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Table des matières



Mises au point au sujet d'un vote

Fonctionnement des chambres d'agriculture et de la Mutualité sociale agricole (Conclusions de la CMP)

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour le Sénat de la CMP

M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

M. Gérard Lahellec

M. Daniel Salmon

M. Christian Redon-Sarrazy

M. Vincent Louault

M. Olivier Rietmann

Mme Nicole Duranton

M. Henri Cabanel

M. Yves Bleunven

Urgence pour Mayotte (Conclusions de la CMP)

Mme Micheline Jacques, rapporteur pour le Sénat de la CMP

M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Discussion du texte élaboré par la CMP

Article 2

Explications de vote

Mme Isabelle Florennes

M. Robert Wienie Xowie

Mme Antoinette Guhl

M. Saïd Omar Oili

M. Daniel Chasseing

Mme Dominique Estrosi Sassone

Mme Samantha Cazebonne

M. Jean-Marc Ruel

Interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique (Conclusions de la CMP)

M. Khalifé Khalifé, rapporteur pour le Sénat de la CMP

M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Mme Anne Souyris

M. Jean-Luc Fichet

M. Daniel Chasseing

Mme Pascale Gruny

M. Dominique Théophile

M. Michel Masset

Mme Élisabeth Doineau

Mme Silvana Silvani

Convention sur la sécurité et la santé des travailleurs (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux

M. Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires étrangères

Mme Annie Le Houerou

M. Dany Wattebled

Mme Pascale Gruny

Mme Nicole Duranton

M. Michel Masset

Mme Élisabeth Doineau

Mme Silvana Silvani

M. Akli Mellouli

Discussion de l'article unique

Ordre du jour du lundi 17 février 2025




SÉANCE

du jeudi 13 février 2025

56e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président

Secrétaires : Mme Alexandra Borchio Fontimp, Mme Véronique Guillotin.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Mises au point au sujet d'un vote

M. Lucien Stanzione.  - Lors du scrutin public n°192, je souhaitais voter pour.

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Lors du scrutin public n°192, Claude Raynal, Éric Kerrouche, Monique Lubin, Didier Marie, Émilienne Poumirol, Patrice Joly, Jean-Luc Fichet et Franck Montaugé souhaitaient voter contre.

Acte en est donné.

Fonctionnement des chambres d'agriculture et de la Mutualité sociale agricole (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant diverses mesures visant à adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d'agriculture et de la Mutualité sociale agricole.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - Nous venons d'achever l'examen du projet de loi d'orientation agricole - un grand texte, au moins par sa taille et son parcours législatif qui aura duré une année entière. Ce matin, c'est un texte au périmètre plus restreint, déposé en novembre dernier et adopté en CMP lundi 10 février, que nous examinons.

Cette petite proposition de loi n'en reste pas moins cruciale pour l'exercice de la démocratie agricole - titre initial du texte. Elle permet d'assurer la continuité du fonctionnement des caisses de la Mutualité sociale agricole (MSA) et des chambres d'agriculture.

Les bureaux de ces dernières doivent être constitués au plus tard le 5 mars prochain. Or, en raison des incompatibilités établies à l'article L. 254-1-2 du code rural, il n'aurait plus été possible pour les coopérateurs ou administrateurs de coopératives pratiquant la vente de produits phytosanitaires de siéger dans les bureaux des chambres et au conseil d'administration de Chambres d'agriculture France, leur tête de réseau. Son président, Sébastien Windsor, premier concerné, nous avait alertés de longue date sur le risque de contraction du vivier de professionnels éligibles.

L'article 1er de ce texte y remédie, en supprimant l'incompatibilité stricte au profit d'une règle de déport lors des délibérations relatives au conseil à l'utilisation de produits phytosanitaires.

Les résultats aux élections des chambres d'agriculture montrent une stabilité de la participation - un niveau particulièrement haut pour des élections professionnelles. Plusieurs chambres ont basculé du duo FNSEA-Jeunes Agriculteurs vers la Coordination rurale, des listes dissidentes ou la Confédération paysanne.

Je retiens surtout que la démocratie agricole est bien vivante.

Nous avons donc jugé inopportun le maintien d'une demande de rapport, introduite à l'Assemblée nationale, sur l'opportunité d'introduire la proportionnelle intégrale pour ces élections, alors même qu'elles étaient en cours.

Un amendement de Christian Redon-Sarrazy rétablit la condition d'être à jour de cotisations pour être éligible à une caisse de MSA.

L'article 2 offre aux agriculteurs en difficulté financière la possibilité de s'exprimer. C'est bienvenu ; mais pour exercer des responsabilités au sein de l'institution, être en règle était un minimum.

Je me réjouis que la CMP ait entériné le texte du Sénat à la quasi-unanimité. Je salue le rapporteur, Vincent Louault, ainsi que tous les sénateurs qui sont investis sur les questions agricoles.

Ce texte n'est qu'un premier pas, et j'espère que les réformes plus substantielles incluses dans le projet de loi d'orientation agricole et dans la proposition de loi Duplomb-Menonville connaîtront le même sort que ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et du RDSE)

M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement .  - Alors que les bureaux des chambres d'agriculture sont en voie de renouvellement, la CMP est parvenue à un accord - une excellente nouvelle.

Mme Genevard, retenue, tient à vous remercier, monsieur Louault.

M. Cédric Chevalier.  - Bravo !

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Ce texte conforte deux acquis démocratiques. Premièrement, ne pas exclure de la gouvernance des chambres les représentants des coopératives, grâce à une application moins rigide du principe de séparation entre conseil et vente de produits phytopharmaceutiques, principe déconnecté de la réalité du monde agricole. Deuxièmement, réarrimer les plus précaires à la démocratie agricole, en octroyant le droit de vote à ceux qui ne sont pas à jour de leurs cotisations - cela s'appliquera en 2030.

La proposition de loi adapte les élections aux chambres d'agriculture et à la MSA aux réalités territoriales. C'est le cas à Lyon, mais aussi à Mayotte, où les élections sont reportées à la suite du drame personnel et collectif que vivent les Mahorais.

Ce texte conforte des principes forts, comme la parité pour le deuxième collège de la MSA, en 2030. C'est un horizon ambitieux, mais réaliste. Cette revalorisation du statut et de la place des femmes en agriculture est un engagement très cher à la ministre de l'agriculture.

La proposition de loi offre une respiration démocratique essentielle : je vous appelle à la voter. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe INDEP)

M. Gérard Lahellec .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Exercice délicat que celui de légiférer. Lors du vote de la loi Égalim en 2018, l'intention du législateur, en prescrivant la séparation des activités de conseil et de vente de produits phytopharmaceutiques, était d'en limiter l'usage - volonté louable. Mais nous n'avions pas perçu que les coopératives agricoles, créées par les agriculteurs eux-mêmes, ne pourraient plus voir leurs représentants élus dans les instances dirigeantes des chambres. Il fallait donc adapter la loi, tout en ne remettant pas en cause les principes de la loi Égalim.

À l'issue de la CMP, prenons ce texte pour ce qu'il est, ni plus ni moins. Il fallait prendre en compte certaines réalités, la situation de Mayotte notamment. Les élections viennent d'avoir lieu, les instances se renouvellent, il était donc urgent de légiférer.

Je me félicite de la lucidité ayant prévalu pour donner à cette loi un titre plus conforme à la modestie de ses dispositions. Notre groupe votera ce texte.

M. Daniel Salmon .  - Cette proposition de loi est peu ambitieuse : se contentant d'ajustements mineurs, elle ne répond en rien à la nécessité d'une réforme en profondeur de la démocratie agricole.

L'article 1er est un recul inacceptable, car il remet en cause la séparation entre la vente et le conseil. Ce texte brouille dangereusement les lignes et favorise un mélange des genres préoccupant. Il aurait plutôt fallu s'attaquer aux causes du problème : manque d'attractivité de ces structures pour de nombreux agriculteurs et nécessité d'un mode de scrutin véritablement représentatif.

Il est impératif de repenser un système qui ne correspond plus aux attentes d'une part significative de la profession : la moitié des professionnels s'est abstenue lors des élections. Ce fonctionnement verrouillé empêche de prendre en compte les préoccupations réelles du monde agricole, notamment celles des nouvelles générations, soucieuses de concilier production et respect de l'environnement.

L'enjeu central demeure l'instauration d'un véritable pluralisme. La coalition FNSEA-Jeunes Agriculteurs conserve 80 % des postes avec moins de 50 % des suffrages. Tant que ce système perdurera, tant que la proportionnelle sans prime majoritaire ne sera pas instaurée, les chambres d'agriculture ne pourront pas gagner en légitimité et en efficacité.

Ce débat ne peut plus être éludé : il faut repenser le cadre démocratique des chambres d'agriculture.

Hier soir, les grandes orientations de l'agriculture ont été esquissées pour la prochaine décennie : elles ne correspondent en rien aux attentes de la société et du monde agricole. D'autres sensibilités devraient pouvoir s'exprimer dans les chambres d'agriculture.

Réforme du mode de scrutin, instauration d'un pluralisme effectif, diversification de la composition des instances, répartition plus équitable des financements : voilà les enjeux.

Le GEST votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Christian Redon-Sarrazy .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cette proposition de loi, technique, aura permis de régler quelques dysfonctionnements et de lancer des débats importants, prélude à de plus amples réflexions.

Que le Sénat ait voté ce texte à la quasi-unanimité et que la CMP ait été conclusive démontre, pour une fois, une relative entente sur tous ces bancs. Six articles sur huit ont été votés conformes au texte de l'Assemblée nationale.

Notre amendement qui réintroduit l'obligation d'être à jour de ses cotisations pour être candidat à la gouvernance de la MSA a été conservé.

Mais les points clivants n'ont pas trouvé de traduction législative. Les questions essentielles restent en suspens.

La proposition de loi n'a pas abordé le manque de pluralisme au sein des instances agricoles. L'article 1er ter, qui prévoyait un rapport sur le mode de scrutin, a été supprimé en commission et n'a pas été réintroduit dans le texte final. Une véritable réforme est nécessaire. Le Gouvernement s'est engagé à réfléchir sur le sujet, par la voix d'Annie Genevard. Les élections ont pris fin, il est temps que la réforme se concrétise.

Les résultats des élections ont confirmé que le mode de scrutin actuel ne favorisait pas la stabilité, bien au contraire ; tout compromis est impossible. Nous attendons donc les propositions du Gouvernement pour freiner cette dérive monopolistique inquiétante.

Nous ne nous sommes pas opposés à la pérennisation du dispositif transitoire sur le cumul de fonctions concernant la vente et le conseil. Néanmoins, nous avons proposé des garde-fous. À ce jour, aucune sanction n'existe en cas de non-respect de cette obligation. Notre amendement n'a pas été adopté, malheureusement. Bref, le débat reste ouvert.

Le groupe SER votera les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Vincent Louault .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC ; M. Louis-Jean de Nicolaÿ applaudit également.) Je remercie Nicole Le Peih et me réjouis de l'accord en CMP, dans la version du texte du Sénat. Cette proposition de loi n'est pas une grande loi agricole ; cela dit, elle était utile et urgente, et a mis tout le monde d'accord.

Être à jour de ses cotisations pour être candidat à la MSA était nécessaire.

