Prévention et gestion des inondations par les collectivités territoriales (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à soutenir les collectivités territoriales dans la prévention et la gestion des inondations, présentée par MM. Jean-Yves Roux, Jean-François Rapin et plusieurs de leurs collègues, à la demande du RDSE.

Discussion générale

M. Jean-Yves Roux, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Cette proposition de loi traduit plusieurs recommandations du rapport rédigé avec Jean-François Rapin sur les inondations et adopté le 25 septembre dernier à l'unanimité. Après huit mois de travaux, trente-cinq auditions, trois déplacements et une consultation en ligne, nous répondons aux attentes des collectivités.

Le risque d'inondation menace de plus en plus nos biens et nos vies. Les élus locaux sont en première ligne et leur tâche est difficile. Ils ont besoin de procédures plus efficaces, plus rapides, plus simples - l'impératif de simplification a été le fil d'Ariane de nos travaux. Les élus locaux font en effet face à un enchevêtrement de normes et à des lourdeurs administratives qui ne favorisent ni la prévention ni l'action rapide.

La solidarité a aussi été un axe fort de nos travaux, afin de prendre en compte le manque de moyens de nombreuses petites collectivités territoriales. Dans mon département des Alpes de Haute-Provence, 90 % des communes ont moins de 1 000 habitants et manquent d'ingénierie. Le soutien humain et logistique à ces communes est impératif, afin que chacune soit accompagnée. La solidarité est un principe fondateur de la décentralisation.

L'article 1er simplifie les procédures administratives pour l'entretien des cours d'eau. De nombreux élus renoncent à intervenir en raison de la trop grande complexité de la réglementation, craignant des poursuites judiciaires. Il faut leur permettre d'agir en toute sécurité.

L'article 3 crée des réserves d'ingénierie, constituées d'agents publics territoriaux et chargées d'accompagner les communes sinistrées, dans une logique de solidarité territoriale.

J'espère que ce texte permettra d'améliorer la prévention face à l'un des défis les plus importants auquel doit faire face notre pays. C'est une étape, à compléter.

Ces mois de travail auprès de tous les acteurs ont renforcé ma conviction profonde : nous devons agir de manière pluridisciplinaire, toutes tendances politiques confondues.

Merci à Pascal Martin et Jean-François Longeot pour leur travail et leur soutien. (Applaudissements)

M. Jean-François Rapin, auteur de la proposition de loi .  - Ce texte fait suite à notre travail de contrôle sur les inondations de 2023-2024.

Notre territoire doit s'adapter au risque inondation. Depuis 2002, les programmes d'actions de prévention des inondations (Papi) ont fait la preuve de leur efficacité : nous en sommes à la troisième génération. Mais il faut en moyenne six ans pour élaborer un Papi !

L'article 2 prévoit l'accélération la mise en oeuvre des Papi, grâce à l'accompagnement des porteurs de projets par les services de l'État. La désignation d'un référent Papi est une avancée, mais encore insuffisante. Le rapporteur proposera des amendements, que je voterai.

Merci pour votre soutien, madame la ministre : la procédure accélérée est un encouragement précieux. Merci aussi au rapporteur, qui nous a informés au fur et à mesure. Je salue aussi le président Longeot.

En adoptant ce texte, nous ferons oeuvre utile pour nos élus et pour nos territoires. J'espère que l'Assemblée nationale s'en saisira rapidement.

En novembre 2023, au début des inondations dans le Pas-de-Calais, j'avais posé une question d'actualité au Gouvernement, rappelant que le jaune, l'orange et le rouge étaient entrés dans notre quotidien. Les inondations se sont ensuite multipliées dans tout le pays : nous n'étions plus seuls à affronter une situation si difficile. Services de l'État, communes et communautés de communes sont réactifs, mais il y a une période creuse avant l'amplification de l'effort : c'est cette période que nous devons combler. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et du RDSE)

M. Pascal Martin, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - En 1885 paraissait une nouvelle d'Émile Zola, L'inondation, sur les effets d'une puissante crue en aval de la Garonne, causant 700 morts.

M. Laurent Duplomb.  - Ce n'était pas encore le réchauffement climatique !

M. Pascal Martin, rapporteur.  - Cet épisode n'est pas si éloigné de ce que peuvent vivre nos concitoyens. Les pertes humaines ne sont plus aussi élevées, toutefois -  même si le tragique événement de Valence nous rappelle le danger de telles catastrophes naturelles. J'aurais préféré que ces phénomènes restent cantonnés aux récits...

La proposition de loi découle de la mission de contrôle de Jean-Yves Roux et de Jean-François Rapin qui, les bottes dans l'eau, se sont rendus sur le terrain et dont le rapport a été adopté à l'unanimité.

Les inondations sont le premier risque naturel en France, avec près de 19 millions d'habitants concernés. Désormais, il ne se passe pas un mois sans que l'un de nos territoires soit frappé par une crue, une coulée de boue ou une remontée de nappe. C'est un risque insidieux, mais dévastateur.

Les causes des inondations ne sont pas toujours identifiables, mais le mauvais entretien des cours d'eau y concourt systématiquement. (M. Laurent Duplomb renchérit.) Il est donc nécessaire d'intervenir en premier lieu sur les règles relatives à cet entretien.

Il s'agit d'abord de l'entretien régulier des cours d'eau non domaniaux, qui incombe à des milliers de propriétaires riverains, sur un million de kilomètres de berges. L'article 1er clarifie les règles générales d'intervention de ces propriétaires et je proposerai un amendement de clarification concernant les autorités gemapiennes.

À l'occasion des inondations dans les Hauts-de-France, les services de l'État ont interprété extensivement la notion d'urgence. Le texte fait siens ces progrès. Je défendrai un amendement pour que les interventions ne se limitent pas aux seuls cours d'eau : elles doivent aussi pouvoir concerner les routes, les ponts, les digues.

Nous devons aussi promouvoir la culture du risque, en simplifiant la réalisation et la mise en oeuvre des Papi ; le délai de réalisation de six ans est trop long et un dossier de Papi peut atteindre 2 000 pages !

