'est inacceptable.

Ce texte crée une réserve d'ingénierie pour les communes sinistrées. Lorsque l'eau se retire, commence le parcours du combattant pour les maires : sécuriser les infrastructures, accéder aux aides, reconstruire. Cet appui technique immédiat sera gage d'une gestion de crise plus efficace mais aussi plus humaine.

Cette proposition de loi apporte un début de réponse aux défis que nous devrons relever. La voter, c'est renforcer la solidarité territoriale et donner aux élus des moyens d'agir pour protéger nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, du RDSE et du GEST)

Mme Anne-Sophie Patru .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) En France, 18,6 millions d'habitants sont exposés aux inondations, premier risque naturel de notre pays - on l'a vu dans mon département d'Ille-et-Vilaine. Je salue l'engagement des services de l'État et des élus locaux pour gérer la crise et la reconstruction.

Il est crucial de renforcer la prévention et la gestion de tels évènements.

Cette proposition de loi fait suite aux terribles événements survenus dans le Nord-Pas-de-Calais en 2024. Elle vise à simplifier, accélérer, accompagner.

Simplifier les procédures applicables aux opérations d'entretien des cours d'eau, via une nouvelle procédure d'autorisation simplifiée pour les travaux d'urgence, ce qui répond aux attentes des élus locaux.

Accompagner les élus dans l'élaboration et la mise en oeuvre des Papi : un référent Papi sera désigné et un guichet unique mis en place.

Accélérer, en créant une réserve d'ingénierie : des fonctionnaires territoriaux seront mis à disposition des communes sinistrées pour les soutenir dans la reconstruction.

Le groupe UC votera cette proposition de loi, fruit d'un travail collaboratif. C'est une avancée significative dans la gestion des risques naturels, qui doit nous inspirer pour la nécessaire adaptation au changement climatique. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE)

Discussion des articles

Article 1er

Mme Christine Lavarde .  - Je me félicite de votre soutien à ma proposition de loi, madame la ministre. Ses rapporteurs sont auteur et rapporteur du présent texte - dont les trois articles auraient eu toute leur place dans mon texte. Nous travaillons en cohérence ! Il faudra rationaliser, dans le cadre de la navette. J'ai accepté d'abandonner mon texte pour qu'il puisse être redéposé à l'Assemblée nationale, et qu'on évite d'inutiles lectures : gagnons du temps, pour gagner en efficacité et en clarté. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-François Rapin.  - Avis favorable !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique .  - La longueur de votre texte - 22 articles - est un souci, dans un espace-temps limité : j'avoue que je bataille un peu. Mais nous partageons les mêmes objectifs. Ces textes sont transpartisans, nous sommes alignés. Avançons.

M. le président.  - Amendement n°19 de M. Pascal Martin, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - Nous clarifions les règles applicables à l'entretien des cours d'eau incombant aux propriétaires riverains, en incluant explicitement l'hypothèse de l'intervention des autorités gemapiennes en substitution des propriétaires. Nous renvoyons au décret les modalités d'intervention des autorités gemapiennes. Enfin, nous précisons que les travaux rendus nécessaires par une inondation sont inclus dans les opérations d'entretien régulier.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Avis très favorable.

L'amendement n°19 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°16 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - La cellule d'appui technique a déjà été instaurée par la loi Maptam de 2014, pour accompagner les collectivités territoriales dans la mise en oeuvre de la Gemapi. Elle s'est réunie sur l'initiative des préfets coordonnateurs de bassin jusqu'en 2020 - quand elle a été jugée inutile. Il n'y a pas lieu de les réactiver, d'autant que l'article 3 crée une réserve d'ingénierie.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - La mission d'appui technique créée par la loi Maptam a perduré jusqu'en 2020. Depuis la loi de 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, les conseils départementaux accompagnent les communes et EPCI qui manquent de moyens pour l'entretien des milieux aquatiques et la prévention des inondations. La cellule prévue à l'article 1er risque en effet de faire doublon. Sagesse.

L'amendement n°16 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°20 de M. Pascal Martin, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - Cet amendement élargit le périmètre des interventions susceptibles de relever de la procédure d'urgence à des opérations stratégiques telles que la prévention des dommages durant l'inondation, comme l'effondrement d'une berge, ou les travaux extérieurs aux cours d'eau. Il tire les leçons des réponses apportées par l'État dans les Hauts-de-France lors des inondations de 2023 et 2024.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Avis très favorable à cet amendement issu des remontées de terrain. Le préfet de région des Hauts-de-France a fait un travail remarquable, mais en prenant des risques juridiques. Il faut avant tout protéger les habitants.

L'amendement n°20 est adopté.

L'article 1er, modifié, est adopté.

Après l'article 1er

M. le président.  - Amendement n°21 de M. Pascal Martin, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - Coordination avec la nouvelle procédure d'autorisation environnementale prévue par la loi Industrie verte, qui prévoit des délais d'instruction et de consultation du public réduits. Cet amendement raccourcit le délai de consultation de trois mois à quarante-cinq jours, pour rendre opérationnelle la procédure d'urgence.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°21 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°18 rectifié du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Amendement de coordination entre les dispositions du code de l'environnement et du code rural et de la pêche maritime.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - L'amendement clarifie l'existence d'une servitude pour les travaux d'entretien des cours d'eau assurés par les collectivités sur les terrains privés. En effet, les collectivités ont parfois des difficultés pour intervenir alors qu'elles ont obtenu la déclaration d'intérêt général (DIG).

Cet amendement précise également les modalités des interventions d'urgence sur les terrains privés, et clarifie la possibilité de recourir à la DIG sans enquête publique pour l'entretien des cours d'eau. Enfin, il introduit une DIG simplifiée sans enquête publique pour les travaux visant à rétablir les fonctionnalités naturelles des cours d'eau.

Avis favorable à cet amendement dense mais utile.

M. Jacques Fernique.  - Nous ne voterons pas cet amendement, qui va trop loin dans la simplification et affaiblit la démocratie environnementale.

L'amendement n°18 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

L'article 2 est adopté.

Après l'article 2

M. le président.  - Amendement n°22 de M. Pascal Martin, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - Nous facilitons l'élaboration des projets Papi en appliquant le principe « dites-le nous une fois » : il ne sera plus nécessaire d'inscrire dans l'étude d'impact les éléments figurant déjà dans le rapport sur les incidences environnementales. Ce sera un gain de temps, qui, en la matière, peut sauver des vies.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°22 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°23 de M. Pascal Martin, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - Reconnaissons a priori la raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM), aux actions inscrites dans un Papi, afin de faciliter la délivrance d'une dérogation « espèces protégées ».

L'évaluation en amont a démontré sa pertinence : un euro investi dans la prévention via le fonds Barnier, permet de sauver trois euros en moyenne. Il s'agit de prendre en compte le « coût du sauvé ».

Les analyses socio-économiques et l'évaluation environnementale apportent des garanties sur l'intérêt du programme et des projets. On s'inspire de ce qui prévaut en matière d'installation d'éoliennes.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Avis favorable.

M. Jacques Fernique.  - Je comprends la volonté d'accélérer, mais l'automaticité pour la RIIPM pose question. Elle peut relever d'une appréciation discrétionnaire de l'administration, qui n'est pas forcément en mesure, à ce stade, de mesurer les incidences du projet sur l'environnement. Nous voterons contre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - La RIIPM n'exclut pas d'apprécier l'impact sur l'environnement. Il y a deux autres conditions, en sus de l'intérêt public majeur, pour prononcer une dérogation « espèces protégées », qui prennent bien en compte l'impact environnemental.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - Ces deux autres conditions sont : l'absence de solution alternative satisfaisante, et ne pas nuire au maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

L'amendement n°23 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié de Mme Aeschlimann et alii.

