Fonctionnement des chambres d'agriculture et de la Mutualité sociale agricole (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses mesures visant à adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d'agriculture et de la Mutualité sociale agricole (MSA).
Discussion générale
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - En créant les chambres d'agriculture il y a 101 ans, le législateur a étendu jusque dans les champs notre modèle démocratique. Cette représentation des paysans par les paysans eux-mêmes doit être confortée. Je salue l'engagement de toutes les candidates et de tous les candidats aux élections des chambres d'agriculture, dont nous attendons les résultats dans la journée.
La séparation entre les activités de vente et de conseil introduite par la loi Égalim de 2018 -- dont la légitimité théorique n'est pas en cause, et qui a été débattue dans le cadre de la proposition de loi de MM. Duplomb et Menonville adoptée récemment au Sénat - a des effets de bord, qu'il nous faut corriger en urgence.
Les activités de vente étant conduites par des coopératives, et les chambres d'agriculture ayant, par nature, une mission de conseil, le cadre en vigueur empêche de facto un contingent substantiel d'élus, issus des coopératives, de se représenter au bureau de leur chambre.
L'article 1er de la proposition de loi proroge donc la dérogation, instaurée en 2019, au principe de séparation, pour l'exercice de mandats au sein d'une chambre, en attendant l'examen par l'Assemblée nationale de la proposition de loi de MM. Duplomb et Menonville.
À Mayotte, dévastée par le cyclone Chido, la priorité est plus à l'acheminement de biens de première nécessité et le rétablissement des services publics essentiels que les échéances électorales. Le Gouvernement a donc déposé un amendement décalant d'un an la tenue des élections à la chambre d'agriculture sur l'île, afin qu'elles se tiennent dans la sérénité. L'Assemblée nationale l'a adopté et je compte sur vous pour graver cette disposition dans le marbre.
Une proposition de loi sur la démocratie agricole ne pouvait ignorer la gouvernance de la MSA. Outre la resynchronisation de la durée de mandat des délégués des caisses, consensuelle, elle revient sur la limitation du droit de vote qui s'applique aux personnes ne s'étant pas acquittées de leurs cotisations depuis au moins six mois. C'est une double sanction, une injustice démocratique.
D'autres dispositions, ajoutées par amendement, visent à instaurer la parité sur les listes électorales de la MSA en 2030. C'est le sens de l'histoire. Moins d'un quart des chefs d'exploitation sont des femmes, 38 % des salariés agricoles. Viser la parité, c'est garantir la représentativité, mais aussi permettre aux femmes d'être plus nombreuses dans ce métier, mieux protégées et plus visibles. Je soutiens donc pleinement la proposition de Nicole Le Peih.
Enfin, le Gouvernement appuie pleinement les coordinations juridiques s'agissant de l'élection des délégués dans les ex-cantons de la métropole de Lyon.
Nous commettrions une faute lourde en ajoutant à la crise économique et sociale du monde agricole, une crise démocratique. Je compte sur vous pour vous saisir du sujet et offrir à nos paysans une représentation fidèle dans l'ensemble de leurs instances. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; M. Antoine Lefèvre applaudit également.)
M. Vincent Louault, rapporteur de la commission des affaires économiques . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Dominique Estrosi Sassone applaudit également.) Nous poursuivons notre marathon législatif agricole avec cette proposition de loi, certes circonscrite, mais qui répond à une urgence. Déposée par Nicole Le Peih, elle a été travaillée en lien étroit avec le ministère. Elle a été inscrite à l'ordre du jour dans un temps très serré : examen en commission le 29 janvier, en séance ce jour. Comme quoi, quand on veut aller vite, on le peut ! (On le confirme à droite.)
Les élections sont à peine achevées : il faudra reconstituer le bureau des chambres au plus tard le 5 mars. Or la séparation des activités de conseil et de vente des produits phytosanitaires interdit aux associés des coopératives ayant conservé l'activité de vente, d'accéder aux instances dirigeantes des chambres, dans la mesure où ces dernières ont une activité de conseil. Cela exclut un large vivier d'agriculteurs engagés.
Le Sénat dénonce depuis longtemps cette situation et plaide pour un aménagement de la séparation entre la vente et le conseil. Au demeurant, les chambres avaient soulevé la question lors de leur audition devant notre commission, en février 2024.