M. Laurent Duplomb.  - Personne ne les lit !

M. Pascal Martin, rapporteur.  - Le texte crée un référent pour accompagner les collectivités dans l'élaboration de leurs Papi, ainsi qu'un guichet unique pour assister les porteurs de projets dans la réalisation des actions prévues aux Papi. Je proposerai de considérer comme acquises les procédures validées en amont : nous appliquons ainsi la règle du « dites-le-nous une seule fois ». Je proposerai aussi que les préfets coordonnateurs de bassin puissent reconnaître les actions labellisées qui relèvent d'une raison impérative d'intérêt public majeur et qui sont donc dispensées au titre de la dérogation sur les espèces protégées. Il ne s'agira pas d'une protection au rabais, puisque les deux autres critères cumulatifs continueront à s'appliquer.

Ces mesures ne révolutionneront pas la mise en oeuvre des Papi, mais l'accéléreront.

La dernière mesure phare de ce texte concerne la création d'une réserve d'ingénierie. Ce dispositif fera jouer la solidarité territoriale, au profit des communes dans le besoin. Les ressources existent et sont disponibles dans les territoires : ne nous en privons pas.

Je remercie les auteurs de la proposition de loi, avec qui j'ai travaillé en bonne intelligence, ainsi que la ministre, pour son écoute.

Bien sûr, ce texte ne résoudra pas toutes les difficultés, mais il est une première étape dans l'adaptation des territoires au changement climatique. Les collectivités seront mieux outillées face aux inondations.

J'espère que nous ne devrons pas attendre la prochaine crue centennale de la Seine pour que les députés -  contraints en 1910 de se rendre au Palais Bourbon en barque  - se saisissent de cette initiative ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche .  - Ce sujet me tient particulièrement à coeur : je salue Jean-François Rapin et Jean-Pierre Corbisez, autres représentants du Pas-de-Calais, territoire particulièrement touché en 2023 et 2024.

M. Laurent Somon.  - Et la Somme !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Nous avons vu nos concitoyens, les pieds dans l'eau, dans leurs maisons dévastées. Nous les avons accompagnés, plutôt bien, je pense. Mais nous savons que nous pouvons faire mieux.

Ces catastrophes laissent des cicatrices profondes dans nos communes. Malheureusement, les scientifiques nous annoncent qu'elles seront plus fréquentes et plus graves. Nous devons donc atténuer le dérèglement climatique et nous adapter à ses effets, pour protéger les Français.

Lundi prochain, je présenterai la version finale du plan d'adaptation au changement climatique, préparé de longue date et très largement concerté. Ce plan porte une ambition forte, car nous nous dirigeons vers une France à plus 4 degrés d'ici à la fin du siècle.

Pour déployer ce plan, nous avons obtenu des moyens via le projet de loi de finances pour 2025, notamment pour le fonds Barnier, avec 330 millions d'euros en autorisations d'engagement.

J'ai aussi lancé la mission Adaptation, qui permettra à 100 territoires pionniers de bénéficier de l'expertise des opérateurs de l'État pour les aider à élaborer leur feuille de route.

Les inondations survenues dans le Pas-de-Calais ont également permis de prendre la mesure des difficultés assurantielles. Il est inacceptable d'imposer une franchise de 500 000 euros à la commune de Blendecques !

En décembre 2023, nous avons refinancé la Caisse centrale de réassurance en rehaussant les taux de surprime, inchangés depuis 2009. Cela permettra de dégager 1,2 million d'euros supplémentaires par an pour le régime des catastrophes naturelles. Lundi dernier, avec les assureurs, nous avons défini dix priorités.

Je sais le Sénat particulièrement investi sur le sujet, avec l'adoption de la proposition de loi de Mme Lavarde, que je souhaite voir examinée rapidement à l'Assemblée nationale. (M. Jean-François Rapin apprécie.)

Il faut aussi développer la culture du risque. Je remercie le président Larcher d'avoir lancé une mission de contrôle conjointe pour dresser l'état des lieux de la gestion des inondations de 2023-2024. Complexité administrative, moyens insuffisants, question de la solidarité dans le financement de la compétence gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi) : telles ont été les difficultés identifiées.

Je soutiens cette proposition de loi qui s'articule autour du triptyque : simplifier, accélérer, accompagner. Il faut des ajustements pour la rendre opérationnelle -  merci au rapporteur. J'ai souhaité que la procédure accélérée soit engagée. Je salue le travail réalisé en commission de l'aménagement du territoire et du développement durable : le vote unanime de ce texte témoigne de votre démarche constructive. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

M. Jean-Pierre Corbisez .  - Les catastrophes climatiques risquent de se répéter et de s'amplifier : les Mahorais et les Réunionnais en ont fait les frais.

Entre 2023 et 2024, près de la moitié des départements français ont subi d'énormes dégâts. Pour le Nord et le Pas-de-Calais, c'est un coût de 640 millions d'euros, sans compter le traumatisme des victimes.

Nous devons engager une véritable transition écologique, avec de vrais moyens -  ils ne sont pas encore à la hauteur des enjeux.

Nous devons aussi anticiper les conséquences du dérèglement climatique, en évitant de reproduire les erreurs du passé, en adaptant nos constructions et notre économie.

Nous devons aussi nous préparer à réagir après une catastrophe, pour réparer le plus vite possible. Que de temps perdu ! Secouristes, bénévoles, professionnels de l'urgence : nous leur devons beaucoup. N'oublions pas les maires, les fonctionnaires territoriaux, les prestataires, qui font montre d'un professionnalisme qui les honore.

Ce texte vise à simplifier l'entretien des cours d'eau. Il prévoit un référent unique et crée une réserve d'ingénierie.

Nous regrettons que les assureurs ne soient pas mis à contribution à la hauteur de leurs profits et des besoins. Avec Pascal Savoldelli, nous avions déposé un amendement pour proposer une offre d'assurance équilibrée aux collectivités, mais il a été déclaré irrecevable. Selon le maire de Vesoul, également vice-président de l'AMF, 1 500 communes sont sans assurance.

Nous voterons ce texte. Merci au RDSE et aux auteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, du GEST, du RDSE et au banc des commissions)

M. Jacques Fernique .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) La gestion des inondations est devenue un enjeu majeur sur tout le territoire national. Épisodes cévenols, inondations par cumul de précipitations : les événements dramatiques se multiplient. Il nous faut donc agir et le Sénat montre qu'il se mobilise.

