Urgence pour Mayotte (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'urgence pour Mayotte.
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour le Sénat de la CMP . - (M. Laurent Somon et Mme Isabelle Florennes applaudissent.) Deux mois après le cyclone Chido, j'exprime une nouvelle fois toute ma solidarité avec nos compatriotes mahorais. Pour eux, nous avions hâte de nous atteler à ce projet de loi et à la reconstruction.
Avec les rapporteurs pour avis Isabelle Florennes et Christine Bonfanti-Dossat, nous avons travaillé à un compromis au sein de la CMP, préservant la majorité des apports du Sénat.
Notre boussole : l'association étroite des élus mahorais à la reconstruction. Je salue les sénateurs Salama Ramia et Saïd Omar Oili.
Je me félicite que les collectivités territoriales soit présentes dans la gouvernance de l'établissement public chargé de la reconstruction de Mayotte. La coopération entre l'État, principal financeur, et les acteurs locaux - que j'ai tous rencontrés en janvier - est essentielle.
La CMP a maintenu l'encadrement de la vente de tôles et l'habilitation du Gouvernement pour prendre des ordonnances relatives à la lutte contre l'habitat illégal.
Alors que l'Assemblée nationale avait supprimé la dispense d'autorisation d'urbanisme pour les constructions temporaires, nous l'avons réintroduite, mais mieux encadrée. Bureaux et salles de classe ne pourront être implantés sans accord du maire.
Deux tiers des constructions à Mayotte n'ont jamais fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme. La CMP a étendu le droit à la reconstruction à l'identique aux bâtiments en dur datant d'avant 2013.
Le PTZ pour la reconstruction de logements et l'exonération de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) déchets, apports du Sénat, ont été maintenus. En contrepartie, le plafond de la réduction d'impôt pour les dons en faveur des victimes a été ramené à 2 000 euros.
Bien sûr, nous ne prétendons pas résoudre toutes les difficultés - pauvreté, habitat informel, insécurité, immigration clandestine...
Il est temps de nous préparer à la prochaine étape : le projet de loi programme annoncé par le ministre d'État, ministre des outre-mer. J'invite le Gouvernement à s'appuyer sur les travaux de la délégation sénatoriale aux outre-mer.
Ce texte d'urgence est un indispensable premier jalon, pour une reconstruction que je souhaite rapide, pérenne et concertée. J'espère que vous approuverez très largement les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDSE et sur quelques travées du groupe SER.)
M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement . - Je vous prie d'excuser Manuel Valls, retenu par une réunion sur la Nouvelle-Calédonie.
Il y a quelques semaines, il avait défini la méthode du Gouvernement en trois temps : urgence, reconstruction, refondation.
Nous nous dirigeons progressivement vers une sortie de la phase d'urgence vitale, même si des difficultés persistent. L'accès à l'électricité et à la nourriture s'est amélioré. La rentrée scolaire a eu lieu. Seule une vingtaine d'écoles ne peuvent accueillir des élèves. Quelque 1 100 élèves ont été scolarisés hors de Mayotte, dont 400 à La Réunion. Nous remplaçons les épreuves de fin d'année par du contrôle continu. Le budget pour 2025 prévoit 2,5 millions d'euros pour la reconstruction des écoles. L'objectif d'achever le traitement des déchets ménagers dans un mois demeure un immense défi. Cinq dispensaires de santé sur sept sont rouverts, et un hôpital de campagne associatif a remplacé l'élément de sécurité civile rapide d'intervention médicale (Escrim).
Je salue l'engagement des Mahorais et des entrepreneurs, que l'État accompagne sans réserve.
La circulaire sur le fonds de secours, qui prévoit 15 millions d'euros d'aides pour les agriculteurs, a été signée.
Je salue aussi les élus, qui seront incontournables dans la reconstruction et la refondation. Une convention d'intention a été signée avec le président du conseil départemental et le président de l'association des maires pour fixer les grands principes de la refondation : durcissement des règles contre l'immigration illégale, lutte contre les bidonvilles, développement des infrastructures, convergence économique et sociale.
