SÉANCE

du jeudi 6 mars 2025

63e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente

Secrétaires : M. Guy Benarroche, Mme Marie-Pierre Richer.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Protéger l'école de la République et les personnels qui y travaillent

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à protéger l'école de la République et les personnels qui y travaillent, présentée par M. Laurent Lafon et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP) Les assassinats de Samuel Paty le 16 octobre 2020 et de Dominique Bernard le 13 octobre 2023 ont choqué la France. Ils ont révélé les menaces et les pressions dont les personnels de l'éducation nationale sont victimes.

Mickaëlle Paty, soeur de Samuel Paty, a écrit un courrier à Gérard Larcher, trois ans après les faits. Aussitôt, Gérard Larcher a demandé à la commission des lois et à la commission de la culture de mener une mission conjointe de contrôle, pour faire le point, trois ans après les faits, alors que Dominique Bernard était encore en vie. Les travaux de cette mission, dotée des pouvoirs de commission d'enquête, ont souligné la violence endémique qui sévit dans de nombreux établissements : deux tiers des établissements secondaires ont déclaré un incident grave au cours de l'année scolaire 2021-2022 ; 58 500 enseignants déclarent avoir été menacés, 17 200 avoir été bousculés intentionnellement, 900 avoir été menacés avec une arme. Ces chiffres font froid dans le dos.

La violence contre les enseignants s'est banalisée, un sentiment de peur s'est installé progressivement dans de nombreux établissements. Le passage à l'acte - pour une note, pour une remarque, pour le contenu d'un cours - est désormais perçu comme une éventualité.

Or la mission première de l'école est de faire partager aux élèves les valeurs de la République, en plus de transmettre un savoir. Cependant, la contestation des enseignements et des principes de la République augmente dans tous les établissements. L'école de la République, creuset de la nation, est attaquée.

La mission conjointe de contrôle a formulé 38 recommandations pour restaurer l'autorité de l'institution scolaire, dont six d'entre elles sont de nature législative ; elles font l'objet de cette proposition de loi - madame la ministre, n'oubliez pas nos recommandations d'ordre réglementaire.

L'article 1er recentre le contenu de l'enseignement moral et civique (EMC) sur la formation aux valeurs et aux principes de la République, notamment à la laïcité, aux institutions et aux enjeux sociétaux, environnementaux et internationaux. Le Sénat a proposé à plusieurs reprises de clarifier cet enseignement jugé trop bavard.

La mission d'information a mis en lumière les zones d'ombre persistantes depuis la loi de 2004. L'article 2 y remédie.

L'article 3 responsabilise les parents des enfants qui perturbent la vie scolaire. Nous avons constaté que les faits ont souvent pour origine les parents d'élèves.

L'article 4 rend automatique l'octroi de la protection fonctionnelle pour les personnels de l'éducation nationale victimes de violences, d'outrages ou de menaces. Cette mesure fait débat au sein du Gouvernement. Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour inscrire dans la loi ce qui se fait déjà en pratique.

L'article 5 autorise l'administration à déposer plainte en lieu et place d'un agent de l'éducation nationale, traduisant dans la loi la proposition de Stanislas Guerini.

Je laisserai la rapporteure présenter l'article 6, qui a été adopté par la commission à son initiative.

Nous avons travaillé avec la commission des lois, notamment avec François-Noël Buffet, appelé entre-temps à d'autres fonctions.

Les enseignants sont dans la crainte et dans l'attente. Cette proposition met à disposition des outils qui sécuriseront davantage les établissements, pour que les enseignants puissent exercer leur métier sans s'interroger sur leur propre sécurité.

J'espère que cette proposition de loi nous rassemblera pour apporter une réponse utile et efficace. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Jacques Grosperrin.  - Très bien !

Mme Annick Billon, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Faut-il voir le verre à moitié vide ou à moitié plein ? Selon le ministère, en 2024, aucun incident grave envers les personnels n'a eu lieu dans un établissement secondaire sur deux. Renversons la perspective : un établissement sur deux en a connu un : cela représente 5 300 incidents graves en un an et 147 par semaine scolaire.

La violence se banalise. Le rapport de Laurent Lafon et François-Noël Buffet a mis des chiffres et des mots sur le malaise des professeurs, révélant la peur qu'ils ont à exercer leur métier. Je remercie Gérard Larcher de faire de l'éducation une priorité constante de nos travaux.

Deux consensus émergent de ce texte. Premièrement, les articles 4 et 5, qui renforcent la protection des enseignants, ont été salués, y compris par les syndicats. Deuxièmement, le pouvoir réglementaire détient les clefs de l'amélioration du système scolaire ; nous comptons sur vous, madame la ministre, pour mettre en oeuvre les 32 propositions du rapport qui sont d'ordre réglementaire.

L'article 1er réécrit l'article L. 312-15 du code de l'éducation, trop bavard.

L'article 2 précise le contenu de la loi de 2004, afin de lever toute ambiguïté sur le terrain.

L'article 3 responsabilise les élèves perturbateurs et leurs parents. Le pouvoir réglementaire doit mettre en place des sanctions analogues pour lutter contre le non-respect de l'assiduité scolaire.

L'article 4 soulève une question de fond : faut-il un statut de protection spécifique pour les enseignants ? Oui, disons-nous, car s'attaquer à l'école, c'est s'attaquer à la République. Prévoyons donc l'octroi immédiat et de plein droit de la protection fonctionnelle.

L'article 5 répond à la même logique ; il permet à l'administration de porter plainte à la place de l'agent.

L'article 6 et 6 bis donnent au chef d'établissement les moyens pour assurer la sécurité de son établissement. La création d'un portique coûte cher. Nous avons prévu, en commission, de sécuriser juridiquement l'inspection visuelle et d'autoriser la fouille des sacs par un professeur référent. Ces pratiques sont devenues monnaie courante dans notre société. On peut le déplorer, mais c'est la réalité. Il serait paradoxal qu'elles ne soient pas autorisées dans les collèges et les lycées.

L'article 7 étend la proposition de loi aux territoires d'outre-mer concernés.

Ce texte ne résoudra pas tous les maux de l'école, mais il constitue un nouveau pas pour restaurer l'autorité et la sécurité dans les établissements, et répondre au désarroi croissant des enseignants.

Les mesures réglementaires doivent suivre ; nous comptons sur vous, madame la ministre. Sans moyens financiers ni outils juridiques adaptés, ces dispositions ne pourront se concrétiser.

Le contexte est grave. J'ai une pensée pour les familles des enseignants sauvagement assassinés ces cinq dernières années. Protéger les enseignants, c'est protéger la République. (Applaudissements)

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - L'examen de cette proposition de loi intervient à un moment charnière pour notre école. Les assassinats de Samuel Paty et Dominique Bernard ont ébranlé notre pays, meurtri la communauté éducative. Ils incarnaient la République, transmettaient ses valeurs - liberté, égalité, fraternité - ainsi que la laïcité, principe au fondement de notre nation.

Les personnels de l'éducation nationale font face, chaque jour, à des remises en cause de leur autorité, à des menaces, des agressions. En 2022-2023, 16 % des directeurs d'école et 48 % des chefs d'établissement déclarent avoir été confrontés à un fait grave. Il s'agit dans 90 % des cas d'atteintes aux personnes, majoritairement des violences verbales. D'où 5 200 demandes de protection fonctionnelle, en augmentation de 30 % par rapport à 2021-2022.