La première réponse concerne le réchauffement climatique, à l'origine de l'augmentation des précipitations et de leur imprévisibilité. Nous nous condamnons à subir plus de désastres si nous ne réagissons pas.

Nous sommes certes dans un contexte mondial troublé, mais ce qui se joue en Ukraine, c'est aussi notre capacité à préserver les accords de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Nous devons nous adapter à ce réchauffement inéluctable. Nous savons depuis le rapport Roux-Dantec de 2019 que la France a pris beaucoup de retard.

Il est indispensable de renforcer l'ingénierie des communes et des EPCI ayant la compétence gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi), car ce qu'il convient de faire dépasse les capacités de leurs services. Le fonds territorial Climat, voté au Sénat, aura un rôle précieux. Cette proposition de loi ouvre le débat sur la question de l'accompagnement technique. Justement, les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) manquent aussi de moyens. Ce texte n'est donc qu'une première étape.

Je rappelle l'importance d'une réforme en profondeur du système assurantiel : les assureurs ne doivent pas se désengager des territoires les plus à risque et ils doivent s'engager plus pour la prévention. Le fait que la totalité de la prime catastrophe naturelle n'ait pas été affectée au fonds Barnier est un mauvais signal.

Nous savons le rôle essentiel du sol pour limiter les ruissellements et les sécheresses. Aussi, remettre en cause les objectifs quantitatifs du ZAN nous condamne à des inondations plus graves. Préserver les haies permet de ralentir l'écoulement de l'eau : la proposition de loi Salmon doit être rapidement mise en oeuvre.

Malgré l'absence de réponse sur tous ces points, nous voterons ce texte.

M. Hervé Gillé .  - Le gouvernement espagnol a estimé l'impact des inondations à Valence à 22 milliards d'euros et le coût de la reconstruction à 31,4 milliards d'euros.

Les inondations sont un enjeu majeur pour les territoires ; les collectivités territoriales sont en première ligne. Ce texte leur fournit des outils plus efficaces.

Un chiffre retient notre attention : d'ici à 2050, le nombre d'inondations pourrait augmenter de 19 %. Nous savons que les crises climatiques sont de plus en plus violentes : près de 53 % des départements ont été touchés par des inondations entre novembre 2023 et juin 2024. Les dégâts ont atteint 640 millions d'euros, rien que dans le Nord et dans le Pas-de-Calais.

Il est donc nécessaire de renforcer les dispositifs de prévention et d'accompagnement des collectivités locales.

Le groupe SER se félicite du travail en commission qui a permis de clarifier certaines mesures comme celles sur l'entretien des cours d'eau.

L'un des points positifs de cette proposition de loi est la mise en place d'un guichet unique pour l'accompagnement des communes sinistrées, ce qui facilitera leurs démarches.

Mais la question du financement reste en suspens : c'est l'éléphant au milieu de la pièce ! Cette proposition de loi ne répond qu'en partie aux besoins financiers des collectivités territoriales pour financer leurs actions de prévention. La taxe Gemapi, plafonnée à 40 euros par habitant, montre ses limites face aux besoins croissants, notamment pour l'entretien des digues. Nous devons réfléchir à des financements complémentaires et à une mutualisation des ressources à l'échelle des bassins versants. Nous poursuivrons la réflexion au sein de la délégation aux collectivités territoriales, avec Jean-Yves Roux et Rémy Pointereau.

Il faudra aussi intégrer la gestion des milieux aquatiques, souvent délaissée au profit de la seule prévention des inondations.

Le groupe SER votera cette proposition de loi, première étape pour renforcer la résilience de nos territoires face aux inondations. (Applaudissements sur les travées du GEST et du RDSE ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

M. Christopher Szczurek .  - Le département du Pas-de-Calais a subi, entre octobre 2023 et février 2024, un épisode de crue dramatique : 205 communes touchées, des milliers d'habitants traumatisés, des acteurs économiques en grande difficulté. Cette proposition de loi arrive donc à point nommé.

Les inondations constituent le premier risque climatique sur notre territoire. Quelque 18 millions d'habitants et 10,5 millions de logements sont exposés au débordement des cours d'eau : il était temps que le législateur se saisisse du sujet. Je salue le travail de Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux qui apporte des solutions concrètes au plus près des besoins du terrain, en rompant avec une logique trop bureaucratique.

Avec l'aggravation du dérèglement climatique, la prévention des inondations et la gestion des cours d'eau constituent un défi fondamental. Je l'ai constaté sur le terrain.

L'entretien des cours d'eau est fondamental. Auparavant, les curages étaient effectués par des riverains consciencieux. L'intercommunalisation de la compétence eau, la taxe Gemapi et la complexification juridique ont engendré une bureaucratie dantesque, déconnectée des territoires.

L'article 1er est donc une avancée bienvenue. Nous sommes également favorables à l'article 2 pour une meilleure planification, ainsi qu'à l'article 3, car les communes sont trop souvent laissées à elles-mêmes en cas d'inondation : la création d'une réserve départementale d'ingénierie est une bonne chose.

Ce texte correspond à notre vision territoriale et apporte des réponses adéquates au problème des inondations dans tous les territoires français.

Mme Laure Darcos .  - (M. Daniel Chasseing applaudit.) Les inondations sont le premier risque naturel en France. En 2024, elles ont été dévastatrices en Essonne : 74 communes ont été reconnues en état de catastrophe naturelle à la suite de la tempête Kirk - et 15 nouvelles communes se sont ajoutées à la liste. D'octobre 2023 à juin 2024, de nombreux dégâts ont été recensés en raison de pluies diluviennes et d'orages violents.

Nous devons agir vite. Il faut atténuer, mais aussi prévenir et adapter.

Les communes, en première ligne, font face à des lourdeurs administratives. Notre mot d'ordre est toujours le même : simplification.

En amont, il faut anticiper au mieux. Différents outils de prévention sont aux mains des autorités gemapiennes, mais les lourdeurs et les délais -  six ans pour un Papi...  - entravent notre capacité de prévoir.

Il faut accélérer et mettre en place des mesures d'anticipation effectives. Le référent et le guichet unique sont de bonnes mesures. Nous devons aussi nous préparer à faire face à l'imprévisible : il faut donc de la souplesse et un meilleur accompagnement des collectivités.