Pour autant, tout reste à faire. Il faut reconstruire, puis refonder Mayotte.
Le Parlement s'est hissé à la hauteur de sa responsabilité en votant à la quasi-unanimité ce projet de loi.
La CMP a trouvé des compromis féconds. Je pense notamment à l'article 1er : la composition de l'établissement public permet une meilleure représentation des collectivités territoriales. À l'article 2, la prise en charge de la reconstruction des écoles se fera à la demande des communes concernées. L'article 3 a été davantage encadré pour limiter les dérogations aux autorisations d'urbanisme. La lutte contre les bidonvilles a été intégrée dans le champ de l'ordonnance prévue à l'article 4. L'article 4 bis réglemente désormais la vente de tôles aux particuliers. L'article 13 bis AA permet de réserver jusqu'à 30 % d'un marché public aux TPE-PME de Mayotte. L'article 17 bis AA crée un PTZ, ouvert à toutes les familles mahoraises, pour reconstruire leur maison, même non assurée. Enfin, l'article 17 ter exonère Mayotte de TGAP déchet pendant deux ans.
Le coût des destructions pourrait atteindre les 3,5 milliards. L'État sera au rendez-vous avec des aides directes et des fonds européens, pendant plusieurs années. Les assurances et l'Agence française de développement (AFD) auront aussi un rôle à jouer. Manuel Valls et le ministre des armées ont par ailleurs validé le déploiement d'un bataillon temporaire, de près de 400 soldats.
Après le temps de l'urgence et de la reconstruction, viendra celui de la refondation. Un projet de loi programme pour Mayotte sera présenté dans quelques semaines. Visant au développement économique, éducatif et social de l'île, il s'appuiera sur le plan stratégique du général Facon.
Il nous faudra aussi un vrai projet d'avenir pour la jeunesse. Le régiment du service militaire adapté (RSMA) fait déjà un travail remarquable.
Le cyclone a surtout révélé et exacerbé les calamités existantes, et notamment le sous-développement des infrastructures économiques et des services publics, entretenu par deux fléaux qui rongent le territoire : l'habitat illégal et l'immigration clandestine.
Sans changement structurel sur l'eau, nous reviendrons à la situation d'avant Chido. Nous voulons créer une deuxième usine de dessalement, et avancer sur la troisième retenue collinaire. Il y a un vrai risque d'une nouvelle crise de l'eau.
Pour reconstruire logements, infrastructures, entreprises ou services publics, la zone franche globale sera utile. Mais les projets des maires et des entrepreneurs sont empêchés par les bidonvilles. Je serai clair : le Gouvernement ne laissera pas Mayotte redevenir une île bidonville. Les décasages reprennent et c'est une bonne nouvelle.
Nous devons nous attaquer à l'immigration illégale, qui pèse sur nos compatriotes, nourrit l'ultraviolence et alimente le trafic d'êtres humains. Nous agissons, sur terre et en mer, avec de nouvelles capacités radars ; la présence militaire sera renforcée de manière pérenne dans la région.
Le second projet de loi permettra de renforcer nos moyens juridiques : allongement de la durée de résidence régulière des parents pour l'accès des enfants à la nationalité française, lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité, extension de l'aide au retour volontaire. Nous devons porter le nombre d'éloignements de 25 000 à 35 000, ce qui suppose un rapport très ferme avec les Comores.
En adoptant ce texte, vous prouverez aux Mahorais que la nation est à leurs côtés, que nous aidons Mayotte à se relever, que nous la reconstruisons sur des bases plus saines, pour changer leur vie. (Mmes Dominique Estrosi Sassone, Micheline Jacques, Isabelle Florennes, MM. Saïd Omar Oili, Loïc Hervé et Daniel Fargeot applaudissent.)