Ce texte se contente d'un aménagement minimaliste : lever l'incompatibilité, sans revenir sur la séparation vente-conseil en elle-même, avec une règle de déport pour l'activité de conseil - l'ambition est très éloignée de ce que le Sénat a voté il y a peu. Pour autant, cet article 1er est nécessaire - même s'il est loin d'être suffisant.
Pour le reste, les deux autres articles du texte initial suppriment la condition d'être à jour de cotisation, délimitent la circonscription de la métropole de Lyon, et réalignent les dates auxquelles auront lieu ces élections, après la désorganisation consécutive au covid.
Nous étions prêts à adopter le texte conforme, pour gagner du temps. Seulement, l'Assemblée nationale a introduit un article qui nous semblait bloquant : une demande de rapport sur l'opportunité d'adopter un mode de scrutin à la proportionnelle intégrale pour les élections aux chambres d'agriculture. La commission ayant adopté un amendement de suppression, nous aurons donc une CMP, prévue lundi prochain. J'ai toute confiance dans le Gouvernement pour une promulgation au Journal officiel avant le 5 mars, d'autant que le texte est largement transpartisan.
Certaines mesures adoptées à l'Assemblée nationale ont du reste amélioré le texte. Je pense à l'amendement de Mme Le Peih pour reporter les élections à Mayotte, qui trouve ici un véhicule législatif adapté. À Mayotte, 90 % de la production maraîchère et fruitière a été détruite, l'essentiel des bâtiments est endommagé ou détruit. Impossible, dans ces conditions, de tenir le calendrier électoral initial. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI ; M. Jean-François Longeot applaudit également.)
M. Henri Cabanel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Ce texte ne modifiera en rien la gouvernance des chambres d'agriculture : on ne change pas les règles du jeu pendant le dépouillement d'une élection. Il n'a pas non plus vocation à trancher le débat de fond sur la séparation entre la vente et le conseil.
Il se borne à faciliter le déroulement des élections, confrontées à un risque de manque de candidatures dans certains territoires, lié à l'impossibilité de cumuler un mandat de président ou de membre du bureau avec une fonction exécutive dans une entité chargée de la vente de produits phytopharmaceutiques.
Cette situation illustre notre fâcheuse habitude d'adopter des textes sans mesurer au préalable leur impact.
Il n'avait pas été anticipé que la plupart des coopératives se spécialiseraient dans la vente de produits phytopharmaceutiques, alors que les chambres se sont, logiquement, tournées en majorité vers l'activité de conseil. Il en résulte l'impossibilité, pour les présidents et administrateurs de coopératives, de se faire élire au bureau d'une chambre. Le cumul concerne environ 15 à 20 % des élus, mais jusqu'à 40 % dans l'Aisne, l'Eure et la Moselle.
L'absence des coopératives serait préjudiciable - d'où l'intérêt de maintenir la règle de déport pour lutter contre les conflits d'intérêts.
Je regrette que le texte n'évoque pas les enjeux de pluralisme et de représentativité, au motif que les élections se déroulent actuellement. L'introduction de la proportionnelle est souhaitable. La Cour des comptes appelle d'ailleurs à une refonte du mode de scrutin. Rappelons que 97 des 102 chambres d'agriculture sont dominées par la FNSEA, qui n'a pourtant obtenu que 55 % des voix au collège des exploitants agricoles...
Le groupe RDSE votera néanmoins en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
Mme Marie-Lise Housseau . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cette proposition de loi, essentiellement technique, s'inscrit dans une longue série de textes législatifs sur le monde agricole qui nous oblige à être cohérents.
Elle prolonge la dérogation à la séparation entre les activités de conseil et de vente. En effet, l'interdiction de cumul pose des problèmes techniques et juridiques pouvant constituer des points de blocages, selon le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER). Les députés ont prévu, en contrepartie, des règles de déport pour que les administrateurs membres de coopératives ne participent pas aux délibérations concernant l'activité de conseil.
Ils ont également reporté d'un an les élections à la chambre d'agriculture de Mayotte, au vu des conséquences du cyclone Chido.
La commission des affaires économiques a supprimé, à juste titre, une demande de rapport sur l'opportunité de la proportionnelle intégrale pour les élections aux chambres d'agriculture, mais une réflexion sereine sur la juste représentativité des chambres aurait tout son sens dans la perspective de 2030.