Les atteintes à la laïcité révèlent les pressions qui s'exercent au quotidien à l'école et dans la classe. Depuis le début de l'année scolaire, les chefs d'établissement ont signalé plus de 500 contestations d'enseignements et refus d'activités scolaires, plus de 450 revendications communautaires et refus des valeurs républicaines, plus de 330 provocations verbales et plus de 250 suspicions de prosélytisme. Ces actes sont inacceptables. La protection de l'école et de son personnel est une priorité absolue du Gouvernement.

Grâce à une mobilisation forte, des progrès ont été réalisés. On a constaté une hausse préoccupante des faits en 2023-2024 : les 6 500 faits recensés représentaient un triplement par rapport à l'année précédente. La tendance est désormais à la baisse : au premier semestre de cette année scolaire, on compte 2 100 faits.

Le plan national de formation aux valeurs de la République et à la laïcité, lancé en 2021, a permis de former 700 000 personnels. Ce déploiement se poursuit, favorisant la réflexion collective et la cohérence des réponses au sein des équipes pédagogiques.

Le ministère s'est montré à la hauteur des enjeux, grâce à des dispositifs de signalement, de sanction et d'accompagnement. Tout incident fait l'objet d'une remontée via l'application Faits Établissement ; certains faits sont transmis au procureur de la République via l'article 40 du code de procédure pénale. Les victimes sont accompagnées dans leur démarche de dépôt de plainte. Des entretiens avec les parents et des mesures disciplinaires dans le second degré sont prévus.

Dans le cadre du budget 2025, 170 postes de conseiller principal d'éducation (CPE) et 600 postes d'assistants d'éducation ont été créés. Le 29 janvier dernier, des services de défense et de sécurité ont été instaurés par décret dans chaque académie, renforçant la collaboration quotidienne avec les préfectures, les procureurs et les forces de l'ordre. Plus de 500 écoles et établissements bénéficient d'un dispositif de sécurité renforcé.

L'école n'a pas attendu pour agir. Le Sénat a toujours été à nos côtés sur ce point. Cette proposition de loi, issue du rapport Lafon-Buffet, présente des avancées significatives.

Enfin, je vous confirme que je suis prête à envisager un nouveau train de mesures réglementaires.

Ma priorité est la formation des enseignants. Le Gouvernement soutient la réforme de l'enseignement d'EMC.

M. Max Brisson.  - Bien !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Les nouveaux programmes d'EMC suivent déjà cette orientation.

La proposition de loi renforce la responsabilisation des parents des enfants perturbateurs. Je travaille avec le garde des sceaux, la ministre chargée de la famille et les présidents des conseils départementaux afin d'impliquer les deux parents dans leur rôle éducatif.

En matière de protection fonctionnelle immédiate, la loi vient consacrer la pratique. Quant au pouvoir de substitution de l'institution pour porter plainte, il est de nature à rassurer les victimes.

La loi du 15 mars 2004 appelle non pas des dispositions complémentaires, mais une vigilance quotidienne sur leur pleine application.

L'école est un bien commun qu'il nous appartient, au-delà de nos idées politiques, de préserver et de défendre. L'école doit rester un espace protégé où les valeurs républicaines s'enseignent et se vivent au quotidien. Il y va de notre responsabilité envers nos professeurs, nos élèves, notre République. La protection de l'école ne saurait souffrir d'aucune faiblesse. Je sais que nous répondrons ensemble, en bonne intelligence, à cette exigence. (Applaudissements)

Mme Mireille Conte Jaubert .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) L'école de la République est le coeur battant de notre démocratie, le lieu où se transmettent le savoir, l'esprit critique et les valeurs au fondement de notre nation. Aujourd'hui, ce sanctuaire est menacé. Les assassinats de Samuel Paty et de Dominique Bernard ont révélé une réalité insoutenable : les enseignants et personnels éducatifs ne sont plus en sécurité. Ces actes de barbarie sont des attaques contre la République.

Nous ne pouvons plus tolérer ces actes de violence contre les enseignants. La peur s'installe, et avec elle le doute : peut-on encore enseigner librement ?

L'État ne peut rester spectateur ; il doit garantir à chaque enseignant et chaque élève un cadre d'apprentissage sécurisé.

L'école est un lieu d'apprentissage des savoirs fondamentaux et du vivre-ensemble dont les valeurs sont contestées.

Le RDSE salue cette proposition de loi, qui vise à forger une conscience citoyenne commune en recentrant l'EMC. L'enseignement des valeurs de notre République doit être consolidé.

Le texte précise le périmètre de l'interdiction du port de signes religieux. Une clarification était nécessaire.

Il responsabilise les parents des élèves qui posent problème. Le respect du cadre scolaire n'est pas une option. L'école doit être un lieu d'apprentissage, non le champ de bataille de l'indiscipline.

La protection fonctionnelle des enseignants est renforcée, les dépôts de plainte facilités.

Ce texte est un bouclier pour l'avenir, un message clair à ceux qui veulent imposer la peur.

Nous sommes à un tournant. Voulons-nous une école soumise aux pressions communautaires, où la peur et l'autocensure prennent le pas sur la liberté d'enseigner ? Ou voulons-nous une école forte, fière de ses valeurs, qui permette aux enfants de devenir des citoyens libres et éclairés ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC)

M. Jean Hingray .  - L'école de la République vacille. Samuel Paty et Dominique Bernard : deux noms, deux visages, deux drames qui ont brisé l'illusion de la sécurité. Deux martyrs de la liberté d'enseigner. Leur mort n'est pas un fait divers, mais une alerte, une déchirure dans notre pacte républicain.

Il faut réaffirmer haut et fort les principes et les valeurs qui fondent l'école de la nation. Ce n'est pas une proposition de loi de circonstance ; elle s'inscrit dans un travail de longue haleine de la mission de contrôle.

Des écoles primaires au secondaire, tous les territoires sont concernés : deux tiers des établissements secondaires ont déclaré un incident grave ; 58 500 enseignants ont déclaré avoir fait l'objet de menaces en 2021. Ces chiffres ne sont pas abstraits. Ce sont autant de visages, de femmes et d'hommes qui ont du mal à exercer leur métier. Il n'y a plus de sanctuaire : un mot mal interprété peut déclencher la tempête. Même l'école primaire est touchée désormais.

Certains parents attendent tout de l'école, quand d'autres la contestent pied à pied. Résultat : depuis 2012, les démissions d'enseignants augmentent. Elles ont bondi de 36 % en 2021-2022.

Ce n'est pas qu'une crise de recrutement, c'est aussi une crise de confiance - confiance dans la capacité de la République à protéger ceux qui la servent.

Plus grave encore : près de 56 % des enseignants du secondaire public ont déclaré s'être autocensurés sur les questions religieuses pour ne pas faire de vagues. Un enseignant sur deux en réseaux d'éducation prioritaire (REP) et un quart d'entre eux en milieu rural ont déjà été confrontés à une contestation des valeurs républicaines. Des enseignants, par crainte de réactions violentes, choisissent de ne plus enseigner des principes fondamentaux.

C'est le coeur du problème : l'école républicaine n'est plus le lieu où l'on débat librement de tout, mais un champ de mines.