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - La simplification de la mise en oeuvre des Papi répond à une demande unanime des collectivités et des acteurs de la prévention. Leur élaboration est un parcours du combattant. En 2023, l'intégration d'une obligation d'information environnementale a alourdi le montage administratif.

Sans négliger les enjeux environnementaux, ne perdons pas de vue les réalités de terrain.

Nous demandons un rapport pour continuer à simplifier les Papi, de sorte que les collectivités locales se concentrent sur l'essentiel : la prévention et l'accompagnement.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Avis défavorable à cette demande de rapport, selon une jurisprudence bien établie ici. Nous travaillons constamment à la simplification, et sommes à votre disposition pour être auditionnés. Mais à l'heure où l'on s'interroge sur le format des administrations, je préfère qu'elles agissent sur le terrain plutôt que d'élaborer un énième rapport.

L'amendement n°9 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°13 de M. Gillé et du groupe SER.

M. Hervé Gillé.  - Madame la ministre, la jurisprudence n'est pas constante : parfois, les rapports sont demandés par la majorité sénatoriale et acceptés !

M. Laurent Somon.  - C'est l'exception qui confirme la règle...

M. Hervé Gillé.  - Cet amendement demande un bilan du financement de la prévention des inondations, car ce reporting fait actuellement défaut. Quel est le niveau d'engagement financier en fonction des Papi, si longs à se mettre en place ? Nous voulons un état des lieux. Le refuser, c'est refuser la transparence budgétaire sur ces sujets. Mon rapport sur la gestion durable de l'eau préconisait des financements complémentaires, car certains Papi sont dans l'impasse. Un tel rapport serait fort utile.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - Cette proposition de loi est une première étape, qui vise à apporter des solutions pratiques et techniques aux collectivités ; il y en aura d'autres, sur le foncier, le financement, la fiscalité. Vous aurez l'occasion d'aborder le sujet du financement dans le cadre de la mission d'information de la délégation aux collectivités territoriales relative à la taxe Gemapi. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Même avis. Toutes les données sont disponibles sur le site de la direction générale des collectivités locales (DGCL). La taxe Gemapi a rapporté aux collectivités 274,9 millions d'euros en 2021, soit 7,50 euros par habitant assujetti. Son produit a été multiplié par onze entre 2017 et 2021, et a augmenté de 35 % entre 2020 et 2021. Pour autant, en 2023, près d'un quart des intercommunalités ne l'avaient pas encore adoptée. C'est pourtant un outil de financement puissant, en complément du fonds Barnier.

Ces informations sont disponibles en ligne. Au moment où l'on me demande de faire des économies et de réduire le nombre de fonctionnaires de mon administration, je préfère les orienter vers les bons sujets. Nous sommes à votre disposition pour être auditionnés.

L'amendement n°13 n'est pas adopté.

Article 3

M. le président.  - Amendement n°24 rectifié de M. Pascal Martin, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - Nous confirmons le principe de la réserve d'ingénierie, car les élus locaux attendent une solidarité territoriale, mais confions au décret le soin de définir les modalités de sa mise en oeuvre. En effet, il apparaît que les centres de gestion, chargés principalement des ressources humaines, ne sont pas les mieux placés pour remplir cette mission.

M. le président.  - Amendement n°10 de Mme Di Folco.

Mme Catherine Di Folco.  - Ancienne présidente d'un centre de gestion de la fonction publique territoriale, je confirme que la mission dévolue aux centres de gestion par l'article 3 ne correspond pas du tout à leurs compétences. Certes, ils peuvent mettre à disposition du personnel dans les communes, mais seulement leurs propres agents. Ils sont compétents en matière de ressources humaines, pas d'ingénierie.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - Votre amendement substitue aux centres de gestion le préfet de région, or celui-ci n'a aucun pouvoir sur les fonctionnaires territoriaux, au nom de la libre administration des collectivités territoriales. Reste qu'effectivement, les centres de gestion ne sont pas les mieux placés pour assurer l'animation et la coordination de la réserve. Retrait, au bénéfice de mon amendement qui renvoie au pouvoir réglementaire le soin d'en fixer les modalités.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Avis favorable à l'amendement n°24 rectifié. Demande de retrait de l'amendement n°10 à son profit. En effet, la rédaction actuelle n'est pas satisfaisante.

Mme Catherine Di Folco.  - Merci au rapporteur d'avoir bien compris le problème. Je vous fais confiance pour la suite.

L'amendement n°10 est retiré.

L'amendement n°24 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis de Mme Borchio Fontimp et alii.

M. Jean-Marc Delia.  - Les collectivités doivent évaluer elles-mêmes l'aide dont elles ont besoin lorsqu'elles déposent une demande au titre de la DSEC. Mais elles manquent des moyens techniques et humains pour y procéder dans les délais requis, ce qui les empêche d'accéder aux aides auxquelles elles ont pourtant droit.

Cet amendement de bon sens précise que le guichet unique créé à l'article 3 aidera également les collectivités à évaluer la nature et le coût des dégâts, pour reconstruire plus rapidement et plus sereinement.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Retrait, sinon rejet.

Premier cas de figure : le bien est assuré, et il revient aux experts des assurances de faire l'évaluation, pas à l'État.

Deuxième cas de figure, les biens sont non assurables : la collectivité réalise une première estimation, le préfet fait un contrôle de premier niveau, et peut s'appuyer sur l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (Igedd) pour un contrôle de second niveau ; c'est obligatoire quand le montant des dégâts éligibles dépasse 1 million d'euros. Lorsqu'il dépasse 6 millions d'euros, la mission est réalisée par l'Igedd et l'IGA.

En réalité, votre amendement est donc satisfait, mais ces dispositifs sont méconnus. En Haute-Loire, en Ardèche et dans le Rhône, le système a très bien fonctionné. Ces phénomènes étant de plus en plus fréquents, les choses se font plus rapidement.

L'amendement n°1 rectifié bis est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

M. Jean-Pierre Corbisez.  - Rappel au règlement. Christine Lavarde nous annonçait il y a quelques mois que la prime CatNat augmenterait. En effet : de 12 à 20 %, une première depuis vingt-cinq ans ! En clair, les Françaises et les Français remboursent les compagnies d'assurances.

Notre amendement n°15, déclaré irrecevable au titre de l'article 40, proposait un fonds de compensation abondé par les compagnies d'assurances, administré par la caisse centrale de réassurance, pour compenser les écarts de sinistralité entre les zones, sachant que quelque 1 500 communes seraient sans assurance. Y voir une charge publique, c'est un peu fort de café !

M. le président.  - Acte en est donné, même si ce n'était pas exactement un rappel au règlement

Après l'article 3

M. le président.  - Amendement n°17 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Monsieur Corbisez, toutes les collectivités locales ont bien une assurance : la direction générale du Trésor y veille.

M. Hervé Gillé.  - Avec des tarifs qui augmentent de 50 %...

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Tous ceux qui ont été élus locaux le savent, l'élaboration d'un plan de prévention des risques naturels (PPRN) est fastidieuse et complexe. Or ces plans devront être ajustés pour tenir compte des nouveaux risques. Cet amendement simplifie l'opération, pour éviter l'effet tunnel que les élus locaux connaissent bien.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - L'idée d'accélérer l'élaboration des PPRN aurait pu nous séduire. Mais l'amendement prévoit de paralléliser les délais de consultation des conseils municipaux et des EPCI concernés par un projet de PPRN, et de limiter le temps pendant lequel les maires peuvent s'exprimer après l'avis de leur conseil municipal : c'est une régression.