La proposition de loi simplifie également la participation des exploitants aux élections à la MSA. Les votes des exploitants non à jour de cotisation pourront être pris en compte, ce qui est bienvenu : il aurait été injuste que les plus fragiles ne puissent élire leurs représentants.
Enfin, le texte harmonise les dates d'élections, décalées à cause de la crise sanitaire.
Une règle de parité a été instaurée pour l'élection du collège des salariés pour les élections de 2030. Espérons qu'il en sera prochainement de même pour le collège des exploitants.
Cette proposition de loi améliore la représentativité au sein des instances de gouvernance du monde agricole, et s'inscrit dans la continuité du travail législatif entamé depuis plusieurs semaines pour répondre aux attentes et besoins des agriculteurs.
Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Dominique Estrosi Sassone applaudit également.)
M. Gérard Lahellec . - Les élections des membres des chambres d'agriculture viennent de se dérouler. Jusque-là, les dispositions de la loi Égalim de 2018 compliquaient la désignation du bureau des chambres, en imposant une séparation entre les instances de conseil et de vente de produits phytopharmaceutiques. Les administrateurs de coopératives seraient ainsi exclus des exécutifs des chambres d'agriculture et du conseil d'administration de Chambres d'agriculture France. La proposition de loi y remédie, à condition qu'ils ne prennent pas part aux discussions sur l'activité de conseil.
Elle renforce aussi les obligations de publicité des travaux des chambres d'agriculture, et prévoyait un rapport au Parlement évaluant l'opportunité d'adapter le mode de scrutin pour se rapprocher de la proportionnelle intégrale.
Enfin, elle sécurise juridiquement les élections à la MSA.
Ce n'est donc pas une remise en cause de la loi Égalim, ni de la pertinence de la séparation entre les activités de conseil et de vente, motivée par le souhait de réduire le recours aux produits phytopharmaceutiques.
Nous prenons cette proposition de loi pour ce qu'elle est, et nous la voterons.
M. Daniel Salmon . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Cette proposition de loi portait initialement un titre ambitieux : « Exercice de la démocratie agricole ». Hélas, la promesse n'est pas tenue. On se contente d'ajustements à la marge, sans s'attaquer aux vrais enjeux démocratiques.
L'article 1er revient sur la séparation entre activités de vente et de conseil de produits phytosanitaires, pourtant inscrite dans la loi Égalim de 2018 pour éviter les conflits d'intérêts. On réintroduit le mélange des genres, au prétexte d'un prétendu manque de candidats. Il aurait fallu s'attaquer aux racines du problème : la faible attractivité de ces instances, et la nécessité d'un scrutin réellement représentatif. (M. Laurent Duplomb s'exclame.)
Sur 102 chambres, 97 sont contrôlées par la FNSEA alors que seulement 55 % des votes se sont portés vers elle.
M. Laurent Duplomb. - C'est la proportionnelle !
M. Daniel Salmon. - Cette surreprésentation est le fruit d'un mode de scrutin inéquitable, qui favorise la majorité en place et empêche l'émergence d'autres sensibilités. Pourtant, la diversité syndicale doit pouvoir s'exprimer, afin de refléter la pluralité des modèles agricoles et des aspirations des agriculteurs. Les petits producteurs indépendants, ceux qui pratiquent des modèles alternatifs, même les salariés agricoles sont largement sous-représentés.
Une chambre d'agriculture doit être un lieu de dialogue, et non le bastion d'une seule vision de l'agriculture. Or le verrouillage des modes de scrutin empêche l'expression de nouvelles générations d'agriculteurs, qui veulent concilier production et respect de l'environnement.
La place des coopératives est aussi un enjeu fondamental. Il ne s'agit pas de nier leur rôle, mais leur fonction première reste commerciale. Or elles tirent l'essentiel de leurs revenus de la vente d'intrants et de pesticides.
Cette proposition de loi n'apporte pas de solutions concrètes. Pis, en revenant sur la séparation de la vente et du conseil, elle réintroduit un risque de conflit d'intérêts.
Il faut renforcer le pluralisme des instances : d'ici aux prochaines élections, nous avons cinq ans pour remettre l'ouvrage sur le métier. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Christian Redon-Sarrazy . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le titre initial de cette proposition de loi annonçait une haute ambition : rénover l'exercice de la démocratie dans les chambres d'agriculture. Nous attendions donc une réforme globale de la représentation agricole. Hélas, les paysans qui se sentent peu ou mal représentés - ils sont nombreux - devront se contenter d'une simple adaptation.