Il était de notre responsabilité de proposer une réponse républicaine et législative pour protéger les enseignants. Je remercie Laurent Lafon de ce travail.

L'EMC est recentré, la loi de 2004 clarifiée. La laïcité s'appliquera partout où la République enseigne. Le texte responsabilise les parents, car l'autorité parentale ne s'arrête pas aux portes de l'école. La protection fonctionnelle et les dépôts de plainte sont facilités.

Ensuite, tout chef d'établissement doit être informé lorsqu'un élève est condamné pour terrorisme. Enfin, un amendement d'Annick Billon introduit un pouvoir de fouille du chef d'établissement ; la sécurité est la première condition de la liberté.

Parce que la République est une et indivisible, cette loi s'appliquera partout : en métropole, en outre-mer, à Wallis-et-Futuna, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française.

Protéger l'école, c'est protéger la République elle-même. Nous devons porter ce message avec force. Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Pierre Ouzoulias .  - Le 16 octobre 2020, Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie, était décapité. Le 13 octobre 2023, Dominique Bernard a été assassiné par un terroriste islamique, parce qu'il était professeur de lettres. Ces deux professeurs incarnaient la raison critique héritée des Lumières, la laïcité et la connaissance comme instrument d'émancipation des individus et des sociétés. Dans sa propagande officielle, l'État islamique avait encouragé le meurtre des enseignants. Ces terroristes voulaient atteindre l'école de la République et son projet universaliste.

Samuel Paty et Dominique Bernard sont deux martyrs de la laïcité ; il faut nous incliner de nouveau devant leur mémoire. Leur mort nous rappelle que le grand combat de la République pour la liberté et l'émancipation est plus actuel que jamais.

Il est regrettable que l'institution éducative n'ait pas recueilli les témoignages des enseignants qui souhaitaient témoigner de leur mal-être après ces assassinats.

Les enquêtes menées par des chercheurs, comme Ismaïl Ferhat, révèlent leur sentiment de solitude. Ils se sentent seuls face aux revendications et contestations des parents et des élèves. Madame la ministre, il est toujours temps d'ouvrir ces cahiers de doléances. La République doit réaffirmer son soutien envers les enseignants.

L'octroi automatique de la protection fonctionnelle est une nécessité. Pourtant, le taux d'octroi a diminué en 2023, alors que le nombre de demandes a fortement augmenté : un quart des demandes n'ont pas été satisfaites.

Défendre les enseignants de l'école de la République, c'est aussi leur donner les moyens d'exercer leur mission -  formation, remplacement des professeurs absents, mixité scolaire, fin des injonctions pédagogiques permanentes  - pour qu'il n'y ait plus de territoires perdus de la République, pour qu'il n'y ait plus de territoires abandonnés par la République. (Applaudissements)

Mme Monique de Marco .  - En octobre 2023, devant notre mission de contrôle, Mickaëlle Paty a déclaré, « si la mort de mon frère avait servi à quelque chose, Dominique Bernard serait encore là ».

Je remercie Laurent Lafon et Annick Billon de cette initiative. Nous avons aujourd'hui le recul nécessaire pour légiférer. Cela dit, certaines mesures de cette proposition portent atteinte à des droits fondamentaux, sans que leur efficacité soit démontrée.

L'article 6 autorise l'information des chefs d'établissements quand un élève est visé par une procédure judiciaire pour des faits de terrorisme. Cela porte atteinte à la présomption d'innocence et au secret de l'instruction. Faisons confiance à la justice pour prendre les mesures qui s'imposent, même si je comprends que certains veuillent donner au chef d'établissement des prérogatives comparables à celles des forces de l'ordre.

L'article 6 bis, qui donne compétence aux chefs d'établissements et aux CPE de fouiller les élèves en cas de menace, me semble inadapté. Le code de la sécurité intérieure permet déjà de telles fouilles dans un cadre judiciaire et sous le contrôle du procureur, en cas de menace terroriste. Les forces de l'ordre sont formées pour cela, contrairement aux chefs d'établissement. Si un chef d'établissement refusait d'y procéder, quelles seraient les conséquences judiciaires ? Rappelez-vous que trois personnes ont été blessées par l'assaillant de Dominique Bernard. Cette disposition expose les membres de la communauté éducative plus qu'elle ne les protège.

La proposition de Max Brisson, qui confère aux enseignants le statut de dépositaires de l'autorité publique, introduit une confusion entre les missions de police et d'enseignement.

Les propositions qui visent à affaiblir la protection fonctionnelle nous inquiètent. Je pense notamment à la proposition de retrait de ladite protection si l'agent a commis une faute. On l'a vu avec Samuel Paty : cela peut coûter la vie à un agent. Il faut accorder la protection au regard du danger encouru, puis sanctionner l'éventuelle faute dans un second temps.

Nous espérons que le débat lèvera nos inquiétudes sur ces points.

Mme Marie-Pierre Monier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je repense aux mots de Mickaëlle Paty : « Perdre l'école, ce n'est pas perdre une bataille ni offrir une prise de guerre à l'adversaire, c'est perdre la guerre. »

Nous ne pouvons pas baisser les bras. Nous le devons à la mémoire de Samuel Paty et Dominique Bernard et à tous nos personnels éducatifs. L'article 4, mesure phare du texte, répond pleinement à cette exigence, en accordant une protection de plein droit et sans délai. Mais je regrette le dépôt d'un amendement du Gouvernement qui retire les outrages du champ de la protection, alors même que les infractions contre le monde éducatif consistent essentiellement en des outrages, menaces, insultes et injures. (M. Pierre Ouzoulias le confirme.)

L'article 5, qui permet à l'administration de déposer plainte en lieu et place de l'agent, concrétise un engagement ministériel de septembre 2023. Je regrette cependant que le Gouvernement soit dans une logique moins-disante, en ne prévoyant qu'une simple faculté. N'alimentons pas le « pas le vague », qui n'a pas disparu. (MM. Max Brisson et Laurent Lafon marquent leur approbation.)

Nous partageons l'esprit de l'article 1er, qui recentre l'enseignement civique et moral, mais regrettons la disparition de certaines notions, que nous proposerons de réintroduire par amendement.

Le périmètre de la loi de 2004 -  à laquelle nous sommes attachés  - doit être précisé, pour supprimer les zones grises, ce qui sécurisera les décisions prises par les personnels éducatifs.

Nous voulons aménager la portée l'article 6 pour préserver la présomption d'innocence, en réservant l'information obligatoire aux seules condamnations.

Si l'article 6 ter semble opportun, il faut préciser que l'autorisation écrite de l'élève ou de ses parents est obligatoire.

Nous regrettons la rédaction floue de l'article 3 et craignons son détournement à des fins de répression et de stigmatisation ; d'où notre amendement qui vise d'abord à prévenir et accompagner.

Le groupe SER soutient l'objectif de ce texte - protéger les personnels -, mais certaines dispositions ainsi que les amendements du Gouvernement nous posent question. Notre vote dépendra de l'évolution du texte en séance. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Laure Darcos .  - Le 16 octobre 2020, Samuel Paty perdait la vie dans des circonstances atroces. Trois ans plus tard, Dominique Bernard était assassiné en protégeant ses élèves. Pourquoi l'école de la République et ceux qui la servent avec passion, nos « hussards noirs », subissent-ils menaces, violences et agressions ? C'est pour tenter de répondre à cette question que nos commissions de la culture et des lois ont créé une mission conjointe de contrôle dont les recommandations sont en partie reprises dans ce texte.