L'article 1er est bienvenu. Certes, la séparation de la vente et du conseil est importante, mais le dispositif issu de la loi Égalim ne fonctionnait pas ; il était absurde d'exclure des professionnels des chambres tout en demandant plus de démocratie agricole. Nous devrons retravailler ce mécanisme dans un prochain texte.

Je remercie tous les agriculteurs candidats pour leur engagement au sein du monde agricole. Je retiens un fort taux de participation - c'est l'honneur de la profession.

Je suis très heureux que le projet de loi d'orientation agricole avance enfin. Certes, il ne répondra pas à toutes les attentes - simplification, millefeuille administratif, sans parler des haies, des chiens et de la laine... Demain, il nous faudra parler recherche, innovation, nouvelles techniques génomiques (NTG), adaptation et atténuation du changement climatique et revenus.

Nous voterons ce texte, une bouffée d'air frais. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Claude Kern et Mme Dominique Estrosi Sassone applaudissent également.)

M. Pierre Jean Rochette.  - Excellent !

M. Olivier Rietmann .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi est attendue. Elle succède à plusieurs textes portant sur le monde agricole : proposition de loi Duplomb-Menonville, proposition de loi haies, projet de loi d'orientation. Le texte a fait l'objet d'un accord en CMP, et je remercie Vincent Louault.

Ainsi, les agriculteurs membres des coopératives vendant des produits phytopharmaceutiques pourront être élus au bureau des chambres d'agriculture, avec une règle de déport. Ce texte revient donc sur la loi Égalim. Mais ce n'est qu'un début : nous demandons l'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale de la proposition de loi Duplomb-Menonville pour mettre un terme à ce principe de séparation de la vente et du conseil.

Nous légiférons avec la conscience de l'urgence : urgence de la procédure, le Parlement ayant examiné le texte en un temps record ; urgence des attentes exprimées par les agriculteurs, exaspérés par une réglementation qui désespère ; urgence des réponses attendues de la part des pouvoirs publics, comme en témoigne ce vote clairement contestataire lors du renouvellement des chambres ; urgence de ne plus faire dans la demi-mesure lorsqu'il s'agit de simplifier - les élus consulaires, qui sont au contact des difficultés du monde agricole, le savent et nous le demandent.

Nous devons collectivement prendre la mesure de ces urgences.

Nous ne pouvons plus traiter l'agriculture avec un paternalisme condescendant ni à la seule aune de son poids dans le PIB. L'agriculture est l'avenir de notre indépendance et de notre souveraineté alimentaires, l'un des meilleurs remèdes à nos problèmes de compétitivité et l'assurance vie de notre biodiversité et de nos paysages. C'est aussi un tissu économique vital pour nos territoires. Le retour de la puissance française passe par la restauration de notre puissance agricole.

Le groupe Les Républicains votera ce texte et je souhaite un fructueux mandat à tous les nouveaux élus consulaires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Mme Nicole Duranton .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP) Ce texte technique répond à des enjeux fondamentaux pour l'avenir de notre agriculture et le fonctionnement des chambres d'agriculture. Elles sont un trait d'union entre l'État et les agriculteurs et regroupent tous les acteurs du secteur : exploitants, propriétaires, salariés, coopératives, syndicats... Elles doivent fonctionner correctement, or certaines dispositions réglementaires ne correspondent plus aux réalités du terrain.

Cette proposition de loi vise donc à moderniser leur gouvernance. Elle corrige une incohérence de la réglementation relative à la séparation entre vente et conseil en matière de produits phytosanitaires, qui interdisait aux administrateurs de coopératives agricoles de siéger au bureau des chambres d'agriculture, les privant de leur expérience précieuse. En rétablissant la possibilité de siéger, nous garantissons une gouvernance plus équilibrée et représentative de la diversité du secteur.

La proposition de loi impose l'adoption d'un règlement intérieur dans chaque chambre d'agriculture : c'est fondamental pour un fonctionnement transparent et démocratique.

Elle facilite aussi la participation des agriculteurs aux élections de la MSA. Actuellement, ceux qui ne sont pas à jour de cotisations depuis plus de six mois ne peuvent voter, ce qui rend difficile la constitution des listes électorales de la MSA pour de simples raisons administratives. Nous garantissons donc une participation plus large et plus juste des agriculteurs à la gouvernance de leur système de protection sociale. Ce texte sécurise aussi l'élection des membres des MSA pour 2025, en harmonisant les dates des scrutins.

Le RDPI se félicite que la CMP ait maintenu la suppression de l'article 1er ter, qui prévoyait un énième rapport.

Nous voterons cette proposition de loi, utile et attendue. (M. Claude Kern applaudit.)

M. Henri Cabanel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Vincent Louault applaudit également.) Ce texte devait être adopté avant le 5 mars : contrat rempli ! Seul petit couac : certains députés ont oublié de venir en CMP...

Ce texte technique facilite le déroulement des élections aux chambres d'agriculture et à la MSA. Aucune modification de la gouvernance des chambres d'agriculture n'est prévue, pas plus que la remise en cause de la séparation entre vente et conseil en matière de produits phytosanitaires.

Pourtant, les enjeux de pluralisme et de représentativité sont essentiels : voyez les résultats aux élections des chambres d'agriculture, avec la percée de la Coordination rurale, portée par un vote dégagiste contre l'alliance ultra-majoritaire FNSEA-Jeunes Agriculteurs, entraînant le basculement d'une quinzaine de chambres.

Trop d'exploitants se sentent oubliés. Il y a six ans, moins d'un agriculteur sur deux avait voté et l'alliance FNSEA-Jeunes Agriculteurs avait gagné 97 des 101 chambres avec 23 % des voix... Le vote est pourtant facile.

Le monde agricole a besoin de plus de transparence et de reconnaissance, dans un contexte de défiance à l'égard des partis et des syndicats - voyez le baromètre du Cevipof qui vient d'être publié.

Il faut réformer le mode de scrutin, en ouvrant la voie à la proportionnelle. La Cour des comptes appelle à refondre le mode d'élection pour plus de pluralité syndicale. J'avais, dans mon rapport avec Françoise Férat, pointé du doigt ce sentiment d'abandon des agriculteurs et le décalage criant entre leur vocation nourricière et le défaut de reconnaissance économique, sociale et politique dont ils pâtissent.

Au moins, la règle du déport est formalisée : c'est indispensable pour prévenir et lutter contre les conflits d'intérêts.

La proposition de loi ouvre aussi le droit de candidater et de voter à tous les adhérents à la MSA, même non à jour de cotisations sociales - c'était la double peine pour les agriculteurs en difficulté !

Le RDSE votera ce texte qui répond à une situation d'urgence, de manière juste et pragmatique. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe INDEP)

M. Yves Bleunven .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Dominique Estrosi Sassone et M. Laurent Somon applaudissent également.) Rarement avons-nous examiné autant de textes agricoles que ces dernières semaines : mesures budgétaires, proposition de loi sur les contraintes du métier d'agriculteur, projet de loi d'orientation... Un futur texte Égalim est même prévu.

Notre souveraineté alimentaire est en danger : nous devions en faire une priorité nationale.

Au sortir des élections des chambres d'agriculture et à quelques jours du Salon de l'agriculture, ce texte technique est important pour le nouveau cycle de démocratie agricole qui s'ouvre en 2025, dans un climat de contestation.

L'article 1er acte la simplification du principe de séparation entre les activités de vente et de conseil en matière de produits phytosanitaires. L'urgence technique ne doit pas masquer l'urgence politique. Les travaux du Parlement ont été retardés par la censure, tout en instillant un attentisme préjudiciable chez les acteurs économiques. Ce texte arrive juste à temps pour la constitution du bureau des chambres d'agriculture.

Passées les urgences techniques, nous devrons revenir au débat politique au long cours, sur le périmètre du guichet France Services Agriculture, sur Égalim, sur le foncier agricole, entre autres.

La démocratie agricole peut répondre au malaise agricole. Chambres d'agriculture et MSA sont des instances nécessaires, au plus près du quotidien des agriculteurs, y compris de leur mal-être. Pourtant, 30 % des agriculteurs ne se sentent proches d'aucun syndicat.

Paradoxe : le nombre d'agriculteurs diminue, mais la question agricole devient la préoccupation d'un nombre croissant d'acteurs - ONG, élus, associations environnementales ou sanitaires - dont les injonctions sont contradictoires.

Nous aussi avons notre part de responsabilité, voyez nos débats sur la hauteur de la haie ou le bien-être des chiens de troupeaux... Prenons un peu de recul et montrons-nous à la hauteur du défi. Les agriculteurs comptent encore sur nous.

Le groupe UC votera ce texte technique et efficace. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, du RDPI et du RDSE)

M. le président.  - Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la CMP.

La proposition de loi est définitivement adoptée.

Urgence pour Mayotte (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'urgence pour Mayotte.

Mme Micheline Jacques, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - (M. Laurent Somon et Mme Isabelle Florennes applaudissent.) Deux mois après le cyclone Chido, j'exprime une nouvelle fois toute ma solidarité avec nos compatriotes mahorais. Pour eux, nous avions hâte de nous atteler à ce projet de loi et à la reconstruction.

Avec les rapporteurs pour avis Isabelle Florennes et Christine Bonfanti-Dossat, nous avons travaillé à un compromis au sein de la CMP, préservant la majorité des apports du Sénat.

Notre boussole : l'association étroite des élus mahorais à la reconstruction. Je salue les sénateurs Salama Ramia et Saïd Omar Oili.

Je me félicite que les collectivités territoriales soit présentes dans la gouvernance de l'établissement public chargé de la reconstruction de Mayotte. La coopération entre l'État, principal financeur, et les acteurs locaux -  que j'ai tous rencontrés en janvier  - est essentielle.

La CMP a maintenu l'encadrement de la vente de tôles et l'habilitation du Gouvernement pour prendre des ordonnances relatives à la lutte contre l'habitat illégal.

Alors que l'Assemblée nationale avait supprimé la dispense d'autorisation d'urbanisme pour les constructions temporaires, nous l'avons réintroduite, mais mieux encadrée. Bureaux et salles de classe ne pourront être implantés sans accord du maire.

Deux tiers des constructions à Mayotte n'ont jamais fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme. La CMP a étendu le droit à la reconstruction à l'identique aux bâtiments en dur datant d'avant 2013.

Le PTZ pour la reconstruction de logements et l'exonération de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) déchets, apports du Sénat, ont été maintenus. En contrepartie, le plafond de la réduction d'impôt pour les dons en faveur des victimes a été ramené à 2 000 euros.

Bien sûr, nous ne prétendons pas résoudre toutes les difficultés -  pauvreté, habitat informel, insécurité, immigration clandestine...

Il est temps de nous préparer à la prochaine étape : le projet de loi programme annoncé par le ministre d'État, ministre des outre-mer. J'invite le Gouvernement à s'appuyer sur les travaux de la délégation sénatoriale aux outre-mer.

Ce texte d'urgence est un indispensable premier jalon, pour une reconstruction que je souhaite rapide, pérenne et concertée. J'espère que vous approuverez très largement les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDSE et sur quelques travées du groupe SER.)

M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement .  - Je vous prie d'excuser Manuel Valls, retenu par une réunion sur la Nouvelle-Calédonie.

Il y a quelques semaines, il avait défini la méthode du Gouvernement en trois temps : urgence, reconstruction, refondation.