Actuellement, les communes peuvent déroger aux demandes d'autorisation ou de déclaration en cas de danger grave ou immédiat. Cette proposition de loi ajoute une dérogation pour remédier à une inondation d'ampleur ou éviter sa réitération à court terme.

L'après-crise est aussi un enjeu. Les communes sont souvent démunies, faute de moyens techniques ou humains. Pour y faire face, une réserve d'ingénierie est prévue pour leur venir en appui.

En outre, un guichet unique auprès du préfet centralisera les demandes et accompagnera les communes pour bénéficier des aides auxquelles elles peuvent prétendre.

Certaines difficultés demeurent, qu'il s'agisse de la couverture de Vigicrues et de FR-Alert, du dialogue nécessaire entre les syndicats de rivières et l'État dans certaines zones humides ou sites classés ou encore de la question des moyens financiers.

Mais cette proposition de loi est une étape vers la simplification : le groupe Les Indépendants la votera. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; MM. Pascal Martin et Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent également.)

M. Laurent Somon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le sujet est d'actualité pour nos territoires, comme l'ont montré les inondations qui ont frappé le département de la Somme - certes plus marginalement que le Pas-de-Calais et le Nord - entre novembre 2023 et janvier 2024. Mon département reste d'ailleurs en vigilance inondation.

Les inondations de 1920 et 2001 avaient illustré le risque de remontée des nappes phréatiques. Avec le dérèglement climatique, les risques de submersion sont amplifiés : il est urgent d'aménager les bassins hydrographiques, d'entretenir les exutoires, d'adapter les activités et les règles d'urbanisme. Depuis 2001, le département de la Somme agit via un syndicat de bassin, et a investi 70 millions d'euros pour aménager le fleuve et ses affluents.

Le rapport de Marcel Deneux, à la suite de la commission d'enquête de 2001 sur les inondations dans la Somme, permettait déjà d'établir les causes et les responsabilités, d'évaluer les coûts et de prévenir les risques. En 2013, le Sénat adoptait une proposition de loi de Pierre-Yves Colombat. La situation actuelle impose de nouveaux travaux.

Selon le rapport de la mission d'information, la sinistralité pourrait augmenter de 6 à 19 % d'ici à 2050, avec une hausse des submersions marines estimée entre 75 % et 91 %. Les rapporteurs plaident pour une diffusion de la culture du risque, une politique de prévention efficace et solidaire, adaptée à chaque territoire.

La proposition de loi modernise l'arsenal juridique et simplifie les procédures - c'est une attente des élus locaux. Elle prévoit la mise en place d'une cellule technique d'accompagnement des collectivités ; clarifie les périmètres d'intervention des collectivités en substitution des propriétaires riverains ; simplifie l'élaboration et la mise en oeuvre des Papi - il faut cinq à six ans entre le lancement et la labellisation par l'État ; crée une réserve d'ingénierie, confiée aux centres de gestion de la fonction publique territoriale à l'échelle du département.

Le Sénat est mobilisé sur les sujets climatiques - je pense à la proposition de loi de Christine Lavarde sur le régime CatNat, adoptée à l'unanimité en octobre 2024 qu'il est urgent d'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Solanges Nadille .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) En France, 18,6 millions d'habitants sont exposés au risque inondation, désormais premier risque naturel. Sont notamment concernés les territoires littoraux, ainsi que les territoires d'outre-mer, pendant la saison cyclonique.

Je salue les travaux de nos deux commissions. Ce texte traduit quatre des vingt recommandations du rapport Roux-Rapin.

Nous nous inscrivons dans le triptyque « simplifier, accélérer, accompagner ». Beaucoup d'opérations d'entretien des cours d'eau sont entravées par un surplus de normes. Les élus hésitent à intervenir, de peur de voir leur responsabilité engagée. Une simplification s'impose, car nous ne pouvons pas tolérer cet attentisme qui nuit à la prévention.

L'article 1er permettra d'élargir le périmètre des opérations éligibles à la procédure d'urgence. Il faut généraliser une pratique éprouvée dans le Pas-de-Calais et le Nord en 2023-2024, pour permettre aux collectivités d'intervenir plus souvent sans procédure administrative préalable.

La procédure d'élaboration des Papi est bien trop complexe, ce qui exaspère les élus locaux. La mise en place d'un référent Papi est attendue. L'instauration d'un guichet unique va dans le bon sens.

Nous soutenons la proposition d'instaurer une réserve d'ingénierie pour aider les communes sinistrées à obtenir des aides, élaborer des dossiers d'assurance ou autres tâches dépassant souvent les compétences des plus petites communes. Aucune commune ne sera laissée au bord du chemin. Nous soutiendrons l'amendement du rapporteur qui renvoie les modalités pratiques au décret.

Le RDPI votera ce texte attendu des élus locaux. Nous serons attentifs à sa bonne mise en oeuvre outre-mer. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE)

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Ce texte traduit quatre des vingt recommandations du rapport d'information, adopté à l'unanimité. J'espère que ce texte aura la même issue. Et je ne dis pas cela parce que je fais partie du même groupe que l'un des auteurs...

M. Henri Cabanel.  - Un peu quand même ! (Sourires)

M. Michel Masset.  - Je salue aussi Jean-François Rapin.

Cette proposition de loi est nécessaire et attendue par nombre de communes rurales. Elle simplifie les dispositifs de gestion des cours d'eau, et renforce la solidarité entre les territoires par la création d'une réserve d'ingénierie pour les communes sinistrées.

La gestion de l'après-crise ne doit plus être l'angle mort de la lutte contre les inondations. Les inondations ont mis en évidence les carences en matière d'accompagnement par les services de l'État. Les petites communes manquent de compétences et de moyens financiers, or la solidarité financière entre EPCI est encore à construire. La taxe Gemapi, plafonnée à 40 euros, n'est pas à la hauteur des enjeux.

Élu du Lot-et-Garonne, je connais les difficultés des élus locaux à faire face aux crues. Le transfert de la compétence Gemapi a été trop abrupt, ses conséquences financières mal anticipées. Un EPCI de mon département a dû débourser 500 000 euros pour une étude sur l'état des digues ! Sans compter le montant des travaux : 400 000 euros, pour une brèche de 100 mètres linéaires. La communauté de communes Val de Garonne devra prendre en charge 22 millions d'euros de travaux... C'est intenable. Il faut parvenir à concilier le potentiel fiscal des métropoles en aval avec les travaux à réaliser en amont.