Tous les territoires et tous les niveaux d'éducation sont concernés. Les remarques faites à un élève peuvent - hélas - vite dégénérer. Le contenu des enseignements est souvent contesté et nombre d'enseignants s'autocensurent. Devrons-nous un jour cesser d'enseigner la sexualité, l'égalité entre les femmes et les hommes ou la laïcité ? Ne rien faire serait criminel. N'importe quel collaborateur du service public de l'éducation peut faire l'objet d'un déferlement de haine.

Nous saluons la cohérence du texte de Laurent Lafon et le travail d'Annick Billon.

L'enseignement de l'EMC est recentré sur l'essentiel.

L'interdiction du port de signes religieux distinctifs est étendue aux activités organisées en dehors du temps scolaire, car la religion relève de la sphère privée.

La responsabilisation des enfants est nécessaire, comme celle de leurs parents. Je suis très favorable aux travaux d'intérêt général (TIG) sur le lieu de vie scolaire.

Les membres de la communauté éducative doivent bénéficier d'un soutien sans faille, en dehors de toute faute qui pourrait leur être imputée personnellement.

En outre, la proposition de loi permet à l'administration de porter plainte au nom de l'enseignant, avec son accord, afin de l'exonérer de formalités pesantes.

Il est important que les services académiques et les chefs d'établissement soient informés d'une mise en examen ou d'une condamnation d'un élève pour terrorisme.

Le temps est à l'action. Le groupe Les Indépendants soutiendra ce texte, mais veillera à son application et à son évaluation. Je vous remercie de vous saisir des recommandations relevant du champ réglementaire, madame la ministre d'État. Ainsi, nous retrouverons des établissements apaisés. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Max Brisson .  - Jonathan Sandler, Samuel Paty, Dominique Bernard ; trois professeurs, trois assassinats, qui ont révélé les menaces et agressions dont les personnels de nos écoles sont victimes au quotidien. Ne les oublions jamais.

Cette proposition de loi honore le Sénat. Elle témoigne de notre capacité de réfléchir à froid. L'enjeu de la mission de contrôle était de proposer des solutions pour éviter de tels drames. Je salue le travail remarquable de Laurent Lafon et de François-Noël Buffet. L'audition de Mickaëlle Paty nous a tous émus. (M. Pierre Ouzoulias le confirme.)

Il fallait des mesures concrètes et opérationnelles : je remercie Laurent Lafon, auteur, et Annick Billon, rapporteure, qui nous proposent une réponse mature.

Il est crucial de rassurer et de protéger nos professeurs, car nous ne pouvons accepter que des milliers d'entre eux exercent sur le qui-vive. Il n'y aura pas d'attractivité du métier sans réponse durable à leur mal-être. Parmi les pays de l'Union européenne, la France est celui qui a le taux de violences à l'école le plus élevé ; parmi les pays de l'OCDE, seuls l'Argentine, le Mexique et le Brésil font pire.

Ce texte, qui vise à mieux armer l'institution pour protéger les professeurs, est un début de réponse. Il est nécessaire mais ne suffira pas, car l'essentiel de la réponse est d'ordre réglementaire. C'est pourquoi, madame la ministre d'État, nous vous remercions d'avoir dit votre volonté de vous saisir de nombreuses préconisations du rapport du Sénat, qui est une mine de propositions en matière de prévention, de sanction et de réparation.

Vigilance : ne diluons pas la protection des professeurs dans une protection générale des fonctionnaires. Le ministère de l'intérieur protège ses policiers et gendarmes ; il est temps que le ministère de l'éducation nationale fasse de même - nous en sommes encore loin. (M. Pierre Ouzoulias le confirme.)

Oui, nous devons étendre la neutralité religieuse à toutes les activités scolaires. Oui, nous devons renforcer la responsabilité des parents - même si je regrette que la jurisprudence n'autorise pas les contrats d'engagement. Oui, nous devons octroyer automatiquement la protection fonctionnelle aux personnels scolaires et je proposerai de renforcer les sanctions pénales pour les auteurs de violences. Oui, nous devons donner des droits nouveaux aux chefs d'établissement, car leurs prérogatives n'ont cessé d'être rabotées.

Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi, en espérant qu'elle soit la première étape vers une action plus ferme pour protéger nos professeurs et notre école. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

Mme Samantha Cazebonne .  - Ce texte répond à une problématique cruciale : la protection des enseignants et des personnels de l'école de la République. Elle fait suite aux travaux d'une mission de contrôle, lancée à la suite de l'assassinat de Samuel Paty. L'assassinat de Dominique Bernard n'a fait que confirmer l'importance de renforcer notre arsenal législatif.

Je rends hommage aux enseignants, directeurs, personnels administratifs, en France et dans le réseau d'enseignement français à l'étranger. Nous leur devons les conditions de travail les plus sereines possible.

Nous partageons le même idéal : faire de l'école un sanctuaire.

Je remercie Laurent Lafon et Annick Billon de leur travail. La mission de contrôle a fait le triste constat d'une violence endémique dans les établissements scolaires, qui a pris une ampleur telle qu'elle touche désormais l'école primaire.

Le recentrage de l'EMC est bienvenu. J'ai déposé un amendement afin de ne pas oublier les établissements du réseau d'enseignement français à l'étranger.

L'article 2 clarifie l'article du code de l'éducation relatif au port de signes religieux. Des zones grises persistaient concernant les activités en dehors du temps scolaire.

L'article 3 inscrit dans la loi le principe de l'accompagnement et de la responsabilisation des élèves perturbateurs et de leurs parents.

L'octroi automatique de la protection fonctionnelle et la possibilité pour l'administration de déposer plainte en lieu et place d'un agent vont dans le sens d'une plus grande protection des enseignants et du personnel de l'éducation nationale. Je défendrai un amendement permettant aux agents consulaires de déposer plainte pour les enseignants du réseau d'enseignement français à l'étranger lorsque le droit local le permet. Réfléchissons à la protection fonctionnelle de ces enseignants à l'étranger, car tous n'en bénéficient pas.

Le RDPI votera ce texte, qui va dans le bon sens. (M. Laurent Lafon applaudit.)

Mme Agnès Evren .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette semaine, à Nîmes, un jeune de 17 ans a poignardé un élève de 13 ans, devant un collège. Ce n'est pas un fait divers, mais un fait de société. Chaque semaine, l'école de la République est le théâtre de violences inouïes - à Paris, il y a deux mois, un jeune de 16 ans a été assassiné... Combien de temps allons-nous encore tolérer une telle décivilisation ? Comment l'école pourrait-elle rester un lieu de civilisation si elle vacille sous les coups de la violence, du communautarisme et de la déconstruction ? L'autorité de l'école a été affaiblie. Un indicateur aurait dû nous alerter : trois mille démissions d'enseignants en 2021, six fois plus qu'il y a quinze ans.

Le rapport de la mission de contrôle décrit une école où la promesse d'émancipation est menacée. Qu'est devenue la promesse de liberté quand la moitié des enseignants déclare s'être déjà autocensurée ? Plus de 37 000 enseignants ont été menacés en 2022. Chaque jour, entre deux et trois d'entre eux sont agressés avec une arme.