Discussion du texte élaboré par la CMP
Article 2
M. le président. - Amendement n°1 du Gouvernement.
M. Patrick Mignola, ministre délégué. - Rédactionnel.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Avis favorable.
L'amendement n°1 est adopté.
Explications de vote
Mme Isabelle Florennes . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Laurent Somon et Mme Dominique Estrosi Sassone applaudissent également.) Ce projet de loi d'urgence, qui prévoit des dérogations et des assouplissements visant à accélérer la reconstruction de Mayotte et soutenir la population, ne résoudra pas tous les problèmes. Son ambition est plus modeste : répondre aux dégâts immédiats provoqués par Chido.
J'espère que le projet de loi de refondation de Mayotte sera soumis rapidement au Parlement, tant les attentes sont vives.
Le compromis issu de la CMP conserve une grande partie des apports du Sénat. Ainsi du dispositif introduit à l'article 2 : l'État ne pourra procéder à la reconstruction des écoles publiques de l'archipel qu'à la demande des communes, ce qui garantit le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales. La CMP a également imposé le recueil de l'avis conforme des communes avant l'ouverture de nouvelles classes ou la construction de nouvelles écoles.
Je salue le maintien dans un article unique, introduit par le Sénat, des dispositions visant à favoriser les petites entreprises mahoraises dans l'attribution des marchés publics. Je me réjouis du non-rétablissement des dispositions, supprimées par le Sénat, visant à limiter le recours à la sous-traitance, qui auraient pénalisé les petites entreprises mahoraises, dont c'est la principale voie d'accès à la commande publique.
Globalement, la rédaction du Sénat a été retenue - à une modification près, pour éviter le recours au règlement et ainsi gagner du temps.
Le texte qui nous est soumis est un bon compromis, nous le voterons. Je remercie la rapporteure Jacques et les services de nos commissions pour leur travail intense. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur le banc des commissions)
M. Robert Wienie Xowie . - En mai 2018, à Nouméa, le président Macron disait : « la France serait moins belle sans la Nouvelle-Calédonie. » Je dirais plutôt : sans les outre-mer. Car les outre-mer font la grandeur, la fierté et la puissance de la France.
Deux mois après Chido, dix mois après les émeutes en Nouvelle-Calédonie, la solidarité peine à venir et l'urgence est toujours là. Près de 90 % des Mahorais sont sans toit, en pleine saison cyclonique. Ils manquent de tout. Logements détruits, accès difficile à l'eau, à la nourriture, à l'énergie, aux soins. Nous ne pouvons abandonner Mayotte, il faut agir vite et de façon durable.
Je rends hommage à tous ceux qui ont fait preuve de solidarité envers les Mahorais. Nous adressons nos condoléances aux proches des victimes et notre soutien aux sinistrés.
Il faudra faire beaucoup mieux qu'avant Chido. Il ne suffira pas d'expulser massivement des bidonvilles, comme a pu le faire l'ancien ministre de l'intérieur, ou de conditionner l'achat de tôle à une carte d'identité française, comme le prévoit ce texte. Non, pour reconstruire de façon durable, il faudra construire des centaines de milliers de logements pour les personnes qui peuplent les bidonvilles, qu'elles possèdent ou non des papiers. La dignité humaine vaut pour tout le monde.
Avant le cyclone, plus d'un tiers des logements étaient des habitations de fortune. La pauvreté touche 84 % des Mahorais, le taux de chômage atteint 37 %. Dans ce territoire de seconde zone, le Smic est de 8,98 euros, les prestations sociales très en deçà de celles de l'Hexagone. Les établissements scolaires ne sont pas adaptés aux besoins : les élèves ont cours par rotation, sur des demi-journées. C'est grave, alors que plus de 55 % de la population a moins de 20 ans.
Il revient au Sénat de ne pas tomber dans le piège de la division et de garantir la dignité à tous. En tant que Kanak, je ne connais que trop le mépris et l'ignorance de l'Hexagone ; mon peuple a payé un lourd tribut.