Nous nous dirigeons progressivement vers une sortie de la phase d'urgence vitale, même si des difficultés persistent. L'accès à l'électricité et à la nourriture s'est amélioré. La rentrée scolaire a eu lieu. Seule une vingtaine d'écoles ne peuvent accueillir des élèves. Quelque 1 100 élèves ont été scolarisés hors de Mayotte, dont 400 à La Réunion. Nous remplaçons les épreuves de fin d'année par du contrôle continu. Le budget pour 2025 prévoit 2,5 millions d'euros pour la reconstruction des écoles. L'objectif d'achever le traitement des déchets ménagers dans un mois demeure un immense défi. Cinq dispensaires de santé sur sept sont rouverts, et un hôpital de campagne associatif a remplacé l'élément de sécurité civile rapide d'intervention médicale (Escrim).

Je salue l'engagement des Mahorais et des entrepreneurs, que l'État accompagne sans réserve.

La circulaire sur le fonds de secours, qui prévoit 15 millions d'euros d'aides pour les agriculteurs, a été signée.

Je salue aussi les élus, qui seront incontournables dans la reconstruction et la refondation. Une convention d'intention a été signée avec le président du conseil départemental et le président de l'association des maires pour fixer les grands principes de la refondation : durcissement des règles contre l'immigration illégale, lutte contre les bidonvilles, développement des infrastructures, convergence économique et sociale.

Pour autant, tout reste à faire. Il faut reconstruire, puis refonder Mayotte.

Le Parlement s'est hissé à la hauteur de sa responsabilité en votant à la quasi-unanimité ce projet de loi.

La CMP a trouvé des compromis féconds. Je pense notamment à l'article 1er : la composition de l'établissement public permet une meilleure représentation des collectivités territoriales. À l'article 2, la prise en charge de la reconstruction des écoles se fera à la demande des communes concernées. L'article 3 a été davantage encadré pour limiter les dérogations aux autorisations d'urbanisme. La lutte contre les bidonvilles a été intégrée dans le champ de l'ordonnance prévue à l'article 4. L'article 4 bis réglemente désormais la vente de tôles aux particuliers. L'article 13 bis AA permet de réserver jusqu'à 30 % d'un marché public aux TPE-PME de Mayotte. L'article 17 bis AA crée un PTZ, ouvert à toutes les familles mahoraises, pour reconstruire leur maison, même non assurée. Enfin, l'article 17 ter exonère Mayotte de TGAP déchet pendant deux ans.

Le coût des destructions pourrait atteindre les 3,5 milliards. L'État sera au rendez-vous avec des aides directes et des fonds européens, pendant plusieurs années. Les assurances et l'Agence française de développement (AFD) auront aussi un rôle à jouer. Manuel Valls et le ministre des armées ont par ailleurs validé le déploiement d'un bataillon temporaire, de près de 400 soldats.

Après le temps de l'urgence et de la reconstruction, viendra celui de la refondation. Un projet de loi programme pour Mayotte sera présenté dans quelques semaines. Visant au développement économique, éducatif et social de l'île, il s'appuiera sur le plan stratégique du général Facon.

Il nous faudra aussi un vrai projet d'avenir pour la jeunesse. Le régiment du service militaire adapté (RSMA) fait déjà un travail remarquable.

Le cyclone a surtout révélé et exacerbé les calamités existantes, et notamment le sous-développement des infrastructures économiques et des services publics, entretenu par deux fléaux qui rongent le territoire : l'habitat illégal et l'immigration clandestine.

Sans changement structurel sur l'eau, nous reviendrons à la situation d'avant Chido. Nous voulons créer une deuxième usine de dessalement, et avancer sur la troisième retenue collinaire. Il y a un vrai risque d'une nouvelle crise de l'eau.

Pour reconstruire logements, infrastructures, entreprises ou services publics, la zone franche globale sera utile. Mais les projets des maires et des entrepreneurs sont empêchés par les bidonvilles. Je serai clair : le Gouvernement ne laissera pas Mayotte redevenir une île bidonville. Les décasages reprennent et c'est une bonne nouvelle.

Nous devons nous attaquer à l'immigration illégale, qui pèse sur nos compatriotes, nourrit l'ultraviolence et alimente le trafic d'êtres humains. Nous agissons, sur terre et en mer, avec de nouvelles capacités radars ; la présence militaire sera renforcée de manière pérenne dans la région.

Le second projet de loi permettra de renforcer nos moyens juridiques : allongement de la durée de résidence régulière des parents pour l'accès des enfants à la nationalité française, lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité, extension de l'aide au retour volontaire. Nous devons porter le nombre d'éloignements de 25 000 à 35 000, ce qui suppose un rapport très ferme avec les Comores.

En adoptant ce texte, vous prouverez aux Mahorais que la nation est à leurs côtés, que nous aidons Mayotte à se relever, que nous la reconstruisons sur des bases plus saines, pour changer leur vie. (MmeDominique Estrosi Sassone, Micheline Jacques, Isabelle Florennes, MM. Saïd Omar Oili, Loïc Hervé et Daniel Fargeot applaudissent.)

Discussion du texte élaboré par la CMP

Article 2

M. le président.  - Amendement n°1 du Gouvernement.

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Rédactionnel.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°1 est adopté.

Explications de vote

Mme Isabelle Florennes .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Laurent Somon et Mme Dominique Estrosi Sassone applaudissent également.) Ce projet de loi d'urgence, qui prévoit des dérogations et des assouplissements visant à accélérer la reconstruction de Mayotte et soutenir la population, ne résoudra pas tous les problèmes. Son ambition est plus modeste : répondre aux dégâts immédiats provoqués par Chido.

J'espère que le projet de loi de refondation de Mayotte sera soumis rapidement au Parlement, tant les attentes sont vives.

Le compromis issu de la CMP conserve une grande partie des apports du Sénat. Ainsi du dispositif introduit à l'article 2 : l'État ne pourra procéder à la reconstruction des écoles publiques de l'archipel qu'à la demande des communes, ce qui garantit le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales. La CMP a également imposé le recueil de l'avis conforme des communes avant l'ouverture de nouvelles classes ou la construction de nouvelles écoles.

Je salue le maintien dans un article unique, introduit par le Sénat, des dispositions visant à favoriser les petites entreprises mahoraises dans l'attribution des marchés publics. Je me réjouis du non-rétablissement des dispositions, supprimées par le Sénat, visant à limiter le recours à la sous-traitance, qui auraient pénalisé les petites entreprises mahoraises, dont c'est la principale voie d'accès à la commande publique.

Globalement, la rédaction du Sénat a été retenue - à une modification près, pour éviter le recours au règlement et ainsi gagner du temps.

Le texte qui nous est soumis est un bon compromis, nous le voterons. Je remercie la rapporteure Jacques et les services de nos commissions pour leur travail intense. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur le banc des commissions)

M. Robert Wienie Xowie .  - En mai 2018, à Nouméa, le président Macron disait : « la France serait moins belle sans la Nouvelle-Calédonie. » Je dirais plutôt : sans les outre-mer. Car les outre-mer font la grandeur, la fierté et la puissance de la France.

Deux mois après Chido, dix mois après les émeutes en Nouvelle-Calédonie, la solidarité peine à venir et l'urgence est toujours là. Près de 90 % des Mahorais sont sans toit, en pleine saison cyclonique. Ils manquent de tout. Logements détruits, accès difficile à l'eau, à la nourriture, à l'énergie, aux soins. Nous ne pouvons abandonner Mayotte, il faut agir vite et de façon durable.

Je rends hommage à tous ceux qui ont fait preuve de solidarité envers les Mahorais. Nous adressons nos condoléances aux proches des victimes et notre soutien aux sinistrés.

Il faudra faire beaucoup mieux qu'avant Chido. Il ne suffira pas d'expulser massivement des bidonvilles, comme a pu le faire l'ancien ministre de l'intérieur, ou de conditionner l'achat de tôle à une carte d'identité française, comme le prévoit ce texte. Non, pour reconstruire de façon durable, il faudra construire des centaines de milliers de logements pour les personnes qui peuplent les bidonvilles, qu'elles possèdent ou non des papiers. La dignité humaine vaut pour tout le monde.

Avant le cyclone, plus d'un tiers des logements étaient des habitations de fortune. La pauvreté touche 84 % des Mahorais, le taux de chômage atteint 37 %. Dans ce territoire de seconde zone, le Smic est de 8,98 euros, les prestations sociales très en deçà de celles de l'Hexagone. Les établissements scolaires ne sont pas adaptés aux besoins : les élèves ont cours par rotation, sur des demi-journées. C'est grave, alors que plus de 55 % de la population a moins de 20 ans.

Il revient au Sénat de ne pas tomber dans le piège de la division et de garantir la dignité à tous. En tant que Kanak, je ne connais que trop le mépris et l'ignorance de l'Hexagone ; mon peuple a payé un lourd tribut.

Ce drame est l'occasion de reconstruire Mayotte sur des bases solides et égalitaires. Ne souillons pas cet espoir par de la xénophobie stérile. Réparons le passé et préparons l'avenir.

Malgré ses insuffisances, nous voterons ce texte. (Applaudissements à gauche ; M. Loïc Hervé applaudit également.)

Mme Antoinette Guhl .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) « Vous êtes chez vous, la nuit, à la campagne. À quelques kilomètres de là éclate un cataclysme naturel, une catastrophe naturelle, soit l'incendie, soit l'inondation. Des hommes sont là, des femmes sont là, des enfants sont là qui fuient à travers champs, demi-nus, tremblants déjà de froid, menacés par la faim. Votre maison est peut-être déjà pleine, c'est possible, mais quand ils frappent à votre porte, vous la leur ouvrez et vous ne leur demandez pour cela ni leurs pièces d'état civil, ni leur casier judiciaire, ni leur certificat de vaccins. Il y a là un devoir d'humanité élémentaire, je dirais presque, si les mots n'avaient pas l'air de jurer ensemble, d'humanité animale.

« Naturellement, ces malheureux ne pourront pas rester toujours là, c'est entendu. Naturellement, il faudra trouver des solutions ayant un caractère de stabilité et de durée, mais enfin pour l'instant, en attendant qu'eux-mêmes ailleurs trouvent un gîte plus sûr et plus durable, comment allez-vous leur refuser l'asile d'une nuit ? »

Ces mots ne sont pas de moi, mais de Léon Blum, le 26 novembre 1938, au banquet du congrès de l'antiracisme. Quel humanisme !

Pourquoi ce projet de loi en est-il dépourvu ?

Notre humanisme se manifeste à la manière dont nous traitons l'autre. Comment accepter de voter un texte qui, à l'article 4 bis, conditionne l'achat de tôle à la présentation d'un titre d'identité et d'un justificatif de domicile ? Les registres d'identité et d'adresse ne font pas partie de notre identité écologiste. Une telle obligation ne correspond pas à notre vision de l'égalité ni à notre conception de l'humanisme.

Notre humanisme se manifeste aussi dans la façon dont nous traitons nos enfants. Alors que la moitié des élèves à Mayotte suivent un enseignement par rotation, il n'y a rien dans ce projet de loi pour leur garantir un repas le midi, aucune solution pour les 6 000 enfants non scolarisés. Jamais nous n'accepterions une telle situation dans l'Hexagone. Preuve que la République, une et indivisible, peut donc se diviser... Vous faites de Mayotte un territoire de dérogation en droits et en valeurs - je pense aux valeurs d'égalité et de fraternité.