Qu'est devenue la promesse d'égalité quand les violences sont concentrées dans certains établissements difficiles ? Alors que 42 % des parents rapportent des faits de violences, ils sont 69 % en REP.

Qu'est devenue la promesse de fraternité lorsque 28 % des enseignants se voient refuser la protection fonctionnelle ? On pense à Samuel Paty. Pis, le refus est bien souvent implicite : c'est un abandon lâche et scandaleux.

Lorsque la loi ne protège plus, il faut changer la loi. Je remercie Laurent Lafon et Annick Billon pour cette proposition de loi salutaire et courageuse, premier jalon vers le rétablissement de l'ordre à l'école : face aux délinquants, elle responsabilise les élèves et leurs parents ; face au besoin de protection de la communauté éducative, elle rend automatique l'octroi de la protection fonctionnelle ; face aux communautarismes, elle clarifie l'interdiction des signes religieux ; face à la décivilisation, elle recentre l'EMC sur la connaissance des institutions et des valeurs républicaines.

Si nous laissons notre école s'effondrer, c'est notre société qui s'effondrera. Soyons courageux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions)

Discussion des articles

Article 1er

Mme la présidente.  - Amendement n°27 du Gouvernement.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - L'article 1er recentre le contenu de l'EMC. Nous ajoutons deux notions : former des citoyens libres et développer l'esprit critique. C'est plus que jamais nécessaire.

Mme la présidente.  - Amendement n°7 de Mme Monier et du groupe SER.

Mme Colombe Brossel.  - L'école est le lieu de l'émancipation individuelle et collective. La notion de liberté est importante : un citoyen libre, cela se construit.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Même si la commission souhaitait de la concision, ces ajouts ont été acceptés. Sagesse sur l'amendement n°27. Aussi, je propose que Mme Brossel retire son amendement ou le rende identique à celui du Gouvernement.

M. Max Brisson.  - Être citoyen, n'est-ce pas déjà être libre, responsable et doté d'esprit critique ? En précisant, on affaiblit. Le texte de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est concis, et c'est parce qu'il n'abuse pas de mots qu'il est passé à la postérité.

M. Stéphane Piednoir.  - J'ai les mêmes réserves que Max Brisson. On veut alléger le contenu de l'EMC, on l'alourdit.

Pourquoi donner un avis défavorable à l'amendement n°7 et un avis favorable à l'amendement n°27 qui a le même objet ? Cartésien de formation, je m'abstiendrai.

L'amendement n°27 est adopté.

L'amendement n°7 n'a plus d'objet.

Mme la présidente.  - Amendement n°22 rectifié de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Oui, certains cours d'EMC sont bavards. Mais à la suite de la proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur, il me semble fondamental d'éduquer les élèves à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme, le sexisme et toutes les autres formes de discrimination et de haine. Précisons-le dans la loi.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Nous préférons une écriture plus concise. Par ailleurs, le code de l'éducation prévoit, d'une manière générale, la formation aux médias, à l'information, à la lutte contre le racisme, ainsi que l'éducation à l'environnement et au développement durable. Avis défavorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Même avis.

M. Max Brisson.  - Le Café pédagogique, jamais avare de critiques, parle de retour à l'instruction civique. Pour ma part, j'en suis très heureux. À vouloir tout apprendre, on n'apprend plus rien. Le recentrage permettra d'enseigner les principes, valeurs et institutions de la République. C'est essentiel.

Mme Monique de Marco.  - Je suis d'accord avec M. Brisson.

M. Pierre Ouzoulias.  - Le rapport de Claude Nicolet de 1984, « Pour une restauration de l'éducation et de l'instruction civiques », est d'une actualité criante. Inspirons-nous-en pour donner une ligne de conduite aux enseignants. L'école de la République forme des républicains.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - La lutte contre le racisme figure déjà dans le code de l'éducation.

L'amendement n°22 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°6 de Mme Monier et du groupe SER.

Mme Colombe Brossel.  - Ce n'est pas à nous de rédiger les programmes - c'est le rôle du Conseil supérieur des programmes. Mais nous pouvons en fixer les grandes orientations.

Le monde change : notre école doit être celle du XXIe siècle et non une école fantasmée. Aussi, il faut sensibiliser les élèves aux dangers d'internet et à la manipulation de l'information.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis défavorable. Le code de l'éducation prévoit déjà la formation des élèves au numérique.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Retrait, sinon avis défavorable. Plusieurs articles du code de l'éducation évoquent la sensibilisation des élèves aux usages d'internet, l'éducation aux médias, ou encore la sensibilisation au harcèlement.

M. Max Brisson.  - Il revient au Parlement de fixer les grandes orientations relatives aux programmes. Madame la ministre d'État, saisirez-vous le Conseil supérieur des programmes afin qu'ils soient modifiés dans le sens de ce texte ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Oui, je souhaite ce recentrage. Le travail est engagé.

Mme Monique de Marco.  - C'est peut-être inscrit, mais ce n'est jamais enseigné. Il faudrait le faire dans le cadre de l'EMC.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

L'article 1er, modifié, est adopté.

Après l'article 1er

Mme la présidente.  - Amendement n°5 de M. Ouzoulias et alii.

M. Pierre Ouzoulias.  - Le 18 février, madame Eustache-Brinio, vous disiez : « Voile et abaya ne sont pas des vêtements culturels, mais des étendards politiques ; ils sont imposés par l'islam le plus rigoriste. Le port de l'abaya par de plus en plus de petites filles participe d'un effrayant apartheid sexuel. »

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - C'était bien dit !

M. Pierre Ouzoulias.  - Pourquoi alors acceptez-vous un apartheid sexuel dans les écoles privées sous contrat ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Qui vous dit que je ne voterai pas votre amendement ?

M. Pierre Ouzoulias.  - Monsieur Hingray dit : « la laïcité s'applique partout où la République enseigne ». Considérez-vous que la République n'enseigne pas dans les écoles privées sous contrat ?

Par cet amendement, je propose que la loi de 2004 soit étendue à tous les établissements, y compris privés sous contrat.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Bravo !

M. Pierre Ouzoulias.  - Pourquoi refuserions-nous à deux millions d'élèves la protection de la laïcité ? Eux aussi ont droit à l'émancipation. Dans le contexte actuel, il est important de rappeler la dignité due à tous. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du RDSE)

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Je salue la constance de notre collègue Ouzoulias, qui porte ses convictions avec force. (Sourires) Toutefois, sa proposition me paraît inconstitutionnelle.

M. Pierre Ouzoulias.  - Ah ?

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Il existe depuis vingt ans un modus vivendi sur le périmètre d'application de la loi de 2004. Ne rouvrons pas la guerre entre école privée et école publique ! Avis défavorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Monsieur le sénateur, je vous renvoie aux travaux de la commission Stasi. Le contrat d'association signé par les établissements privés sous contrat emporte l'obligation d'enseigner les principes et les valeurs de la République. En revanche, la sauvegarde du caractère propre de l'établissement privé, qui est un principe constitutionnel, implique que les convictions religieuses s'y expriment plus librement que dans le public. C'est pourquoi la loi de 2004 ne s'y applique pas. Il est sage d'en rester là.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Nous soutenons pleinement l'extension de l'application de la loi de 2004 aux établissements privés sous contrat.

On reproche, à tort, à la gauche d'avoir abandonné la laïcité...