Cette proposition de loi envoie un message politique fort en levant des contraintes administratives qui pèsent sur nos élus. Elle consolide notre politique de prévention. Simplification, solidarité et accompagnement : voilà qui doit nous mener sur le chemin d'une meilleure anticipation. Le RDSE la votera à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes Les Républicains et UC)

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cette proposition de loi s'inscrit dans la nécessaire acclimatation de nos modes de vie aux phénomènes naturels. J'en remercie le rapporteur et les auteurs - qui s'étaient rendus dans les Hautes-Alpes dans le cadre de leur mission de contrôle. Entre 2023 et 2024, 56 collectivités de mon département ont été reconnues en état de catastrophe naturelle : 38 % ! Lors du passage de la tempête Aline, en décembre 2023, les télécommunications ont été interrompues, de même que la principale route nationale ; la station de Risoul a été coupée du monde.

Je souhaite faire part du retour d'expérience des élus locaux. Il faut simplifier, notamment le curage et le traitement de l'engravement, ingérable dans les terrains de montagne. Il faut impérativement réformer la compétence et la taxe Gemapi. La charge financière de la gestion des cours d'eau doit être pensée à l'échelle du bassin.

Je salue la réactivité des services de secours et des services de restauration des terrains en montagne (RTM). Les dégâts des inondations ont représenté 38 millions d'euros : la dotation de solidarité aux collectivités victimes d'événements climatiques (DSEC) n'a pas suffi ; il a fallu l'appui de la ministre Gatel pour obtenir des crédits exceptionnels. Ce système de financement n'est pas tenable, avec la multiplication à venir de ces phénomènes.

Ce texte est une première étape législative dans le bon sens. Nous le voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE et sur quelques travées Les Républicains)

M. Laurent Burgoa .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les inondations sont le premier risque naturel en France ; 18,6 millions de Français y sont exposés.

Les récentes inondations meurtrières dans le Gard ont mis en lumière les lourdeurs administratives qui entravent l'action des élus.

L'objet de cette proposition de loi est clair : simplifier, accélérer, accompagner les collectivités dans la prévention et la gestion des inondations.

Tout d'abord, elle facilite l'entretien des cours d'eau, levier majeur pour éviter l'aggravation des crues. Les élus du Gard ont fait part de leurs frustrations devant la complexité des procédures administratives.

M. Jean-François Longeot, président de la commission.  - Bien sûr !

M. Laurent Burgoa.  - La proposition de loi simplifie la mise en oeuvre des Papi, trop souvent ralentie par des démarches administratives fastidieuses. Il faut cinq ans entre le lancement de la procédure et sa labellisation par les services de l'État, c'est inacceptable.

Ce texte crée une réserve d'ingénierie pour les communes sinistrées. Lorsque l'eau se retire, commence le parcours du combattant pour les maires : sécuriser les infrastructures, accéder aux aides, reconstruire. Cet appui technique immédiat sera gage d'une gestion de crise plus efficace mais aussi plus humaine.

Cette proposition de loi apporte un début de réponse aux défis que nous devrons relever. La voter, c'est renforcer la solidarité territoriale et donner aux élus des moyens d'agir pour protéger nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, du RDSE et du GEST)

Mme Anne-Sophie Patru .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) En France, 18,6 millions d'habitants sont exposés aux inondations, premier risque naturel de notre pays - on l'a vu dans mon département d'Ille-et-Vilaine. Je salue l'engagement des services de l'État et des élus locaux pour gérer la crise et la reconstruction.

Il est crucial de renforcer la prévention et la gestion de tels évènements.

Cette proposition de loi fait suite aux terribles événements survenus dans le Nord-Pas-de-Calais en 2024. Elle vise à simplifier, accélérer, accompagner.

Simplifier les procédures applicables aux opérations d'entretien des cours d'eau, via une nouvelle procédure d'autorisation simplifiée pour les travaux d'urgence, ce qui répond aux attentes des élus locaux.

Accompagner les élus dans l'élaboration et la mise en oeuvre des Papi : un référent Papi sera désigné et un guichet unique mis en place.

Accélérer, en créant une réserve d'ingénierie : des fonctionnaires territoriaux seront mis à disposition des communes sinistrées pour les soutenir dans la reconstruction.

Le groupe UC votera cette proposition de loi, fruit d'un travail collaboratif. C'est une avancée significative dans la gestion des risques naturels, qui doit nous inspirer pour la nécessaire adaptation au changement climatique. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE)

Discussion des articles

Article 1er

Mme Christine Lavarde .  - Je me félicite de votre soutien à ma proposition de loi, madame la ministre. Ses rapporteurs sont auteur et rapporteur du présent texte - dont les trois articles auraient eu toute leur place dans mon texte. Nous travaillons en cohérence ! Il faudra rationaliser, dans le cadre de la navette. J'ai accepté d'abandonner mon texte pour qu'il puisse être redéposé à l'Assemblée nationale, et qu'on évite d'inutiles lectures : gagnons du temps, pour gagner en efficacité et en clarté. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-François Rapin.  - Avis favorable !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique .  - La longueur de votre texte - 22 articles - est un souci, dans un espace-temps limité : j'avoue que je bataille un peu. Mais nous partageons les mêmes objectifs. Ces textes sont transpartisans, nous sommes alignés. Avançons.

M. le président.  - Amendement n°19 de M. Pascal Martin, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - Nous clarifions les règles applicables à l'entretien des cours d'eau incombant aux propriétaires riverains, en incluant explicitement l'hypothèse de l'intervention des autorités gemapiennes en substitution des propriétaires. Nous renvoyons au décret les modalités d'intervention des autorités gemapiennes. Enfin, nous précisons que les travaux rendus nécessaires par une inondation sont inclus dans les opérations d'entretien régulier.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Avis très favorable.