Notre humanisme se manifeste aussi par la protection du vivant et de la biodiversité. L'archipel de Mayotte est un patrimoine naturel d'exception, abritant 6 150 espèces dont 385 sont protégées. Rien dans ce texte, ou si peu, pour protéger cette richesse exceptionnelle.

Vous me direz que ce texte doit faciliter la reconstruction. Oui, il faut reconstruire, mais pas au détriment de la protection du vivant, pas sans anticiper les aléas climatiques futurs, sans nouveau paradigme !

Nous avons longuement hésité à voter ce texte qui manque de coeur, d'humanité et de vision durable. Nous le voterons malgré tout, pour répondre à l'urgence. Mais nous attendons un véritable plan pour les Mahorais, qui respecte nos valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER ; MM. Henri Cabanel et Robert Wienie Xowie applaudissent également.)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Bravo !

M. Saïd Omar Oili .  - Nous sommes deux mois après Chido : il faut donc relativiser le caractère d'urgence de cette loi, qui, de surcroît, renvoie à une ordonnance, dans les trois mois, pour dessiner les contours de l'établissement public.

Le Gouvernement s'est engagé à mener une concertation avec les élus sur le contenu de cette ordonnance, qui est stratégique. Un arbre planté de travers ne pousse jamais droit. D'où l'importance de la concertation sur la gouvernance, dès le démarrage des opérations.

Les mesures pour les acteurs économiques et sociaux sont très attendues par la population. Le traumatisme est grand, et le sentiment d'abandon profond. L'État doit tenir ses promesses. La population ne supporte plus les effets d'annonce sans lendemain, les plans qui s'accumulent et ne sont jamais évalués...

La solidarité exprimée par les dons des collectivités locales et des associations montre l'attachement de l'archipel à la France. Je remercie mes collègues sénateurs et sénatrices d'avoir relayé les messages de solidarité. (M. Pierre Jean Rochette applaudit.)

Je me rendrai avec Audrey Bélim dans le Morbihan à une soirée avec les associations mahoraises - une très bonne initiative de Simon Uzenat. La semaine dernière, j'ai assisté à Saint-Denis au départ d'un conteneur pour Mayotte rempli de produits essentiels.

Cette loi d'urgence est une première étape. Notre groupe la votera, même s'il aurait souhaité des mesures plus fortes. La discussion sur la reconstruction - je préfère parler de construction - viendra avec la loi programme.

Le budget devra être bien identifié, comme après le cyclone Hugo en Guadeloupe. Il faudra un fonds interministériel regroupant les interventions des différents ministères, pour suivre tous les financements affectés à la reconstruction de Mayotte. Il faudra aussi un suivi des réalisations concrètes. Tous les mois, nous ferons le point sur l'application de ces dispositions et les difficultés de mise en oeuvre.

Pour reconstruire une relation de confiance, il faut du concret sur le terrain. Ra Hachiri ! Restons vigilants. Cette devise est l'emblème de la relation entre les Mahorais et les autorités nationales.

Je salue l'équipe de basket de Mayotte, présente en tribune, qui est en seizième de finale des championnats de France. La vie continue ! (Applaudissements sur de nombreuses travées)

M. Daniel Chasseing .  - Un rappel pour commencer : les chambres d'agriculture ont été fondées en 1924 (M. Pierre Jean Rochette applaudit) par une loi soutenue par Joseph Faure, premier sénateur paysan : il était corrézien. (Sourires)

Notre vote permettra l'adoption définitive de ce projet de loi d'urgence pour Mayotte. Il faudra aller vite, car ce texte est très attendu. La situation sur place est effrayante, après l'une des plus grandes catastrophes naturelles qu'a connues le pays en un siècle : 39 morts, 4 000 blessés, habitations rasées, hôpital, aéroport, routes, écoles ravagés. Nous adressons toutes nos pensées aux victimes et à leurs familles.

Reconstruire vite et bien, c'est la priorité. Le peuple mahorais relève ce défi avec résilience, nous devons l'accompagner.

Le texte simplifie les procédures, raccourcit les délais, assouplit les règles des marchés publics - c'est indispensable pour avancer.

La version issue de la CMP reprend les apports nécessaires du Sénat, notamment pour assurer la représentation des maires dans la composition du conseil d'administration du nouvel établissement public chargé du suivi des travaux de reconstruction. La réussite de la reconstruction passera par l'association étroite des élus locaux, comme l'a souligné la rapporteure. Les propriétaires pourront bénéficier d'un prêt à taux zéro pour réhabiliter leur logement, dans la limite de 50 000 euros.

Le texte conserve par ailleurs la faculté pour le Gouvernement d'agir par ordonnances pour lutter contre les bidonvilles. C'est indispensable, on ne peut plus permettre que 100 000 personnes vivent dans de tels habitats de fortune.

La proposition de loi n'oublie pas les plus précaires, ni les entreprises. De nombreuses personnes pourront bénéficier, temporairement, du renouvellement automatique de plusieurs prestations sociales et indemnités chômage jusqu'au 30 juin 2025. Le recouvrement des cotisations et contributions sociales des entreprises et indépendants sera temporairement suspendu.

Ce projet de loi d'urgence n'a pas vocation à régler les problèmes structurels de Mayotte : accès à l'eau, aux soins, immigration illégale massive... Nous allons enfin agir sur ces sujets qui rongent le territoire depuis trop longtemps.

On dit souvent, à juste titre, « les outre-mer, c'est la France ; Mayotte, c'est la France ». Au-delà des mots, il faudra agir vite pour le prouver. Notre groupe votera évidemment ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et sur quelques travées des groupes SER et Les Républicains)

M. Pierre Jean Rochette.  - Bravo !

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Louault applaudit également.) Deux mois après le cataclysme qui a frappé Mayotte, nous arrivons au bout de l'examen parlementaire de ce texte d'urgence.

Déposé début janvier, il a été transmis au Sénat le 22 janvier, et nous avons tous eu à coeur de le faire aboutir le plus rapidement possible : nous le devions à nos compatriotes mahorais. Je me réjouis donc que la CMP soit parvenue à un accord.

Je remercie Micheline Jacques, rapporteur au fond de la commission des affaires économiques, Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales et Isabelle Florennes, rapporteur pour avis de la commission des lois.

Le compromis auquel elles sont parvenues avec l'Assemblée nationale préserve la plupart des acquis du Sénat, notamment pour l'association des acteurs locaux, chère à notre chambre haute.

Micheline Jacques s'est rendue sur place. Son expérience de terrain a été précieuse pour enrichir le texte, comme celle de nos collègues mahorais Salama Ramia et Saïd Omar Oili, dont je salue l'engagement.

Le Sénat a eu à coeur d'aller au-delà de la simple reprise des mesures décidées par ordonnances après les émeutes urbaines de 2023, qui ne correspondaient pas à la réalité de l'île, où deux tiers des constructions ont été réalisées sans autorisation et où les habitations de fortune représentent un tiers du parc de logements.

Nous saluons l'inclusion dans le champ de l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances des mesures visant à lutter contre le fléau de l'habitat illégal.

Le cyclone a dévasté les logements, les outils de production, les infrastructures et les services publics. Le contexte économique dégradé justifie les mesures de soutien aux ménages et aux entreprises. Nous avons évidemment conservé le PTZ ad hoc prévu par le Gouvernement pour la reconstruction et la réhabilitation des logements.

Nous sommes parvenus à un texte opérationnel contenant des mesures concrètes adaptées à la réalité du terrain.

Nous allons entrer à présent dans le temps long de la reconstruction. Je salue l'annonce par le ministre d'État d'un projet de loi programme pour Mayotte. L'insécurité figurant au premier rang des difficultés des Mahorais, le volet institutionnel et régalien de ce texte sera sans doute essentiel. Mais, monsieur le ministre, ne négligez pas le volet économique, notamment la prise en compte des contraintes de l'insularité pour l'offre de logements abordables à Mayotte et le soutien aux tissus agricoles et économiques locaux.

Une délégation de la commission des affaires économiques se rendra à Mayotte fin mars. Ce déplacement est essentiel pour préparer l'examen de ce texte au plus près du territoire et en concertation avec les acteurs locaux.

En attendant, une approbation large de ce texte d'urgence est nécessaire pour apporter le plus vite possible des réponses concrètes aux Mahorais. Le groupe Les Républicains votera évidemment pour les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP et du RDSE ; M. Saïd Omar Oili et Mme Viviane Artigalas applaudissent également.)

M. Philippe Mouiller.  - Bravo !

Mme Samantha Cazebonne .  - Le 14 décembre dernier, Mayotte était frappée par le cyclone Chido, d'une violence sans précédent. Ce drame humain et matériel a mis à l'épreuve notre capacité à répondre à l'urgence et à poser les bases d'une reconstruction durable.

Il était de notre responsabilité de doter Mayotte d'un cadre législatif adapté pour une reconstruction efficace, pérenne, respectueuse des réalités locales, des attentes des élus et de nos compatriotes mahorais.

C'est dans cet esprit que la CMP a travaillé. Le texte, équilibré et pragmatique, apporte les premières réponses.

Je salue l'engagement des parlementaires et les apports précieux de ma collègue du RDPI Salama Ramia, actuellement à Mayotte, qui a relayé les attentes des Mahorais avec force et détermination.

Le texte crée un établissement public dédié à la reconstruction associant étroitement les élus locaux à ses décisions ; il apporte des assouplissements réglementaires pour accélérer la reconstruction, évitant les lourdeurs administratives, tout en maintenant un cadre transparent et rigoureux ; il suspend les cotisations sociales et prolonge des allocations.

Je salue l'esprit de solidarité et le dialogue au sein de la CMP. Plusieurs points ont suscité des débats nourris, notamment sur le maintien des incitations fiscales et sociales dans le temps. Mais nous sommes parvenus à des mesures prenant en compte les réalités de terrain, sans dogmatisme.

Toutefois Mayotte ne saurait être condamnée à l'urgence permanente. Le projet de loi programme Mayotte debout, très attendu, devra aller encore plus loin sur de nombreux sujets : régulation foncière, accès à l'eau, éducation au plus proche des habitants. Mayotte a besoin d'une politique ancrée dans ses réalités. Elle atteint un point de saturation ; nos décisions doivent être à la hauteur des défis.

Mayotte n'est pas seule. Réaffirmons notre volonté collective de reconstruire un territoire plus juste et plus digne pour les Mahorais. (M. Saïd Omar Oili et M. Pierre-Jean Rochette applaudissent.)

M. Jean-Marc Ruel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Après les mesures d'urgence, l'adoption de ce projet de loi est une nouvelle étape décisive, très attendue par Mayotte et ses habitants. Le RDSE approuvera les conclusions de la CMP.

Le Sénat s'est assuré, tout au long de la discussion parlementaire, que ce texte soit pensé à partir des besoins des Mahorais. La copie initiale du Gouvernement ne répondait pas pleinement à ces exigences ; l'approche technocratique et verticale de ce texte passait à côté de l'essentiel : pour refonder Mayotte, il faut associer les acteurs locaux.

La période de reconstruction qui s'ouvre doit être l'occasion de repenser le dialogue entre la métropole et l'île. La CMP a opportunément conservé plusieurs mesures issues du Sénat pour une reconstruction concertée.