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Pas à tort !

Mme Marie-Pierre Monier.  - ... quand elle refuse de la voir dévoyée. Au contraire, nous y sommes viscéralement attachés, et considérons qu'elle ne doit pas s'arrêter aux portes des établissements privés sous contrat - financés à 73 % par l'argent public.

La loi de 2004 est un facteur d'apaisement dans les établissements publics, sanctuaires laïcs où les esprits se forment à l'abri du prosélytisme. Il est d'autant plus judicieux d'étendre son périmètre au regard des atteintes à la laïcité dans l'enseignement privé sous contrat, récemment mises en lumière. Envoyons un signal fort en faveur d'une laïcité ambitieuse.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Je voterai votre amendement, monsieur Ouzoulias. J'ai moi-même travaillé dans un établissement privé sous contrat, qui accueillait des élèves en grande difficulté : des questions se posent désormais qui ne se posaient pas il y a dix ans. Nous devons protéger les enfants de certaines dérives communautaires. Je suis tout à fait en phase avec Pierre Ouzoulias sur ce sujet.

M. Pierre Ouzoulias.  - Merci, chère collègue.

Selon la Constitution, la France est une République laïque. Dès lors, la laïcité doit s'appliquer partout. Il faut définir le caractère propre (Mme Colombe Brossel applaudit) ; la Constitution garantit la liberté d'enseignement, ce n'est pas la même chose.

Dans les Hauts-de-Seine, des filles voilées désertent le collège public pour fréquenter le collège privé, en face. Comment accepter que la laïcité soit plus permissive d'un côté de la rue que de l'autre ? C'est incohérent. La cohérence laïque est ici, à gauche ! (Mme Jacqueline Eustache-Brinio proteste avec le sourire.)

M. Max Brisson.  - M. Ouzoulias est toujours cohérent - dans ses attaques systématiques contre l'enseignement privé catholique ! (Murmures à gauche) Cette constance l'honore.

M. Pierre Ouzoulias.  - Merci !

M. Max Brisson.  - Il saisit chaque occasion pour remettre en cause le subtil équilibre de la loi Debré et des principes constitutionnels.

La gauche s'en prend systématiquement, et uniquement, à l'enseignement privé catholique. (Protestations à gauche) Ne donnons pas d'eau au moulin de ceux qui, comme le député Vannier, ont pour obsession de mettre à bas l'enseignement privé sous contrat.

M. Bernard Fialaire.  - Je ne veux pas rallumer la guerre scolaire. Dans mon département, établissements privés et publics mutualisent la cantine, organisent des rencontres sportives, des sorties communes. Tolérer le port de signes religieux pour certains enfants et non pour d'autres, c'est schizophrénique !

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

M. Bernard Fialaire.  - Je voterai cet amendement, qui redonne de la cohérence.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture.  - L'amendement de Pierre Ouzoulias témoigne de sa ténacité et de son habileté, mais nous éloigne de l'objet de notre texte. Nous ne sommes pas obligés de nous engouffrer dans la brèche ! (Sourires)

Ce texte adresse un message clair et fort aux enseignants et au personnel éducatif sur la sécurité au sein des établissements : restons-en là, ne le dénaturons pas, concentrons-nous sur son objet.

M. Stéphane Piednoir.  - La cohérence, à gauche ? Pas tous les jours ! Cela dépend des gauches. (Murmures à gauche) Au Sénat, on a la chance d'avoir des représentants plutôt raisonnables ; ce n'est pas le cas dans une autre assemblée, qui agite de nouveau la guerre scolaire.

Bernard Fialaire a appelé à respecter la neutralité vestimentaire lors des sorties scolaires. Tiens, tiens... Nous sommes le seul groupe à réclamer la même neutralité vestimentaire dans et hors les murs de l'établissement - sans recevoir beaucoup d'écho de la gauche.

Enfin, je m'étonne que cet amendement ne soit pas considéré comme un cavalier législatif : on est très loin du texte initial.

Je connais la malice de Pierre Ouzoulias et son attachement à la laïcité, mais je crains qu'il n'y ait autre chose derrière son amendement ; que le coup d'après soit de nier le caractère propre des établissements privés, qui proposent par exemple de l'enseignement religieux, toujours sur la base du volontariat et d'un document signé en début d'année.

Mme Colombe Brossel.  - Je ne sais si je fais partie des élus « raisonnables », mais ma mère serait heureuse de l'entendre ; je lui enverrai le compte rendu ! (Sourires)

Merci à M. Ouzoulias de provoquer ce débat. Il faudra bien l'avoir, sereinement ; il faudra bien définir ce qu'est le caractère propre...

M. Max Brisson.  - Les masques tombent !

Mme Colombe Brossel.  - Les enfants et adolescents, esprits en formation, citoyens en devenir, doivent bénéficier de la même protection, quel que soit le cadre qui les accueille - le dire ne menace en rien l'enseignement privé sous contrat. Je ne rallume pas la guerre scolaire - je n'avais pas l'âge de défiler en 1984, je ne porte aucun combat, mais je tiens à la rationalité politique.

Mme Laure Darcos.  - Dans les écoles privées, il y a un contrat tripartite, signé par l'établissement, les parents et les élèves, qui est gage de clarté, de respect et de confiance. Je regrette que ce ne soit pas le cas dans le public. Il faudrait pouvoir souligner la place de la laïcité et la nature des enseignements. Malheureusement, c'est une vraie différence entre les deux systèmes scolaires.

Nous voterons contre cet amendement.

Mme Monique de Marco.  - Le débat s'égare. Je crois être raisonnable, jusqu'à preuve du contraire. Nous ne sommes pas du tout contre l'enseignement privé, de ce côté de l'hémicycle.

Madame Darcos, quand j'étais enseignante, le règlement intérieur était présenté aux parents et aux élèves en début d'année, et signé par eux et par le chef d'établissement. Je ne pense pas que cela ait changé. Je voterai cet amendement.

M. Laurent Somon.  - La proposition de loi porte sur la protection fonctionnelle. Certains amendements ravivent des débats certes de fond, mais qui n'ont pas leur place ici. C'est pourquoi nous n'avons pas déposé d'amendement sur les signes religieux pour les accompagnateurs de sorties scolaires, par exemple. Je vous invite à retirer l'amendement, sans quoi, nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Annick Billon applaudit également.)

L'amendement n°5 est mis aux voix par scrutin public à la demande du groupe CRCE-K.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°212 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 338
Pour l'adoption 115
Contre 223

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°14 rectifié de Mme Cazebonne et du RDPI.

Mme Samantha Cazebonne.  - C'est un amendement de soutien au personnel des établissements français à l'étranger. Je souhaite que l'homologation d'un établissement français à l'étranger rappelle que chacun doit respecter les principes et les valeurs de la République, qu'on se trouve à Moscou, en Hongrie, au Honduras ou au Venezuela.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - En commission, vous aviez présenté un amendement différent. Cette version rectifiée fait référence aux valeurs de la République. À titre personnel, avis favorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Votre amendement est satisfait : le programme d'EMC est bien enseigné dans nos établissements à l'étranger. Retrait ?

Mme Samantha Cazebonne.  - Merci à Mme la rapporteure de son soutien, merci à Mme la ministre de rappeler que l'amendement est satisfait. Je voulais signifier que nous sommes aux côtés de ces personnels, dans des pays où l'on conteste parfois nos valeurs.