Ce drame est l'occasion de reconstruire Mayotte sur des bases solides et égalitaires. Ne souillons pas cet espoir par de la xénophobie stérile. Réparons le passé et préparons l'avenir.
Malgré ses insuffisances, nous voterons ce texte. (Applaudissements à gauche ; M. Loïc Hervé applaudit également.)
Mme Antoinette Guhl . - (Applaudissements sur les travées du GEST) « Vous êtes chez vous, la nuit, à la campagne. À quelques kilomètres de là éclate un cataclysme naturel, une catastrophe naturelle, soit l'incendie, soit l'inondation. Des hommes sont là, des femmes sont là, des enfants sont là qui fuient à travers champs, demi-nus, tremblants déjà de froid, menacés par la faim. Votre maison est peut-être déjà pleine, c'est possible, mais quand ils frappent à votre porte, vous la leur ouvrez et vous ne leur demandez pour cela ni leurs pièces d'état civil, ni leur casier judiciaire, ni leur certificat de vaccins. Il y a là un devoir d'humanité élémentaire, je dirais presque, si les mots n'avaient pas l'air de jurer ensemble, d'humanité animale.
« Naturellement, ces malheureux ne pourront pas rester toujours là, c'est entendu. Naturellement, il faudra trouver des solutions ayant un caractère de stabilité et de durée, mais enfin pour l'instant, en attendant qu'eux-mêmes ailleurs trouvent un gîte plus sûr et plus durable, comment allez-vous leur refuser l'asile d'une nuit ? »
Ces mots ne sont pas de moi, mais de Léon Blum, le 26 novembre 1938, au banquet du congrès de l'antiracisme. Quel humanisme !
Pourquoi ce projet de loi en est-il dépourvu ?
Notre humanisme se manifeste à la manière dont nous traitons l'autre. Comment accepter de voter un texte qui, à l'article 4 bis, conditionne l'achat de tôle à la présentation d'un titre d'identité et d'un justificatif de domicile ? Les registres d'identité et d'adresse ne font pas partie de notre identité écologiste. Une telle obligation ne correspond pas à notre vision de l'égalité ni à notre conception de l'humanisme.
Notre humanisme se manifeste aussi dans la façon dont nous traitons nos enfants. Alors que la moitié des élèves à Mayotte suivent un enseignement par rotation, il n'y a rien dans ce projet de loi pour leur garantir un repas le midi, aucune solution pour les 6 000 enfants non scolarisés. Jamais nous n'accepterions une telle situation dans l'Hexagone. Preuve que la République, une et indivisible, peut donc se diviser... Vous faites de Mayotte un territoire de dérogation en droits et en valeurs - je pense aux valeurs d'égalité et de fraternité.
Notre humanisme se manifeste aussi par la protection du vivant et de la biodiversité. L'archipel de Mayotte est un patrimoine naturel d'exception, abritant 6 150 espèces dont 385 sont protégées. Rien dans ce texte, ou si peu, pour protéger cette richesse exceptionnelle.
Vous me direz que ce texte doit faciliter la reconstruction. Oui, il faut reconstruire, mais pas au détriment de la protection du vivant, pas sans anticiper les aléas climatiques futurs, sans nouveau paradigme !
Nous avons longuement hésité à voter ce texte qui manque de coeur, d'humanité et de vision durable. Nous le voterons malgré tout, pour répondre à l'urgence. Mais nous attendons un véritable plan pour les Mahorais, qui respecte nos valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER ; MM. Henri Cabanel et Robert Wienie Xowie applaudissent également.)
Mme Raymonde Poncet Monge. - Bravo !
M. Saïd Omar Oili . - Nous sommes deux mois après Chido : il faut donc relativiser le caractère d'urgence de cette loi, qui, de surcroît, renvoie à une ordonnance, dans les trois mois, pour dessiner les contours de l'établissement public.
Le Gouvernement s'est engagé à mener une concertation avec les élus sur le contenu de cette ordonnance, qui est stratégique. Un arbre planté de travers ne pousse jamais droit. D'où l'importance de la concertation sur la gouvernance, dès le démarrage des opérations.