La représentation des collectivités territoriales dans la gouvernance de l'établissement public chargé de la reconstruction à l'article premier en est une belle illustration.

L'île accumule les difficultés structurelles depuis plusieurs années : désordre foncier, pauvreté endémique, chômage élevé.

Le prolongement du dispositif relatif aux entreprises et aux prestations sociales introduit par le Sénat est une réponse, certes temporaire, mais plébiscitée par les acteurs locaux. Les dispositifs fiscaux comme le PTZ ou l'exonération de TGAP déchets sont très attendus par les habitants.

Le texte issu de la CMP conserve l'équilibre trouvé au Sénat entre urgence et respect des libertés locales. L'article 3, qui dispense certaines constructions temporaires d'autorisation d'urbanisme, a été réintroduit sous une forme sécurisée. Le législateur apporte ainsi une réponse adaptée et proportionnée, pour assurer notamment la continuité des services publics.

La refondation de Mayotte doit reposer sur une discussion parlementaire exigeante - l'examen de ce texte l'a montré. Le dialogue, l'écoute et l'association de tous les acteurs sont les clés de la réussite.

Au nom du RDSE, je forme le voeu que nous gardions cet esprit pour l'examen du prochain texte sur Mayotte. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Marie-Laure Phinéra-Horth, M. Akli Mellouli, Mme Viviane Artigalas et M. Saïd Omar Oili applaudissent également.)

Le projet de loi, modifié, est adopté définitivement.

(Applaudissements)

La séance est suspendue à midi dix.

Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.

Interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique.

M. Khalifé Khalifé, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - Cette proposition de loi a été votée à l'unanimité à l'Assemblée nationale le 4 décembre 2023 et au Sénat le 7 février 2024. La navette parlementaire, malgré la procédure accélérée, aura duré plus d'un an, puisque la CMP du 21 mars 2024 a été rendue caduque par la dissolution. Nous avons ensuite dû attendre l'avis de la Commission européenne, rendu le 25 septembre, et convoquer une nouvelle CMP le 23 janvier dernier.

La Commission européenne n'a pas validé l'ensemble des dispositions, mais son avis reste une victoire. Nous avons, grâce à un argumentaire précis, démontré le caractère justifié, nécessaire et proportionné de l'interdiction des puffs. Après la Belgique, la France est le deuxième pays à les interdire.

La protection de la santé, notamment des jeunes, et de l'environnement nous ont guidés dans notre lutte contre cette banalisation du tabagisme. Si la loi proscrit déjà la vente de tabac aux mineurs, 15 % des jeunes de 13 à 16 ans auraient déjà consommé des puffs. Du reste, 47 % des mineurs ont consommé pour la première fois de la nicotine par leur intermédiaire.

Les parts de marché ont augmenté de 7 000 % en valeur entre 2017 et 2022. Ce marché cible sans vergogne les jeunes, avec un marketing décomplexé et au mépris de la loi.

Il est urgent de mettre un terme à la vente de ces objets polluants, dangereux, consommateurs de métaux rares et impossibles à recycler.

Sans doute avons-nous été trop ambitieux : la Commission européenne a refusé notre proposition d'élargir la définition de « l'usage unique » aux dispositifs à batterie non rechargeable. La CMP du 23 janvier a modifié le texte conformément à son avis, pour en sécuriser les dispositions.

Face aux évolutions du marché du tabac, alors que ses produits dérivés cherchent à séduire davantage de consommateurs, nous devons sans cesse adapter notre arsenal juridique. Restons vigilants, alors que se profile la révision de la directive Tabac.

Ce texte, patiemment consolidé, traduit une convergence de vues entre nos deux assemblées ; je salue l'auteur de la proposition de loi, ancienne députée, et la qualité de la relation avec le rapporteur de l'Assemblée nationale.

Ce texte contribuera à l'émergence d'une première génération sans tabac. (Applaudissements sur les travées du GEST, du RDSE et des groupes UC et Les Républicains)

M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement .  - Je salue l'éclectisme législatif de M. Khalifé Khalifé, de Saint-Avold aux puffs... (Sourires). Je me félicite de l'aboutissement de cette proposition de loi, qui fait honneur au travail parlementaire dans ce qu'il a de meilleur : l'esprit transpartisan qui a présidé à son adoption. Nous avons su avancer ensemble, sans fléchir, au cours d'une navette qui aura duré plus de deux ans ; c'est long, je le concède, mais il nous fallait l'indispensable feu vert de la Commission européenne. C'est chose faite depuis le 25 septembre dernier. La loi sera promulguée dans les prochaines semaines : c'est une belle victoire !

Cette loi constitue une étape supplémentaire vers une génération débarrassée du tabac. C'est un ministre à la santé cardiaque précaire qui vous le dit : faisons diminuer le terrible chiffre de 200 morts du tabac par jour. Notre politique de lutte anti-tabac a porté ses fruits - le nombre de consommateurs est en nette baisse -, mais de nouvelles pratiques sont apparues, notamment les puffs, qui séduisent de plus en plus de jeunes, grâce au marketing des réseaux sociaux.

L'Académie nationale de médecine dénonce un piège particulièrement sournois pour les enfants et les adolescents. La puff a gagné une popularité inquiétante. Or, avec un taux de nicotine jusqu'à 20 mg/ml, elle crée une forte dépendance et une accoutumance au geste de fumer. Près de la moitié des personnes dépendantes au tabac ont commencé par la puff -  on parle d'effet passerelle.

Nous rejoignons, dans cette interdiction, nos voisins belges et, de l'autre côté du globe, la Nouvelle-Zélande. L'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Irlande devraient bientôt faire de même.

À rebours de la loi de 2020 relative à la lutte contre le gaspillage, la puff est un véritable fléau environnemental : plastique, lithium, métaux lourds, autant de déchets et de produits non recyclables.

Cette proposition de loi doit nous enthousiasmer quant à notre capacité à avancer collectivement, sans perdre notre vigilance, car les industriels rivalisent d'ingéniosité. Ne nous laissons pas doubler, et appliquons un principe de précaution, notamment au sujet des sachets de nicotine et du protoxyde d'azote, dont nous débattrons bientôt.

Je remercie les parlementaires, ainsi que le travail des associations pour leur mobilisation sans faille. (Mme Élisabeth Doineau, MM. Daniel Chasseing, Khalifé Khalifé applaudissent.)

Mme Anne Souyris .  - (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER) Les adolescents d'aujourd'hui sont les consommateurs de demain, la très grande majorité des fumeurs commençant à l'adolescence, comme le notait un document interne de Philip Morris en 1981. Telles sont les méthodes prédatrices de l'industrie du tabac ! Sans limites, elle s'attaque à nos collégiens, à nos propres enfants. Les puffs, aux saveurs Tagada, exhibées aux camarades de classe à la sortie du collège, sont une porte d'entrée cynique vers la cigarette. Il s'agit de créer une nouvelle génération de consommateurs dépendants.

Ces substances toxiques sont à l'origine de cancers et de maladies cardiaques et pulmonaires ; la puff rend addict et prépare au geste de fumer. En 2022, plus de 13 % des adolescents avaient déjà utilisé une puff, et près de la moitié des vapoteurs quotidiens sont devenus des fumeurs de tabac.

La vente de tabac diminue, mais le vapotage augmente. Les géants du tabac ont trouvé là un cheval de Troie. Alors que l'objectif d'une génération sans tabac était à portée de main, les puffs nous en éloignent.

Au-delà, les puffs posent des problèmes environnementaux majeurs : elles sont produites avec des batteries au lithium, non recyclables. Chaque semaine, des millions de puffs sont jetées, polluant nos sols et nos eaux avec des substances toxiques. Elles sont une aberration écologique.

Les écologistes luttent depuis longtemps contre ces pratiques que l'on peut qualifier de meurtrières. Je salue l'auteure de cette proposition de loi, ma collègue écologiste Francesca Pasquini, qui a offert une réponse concrète aux préoccupations des Français.

Grâce à notre travail transpartisan, souligné par Khalifé Khalifé, que je salue, nous ne laisserons pas la jeunesse sacrifiée sur l'autel du profit et du cynisme. Nous placerons les intérêts des citoyens et de la planète au-dessus de ceux des industriels.

Votons pour cette interdiction, pour que le Sénat soit à la hauteur, et pour que l'Europe entière nous suive afin de sauver nos enfants. (Applaudissements sur les travées du GEST, du groupe INDEP, du RDSE et du groupe UC)

M. Jean-Luc Fichet .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ce texte, à l'initiative de l'Assemblée nationale, est transpartisan - je salue son auteure Francesca Pasquini.

L'interdiction des puffs est une urgence sanitaire absolue. En 2022, parmi les 69 % d'étudiants qui ont déclaré fumer, 34 % d'entre eux utilisaient des cigarettes électroniques, contre 12 % en 2019 ; 15 % des 13-16 ans ont utilisé une puff. Selon Santé respiratoire France, c'est une porte d'entrée vers la nicotine. Les risques pour la santé sont nombreux : la teneur en nicotine peut dépasser les taux réglementaires.

En plus d'être dangereuses, les puffs sont néfastes pour l'environnement. Leurs batteries, au lithium, ne sont pas recyclables. C'est un contresens écologique.

Les industriels du tabac sont les responsables : ils démultiplient leur lobbying pour favoriser la consommation des enfants, quel cynisme ! Ils initient les enfants au tabac à leur insu.

La Commission européenne s'est prononcée sur cette nouvelle législation : elle a donné raison à la France, deuxième État européen à interdire les puffs. C'est une victoire. Cela dit, la Commission a restreint le champ de l'interdiction, puisqu'elle ne s'applique pas aux cigarettes électroniques jetables destinées à la vente hors de la France ou à celles qui peuvent être à nouveau remplies en liquide, mais dont la batterie n'est pas rechargeable.

Le travail doit donc continuer. En revanche, j'approuve les compétences renforcées de la DGCCRF pour contrôler le respect des interdictions liées au vapotage.

Nous nous félicitons de ce texte. C'est un premier pas très important pour la santé publique et la santé de nos enfants. Que les industriels du tabac sachent que nous continuerons le combat. (M. Michel Masset applaudit.)

M. Daniel Chasseing .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Une véritable aberration : voilà ce que sont les puffs. Cette proposition de loi y met fin, je salue donc le travail de M. Khalifé.

Le 7 février dernier, nous avions voté unanimement pour l'interdiction des puffs. D'abord, leur marketing ne laisse aucun doute : le public visé, ce sont les jeunes. On vend de la nicotine comme des bonbons : emballage coloré, arômes sucrés... C'est une excellente technique pour trouver de nouveaux consommateurs, alors que la consommation de tabac a diminué ces dernières années. La nicotine a un pouvoir hautement addictif, d'autant plus fort qu'on est exposé jeune. Or pour la moitié des utilisateurs de puff, cette dernière a constitué leur première exposition à la nicotine.

Ensuite, rien n'assure que les puffs soient inoffensives. On laisse les jeunes s'exposer à un produit « nocif et addictif », selon l'OMS. Enfin, vendre un produit à usage unique est d'autant plus choquant qu'il contient du lithium et des matières non renouvelables.