L'amendement n°14 rectifié est retiré.

Article 2

Mme la présidente.  - Amendement n°21 rectifié de Mme Aeschlimann et alii.

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Cet amendement applique le principe de laïcité aux élèves en stage et en apprentissage. On ne comprendrait pas pourquoi l'élève serait libéré, pendant cette période, des règles qui s'appliquent à l'école. L'apprentissage, je le rappelle, est une période de formation initiale sous statut scolaire, l'élève n'est pas un salarié. Nous devons donner à nos élèves des règles simples et claires, applicables en raison de leur statut et non du lieu où ils se trouvent.

L'amendement de la commission s'applique aux activités en lien avec les enseignements ; celui-ci le complète.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Nous ne souhaitons pas revenir sur le périmètre de la loi de 2004.

Le but des stages et des périodes d'apprentissage est d'immerger le jeune dans le monde du travail. Le règlement intérieur de l'entreprise s'applique à lui pendant cette période - a fortiori pour les apprentis, qui ont un contrat de travail.

Je m'interroge : qui serait chargé de faire respecter l'application de cette mesure ? L'entreprise, le maître de stage, l'établissement scolaire ?

Avis défavorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Même avis.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Je voterai cet amendement, que j'ai cosigné. N'en déplaise à certains, c'est plutôt à droite que l'on défend la laïcité, depuis quelques années...

M. Pierre Ouzoulias.  - Pas complètement tout de même.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Un élève, en stage, est sous la responsabilité de l'établissement scolaire : son statut reste celui d'un élève en formation. Le contrôle est assuré par les enseignants, lors des visites de stage. Il n'y a donc aucune difficulté à faire appliquer des principes et des règles. On ne peut défendre la laïcité sans l'écrire.

L'amendement n°21 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié quater de Mme Maryse Carrère et alii.

Mme Maryse Carrère.  - La formulation de l'article 2 pourrait laisser penser qu'on étend l'interdiction du port de signes religieux aux activités périscolaires, qui ne relèvent pas de l'Éducation nationale mais des collectivités ou d'associations partenaires. La loi de 2004 est équilibrée, ne la fragilisons pas en introduisant une ambiguïté.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - La commission ne souhaite pas modifier le périmètre de la loi de 2004. C'est un texte sur l'école, et non sur les activités périscolaires organisées par les collectivités territoriales. Avis défavorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°4 rectifié quater n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Article 3

Mme la présidente.  - Amendement n°10 rectifié de Mme Monier et du groupe SER.

Mme Colombe Brossel.  - Cet amendement, rectifié après échange avec la rapporteure Billon et le président Lafon, encadre davantage les modalités d'accompagnement et de responsabilisation des élèves et de leurs familles en cas de non-respect de leurs obligations, des personnels et de l'institution. Il est très précis, pour écarter tout risque de censure pour incompétence négative du législateur.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°38 de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Ce sous-amendement prévoit une médiation incluant l'équipe pédagogique, l'élève concerné et ses responsables légaux, afin d'offrir à l'équipe éducative un soutien extérieur à l'établissement dans des cas particulièrement conflictuels et apaiser le dialogue.

Mme la présidente.  - Amendement n°11 rectifié de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - En audition, l'Autonome de solidarité laïque a suggéré d'instaurer des médiations au sein des établissements afin d'éviter les crises et conflits ; d'où cet amendement.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Responsabilisation, accompagnement, sanction : avis favorable à l'amendement n°10 tel que rectifié.

En revanche, avis défavorable au sous-amendement n°38. La médiation est un processus de négociation qui implique la responsabilité de chacune des parties. Une médiation en cas de violence affaiblirait l'institution scolaire. Rien ne justifie les menaces, les violences ou les outrages contre les personnels. Avis défavorable également à l'amendement n°11 rectifié.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Défavorable à la médiation en cas de violence.

S'agissant de l'amendement n° 10 rectifié, je m'interroge sur l'intérêt d'inscrire dans la loi des dispositions d'ordre réglementaire. Réfléchissons plutôt à la façon dont les chefs d'établissement peuvent travailler avec les procureurs et les préfets pour amener les familles à exercer leur responsabilité parentale face à des élèves perturbateurs. Avis défavorable.

Le sous-amendement n°38 n'est pas adopté.

L'amendement n°10 rectifié est adopté et l'article 3 est ainsi rédigé.Les amendements nos11 rectifié et 20 rectifié n'ont plus d'objet.

Après l'article 3

Mme la présidente.  - Amendement n°12 rectifié de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Nous interdisons la transmission par l'administration des coordonnées personnelles des agents de l'éducation nationale.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis favorable : il faut préserver la séparation entre vie professionnelle et vie privée.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - La protection de la vie privée des enseignants est un enjeu important, mais l'amendement est d'ores et déjà satisfait. Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°12 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Je précise que si l'amendement n°20 rectifié est tombé sans avoir été présenté, c'est que l'amendement n°10 rectifié, qui a été adopté, réécrivait globalement l'article 3. C'est conforme à l'article 46 bis alinéa 2 du règlement.

M. Laurent Somon.  - Rappel au règlement. J'ai bien lu l'article 46 bis alinéa 2, mais nous demandons une brève suspension de séance pour bien comprendre.

La séance est suspendue quelques instants.

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié sexies de M. Brisson et alii.

M. Max Brisson.  - Nous avons manqué d'information pour voter en pleine connaissance de cause : il n'avait pas été précisé qu'il s'agissait d'une rédaction globale.

Cet amendement signé par 67 collègues durcit les sanctions encourues par les personnes qui profèrent des violences verbales ou physiques contre les enseignants. Actuellement, les peines ne sont pas assez dissuasives ; il faut instaurer un régime juridique analogue à celui qui protège les forces de l'ordre et les magistrats.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis favorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - À titre personnel, j'y suis favorable. Mais dans le cadre interministériel, on ne comprendrait pas pourquoi seuls les enseignants seraient concernés. Sagesse.

L'amendement n°2 rectifié sexies est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié sexies de M. Brisson et alii.

M. Max Brisson.  - Même chose, mais pour les chefs d'établissement. Reconnaissons leur mission essentielle.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis favorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - On parle des chefs d'établissements et non des directeurs d'école ou des CPE ; cet amendement mériterait d'être retravaillé. Sagesse.

L'amendement n°1 rectifié sexies est adopté et devient un article additionnel.

Article 4

Mme la présidente.  - Amendement n°28 du Gouvernement.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Nous intégrons ces dispositions dans la bonne partie du code de l'éducation.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis favorable.

L'amendement n°28 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°29 du Gouvernement.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Il s'agit de clarifier le champ d'application de l'article 4 en ciblant les personnels de l'éducation exerçant au contact direct des élèves.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis défavorable : vous excluez non seulement les personnels d'enseignement supérieur, ce qui pourrait se comprendre, mais aussi les agents des services centraux ou déconcentrés.

L'amendement n°29 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°30 du Gouvernement.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Il s'agit de circonscrire l'octroi automatique de la protection fonctionnelle aux atteintes qui nécessitent une mise en place de plein droit et sans délai, c'est-à-dire les menaces et les violences. Le cas des outrages est plus compliqué, il faut parfois se pencher sur les faits.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis défavorable, cela affaiblit la portée du texte.