Les mesures pour les acteurs économiques et sociaux sont très attendues par la population. Le traumatisme est grand, et le sentiment d'abandon profond. L'État doit tenir ses promesses. La population ne supporte plus les effets d'annonce sans lendemain, les plans qui s'accumulent et ne sont jamais évalués...
La solidarité exprimée par les dons des collectivités locales et des associations montre l'attachement de l'archipel à la France. Je remercie mes collègues sénateurs et sénatrices d'avoir relayé les messages de solidarité. (M. Pierre Jean Rochette applaudit.)
Je me rendrai avec Audrey Bélim dans le Morbihan à une soirée avec les associations mahoraises - une très bonne initiative de Simon Uzenat. La semaine dernière, j'ai assisté à Saint-Denis au départ d'un conteneur pour Mayotte rempli de produits essentiels.
Cette loi d'urgence est une première étape. Notre groupe la votera, même s'il aurait souhaité des mesures plus fortes. La discussion sur la reconstruction - je préfère parler de construction - viendra avec la loi programme.
Le budget devra être bien identifié, comme après le cyclone Hugo en Guadeloupe. Il faudra un fonds interministériel regroupant les interventions des différents ministères, pour suivre tous les financements affectés à la reconstruction de Mayotte. Il faudra aussi un suivi des réalisations concrètes. Tous les mois, nous ferons le point sur l'application de ces dispositions et les difficultés de mise en oeuvre.
Pour reconstruire une relation de confiance, il faut du concret sur le terrain. Ra Hachiri ! Restons vigilants. Cette devise est l'emblème de la relation entre les Mahorais et les autorités nationales.
Je salue l'équipe de basket de Mayotte, présente en tribune, qui est en seizième de finale des championnats de France. La vie continue ! (Applaudissements sur de nombreuses travées)
M. Daniel Chasseing . - Un rappel pour commencer : les chambres d'agriculture ont été fondées en 1924 (M. Pierre Jean Rochette applaudit) par une loi soutenue par Joseph Faure, premier sénateur paysan : il était corrézien. (Sourires)
Notre vote permettra l'adoption définitive de ce projet de loi d'urgence pour Mayotte. Il faudra aller vite, car ce texte est très attendu. La situation sur place est effrayante, après l'une des plus grandes catastrophes naturelles qu'a connues le pays en un siècle : 39 morts, 4 000 blessés, habitations rasées, hôpital, aéroport, routes, écoles ravagés. Nous adressons toutes nos pensées aux victimes et à leurs familles.
Reconstruire vite et bien, c'est la priorité. Le peuple mahorais relève ce défi avec résilience, nous devons l'accompagner.
Le texte simplifie les procédures, raccourcit les délais, assouplit les règles des marchés publics - c'est indispensable pour avancer.
La version issue de la CMP reprend les apports nécessaires du Sénat, notamment pour assurer la représentation des maires dans la composition du conseil d'administration du nouvel établissement public chargé du suivi des travaux de reconstruction. La réussite de la reconstruction passera par l'association étroite des élus locaux, comme l'a souligné la rapporteure. Les propriétaires pourront bénéficier d'un prêt à taux zéro pour réhabiliter leur logement, dans la limite de 50 000 euros.
Le texte conserve par ailleurs la faculté pour le Gouvernement d'agir par ordonnances pour lutter contre les bidonvilles. C'est indispensable, on ne peut plus permettre que 100 000 personnes vivent dans de tels habitats de fortune.
La proposition de loi n'oublie pas les plus précaires, ni les entreprises. De nombreuses personnes pourront bénéficier, temporairement, du renouvellement automatique de plusieurs prestations sociales et indemnités chômage jusqu'au 30 juin 2025. Le recouvrement des cotisations et contributions sociales des entreprises et indépendants sera temporairement suspendu.
Ce projet de loi d'urgence n'a pas vocation à régler les problèmes structurels de Mayotte : accès à l'eau, aux soins, immigration illégale massive... Nous allons enfin agir sur ces sujets qui rongent le territoire depuis trop longtemps.
On dit souvent, à juste titre, « les outre-mer, c'est la France ; Mayotte, c'est la France ». Au-delà des mots, il faudra agir vite pour le prouver. Notre groupe votera évidemment ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et sur quelques travées des groupes SER et Les Républicains)
M. Pierre Jean Rochette. - Bravo !
Mme Dominique Estrosi Sassone . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Louault applaudit également.) Deux mois après le cataclysme qui a frappé Mayotte, nous arrivons au bout de l'examen parlementaire de ce texte d'urgence.
Déposé début janvier, il a été transmis au Sénat le 22 janvier, et nous avons tous eu à coeur de le faire aboutir le plus rapidement possible : nous le devions à nos compatriotes mahorais. Je me réjouis donc que la CMP soit parvenue à un accord.
Je remercie Micheline Jacques, rapporteur au fond de la commission des affaires économiques, Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales et Isabelle Florennes, rapporteur pour avis de la commission des lois.
Le compromis auquel elles sont parvenues avec l'Assemblée nationale préserve la plupart des acquis du Sénat, notamment pour l'association des acteurs locaux, chère à notre chambre haute.
Micheline Jacques s'est rendue sur place. Son expérience de terrain a été précieuse pour enrichir le texte, comme celle de nos collègues mahorais Salama Ramia et Saïd Omar Oili, dont je salue l'engagement.
Le Sénat a eu à coeur d'aller au-delà de la simple reprise des mesures décidées par ordonnances après les émeutes urbaines de 2023, qui ne correspondaient pas à la réalité de l'île, où deux tiers des constructions ont été réalisées sans autorisation et où les habitations de fortune représentent un tiers du parc de logements.
Nous saluons l'inclusion dans le champ de l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances des mesures visant à lutter contre le fléau de l'habitat illégal.
Le cyclone a dévasté les logements, les outils de production, les infrastructures et les services publics. Le contexte économique dégradé justifie les mesures de soutien aux ménages et aux entreprises. Nous avons évidemment conservé le PTZ ad hoc prévu par le Gouvernement pour la reconstruction et la réhabilitation des logements.
Nous sommes parvenus à un texte opérationnel contenant des mesures concrètes adaptées à la réalité du terrain.
Nous allons entrer à présent dans le temps long de la reconstruction. Je salue l'annonce par le ministre d'État d'un projet de loi programme pour Mayotte. L'insécurité figurant au premier rang des difficultés des Mahorais, le volet institutionnel et régalien de ce texte sera sans doute essentiel. Mais, monsieur le ministre, ne négligez pas le volet économique, notamment la prise en compte des contraintes de l'insularité pour l'offre de logements abordables à Mayotte et le soutien aux tissus agricoles et économiques locaux.
Une délégation de la commission des affaires économiques se rendra à Mayotte fin mars. Ce déplacement est essentiel pour préparer l'examen de ce texte au plus près du territoire et en concertation avec les acteurs locaux.
En attendant, une approbation large de ce texte d'urgence est nécessaire pour apporter le plus vite possible des réponses concrètes aux Mahorais. Le groupe Les Républicains votera évidemment pour les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP et du RDSE ; M. Saïd Omar Oili et Mme Viviane Artigalas applaudissent également.)
M. Philippe Mouiller. - Bravo !
Mme Samantha Cazebonne . - Le 14 décembre dernier, Mayotte était frappée par le cyclone Chido, d'une violence sans précédent. Ce drame humain et matériel a mis à l'épreuve notre capacité à répondre à l'urgence et à poser les bases d'une reconstruction durable.
Il était de notre responsabilité de doter Mayotte d'un cadre législatif adapté pour une reconstruction efficace, pérenne, respectueuse des réalités locales, des attentes des élus et de nos compatriotes mahorais.
C'est dans cet esprit que la CMP a travaillé. Le texte, équilibré et pragmatique, apporte les premières réponses.
Je salue l'engagement des parlementaires et les apports précieux de ma collègue du RDPI Salama Ramia, actuellement à Mayotte, qui a relayé les attentes des Mahorais avec force et détermination.
Le texte crée un établissement public dédié à la reconstruction associant étroitement les élus locaux à ses décisions ; il apporte des assouplissements réglementaires pour accélérer la reconstruction, évitant les lourdeurs administratives, tout en maintenant un cadre transparent et rigoureux ; il suspend les cotisations sociales et prolonge des allocations.
Je salue l'esprit de solidarité et le dialogue au sein de la CMP. Plusieurs points ont suscité des débats nourris, notamment sur le maintien des incitations fiscales et sociales dans le temps. Mais nous sommes parvenus à des mesures prenant en compte les réalités de terrain, sans dogmatisme.
Toutefois Mayotte ne saurait être condamnée à l'urgence permanente. Le projet de loi programme Mayotte debout, très attendu, devra aller encore plus loin sur de nombreux sujets : régulation foncière, accès à l'eau, éducation au plus proche des habitants. Mayotte a besoin d'une politique ancrée dans ses réalités. Elle atteint un point de saturation ; nos décisions doivent être à la hauteur des défis.
Mayotte n'est pas seule. Réaffirmons notre volonté collective de reconstruire un territoire plus juste et plus digne pour les Mahorais. (M. Saïd Omar Oili et M. Pierre-Jean Rochette applaudissent.)
M. Jean-Marc Ruel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Après les mesures d'urgence, l'adoption de ce projet de loi est une nouvelle étape décisive, très attendue par Mayotte et ses habitants. Le RDSE approuvera les conclusions de la CMP.
Le Sénat s'est assuré, tout au long de la discussion parlementaire, que ce texte soit pensé à partir des besoins des Mahorais. La copie initiale du Gouvernement ne répondait pas pleinement à ces exigences ; l'approche technocratique et verticale de ce texte passait à côté de l'essentiel : pour refonder Mayotte, il faut associer les acteurs locaux.
La période de reconstruction qui s'ouvre doit être l'occasion de repenser le dialogue entre la métropole et l'île. La CMP a opportunément conservé plusieurs mesures issues du Sénat pour une reconstruction concertée.
La représentation des collectivités territoriales dans la gouvernance de l'établissement public chargé de la reconstruction à l'article premier en est une belle illustration.
L'île accumule les difficultés structurelles depuis plusieurs années : désordre foncier, pauvreté endémique, chômage élevé.
Le prolongement du dispositif relatif aux entreprises et aux prestations sociales introduit par le Sénat est une réponse, certes temporaire, mais plébiscitée par les acteurs locaux. Les dispositifs fiscaux comme le PTZ ou l'exonération de TGAP déchets sont très attendus par les habitants.
Le texte issu de la CMP conserve l'équilibre trouvé au Sénat entre urgence et respect des libertés locales. L'article 3, qui dispense certaines constructions temporaires d'autorisation d'urbanisme, a été réintroduit sous une forme sécurisée. Le législateur apporte ainsi une réponse adaptée et proportionnée, pour assurer notamment la continuité des services publics.
La refondation de Mayotte doit reposer sur une discussion parlementaire exigeante - l'examen de ce texte l'a montré. Le dialogue, l'écoute et l'association de tous les acteurs sont les clés de la réussite.
Au nom du RDSE, je forme le voeu que nous gardions cet esprit pour l'examen du prochain texte sur Mayotte. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Marie-Laure Phinéra-Horth, M. Akli Mellouli, Mme Viviane Artigalas et M. Saïd Omar Oili applaudissent également.)
Le projet de loi, modifié, est adopté définitivement.
(Applaudissements)
La séance est suspendue à midi dix.
Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président
La séance reprend à 14 h 30.