Loin de cette fausse ambition initiale, le texte est avant tout technique : il est supposé régler les dysfonctionnements du corps électoral de la MSA, entérine le report plus que légitime des élections consulaires à Mayotte et proroge le dispositif dérogatoire permettant le cumul au sein des chambres entre conseil et vente de pesticides.
Nous nous interrogeons sur le calendrier d'examen, précipité : ce texte parvient au Sénat en pleines élections consulaires.
L'article 1er pérennise le dispositif transitoire relatif au cumul de fonctions entre conseil et vente. La loi Égalim de 2018 avait instauré un principe de séparation pour éviter les conflits d'intérêts et garantir l'indépendance du conseil. Les administrateurs de coopératives ne pouvaient donc pas faire partie de l'exécutif d'une chambre.
Cette règle n'a cependant jamais été appliquée. Dès avril 2019, un processus dérogatoire a été mis en place par ordonnance, jusqu'au renouvellement des chambres d'agriculture. Si la dérogation devait prendre fin, le déficit de candidats serait de 25 à 40 %.
Le groupe SER ne s'opposera pas au prolongement du dispositif. Rien ne garantit qu'un système fondé sur des certificats d'économie de produits phytosanitaires serait plus efficace. Mais nous avons déposé plusieurs amendements visant à fixer des garde-fous. En particulier, la règle de déport doit être pleinement appliquée : nous proposerons donc des sanctions en cas de non-respect.
Les autres articles ne posent pas de difficultés majeures.
Nous soutenons l'objectif de l'article 1er bis A : renforcer la transparence des travaux des chambres d'agriculture. Là encore, nous proposerons des sanctions en cas de non-publication des procès-verbaux.
À l'article 2, nous souhaitons réintroduire une disposition supprimée par les députés : l'interdiction faite aux personnes n'étant pas à jour de cotisation auprès de la MSA de se porter candidates aux élections de l'instance. S'il ne nous paraît pas indispensable d'être à jour de cotisation pour voter, ce prérequis est nécessaire pour intégrer la MSA.
Le nouvel article 4, qui oblige à constituer des listes paritaires aux élections de la MSA, va dans le bon sens. N'en déplaise à certains, faciliter la participation des femmes à ces instances n'est pas une complication inutile.
Nous voterons cette proposition de loi, tout en cherchant à l'améliorer. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Laure Darcos . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Notre assemblée est entrée de plain-pied dans une séquence agricole particulièrement dense : je m'en réjouis. Nos agriculteurs ne comprendraient pas que nous n'agissions pas avec célérité alors que leurs activités sont menacées.
Cette proposition de loi répond à l'urgence à la fois dans les chambres d'agriculture et les MSA.
Il ne s'agit aucunement de revenir sur le principe de séparation entre les activités de vente et de conseil, mais de permettre aux administrateurs de coopératives de participer à l'exécutif des chambres d'agriculture. Qu'ils observent un déport est compréhensible ; qu'ils ne puissent appartenir à l'exécutif ne l'est pas.
Il faudra une réforme plus générale des chambres d'agriculture, mais tel n'est pas l'objet de cette proposition de loi.
Le prolongement d'un an du mandat des conseillers de la chambre d'agriculture de Mayotte est indispensable.
La crise de la covid a fortement désorganisé les élections de 2020. Il était indispensable de réaligner autant que possible les échéances.
Cette proposition de loi met aussi fin à certaines anomalies. Les débiteurs de cotisations de plus de six mois à la MSA pourront bien participer au scrutin. Nous nous félicitons de l'introduction de la parité pour l'élection des délégués cantonaux du deuxième collège, celui des salariés, dont plus de 38 % étaient des femmes en 2022.
Si cette proposition de loi doit garder son caractère d'urgence et d'efficacité, elle offre aussi une première réponse à certaines interrogations sur le fonctionnement des chambres d'agriculture. L'article 1er bis A les dotant de règlements intérieurs fixant les modalités de publication de leurs délibérations est une première étape.
Ce texte traite des difficultés à brève échéance et ouvre des réflexions qu'il conviendra d'approfondir. Il va dans le bon sens, et le groupe Les Indépendants le soutient sans réserve. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Guillaume Chevrollier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.) Il est heureux que le Sénat se mobilise particulièrement sur les questions agricoles.
Cette proposition de loi répond à des difficultés urgentes en matière de démocratie agricole. Je salue le travail de ceux qui ont contribué à l'élaborer.
Nos institutions agricoles jouent un rôle essentiel, dans la Mayenne comme ailleurs. Les chambres d'agriculture contribuent à structurer l'agriculture locale, à préserver son tissu économique et à assurer la transition des exploitations. Pour continuer à remplir efficacement leurs missions, elles ont besoin d'un cadre juridique et démocratique adapté à leurs besoins.
Cette proposition de loi apporte une réponse pragmatique aux difficultés créées par la loi Égalim 1.
Je salue le report des élections de la chambre d'agriculture de Mayotte, qui fait face à des circonstances dramatiques.
Les résultats des élections sont en cours de proclamation, et les bureaux des chambres seront constitués le 5 mars. Des administrateurs de coopératives figurant sur les listes attendent que nous légiférions pour qu'ils puissent faire partie des exécutifs.
Cette proposition de loi ajuste également les délais d'élection à la MSA, comme le souhaitent les syndicats agricoles. Elle garantit à chaque agriculteur la possibilité de participer à la vie démocratique de la MSA, quelles que soient les difficultés économiques rencontrées. Cela renforcera l'engagement des agriculteurs dans la gouvernance de leur protection sociale.
Nos agriculteurs, confrontés à des enjeux économiques, environnementaux et sociaux majeurs, ont besoin de structures solides, d'une représentation démocratique renforcée et d'un cadre législatif stable. Ce texte apporte des ajustements nécessaires, mais une réflexion plus large est nécessaire sur l'avenir de notre modèle agricole.
Saisissons cette occasion de poser les bases d'une agriculture plus résiliente, plus compétitive et plus équitable. Le groupe Les Républicains votera la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Vincent Louault et Marc Laménie applaudissent également.)
M. Bernard Buis . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Cette proposition de loi de Nicole Le Peih, sous des dehors techniques, répond à des enjeux essentiels pour nos chambres d'agriculture, qui jouent un rôle central dans le monde agricole. Relais entre l'État et les agriculteurs, espace de dialogue et force de propositions, elles représentent l'ensemble des acteurs de ce milieu.
Nous voterons, sans surprise, ce texte de modernisation, qui corrige une incohérence issue de la séparation des activités de vente et de conseil. Il était difficile d'expliquer à un administrateur de coopérative, qui connaît son terrain, qu'il ne peut participer à l'exécutif d'une chambre d'agriculture.
Ce texte impose aux chambres d'agriculture de se doter d'un règlement intérieur, outil essentiel pour un fonctionnement transparent et démocratique.
Enfin, ce texte s'inscrit dans la dynamique de simplification que nous aimons, au Sénat : les électeurs débiteurs de cotisations depuis plus de six mois ne seront plus exclus du vote. Cette mesure était contraire au principe d'égalité et compliquait la constitution des listes.
Nous aurions préféré un vote conforme. Oui, la demande de rapport introduite à l'Assemblée nationale est sans doute superflue. Mais nous espérons une CMP conclusive dès lundi prochain. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
M. Gilbert Favreau . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous débattons d'un texte crucial pour la démocratie agricole, à un moment où nos exploitants font face à des défis majeurs. Les chambres d'agriculture, qui fêtent leur 101ème anniversaire, sont au coeur de la vie des exploitants, comme la MSA.
Les règles issues de la loi Égalim de 2018 doivent être corrigées au profit d'une solution d'équilibre : les administrateurs de coopératives peuvent être élus, mais pas participer aux activités de conseil.
La MSA garantit la protection des exploitants, des salariés et de leurs familles. Cette proposition de loi apporte des solutions concrètes pour améliorer son fonctionnement.
L'article 3 prévoit une adaptation du calendrier des mandats afin de garantir une continuité dans la gouvernance, en harmonisant les échéances de renouvellement. La gestion des prestations en sera améliorée.
La réintégration des exploitants débiteurs depuis plus de six mois est bienvenue, de même que l'introduction d'une parité progressive dès les élections de 2030. C'est une avancée majeure pour la diversité et la représentativité de ces instances.
En votant cette proposition de loi, nous envoyons un message fort : nos institutions agricoles évoluent avec leurs membres et pour eux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP)
Discussion des articles
Article 1er
M. Laurent Duplomb . - Avec la séparation des activités de conseil et de vente, on a monté une usine à gaz - de multiples rapports l'ont démontré. Et c'est comme le sparadrap du capitaine Haddock : on n'arrive pas à s'en débarrasser ! Au point de devoir voter en urgence ce texte, pour être sûr d'avoir des représentants dans les chambres d'agriculture. Tout cela est grotesque...
Sachons en tirer les leçons, alors que notre pays croule sous les normes et les surtranspositions, qui nous coûtent quatre points de PIB ! Aucun autre pays n'a adopté une telle mesure. Pour régler durablement le problème, il faut voter la proposition de loi que j'ai présentée avec M. Menonville, qui revient en grande partie sur la séparation de la vente et du conseil.
M. Franck Menonville . - Cette proposition de loi a le mérite de neutraliser un effet de bord de la loi Égalim. Alors que les résultats des élections aux chambres d'agriculture sont imminents, je tiens à rappeler que le scrutin est déjà proportionnel, certes avec une prime majoritaire. La proportionnelle stricte que certains appellent de leurs voeux, nous l'avons connue jadis dans les conseils régionaux : c'était la garantie de l'instabilité. De grâce, soyons très prudents en la matière ! Les résultats de ce soir refléteront la diversité des agriculteurs, tout en garantissant que les chambres seront dirigées pendant six ans.
Mme la présidente. - Amendement n°1 de M. Salmon et alii.
M. Daniel Salmon. - La séparation de la vente et du conseil n'est pas une usine à gaz, mais un principe fondamental pour prévenir les conflits d'intérêts. Certes, des faiblesses ont été identifiées, mais ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain. C'est pourquoi nous voulons supprimer la dérogation à la règle de non-cumul.
Vous vous inquiétez d'une réduction du vivier ? Renforcez le pluralisme, vous aurez davantage de candidats ! La proportionnelle intégrale dont a parlé M. Menonville doit être envisagée : nous souhaitons un rapport sur la question.
M. Vincent Louault, rapporteur. - Avis évidemment défavorable : on ne va pas retirer 40 % des membres des exécutifs de chambre parce qu'ils sont administrateurs de coopératives.
Mme Annie Genevard, ministre. - Avis défavorable. La suppression de l'article 1er invaliderait l'objet principal du texte. (M. Daniel Salmon le confirme.) Le régime est transitoire, et la règle de déport assure un équilibre.
L'amendement n°1 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°2 de M. Salmon et alii.
M. Daniel Salmon. - Cet amendement de repli vise à rendre le déport effectif. Il faut un mécanisme de contrôle et de sanction pour garantir la confiance dans le fonctionnement des chambres.
M. Vincent Louault, rapporteur. - Des sanctions... Vous aimez cela ! Le déport est bien connu dans les collectivités territoriales. Inutile de sortir l'artillerie lourde. Avis défavorable.
Mme Annie Genevard, ministre. - Un défaut de déport invalide la délibération. C'est le droit commun, et c'est suffisant. N'ajoutons pas de sanctions administratives ou disciplinaires. Avis défavorable.
L'amendement n°2 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°7 de M. Redon-Sarrazy et du groupe SER.
M. Christian Redon-Sarrazy. - Nous précisons l'application de la règle de déport, qui est une condition indispensable de notre soutien à cet article ; nous espérons qu'elle ne sera pas remise en cause en CMP. En cas de non-respect, il faut une sanction : même si cette situation est rare, il est prudent d'en prévoir le cas.
M. Vincent Louault, rapporteur. - Tant que vous y êtes, pourquoi pas le pénal ? Avis défavorable.
Mme Annie Genevard, ministre. - Avis défavorable également.
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
L'article 1er est adopté.
Article 1er bis A
Mme la présidente. - Amendement n°3 de M. Salmon et alii.
M. Daniel Salmon. - En rendant obligatoire l'adoption d'un règlement intérieur, nous assurons la traçabilité des décisions et renforçons la démocratisation, donc la légitimité des chambres.
M. Vincent Louault, rapporteur. - Cet amendement est satisfait : les délibérations sont déjà rendues publiques. (M. Daniel Salmon le conteste.) Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Annie Genevard, ministre. - Avis défavorable. Votre demande de transparence sera satisfaite à l'article suivant. Le pluralisme est un autre sujet.
L'amendement n°3 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°4 de M. Salmon et alii.
M. Daniel Salmon. - Il y a un lien entre pluralisme et transparence, car l'entre-soi ne favorise pas la seconde. Cet amendement lève une ambiguïté : la publication des procès-verbaux doit être obligatoire.
M. Vincent Louault, rapporteur. - Il n'est pas pertinent d'entrer dans un tel degré de précision : cela relève du règlement. Avis défavorable.
Mme Annie Genevard, ministre. - Je ne vois pas de difficulté à cet amendement rédactionnel. Avis favorable.
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°8 de M. Redon-Sarrazy et du groupe SER.
M. Christian Redon-Sarrazy. - Cet article introduit à l'Assemblée nationale prévoit un règlement intérieur. Nous voulons le rendre opérant en prévoyant des sanctions en cas de non-publication des procès-verbaux. Nous ne savons pas ce que seront les bureaux des chambres à l'avenir : tout le monde n'a pas la même vision de la transparence.
L'amendement n°8, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 1er bis A est adopté.
L'article 1er bis B est adopté, de même que l'article 1er bis.
Article 1er ter (Supprimé)
Mme la présidente. - Amendement n°5 de M. Salmon et alii.
M. Daniel Salmon. - Nous réintroduisons la demande de rapport sur le mode de scrutin des chambres d'agriculture, prévue par l'Assemblée nationale. On préparerait ainsi les élections de 2030. Profitons des cinq années qui sont devant nous pour faire évoluer le mode d'élection vers un scrutin proportionnel qui renforce le pluralisme et la représentativité, pour une gouvernance plus inclusive.
M. Vincent Louault, rapporteur. - De nombreux rapports traitent déjà de cette question. Je vous invite à déposer plutôt une proposition de loi. Avis très défavorable.
Mme Annie Genevard, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°5 n'est pas adopté et l'article 1er ter demeure supprimé.
Article 2
Mme la présidente. - Amendement n°9 de M. Redon-Sarrazy et du groupe SER.
M. Christian Redon-Sarrazy. - Nous réintroduisons un alinéa supprimé à l'Assemblée nationale : un électeur qui n'est pas à jour de cotisations doit malgré tout pouvoir participer aux élections à la MSA. En plus de l'atteinte portée au principe d'égalité, les vérifications liées à la règle actuelle ont un coût administratif. En revanche, il serait excessif de permettre à une personne débitrice de se porter candidate.
M. Vincent Louault, rapporteur. - Quand c'est logique, avis favorable !
Mme Annie Genevard, ministre. - Avis favorable également.
L'amendement n°9 est adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
L'article 3 est adopté, de même que l'article 4.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. - Je remercie notre rapporteur, qui a accepté cette tâche au pied levé, sans rien sacrifier du sérieux nécessaire. Nous pensons que la CMP, prévue lundi prochain, sera conclusive : nous serons donc dans les délais pour la nomination des bureaux des chambres d'agriculture. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP ; MM. Vincent Louault et Lucien Stanzione applaudissent également.)
M. Henri Cabanel. - La séparation des activités de conseil et de vente nous oblige à la correction prévue à l'article 1er. À chaque examen d'un texte législatif, veillons à bien en mesurer tous les impacts. En l'occurrence, nous n'avions pas vu venir celui-ci.
Mme Annie Genevard, ministre. - Je vous remercie pour votre travail efficace. Que 40 % des élus des chambres puissent siéger dans les bureaux est conforme à la démocratie agricole que nous appelons de nos voeux.
L'actualité législative agricole du Sénat est d'une exceptionnelle densité, confirmant que les questions agricoles sont au premier plan de nos préoccupations.
Oui, le législateur doit toujours penser aux conséquences de ses décisions. De nombreux exemples nous viennent à l'esprit... Je pense notamment à la délégation de la gestion de l'eau et de l'assainissement, décidée une nuit de 2016 sans étude d'impact.
Les études d'impact doivent être extrêmement sérieuses pour éclairer la décision du législateur, qui, par nature, ne peut être spécialiste de tout. (Applaudissements sur les travées du RDSE et au banc des commissions)
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.