L'amendement n°30 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°13 rectifié de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Actuellement, la procédure de demande de protection fonctionnelle est identique pour toutes les administrations. Nous proposons qu'elle soit adressée par le chef d'établissement, pour sortir la personne concernée de sa solitude. Il faut aussi prévoir un recours d'urgence pour les agents qui n'ont pas obtenu de réponse : ils pourraient saisir le juge administratif au bout de 48 heures sans avoir à prouver l'urgence.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis défavorable, cela fait peser sur le chef d'établissement une lourde responsabilité.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°13 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°31 du Gouvernement.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Amendement de clarification : les dispositions du code des relations entre le public et l'administration s'appliquent sans qu'il soit nécessaire d'y renvoyer.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis favorable.

L'amendement n°31 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°25 de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Le chef d'établissement doit effectuer un signalement sur la plateforme Pharos lorsqu'un agent est l'objet de menaces, de haine ou de harcèlement en ligne.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Défavorable. L'obligation existe déjà, et cela pourrait laisser penser, a contrario, qu'il s'agit de la seule mesure de protection dont bénéficient les agents.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis défavorable.

L'amendement n°25 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°19 rectifié de Mme Cazebonne et du RDPI.

Mme Samantha Cazebonne.  - Amendement d'appel. Les personnels de l'enseignement français à l'étranger ne bénéficient pas de la même protection fonctionnelle, alors qu'ils peuvent rencontrer les mêmes difficultés. Les établissements homologués doivent s'emparer de cette question.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis défavorable, pour des raisons de forme : le Gouvernement n'a pas besoin d'un décret pour autoriser le ministère des affaires étrangères à prendre des mesures.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Je m'engage à organiser la réunion que vous souhaitez, madame Cazebonne.

L'amendement n°19 rectifié est retiré.

L'article 4, modifié, est adopté.

Article 5

Mme la présidente.  - Amendement n°32 du Gouvernement.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Je suis très favorable à ce que l'administration dépose plainte à la place des agents, mais il est important de cerner les motifs concernés. Cet amendement cible les infractions qui donnent lieu à cet accompagnement.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis défavorable, même si nous pourrons y revenir dans le cadre de la navette.

L'amendement n°32 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°33 du Gouvernement.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Mise en cohérence avec un amendement du Gouvernement à l'article 4.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis toujours défavorable. Il n'y a pas lieu de créer deux statuts différents.

L'amendement n°33 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°34 du Gouvernement.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Laissons l'administration apprécier l'opportunité de déposer plainte au nom de son agent. Parfois, ce n'est pas approprié. Préférons la faculté à l'obligation.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis défavorable : cela affaiblit le texte.

L'amendement n°34 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°18 rectifié de Mme Cazebonne et du RDPI.

Mme Samantha Cazebonne.  - Le représentant consulaire français pourrait déposer plainte lorsque le droit local l'autorise.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - La commission avait émis un avis défavorable, mais puisqu'il a été précisé « lorsque le droit local le permet », avis favorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Cet élément est à intégrer dans la réflexion globale que nous devons mener. Retrait ?

L'amendement n°18 rectifié est retiré.

L'article 5 est adopté.

Article 6

Mme la présidente.  - Amendement n°8 de Mme Monier et du groupe SER.

Mme Colombe Brossel.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°23 de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Défendu.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis défavorable : les services académiques et les chefs d'établissements sont déjà informés pour les crimes à caractère sexuel.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Même avis.

Les amendements identiques nos8 et 23 ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°36 du Gouvernement.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - L'amendement identifie précisément les crimes et les infractions terroristes dans le code pénal.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis favorable à cet amendement rédactionnel.

L'amendement n°36 est adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

Article 6 bis

Mme la présidente.  - Amendement n°24 de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - L'article 6 bis a été ajouté par la commission sans faire l'objet d'audition. La fouille des sacs est une prérogative des forces de l'ordre : ne brouillons pas les frontières. Les syndicats m'ont alertée sur cet article.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Il s'agit d'une possibilité accordée aux chefs d'établissements, non d'une obligation. Il n'est pas question qu'ils s'improvisent officiers de police judiciaire. Avis défavorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Il faut assurer la sécurité et éviter l'introduction d'armes blanches dans les établissements. Les inspections visuelles des sacs sont déjà possibles. Je souhaite que les fouilles restent réalisées par les forces de l'ordre, sous le contrôle de l'autorité judiciaire. Sagesse.

L'amendement n°24 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°9 de Mme Monier et du groupe SER.

Mme Colombe Brossel.  - Défendu.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis défavorable : rendre obligatoire la fouille imposerait une lourde responsabilité aux chefs d'établissements.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Sagesse.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

L'article 6 bis est adopté.

L'article 6 ter est adopté.

Article 7

Mme la présidente.  - Amendement n°37 du Gouvernement.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Levée de gage.

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Avis favorable.

L'amendement n°37 est adopté et l'article 7 est supprimé.

Vote sur l'ensemble

Mme Colombe Brossel .  - Nous voterons cette proposition de loi, dont l'objet central est d'accroître la protection que la République doit aux enseignants et à ceux qui font vivre la communauté scolaire. Nous le devons à Samuel Paty, à Dominique Bernard, à l'ensemble des enseignants qui construisent du commun au quotidien.

Est-ce la proposition de loi que les socialistes auraient écrite ? Je ne le crois pas, mais c'est la beauté du débat démocratique.

Je remercie Laurent Lafon et Annick Billon pour leur esprit constructif. Montrons aux enseignants que nous nous rassemblons pour les protéger : c'est ainsi que nous contribuerons à la consolidation de la République.

Mme Monique de Marco .  - Nous penchions pour l'abstention, constatant qu'aucun de nos amendements ou presque n'a été adopté. (M. Laurent Lafon et Mme Annick Billon le contestent.) Mais pour ne pas rompre l'unanimité, le GEST votera le texte. (On s'en réjouit sur plusieurs travées.)

À la demande du groupe UC, la proposition de loi, modifiée, est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°213 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 341
Contre    0

La proposition de loi est adoptée.

Mme la présidente.  - À l'unanimité ! (Applaudissements)

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Je remercie le Sénat pour ce vote ; c'est un message fort adressé aux personnels de l'éducation nationale et aux enseignants. Nous sommes à leurs côtés pour les protéger contre les violences. (Applaudissements)

Mme Annick Billon, rapporteure.  - Je remercie tous les groupes. Nous partageons la volonté de travailler à la sécurité des enseignants. La protection fonctionnelle et le dépôt de plainte seront facilités.

Dans notre vie quotidienne, nous sommes tous soumis à des fouilles. Il me semble pertinent qu'elles soient possibles dans les établissements si l'élève l'accepte, et que, sinon, elles soient effectuées par les forces de l'ordre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Lafon, président de la commission.  - Je remercie Annick Billon et l'ensemble de l'hémicycle pour ce vote unanime ; c'est la conclusion d'un travail en commun avec la commission des lois et François-Noël Buffet. Merci, madame la ministre, pour votre soutien. Je comprends qu'il y a des discussions interministérielles, mais il me semble nécessaire de reconnaître des spécificités au sein de la fonction publique, notamment concernant la sécurité des enseignants. (Applaudissements)

La séance est suspendue à 13 h 15.

Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président

La séance reprend à 14 h 45.