La Commission européenne, dont l'accord était nécessaire, a donné son feu vert à leur interdiction. Nous regrettons qu'elle ne s'applique qu'en France, alors qu'au Royaume-Uni 1,3 million de puffs sont jetées chaque semaine.

J'espère que cette interdiction entrera en vigueur rapidement. Cela dit, il aura fallu un temps long pour y parvenir, puisque la proposition de loi a été examinée pour la première fois en 2022.

Le travail doit continuer, puisque se développent désormais les « pouches », qui sont des sachets de nicotine : il faut revoir nos procédures d'autorisation s'agissant des produits nicotiniques, qui sont la porte d'entrée vers le tabac, première cause de décès évitable en France. Pas moins de 45 000 personnes meurent chaque année d'un cancer lié au tabac. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe INDEP, du RDSE et du groupe SER)

Mme Pascale Gruny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte est le fruit d'un travail de plusieurs mois - je salue le rapporteur Khalifé. Notre assemblée, considérant que ces dispositifs présentent un risque pour la santé des enfants et pour l'environnement, a voté leur interdiction l'an dernier à l'unanimité.

En 2023, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), dans un travail mené par Catherine Procaccia, a identifié une corrélation claire entre l'utilisation de cigarettes électroniques et l'entrée dans le tabagisme. Près de 47 % des jeunes vapoteurs ont développé une addiction au tabac.

L'interdiction ne pouvait entrer en vigueur sans l'approbation de la Commission européenne, rendue le 25 septembre dernier. Le feu vert a été donné, malgré quelques restrictions prises en compte par la CMP.

Je regrette que nous soyons restés au milieu du gué : nous pouvons continuer à fabriquer des puffs en France pour les exporter et empoisonner hors de notre pays... Voilà qui me pose un problème éthique.

Les compétences des agents de la DGCCRF sont élargies pour contrôler le respect de l'interdiction de certains additifs et de la publicité ou la teneur en nicotine. Nous nous félicitons de cet apport de la CMP.

L'objectif est double : stopper la progression de l'usage des puffs et répondre à l'impact environnemental majeur que représentent ces nouveaux déchets, quasiment impossibles à recycler et fabriqués à partir de ressources rares.

Le combat continue contre toutes les innovations qui encouragent les addictions, comme le PTC, ou « pète ton crâne ». Empêchons à tout prix nos jeunes de se détruire.

Nous voterons bien sûr le texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Dominique Théophile .  - (Mme Élisabeth Doineau applaudit.) Enfin, la proposition de loi visant à interdire les puffs trouve son aboutissement. Déposée en novembre 2022, adoptée par l'Assemblée nationale en décembre 2023 puis par le Sénat en février 2024, elle a fait l'objet, fait inédit, de deux CMP conclusives, en mars 2024 et janvier 2025. La dissolution de l'Assemblée et le temps pris par la Commission européenne pour rendre son avis expliquent ces délais.

Après les députés la semaine dernière, il nous appartient d'adopter définitivement ce texte. Il était temps ! Depuis leur apparition en France en 2021, les puffs connaissent un succès croissant, alors même que la consommation de tabac baisse chez les jeunes. Près de 15 % des adolescents de 13 à 16 ans auraient déjà essayé la puff ; pire, la moitié d'entre eux aurait découvert la nicotine par ce biais.

Goût mojito, licorne ou barbe à papa, packaging coloré... le marketing agressif ne laisse aucun doute sur le public visé. TikTok et Instagram s'en font le relais, malgré l'interdiction de la publicité pour les produits de vapotage. Il est aisé de s'en procurer, sur internet comme dans de nombreux commerces.

L'Académie nationale de médecine parle à raison de « piège sournois » pour les enfants et adolescents. La cigarette électronique n'a d'intérêt que si elle est un substitut à la cigarette, or les puffs sont devenus un premier pas vers le tabagisme.

C'est un fléau sanitaire et environnemental : fin 2023, cinq millions de puffs étaient ainsi jetées chaque semaine au Royaume-Uni, le plus souvent avec les ordures ménagères. Un non-sens environnemental.

Il était urgent de nous doter d'un cadre juridique contraignant. Avec ce texte, la France devient le deuxième pays à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique, après la Belgique. Nous pallions la faiblesse de la législation en vigueur. La compétence de la DGCCRF s'en trouve logiquement élargie. Je regrette toutefois que la définition retenue empêche de cibler une gamme plus large de produits.

Il est évident que les puffs ne disparaîtront pas du jour au lendemain. En Belgique, 80 % des enseignes contrôlées ne respectaient pas la législation, un mois après l'interdiction. Le chemin reste long pour parvenir à la première génération sans tabac.

Le RDPI votera évidemment ce texte (M. Khalifé Khalifé applaudit.)

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Ce texte transpartisan, objet d'un large consensus, est un premier pas vers une société plus durable et responsable. Les puffs posent un défi sanitaire et environnemental majeur. En plastique, contenant une batterie, elles deviennent des déchets non recyclables.

Leur design coloré, leurs saveurs variées en font un produit attrayant pour nos jeunes, qui les perçoivent, à tort, comme inoffensives. Le nombre de consommateurs de cigarettes électroniques de 17 ans a triplé en cinq ans. La facilité d'achat n'y est pas pour rien. Nous avons là une responsabilité en matière de prévention et d'éducation.

La puff n'est pas l'outil de sevrage privilégié par les fumeurs ou anciens fumeurs. Le vapotage est certes moins nocif que le tabagisme, mais il doit être uniquement un substitut nicotinique. Nous devons mieux encadrer juridiquement les liquides à vapoter, comme l'ont fait certains de nos voisins. La réglementation des liquides sans nicotine est insuffisante. Les règles de promotion et d'emballage sont trop souvent enfreintes, les contrôles et amendes sont insuffisants.

Gardons à l'esprit que le phénomène étant récent, la recherche médicale n'a produit des études sérieuses que tardivement.

La Commission européenne a jugé la proposition de loi justifiée, nécessaire et proportionnée. Cela encourage les autres États membres à nous emboîter le pas, sans attendre de réglementation européenne.

Les conclusions de la CMP reflètent notre engagement commun, tout en se conformant à l'avis de la Commission européenne : seuls les dispositifs non rechargeables en liquide sont visés. Les possibilités de contrôle de la loi sont renforcées.

Le RDSE votera ce texte à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du GEST et des groupes INDEP et SER)

Mme Élisabeth Doineau .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et du GEST) Merci à Khalifé Khalifé pour son travail. Nous étions impatients d'aboutir. Le tabac est la première cause de mortalité en France. Il est responsable de 78 000 décès prématurés par an. C'est énorme ! Notre rapport pour la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) évalue son coût social à 156 milliards d'euros.

Entre 2011 et 2022 le nombre de fumeurs quotidiens au lycée est passé de 30 % à 6 %, laissant entrevoir une baisse de la prévalence du tabagisme. Mais notre optimisme doit être pondéré par les nouveaux usages, comme les sachets de nicotine ou le protoxyde d'azote. En cinq ans, l'usage de la cigarette électronique a presque doublé chez les jeunes de 17 ans : il atteignait 30,7 % en 2022. Parmi les 13-16 ans, 15 % ont déjà expérimenté la puff, qui est une initiation à la nicotine pour la moitié d'entre eux. Il est de notre responsabilité de refermer cette porte d'entrée vers le tabagisme.

Faussement anodines, les puffs séduisent les adolescents par leurs couleurs vives, leurs saveurs fruitées, leur prix attractif. Résultat, 57 % des mineurs les ont testées, malgré l'interdiction de la vente aux mineurs. Une seule puff équivaut à un paquet de cigarettes et contient jusqu'à 2 % de nicotine. Nous devons agir avec détermination pour atteindre l'objectif d'une génération sans tabac d'ici 2032.

L'enjeu est aussi environnemental. Chaque seconde, deux puffs sont jetées, contribuant à la pollution plastique et à la dissémination du lithium. Interdire les puffs, c'est aussi un geste pour la planète !

La lutte contre le tabagisme sous toutes ses formes doit continuer à nous mobiliser, alors que de nouveaux produits apparaissent sur le marché. Je pense aux sachets de nicotine, que Geneviève Darrieussecq s'était engagée à interdire.

L'approche transpartisane doit prévaloir. Parmi les pistes, une autorisation de mise sur le marché pour tout produit nicotinique, la généralisation du paquet neutre à tous les produits du tabac et du vapotage et le renforcement des contrôles sur la vente aux mineurs. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et du GEST)

Mme Silvana Silvani .  - Quelle image du Parlement nous renvoie-t-on ? Il a fallu dix mois pour que la CMP soit convoquée. Je n'ose croire que le choix de la tenir le 23 janvier avait pour but de modifier l'équilibre politique de la CMP sur le projet de loi de finances, comme cela a été dit - ce serait une manoeuvre coupable.

L'usage, à trois reprises, du 49.3 ces derniers jours a privé les députés de l'examen d'un budget de 666 milliards d'euros. Considérer que le Parlement peut débattre de l'accessoire mais non de l'essentiel est problématique.

Je dis cela sans dénigrer cette proposition de loi de Francesca Pasquini, dont je salue la pugnacité.

Je regrette le double discours du Gouvernement, qui dénonce les dangers des puffs mais attend trois ans pour achever l'examen parlementaire de ce texte. Le 7 février 2024, la ministre de la santé appelait à agir résolument contre les produits de vapotage, qui encouragent la dépendance à la nicotine, et dont le marketing est conçu pour attirer les jeunes ; elle rappelait que certains produits représentent l'équivalent de dix-huit paquets de cigarette ; elle assurait mettre toute son énergie au service de ce combat, qualifié de défi de santé publique et de défi sociétal.

Si ce discours avait été sincère, vous auriez pris un arrêté pour suspendre la vente des puffs dans les bureaux de tabac.

Grâce à vous, l'industrie du tabac a gagné de précieux mois pour réaliser des profits sur la santé de nos jeunes.

Nous voterons les conclusions de la CMP, mais déplorons le manque de moyens au service de la prévention.

La proposition de loi est définitivement adoptée.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales.  - Merci aux collègues présents pour ce vote unanime et au rapporteur pour son travail remarquable. Nous parlons souvent de prévention, qui se fait sur le temps long. Là aussi, le temps a été long. Nous attendons donc avec impatience une traduction opérationnelle ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, M. Joshua Hochart applaudit également.)

Convention sur la sécurité et la santé des travailleurs (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification de la convention n°155 sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981.

Discussion générale

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - La ratification de la convention n°155 sur la sécurité et la santé des travailleurs de l'Organisation internationale du travail (OIT) marquera notre volonté indéfectible de promouvoir les droits fondamentaux au travail.

L'OIT associe gouvernements et représentants des travailleurs et employeurs. La France, membre permanent de son conseil d'administration, est le deuxième pays, sur 187 États membres, à avoir ratifié le plus grand nombre de ses conventions.

Cette ratification renouvelle notre engagement en faveur d'un environnement sûr et salubre au travail. L'effondrement du Rana Plaza au Bangladesh en 2013 ou la crise du covid en ont rappelé l'importance.

Cette convention, adoptée en 1981, a été remise en valeur en juin 2022, quand la santé et la sécurité au travail ont été érigées au rang des principes et droits fondamentaux en matière de travail, au même titre que la liberté syndicale ou l'abolition du travail des enfants. La France fera preuve d'exemplarité en la ratifiant.