L'amendement n°19 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°16 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - La cellule d'appui technique a déjà été instaurée par la loi Maptam de 2014, pour accompagner les collectivités territoriales dans la mise en oeuvre de la Gemapi. Elle s'est réunie sur l'initiative des préfets coordonnateurs de bassin jusqu'en 2020 - quand elle a été jugée inutile. Il n'y a pas lieu de les réactiver, d'autant que l'article 3 crée une réserve d'ingénierie.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - La mission d'appui technique créée par la loi Maptam a perduré jusqu'en 2020. Depuis la loi de 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, les conseils départementaux accompagnent les communes et EPCI qui manquent de moyens pour l'entretien des milieux aquatiques et la prévention des inondations. La cellule prévue à l'article 1er risque en effet de faire doublon. Sagesse.

L'amendement n°16 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°20 de M. Pascal Martin, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - Cet amendement élargit le périmètre des interventions susceptibles de relever de la procédure d'urgence à des opérations stratégiques telles que la prévention des dommages durant l'inondation, comme l'effondrement d'une berge, ou les travaux extérieurs aux cours d'eau. Il tire les leçons des réponses apportées par l'État dans les Hauts-de-France lors des inondations de 2023 et 2024.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Avis très favorable à cet amendement issu des remontées de terrain. Le préfet de région des Hauts-de-France a fait un travail remarquable, mais en prenant des risques juridiques. Il faut avant tout protéger les habitants.

L'amendement n°20 est adopté.

L'article 1er, modifié, est adopté.

Après l'article 1er

M. le président.  - Amendement n°21 de M. Pascal Martin, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - Coordination avec la nouvelle procédure d'autorisation environnementale prévue par la loi Industrie verte, qui prévoit des délais d'instruction et de consultation du public réduits. Cet amendement raccourcit le délai de consultation de trois mois à quarante-cinq jours, pour rendre opérationnelle la procédure d'urgence.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°21 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°18 rectifié du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Amendement de coordination entre les dispositions du code de l'environnement et du code rural et de la pêche maritime.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - L'amendement clarifie l'existence d'une servitude pour les travaux d'entretien des cours d'eau assurés par les collectivités sur les terrains privés. En effet, les collectivités ont parfois des difficultés pour intervenir alors qu'elles ont obtenu la déclaration d'intérêt général (DIG).

Cet amendement précise également les modalités des interventions d'urgence sur les terrains privés, et clarifie la possibilité de recourir à la DIG sans enquête publique pour l'entretien des cours d'eau. Enfin, il introduit une DIG simplifiée sans enquête publique pour les travaux visant à rétablir les fonctionnalités naturelles des cours d'eau.

Avis favorable à cet amendement dense mais utile.

M. Jacques Fernique.  - Nous ne voterons pas cet amendement, qui va trop loin dans la simplification et affaiblit la démocratie environnementale.

L'amendement n°18 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

L'article 2 est adopté.

Après l'article 2

M. le président.  - Amendement n°22 de M. Pascal Martin, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - Nous facilitons l'élaboration des projets Papi en appliquant le principe « dites-le nous une fois » : il ne sera plus nécessaire d'inscrire dans l'étude d'impact les éléments figurant déjà dans le rapport sur les incidences environnementales. Ce sera un gain de temps, qui, en la matière, peut sauver des vies.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°22 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°23 de M. Pascal Martin, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - Reconnaissons a priori la raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM), aux actions inscrites dans un Papi, afin de faciliter la délivrance d'une dérogation « espèces protégées ».

L'évaluation en amont a démontré sa pertinence : un euro investi dans la prévention via le fonds Barnier, permet de sauver trois euros en moyenne. Il s'agit de prendre en compte le « coût du sauvé ».

Les analyses socio-économiques et l'évaluation environnementale apportent des garanties sur l'intérêt du programme et des projets. On s'inspire de ce qui prévaut en matière d'installation d'éoliennes.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Avis favorable.

M. Jacques Fernique.  - Je comprends la volonté d'accélérer, mais l'automaticité pour la RIIPM pose question. Elle peut relever d'une appréciation discrétionnaire de l'administration, qui n'est pas forcément en mesure, à ce stade, de mesurer les incidences du projet sur l'environnement. Nous voterons contre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - La RIIPM n'exclut pas d'apprécier l'impact sur l'environnement. Il y a deux autres conditions, en sus de l'intérêt public majeur, pour prononcer une dérogation « espèces protégées », qui prennent bien en compte l'impact environnemental.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - Ces deux autres conditions sont : l'absence de solution alternative satisfaisante, et ne pas nuire au maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

L'amendement n°23 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié de Mme Aeschlimann et alii.

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - La simplification de la mise en oeuvre des Papi répond à une demande unanime des collectivités et des acteurs de la prévention. Leur élaboration est un parcours du combattant. En 2023, l'intégration d'une obligation d'information environnementale a alourdi le montage administratif.

Sans négliger les enjeux environnementaux, ne perdons pas de vue les réalités de terrain.

Nous demandons un rapport pour continuer à simplifier les Papi, de sorte que les collectivités locales se concentrent sur l'essentiel : la prévention et l'accompagnement.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Avis défavorable à cette demande de rapport, selon une jurisprudence bien établie ici. Nous travaillons constamment à la simplification, et sommes à votre disposition pour être auditionnés. Mais à l'heure où l'on s'interroge sur le format des administrations, je préfère qu'elles agissent sur le terrain plutôt que d'élaborer un énième rapport.

L'amendement n°9 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°13 de M. Gillé et du groupe SER.

M. Hervé Gillé.  - Madame la ministre, la jurisprudence n'est pas constante : parfois, les rapports sont demandés par la majorité sénatoriale et acceptés !

M. Laurent Somon.  - C'est l'exception qui confirme la règle...

M. Hervé Gillé.  - Cet amendement demande un bilan du financement de la prévention des inondations, car ce reporting fait actuellement défaut. Quel est le niveau d'engagement financier en fonction des Papi, si longs à se mettre en place ? Nous voulons un état des lieux. Le refuser, c'est refuser la transparence budgétaire sur ces sujets. Mon rapport sur la gestion durable de l'eau préconisait des financements complémentaires, car certains Papi sont dans l'impasse. Un tel rapport serait fort utile.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - Cette proposition de loi est une première étape, qui vise à apporter des solutions pratiques et techniques aux collectivités ; il y en aura d'autres, sur le foncier, le financement, la fiscalité. Vous aurez l'occasion d'aborder le sujet du financement dans le cadre de la mission d'information de la délégation aux collectivités territoriales relative à la taxe Gemapi. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Même avis. Toutes les données sont disponibles sur le site de la direction générale des collectivités locales (DGCL). La taxe Gemapi a rapporté aux collectivités 274,9 millions d'euros en 2021, soit 7,50 euros par habitant assujetti. Son produit a été multiplié par onze entre 2017 et 2021, et a augmenté de 35 % entre 2020 et 2021. Pour autant, en 2023, près d'un quart des intercommunalités ne l'avaient pas encore adoptée. C'est pourtant un outil de financement puissant, en complément du fonds Barnier.

Ces informations sont disponibles en ligne. Au moment où l'on me demande de faire des économies et de réduire le nombre de fonctionnaires de mon administration, je préfère les orienter vers les bons sujets. Nous sommes à votre disposition pour être auditionnés.

L'amendement n°13 n'est pas adopté.

Article 3

M. le président.  - Amendement n°24 rectifié de M. Pascal Martin, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - Nous confirmons le principe de la réserve d'ingénierie, car les élus locaux attendent une solidarité territoriale, mais confions au décret le soin de définir les modalités de sa mise en oeuvre. En effet, il apparaît que les centres de gestion, chargés principalement des ressources humaines, ne sont pas les mieux placés pour remplir cette mission.

M. le président.  - Amendement n°10 de Mme Di Folco.

Mme Catherine Di Folco.  - Ancienne présidente d'un centre de gestion de la fonction publique territoriale, je confirme que la mission dévolue aux centres de gestion par l'article 3 ne correspond pas du tout à leurs compétences. Certes, ils peuvent mettre à disposition du personnel dans les communes, mais seulement leurs propres agents. Ils sont compétents en matière de ressources humaines, pas d'ingénierie.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - Votre amendement substitue aux centres de gestion le préfet de région, or celui-ci n'a aucun pouvoir sur les fonctionnaires territoriaux, au nom de la libre administration des collectivités territoriales. Reste qu'effectivement, les centres de gestion ne sont pas les mieux placés pour assurer l'animation et la coordination de la réserve. Retrait, au bénéfice de mon amendement qui renvoie au pouvoir réglementaire le soin d'en fixer les modalités.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Avis favorable à l'amendement n°24 rectifié. Demande de retrait de l'amendement n°10 à son profit. En effet, la rédaction actuelle n'est pas satisfaisante.

Mme Catherine Di Folco.  - Merci au rapporteur d'avoir bien compris le problème. Je vous fais confiance pour la suite.

L'amendement n°10 est retiré.

L'amendement n°24 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis de Mme Borchio Fontimp et alii.

M. Jean-Marc Delia.  - Les collectivités doivent évaluer elles-mêmes l'aide dont elles ont besoin lorsqu'elles déposent une demande au titre de la DSEC. Mais elles manquent des moyens techniques et humains pour y procéder dans les délais requis, ce qui les empêche d'accéder aux aides auxquelles elles ont pourtant droit.

Cet amendement de bon sens précise que le guichet unique créé à l'article 3 aidera également les collectivités à évaluer la nature et le coût des dégâts, pour reconstruire plus rapidement et plus sereinement.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Retrait, sinon rejet.

Premier cas de figure : le bien est assuré, et il revient aux experts des assurances de faire l'évaluation, pas à l'État.

Deuxième cas de figure, les biens sont non assurables : la collectivité réalise une première estimation, le préfet fait un contrôle de premier niveau, et peut s'appuyer sur l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (Igedd) pour un contrôle de second niveau ; c'est obligatoire quand le montant des dégâts éligibles dépasse 1 million d'euros. Lorsqu'il dépasse 6 millions d'euros, la mission est réalisée par l'Igedd et l'IGA.

En réalité, votre amendement est donc satisfait, mais ces dispositifs sont méconnus. En Haute-Loire, en Ardèche et dans le Rhône, le système a très bien fonctionné. Ces phénomènes étant de plus en plus fréquents, les choses se font plus rapidement.

L'amendement n°1 rectifié bis est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

M. Jean-Pierre Corbisez.  - Rappel au règlement. Christine Lavarde nous annonçait il y a quelques mois que la prime CatNat augmenterait. En effet : de 12 à 20 %, une première depuis vingt-cinq ans ! En clair, les Françaises et les Français remboursent les compagnies d'assurances.

Notre amendement n°15, déclaré irrecevable au titre de l'article 40, proposait un fonds de compensation abondé par les compagnies d'assurances, administré par la caisse centrale de réassurance, pour compenser les écarts de sinistralité entre les zones, sachant que quelque 1 500 communes seraient sans assurance. Y voir une charge publique, c'est un peu fort de café !

M. le président.  - Acte en est donné, même si ce n'était pas exactement un rappel au règlement

Après l'article 3

M. le président.  - Amendement n°17 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Monsieur Corbisez, toutes les collectivités locales ont bien une assurance : la direction générale du Trésor y veille.

M. Hervé Gillé.  - Avec des tarifs qui augmentent de 50 %...

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Tous ceux qui ont été élus locaux le savent, l'élaboration d'un plan de prévention des risques naturels (PPRN) est fastidieuse et complexe. Or ces plans devront être ajustés pour tenir compte des nouveaux risques. Cet amendement simplifie l'opération, pour éviter l'effet tunnel que les élus locaux connaissent bien.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - L'idée d'accélérer l'élaboration des PPRN aurait pu nous séduire. Mais l'amendement prévoit de paralléliser les délais de consultation des conseils municipaux et des EPCI concernés par un projet de PPRN, et de limiter le temps pendant lequel les maires peuvent s'exprimer après l'avis de leur conseil municipal : c'est une régression.

En outre, il substitue une publication au recueil des actes administratifs du département à un affichage en mairie.

Un PPRN emporte des servitudes d'urbanisme qui ne sont pas neutres, et les administrés ont l'habitude de consulter les panneaux d'affichage, pas de consulter le recueil des actes administratifs. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Tous les élus locaux sont consultés. Cet amendement rend simplement les procédures parallèles, plutôt que de les enchaîner les unes après les autres. C'est la démarche que vous avez adoptée dans la loi Industrie verte.

Nombre d'entre vous réclament souvent des simplifications : en voici une. Des habitudes ont été prises, qui ne sont pas illégitimes, mais que nous devons accepter d'abandonner pour simplifier.

Mme Christine Lavarde.  - Madame la ministre, vous avez répondu récemment à l'une de mes questions écrites : les acteurs économiques ont du mal à comprendre qu'ils ne puissent pas installer une crèche au rez-de-chaussée d'un immeuble en zone inondable dans les Hauts-de-Seine, alors que c'est possible dans le Doubs. Vos services m'ont répondu qu'il s'agissait d'un problème de temporalité. C'est incompréhensible pour les acteurs : ils se retournent contre les maires, qui se retrouvent en porte-à-faux.

Monsieur Corbisez, soyez rassuré : l'augmentation de la surprime CatNat n'enrichit pas l'assureur. Si l'assureur a choisi la Caisse centrale de réassurance (CCR) comme réassureur - c'est le cas dans 95 % des cas - la prime d'assurance est mutualisée dans le fonds de réassurance.

M. Hervé Gillé.  - Attention aux PPRN et aux plans de prévention des risques d'inondation (PPRI) ! Si vous n'êtes pas assez vigilant sur les zones, cela engendre des contentieux devant les tribunaux administratifs - je pense à des relevés de terre qui sont classés en digues... Je suivrai l'avis du rapporteur.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Monsieur Gillé, je ne suis pas d'accord : nous parlons de l'inondabilité des territoires. Ce sont des données qui nous sont fournies par les experts.

M. Hervé Gillé.  - L'épaisseur du trait, vous connaissez ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Cet amendement n'a aucune conséquence sur les risques de contentieux. Monsieur le rapporteur, vous avez mentionné l'affichage des documents en mairie : les habitants y portent peu d'intérêt. Ils se manifestent peu dans les consultations. En revanche, cet affichage est très utilisé pour ceux qui veulent contester systématiquement.

Près de deux tiers de mes équipes font du contentieux à plein temps, en rédigeant des mémoires de défense ; il faut s'interroger !

Souvent ces procédures relèvent du not in my backyard (Nimby), voire relèvent d'arrière-pensées politiques. Résultat : plus personne n'y comprend rien, avec les conséquences politiques que l'on sait.

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

Vote sur l'ensemble

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - Merci aux auteurs de ce texte, au rapporteur et à la ministre, qui a suivi l'élan du Sénat.

Nous avons clarifié certaines dispositions sur la gestion des cours d'eau, ex-post. Mais il faudrait informer les élus de ce qu'ils peuvent faire ex-ante  - je pense aux embâcles, par exemple.

Le référent Papi et la réserve d'ingénierie vont dans le bon sens. Mais ce texte est un premier pas qui en appelle d'autres. Nous devons nous pencher sur d'autres enjeux : le financement, la péréquation, l'adaptation du fonds Barnier, les avances de trésorerie pour les travaux après inondations. Je peux témoigner de ce qu'on m'a dit sur le terrain dans le bassin de l'Armançon ou du Serein, dans l'Yonne, qui ont fait face à des inondations. J'espère que nous retrouverons en séance l'unanimité de notre vote en commission.

Mme Maryse Carrère .  - Merci au rapporteur et au président de la commission. Je salue MM. Roux et Rapin, qui nous ont fait profiter de leur expérience locale dans la vallée de l'Ubaye et dans le Pas-de-Calais.

Je remercie la ministre, qui a déclenché la procédure accélérée sur ce texte. Les élus locaux souffrent de la complexité des procédures. Je sais de quoi je parle, puisque j'étais membre d'un syndicat gemapien lors de l'inondation du gave de Pau et que j'ai été à la manoeuvre pour l'élaboration d'un Papi : c'est très complexe.

Les acteurs de territoire seront satisfaits par ce texte, qui apporte une première pierre à l'édifice. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et du groupe UC ; M. Jean-François Rapin applaudit également.)

M. Jean-François Rapin, auteur de la proposition de loi .  - On sent qu'on pourrait encore ajouter des articles aux articles... Je souscris aux propos de Jean-Baptiste Lemoyne : il peut être compliqué pour une petite commune d'avancer de l'argent pour effectuer des travaux d'urgence. Notre Caisse des dépôts et consignations a beaucoup d'argent. Les maires ne peuvent aller voir le banquier, même si le préfet a dit qu'il subventionnerait à 80 ou à 100 % ; la Caisse des dépôts est l'acteur le plus adapté.

Je remercie Maryse Carrère d'avoir rappelé que nous étions des élus de terrain : je le suis depuis près de vingt-cinq ans. Nous espérons que ce texte sera examiné rapidement à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE et sur quelques travées du RDPI)

M. Michel Canévet .  - Le groupe UC salue cette initiative de Jean-Yves Roux et Jean-François Rapin, ainsi que le travail de la rapporteure. Mes collègues Patru et Bleunven peuvent en témoigner : la Bretagne a elle aussi été touchée par les inondations.

Je salue l'initiative du Gouvernement en faveur de la simplification des procédures : c'est nécessaire lorsque nous agissons dans l'urgence. Le groupe UC votera cette proposition de loi.

M. Hervé Gillé .  - Ce texte va dans le bon sens, mais cette première brique doit s'agglomérer à d'autres travaux - je pense aux travaux de la délégation aux collectivités territoriales.

Ces sujets font l'objet de consensus politiques. Madame la ministre, dialoguons pour avancer le plus vite possible. Il y aura des sécheresses et des pluies intenses : il faut adapter nos modèles.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre .  - Merci à tous. Attention aux contentieux, qui mettent mes équipes en grande souffrance, qu'il s'agisse de projets d'accélération des énergies renouvelables ou d'adaptation au changement climatique.

Jean-Baptiste Lemoyne et d'autres ont souligné que ce texte est une petite pierre sur un long chemin.

Lundi, lors de la présentation du plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc), plusieurs feuilles de route seront tracées : trait de côte, montagne, forêt, inondation... Des angles morts existent : pour les biens non assurables, ce n'est pas avec 40 millions d'euros que l'on pourra faire face. Réorientons l'action écologique vers la protection des populations : un euro investi dans la prévention permet d'éviter une dépense de 8 euros.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

(Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC)

La séance est suspendue quelques instants.