En outre, il substitue une publication au recueil des actes administratifs du département à un affichage en mairie.

Un PPRN emporte des servitudes d'urbanisme qui ne sont pas neutres, et les administrés ont l'habitude de consulter les panneaux d'affichage, pas de consulter le recueil des actes administratifs. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Tous les élus locaux sont consultés. Cet amendement rend simplement les procédures parallèles, plutôt que de les enchaîner les unes après les autres. C'est la démarche que vous avez adoptée dans la loi Industrie verte.

Nombre d'entre vous réclament souvent des simplifications : en voici une. Des habitudes ont été prises, qui ne sont pas illégitimes, mais que nous devons accepter d'abandonner pour simplifier.

Mme Christine Lavarde.  - Madame la ministre, vous avez répondu récemment à l'une de mes questions écrites : les acteurs économiques ont du mal à comprendre qu'ils ne puissent pas installer une crèche au rez-de-chaussée d'un immeuble en zone inondable dans les Hauts-de-Seine, alors que c'est possible dans le Doubs. Vos services m'ont répondu qu'il s'agissait d'un problème de temporalité. C'est incompréhensible pour les acteurs : ils se retournent contre les maires, qui se retrouvent en porte-à-faux.

Monsieur Corbisez, soyez rassuré : l'augmentation de la surprime CatNat n'enrichit pas l'assureur. Si l'assureur a choisi la Caisse centrale de réassurance (CCR) comme réassureur - c'est le cas dans 95 % des cas - la prime d'assurance est mutualisée dans le fonds de réassurance.

M. Hervé Gillé.  - Attention aux PPRN et aux plans de prévention des risques d'inondation (PPRI) ! Si vous n'êtes pas assez vigilant sur les zones, cela engendre des contentieux devant les tribunaux administratifs - je pense à des relevés de terre qui sont classés en digues... Je suivrai l'avis du rapporteur.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Monsieur Gillé, je ne suis pas d'accord : nous parlons de l'inondabilité des territoires. Ce sont des données qui nous sont fournies par les experts.

M. Hervé Gillé.  - L'épaisseur du trait, vous connaissez ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Cet amendement n'a aucune conséquence sur les risques de contentieux. Monsieur le rapporteur, vous avez mentionné l'affichage des documents en mairie : les habitants y portent peu d'intérêt. Ils se manifestent peu dans les consultations. En revanche, cet affichage est très utilisé pour ceux qui veulent contester systématiquement.

Près de deux tiers de mes équipes font du contentieux à plein temps, en rédigeant des mémoires de défense ; il faut s'interroger !

Souvent ces procédures relèvent du not in my backyard (Nimby), voire relèvent d'arrière-pensées politiques. Résultat : plus personne n'y comprend rien, avec les conséquences politiques que l'on sait.

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

Vote sur l'ensemble

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - Merci aux auteurs de ce texte, au rapporteur et à la ministre, qui a suivi l'élan du Sénat.

Nous avons clarifié certaines dispositions sur la gestion des cours d'eau, ex-post. Mais il faudrait informer les élus de ce qu'ils peuvent faire ex-ante  - je pense aux embâcles, par exemple.

Le référent Papi et la réserve d'ingénierie vont dans le bon sens. Mais ce texte est un premier pas qui en appelle d'autres. Nous devons nous pencher sur d'autres enjeux : le financement, la péréquation, l'adaptation du fonds Barnier, les avances de trésorerie pour les travaux après inondations. Je peux témoigner de ce qu'on m'a dit sur le terrain dans le bassin de l'Armançon ou du Serein, dans l'Yonne, qui ont fait face à des inondations. J'espère que nous retrouverons en séance l'unanimité de notre vote en commission.

Mme Maryse Carrère .  - Merci au rapporteur et au président de la commission. Je salue MM. Roux et Rapin, qui nous ont fait profiter de leur expérience locale dans la vallée de l'Ubaye et dans le Pas-de-Calais.

Je remercie la ministre, qui a déclenché la procédure accélérée sur ce texte. Les élus locaux souffrent de la complexité des procédures. Je sais de quoi je parle, puisque j'étais membre d'un syndicat gemapien lors de l'inondation du gave de Pau et que j'ai été à la manoeuvre pour l'élaboration d'un Papi : c'est très complexe.

Les acteurs de territoire seront satisfaits par ce texte, qui apporte une première pierre à l'édifice. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et du groupe UC ; M. Jean-François Rapin applaudit également.)

M. Jean-François Rapin, auteur de la proposition de loi .  - On sent qu'on pourrait encore ajouter des articles aux articles... Je souscris aux propos de Jean-Baptiste Lemoyne : il peut être compliqué pour une petite commune d'avancer de l'argent pour effectuer des travaux d'urgence. Notre Caisse des dépôts et consignations a beaucoup d'argent. Les maires ne peuvent aller voir le banquier, même si le préfet a dit qu'il subventionnerait à 80 ou à 100 % ; la Caisse des dépôts est l'acteur le plus adapté.

Je remercie Maryse Carrère d'avoir rappelé que nous étions des élus de terrain : je le suis depuis près de vingt-cinq ans. Nous espérons que ce texte sera examiné rapidement à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE et sur quelques travées du RDPI)

M. Michel Canévet .  - Le groupe UC salue cette initiative de Jean-Yves Roux et Jean-François Rapin, ainsi que le travail de la rapporteure. Mes collègues Patru et Bleunven peuvent en témoigner : la Bretagne a elle aussi été touchée par les inondations.

Je salue l'initiative du Gouvernement en faveur de la simplification des procédures : c'est nécessaire lorsque nous agissons dans l'urgence. Le groupe UC votera cette proposition de loi.

M. Hervé Gillé .  - Ce texte va dans le bon sens, mais cette première brique doit s'agglomérer à d'autres travaux - je pense aux travaux de la délégation aux collectivités territoriales.

Ces sujets font l'objet de consensus politiques. Madame la ministre, dialoguons pour avancer le plus vite possible. Il y aura des sécheresses et des pluies intenses : il faut adapter nos modèles.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre .  - Merci à tous. Attention aux contentieux, qui mettent mes équipes en grande souffrance, qu'il s'agisse de projets d'accélération des énergies renouvelables ou d'adaptation au changement climatique.

Jean-Baptiste Lemoyne et d'autres ont souligné que ce texte est une petite pierre sur un long chemin.

Lundi, lors de la présentation du plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc), plusieurs feuilles de route seront tracées : trait de côte, montagne, forêt, inondation... Des angles morts existent : pour les biens non assurables, ce n'est pas avec 40 millions d'euros que l'on pourra faire face. Réorientons l'action écologique vers la protection des populations : un euro investi dans la prévention permet d'éviter une dépense de 8 euros.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

(Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC)

La séance est suspendue quelques instants.

Lutte contre les usages détournés du protoxyde d'azote

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d'azote, présentée par M. Ahmed Laouedj et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

M. Ahmed Laouedj, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La consommation détournée de protoxyde d'azote - le « gaz hilarant » - est un enjeu de santé publique. Il touche de plus en plus de jeunes et mineurs. Des mesures ont été prises en 2021, mais nous devons aller plus loin.

La consommation de protoxyde d'azote est un phénomène de société. Il est de plus en plus détourné à des fins récréatives, surtout par les jeunes attirés par sa facilité d'accès. Cette tendance est préoccupante, avec l'augmentation des cas d'intoxication grave, voire de décès.

La loi du 1er juin 2021 a interdit la vente de protoxyde d'azote aux mineurs, mais elle comporte des lacunes.

Les saisies massives réalisées, comme celle de 31 tonnes à Drancy en 2024 ou les 1 221 cartouches saisies à Aulnay-sous-Bois en 2021 témoignent de la prégnance de ce phénomène.

Plusieurs maires, notamment dans mon département de Seine-Saint-Denis, ont interdit la vente et la détention de ce produit dans leur commune.

Cela montre qu'il faut une législation nationale plus stricte.

Cette proposition de loi sanctionne la consommation détournée de protoxyde d'azote par des sanctions pénales, interdit la détention par les mineurs, prévoit une sensibilisation par une mention sur chaque contenant, et crée un suivi rigoureux de la vente en ligne.

Elle soumettait initialement la vente de protoxyde d'azote à une autorisation administrative et interdisait la vente de nuit ; la commission des affaires sociales, considérant que cela contrevenait à la libre circulation des marchandises, a préféré un régime déclaratif qui ne pénalise pas les circuits légaux, notamment la grande distribution. J'aurais voulu aller plus loin, mais je comprends ces contraintes.

Il faut en parallèle renforcer les actions d'information et de prévention envers les jeunes, notamment en milieu scolaire.

Selon l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), une grande partie des jeunes consommateurs ne perçoivent pas les dangers d'une telle consommation. Une campagne de long terme est nécessaire.

En outre, l'enjeu environnemental du protoxyde d'azote ne peut être ignoré - le hasard de notre ordre du jour en témoigne aujourd'hui. L'abandon sur la voie publique des cartouches et des bonbonnes de protoxyde d'azote provoque de graves explosions dans les installations d'incinération des déchets.

La proposition de loi prévoit donc de sanctionner les dépôts de bonbonnes sur la voie publique.

Notre objectif n'est pas d'interdire les usages légitimes du protoxyde d'azote, mais ses utilisations détournées. Les jeunes doivent être protégés. Le protoxyde d'azote est accessible à des prix très bas, y compris en ligne. Si la législation a interdit l'accès au protoxyde d'azote aux jeunes de moins de 18 ans, ceux-ci parviennent à s'en procurer.

Je remercie la rapporteure Maryse Carrère, avec qui les échanges ont été constructifs, et le RDSE qui a accepté l'inscription de ce texte à notre ordre du jour.

Il est de notre responsabilité de prendre des mesures concrètes pour lutter contre ce fléau. Cette proposition de loi est un pas en avant, mais nous devons être mobilisés pour protéger les générations futures. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et du groupe INDEP ; M. Philippe Mouiller applaudit également.)

Mme Maryse Carrère, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - L'usage récréatif du protoxyde d'azote est un véritable problème de santé publique. En dépit du premier cadre législatif fixé en 2021, les autorités sanitaires ont multiplié leurs alertes ces dernières années et nous invitent à prendre des mesures fortes.

L'Assemblée nationale a adopté le 29 janvier une proposition de loi interdisant totalement la vente du protoxyde d'azote aux particuliers. Ce n'est pas notre perspective : nous luttons contre les mésusages. Les autorités médicales ne considèrent pas le protoxyde d'azote comme un stupéfiant.

Le protoxyde d'azote est un médicament inscrit sur la liste 1 des produits vénéneux et un produit de consommation courante considéré comme un additif alimentaire présent par exemple dans la crème fouettée ; c'est aussi un gaz de compression utilisé dans l'industrie automobile, l'horlogerie ou la photographie.

Au niveau européen, les cartouches à usage alimentaire sont régies par le règlement de 2008 sur les additifs alimentaires et par celui de 2011 relatif à l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires. Au niveau national, la loi de 2021 protège les mineurs du mésusage.

Le caractère licite de ce produit ne facilite pas la prévention. Malgré une vision lacunaire, les données disponibles dressent un panorama inquiétant. Les cas notifiés au centre d'addicto-vigilance ont été multipliés par quatre entre 2021 et 2023, passant de 120 à 458. Pas moins de 14 % des 18-24 ans en ont consommé en 2022.

D'autres signaux nous alertent : avec l'augmentation des contenants, les quantités inhalées sont de plus en plus importantes, jusqu'à plusieurs centaines de cartouches par jour, occasionnant une aggravation des symptômes cliniques - complications neurologiques et neuromusculaires dans 80 % des cas et hausse des troubles psychiatriques et des complications cardiovasculaires de type thrombotique.

En deuxième lieu, l'essentiel des ventes étant réalisé en ligne, parfois sur des sites hébergés hors de France, le contrôle des contenants est à peu près inexistant, bien que seules les cartouches de petits formats soient autorisées à la vente depuis le 1er janvier 2024 - la saisie de 13 000 bonbonnes en Île-de-France l'an passé l'illustre.

Les troubles à la tranquillité et à la sécurité publique se multiplient en zone urbaine. Les maires et les préfets interdisent la vente et la consommation de protoxyde d'azote la nuit ou certains jours, notamment à Marseille, à Lyon, à Montpellier, à Argenteuil ou à Saint-Ouen.

L'abandon massif de bonbonnes au bord des routes devient un problème de gestion des déchets pour les communes, avec les risques d'explosion.

La loi de 2021 laisse apparaître un bilan en demi-teinte. Si les magistrats affirment s'être approprié les dispositions législatives, les autorités de police soulignent qu'il est difficile de matérialiser les infractions et que les peines sont peu dissuasives : sauf pour l'incitation à la consommation, les amendes ne sont que de 3 750 euros.

Les travaux de notre commission ont conduit à l'adoption de plusieurs amendements pour renforcer ou pour équilibrer le texte. Nous pénalisons la consommation récréative de protoxyde d'azote, alignons certaines sanctions sur le régime de prévention de l'alcoolisme et prévoyons une sanction pour le non-respect des quantités autorisées.

Nous instaurons un régime de déclaration administrative permettant de recenser les vendeurs. Nous sanctionnons le dépôt de tout contenant de protoxyde d'azote sur la voie publique. Enfin, nous renforçons la prévention en milieu scolaire même si cela relève davantage de l'impulsion politique.

Malgré le faible recul dont nous disposons sur la loi de 2021, nous ne pouvons pas nous contenter du statu quo législatif. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe UC ; M. Philippe Mouiller applaudit également.)

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - Cette proposition de loi est une nouvelle initiative du Sénat contre le mésusage du protoxyde d'azote, cet anesthésiant qui, détourné, peut devenir une véritable drogue. Nous avons débattu à l'Assemblée nationale il y a quelques semaines de ce « gaz hilarant » ou « proto ».

C'est sur l'initiative de Valérie Létard que les pouvoirs publics ont réagi aux alertes de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et de l'OFDT. La loi du 1er juin 2021 a ainsi interdit sa vente aux mineurs et dans certains commerces tout en interdisant les dispositifs facilitant son usage détourné, comme les crackers.

Depuis plusieurs années, nous constatons une recrudescence des usages détournés chez les jeunes, et ce dès 10-11 ans. Il n'a d'hilarant que le nom, car les risques sanitaires sont majeurs : chutes, brûlures, asphyxie, paralysie, troubles neurologiques, hématologiques, cardiaques, mais également aussi impact psychosocial, isolement, dépendance amenant de troubles psychologiques, sans compter les accidents sur la voie publique et la mise en danger d'autrui.

Je pense aussi aux risques écologiques : les bonbonnes de protoxyde d'azote entraînent les explosions quasi quotidiennes dans les usines d'incinération. Selon le syndicat national de valorisation des déchets, le coût par incident peut atteindre 200 000 euros.

Nous avons donc renforcé notre arsenal en la matière : l'arrêté de 2023 interdit la commercialisation de bouteilles et bonbonnes, limite la taille des cartouches à 8,6 g maximum et leur vente à dix unités par acte d'achat. Si l'on en veut plus, ce n'est pas pour faire de la crème chantilly ! Le décret du 20 décembre 2023 renforce les obligations légales des emballages, qui doivent mettre en garde contre les risques d'intoxication et d'inhalation.

L'Europe se mobilise : une procédure est en cours qui pourrait aboutir à l'interdiction du produit. En mars 2023, le comité d'experts de l'Agence européenne des produits chimiques a classé le protoxyde d'azote comme un produit neurotoxique et reprotoxique ; ce classement doit désormais être confirmé par la Commission dans les douze mois.

J'accueille donc très favorablement cette initiative, sous réserve de quelques ajustements. Veillons à proportionner et à coordonner les dispositions de ce texte avec d'autres textes ; et à bien aligner ce texte avec le droit européen.

Il faut mener le combat sur le terrain. Les interdictions doivent être respectées et les contrôles, effectifs.

Nous devons progresser en matière de prévention, grâce à une politique d'« aller-vers ». Plusieurs initiatives se développent, à l'instar de la campagne « Le proto, c'est trop risqué d'en rire » menée par les ARS d'Île-de-France et des Hauts-de-France. Elles ont eu un véritable succès auprès des jeunes, grâce à des vidéos, impliquant le présentateur Jamy Gourmaud, qui sont très instructives sur la physiopathologie du gaz hilarant et sa localisation frontale.

Je salue le renforcement du volet prévention du texte, grâce au travail de la commission. Nous devons détourner les jeunes de cette substance, qui cause de graves atteintes à la santé mentale. Nous devons faire en sorte que la société change de regard sur le protoxyde d'azote. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et du groupe UC ; M. Philippe Mouiller et Mme Marion Canalès applaudissent également.)

Mme Anne Souyris .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Depuis 1999, nous constatons un usage détourné du protoxyde d'azote. Cet usage, quoique médiatisé, demeure un phénomène mineur : en 2022, 4,3 % des adultes et 5,4 % des 15-18 ans ont déclaré en avoir consommé. Pour autant, les conséquences sanitaires nous invitent à lutter contre : brûlures par le froid, asphyxie, perte de connaissance, risques mortels de fausses routes, troubles neurologiques, troubles psychiques. Effectivement, ce n'est pas anodin - sans même parler de l'impact environnemental.

La loi Létard a interdit la vente de protoxyde d'azote aux mineurs et pour tous dans certains lieux. Force est de constater que la consommation n'a pas diminué. Le nombre de cas graves liés au protoxyde d'azote a été multiplié par quatre depuis ce texte.

Cette proposition de loi fait donc oeuvre utile : renforcement des sanctions pour la vente aux mineurs et l'incitation à l'usage détourné, renforcement de la prévention. Mais mon groupe s'oppose à la pénalisation de l'usage détourné du protoxyde d'azote. Comme je le précise dans ma proposition de loi Dépénalisation de l'usage des drogues, il faut admettre la réalité : la pénalisation n'a pas d'effet sur la consommation. Pis, elle est contre-productive : elle empêche le consommateur d'entrer dans un parcours de soins ; elle surmobilise les effectifs de police sur les consommateurs au détriment des trafiquants, comme on l'a vu à Paris concernant le protoxyde d'azote lui-même. Et les graves problèmes sociaux des mineurs qui en consomment ne sont pas résolus par les arrestations...

Le texte crée un régime de déclaration administrative pour la vente. C'est un mieux, mais nous privilégions l'interdiction générale de la vente aux particuliers.

L'usage licite de ce produit dans les siphons à chantilly n'est pas une nécessité. En préservant les usages médicaux, industriels, en restauration collective, gardons à l'esprit que c'est par l'information et la sensibilisation que nous préviendrons efficacement la consommation, comme pour le tabac. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Marion Canalès .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le protoxyde d'azote faisant fonction de stupéfiant est un fléau, qui touche surtout les jeunes. Utilisé dès 1799 dans un but euphorisant, ce gaz dit hilarant constitue en réalité un produit dangereux, sur les plans sanitaire comme environnemental.

Sa consommation entraîne des troubles psychiatriques et cardiaques. Or plus de 6 % des 18-74 ans en ont déjà consommé. Le mésusage de ce gaz a aussi des conséquences sur la sécurité routière : altérant la vigilance et les réflexes, il contribue à de nombreux accidents, parfois mortels.

Il convient de réserver la vente de ce produit aux usages professionnel, ce qui n'entravera pas son utilisation dans le cadre médical. Au reste, la Société française d'anesthésie et de réanimation recommande de privilégier les alternatives, à effet clinique équivalent, compte tenu de l'incidence de ce gaz, qui représente 1 à 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Depuis 2017, la vente du protoxyde d'azote s'intensifie. Elle se répand notamment dans les bars et boîtes de nuit. Ce phénomène a des conséquences considérables pour les collectivités territoriales sur le plan du ramassage et du traitement des déchets. Des communes, comme Montpellier, ont dû passer des contrats spécifiques. Au sein de Clermont Métropole, on en ramasse 300 bouteilles par mois.

Les communes prennent des arrêtés pour interdire la consommation, usent de rappel à l'ordre. En 2019, à Clermont-Ferrand, on a interdit l'usage aux mineurs.

En Seine-Saint-Denis, certaines communes, comme Saint-Ouen, ont pris des arrêtés pour interdire la consommation aux mineurs dès 2019. Aujourd'hui, certaines communes l'interdisent à tous, voire interdisent la vente. Nous devons les soutenir et instaurer un cadre juridique qui les sécurise.

La prévention est un enjeu essentiel. Il convient en particulier de relancer les campagnes d'information. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Daniel Chasseing .  - Je félicite l'auteur et le rapporteur du texte. Quel produit s'apparentant à un stupéfiant est simplement accessible en supermarché pour quelques euros ? C'est le protoxyde d'azote, dit « gaz hilarant ».

Son usage et sa détention sont licites. Il a une utilité médicale pour ses fonctions analgésiques et il est utilisé dans certains aérosols. Son usage atteint un niveau impressionnant chez les jeunes : c'est la troisième substance consommée parmi eux, après l'alcool et le tabac ou après le cannabis et les poppers - les sources varient.

En 2021, le nombre de cas graves est passé de 82 à 265 ; il a atteint 314 en 2023. Les risques sont nombreux : addiction, lésions neurologiques, troubles cardiaques. Les séquelles peuvent être irréversibles.

La consommation détournée de protoxyde d'azote pose aussi un problème environnemental, les bonbonnes vides s'accumulant à certains endroits. En 2023, Lyon en a collecté 7 tonnes...

Plusieurs communes ont interdit la vente et l'usage de ce produit dans l'espace public, mais une large partie des ventes a lieu sur internet.

La loi du 1er juin 2021 ne semble pas assez efficace pour lutter contre l'usage détourné du protoxyde d'azote. Nous devons la renforcer pour protéger davantage les jeunes.

C'est l'objet de cette proposition de loi : un an d'emprisonnement est prévu en cas de vente aux mineurs et l'abandon de bonbonnes sera sanctionné. J'ai déposé un amendement tendant à rétablir l'agrément pour la vente - ce qui nécessitera, certes, l'accord de la Commission européenne.

La répression ne suffira toutefois pas. La sensibilisation aux addictions, prévue dans le secondaire, devrait commencer dès la fin du primaire.

Le groupe INDEP votera évidemment cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Khalifé Khalifé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue l'initiative d'Ahmed Laouedj et le travail sérieux de la rapporteure Carrère.

Ce texte s'inscrit dans la continuité de la loi Létard. Il répond à l'augmentation inquiétante des accidents liés à la consommation détournée de protoxyde d'azote. Cette situation illustre la nécessité d'adapter les dispositions législatives aux mutations de notre société.

Ce produit est largement accessible au grand public : dans agroalimentaire, dans l'industrie, en médecine... Mais ses conséquences ont cessé depuis longtemps de nous faire rire.

L'âge moyen des consommateurs est de 22 ans, et plus de 5 % des élèves de troisième déclarent en avoir déjà consommé - les garçons étant deux fois plus nombreux que les filles.

L'effet éphémère du gaz favorise un usage répété. L'illusion d'une consommation contrôlée dans le cadre d'un groupe est dangereuse. Or les risques sont loin d'être anodins : complications neurologiques, neuromusculaires, cardiaques, voire mort subite. Certains troubles cognitifs ou psychiatriques sont irréversibles.

Les mécanismes à l'oeuvre sont les mêmes qu'avec l'opium ou la kétamine. Les instances européennes statueront prochainement sur la nature de ce produit.

Le protoxyde d'azote est un vrai fléau aussi en matière environnementale. Sa consommation de masse inquiète les collectivités, qui font face aux problèmes de collecte et de recyclage.

Nous aurions souhaité que le protoxyde d'azote soit réservé aux professionnels, mais son utilisation est utile dans certains secteurs, notamment l'agroalimentaire. Mme la rapporteure se souvient de ma question restée sans réponse lors d'une audition sur les possibilités de substitution.

Nous devons intensifier la prévention en attirant l'attention des collégiens, des lycéens et des étudiants sur la dangerosité de ce produit. Une mention sur les emballages serait aussi utile. Les consommateurs réguliers doivent être orientés plus précocement vers les centres d'addictologie, et les liens entre ces derniers et les services de neurologie doivent être renforcés.

Le groupe Les Républicains votera ce texte qui marque une avancée mais devra se doubler d'une campagne de prévention et d'accompagnement des victimes. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. Jean-Marc Delia et Philippe Mouiller et Mme Maryse Carrère applaudissent également.)

Mme Solanges Nadille .  - Après l'interdiction des dispositifs de vapotage à usage unique, nous débattons d'un autre fléau de consommation parmi les jeunes : le protoxyde d'azote, à la fois produit médical et d'utilisation courante.

Son usage est de plus en plus détourné, du fait de ses propriétés hilarantes. Mais risquer de mourir de rire n'est pas un sujet drôle. Selon la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, la liste des conséquences de ce produit est longue : asphyxies, pertes de connaissance, brûlures, troubles neurologiques, hématologiques, psychiatriques et cardiaques.

La consommation de protoxyde d'azote entraîne en outre des attroupements sur la voie publique et des difficultés dans les centres de recyclage. Il semble que ce gaz soit en cause aussi dans certains accidents de la route.

Plusieurs municipalités ont pris des arrêtés pour interdire l'utilisation du protoxyde d'azote, mais ils sont insuffisants car limités dans le temps et l'espace. Il faut donc compléter la loi de 2021. Les dispositions actuelles n'empêchent pas l'apparition de réseaux contre lesquels les autorités ont du mal à lutter.

Nous soutenons la pénalisation de la consommation détournée à l'article 1er. Il est opportun de renforcer les peines applicables en cas de vente à un mineur et de sanctionner l'abandon des cartouches et bonbonnes sur la voie publique.

L'article 2 prévoit que les dangers liés à la consommation détournée de protoxyde d'azote figurent au programme des séances de prévention des conduites addictives organisées dans les établissements secondaires : nos jeunes doivent en effet être sensibilisés au plus tôt.

Ces évolutions, demandées par les professionnels de santé et attendues par les élus locaux, vont dans le bon sens. La question des moyens humains se poste toutefois, car les forces de l'ordre sont déjà très sollicitées pour des tâches considérées, à juste titre, comme plus importantes.

Nous voterons naturellement ce texte qui marche sur deux jambes : répression et prévention. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Maryse Carrère et M. Philippe Mouiller applaudissent également.)

Mme Véronique Guillotin .  - Vertiges, chutes, brûlures, complications neurologiques et cardiovasculaires, voire décès : tels sont quelques-uns des dangers du protoxyde d'azote, qui cause en outre de nombreux troubles à l'ordre public, sans parler des problèmes dans les usines d'incinération.

Autant de motifs de légiférer, car la loi Létard, appliquée tardivement, ne suffit déjà plus. Quelque 4,3 % des 18-75 ans avaient déjà consommé ce produit en 2022, avec un âge moyen de 22 ans. On ne compte plus les contenants jetés sur la voie publique, et les réseaux d'importation et de revente illicites sont structurés comme pour les stupéfiants.

En mars 2023, l'agence européenne des produits chimiques a classé le protoxyde d'azote comme produit dangereux. La Commission européenne envisage de nouvelles restrictions de vente.

La loi doit devancer les évolutions plutôt que de tenter de courir derrière elles. Sur la soumission chimique, il a fallu attendre l'affaire Pelicot. N'attendons pas que les drames continuent de se multiplier.

Sur le volet préventif, le texte renforce la sensibilisation dans les collèges et lycées. Il est prévu d'interdire la vente entre 22 heures et 8 heures et de renforcer les sanctions, avec des amendes allant jusqu'à 750 euros ou un an de fermeture administrative en cas de vente à des mineurs et 100 000 euros en cas de non-respect des quantités maximales autorisées à la vente. Sans oublier les dépôts sauvages, qui seront sanctionnés par une amende de 1 500 euros.

Nous espérons une adoption définitive de ce texte dans des délais rapides, pour remettre le protoxyde d'azote à sa place, c'est-à-dire en cuisine et dans les hôpitaux.

Mme Jocelyne Guidez .  - Le protoxyde d'azote a cessé de faire rire. Le protoxyde d'azote est devenu un poison du quotidien, une menace silencieuse pour notre jeunesse. En quelques années, ce gaz est devenu une substance récréative et s'est transformé en crise sanitaire.

Après la loi Létard, ce texte est bienvenu. Je salue Ahmed Laouedj et la rapporteure Maryse Carrère.

Ce gaz n'est pas anodin. En quelques secondes, le gaz provoque une euphorie brève et intense, masquant des conséquences dramatiques : le rire d'un instant peut se transformer en une souffrance de toute une vie.

Le protoxyde d'azote entraîne des carences, agit sur la moelle épinière, provoque des pertes de sensibilité, perturbe le système cardiovasculaire.

Les chiffres sont glaçants : en 2023, 314 cas graves ont été enregistrés, contre 84 en 2020. En 2021, 80 % d'entre eux concernaient des complications neurologiques.

Cette crise sanitaire a un coût pour notre système de santé : consultations, examens spécialisés, rééducation. Or prévenir coûte moins cher que guérir : voilà pourquoi il faut aussi renforcer la prévention, notamment auprès des jeunes.

Sur les réseaux sociaux, les vidéos banalisant, voire glorifiant cette pratique circulent. L'hyperconnexion des jeunes accélère la diffusion de ces comportements à risque. Je salue donc les campagnes de sensibilisation sur les réseaux sociaux.

Mais le phénomène a envahi l'espace public : capsules sur les trottoirs, nuisances sonores, bonbonnes abandonnées, attroupements nocturnes... Cela devient un problème de vivre-ensemble.

Comme souvent, les collectivités sont en première ligne. Les maires multiplient les arrêtés, mais ces mesures sont limitées dans le temps et dans l'espace. Les collectivités, la police et la justice ont besoin d'un cadre juridique renforcé. Ce texte y pourvoit.

Un véritable marché parallèle prospère : on peut commander des bonbonnes de plusieurs litres en quelques clics, depuis les Pays-Bas, la Belgique ou la Pologne. En 2024, 30 tonnes ont été saisies en Île-de-France, 21 tonnes à Vénissieux en 2023 et 14 tonnes en Seine-et-Marne en 2022. Cette proposition de loi vise à mettre un coup d'arrêt à cette économie souterraine.

L'interdiction locale peut sembler séduisante, mais elle a ses effets pervers, notamment pour le secteur médical. Doit-on priver de liberté une majorité pour protéger une minorité de ses excès ? Faudrait-il interdire la vente de crème chantilly ? En suivant le mythe d'Icare, nous aurions pu interdire les plumes et la cire à tous, de peur qu'un seul se brûle les ailes... Ce texte repose sur une régulation intelligente plutôt que sur une interdiction aveugle et inefficace.

Nous avons l'occasion de voter un texte équilibré et pragmatique. Un texte qui protège sans interdire aveuglément, qui anticipe au lieu de subir. Le groupe UC votera cette proposition de loi : nous le devons à nos jeunes, à nos collectivités et à notre système de santé. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et du RDSE)

Mme Silvana Silvani , rapporteur.  - L'usage récréatif du protoxyde d'azote remonte au XVIIIe siècle et s'est développé dans les soirées étudiantes, surtout à Lille. En trois ans, il s'est généralisé à l'ensemble du territoire.

C'est un gaz toxique pour l'organisme humain.

Selon l'enquête de Santé publique France d'octobre 2023, plus de 10 % des jeunes de 18 à 24 ans en ont déjà consommé. La consommation progresse et touche un public parfois très jeune.

De nombreux élus sont désemparés face à ce fléau et ont besoin d'être accompagnés.

La loi de 2021, première étape, n'a pas suffi : les sites internet continuent de vendre librement des bonbonnes toujours plus grosses et de faire de la publicité sur les réseaux sociaux.

Nous saluons l'initiative du RDSE, mais nous souhaitons formuler plusieurs remarques.

Nos collègues auraient pu utiliser la proposition de loi transpartisane adoptée le 29 janvier dernier à l'Assemblée nationale, pour une issue rapide.

Sur le fond, je salue la suppression par la rapporteure de certaines dispositions répressives. Mais nous regrettons que le texte maintienne une peine d'un an de prison et de 3 750 euros d'amende pour l'usage détourné du protoxyde d'azote : cette sanction est disproportionnée et inefficace.

L'article 2 évoque la prévention, mais trop partiellement : le Gouvernement devrait lancer une campagne nationale de prévention, à l'instar de celles des ARS d'Île-de-France et des Hauts-de-France.

Et nous devons aller plus loin en interdisant la vente en ligne aux particuliers.

Il faut une politique de prévention auprès des jeunes. Or ce texte renforce l'arsenal répressif, sans s'attaquer à la circulation du protoxyde d'azote chez les jeunes. C'est pourquoi, en l'état, le groupe CRCE-Kanaky s'abstiendra.

Discussion des articles

Article 1er

M. le président.  - Amendement n°9 de Mme Souyris et alii.

Mme Anne Souyris.  - Il ne faut pas pénaliser l'usage détourné du protoxyde d'azote ; parce que l'approche répressive ne fonctionne pas ; parce que cela entraîne un détournement des forces de police ; parce que lorsque la prévention devient une priorité, elle connaît le succès - voyez le Portugal ; enfin, parce que ce texte est contradictoire : en 2021, 100 millions de cartouches ont été vendues ; si le danger est avéré, pourquoi maintenir une vente partielle plutôt que de la réserver aux professionnels ?

La loi de 2021 n'a pas fonctionné : nous proposons donc de supprimer la pénalisation.

Mme Maryse Carrère, rapporteure.  - Ce texte crée une infraction spécifique, afin d'agir sur les consommateurs et de faciliter le contrôle de ces mésusages, pour mieux les circonscrire. Pour éviter toute surcharge du système judiciaire, la commission a transformé la sanction en contravention.

Le texte n'est pas uniquement répressif, au contraire : la commission a adapté le niveau des sanctions et renforcé le volet relatif à la prévention. Les associations accomplissent un travail important de réduction des risques, il faut les soutenir.

Avis défavorable.

M. Yannick Neuder, ministre.  - Avis très défavorable : je ne partage en rien votre position, madame Souyris.

On recense quand même dix décès par an à cause du protoxyde d'azote et les effets sur la santé sont majeurs. L'absence de sanctions enverrait un contre-signal à notre jeunesse.

La légalisation du cannabis conduit à des addictions à des drogues plus dures, selon plusieurs addictologues. Certes, certains disent le contraire, mais je ne peux être favorable à votre amendement ni en tant que ministre ni en tant que médecin.

Mme Marion Canalès.  - Un pas a été fait par la rapporteure, qui a réduit la sanction prévue. Mais, comme pour le cannabis avec les amendes forfaitaires, on est dans une gestion des flux. Et on ne parle plus des orientations sanitaires et sociales, des injonctions thérapeutiques, des travaux d'intérêt général... Il manque une réflexion autour la sanction, dans tous ses aspects - judiciaire, mais aussi médico-social et sanitaire.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°6 de Mme Canalès et du groupe SER.

Mme Marion Canalès.  - Cet amendement interdit la vente de protoxyde d'azote aux particuliers. Le dispositif que l'on nous propose ici est complexe et difficilement contrôlable, contrairement à celui, beaucoup plus simple, voté à l'Assemblée nationale. Une telle interdiction n'empêcherait pas les usages médicaux et professionnels et fait écho aux arrêtés d'interdiction pris par de nombreux maires, à Saint-Ouen, Marseille ou Dijon.

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié de Mme Souyris et alii.

Mme Anne Souyris.  - Nous demandons aussi l'interdiction de la vente de protoxyde d'azote aux particuliers. Monsieur le ministre, vous avez pourtant bien dit que c'était un problème majeur de santé publique !

L'interdiction actuelle est inefficace. Nous avons une solution simple et efficace, qui évite la banalisation, alors que plus de 50 % des sites et des grandes surfaces proposent toujours le protoxyde d'azote en libre-service. Vous évoquiez un signal ? Eh bien, l'Irlande et les Pays-Bas, après avoir interdit ce produit, ont constaté une baisse de 30 % des intoxications en un an !

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié bis de M. Chasseing et alii.

M. Daniel Chasseing.  - Il s'agit de remplacer la déclaration par un agrément, pour une meilleure traçabilité.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié de M. Pillefer et alii.

M. Bernard Pillefer.  - Le protoxyde d'azote est de plus en plus détourné de son usage. La loi de 2021 interdit la vente et la distribution des crackers. Nous proposons de pénaliser leur détention et leur transport.

M. le président.  - Amendement n°11 de Mme Carrère, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Maryse Carrère, rapporteure.  - Amendement rédactionnel.

Avis défavorable aux amendements nos6 et 10 rectifié : le protoxyde d'azote est un produit de consommation courante, sans substitut pour certaines applications. L'interdiction ne réglera pas le problème des mésusages, alimentés par les trafics parallèles. Pour les bonbonnes, nous proposons une amende au montant dissuasif. Enfin, l'interdiction d'importation soulèverait de nombreux problèmes également, notamment pour l'usage médical du protoxyde d'azote.

Avis défavorable à l'amendement n°2 rectifié bis. La commission préfère un régime de déclaration administrative plutôt qu'un régime d'agrément, qui pénaliserait les acteurs de la grande distribution. Nous devons concentrer nos efforts sur le contrôle des ventes sur internet.

Avis favorable à l'amendement n°1 rectifié. L'offre s'est diversifiée, avec notamment les crackers. Compléter la loi en l'accompagnant d'une interdiction de détention et transport paraît pertinent et facile à contrôler.

M. Yannick Neuder, ministre.  - Cohérent avec les avis que j'ai donnés sur la proposition de loi examinée à l'Assemblée nationale, j'émets un avis de sagesse sur les amendements nos6, 10 rectifié et 2 rectifié bis et un avis favorable sur les amendements n°1 rectifié et 11.

Les études montrent que la légalisation du cannabis au Canada et aux États-Unis a conduit à une augmentation de la consommation.

Mme Silvana Silvani.  - Monsieur le ministre, je vous remercie de votre avis de sagesse. Comment convaincre les jeunes de la toxicité d'un produit que l'on peut trouver si facilement sur internet, à toute heure du jour ou de la nuit ? Si ce n'est pas interdit, c'est donc que c'est autorisé !

M. Ahmed Laouedj.  - Venez donc voir ce qui se passe en Seine-Saint-Denis, où beaucoup de jeunes consomment du gaz hilarant. Ce texte permettra aussi aux policiers de mettre une contravention aux personnes détenant des bonbonnes ; pour l'heure, ce n'est pas possible, contrairement au cannabis ou à la cocaïne. Il faut qu'il y ait une sanction, en plus de la prévention. Mais ne pénalisons pas ceux qui ont besoin de protoxyde d'azote pour faire de la chantilly.

Mme Silvana Silvani.  - Ce n'est pas sérieux, quoi !

L'amendement n°6 est adopté.

À la demande du GEST, l'amendement n°10 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°214 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption   98
Contre 243

L'amendement n°10 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°2 rectifié bis n'est pas adopté.

L'amendement n°1 rectifié est adopté, de même que l'amendement n°11.

M. le président.  - Amendement n°12 de Mme Maryse Carrère, au nom de la commission des affaires sociales.

L'amendement rédactionnel n°12, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 1er, modifié, est adopté.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°13 de Mme Maryse Carrère, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Maryse Carrère, rapporteure.  - Coordination pour l'application à Wallis-et-Futuna.

M. Yannick Neuder, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°13 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°5 de Mme Canalès et du groupe SER.

Mme Marion Canalès.  - Cet amendement prévoit une sensibilisation à la consommation de protoxyde d'azote en matière de sécurité routière. De nombreux accidents de la route lui sont imputables.

Mme Maryse Carrère, rapporteure.  - Avis défavorable : ce serait redondant avec l'alinéa 6, qui prévoit déjà une sensibilisation générale au titre des enseignements sur les toxicomanies. Les accidents dus au protoxyde d'azote restent très limités comparés à ceux liés à l'alcool, au cannabis ou à d'autres produits psychoactifs. Les séances d'éducation et d'information aux risques associés aux conduites addictives évoqueront l'ensemble des consommations à risque.

M. Yannick Neuder, ministre.  - Sagesse. Je vous rejoins sur la nécessité de sensibiliser les futurs conducteurs sur la consommation de produits psychoactifs.

Mme Marion Canalès.  - Ce n'est pas redondant, madame la rapporteure, car vous parlez d'enseignements sur les toxicomanies -  or le protoxyde d'azote n'est pas catégorisé comme stupéfiant. Les jeunes conducteurs devront être sensibilisés.

L'amendement n°5 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié bis de M. Chasseing et alii.

M. Daniel Chasseing.  - L'usage détourné du protoxyde d'azote est en recrudescence chez les jeunes. Renforçons la prévention dès les classes de CM1 et CM2, pour éviter de normaliser cette pratique.

Mme Maryse Carrère, rapporteure.  - Avis défavorable. L'article 2 renforce la sensibilisation aux conduites addictives au collège et au lycée ; le faire dès l'école primaire semble un brin précoce. L'âge moyen des consommateurs est de 22 ans ; la majorité des expérimentations se fait entre 18 et 34 ans. Les moins de 11 ans n'apparaissent pas concernés.

M. Yannick Neuder, ministre.  - En effet, c'est un peu jeune. Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°3 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

Après l'article 2

M. le président.  - Amendement n°8 de Mme Canalès et du groupe SER.

Mme Marion Canalès.  - Les jeunes sortis du système scolaire dès 16 ans sont accueillis par des missions locales : intégrons celles-ci au dispositif de prévention.

Mme Maryse Carrère, rapporteure.  - Avis défavorable. Nous sommes d'accord pour renforcer la prévention, mais les missions locales visent avant tout l'insertion professionnelle et sociale des jeunes. La mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), Addictions France ou l'OFDT considèrent que le protoxyde d'azote doit s'intégrer dans une politique de prévention globale, sans en faire une priorité au même titre que le tabac et l'alcool.

M. Yannick Neuder, ministre.  - Avis défavorable. Les missions locales peuvent déjà mener des actions de prévention sur les différentes addictions. L'amendement est donc satisfait.

L'amendement n°8 est adopté et devient un article additionnel.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales.  - Je remercie Ahmed Laouedj d'avoir lancé ce débat. C'est l'exemple parfait d'une proposition de loi conçue par un élu de terrain pour apporter des solutions aux élus de son territoire. Bravo !

Je remercie Maryse Carrère qui a su aboutir à un texte équilibré. Les sujets étaient nombreux, mais l'objectif global est atteint. (Applaudissements)

M. Yannick Neuder, ministre.  - Je remercie M. Laouedj. J'espère que vous comprenez la position équilibrée du Gouvernement, puisque nous avons émis un avis favorable à l'interdiction de la vente de protoxyde d'azote. Sur la pénalisation de la consommation, nous verrons comment les choses évoluent.

Merci à la rapporteure et au président Mouiller.

Nous devons renforcer la prévention de toutes les addictions. D'ici à l'été, une campagne de lutte contre toutes les addictions sera lancée, notamment à destination de la jeunesse. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Prochaine séance, lundi 10 mars 2025, à 16 heures.

La séance est levée à 20 heures.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du lundi 10 mars 2025

Séance publique

À 16 heures et le soir

Présidence : M. Dominique Théophile, vice-président, M. Loïc Hervé, vice-président

Secrétaires : Mme Alexandra Borchio Fontimp, Mme Patricia Schillinger

- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes (texte de la commission, n°402, 2024-2025)