Cette convention s'applique à toutes les branches d'activité, du privé comme du public, et tous les travailleurs. Le Gouvernement n'a retenu que des réserves strictement nécessaires concernant l'exercice du droit de retrait en matière de navigation maritime, d'aviation civile et pour les militaires et agents de la fonction publique chargés de la sécurité des biens et des personnes.

La convention énumère les mesures à prendre en matière de santé et sécurité au travail, comme la détermination de procédés selon les risques, la procédure de déclaration des accidents du travail ou les obligations des employeurs. Elle prescrit aux États membres de contrôler l'application des lois et de sanctionner les infractions. Elle insiste sur la prévention, dans laquelle les partenaires sociaux doivent être impliqués.

Je salue l'important travail d'expertise des agents des ministères concernés pour s'assurer de la conformité de notre droit national aux exigences de la convention, ainsi que le travail rigoureux des directions des affaires juridiques et des Nations unies du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Consultés, les partenaires sociaux ont plaidé pour une ratification rapide. Je remercie votre rapporteur pour la qualité de son travail.

Autoriser la ratification de cette convention, c'est permettre à la France de rester fidèle à son message universel de respect, de protection des travailleurs et de promotion des droits fondamentaux. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Bruno Sido applaudit également.)

M. Michel Masset.  - Très bien !

M. Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires étrangères .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La convention n°155 de l'OIT, dont la ratification nous est proposée, porte sur un enjeu essentiel : la sécurité et la santé des travailleurs. Adoptée en 1981, elle a été récemment élevée au rang de texte fondamental par cette organisation, centenaire et unique en son genre par son caractère tripartite, qui oeuvre à la garantie d'un travail décent pour tous.

Membre active de l'OIT, la France a ratifié un grand nombre de ses conventions. Cet engagement témoigne de notre attachement à la justice sociale et à un progrès économique équilibré.

La présente convention engage les signataires à adopter des politiques cohérentes et inclusives en matière de santé et de sécurité au travail. En juin 2022, l'OIT l'a élevée au rang de texte fondamental.

Nous disposons en France d'un cadre protecteur : le code du travail prévoit une obligation générale de sécurité et les services de prévention et de santé au travail jouent un rôle clé.

Cette ratification n'en est pas moins une étape importante pour consolider nos dispositifs nationaux et les inscrire dans une perspective internationale. Elle renforcera notre capacité à faire face aux défis communs : risques psychosociaux, impacts des crises sanitaires et des transformations technologiques. Elle comblera aussi certaines lacunes, notamment en matière de coordination et d'intégration des nouvelles technologies dans les pratiques de prévention.

La convention prévoit une coordination accrue entre employeurs, syndicats et institutions publiques, ce qui fait écho aux efforts menés par la France dans le cadre du plan de santé au travail 2021-2025, auquel elle donnera ainsi une nouvelle impulsion.

Elle appelle également à renforcer l'action préventive : il s'agit d'éliminer à la source les risques professionnels, démarche qui est au coeur de notre code du travail mais s'avère parfois difficile à mettre en oeuvre, notamment dans les petites entreprises. La convention favorise en la matière une approche systématique et participative, impliquant activement les travailleurs.

Cette convention est aussi une opportunité pour renforcer la sécurité dans les petites entreprises, où les ressources sont plus limitées, diffuser une culture de la prévention et mieux faire face aux risques émergents, notamment ceux liés au changement climatique, qui appellent des réponses innovantes.

La ratification de cette convention revêt également une dimension stratégique sur le plan international. La France réaffirme ainsi son rôle de leader dans la promotion des droits fondamentaux au travail et contribue à l'universalisation de normes protectrices pour tous les travailleurs. Sa position sera confortée au sein des instances internationales, en cohérence avec notre engagement historique en faveur des droits sociaux.

La convention date de 1981 : il est plus que temps de la ratifier, ce qu'ont déjà fait quatre-vingt-deux États, dont dix-huit membres de l'Union européenne.

Il ne s'agit pas seulement d'un outil juridique, mais d'une opportunité de renforcer notre crédibilité à l'échelle mondiale. Alors que le monde du travail connaît des évolutions accélérées, il est plus que jamais nécessaire de disposer d'un cadre solide et adaptable - la crise de la covid l'a bien montré.

La commission des affaires étrangères recommande la ratification de cette convention, qui marque une avancée majeure pour la sécurité et la santé au travail, en France comme à l'étranger. Par cet engagement fort, en accord avec nos valeurs, nous enverrons un message clair : la France défend les droits des travailleurs et se place à la pointe des enjeux de santé et de sécurité au travail. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, du RDPI et du RDSE)

Mme Annie Le Houerou .  - En juin 2022, la Conférence internationale du travail, considérée comme le parlement international du travail, a reconnu la convention n°155 comme l'un de ses textes fondamentaux, faisant ainsi des droits relatifs à la sécurité et la santé au travail une cinquième catégorie de droits fondamentaux. Consacrer le droit à un lieu de travail sûr et salubre est une avancée majeure, saluée par la confédération internationale des syndicats et la confédération européenne des syndicats.

Cette convention aurait dû être ratifiée en 1988, mais le Conseil d'État avait émis un avis défavorable. La consécration de juin 2022 a relancé le processus. Un texte considéré comme fondamental est réputé d'application universelle, en sorte que tous les États ont l'obligation de le respecter, même lorsqu'ils ne l'ont pas ratifié. Reste que la ratification par la France, membre permanent du conseil d'administration de l'OIT, constitue un signal politique important.

La convention concerne toutes les branches d'activité, y compris la fonction publique, et enjoint aux États de réexaminer périodiquement les politiques menées. Elle prescrit la mise en place d'un système de contrôle de l'application des règles. Elle prévoit des normes et directives pour la prévention des accidents du travail, maladies professionnelles et autres problèmes de sécurité. Elle encourage la participation des travailleurs et de leurs représentants à la mise en oeuvre des mesures.

Mais la France a-t-elle la volonté d'agir ? Se donne-t-elle vraiment les moyens de ses ambitions ?

L'article 9 de la convention prévoit un système d'inspection suffisant. Or le nombre théorique d'inspecteurs du travail dans notre pays n'est plus que de 2 000 pour les agents de contrôle, et on continue de supprimer des postes. La situation est encore plus critique quand on considère les effectifs réellement présents sur le terrain. Notre ratio inspecteurs-salariés est même inférieur au taux moyen de l'OIT.

Il s'agit d'un problème de fond, que la ratification de la convention ne nous exonère pas de résoudre. N'oublions pas que deux personnes meurent chaque jour d'un accident du travail - et encore ce chiffre est-il sous-estimé, car il n'inclut ni les suicides ni les maladies professionnelles. La France est en la matière l'un des pires élèves de la classe européenne.

Ratifier cette convention sans appliquer ses normes sur notre propre sol serait une forme d'hypocrisie préjudiciable à notre image.

En dépit de ces observations critiques, le groupe SER votera ce texte. Notre pays est le deuxième au monde à avoir ratifié le plus grand nombre de conventions de l'OIT, et la convention n°155 était la seule des dix fondamentales que nous n'avions pas ratifiées.

Nous devons combler cette lacune, mais aussi nous montrer exemplaires par une législation protectrice et un engagement renforcé dans les programmes d'échanges internationaux. La convention est pleinement accordée au droit de l'Union européenne en matière de santé et de sécurité au travail, dont nous souhaitons qu'il s'applique réellement au quotidien. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Akli Mellouli applaudit également.)

M. Dany Wattebled .  - En 1981, cette convention sur la sécurité et la santé des travailleurs a été adoptée dans le cadre de l'OIT. Nous nous prononçons cet après-midi sur sa ratification, dans le cadre de la procédure parlementaire normale, à la demande de nos collègues communistes qui ont tenu à ce que les groupes puissent s'exprimer.

Pas moins de dix-huit pays européens ont déjà ratifié ce texte en faveur de conditions de travail sûres et salubres. En leur emboîtant le pas, nous renforcerons l'harmonisation de la réglementation en Europe. Il est temps de le faire, même si notre code du travail impose déjà une obligation générale de sécurité et que nous disposons de structures de prévention.

Dans le cadre du plan santé au travail 2021-2025, plusieurs mesures sont prévues. Mais faire bien ne nous dispense pas de faire mieux. Nous devons constamment adapter nos politiques aux évolutions de la société et aux risques émergents.

Ne surestimons pas la portée de cette convention. Comme pour toutes les conventions internationales, son application dépend du bon vouloir des signataires et de l'interprétation qu'ils en font. Des interrogations subsistent sur les conditions de travail en vigueur dans certains pays l'ayant ratifiée.

Le progrès technologique ouvre de nouvelles perspectives pour renforcer la sécurité des travailleurs en détectant et en prévenant les nouveaux risques. La révolution de l'intelligence artificielle bouleversera le monde du travail. Mais chaque crise offre des opportunités qu'il faut savoir saisir. Sachons tirer parti de l'IA pour améliorer les conditions de travail, la sécurité des travailleurs et la productivité. L'OIT doit approfondir cette réflexion et formuler des recommandations.

Attaché à la protection des individus, le groupe Les Indépendants votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE)

Mme Pascale Gruny .  - (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.) Avec 129 conventions et deux protocoles approuvés depuis 1979, la France peut s'enorgueillir d'être le deuxième pays à avoir ratifié le plus d'instruments juridiques de l'OIT, fidèle en cela à ses valeurs, mais aussi à ses intérêts.

La ratification de la convention n°155 est un impératif à la fois économique et humain. En effet, dans la compétition globalisée, l'édiction de règles communes en matière de travail est un moyen de progresser vers un cadre de concurrence plus équitable. D'autre part, les conventions de l'OIT sont une déclinaison dans le monde du travail de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qu'il s'agisse des droits économiques et sociaux ou des droits civils et politiques.

La garantie des droits en matière de sécurité et de santé obéit à un processus long, complexe et parfois erratique. Il est essentiel de lui apporter un soutien politique fort : c'est le sens de cette ratification.

Nous avons pris notre temps : près de quarante-cinq ans auront été nécessaires pour que ce texte trouve son chemin jusqu'à la représentation nationale... Ce délai bien trop long peut donner l'impression fâcheuse d'une forme de désinvolture. Il est d'autant plus surprenant qu'il ne résulte pas d'une difficulté de fond, mais d'une demande de consultation formulée par le Conseil d'État en 1988 sur la définition des secteurs pouvant être exclus du champ d'application.

De fait, le texte serait resté dans l'oubli sans la décision de l'OIT, prise il y a trois ans, d'ériger la santé et la sécurité au travail au rang des droits fondamentaux. Les consultations ayant été menées sur les secteurs non concernés - armées, aéronautique, navigation maritime - , nous pouvons enfin nous pencher sur ce texte qui consacre le droit à un environnement de travail sûr et salubre au même titre que la liberté d'association, le droit à la négociation collective, l'élimination du travail forcé, l'abolition du travail des enfants ou encore l'interdiction des discriminations. Il est au demeurant opposable dans notre pays depuis la décision de 2022.

Notre régime de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles est déjà étoffé, d'autant que des textes européens s'ajoutent aux règles nationales. Mais cette ratification, loin d'être une simple formalité, est une question de crédibilité internationale. Il s'agit aussi de renforcer encore l'attention portée à ces questions essentielles.

Si notre cadre est robuste, des pistes d'amélioration existent : renforcement de la prévention, implication accrue des travailleurs, évaluation et adaptation continues, meilleure coordination entre pouvoirs publics et partenaires sociaux.

Alors que le monde du travail connaît des transformations rapides et profondes, cette convention, déjà ratifiée par quatre-vingt-trois États, nous invite à faire toujours mieux. Le groupe Les Républicains est favorable à sa ratification.

Mme Nicole Duranton .  - Adoptée en 1981 sous l'égide de l'OIT, la convention n°155 marque une avancée majeure pour le droit du travail. Depuis plus de quarante ans, elle s'est imposée comme une référence essentielle en matière de protection des travailleurs.

Membre permanente de l'OIT, deuxième pays à avoir ratifié le plus grand nombre de ses conventions, la France doit ratifier ce texte, érigé en 2022 au rang de texte fondamental, et réaffirmer ainsi son engagement en faveur d'un monde du travail digne, sûr et respectueux.

Cette convention n'est pas qu'une déclaration d'intentions : elle engage les États signataires à adopter des politiques garantissant la santé et la sécurité des travailleurs. Sa ratification ne sera pas une révolution, mais renforcera les dispositifs en place, à commencer par le plan national de santé au travail. Elle ne pose aucun problème d'articulation avec le droit européen, mais concrétise au contraire le socle européen des droits sociaux adopté en 2017 à Göteborg.

Loin d'être une simple formalité, elle enverra un message fort à la communauté internationale : face aux bouleversements du monde du travail, nous devons renforcer la protection des travailleurs. La crise sanitaire de la covid 19 a rappelé l'importance d'un cadre juridique robuste pour anticiper et prévenir les risques au travail, alors que les transitions écologique et technologique transformeront des pans entiers de notre économie.

C'est aussi un enjeu d'exemplarité : le modèle social français doit rester un phare dans un climat global de dérèglement des conditions de travail et alors que les États-Unis s'éloignent du modèle européen.

En adoptant ce projet de loi, nous franchirons une étape décisive dans l'élaboration d'un droit du travail protecteur et à la hauteur des défis de notre siècle. Le RDPI votera pour ce texte.

M. Michel Masset .  - La crise de la covid 19 a été un révélateur de la nécessité de mieux protéger la sécurité et la santé des travailleurs. Des avancées concrètes ont suivi, dont la loi du 2 août 2021, renforçant la prévention. La ratification de la convention n°155 de l'OIT s'inscrit logiquement dans cette continuité.

Ce texte vise à garantir un environnement de travail sûr et salubre pour tous. En 2022, l'OIT l'a élevé au rang de convention fondamentale.

Pourquoi la France n'a-t-elle pas ratifié cette convention ? Du fait des réserves exprimées par le Conseil d'État en 1988, notamment à propos du droit de retrait. Depuis lors, notre cadre juridique a évolué. Le droit de retrait est clairement défini à l'article L. 4131-1 du code du travail et l'article L. 4121-1 du même code met à la charge de l'employeur une obligation générale de sécurité en phase avec les exigences de la convention. Par ailleurs, notre pays a déjà ratifié la convention n°187 de l'OIT, qui promeut une culture de prévention.

Essentielle, la ratification de la convention renforcera la protection des travailleurs face aux nouveaux risques, liés notamment aux nouvelles formes d'emploi et aux crises sanitaires. Je remercie nos collègues communistes d'avoir permis ce débat en demandant le rétablissement de la procédure normale.

Ratifier cette convention, c'est s'engager en faveur d'un travail digne et sûr et réaffirmer que la sécurité est un droit fondamental. Le RDSE votera pour. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI ; M. Akli Mellouli applaudit également.)

Mme Élisabeth Doineau .  - Merci au rapporteur et au ministre. Si vous me permettez un petit pas de côté : le Sénat a eu l'honneur de compter parmi ses membres Victor Hugo, qui a combattu dans cet hémicycle le travail des enfants que défendait un certain Louis Jacques Thénard - c'est d'après son nom qu'il forma celui des Thénardier, qui exploitent la petite Cosette... (MM. Thani Mohamed Soilihi et Bruno Sido apprécient la référence.)

La sécurité et la santé des travailleurs sont une priorité absolue pour une société plus juste et équitable. Chaque jour, dans le monde, des millions de travailleurs risquent leur vie ou leur santé en accomplissant leur tâche. Il est de la responsabilité des employeurs de les protéger et de celle du législateur de garantir un cadre juridique suffisant. C'est le cas pour la France, même s'il y a toujours des marges de progression...

Cette ratification changera-t-elle les choses en France ? Certainement pas. Mais ratifier cette convention, c'est faire de la santé des travailleurs une priorité partagée, renforcer notre engagement et conforter notre leadership international.

En ratifiant cette convention, la France confirme son alignement sur les standards internationaux. La convention incite les États à engager des stratégies globales et intégrées de prévention des risques professionnels impliquant les travailleurs eux-mêmes et à prévoir pour ces derniers des mécanismes de formation et d'information. Nous disposons déjà à cet égard des comités sociaux et économiques (CSE), mais il s'agirait de faire un peu plus pour la prévention dans les secteurs les plus exposés, comme nous le constatons souvent lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). L'inspection du travail y contribue.

La sécurité et la santé des travailleurs doivent être non pas une option, mais une priorité.

Pragmatiquement, nous devons créer les conditions d'un dialogue constructif entre employeurs, travailleurs et pouvoirs publics, afin de garantir non seulement la santé des travailleurs, mais aussi notre compétitivité et notre prospérité. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Akli Mellouli applaudit également.)

Mme Silvana Silvani .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Akli Mellouli applaudit également.) Le groupe CRCE-K a demandé le retour à la procédure normale pour l'examen de ce texte ratifiant la convention n°155 de l'OIT, qui porte sur un enjeu essentiel et insuffisamment débattu : la santé et la sécurité au travail.

On peut légitimement s'interroger sur l'utilité pour la France de ratifier une convention de 1981 avec laquelle notre législation est - heureusement ! - en conformité ; mais cette ratification, symbolique, envoie un signal aux autres États non dotés d'une telle législation.

Il est cocasse qu'aucun gouvernement n'ait prévu de ratifier cette convention depuis 1981, et que ce soit le président Macron - qui a supprimé les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) - qui le propose...

Depuis, la prévention est devenue un angle mort dans la stratégie des entreprises, comme le confirme le rapport de 2024 « Santé au travail, grande perdante des ordonnances de 2017 ». L'attention portée par l'employeur et au sein des instances représentatives du personnel à la santé a diminué depuis 2021, sous l'effet de la baisse du nombre de mandats et d'heures de délégation. La disparition des CHSCT a affaibli la capacité des élus représentants d'agir en faveur de la sécurité et de la santé des travailleurs et travailleuses.

La délégation au droit des femmes du Sénat a rendu un excellent rapport sur la santé des femmes au travail. Le nombre global d'accidents du travail diminue depuis 2020, mais il augmente pour les femmes,...

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Ah ?

Mme Silvana Silvani.  - ... en particulier dans les services, la santé, l'action sociale, le nettoyage et le travail temporaire - avec plus de 106 000 cas reconnus. Les employeurs doivent s'engager, bien sûr, mais l'État doit établir des règles.

Le CRCE-K votera ce texte, tout en veillant à ce que le prochain plan national de santé au travail soit à la hauteur des besoins.

M. Akli Mellouli .  - Ce texte affirme un principe fondamental : « Aucun travailleur ne devrait risquer sa vie ou sa santé au travail ». Comme le soutenait Aimé Césaire, le travail ne doit pas être un fardeau qui brise le corps et les esprits, mais un moyen d'émancipation et de dignité. En tant que législateurs, nous devons adopter des mesures qui garantissent à chacun un environnement de travail sûr, digne et protecteur.

Cette convention engage les États à développer des politiques de prévention, à améliorer la formation et l'information des travailleurs, à garantir leur droit de se retirer d'une situation dangereuse. Elle constitue une avancée pour de nombreux pays, que nous devons saluer.

Mais elle ne suffit pas. Elle n'est pas à la hauteur des défis actuels, plus complexes qu'il y a quarante ans, et laisse trop de marges de manoeuvre aux États et aux employeurs. Or dans un monde où la rentabilité immédiate prime, l'absence de normes contraignantes affaiblit la portée d'un tel texte. Sans contrôles, sans sanctions, sans moyens suffisants, ces engagements risquent de rester théoriques.

Prenons le droit de retrait : la convention ne prévoit pas de protection suffisante contre les licenciements abusifs. Or nombre de travailleurs intérimaires, de sous-traitants ou de plateformes ne l'exercent pas, se sachant facilement remplaçables.

En 1981, le monde du travail était différent. Sont ainsi absents du texte le stress, le burn-out et le harcèlement, qui brisent chaque année des milliers de vies, avec l'intensification du travail, la pression du rendement et l'hyperconnectivité. Manquent aussi les risques liés au changement climatique, comme les vagues de chaleur qui menacent la santé des ouvriers du BTP ou de l'agriculture, et l'ubérisation, qui laisse les travailleurs sans syndicat pour les défendre.

Nous voterons cette ratification qui lance un signal clair, mais il faut aller au-delà, en le traduisant en actes : renforcer les moyens de l'inspection du travail, sanctionner les employeurs qui mettent leurs salariés en insécurité, imposer des obligations claires aux grandes entreprises sur la sous-traitance, inclure la santé mentale dans les politiques de prévention, adapter notre législation aux nouvelles réalités du travail, défendre l'idée d'un socle commun de droits internationaux plus ambitieux.

Jaurès affirmait que l'histoire du progrès social est celle des combats des travailleurs pour arracher leur droit à la dignité. La ratification de cette convention ne doit pas être symbolique. Bâtissons un monde où aucun travailleur n'ait à choisir entre son travail et sa santé ! (Applaudissements sur les travées du GEST, du RDSE et du RDPI)

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué.  - Je remercie les orateurs qui ont participé à ce débat, ainsi que le groupe CRCE-K qui l'a demandé.

Mme Le Houerou a soulevé la question des moyens alloués à la politique de santé et de sécurité au travail. Il est difficile de recruter dans le corps des inspecteurs du travail, mais un vaste plan de recrutement, y compris par voie de détachement, a été lancé et renforcé par des mesures de valorisation salariale. L'inspection du travail est passée de 1 700 agents en 2022 à 1 867 aujourd'hui, et près de 600 nouveaux inspecteurs prendront leur poste d'ici à 2026.

S'agissant de l'IA, nous avons pris des initiatives, telles que LaborIA, destinée à faire évoluer les pratiques des entreprises, ou le projet de prévention des accidents du travail par l'IA.

Ce sont quelques exemples des mesures possibles pour donner son plein effet à cette convention, qui ne doit pas être qu'un symbole. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Discussion de l'article unique

L'article unique est adopté. En conséquence, le projet de loi est adopté.

Prochaine séance, lundi 17 février 2025 à 15 heures.

La séance est levée à 16 h 20.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du lundi 17 février 2025

Séance publique

À 15 heures, le soir et la nuit

Présidence : M. Dominique Théophile, vice-président, M. Pierre Ouzoulias, vice-président

Secrétaires : M. Fabien Genet, Mme Nicole Bonnefoy

Nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2025 (n°341, 2024-2025) (demande du Gouvernement en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution)