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Table des matières



Sortir la France du piège du narcotrafic - Statut du procureur national anti-stupéfiants (Procédures accélérées - Suite)

M. Dany Wattebled

Mme Muriel Jourda

Mme Marie-Laure Phinera-Horth

Mme Sophie Briante Guillemont

Mme Nathalie Goulet

M. Jérémy Bacchi

M. Guy Benarroche

M. Jérôme Durain

M. Aymeric Durox

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Mises au point au sujet de votes

Commissions (Nominations)

Urgence pour Mayotte (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 13

Article 13 bis AA (Nouveau)

Après l'article 13 bis AA (Nouveau)

Article 13 bis (Supprimé)

Article 14

Article 15

Article 16

Après l'article 16

Avant l'article 17

Article 17

Après l'article 17

Article 17 bis A

Article 17 ter

Article 18

Article 18 bis (Supprimé)

Après l'article 19

Article 21

Après l'article 23

Article 27 (Supprimé)

Article 32 (Supprimé)

Vote sur l'ensemble

Mme Evelyne Corbière Naminzo

Mme Raymonde Poncet Monge

Mme Viviane Artigalas

Mme Antoinette Guhl

Mme Salama Ramia

M. Saïd Omar Oili

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer

Mises au point au sujet de votes

Souveraineté alimentaire et agricole (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

M. Laurent Duplomb, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Franck Menonville, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Christian Bruyen, rapporteur pour avis de la commission de la culture

M. Jean-Claude Anglars, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Mme Sylviane Noël, au nom de M. Jean-Marc Boyer

M. Bernard Buis

M. Henri Cabanel

M. Guislain Cambier

M. Gérard Lahellec

M. Daniel Salmon

M. Jean-Claude Tissot

M. Stéphane Ravier

M. Pierre Médevielle

Mme Pascale Gruny

Mme Annick Jacquemet

M. Franck Montaugé

M. Laurent Somon

M. Yves Bleunven

Mme Béatrice Gosselin

M. Pascal Allizard

Mme Marie-Jeanne Bellamy

Discussion des articles

Titre Ier

Article 1er

M. Vincent Louault

M. Olivier Jacquin

M. Daniel Salmon

Ordre du jour du mercredi 5 février 2025




SÉANCE

du mardi 4 février 2025

50e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaire : M. Guy Benarroche

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Sortir la France du piège du narcotrafic - Statut du procureur national anti-stupéfiants (Procédures accélérées - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutins publics solennels sur la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic et de la proposition de loi organique fixant le statut du procureur national anti-stupéfiants.

M. Dany Wattebled .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC) La lutte contre le trafic de stupéfiants a réuni un large consensus au sein de notre assemblée. Nos concitoyens sont confrontés à une violence accrue à mesure que le trafic progresse. Nos policiers, gendarmes, douaniers et magistrats combattent ce fléau depuis longtemps. Mais notre pays a atteint un point de bascule. Sans fermeté et sévérité, nous pourrions vite être dépassés.

Il faut changer notre regard sur les stupéfiants. Trop longtemps, les expressions « drogue douce » ou « usage récréatif » ont occulté la réalité tragique.

Avec plus d'un million de consommateurs de cocaïne dans notre pays, les stupéfiants sont devenus un marché juteux de 6 milliards d'euros. À un tel montant, les délinquants ne reculent devant aucune violence. Dans certains quartiers, les fouilles sont menées non par les forces de l'ordre mais par les trafiquants eux-mêmes. Ils s'entretuent, et en 2023, on a déploré 85 morts et plusieurs centaines de blessés.

La rentabilité leur permet d'investir dans des matériels et des technologies avancées qui entravent le travail des forces de l'ordre. L'argent doit être blanchi dans de nombreux secteurs de notre économie. Les stupéfiants ne sont qu'un pan de l'activité des réseaux et de la criminalité organisée : cela justifie la création d'un parquet spécialisé.

Après les grandes villes, les trafics gangrènent la ruralité, minant leur développement et détruisant la vie de nos concitoyens. Il faut continuer les efforts, dans la droite ligne des opérations Place nette.

Nous avons enrichi le texte lors de nos débats : ainsi, nous avons sécurisé la fermeture administrative des lieux de trafic et interdit le paiement en espèces des locations de voiture, afin de lutter contre le blanchiment.

Grâce à l'adoption de l'amendement de Pierre Jean Rochette, les confiscations de véhicules sont désormais automatiques, y compris lorsqu'ils sont loués à l'étranger. Les interprètes seront également mieux protégés grâce à un amendement de Louis Vogel. Ils pourront garder l'anonymat si nécessaire.

Sortir la France du piège du narcotrafic est un objectif nécessaire et ambitieux. Nous regrettons toutefois de passer par une proposition de loi et non un projet de loi. Le travail de la commission des lois est de qualité, cependant, une étude d'impact et l'avis du Conseil d'État auraient conforté la sécurité juridique de ce texte, qui devra être amélioré au cours de la navette.

Renforcer l'arsenal ne suffit pas. Nous avons besoin de l'engagement de la justice et des services d'enquête. Le groupe INDEP rend hommage aux femmes et aux hommes qui luttent au quotidien contre ce fléau.

Regrouper les 100 plus gros trafiquants dans une prison de haute sécurité est nécessaire. Cela met en lumière le manque de moyens de l'administration pénitentiaire. Il faut construire des places de prison et moderniser nos établissements.

Pour stopper le trafic et protéger nos concitoyens, nous devrons réfléchir à la consommation de drogue, absente du périmètre de la proposition de loi. Il est fallacieux de prétendre, comme certains collègues, qu'elle n'est qu'une conséquence du marché. Ce sont les mêmes qui prônent la dépénalisation. Or l'angélisme bénéficie aux cartels. Bien sûr, les addictions nécessitent une prise en charge médicale. Mais n'occultons pas la responsabilité des consommateurs : les centaines de victimes assassinées le sont pour que la drogue leur parvienne.

Face à ce fléau, nous devons agir avec constance et détermination ! Le groupe Les Indépendants votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du RDSE et du groupe UC ; Mme Muriel Jourda applaudit également.)

Mme Muriel Jourda .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jérôme Durain et Mme Laurence Harribey applaudissent également.) Je ne ferai pas durer le suspense : le groupe Les Républicains votera ce texte, dont je suis co-rapporteur. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; « Ah ! » sur quelques travées du groupe SER)

M. Yannick Jadot.  - On a eu peur !

Mme Muriel Jourda.  - Ce texte est satisfaisant. D'abord, parce qu'il émane du Sénat, alors que le Gouvernement est naturellement en première ligne sur les sujets régaliens. Il fait suite aux travaux remarquables d'une commission d'enquête dont le rapporteur était Étienne Blanc et le président Jérôme Durain, co-auteurs de cette proposition de loi.

Ensuite, parce que c'est un travail collectif. La commission d'enquête a adopté son rapport à l'unanimité ; en séance, avec les groupes et le Gouvernement, nous n'avons eu de cesse de négocier, à la recherche d'un accord.

Enfin, parce que nous avons, par choix, évité les sujets de désaccord - non parce que nous ne saurions les trancher, mais parce qu'il fallait donner du poids à ce texte. Certains sujets tels que la consommation et la légalisation auraient pu nous éloigner. Nous avons circonscrit nos travaux pour travailler utilement contre le narcotrafic.

Là encore, le résultat est satisfaisant, puisque nous avons abordé l'intégralité des sujets qui n'étaient pas encore traités par le droit français - les délinquants avancent parfois bien plus vite que les États.

Ainsi, nous avons mis en ordre la chaîne pénale, en dotant la France d'un parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco), à l'instar de ce que nous avions décidé contre le terrorisme. Ce parquet coordonnera l'action de la justice sur l'ensemble du territoire. Il sera doté d'un état-major interministériel. Nous avons doté les enquêteurs d'outils tels que l'anonymisation, les techniques spéciales d'enquête et le procès-verbal distinct. Nous avons aussi mis des freins au blanchiment, afin de limiter les gains des narcotrafiquants. Élus locaux, nous connaissons ces magasins sans produits ni clients. L'administration pourra désormais fermer ces blanchisseuses.

Nous avons également renforcé les moyens du renseignement et de la lutte contre la corruption.

Nous ne prétendons pas avoir atteint la perfection ni épuisé le débat - l'Assemblée nationale le reprendra.

Un représentant d'un pays proche, envahi par le narcotrafic, a dit qu'il y était minuit vingt, alors qu'en France il est minuit moins cinq. Avec ce texte, nous pourrons empêcher que minuit ne sonne jamais. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur quelques travées du RDSE)

Mme Marie-Laure Phinera-Horth .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Olivia Richard et M. Jérôme Durain applaudissent également.) Ce texte ambitieux s'est nourri des travaux de la commission d'enquête dont j'étais vice-présidente. D'année en année, le narcotrafic gagne en ampleur, jusqu'à nos petites villes et nos campagnes. Personne n'est épargné. Face à l'urgence, Jérôme Durain et Étienne Blanc ont déposé cette proposition de loi, qui renforce les moyens procéduraux contre le narcotrafic.

Nous sommes en retard sur les narcotrafiquants, qui ne manquent ni de moyens ni d'imagination pour contourner les règles en vigueur. Nous partageons tous l'ambition de donner un coup d'arrêt à ce trafic qui gangrène nos territoires.

Nous sommes parvenus à une vision équilibrée sur les points de blocage des articles 1er et 16. Nous saluons la création du Pnaco et la montée en puissance de l'Office anti-stupéfiants (Ofast), largement soutenues par les sénateurs comme par le Gouvernement. Ce sont des avancées décisives, tout comme les dispositions contre le blanchiment d'argent, qui frappent les narcotrafiquants au portefeuille. Ainsi les articles 5 et 5 bis permettront de geler leurs avoirs. Nous connaissons la dangerosité de ces individus sans limites - j'ai une pensée émue pour les familles des deux agents pénitentiaires tués à Incarville en mai 2024. Notre droit doit s'adapter. Nous devons autoriser les nouvelles techniques d'enquête. Aussi, je me félicite de l'adoption de la mesure que j'ai défendue après l'article 15 bis pour activer les appareils fixes, sur autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD).

Néanmoins, des failles persistent. Je regrette que mon amendement relatif à la prévention n'ait pas été approuvé par la commission des lois. On m'a rétorqué que ce n'était ni le lieu ni le moment... Alors, quand ?

Ce texte se concentre sur le haut du spectre : c'est une avancée significative. Mais quid des petites mains ? L'an passé, plus de 1 000 mules ont vu leur voyage s'arrêter aux portes de l'aéroport guyanais. Il est primordial d'endiguer ce phénomène qui frappe les territoires ultramarins. Je plaide pour les scanners corporels, qui détectent les objets ingérés. Monsieur le ministre de l'intérieur, il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous... M. Darmanin y était favorable lorsqu'il était à votre place. J'espère que vous en ferez une priorité : à Schiphol, aux Pays-Bas, ils ont fait leurs preuves. Nous pourrons ainsi redéployer les forces de police qui réalisent 100 % des contrôles dans les aéroports.

Je salue l'excellent travail des rapporteurs de la commission des lois et d'Étienne Blanc. Le RDPI avait approuvé les conclusions de la commission d'enquête ; il votera naturellement en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jérôme Durain et Mme Muriel Jourda applaudissent également.)

Mme Sophie Briante Guillemont .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Sortir la France du piège du narcotrafic : cette ambition correspond à l'importance du problème qui nous intéresse depuis plus d'un an. Ce travail de longue haleine, transpartisan, restera une référence. Il a mis en lumière l'ubérisation du trafic, l'extension du narcotrafic aux zones rurales et la banalisation des drogues dures.

Ce texte est le résultat du travail de la commission d'enquête et de la commission des lois, enrichi par le Gouvernement. Nous souscrivons à la méthode, même si nous regrettons de ne pas avoir eu connaissance plus tôt de certains amendements clés.

Cette proposition de loi est absolument majeure. Notre procédure pénale, relativement uniforme il y a quelques années, a été modifiée pour lutter contre le terrorisme. Nous nous apprêtons à élargir ces exceptions. C'est un choix souverain de notre assemblée ; un choix nécessaire, quand 80 % à 90 % des règlements de compte sont dus à des différends liés au trafic de stupéfiants. Les conséquences sur la santé publique sont aussi dramatiques. L'Europe est inondée de cocaïne.

Ce texte est attendu par les services de police et les magistrats, qui ont besoin de coordination et d'outils plus efficaces.

Cette proposition de loi comporte 50 articles, contre 24 initialement. Voici les principales mesures : mise en place d'un service chef de file ; création du Pnaco ; fermeture administrative des lieux soupçonnés de blanchiment d'argent ; systématisation des enquêtes patrimoniales ; interdiction administrative de paraître ; facilitation des expulsions des logements sociaux ; plus grande coopération avec le renseignement ; expérimentation du renseignement algorithmique ; accès facilité aux messageries cryptées ; renforcement des outils à disposition des agents infiltrés ; extension du régime de repenti ; mesures contre la poursuite des affaires depuis la détention.

La procédure pénale sera modifiée : prolongation de la garde à vue pour les mules ; fin du plafonnement des peines pour des infractions concomitantes ; création d'un dossier coffre ; refonte du régime des nullités - qui sont soulevées et non provoquées par les avocats.

Clemenceau, un grand radical, a dit : « Le gouvernement a pour mission de faire que les bons citoyens soient tranquilles, que les mauvais ne le soient pas. » (M. Bruno Retailleau apprécie la référence.) Il avait ajouté que les hésitants, ceux qui ne savent pas, trouvent un point d'appui dans la loi.

Notre assemblée est sur le point de confier des prérogatives très importantes à la police et à la justice, ce qui témoigne d'une grande confiance. Mais plus de pouvoirs, c'est plus de responsabilités. Nous veillerons à ce que ces techniques et dérogations soient bien utilisées contre le narcotrafic. Nous comptons sur la navette pour parvenir à un dossier-coffre opérationnel, qui préserve les droits de la défense.

Nous avons besoin de davantage de coopération internationale. Ce sera tout l'intérêt de la commission d'enquête sur la criminalité organisée.

Ce texte ne s'intéresse pas aux « hésitants » de Clemenceau : rien sur la prévention. Or le narcotrafic structure l'espace social. Nous avons parlé du risque de mexicanisation. Le narcotrafic s'épanouit partout où l'État central déserte. En Argentine, où la dépense publique a été coupée à la tronçonneuse, qui finance les cantines scolaires des villes misères ? Les narcotrafiquants ! Ils se glissent dans chaque faille sociale et soumettent la population à une dépendance économique. Ils deviennent le seul modèle de succès des adolescents.

C'est pourquoi il faut renforcer l'ensemble des services publics. C'est parce que nous avons besoin de plus d'État que le RDSE votera ce texte. Mais nous ne pourrons nous contenter d'un volet répressif. Il faudra aussi plus de République. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et sur quelques travées du groupe SER et du GEST)

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) L'Office des Nations unies contre la drogue et le crime a dressé un état des lieux terrifiant dans son rapport de 2024 : 300 millions de consommateurs dont une majorité prennent du cannabis, 60 millions des opioïdes et 30 millions des amphétamines, pour un chiffre d'affaires consolidé de 250 milliards d'euros. La situation en Syrie, terre du captagon, doit attirer notre vigilance.

Il est impératif de prendre des mesures fortes contre le narcotrafic. Ce texte marque des avancées significatives. Nous nous réjouissons de l'adoption de plusieurs amendements issus du groupe UC, dont celui de Pascal Martin bannissant des ports français les navires et compagnies impliquées dans ce trafic. Moins de drogue au Havre, c'est moins de drogue dans l'Orne. (Sourires)

L'article 3 impose aux sociétés de location de véhicules de luxe de se conformer aux obligations de la lutte contre le blanchiment et autorise les maires à signaler au préfet les commerces suspectés de blanchiment. Il renforce aussi l'obligation de déclaration des bénéficiaires effectifs.

L'article 3 bis, ajouté en séance, permet aux douanes d'accéder aux données des opérateurs de transport.

L'article 4 crée une procédure d'injonction pour création de richesse inexpliquée.

La commission a également interdit le recours aux mixeurs de cryptoactifs, ce qui reste toutefois assez théorique, car les distributeurs demeurent autorisés.

Plusieurs amendements ont été adoptés sur l'initiative de Mme Sylvie Vermeillet pour renforcer le rôle des douanes.

L'article 5 crée une procédure de gel judiciaire des avoirs des narcotrafiquants.

Le blanchiment d'argent est la mère de tous les vices. Monsieur le garde des sceaux, je salue votre engagement dans la lutte contre le blanchiment (M. Gérald Darmanin apprécie), et monsieur le ministre de l'intérieur -  quelle dream team  - votre détermination. Mais le compte n'y est pas. C'est le moment de rendre hommage à mon ami et complice Éric Bocquet, nouveau puissant maire de Marquillies, et de vous parler de la fraude fiscale. Comment expliquer que 1,5 million d'euros en espèces ont été retrouvés au Parlement européen -  dossier totalement enterré ? Comment ne pas évoquer le rôle des banques dans l'affaire des Panama Papers ? En 2023, la Danske Bank a été impliquée dans un scandale de blanchiment de plus de 200 milliards d'euros, via sa filiale estonienne. La même année, le Crédit Suisse a été impliqué dans une affaire de blanchiment de fonds du trafic de drogue. Quel en a été le montant, pour qu'il accepte une amende de 2 milliards d'euros ? Toujours en 2023, BiFinance a été condamnée à 4,3 milliards de dollars pour ses manquements. À qui se fier ? Même le Vatican... (Vives exclamations sur toutes les travées)

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Il aurait dû rester dans sa bulle !

Mme Nathalie Goulet.  - ... a été impliqué dans une affaire de blanchiment de 200 millions de dollars provenant de dons destinés à la charité, notamment au denier de Saint-Pierre. Le pape François a dû créer un Tracfin du Vatican. (Sourires et exclamations à droite)

Reste le sport, notamment le football. Je vous ferai grâce des faux prix de transfert, notamment... (MM. Gérald Darmanin et Stéphane Ravier s'exclament.)

La solution passe par une meilleure coopération internationale. L'Union européenne a franchi une étape avec la création de l'Autorité européenne de la lutte contre le blanchiment des capitaux. Son siège est à Francfort et sa présidente est italienne. Comment défendre l'influence française dans ce nouvel organisme européen ?

Le temps des voleurs n'est pas celui du législateur, encore moins s'il est européen.

À la longue liste des failles, nous devrions ajouter les ports francs, les paradis fiscaux, nos amies les monarchies du Golfe...

Le groupe UC votera avec enthousiasme ce texte, modèle de travail parlementaire : commission d'enquête unanime, excellente équipe de rapporteurs, excellents ministres. Tout cela se poursuit avec la commission d'enquête contre la criminalité organisée voulue par le groupe UC. Je sais que vous y serez attentifs. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et du RDPI ; M. Jérôme Durain applaudit également.)

M. Jérémy Bacchi .  - Je rends hommage aux travailleurs confrontés au quotidien aux mafias et aux trafics de stupéfiants : dockers, douaniers, agents pénitentiaires, avocats, magistrats, policiers, gendarmes. C'est notre devoir de les protéger. Nous devons garantir leur sécurité tout en proportionnant les contrôles dont ils font l'objet : nous ne devons pas les présumer coupables mais, au contraire, les protéger de la corruption. Je regrette que nos amendements en ce sens n'aient pas été retenus.

Je rends hommage aux travailleurs de l'aide sociale à l'enfance (ASE), qui oeuvrent auprès de 350 000 mineurs ou jeunes majeurs, soit 20 % de plus qu'en 2011. Mais les moyens financiers manquent, ce qui pousse ces enfants dans les bras des narcotrafiquants et même des proxénètes. Nous devons mieux soutenir les départements pour mieux protéger les enfants. Sinon, nos efforts seront vains.

Je rends hommage aux habitants des quartiers et des villages touchés par le fléau du narcotrafic. Toutefois, ne les enfermons pas dans une dimension uniquement sécuritaire. J'ai grandi dans les quartiers nord de Marseille : ils sont beaux et peuvent nous rendre fiers. La présence policière, quoique nécessaire, ne peut pas tout. L'État doit y renforcer les services publics. En tant que communiste, je sais que la lutte contre les mafias est une question de classe, puisque les premières victimes sont toujours les plus précaires. Partout où l'État recule, les mafias progressent.

Voilà pourquoi nous devons accompagner l'élan de ce texte en renforçant les moyens financiers et humains des services publics. Notre justice ne saurait se contenter des crédits alloués par le budget 2025. Selon le rapport de la commission européenne pour l'efficacité de la justice (Cepej) du Conseil de l'Europe de 2024, quand la France dépense pour la justice 77 euros par an et par habitant, l'Espagne en dépense 96, l'Italie, 100 et l'Allemagne, 136. La France ne compte que 11,3 magistrats professionnels pour 100 000 habitants contre 24,17 en Allemagne.

Les agents de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) nous alertent aussi sur leur manque de moyens.

Les douanes réalisent 75 % des saisies de stupéfiants. Si cette administration s'est modernisée, elle s'est privée de moyens tant matériels qu'humains : on compte 16 500 douaniers en France contre 48 000 en Allemagne. Nous ne pouvons pas laisser les douaniers ainsi désarmés.

La prévention est absente de cette proposition de loi : il nous faudra pourtant une campagne de santé publique pour soigner les personnes atteintes par ces addictions, de plus en plus nombreuses et de moins en moins accompagnées.

Une anecdote : il y a quelques semaines, j'étais l'invité d'une matinale à la radio. J'expliquais que trois familles avaient déménagé loin, étant victimes de menaces directes de réseaux de narcotrafiquants parce que leur fils ou frère avait refusé de les rejoindre. Le journaliste, un brin gêné, me demandait si moi, sénateur, je n'avais pas peur. Modestement, je lui ai répondu que si nous, parlementaires, avions peur de ces réseaux, cela ne devait pas nous empêcher d'agir, car nous ne pouvons pas demander aux salariés, aux habitants, à nos jeunes de faire preuve de courage, si nous n'en faisons pas preuve nous-mêmes. (M. Michel Savin applaudit.) Envoyons un double signal aux réseaux et à leurs victimes, et disons à ces dernières : on vous entend, vous n'êtes pas seules ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, du RDSE et du groupe UC ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je salue la qualité des discussions sur cette proposition de loi, largement fondée sur les excellents travaux de la commission d'enquête demandée par les trois sénateurs de gauche des Bouches-du-Rhône : Marie-Arlette Carlotti, Jérémy Bacchi et moi-même.

Mme Marie-Arlette Carlotti.  - Merci !

M. Guy Benarroche.  - Les réseaux génèrent de gigantesques profits avec les stupéfiants mais opèrent aussi dans le trafic d'armes, le racket, la traite d'êtres humains et le proxénétisme. Le narcotrafic est le nec plus ultra du capitalisme libéral mondialisé.

Cette globalisation a été prise en compte dans la création du Pnaco, que nous saluons, mais qui devra éviter toute centralisation excessive.

Notre groupe salue la volonté de s'attaquer au haut du spectre. Le premier constat de la commission d'enquête est celui de l'échec des politiques de l'esbroufe, place nette et opération XXL : davantage de saisies et de personnes en prison, mais un trafic qui augmente !

Jean-Luc Warsmann, dans l'exposé des motifs de la proposition de loi créant l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc), rappelait que pour être dissuasive, toute sanction pénale doit s'accompagner de la privation des profits tirés de l'infraction. Taper au portefeuille pour que le crime ne paie pas, voilà l'objectif !

Je salue l'adoption de nos amendements qui rendent obligatoire la confiscation des biens dont le propriétaire ne peut expliquer l'origine, évitent d'encombrer la justice et maintiennent les droits de la défense.

Nous saluons la refonte du statut des repentis et l'adoption d'un amendement du GEST qui les protège en sanctionnant ceux qui révèlent des informations à leur sujet.

La corruption est minorée. Nous aurions pu aller plus loin, notamment sur les obligations de prévention dans certaines collectivités.

Quels seront les moyens affectés par le Gouvernement à la mise en oeuvre de ces décisions ? La juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée (Junalco), crée il y a quelques années, n'a que peu fonctionné, faute de moyens.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - Je l'ai dit !

M. Guy Benarroche.  - En passant par une proposition de loi, on se prive d'étude d'impact et d'avis du Conseil d'État.

Ces dispositions coûtent de l'argent. Or nous n'en avons plus, vu l'état dans lequel vous avez mis nos finances publiques.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - Vous votez le texte ou pas ?

M. Guy Benarroche.  - Nous nous méfions des politiques ambitieuses non soutenues par des moyens suffisants.

Rien, dans ce texte, sur la prévention, sur la consommation, sur le lumpenprolétariat de cette industrie, sur la prise en charge des addictions, sur la dépénalisation de certains usages, sur la politique de la ville, sur l'insertion par l'école et le travail, sur l'accompagnement des victimes du narcotrafic. C'est pourtant une demande forte des familles.

Quelques points nous posent problème, comme l'activation à distance des appareils électroniques, mesure censurée par le Conseil constitutionnel le 16 novembre 2023, qui porte atteinte à la vie privée. Les dérogations aux durées de garde à vue ou de détention provisoire sont disproportionnées. Nous déplorons enfin l'article 24, inopérant, qui ne figurait pas dans les préconisations de la commission d'enquête.

La plupart des mesures de ce texte vont dans le bon sens. Même s'il est incomplet, notre groupe le votera. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées des groupes SER et CRCE-K ; Mme Muriel Jourda applaudit également.)

M. Jérôme Durain .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Loïc Hervé applaudit également.) Ce texte est né de Marseille. J'irai donc droit au but : notre groupe le votera ! (Sourires et bravos sur plusieurs travées ; applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

Les sénateurs du groupe SER connaissent la menace que représente le narcotrafic. Partout en France, dans les centres-villes ou dans les campagnes, les élus locaux font face à la violence et à la mort. Le terrorisme fracasse la société, le narcotrafic la ronge : victimes humaines, territoires sous emprise, menace démocratique.

Merci à Marie-Arlette Carlotti (applaudissements sur les travées du groupe SER), Jérémy Bacchi et Guy Benarroche d'avoir demandé cette commission d'enquête. Merci à Valérie Boyer et à Stéphane Le Rudulier d'avoir obtenu sa création.

C'est une grande fierté d'assumer la copaternité, avec Étienne Blanc, de cette proposition de loi. Ce travail transpartisan incarne le meilleur du Parlement. Nous voulions avancer vite et fort, ce qui nous a conduits à empiéter sur le domaine de l'exécutif.

Ce texte a deux volets : une nouvelle organisation de la lutte contre le narcotrafic et une boîte à outils pour les services d'enquête et la justice : procès-verbal distinct, réforme du statut des repentis, injonction pour richesse inexpliquée, infiltration civile, nouvelle infraction d'appartenance à une organisation criminelle. Les nouveaux outils, réclamés par la justice et les forces de l'ordre, ne manquent pas. Charge à l'Assemblée nationale d'assurer leur inscription dans la loi.

Le groupe SER a défendu un meilleur maillage contre le blanchiment, grâce à Hussein Bourgi, une meilleure protection des professionnels de la justice et des informateurs, grâce à Marie-Pierre de La Gontrie, une meilleure lutte contre la corruption, grâce à Marie-Arlette Carlotti, une meilleure prise en compte des spécificités ultramarines, grâce à Catherine Conconne et Victorin Lurel, une meilleure lutte contre le trafic en prison, grâce à Laurence Harribey, ou encore la lutte contre l'utilisation des cartes SIM prépayées, grâce à Corinne Narassiguin.

Nous avons recherché l'équilibre entre sécurité et liberté, au prix d'arbitrages difficiles. L'alpiniste que je suis sait qu'arpenter la ligne de crête est toujours périlleux.

J'ai quelques frustrations. Nos réserves portent sur l'article 16, le procès-verbal distinct et le régime des nullités à l'article 20. Le travail de la commission des lois était équilibré. Trop d'amendements gouvernementaux sont arrivés trop tard. Ils auraient mérité un débat approfondi. Nous faisons confiance à la navette. Je serai plus ferme sur l'amendement relatif aux messageries cryptées : un dispositif à ce point intrusif méritait un débat approfondi. Il aurait fallu un texte distinct, après une étude d'impact. (« Très bien » sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Loïc Hervé.  - (applaudissant) Très bien, bravo !

M. Jérôme Durain.  - Il ne peut y avoir d'État protecteur avec une justice embolisée et des prisons cocotte-minute. Le nouvel état-major annoncé par le Gouvernement et le Pnaco sont indispensables, mais ne fonctionneront que s'ils sont dotés des moyens suffisants. L'investissement sans faille des enquêteurs et magistrats nous engage : nous leur devons un soutien sans faille, y compris budgétaire.

Dernier point : cette loi ne traite pas de la consommation. Certains appellent à la légalisation, d'autres à une plus forte pénalisation. Nous avons donc eu raison de ne pas l'aborder dans ce texte.

Notre groupe considère qu'il faut avancer sur deux jambes : la répression - nous l'assumons sans fard - et la prévention. La drogue, c'est de nombreux criminels, mais encore plus de victimes. Nous formulerons bientôt des propositions à cet égard.

Les socialistes voteront ce texte, en soutien à tous ceux qui combattent en notre nom, au quotidien, la criminalité organisée. (Applaudissements sur les travées des groupeSER, UC et Les Républicains et sur quelques travées du groupe CRCE-K)

M. Aymeric Durox .  - Je salue le travail d'Étienne Blanc, de Jérôme Durain et des membres de la commission d'enquête. Ils ont révélé ce que nombre de nos compatriotes, élus et forces de l'ordre vivent au quotidien : la constitution de fiefs criminels où la loi du sang prévaut sur la loi de la République, parfois même en zone rurale. Ainsi à Nangis, en Seine-et-Marne, dans une commune de 8 700 âmes, on compte deux morts par balle en 2023 et 2024 en raison du narcotrafic. Le RN dénonce depuis longtemps cet état de fait.

Nous avons grand espoir dans le renforcement de l'Ofast, composé de quatre ministères régaliens : Beauvau, Bercy, Vendôme et Armées.

Nous allons enfin frapper les narcotrafiquants au portefeuille, avec la systématisation des enquêtes patrimoniales et la nouvelle procédure d'injonction pour richesses inexpliquées. L'interdiction du paiement en liquide des véhicules de location est aussi une bonne chose.

J'espère que deux autres mesures fortes seront appliquées avec rigueur : la possibilité de prononcer des interdictions administratives de paraître sur les points de deal et la possibilité donnée aux préfets d'expulser de son logement une personne impliquée dans un trafic de stupéfiants si son logement est situé dans cette zone d'interdiction.

Alors que France urbaine avait appelé à un plan d'action nationale contre le narcotrafic dans une tribune parue dans Le Monde, le 20 septembre 2023, cette loi vient à point. Ce n'est rien de moins qu'un fléau : près de 80 % des règlements de compte dans notre pays sont le fait du narcotrafic. Aucun territoire n'est épargné.

Le Premier ministre a évoqué à juste titre la submersion migratoire. Ce texte combat la submersion du narcotrafic ; les deux sont évidemment liés. Lutter contre l'un, c'est lutter contre l'autre ! Les sénateurs du RN voteront pour ce texte. (Mme Muriel Jourda et MM. Christopher Szczurek, Joshua Hochart et Stéphane Ravier applaudissent.)

La proposition de loi, modifiée, est mise aux voix par scrutin public solennel.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°185 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l'adoption 338
Contre     1

(Exclamations et applaudissements sur plusieurs travées)

Plusieurs voix.  - Qui ?

M. Stéphane Ravier.  - Le nom !

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

La proposition de loi organique est mise aux voix par scrutin public solennel.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°186 :

Nombre de votants 335
Nombre de suffrages exprimés 335
Pour l'adoption 335
Contre     0

La proposition de loi organique est adoptée.

(Applaudissements)

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice .  - En cette période si troublée, où les querelles peuvent l'emporter, où il est difficile pour le Gouvernement d'agir, le Sénat montre - et j'en remercie Muriel Jourda, Jérôme Durain, Étienne Blanc et tous les groupes politiques - une unanimité qui lui fait honneur et donne au ministre d'État Bruno Retailleau et à moi-même la force d'aller à l'Assemblée nationale avec un vote de confiance pour améliorer la lutte contre le fléau du narcotrafic.

Première mesure phare : la spécialisation du parquet national, que vous avez souhaitée. Monsieur Durain, les moyens sont là. Il faudra 100 magistrats supplémentaires, j'en ai débloqué la moitié cette année. Pour le 1er janvier 2026, il faudra 130 millions d'euros supplémentaires. Nous devrons y travailler collectivement.

M. Jean-François Husson.  - Hélas, il n'y a plus d'argent...

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - Deuxième mesure : la détention, qui relève surtout du domaine réglementaire. J'ai fait plusieurs annonces sur le régime de la détention spécifique pour les narcotrafiquants. Il sera modifié dès le mois de juillet. Je présenterai ces modifications, à l'italienne, devant votre commission des lois.

Troisième mesure : nous simplifions les procédures - je pense aux nullités ou aux remises en liberté  - en respectant les droits de la défense, car l'État doit être sans naïveté. Votre texte améliore déjà beaucoup les choses.

Enfin, nous ne sommes pas insensibles aux interventions du groupe CRCE-K et du GEST sur la prévention. Ce texte ne porte pas sur l'ensemble des conduites addictives ni sur la politique sociale que nous devons mener pour lutter contre les addictions. Il faut tout un village pour élever un enfant... Mais le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports doit travailler avec les autres ministères régaliens sur le sujet, pour améliorer la prévention.

Le Sénat, chose formidable, s'est attaqué au produit du produit, l'argent. Merci pour ce que vous avez fait au service des magistrats et de l'État régalien.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Monsieur le président, je souhaite faire une mise au point au sujet du scrutin solennel n°185 : j'ai commis une erreur... Mme Devésa souhaitait voter pour ! (« Ah ! » et rires sur plusieurs travées)

Acte en est donné.

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; quelques applaudissements sur les travées du groupe UC) Je remercie l'ensemble du Sénat pour ce vote unanime, qui donnera une impulsion décisive pour le passage du texte à l'Assemblée nationale. Je remercie tout particulièrement la présidente de la commission des lois, rapporteur du texte, chère Muriel Jourda (applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP, du RDPI et du groupe SER), ainsi que le corapporteur Jérôme Durain (applaudissements sur toutes les travées) et le rapporteur de la commission d'enquête Étienne Blanc (applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP, du RDPI et du groupe SER).

Ce vote-là marquera notre vie politique. Ce texte vient de loin, il a eu un parcours exemplaire. C'est un texte fondateur : il y aura un avant, et un après.

Dans un combat vital, mais trop souvent inégal, il donne des armes à la justice, aux forces de sécurité intérieure.

Je pense à la spécialisation de la chaîne judiciaire, notamment à l'état-major qui organisera dans un même lieu les services d'enquête et de renseignement. Grâce à une meilleure coordination, nous pourrons attaquer frontalement la criminalité organisée.

Vous nous dotez aussi d'un arsenal contre le blanchiment et la corruption.

Derrière ce texte refondateur, il y a aussi une volonté unanime. L'histoire de France nous donne cette leçon : quand la nation est rassemblée, rien ne peut nous arrêter.

Le Sénat a donné à la République une première grande victoire. Pour cela, je vous dis : merci. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; applaudissements sur quelques travées du groupe INDEP, du RDPI, du RDSE et du groupe SER.)

La séance est suspendue à 15 h 50.

Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président

La séance reprend à 16 heures.

Mises au point au sujet de votes

M. Philippe Folliot.  - Lors du scrutin n°183, je souhaitais voter contre.

M. Joshua Hochart.  - Lors du scrutin n°186, je souhaitais voter pour.

M. Philippe Grosvalet.  - Idem, lors du scrutin n°186, je souhaitais voter pour.

Acte en est donné.

Commissions (Nominations)

M. le président.  - Des candidatures pour siéger au sein de la commission des lois ainsi qu'au sein de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.

Urgence pour Mayotte (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'urgence pour Mayotte.

Dans la discussion des articles, nous sommes parvenus à l'article 13.

Article 13

M. le président.  - Amendement n°70 du Gouvernement.

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer.  - Cet amendement supprime une disposition inutile et clarifie le texte concernant les marchés globaux. L'absence de distinction et d'identification de la mission de maîtrise d'oeuvre priverait l'architecte de toute marge de manoeuvre et d'expertise indépendante vis-à-vis de l'opérateur économique. Il faut maintenir une relation de cotraitance entre l'architecte et l'entreprise chargée des travaux. Mayotte compte trente architectes, dont vingt sont formés à la gestion de crise.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis de la commission des lois.  - Avis favorable.

L'amendement n°70 est adopté.

L'article 13, modifié, est adopté.

Article 13 bis AA (Nouveau)

M. le président.  - Amendement n°112 rectifié de M. Roiron et du groupe SER.

M. Pierre-Alain Roiron.  - Pour assurer l'inclusion des TPE et artisans locaux, nous obligeons les autorités adjudicatrices à recourir à ces entreprises. Favoriser l'activité des TPE est essentiel à la relance de l'économie mahoraise.

M. le président.  - Amendement n°127 de Mme Corbière Naminzo et alii.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Nous souhaitons obliger les acheteurs à recourir aux TPE et aux artisans locaux pour 30 % des marchés publics. Ces acteurs connaissent bien le territoire et ses besoins, c'est donc un gage de réactivité. En outre-mer, le taux des défaillances est très élevé ; Mayotte n'échappe pas à cette règle. Renversons la tendance, en investissant dans les compétences locales.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis.  - Avis défavorable. Nous avons voté un Small Business Act à l'article 13 bis AA, qui réserve une partie des marchés aux TPE-PME mahoraises. Le caractère obligatoire de votre amendement soulève des difficultés : y a-t-il suffisamment de PME capables de répondre aux besoins de reconstruction ? N'empêchons pas la conclusion des marchés.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°112 rectifié n'est pas adopté,non plus que l'amendement n°127.

M. le président.  - Amendement n°148 rectifié de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Nous augmentons la part de marché réservée aux TPE mahoraises de 30 à 50 %. Alors que le chômage s'élève à 37 %, il serait dommage que la reconstruction bénéficie d'abord aux grands groupes hexagonaux.

M. le président.  - Amendement n°123 de Mme Florennes, au nom de la commission de lois.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis.  - Rédactionnel.

M. le président.  - Amendement n°119 rectifié de M. Roiron et du groupe SER.

M. Saïd Omar Oili.  - Pour préserver les entreprises artisanales du bâtiment mahoraises, cet amendement limite la sous-traitance à deux rangs. La sous-traitance en cascade nuit à la qualité des travaux, paupérise l'ensemble de la chaîne de valeur du bâtiment et induit dérives et fraudes.

M. le président.  - Amendement identique n°128 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Les outre-mer sont touchés par la vie chère, en raison des oligopoles et des monopoles. Ne pas protéger nos petites entreprises, c'est ouvrir la porte aux majors. Garantissons un travail digne à nos TPE, à leurs salariés et à leurs familles.

M. le président.  - Amendement n°120 rectifié de M. Roiron et du groupe SER.

M. Pierre-Alain Roiron.  - Il faut confier 30 % du montant prévisionnel des travaux à des TPE, pour soutenir le tissu économique local. Cela contribuera à la bonne santé des entreprises locales.

M. le président.  - Amendement identique n°129 de Mme Corbière Naminzo et alii.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Nous devons être au rendez-vous de la détresse rencontrée par les Mahorais. Il faut soutenir les entreprises locales en leur réservant une part significative des marchés liés à la reconstruction : leur connaissance du territoire, leur mobilisation rapide sont des atouts. Ces artisans ne se relèveraient pas si des entreprises extérieures captaient les marchés. Il faut garantir que le plan de sous-traitance inclue 30 % d'entreprises locales.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié de Mme Berthet et alii.

Mme Martine Berthet.  - La rédaction de l'article 13 bis AA, imprécise, ne garantit pas que les entreprises prioritaires seront bien associées à la reconstruction. Cet amendement renforce la justification par les soumissionnaires de l'absence de recours aux petites entreprises et artisans locaux.

M. le président.  - Amendement n°124 de Mme Ramia et alii.

Mme Salama Ramia.  - Il s'agit d'objectiver l'absence de recours aux TPE et aux PME mahoraises, lesquelles doivent être prioritairement associées à la reconstruction.

M. le président.  - Amendement identique n°130 Mme Corbière Naminzo et alii.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°131 de Mme Evelyne Corbière Naminzo et alii.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - L'alinéa visé permet aux entreprises capables de répondre à des marchés supérieurs à 300 000 euros de s'exonérer d'un plan de sous-traitance. Pour nous assurer que les entreprises mahoraises soient bien sollicitées, supprimons cette disposition.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis.  - Avis défavorable à l'amendement n°148 rectifié ; il risque d'être censuré par le Conseil constitutionnel, qui n'admet un small business act que proportionné : le seuil de 30 % est raisonnable ; l'augmenter à 50 % est risqué.

Avis défavorable aux amendements identiques nos119 rectifié et 128 : la limitation de la sous-traitance au second rang risque d'évincer les PME des marchés de grande ampleur, à rebours de l'objectif fixé ; de plus, ce dispositif pourrait être jugé contraire à la Constitution, car il porte atteinte au principe de libre accès à la commande publique.

Avis défavorable aux amendements identiques nos120 rectifié et 129, en raison de leur caractère obligatoire : cela soulèverait des difficultés si les entreprises mahoraises ne pouvaient pas répondre aux besoins.

Je partage l'objectif de l'amendement n°7 rectifié et des amendements identiques nos124 et 130, mais il faut laisser de la souplesse aux acheteurs : d'autres motifs que ceux prévus par vos amendements peuvent justifier le non-recours. Avis défavorable.

Même avis pour l'amendement n°131 : supprimer le seuil de 300 000 euros obligerait les petites entreprises à se doter d'un plan de sous-traitance, ce qui alourdirait leur charge administrative, ralentissant la passation des marchés publics.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Avis favorable à l'amendement n°123 de la commission des lois. Avis défavorable sur les autres.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - La volonté d'embarquer l'économie locale dans ce plan de reconstruction est bien faible... On prétend que les acteurs n'ont pas les compétences. Eh bien, il fallait augmenter les parcours emplois compétences (PEC) - France Travail y était favorable  -  ; or on nous a opposé l'article 45 ! Justement, c'était un impensé du texte : des dispositifs de formation auraient aidé TPE et PME à être embarquées dans la reconstruction.

Par ailleurs, les acteurs de l'économie informelle, qui ont des compétences réelles, n'ont pas été incités à rejoindre l'économie officielle. On connaît les raisons de la sous-déclaration - il aurait fallu inciter à la régularisation. (M. Laurent Burgoa s'impatiente, l'oratrice ayant dépassé son temps de parole.) Voilà un autre défaut de la proposition de loi !

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Comment imaginez-vous bâtir le plan Mayotte debout si vous ne tendez pas la main aux partenaires économiques de terrain ? On l'a bien compris hier, il s'agit de construire en concertation avec les acteurs locaux, et non de décider depuis Paris... Sur place, on a les compétences et l'ingénierie. Que Paris fasse enfin confiance à Mayotte !

M. Pierre-Alain Roiron.  - Je suis étonné... Pourquoi ne pas avoir émis un avis favorable sur ces amendements, qui veulent intégrer les entreprises locales dans la reconstruction ? De la souplesse ! Ces emplois, c'est une vraie formation professionnelle pour les Mahorais, c'est l'activité de demain.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - On peut débattre de la méthode, mais nous sommes d'accord sur l'objectif. La pratique de la sous-traitance en cascade n'est pas massive ; il ne faut pas bloquer l'accès des petites entreprises à la commande publique. Ces dernières bénéficieront de dispositifs dérogatoires - le seuil est fixé à 100 000 euros.

Grâce au small business act, les acheteurs publics pourront réserver jusqu'à 30 % des marchés pour les petites entreprises. Faisons confiance aux collectivités territoriales et à l'État pour choisir les entreprises locales les plus adaptées.

Vendredi dernier, j'ai rencontré des entreprises mahoraises, qui m'ont fait part de grandes difficultés : locaux détruits, entrepôts à terre, cherté des matériaux et rôle des grandes entreprises.

Le tissu économique local est fragile, il faut le soutenir. Le principe est louable, mais attention : certaines mesures sont en décalage avec la réalité économique. (Mme Isabelle Florennes et M. François Patriat renchérissent.)

Je souhaite sécuriser la participation des entreprises locales, mais il faut du temps. L'adoption de la loi de finances permettra de déclencher des investissements, et la loi de programmation permettra de réfléchir au modèle économique que nous voulons mettre en place. Nous devons mener une réflexion avec le secteur bancaire. D'ailleurs, Bpifrance, la Banque des territoires et la Caisse des dépôts peuvent aider ce tissu économique, qui aura besoin de soutien en ingénierie et en financement.

M. Simon Uzenat.  - Pourquoi ne pas recourir aux groupements momentanés d'entreprises (GME) ? Il ne s'agit pas de sous-traitance, mais de cotraitance. Cela permet à de petites entreprises de monter en compétences et de répondre à des marchés plus importants ; chacun est sur un pied d'égalité. En matière de commande publique, l'État devrait être exemplaire, or il reste beaucoup de progrès à faire.

L'amendement n°148 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°123 est adopté.

Les amendements nos119 rectifié, 128, 120 rectifié, 129, 7 rectifié, 124, 130 et 131 n'ont plus d'objet.

M. le président.  - Amendement n°42 rectifié de Mme Ramia et du RDPI.

Mme Salama Ramia.  - Le secteur de l'économie sociale et solidaire (ESS) représente 14 % des entreprises à Mayotte et 23 % de l'emploi privé. Il est prêt à participer à la reconstruction. Il faut l'associer.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis.  - Avis favorable : une part des marchés publics serait réservée au secteur.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Assurément, le secteur de l'ESS aura un rôle à jouer dans la reconstruction de Mayotte.

Votre amendement est en partie satisfait par le code de la commande publique, qui prévoit que des marchés ou des lots portant exclusivement sur les services sociaux peuvent être réservés aux entreprises de l'ESS ; l'article L. 213-12 vise, lui, les entreprises adaptées et les établissements et services d'aide par le travail (Ésat).

Cela dit, il est utile d'envoyer un message clair au secteur : avis favorable.

L'amendement n°42 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°41 de Mme Ramia et alii.

Mme Salama Ramia.  - Il faut investir en faveur de l'apprentissage dans le secteur du bâtiment, en impliquant davantage les entreprises. Le régiment du service militaire adapté de Mayotte (RSMA) mène certes des actions de formation, mais uniquement du préapprentissage : à l'issue des dix-huit mois, les jeunes n'ont pas de diplôme qualifiant.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis.  - Avis défavorable, même si je souscris à l'objectif. Vu l'urgence, il faut laisser de la souplesse aux entreprises locales et les laisser s'organiser librement.

Le recrutement des apprentis est complexe du point de vue administratif - j'en parle en connaissance de cause. C'est incompatible avec la situation d'urgence actuelle.

Enfin, ajouter des contraintes risque de décourager certaines entreprises.

Cela dit, je serai attentive aux mesures prises dans le futur projet de loi Mayotte debout.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis.

M. Pierre-Alain Roiron.  - Nous voterons cet amendement. L'apprentissage, comme le soutien aux PME, c'est un nouvel avenir pour Mayotte.

L'amendement n°41 n'est pas adopté.

L'article 13 bis AA, modifié, est adopté.

Après l'article 13 bis AA (Nouveau)

M. le président.  - Amendement n°35 rectifié bis de M. Piednoir et alii.

M. Stéphane Piednoir.  - Je le disais hier soir, il faut favoriser l'utilisation de matériaux biosourcés et bas-carbone pour la reconstruction de Mayotte. Je comprends qu'imposer des quotas dans les marchés publics serait une contrainte susceptible de ralentir la reconstruction - d'où cet amendement qui prévoit qu'un décret précisera les opérations de reconstruction susceptibles d'être comptabilisées pour atteindre cet objectif, en privilégiant les acteurs français.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis.  - Je salue la constance de M. Piednoir. Avis défavorable néanmoins, car cela risquerait de ralentir la passation des marchés publics. Si aucune entreprise n'utilise des matériaux biosourcés ou bas-carbone, le marché ne pourrait pas être exécuté.

En outre, la rédaction de votre amendement n'a pas l'effet annoncé dans l'objet : tel que rédigé, il est déjà satisfait par l'article 13 bis AA.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°35 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°149 rectifié de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Le 10 avril dernier, le Parlement européen a voté une résolution relative à l'isolement économique des régions ultrapériphériques (RUP).

Pour favoriser les échanges avec les territoires voisins et limiter l'impact carbone de l'importation de matériaux de construction, nous proposons d'expérimenter la fourniture de matériaux de provenance régionale. Je pense aux briques de terre comprimée fabriquées localement à Mayotte, ou au bois de construction issu des forêts de Madagascar ou du Mozambique.

Bien sûr, il ne s'agit pas d'abaisser nos exigences environnementales et sociales : un décret y veillera. Les territoires ultramarins peuvent devenir les ambassadeurs du droit de l'environnement européen auprès des États voisins.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis.  - Avis défavorable : on risque d'augmenter les prix et de décourager des entreprises si leurs fournisseurs n'appartiennent pas à la zone géographique définie. Et cela ralentirait la conclusion des marchés.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°149 rectifié n'est pas adopté.

Article 13 bis (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°132 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - L'article 13 bis a été supprimé en commission au nom du libre recours à la sous-traitance - pourtant source de dérives, en ce qu'il éloigne l'entreprise donneuse d'ordre du terrain. Nous devons rationaliser les marchés.

L'urgence à Mayotte ne doit pas être une aubaine pour les multinationales du BTP - nous en savons quelque chose, dans les outre-mer ! Au contraire, il faut s'appuyer sur les entreprises mahoraises. Nous rétablissons l'article, en limitant les rangs de sous-traitance à deux.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis.  - Avis défavorable, pour les raisons exposées à l'article 13 bis AA.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°132 n'est pas adopté et l'article 13 bis demeure supprimé.

Article 14

M. le président.  - Amendement n°133 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - L'amendement supprime cet article 14, qui limite la portée des articles 11 et 13 bis AA aux marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis de publicité envoyé à la publication, ce qui écarte les petites entreprises locales.

Nous souhaitons en outre que le soutien au tissu économique local perdure : la reconstruction ne sera pas achevée d'ici deux ans !

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis.  - Retrait, sinon avis défavorable. Les dérogations aux règles de la commande publique sont justifiées par l'urgence : leur durée doit être limitée, sans quoi on risque une censure du Conseil constitutionnel.

Limiter les dérogations aux marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis envoyé obéit à un objectif de sécurité juridique quand la procédure de passation du marché est déjà engagée.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°133 n'est pas adopté.

L'article 14 est adopté.

Article 15

M. le président.  - Amendement n°44 de Mme Ramia et du RDPI.

Mme Salama Ramia.  - Afin de veiller à la bonne utilisation des deniers publics, nous prévoyons que les associations et fondations ayant bénéficié de subventions devront présenter un rapport d'activité au plus tard le 1er mars 2026, recensant notamment le nombre de bénéficiaires et la nature des prestations.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis.  - Avis favorable. Cela permettra un contrôle a posteriori, dans un souci de bonne utilisation des deniers publics.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Avis favorable.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Les associations produisent leur rapport d'activité au moment de l'assemblée générale, généralement fin juin. Pourquoi imposer une telle contrainte au mois de mars ? C'est bien mal connaître le rythme de la vie associative. Pourquoi une telle politique du soupçon ? Pourquoi cette contrainte supplémentaire ?

L'amendement n°44 est adopté.

L'article 15, modifié, est adopté.

Article 16

M. le président.  - Amendement n°141 de M. Mellouli et alii.

M. Akli Mellouli.  - Amendement de simplification.

Les dons aux associations et fondations engagées sur le terrain ne suffisent pas à couvrir les besoins. Cet amendement prolonge jusqu'à la fin de l'année 2025 le dispositif fiscal exceptionnel visant à encourager la générosité des Français en faveur de Mayotte.

Pourquoi fixer la date limite au 17 mai, alors que l'exercice comptable court sur toute l'année ? Le 18, il sera trop tard ? Il faut simplifier et adopter une base annuelle. Un peu de bon sens !

M. le président.  - Amendement n°114 rectifié de Mme Brossel et du groupe SER.

Mme Audrey Bélim.  - La générosité des Français ne s'arrêtera pas au 17 mai : pourquoi compliquer la tâche des bénévoles et des associations en les contraignant à clôturer leurs comptes à cette date et à établir des reçus fiscaux spécifiques ? Soyons cohérents et prolongeons le dispositif jusqu'à la fin de l'année 2025.

M. le président.  - Amendement n°77 du Gouvernement.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Les images de Chido ont ému, et l'élan de générosité a été unique par rapport à d'autres catastrophes telles que l'ouragan Irma ou le tremblement de terre au Maroc : plus de 40 millions d'euros ont déjà été récoltés. Pierre Sellal, président de la Fondation de France, a pris contact avec l'association des maires de Mayotte pour préciser le fléchage des dons.

Afin de montrer le soutien du Gouvernement aux défiscalisations des dons, cet amendement lève le gage correspondant.

Mme Micheline Jacques, rapporteur de la commission des affaires économiques.  - Quoique sensible à l'argument de la simplification, j'émets un avis défavorable aux amendements nos141 et 114 rectifié, du fait du contexte budgétaire contraint, et parce que la date du 17 mai a été annoncée par le Gouvernement en décembre dernier. La durée d'application de la mesure est délibérément courte pour renforcer son caractère incitatif.

Après le 17 mai, c'est le dispositif Coluche de droit commun qui s'appliquera : la seule différence tient à l'application de la limite de 20 % du revenu imposable.

Avis favorable à l'amendement n°77 du Gouvernement.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis sur les amendements nos141 et 114 rectifié.

L'amendement n°141 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°114 rectifié.

L'amendement n°77 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°150 rectifié de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Dès le lendemain du passage de Chido, les associations étaient à pied d'oeuvre. À juste titre, l'article 16 augmente la réduction d'impôt sur les dons faits à ces associations.

Cet amendement et les suivants visent à étendre le périmètre des associations éligibles à ces réductions d'impôt. Celui-ci vise les associations qui oeuvrent à l'amélioration de l'habitat, y compris informel. C'est une mesure pragmatique, sachant que la reconstruction de Mayotte prendra dix à quinze ans.

M. le président.  - Amendement n°151 rectifié de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Celui-ci concerne les associations qui oeuvrent au reboisement, alors que Chido a détruit 70 % des forêts.

M. le président.  - Amendement n°152 rectifié de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Même chose pour les associations travaillant à la sécurisation du patrimoine culturel mahorais, mis à mal par le cyclone.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Avis défavorable aux trois.

Concernant l'amendement n°150 rectifié, il ne saurait être question de financer la reconstruction d'habitats illégaux avec des fonds issus de la générosité publique. Les associations peuvent contribuer autrement à l'amélioration du logement.

Les dons aux associations qui oeuvrent au reboisement ou au maintien de la biodiversité ouvrent déjà droit à une réduction d'impôt de 66 %, dans la limite de 20 % du revenu imposable. Il n'y a pas lieu de créer une nouvelle niche fiscale spécifique à Mayotte.

Idem pour les associations intervenant dans le domaine de la protection du patrimoine, comme la Fondation du patrimoine, qui mène plusieurs projets à Mayotte.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°150 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos151 rectifié et 152 rectifié

M. le président.  - Amendement n°17 de Mme Guhl et alii.

Mme Antoinette Guhl.  - Pour encourager les dons des particuliers destinés à la reconstruction de Mayotte, nous rétablissons le plafond de 3 000 euros voté à l'Assemblée nationale, que la commission avait réduit à 1 000 euros.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Un plafond de 1 000 euros est habituellement retenu pour les majorations exceptionnelles de réduction d'impôt, comme le dispositif Coluche. En l'état des finances publiques, il n'est pas opportun de le relever, d'autant que cette nouvelle niche fiscale bénéficierait surtout aux plus aisés. Avis défavorable.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Avis défavorable.

Mme Antoinette Guhl.  - Pour la reconstruction de Mayotte, on a inscrit au budget 100 millions d'euros quand il faudrait 1 à 3 milliards ! Il n'est pas sérieux de se priver de la générosité des Français.

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

L'article 16, modifié, est adopté.

Après l'article 16

M. le président.  - Amendement n°18 de Mme Guhl et alii.

Mme Antoinette Guhl.  - Même chose, cette fois pour les dons des entreprises. Nous portons de 60 % à 75 % la réduction d'impôt pour les entreprises faisant du mécénat pour Mayotte, car il s'agit quasiment d'une crise humanitaire.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié de Mme Berthet et alii.

Mme Lauriane Josende.  - Défendu

M. le président.  - Amendement n°134 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Il faut encourager les dons des entreprises, même si mon groupe préfère l'intervention publique. Cet amendement flèche des défiscalisations symétriques à celles prévues pour les particuliers, en les portant à 70 %.

Les dégâts sont estimés à plus de 1 milliard d'euros ; trois quarts des bâtiments, trois quarts des forêts ont été touchés. Or nous voulons une reconstruction ambitieuse, qui permette à Mayotte de mieux faire face aux futurs aléas climatiques.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Les dons des entreprises au profit d'organismes sans but lucratif qui fournissent des repas, aident au logement ou fournissent des soins aux personnes en difficulté, ouvrent déjà droit à réduction d'impôt.

Contrairement à la mesure concernant les particuliers, une telle majoration n'a pas été annoncée en décembre. La mettre en place à titre rétroactif serait pour le moins contestable. Enfin, les plafonds de déduction sont très supérieurs à ceux qui sont prévus pour les dons des particuliers. Avis défavorable, vu le contexte budgétaire.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Nous avons voté plusieurs dispositions dérogatoires pour accélérer la reconstruction. Beaucoup de cet argent ira en réalité aux majors du BTP. Alors que nous demandons d'orienter, grâce à la défiscalisation, la générosité nationale vers les associations, vous limitez l'afflux des dons, c'est dommage.

L'amendement n°18 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos8 rectifié et 134.

Avant l'article 17

M. le président.  - Amendement n°101 rectifié bis de M. Omar Oili et du groupe SER.

M. Saïd Omar Oili.  - Monsieur le ministre, vous avez eu hier des propos un peu vifs. Sans polémique, je voudrais remettre la mosquée au centre du village.

Pourquoi un tel flou sur le nombre de victimes ? Quelques jours après Chido, le représentant de l'État a dit publiquement craindre des centaines voire des milliers de victimes. Il a évoqué aussi le rite musulman d'enterrement sous 24 heures, sous-entendant que certains décès n'auraient pas été déclarés. Puis un journaliste, en direct sur une chaîne publique, a évoqué « 60 000 morts, selon les sauveteurs ».

J'ai interrogé le préfet de Mayotte sur le bilan des opérations de recherche qu'il avait annoncées. Je n'ai pas eu de réponse précise sur les recherches de disparus, seulement un tableau global de « l'aller vers ». Ce culte du secret entretient la suspicion à l'égard de l'État. Monsieur le ministre, je sais que vous n'êtes pas indifférent à Mayotte et que vous connaissez notre archipel.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Saïd Omar Oili.  - Rétablissons l'article voté à l'Assemblée nationale qui demande un bilan officiel des victimes.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - La commission a supprimé cette demande de rapport, redondante avec la mission interministérielle d'évaluation qui a rendu ses premiers travaux fin janvier. La reconstruction nécessite toutes les forces vives de l'administration. J'entends les préoccupations sur la nécessité de confirmer le premier bilan établi de 39 morts et de préciser le nombre de blessés. Mais cela se fera dans un second temps. Avis défavorable.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Je répondrai à chaque fois, car le bilan humain est un sujet grave.

N'oublions pas la situation de l'île juste après le passage de Chido : rupture des télécommunications, routes entravées, accès aux bidonvilles empêché par les décombres. Difficile, dans ces conditions, d'évaluer la situation sur le terrain. On l'a vu après Irma, ou récemment dans la région de Valence, l'intervention sur le terrain est très difficile.

Une mission a néanmoins été lancée dès le samedi 14 pour ouvrir les routes et aller au contact des populations. Une sous-préfète a été chargée de recenser les victimes, en lien avec les maires et les autorités religieuses des villages.

La démarche d'aller vers et les passages à l'Escrim (élément de sécurité civile rapide d'intervention médicale) donnent des indications sur le bilan humain : 5 739 prises en charge, 15 000 soins prodigués.

Beaucoup avaient prédit que la rentrée scolaire serait le moment de vérité et que les enseignants compteraient les chaises vides. Pour l'heure, le taux d'absence recensé par le rectorat est faible.

Cette problématique exige humilité et respect. Personne ne souhaite polémiquer. Les chiffres sont là : une quarantaine de morts. Nous n'avons rien à cacher.

L'État ne serait pas transparent ? Le préfet ne peut être accusé d'installer une distance avec les élus locaux. Sa méthode, axée sur les revues de territoires, repose sur la prise de pouls régulière dans chaque commune. L'État rend régulièrement compte de son action, par exemple via les conférences de sécurité.

Pour refonder Mayotte, il faudra cohésion et unité. Jouer la carte de la défiance serait mortifère à l'heure où il faut reconstruire.

Quand j'étais ministre de l'intérieur, j'ai toujours soutenu les services de l'État et les préfets. Je leur fais confiance pour communiquer les informations demandées par un élu de la nation.

Votre questionnement donne l'impression que l'État aurait quelque chose à cacher, qu'il serait gêné par le nombre de victimes. Si celles-ci étaient plus nombreuses, je serais non pas gêné, mais horrifié. Pourquoi ne donnerions-nous pas les véritables chiffres ? Les sujets complexes sont suffisamment nombreux pour qu'on évite de poursuivre ce débat. L'État fera toute la transparence - qui s'impose à tous, dans tous les domaines. Avis défavorable.

Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Je ne comprends pas l'acharnement du ministre à refuser ce rapport. Vous craignez la défiance ? Commencez par rétablir la confiance !

Après la valse de chiffres émanant du représentant de l'État ou des secouristes, on peut comprendre les doutes devant le bilan annoncé, de quelques dizaines de mort.

Dans un territoire où une grande partie de la population n'est pas recensée, il est difficile d'établir le nombre de victimes. Par peur d'être piégés, contrôlés, expulsés, de nombreux habitants en situation irrégulière ne se sont pas rendus dans les abris. L'État a manqué à son devoir de protection : il a incarné, à ce moment, le danger, l'insécurité, la menace, la violence. Et on donne un chiffre à l'unité près, comme s'il était pleinement rationnel ?

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Madame la sénatrice, vous faites fausse route. Vous êtes en dehors de la réalité. Vous dites que l'État ne serait pas protecteur envers la population en situation irrégulière ? Un peu de bon sens !

Les personnes en situation irrégulière se méfient de l'État, bien sûr, parce qu'étant en situation irrégulière, elles pensent qu'elles peuvent être reconduites à la frontière, comme 25 000 à 30 000 personnes par an, si on leur demande leurs papiers. Mais on ne leur demande pas lorsqu'il y a un cyclone !

Les messages ont été diffusés dans toutes les langues, sur les radios, sur les réseaux sociaux, sur Facebook. On a vu de nombreuses personnes sortir des bidonvilles pour s'abriter, notamment dans les écoles, collège et lycées - cela nous a d'ailleurs été reproché ! Pendant la tempête tropicale, il y avait 15 000 personnes dans les écoles et les gymnases, et 5 000 dans les mosquées.

Beaucoup de personnes ont été mises à l'abri, c'est pour cela qu'il y a moins de victimes. Il faudrait s'en réjouir, bon sang !

Pardon d'être un peu vif, mais on a l'impression que vous regrettez qu'il n'y ait pas plus de victimes, ce qui démontrerait que l'État a failli. Le préfet, lui, a failli... être écrasé par l'effondrement du toit du centre de crise !

Remettons certaines déclarations dans leur contexte, marqué par la fatigue. Face au silence qui s'est abattu sur l'île, le préfet a déclaré qu'il y avait peut-être plusieurs centaines, plusieurs milliers de morts. Une chaîne d'information a parlé de 50 000 à 60 000 morts. Et le mot s'est répandu. Ce n'est pas le cas, tant mieux !

Que pourrait-on faire de plus ? Creuser dans les bangas pour voir s'il y a des morts ?

Je comprends la proposition de commission d'enquête, mais que cherche-t-on à voir ? Que le préfet, le ministre, l'État, ont caché des morts, des victimes ? Ce débat manque de décence.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ.  - Bravo.

Mme Viviane Artigalas.  - Il n'est pas question de mettre en cause l'État. Je ne veux pas rentrer dans cette bagarre de chiffres. Mais notre collègue demande des chiffres étayés. S'ils correspondent au nombre de victimes annoncé de façon officieuse, nous devons le savoir.

Disposer de ce bilan aiderait à faire taire certaines rumeurs et à rétablir la confiance. (Mme Raymonde Poncet Monge réclame la parole.)

Mme la présidente.  - Madame Poncet Monge, je ne peux vous redonner la parole.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - C'est trop facile !

Mme la présidente.  - C'est le règlement.

L'amendement n°101 rectifié bis n'est pas adopté.

Article 17

Mme la présidente.  - Amendement n°82 du Gouvernement.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Cet amendement étend la suspension du recouvrement aux créances détenues par les douanes. Voilà qui devrait nous rassembler.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°82 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°78 du Gouvernement.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - L'Assemblée nationale a précisé que la suspension des délais applicables en matière de recouvrement s'appliquait également aux successions et aux publicités foncières. Cette mesure n'est pas indispensable, mais j'entends le besoin de clarification exprimé par le Parlement. Le Gouvernement lève donc les gages.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°78 est adopté.

L'article 17, modifié, est adopté.

Après l'article 17

Mme la présidente.  - Amendement n°158 du Gouvernement.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Cet amendement instaure un prêt sans intérêts pour les propriétaires de logement à réhabiliter, y compris lorsque ceux-ci n'étaient pas assurés, comme le Premier ministre s'y est engagé. Son montant ne pourra excéder 50 000 euros et sa durée de remboursement être supérieure à vingt ans - trente ans pour les publics les plus fragiles - avec différé de remboursement de cinq ans maximum. Le prêt sera garanti par l'État et sa durée limitée dans le temps pour les prêts demandés jusqu'au 31 décembre 2027. Il faudra veiller à sa mise en oeuvre concrète avec des opérateurs comme Action Logement.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Cet amendement doit bénéficier au plus grand nombre des Mahorais. Je salue le rôle essentiel d'Action Logement en faveur des plus fragiles. Nous serons vigilants sur les mesures d'application prises par voie réglementaire. Avis favorable.

M. Saïd Omar Oili.  - Le 19 décembre, le Président de la République a annoncé une aide aux personnes non assurées pour reconstruire leur maison. Or seuls 6 % des ménages assurent leur logement à Mayotte. Votre avance remboursable ne correspond pas à la réalité mahoraise. Nous n'avons pas la culture de l'emprunt, vous le savez très bien.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Non !

M. Saïd Omar Oili.  - Voilà l'exemple d'une mesure totalement déconnectée.

Mme Viviane Artigalas.  - Nous voterons cet amendement, mais celui-ci est très complexe. Aussi, il faudra veiller à ce que cette mesure bénéficie aux plus fragiles. Il faudra les rassurer, car rembourser un prêt sur trente ans n'est pas évident. C'est le travail d'Action Logement, ils le font bien, mais ce sera notre rôle aussi de parlementaires.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Nous voterons cet amendement : c'est tout ce que nous avons... Vous sauvez les entreprises, mais proposez de rebâtir par des prêts, tout en sachant que l'argent sera accaparé par les multinationales.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Je ne vous cache pas que j'aimerais qu'il y ait des multinationales à Mayotte (sourires) - même si CMA-CGM est présente sur le port... Nous avons permis aux entreprises mahoraises de bénéficier de 30 % des marchés publics. Action Logement n'est pas une multinationale et intervient efficacement sur le terrain. (Mme Dominique Estrosi Sassone renchérit.) Contrairement à vous, monsieur Omar Oili, je pense que cela peut fonctionner, et si besoin, nous rectifierons. Il ne peut pas y avoir que des dons ou des subventions publiques. Ce dispositif doit aider les Mahorais. Chacun va reconstruire sa maison, au-delà des nouveaux logements sociaux, au travers de la Société immobilière de Mayotte (SIM). Nous serons attentifs à ce que les dispositifs aillent bien vers les Mahorais.

Mme Salama Ramia.  - Beaucoup de Mahorais ont déjà des crédits. Cela soulève le problème du cumul de crédits, même si le taux est à 0 %. Assumer deux échéances sera difficile - dans ce cas-là, il faudra que ce soit une subvention ?

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Le fonds de soutien outre-mer sera mobilisé pour les particuliers non assurés. Pour ces derniers, nous avons mobilisé un fonds d'urgence octroyant de 300 à 700 euros, somme allant à 1 000 euros pour les biens immobiliers endommagés et 1 800 euros lorsque le bien est détruit. Le PTZ, prévu pour durer plusieurs dizaines d'années, peut être bénéfique aux familles - jusqu'à 50 000 euros. Il est plus efficace que ce qui avait été annoncé avant. (Mme Evelyne Corbière Naminzo proteste.)

L'amendement n°158 est adopté et devient un article additionnel.

Article 17 bis A

Mme la présidente.  - Amendement n°83 du Gouvernement.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Le Gouvernement propose que la suspension des délais de recouvrement s'applique à l'ensemble des comptables publics, dont ceux des douanes.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°83 est adopté.

L'article 17 bis A, modifié, est adopté.

Article 17 ter

Mme la présidente.  - Amendement n°172 de Mme Jacques, au nom de la commission des affaires économiques.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Cet amendement étend l'exonération de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) à tous les déchets présents, y compris s'ils sont traités en dehors de l'île.

Par ailleurs, la rédaction supprime l'imputation de l'exonération dans le code au profit d'une disposition autonome hors code.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Nous devons veiller à la protection de l'environnement, et notamment à celle des lagons. J'ai reçu ce matin Sea Shepherd, avec Paul Watson. Près de 70 % des forêts ont été détruites, et des coraux abîmés. Il faut en faire un véritable projet pour Mayotte. Je lève le gage.

L'amendement n°172 rectifié est adopté.

L'amendement n°79 n'a plus d'objet.

L'article 17 ter, modifié, est adopté.

Article 18

Mme la présidente.  - Amendement n°159 du Gouvernement.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Cet amendement a été construit avec les organismes de recouvrement des cotisations sociales locaux afin d'aboutir à un dispositif opérationnel et réalisable. Nous souhaitons que la suspension du recouvrement s'applique aux professionnels libéraux dans les mêmes conditions que pour les employeurs, les artisans, commerçants et non-salariés agricoles et maritimes.

Nous décalons aussi les dates d'octroi des plans afin que les caisses de sécurité sociale aient le temps de rassembler les informations relatives à la situation des travailleurs indépendants.

Des remises pourront être réalisées sur les dettes contractées entre le 14 décembre 2024 et le 31 décembre 2025, comme après l'ouragan Irma.

Nous clarifions le dispositif sur les majorations et les pénalités de retard : celles dues au titre des périodes antérieures au cyclone sont remises d'office.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - L'article 18 a été introduit à l'Assemblée nationale, et adapte le dispositif mis en place après Irma à Mayotte. Avis favorable à cet amendement de précision.

L'amendement n°159 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°43 de Mme Ramia et du RDPI.

Mme Salama Ramia.  - Une suspension d'un an est plus adaptée pour répondre aux urgences du redressement économique et social de l'archipel. Les entreprises mahoraises sont résilientes, mais elles n'ont pas retrouvé une activité normale.

Aussi, nous souhaitons étendre la période relative à la suspension de l'obligation de paiement des cotisations et contributions sociales jusqu'au 31 décembre 2025 et la possibilité de proroger cette mesure par décret jusqu'au 31 décembre 2026.

C'est essentiel pour sécuriser les entreprises et emplois mahorais.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°96 rectifié de Mme Le Houerou et du groupe SER.

Mme Annie Le Houerou.  - Je témoigne de ma solidarité aux Mahorais. Notre soutien doit être bienveillant ; n'ajoutons pas des difficultés administratives. Le taux de non-recours est bien plus élevé à Mayotte que dans l'Hexagone. Il faut faire preuve de souplesse et d'humanité. La date du 31 mars 2025 est trop proche : les entreprises n'auront pas encore retrouvé une activité normale. Décalons-la au 31 décembre 2025, à tout le moins.

Mme la présidente.  - Amendement n°49 de Mme Ramia et du RDPI.

Mme Salama Ramia.  - Repli : nous proposons d'étendre la période de suspension jusqu'au 31 décembre 2025.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis.  - Avis défavorable aux amendements identiques nos 43 et 96 rectifié, car le dispositif manque de souplesse. L'article 18 prévoit déjà que le recouvrement peut être suspendu jusqu'au 31 décembre 2025 par décret ; reporter l'échéance n'est pas compatible avec l'urgence. Près de 80 % des entreprises du BTP et de l'hôtellerie se déclaraient en état de reprendre leur activité. Le secteur bancaire fonctionne normalement, les collectivités peuvent passer des commandes. Il n'est pas raisonnable de suspendre le recouvrement des cotisations pendant deux ans.

Avis défavorable à l'amendement n°49, inopérant.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis.

Mme Salama Ramia.  - Les entreprises ont repris leur activité, mais elles n'ont pas retrouvé leur trésorerie. Elles ont besoin de ce coup de pouce pour redémarrer leur activité.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Nous voterons ces amendements, mais pourquoi des amendements relatifs aux prestations sociales ont-ils été jugés irrecevables au titre de l'article 40, alors qu'ils avaient été examinés à l'Assemblée nationale ?

M. Saïd Omar Oili.  - Ce week-end, des intempéries ont encore frappé Mayotte. Les entreprises, qui avaient recommencé à travailler, se sont à nouveau effondrées. On demande non pas d'effacer, mais de décaler les délais de paiement. Les entreprises subissent calamité sur calamité !

Les amendements identiques nos43 et 96 rectifié ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°49.

Mme la présidente.  - Amendement n°62 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Nous proposons ici de remplacer la suspension par une exonération de paiement des cotisations sociales pour les travailleurs indépendants, dont la situation économique est fragile. Les exploitants agricoles peinent à diversifier leur activité, tous évoluent dans un univers économique instable.

Mme la présidente.  - Amendement n°97 rectifié de Mme Le Houerou et du groupe SER.

Mme Annie Le Houerou.  - La suspension des cotisations va dans le bon sens mais n'est pas à la hauteur de la gravité de la situation. Il faut une exonération.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis.  - Avis défavorable à ces mesures d'exonération totale, trop générales et dispendieuses. Certains commerces ont été épargnés par le cyclone et voient leur chiffre d'affaires augmenter. Le BTP va reconstruire ce qui a été détruit. La mesure prévue protège les plus vulnérables. Les cotisations sociales s'élèvent à 250 millions d'euros par an à Mayotte, ce n'est pas négligeable.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Nous ne voterons pas ces amendements car nous souhaitons que les exonérations soient ciblées. Pour ceux qui ne peuvent faire face à leurs échéances, nous demandons un plan d'apurement, voire d'effacement des dettes.

L'amendement n°62 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°97 rectifié.

Mme la présidente.  - Amendement n°80 du Gouvernement.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Levée de gage.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis.  - Avis favorable.

L'amendement n°80 est adopté.

L'article 18, modifié, est adopté.

Article 18 bis (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°94 rectifié de Mme Le Houerou et du groupe SER.

Mme Annie Le Houerou.  - Nous rétablissons l'article 18 bis, supprimé en commission, qui prévoit une exonération totale des cotisations sociales de décembre 2024. Certes, le projet de loi suspend le paiement des cotisations, mais une exonération complète s'impose, comme pendant le covid. Cela soutiendra de manière immédiate et automatique les entreprises, sans qu'aucune démarche soit nécessaire.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis.  - Avis défavorable. Cette mesure n'est pas nécessaire, au vu de sa courte durée. L'article 18 permet déjà aux entreprises et aux indépendants de ne pas payer de cotisations jusqu'au 31 mars 2025 au plus tôt, jusqu'à fin 2025 au plus tard. En outre, sur justificatif, ils pourront bénéficier d'un abandon de créances, ce qui est encore plus favorable.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°94 rectifié n'est pas adopté et l'article 18 bis demeure supprimé.

L'article 19 est adopté.

Après l'article 19

Mme la présidente.  - Amendement n°28 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Le jour à peine levé, les habitants de Mayotte font la queue devant des containers pour avoir des packs d'eau, rappelait l'Unicef en mars 2024. Le cyclone a encore aggravé les difficultés d'accès à l'eau. Les distributions sont insuffisantes. Cet amendement garantit l'accès à l'eau et aux produits de première nécessité durant ces semaines d'urgence.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Amendement incantatoire. Il va de soi que l'accès à des conditions dignes d'existence doit être garanti sur tout le territoire français. Les Mahorais ont besoin de mesures concrètes. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission.  - Très bien !

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Je rejoins Mme le rapporteur. Beaucoup d'efforts ont été faits pour améliorer la production et la distribution de l'eau, mais nous sommes loin d'être revenus à la normale. Une Mayotte refondée, c'est une Mayotte sans tours d'eau, sans gestion de la pénurie.

L'eau est un sujet de préoccupation majeure, qui peut déclencher une crise sociale ou politique. Je crains une nouvelle dégradation des conditions d'accès à l'eau, à la suite d'éventuelles nouvelles intempéries.

L'aide du génie militaire a été déterminante, en lien avec la Société mahoraise des eaux, pour repérer les avaries et effectuer les réparations. Le plan Eau Mayotte a mobilisé 210 millions d'euros, en sus des 10 millions d'euros annuels du contrat de convergence et de transformation. Le syndicat des eaux disposera de 12 millions d'euros sur la période 2024-2027.

Les projets d'usine de dessalement à Ironi Bé et de troisième retenue collinaire doivent être menés à bien.

Un expert de haut niveau a rejoint le préfet en janvier 2025. Le général Facon traitera lui aussi de cette question - c'est une priorité, sinon nous ne serons pas crédibles.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Et voilà !

Cet amendement n'était pas incantatoire : nous faisons des propositions concrètes. En République, quand l'égalité d'accès à l'eau n'est pas assurée, il revient aux parlementaires de rappeler ce droit. (Mme Antoinette Guhl applaudit.)

M. Saïd Omar Oili.  - Le Journal de Mayotte écrit aujourd'hui même que le retour à une vie normale est difficile. Trois quarts des Mahorais n'ont pas accès à l'eau. Un pack de six bouteilles coûte 19 euros, sans parler des gens qui spéculent sur la misère des Mahorais. (M. Manuel Valls renchérit.)

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - En temps de crise, on gère la pénurie, on distribue des bouteilles d'eau. Certaines pompes sont hors service. Sur les hauteurs, l'eau n'arrive toujours pas -  c'était déjà le cas avant Chido.

Lors de mon dernier déplacement, nous avons lancé une opération de contrôle, car des groupes achètent les bouteilles d'eau en gros pour spéculer. Nous agirons avec détermination contre ceux qui profitent de la crise. Cela ne nous empêche pas de régler les problèmes de fond : les Mahorais sont en droit d'attendre un service de l'eau efficace.

L'amendement n°28 n'est pas adopté.

L'article 20 est adopté.

Article 21

Mme la présidente.  - Amendement n°22 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Amendement d'appel : nous rétablissons la période de maintien des droits aux prestations sociales des résidents mahorais jusqu'au 30 juin 2025, et non jusqu'au 31 mars 2025. Les allocataires ont du mal à fournir les pièces justificatives et la caisse de sécurité sociale fonctionne encore en mode dégradé.

Dispensons les victimes du cyclone de certaines formalités et apportons-leur un soutien financier immédiat.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis.  - L'article 21, plus souple, prévoit déjà que la date du 31 mars 2025 peut être reportée par décret au 31 décembre 2025, au plus tard. Avis défavorable.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°22 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°68 rectifié de Mme Bonfanti-Dossat, au nom de la commission des affaires sociales.

L'amendement rédactionnel n°68 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 21, modifié, est adopté.

L'article 22 est adopté, de même que l'article 23.

Après l'article 23

M. le président.  - Amendement n°142 de M. Grégory Blanc et alii.

M. Grégory Blanc.  - Cet amendement, qui demande un rapport, est un appel à la réflexion et à l'action sur le fonctionnement du Sdis de Mayotte, qui existe depuis dix ans mais n'a ni directeur, ni directeur adjoint. (M. Manuel Valls le conteste.) Comment outiller le territoire, et se coordonner avec l'État ?

Quels sont nos moyens de secours face aux aléas cycloniques, amplifiés par le réchauffement climatique ? L'État a prévu un pacte capacitaire pour les feux de forêt, mais pas pour les inondations. Mêle en métropole, on ne finance pas de pompes de grande capacité. Il faut avancer sur ce sujet, en interministériel.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis.  - Sans nier l'importance de ces sujets, la commission n'a pas dérogé à sa position, s'agissant d'une demande de rapport : avis défavorable.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Je rends hommage à l'ensemble des agents mobilisés dans la gestion de cette crise.

Vendredi dernier, j'ai rencontré les agents du Sdis : l'organisme a bien un directeur adjoint, et le directeur sera nommé prochainement.

Le territoire fait face à un risque d'incendies et de cyclones : il faut intégrer cette culture à Mayotte, à l'instar des actions menées à La Réunion.

L'amendement n°142 n'est pas adopté.

Article 27 (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°23 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Alors que le Gouvernement a annoncé une convergence sociale, nous demandons un calendrier d'alignement des prestations sociales versées à Mayotte sur celles de l'Hexagone. Les disparités actuelles ne sont pas acceptables.

Le montant de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et du RSA est inférieur de 50 % à ce qu'il est ailleurs. Le revenu de solidarité outre-mer (RSO) n'est pas versé à Mayotte. Des écarts importants existent en matière d'allocations familiales.

Selon l'Insee, le système redistributif public ne réduit que très marginalement la pauvreté à Mayotte : deux points, contre sept points dans l'Hexagone et dix points dans les autres territoires ultramarins. À Mayotte, 94 % des mères isolées sont pauvres. Cette situation est incompatible avec le principe républicain d'égalité.

Mme la présidente.  - Amendement n°24 rectifié de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Repli de l'amendement de repli. (Sourires) Nous proposons un calendrier de rattrapage, pour augmenter les prestations sociales à Mayotte à hauteur des deux tiers du montant pratiqué dans l'Hexagone.

L'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), modifiée par le décret du 20 octobre 2023, a été augmentée de 150 euros. C'est une bonne chose, nous devons franchir d'autres étapes.

Mme la présidente.  - Amendement n°65 rectifié de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - La catastrophe vécue par les Mahorais met en lumière les inégalités existant depuis des décennies. Elle crée de l'inflation, voire de la spéculation.

Les députés ont demandé ce rapport sur le niveau des prestations sociales comparé à celui de l'Hexagone et des autres départements d'outre-mer : nous le rétablissons. À Mayotte, les allocations familiales s'élèvent à 223 euros pour une famille de trois enfants, contre 338 euros dans les autres DOM et dans l'Hexagone.

Monsieur le ministre, si vous émettez un avis défavorable, dites-nous au moins quand l'égalité sera effective partout en France !

Mme la présidente.  - Amendement n°115 rectifié bis de Mme Le Houerou et du groupe SER.

Mme Annie Le Houerou.  - Nous demandons un rapport, car cette différence de traitement entre citoyens français n'est pas acceptable. Ainsi de l'APL, toujours pas versée à Mayotte ou encore de l'AAH ou de la prime d'activité.

Le coût des soins et des produits de santé est prohibitif - 17 % plus cher. Le nombre de lits d'hôpital est inférieur à celui de l'Hexagone : 1,6 pour mille habitants, contre 3,5 dans l'Hexagone. Seuls 63 % des habitants sont affiliés à la sécurité sociale. Les allocations familiales ne sont pas alignées sur les montants versés dans l'Hexagone. Nous plaidons pour la convergence des droits.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis.  - Avis défavorable, car il s'agit de demandes de rapport, qui n'ont a fortiori pas leur place dans une loi d'urgence. En outre, le Gouvernement a annoncé la reprise de la convergence sociale dans la loi de programmation, qui devra comporter une étude d'impact.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - J'avais émis un avis favorable à la demande de rapport. Nous avons besoin d'un diagnostic solide avant l'examen du projet de loi de programmation. Nous aborderons la question lors du prochain comité interministériel des outre-mer (Ciom).

Avec le président du conseil départemental, j'ai signé un document de convergence, qui porte notamment sur l'harmonisation du Smic, jusqu'en 2031. Sagesse.

Madame Corbière Naminzo, j'étais Premier ministre lorsque la loi Égalité réelle outre-mer a été adoptée. Je reste très fidèle à cette action et souhaite retrouver cet esprit à l'occasion du prochain Ciom.

L'amendement n°23 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos24 rectifié, 65 rectifié et 115 rectifié bis.

Article 32 (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°95 rectifié de Mme Le Houerou et du groupe SER.

Mme Annie Le Houerou.  - Nous voulons alerter sur les conséquences des réformes de l'assurance chômage et du RSA à Mayotte, où le taux de chômage atteint les 37 %, via un rapport.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. Avis défavorable à cet amendement qui rétablit un article supprimé par la commission. Notre position sur les demandes de rapport est constante. De plus, les réformes de l'assurance chômage sont suspendues le temps de la prolongation automatique de l'allocation d'aide au retour à l'emploi.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°95 rectifié n'est pas adopté.

L'article 32 demeure supprimé.

Vote sur l'ensemble

Mme Evelyne Corbière Naminzo .  - Ce texte pose le cadre de la reconstruction de Mayotte, en tenant compte de ses spécificités. Notre groupe a pointé plusieurs risques. Rapidité ne doit pas rimer avec précipitation. Les solutions doivent être rapides, mais aussi durables, et ne pas coûter plus cher à Mayotte. Nous suivrons de près la reconstruction de la forêt mahoraise et le soutien à l'agriculture, durement touchée. Nous espérons que l'amendement sur l'accès des TPE aux marchés publics sera maintenu, car le tissu économique ultramarin est fragile, à la merci des monopoles et des majors.

Nous regrettons que les débats soient encore trop orientés vers la politique migratoire, comme si l'on cherchait à faire peser la responsabilité du cyclone sur les personnes en situation irrégulière.

C'est oublier que Mayotte est le département de l'injustice sociale, des promesses non tenues et des droits sociaux bafoués ; le département le plus pauvre de France, avec 77 % de la population sous le seuil de pauvreté. Vous parlez d'un horizon à 2030 ? La justice sociale peut donc attendre...

Des citoyens français ne peuvent faire autrement que de s'abriter dans des bidonvilles.

Nous voudrions tous que ce texte remette Mayotte debout. Mais il discrimine entre Français -  ceux de Mayotte et ceux d'ailleurs  - , entre Mahorais -  les plus précaires, et les autres  - , et entre étrangers -  en situation régulière ou irrégulière. (On s'impatiente à droite, l'oratrice ayant épuisé son temps de parole.) Et quid des sépultures non découvertes sur la terre mahoraise ?

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Le GEST votera ce texte, même s'il reste en deçà des attentes.

Les propos d'Emmanuel Macron témoignent d'une vision coloniale brutale : il faudrait que les Mahorais soient contents d'être Français ! Mais la dette est-elle vraiment de leur côté ? Mayotte n'est pas le territoire de l'égalité des droits, malgré la promesse républicaine. La mise en scène d'une colère n'est pas une réponse.

Il faut prendre en compte la double fracture, environnementale et coloniale, soulignée par Malcolm Ferdinand. Et Bernard Kalaora explique que les Mahorais perçoivent la conservation du littoral comme une « colonisation bleue », qui donne la priorité à la nature, au détriment des habitants. Ce qui se fait sans les Mahorais, se fait contre eux.

Les tensions sociales, politiques et environnementales atteignent un point de rupture. On risque l'effondrement global. Il est impossible de penser au-delà de l'urgence.

Nous espérons que la loi de programmation n'aura pas un périmètre aussi restreint -  la moitié de nos amendements ont été déclarés irrecevables  - empêchant tout débat structurel.

Mme Viviane Artigalas .  - Notre groupe votera ce texte malgré ses insuffisances. Il reste beaucoup à faire. Nous comptons sur la prochaine loi pour travailler sur des sujets fondamentaux que nous n'avons pu aborder en raison de l'application stricte de l'article 45.

Les difficultés antérieures à Chido se sont aggravées. Il faut travailler, avec les Mahorais, sur la façon dont ils envisagent leur île, dans le respect de leur culture.

Soyons vigilants aussi sur l'agriculture. Il faut replanter très vite et travailler sur les ressources locales. Cela suppose un travail de planification à long terme, à mener avec les Mahorais.

Mayotte doit enfin retrouver une place dans la République, égale aux autres départements français.

Mme Antoinette Guhl .  - À l'issue de cet examen, avons-nous trouvé toutes les solutions ? Répondu aux besoins de la population ? Pris en compte la réalité inacceptable de ces enfants scolarisés quand ils le peuvent, et non quand ils le doivent ? Soutenu les forces vives ? Anticipé les prochaines fureurs climatiques ? Garanti l'accès à l'eau aux 28 % des logements qui en étaient déjà privés ? Bien sûr que non.

Nous avons fait du chemin et M. le ministre d'État a cherché des points d'équilibre, mais les questions demeurent.

Notre groupe votera ce texte, pour apporter des solutions en urgence. Mais nous refusons de sanctionner les sans-papiers, qui sont tout autant victimes du cyclone que les autres. Nous attendons un vrai plan d'accompagnement, de reconstruction, de dignité, à la hauteur de nos valeurs républicaines de liberté, d'égalité et de fraternité.

Mme Salama Ramia .  - Le Sénat, assemblée des territoires, s'est exprimé en faveur de la reconstruction de Mayotte, en redonnant une place aux élus locaux. J'espère que ce texte sera rapidement appliqué.

Il faut d'ores et déjà réfléchir à son articulation avec la loi programme, qui traitera de sujets de fond comme le foncier, l'éducation, l'eau.

Mayotte ne mérite pas une vision hors sol. Les délégations successives ne peuvent nier la réalité du terrain. Le territoire arrive à saturation et sa population, bien accueillante, est à bout de souffle.

M. Saïd Omar Oili .  - Je voterai évidemment cette loi d'urgence pour Mayotte, mais, hélas, elle ne permet de reconstruire que du matériel. Rien pour nos âmes, notre psychologie. Beaucoup d'enfants n'osent plus aller à l'école quand il pleut, même les adultes vivent dans la peur. Vous ne pouvez pas imaginer ce que nous vivons. Sans nous, il n'y aura pas de reconstruction. Tenez compte de nos réalités. (Applaudissements)

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques .  - Je remercie Christine Bonfanti-Dossat, Isabelle Florennes, et Micheline Jacques, pour leur excellent travail. Elles vous ont présenté un texte équilibré, qui répond à l'urgence et engage la reconstruction de Mayotte, en adaptant les dispositions aux réalités du territoire et en associant les élus locaux. Je salue aussi les sénateurs de Mayotte, Saïd Omar Oili et Salama Ramia, et les remercie de leur implication.

Monsieur le ministre, merci de votre engagement et des réponses très claires que vous avez apportées, notamment sur le nombre de victimes. Vous l'avez dit, il n'y a aucune raison de masquer la vérité. Je vous remercie aussi de vous être rendu plusieurs fois à Mayotte.

Le Sénat restera mobilisé pour les Mahorais. Une délégation de la commission se rendra sur place fin mars.

Nous examinerons prochainement la loi de refondation de Mayotte, qui traitera des sujets de fond, notamment les inégalités sociales, l'habitat illégal, et l'immigration clandestine. (Applaudissements)

À la demande de la commission et du groupe SER, l'ensemble du texte est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°187 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption 344
Contre     0

Le projet de loi, modifié, est adopté.

(Applaudissements)

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer .  - Je remercie Mme la présidente, les rapporteures, ainsi que tous les sénateurs qui sont intervenus.

Le texte a été amélioré à l'aune de votre expertise et de l'expérience de vos collègues mahorais. Nous préparons désormais le prochain Ciom ainsi que la loi programme, qui sera une étape importante pour la refondation de Mayotte.

J'ai à l'esprit tout ce que nous devons à ce territoire profondément français, qui attend que l'État soit à la hauteur de la promesse d'égalité républicaine.

À Mayotte, vendredi dernier, j'ai été très frappé de voir ces enfants qui se rendaient à l'école, cartable au dos. C'est vers eux, vers cette jeunesse, que nous devons nous tourner. Ils sont l'espoir de Mayotte et de la France. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, du RDPI et sur quelques travées du groupe SER)

Mises au point au sujet de votes

Mme Laure Darcos.  - Lors du scrutin public n°186, Louis Vogel souhaitait voter pour.

Mme Lauriane Josende.  - Lors des scrutins publics nos185 et 186, Jean Bacci, Michel Bonnus, Alexandra Borchio Fontimp, Laurent Duplomb, Jean Pierre Vogel souhaitaient voter pour.

Acte en est donné.

Souveraineté alimentaire et agricole (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture.

Discussion générale

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; MM. Vincent Louault et Bernard Buis applaudissent également.) Nous y sommes, enfin ! Un an après avoir été promis aux agriculteurs, onze mois après son examen en conseil des ministres, neuf mois après son vote en première lecture à l'Assemblée nationale, le projet de loi d'orientation est enfin examiné par le Sénat. Il faut aller vite, pour une entrée en vigueur rapide de ce texte très attendu.

Dans la gigantesque tectonique des plaques internationales, le vieux monde se meurt et avec lui toutes nos certitudes. La paix s'est fracassée sur le mur de la guerre. Nos alliances d'hier sont plus fragiles que jamais. Pourtant, « le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ». Les Français veulent être protégés du vent mauvais qui souffle sur le continent.

Il faut donc réancrer la France dans ce qui a été et continuera d'être le socle le plus solide de toutes les civilisations : l'agriculture. C'est notre rempart et notre force face aux menaces, et il nous la faut souveraine.

Ce projet de loi érige en intérêt général majeur la protection, la valorisation et le développement de l'agriculture française, de la pêche et de la forêt. Il reconnaît l'agriculture comme un intérêt fondamental, et même vital, de la nation. Grâce à ces deux avancées majeures, les autorités administratives et les juges prendront en compte la place particulière de notre agriculture.

Ainsi, le titre I dote la politique en faveur de la souveraineté alimentaire de finalités solides, précises, ambitieuses. L'État doit accompagner nos filières, notamment les plus exposées, pour nourrir notre population et les faire rayonner au-delà de nos frontières.

Mais cet effort doit être organisé. La programmation pluriannuelle envisagée à l'Assemblée nationale, aussi louable soit-elle, aurait marché sur les plates-bandes du plan national stratégique élaboré dans le cadre de la PAC et aurait traité les filières de façon trop verticale. C'est une ligne rouge : nous devons construire l'avenir de nos filières avec elles.

C'est pourquoi nous faisons le pari de la confiance dans la profession, avec les conférences de la souveraineté alimentaire, qui permettront aux filières de définir leurs objectifs à dix ans. Face aux périls de l'époque, il faut un changement de cap : c'est désormais l'autonomie stratégique que nous visons.

Une fois jetées les fondations de cette ambition nouvelle, il faut poser la clé de voûte de cette reconquête : le renouvellement des générations.

Le vieillissement de la population agricole, de 4,5 ans en vingt ans, est préoccupant. En direction de la jeunesse, nous renforçons la formation et la découverte des métiers du vivant, afin d'augmenter de 30 % le nombre d'apprenants dans les filières agricoles et agroalimentaires d'ici à 2030. C'est ambitieux, mais atteignable.

L'atteinte de ces objectifs dépend aussi de nous et de notre discours sur le monde agricole. Personne ne nie les défis de l'agriculture, mais elle n'est pas le champ de ruines pavé de larmes et de misère que certains décrivent ! Ce pessimisme effraie et décourage les vocations. Les métiers du vivant répondent pourtant à la demande de sens des jeunes générations. Aussi, portons un discours positif sur l'avenir de l'agriculture, pour susciter l'envie.

Il faut sensibiliser et attirer. Pour sensibiliser, nous mettons en place un programme national d'orientation et de découverte des métiers, du primaire jusqu'au lycée. Nous sensibilisons notamment les filles pour qu'elles prennent toute leur place dans le monde agricole.

Pour attirer, le volontariat agricole que vous avez introduit est bienvenu. En parallèle, nous enrichissons les formations agricoles, avec notamment le bachelor agro qui deviendra une formation de référence, entre le BTS agricole et le diplôme d'ingénieur.

Nous ajoutons une sixième mission à l'enseignement agricole : le renouvellement des générations. Je regrette toutefois que vous ayez supprimé le volet lié aux transitions environnementales, car les agriculteurs sont les premières victimes du changement climatique.

En parallèle, nous devons renforcer notre politique d'installation et de transmission. En 2035, notre pays devra compter 500 000 exploitants agricoles, dans 400 000 exploitations - notre ambition est grande !

L'État doit être à leur soutien. Je souhaite que le diagnostic modulaire soit préservé. La commission des affaires économiques l'a rebaptisé « diagnostic de viabilité économique et de vivabilité des projets agricoles », mais cette notion parle-t-elle à nos agriculteurs ? Ces diagnostics deviennent des outils incontournables. L'Assemblée nationale a enrichi le diagnostic modulaire, ce qui permettra aux agriculteurs de prendre des décisions éclairées.

Nous créons le réseau France Services Agriculture, que vous avez rebaptisé France installations-transmissions -  ce qui me semble moins parlant. Ce guichet unique sera le lieu de maturation des projets, pour lancer une activité, ou la cesser et trouver un repreneur.

Ces mesures seront inefficaces sans renforcement de l'attractivité des professions agricoles. Stop à la stigmatisation, voire à la criminalisation des agriculteurs. Des gens qui vivent connectés au cycle de la nature ne peuvent être tenus pénalement responsables d'atteintes involontaires à l'environnement ! La dépénalisation de ces actes est impérative. Nous substituerons à ces peines de prison - issues d'une surtransposition du droit européen - une obligation de remise en état, assortie de stages ou d'amendes.

Il faut simplifier la vie des paysans, pour qu'ils passent plus de temps dans leur exploitation que devant leur ordinateur. Les réglementations relatives aux haies doivent être revues, avec un régime unique, qui semble faire consensus. Gravons-le dans le marbre.

Nous devons aussi réduire les délais des contentieux contre les projets agricoles et les ouvrages hydrauliques, source d'insécurité majeure pour nos agriculteurs. Le délai contentieux sera ramené de cinq ans à 24 mois au maximum et la procédure sera simplifiée.

Enfin, la sécurisation du statut jurisprudentiel du patou est une avancée majeure pour nos éleveurs. Vous avez intégré la reconnaissance de la non protégeabilité de certains troupeaux. Issue d'une région agricole bovine, je sais ce que recouvre cette notion. J'y reviendrai en détail, mais je le dis d'ores et déjà : j'y suis favorable. Nous l'intégrerons dans le futur plan national d'actions 2024-2029 sur le loup et les activités d'élevage, avec aussi la réparation des dommages indirects liés à la prédation. Le principe d'indemnisation est acté et les grilles financières d'indemnisation sont en cours d'élaboration : le Gouvernement tient ses engagements.

J'en viens à un sujet qui me tient à coeur : la place des femmes en agriculture, qui sera centrale dans le renouvellement des générations. Nous amenderons l'article 1er pour favoriser l'accès des femmes au statut de chef d'exploitation et améliorer le calcul de leurs droits à la retraite. Le programme national d'orientation et de découverte des métiers sensibilisera les filles aux métiers du vivant, les maîtres de stage et d'apprentissage seront incités à recruter des filles. Il n'est pas normal que les femmes ne représentent que 34 % des chefs d'exploitation. Le futur réseau France Services Agriculture devra veiller à ce qu'elles bénéficient d'accompagnements spécifiques.

Ce que nous semons aujourd'hui germera à l'avenir, j'en suis convaincue. En redonnant à l'agriculture la place qui lui est due, nous redonnons aux agriculteurs leur rang, leur dignité. C'est la seule voie possible pour dissiper le vent de colère qui souffle dans leurs coeurs.

Je forme le voeu que l'agriculture ressorte de nos débats plus forte, plus résiliente et plus souveraine. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDPI et du RDSE)

M. Laurent Duplomb, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Après des années de tergiversations, ce texte, initialement centré sur l'installation, a été complété sous la pression des manifestations, mais n'aborde pas les sujets qui fâchent. D'où le vote de notre proposition de loi la semaine dernière - et je vous remercie, madame la ministre, de votre soutien. (Mme Annie Genevard apprécie.)

Ce ne sera pas le grand soir de l'agriculture. Après huit mois de pause et une réécriture, nous espérons qu'il sera un sursaut.

L'article 1er, qui érige l'agriculture au rang d'intérêt fondamental de la nation, peut inverser la dégradation progressive de notre souveraineté. C'est aussi pour cela que nous déclarons l'agriculture d'intérêt général majeur et que nous inscrirons un principe de non-régression de la souveraineté alimentaire, assorti d'un principe de non-surtransposition des règles européennes. Le but ? Freiner la folie normative qui tue notre compétitivité et favorise les importations, qu'elles viennent de nos voisins, qui, eux, ne se sont pas tiré des balles dans le pied, ou d'autres continents, dont les méthodes de production sont aux antipodes des nôtres, mais que nous refusons de voir, par naïveté coupable.

Franck Menonville présentera les grandes orientations relatives à l'installation. Je le remercie pour notre travail commun.

À l'article 9, nous passons du bâton à la carotte. Gratuit, le diagnostic donnera une photo fidèle de l'exploitation et débouchera sur un conseil stratégique.

À l'article 12, comme les députés, nous avons décidé de ne pas ouvrir le dossier du foncier, par peur du lobbying de gauche qui voudrait le transformer en bien commun.

M. Jean-Claude Tissot.  - N'importe quoi !

M. Laurent Duplomb, rapporteur  - L'article 13 dépénalise certaines infractions environnementales. Nous l'avons réécrit pour éviter une procédure pénale intrusive, qui donne aux agriculteurs l'impression d'être de grands délinquants.

Sur les haies, nous avions un bijou de technocratie, qu'il a fallu simplifier, afin de rendre l'article plus lisible et moins stigmatisant. La seule politique qui vaille, c'est la territorialisation. Depuis 1950, il n'y a jamais eu autant de haies dans mon département - il suffit de regarder les cartes sur Géoportail. (M. Jean-Claude Tissot s'exclame.) Dans d'autres, le linéaire a décliné. Protégeons la haie là où elle disparaît.

L'article 17 applique à l'aquaculture française les mêmes règles que ses concurrents européens, ni plus ni moins, alors que nous importons déjà 70 % de notre consommation de poisson.

L'article 18, qui aborde le petit cycle de l'eau et les compétences des collectivités territoriales, est totalement hors sujet. Pourquoi ne pas y injecter la proposition de loi Arnaud, que le Gouvernement semble soutenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Max Brisson.  - Très bien !

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Rendons la liberté à nos agriculteurs ; soyons fiers d'eux, et de notre agriculture. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Franck Menonville, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - Que de chemin parcouru, de détours, d'imprévus, de reports. Durant ces deux semaines, nous allons proposer une vision pour l'agriculture de demain.

Je me concentrerai sur l'enseignement agricole, sur l'installation et la transmission.

En commission, j'ai voulu donner la priorité à l'acquisition des compétences. Sans jeunes formés, nous ne pourrons ni assurer le renouvellement, ni faire face aux défis de demain. Ainsi, je soutiens le principe -  et la dénomination  - du bachelor agro. Cette formation, publique ou privée, devra répondre aux enjeux techniques de production, et renforcer la compétence entrepreneuriale. Demain, un agriculteur devra maîtriser la gestion, la stratégie commerciale, les outils numériques, indispensables pour diriger une exploitation agricole viable, vivable et résiliente.

Je suis attaché à la diversité de l'enseignement agricole français, qui s'appuie sur des structures privées non lucratives, majoritaires en effectifs : consolidons cet équilibre.

Je souhaite que le parcours d'installation soit plus simple, avec des incitations. Ainsi, le guichet unique introduit à l'article 10 simplifiera le parcours administratif. Nous l'avons renommé France installations-transmissions, pour éviter la confusion avec les maisons France Services, et avons recentré ses missions. Il proposera des informations générales sur l'agriculture ainsi qu'un accompagnement pour ceux qui ont un projet particulier.

La proposition de loi Duplomb complète ce texte. Installer des jeunes ne suffit pas si les normes sont décourageantes et la rentabilité insuffisante : les conditions d'exercice doivent être équitables vis-à-vis de nos partenaires européens. Il faut réfléchir à d'autres organisations, comme des installations en commun, plus progressives.

Ce texte ne réglera pas tout, mais il fixe un cap : permettre à une nouvelle génération de femmes et d'hommes de vivre et de réussir en agriculture. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Bernard Buis applaudit également.)

M. Christian Bruyen, rapporteur pour avis de la commission de la culture .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Quarante ans après la loi Rocard, ce texte ouvre un nouveau chapitre pour l'enseignement agricole. C'est urgent - les chiffres sur le renouvellement des générations sont vertigineux.

Ce texte confie à l'enseignement agricole une nouvelle mission sur la souveraineté alimentaire et l'adaptation au changement climatique. Les objectifs d'augmentation des effectifs d'apprenants sont très ambitieux. Le texte prévoit notamment une meilleure articulation entre l'éducation nationale et l'enseignement agricole. Une cartographie régionale des besoins donnera une visibilité pluriannuelle aux classes à petits effectifs, garantissant des moyens supplémentaires si besoin. Enfin, le texte crée un nouveau diplôme, de niveau bac +3, qui relèvera du ministère de l'agriculture, en phase avec les attentes de la profession. Nous avons trouvé des consensus sur ces sujets.

La commission de la culture a déposé quatre amendements. L'un supprime la référence au service national universel (SNU), l'autre les conventions entre les lycées de l'éducation nationale et de l'enseignement agricole. Un troisième précise qu'il n'y a pas de hiérarchie entre le directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen) et son homologue, le correspondant départemental de l'enseignement agricole, dont le champ de compétences doit être élargi à l'enseignement privé sous contrat. Enfin, nous souhaitons moderniser la procédure disciplinaire, obsolète.

Quelques points de vigilance : l'enseignement agricole forme aussi aux métiers de service à la personne et d'animation des territoires. Les moyens en faveur des formations agricoles et agroalimentaires ne doivent pas se faire au détriment de ces formations.

J'alerte aussi sur l'appellation bachelor agro. Certaines officines privées jouent sur la confusion entre diplôme et titre. Gare aux dérives !

Vigilance également sur la formation vétérinaire.

Enfin, il faut améliorer les conditions de revenu et de travail des agriculteurs : la récente proposition de loi Duplomb a toute sa pertinence. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI)

M. Max Brisson.  - Très bien.

M. Jean-Claude Anglars, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Attendu par le monde agricole, victime collatérale des soubresauts politiques de 2024, ce texte fut soumis à des délais très longs qui ont désespéré le monde agricole, au point que les syndicats agricoles se sont mobilisés pour le sortir de son enlisement législatif.

Déprise rurale, concurrence extérieure, changement climatique, stress hydrique, évolution des attentes des consommateurs, réglementions sanitaires et environnementales : il était temps que le supplice législatif prenne fin, pour donner un cap à l'agriculture.

Ce projet de loi est-il à la hauteur des défis ? Ses objectifs sont nobles : assurer le renouvellement des générations tout en amorçant une trajectoire de sortie de l'urgence climatique. Mais à l'évidence, il n'est pas la grande loi d'orientation que nous espérions. L'époque où la loi pouvait synthétiser les préférences collectives en matière agricole est révolue. Pour autant, ne jetons pas ce texte aux orties.

L'État doit innover pour faciliter la vie des agriculteurs. La simplification est indispensable pour ne pas désespérer les agriculteurs, qui ont déjà assez à faire au champ et à l'étable. Il faut un cadre d'action simplifié, sans diminuer la mission environnementale. La voie est étroite.

Nous devons promouvoir une agriculture compétitive et économiquement viable. L'agriculture doit être érigée au rang d'intérêt fondamental de la nation. La souveraineté alimentaire ne se décrète pas, elle se construit. Il faut une alimentation saine, sûre, accessible à tous. C'est ce que la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'est efforcée de promouvoir.

Fourre-tout, nombreux impensés, incohérences, bavardage législatif : ce texte n'est pas sans défaut ; il ne comporte aucune mesure sur la durabilité des productions alimentaires, aucun mécanisme pour protéger les agriculteurs de la concurrence déloyale et des défaillances de marché.

Il ne fera pas date et décevra forcément les attentes. Mais, malgré ses lacunes, il apporte des avancées nécessaires pour l'activité quotidienne des agriculteurs. Il pose les bonnes questions, même s'il apporte rarement les bonnes réponses.

Je me félicite de l'ajout de l'article 18 qui étend les compétences des départements en matière de stockage d'eau potable. Nous pourrons y insérer des assouplissements de la gestion des compétences eau et assainissement.

Notre commission s'est prononcée en faveur du projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Sylviane Noël, au nom de M. Jean-Marc Boyer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je m'exprime au nom de M. Jean-Marc Boyer, retenu.

Le renouvellement des générations impose de s'interroger sur l'avenir de l'enseignement agricole. La mission d'information sur ce sujet, conduite par Jean-Marc Boyer et Nathalie Delattre en 2021, avait conclu à l'urgence d'une transition agro-politique. Or la mobilisation des agriculteurs, notamment des jeunes, a bousculé plusieurs fondamentaux.

Il faut répondre à deux enjeux majeurs : transformation agricole alliant performance économique, sociale, environnementale et sanitaire ; développement de modèles économiques agricoles adaptés à chaque région et climat, notamment en zone de montagne.

Le réseau de l'enseignement agricole, avec ses 825 établissements, doit reprendre ses lettres de noblesse et rester ouvert à tous les types d'agriculture, loin des dogmatismes qui sont en décalage avec une partie de la profession.

Seuls 30 % des jeunes en formation sont issus du milieu agricole. Nos élèves sont formés pour être des jardiniers de la nature, sans véritables débouchés. L'élevage est laissé de côté. Les réseaux sociaux véhiculent l'image d'agriculteurs criminels, pollueurs, et font primer le bien-être animal sur celui de l'agriculteur. Cet agribashing a fait beaucoup de dégâts.

L'enseignement agricole a évolué tout au long du XXe siècle, s'adaptant à la modernisation de l'agriculture.

Tous les moyens doivent être mis en oeuvre pour sensibiliser les parents, collégiens et lycéens. La nomination d'un correspondant pour l'enseignement agricole dans chaque département est bienvenue. L'enseignement doit retrouver son essence : favoriser l'installation de jeunes dans toutes les agricultures - viticulture, production laitière, fromagère, bovine, ovine.

Il faut lutter contre les stéréotypes de genre pour donner aux femmes toute leur place. L'enseignement agricole doit aider les nouveaux agriculteurs à bâtir un projet agroéconomique viable, à s'engager vers une transition agronomique et climatique dans une ruralité vivante, dynamique et porteuse de projets.

Il faut enfin lutter contre la désertification vétérinaire dans les territoires ruraux.

Le bien-être de l'agriculteur, ses conditions de travail, sa rémunération sont aussi des enjeux majeurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bernard Buis .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) « En France, on parle quelques fois de l'agriculture, mais on n'y pense jamais ». Cette phrase d'Alphonse Karr, journaliste, ami de Victor Hugo, trouve encore un écho.

Depuis un an, on parle de nos agriculteurs, mais pensons-nous suffisamment à eux ? Nous avons deux semaines pour et leur montrer que le Sénat a conscience des enjeux colossaux de l'agriculture au XXIe siècle.

Ce projet de loi, à la fermentation si longue, doit comporter des mesures concrètes : pour favoriser toutes les agricultures, faciliter les transmissions et les installations, simplifier la vie des agriculteurs, renforcer la préservation de l'environnement, protéger nos agriculteurs des conséquences dramatiques du dérèglement climatique. Tous ces enjeux sont cruciaux.

Garantir notre souveraineté alimentaire exige d'affirmer dans la loi le caractère d'intérêt général majeur de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture. C'est envoyer un signal clair pour les prochains contentieux. Il ne s'agit pas de placer l'agriculture au-dessus de l'environnement, mais de mieux équilibrer la balance.

Deuxième sujet majeur, la formation : comment être souverain sans former de nouveaux agriculteurs ? Selon l'Agreste (service de la statistique et de la prospective du ministère de l'agriculture et de l'alimentation), la France comptait en 1988 un million d'exploitations agricoles. En 2022, 380 000. La Drôme a perdu 18 % de ses exploitations en dix ans, notamment dans l'élevage.

Face au défi du renouvellement de générations, le texte apporte des réponses concrètes et utiles. La création du bachelor agro, reconnu bac + 3, est bienvenue. Le contrat territorial de consolidation ou de création de formation augmentera le nombre de jeunes formés dans la voie scolaire. Nous devons aussi penser à l'attractivité financière, pour attirer plus de jeunes. L'expérimentation pendant trois ans d'une option pour les élèves de seconde les sensibilisera aux enjeux agricoles.

Troisième urgence : simplifier le quotidien des professions agricoles.

La création du réseau France Services Agriculture peut être un véritable levier pour aider les agriculteurs à transmettre et à préparer la suite. La mise en place du droit à l'erreur sera aussi utile.

La responsabilité pénale des propriétaires de chiens de protection de troupeaux fera l'objet de nos débats. Nous proposerons d'étendre la non-protégéabilité à des espèces de prédateurs face aux troupeaux caprins dans les outre-mer.

La reconduction du dispositif travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE) est aussi bienvenue.

En agissant pour l'agriculture, nous agissons aussi pour l'environnement - en témoigne le travail transpartisan mené sur la proposition de loi de Daniel Salmon relative à la reconquête de la haie. Je présenterai un amendement visant à inclure cette proposition de loi après l'article 14 de ce projet de loi.

À nous de saisir cette opportunité pour répondre aux agriculteurs et les rassurer. Ce texte doit être un message de confiance et de soutien envers ceux qui travaillent pour nous nourrir.

Dans Nourrir sans dévaster, de Julien Denormandie et Erik Orsenna, on lit : « Entre les paysans et notre pays, le lien s'est déchiré. [...] Il est temps, plus que temps, de retisser. » Ensemble, retissons. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Monique de Marco applaudit également.)

M. Henri Cabanel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Un jour peut-être, nous examinerons un texte sur l'avenir de l'agriculture qui pense vraiment cet avenir dans sa globalité. Un jour, peut-être, mais pas aujourd'hui.

Marketing, ventes, modes de production diversifiés, crises économiques, écologiques, sanitaires... Les problèmes sont nombreux. Ne nous contentons pas de traiter l'urgence. Il faut nous concentrer sur le fond. La loi Le Foll avait ouvert la voie, confortée par les lois Égalim.

Initialement conçu pour relever le défi de la souveraineté agricole et alimentaire, ce projet de loi incarne désormais la réponse de l'exécutif à la colère des agriculteurs, en attendant des mesures concrètes.

Changeons de paradigme : l'État doit passer de la suspicion à l'accompagnement. La confiance peut régler beaucoup de maux.

Ce texte répond-il à la colère des agriculteurs ? Permettez-moi d'en douter ! Quid du revenu ? Du foncier ? De la sensibilisation des Français, notamment aux aménités environnementales ? Des paiements pour services environnementaux (PSE) territoriaux, notamment en matière de lutte contre les incendies ou les inondations ? Les agriculteurs entretiennent les paysages que les Français apprécient le week-end, inconscients du travail que cet entretien demande.

Nous devons viser une agriculture économiquement viable, qui réponde aux enjeux écologiques. Opposer les modèles agricoles est stérile. Bien assis dans nos fauteuils, on a tout à perdre à faire de la politique sur le dos de nos paysans. Ils agonisent sous les lourdeurs administratives. Certains préfèrent se donner la mort. Et nous, que fait-on ? On clive nos propos, on cherche le buzz...

Nos collègues transmettent de fausses informations aux médias. Non, les néonicotinoïdes n'ont pas été réautorisés.

Mme Dominique Estrosi Sassone et M. Vincent Louault.  - Bravo !

M. Henri Cabanel.  - D'un autre côté, un parti pris pour la compétitivité au détriment de l'environnement serait regrettable. Cherchons un équilibre constructif.

Que fait-on ? Le RDSE a voulu que l'agriculture soit une cause nationale. C'était la proposition n°1 du rapport que j'ai rédigé avec Françoise Férat.

Une programmation pluriannuelle devra être définie, dès juillet 2025, en complément des politiques européennes ; elle devra être compatible avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, avec la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et avec la stratégie nationale biodiversité 2030 (SNB). Je m'en réjouis.

Mais avec quelle politique foncière ? Un exemple : les sols. La reconstitution des sols via des modes durables permet de meilleurs rendements et une meilleure rétention d'eau. Il faut le dire.

Et avec quels moyens ? Une programmation sans budget, ce sont des paroles sans actes. Or nous voyons mal le budget, qui a fait l'objet de coupes claires cette année, s'améliorer l'année prochaine. Mais j'espère me tromper...

Le guichet unique est un grand pas de simplification. Mais qu'est-ce qui motivera un agriculteur à transmettre son exploitation à ses enfants, sa plus grande fierté, s'il sait que ce sera la galère ? Qu'est-ce qui motivera un jeune à devenir agriculteur ?

C'est à ces questions qu'il fallait répondre.

Ce texte a un fort sentiment d'inachevé. Madame la ministre, je souhaite pourtant rester positif. Nous verrons si l'essai peut être transformé. Les paysans attendent beaucoup de ce texte, tout comme moi - trop, sans doute. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Guislain Cambier .  - (M. Franck Menonville et Mme Dominique Estrosi Sassone applaudissent.) Je viens de l'Avesnois, territoire au sud du département du Nord, agricole et rural. Je mesure bien les enjeux de ce projet de loi.

Comme partout en France, l'attente est forte. Il faut apporter des réponses concrètes aux inquiétudes des agriculteurs. Nous avons une ambition : répondre au malaise agricole, alors que 40 % des agriculteurs évoquent un sentiment d'abandon, et un système à bout.

Le bon sens paysan peut être un Discours de la méthode.

Une exploitation agricole n'est pas une entreprise comme les autres. Le rideau de fer n'est pas baissé à 18 heures pour être relevé à 8 heures. La main-d'oeuvre agricole est particulière et requiert de la souplesse.

Dans les régions transfrontalières comme la mienne, la distorsion de la concurrence est réelle. Appliquons les mêmes règles... Comment peut-on exiger autant de nos agriculteurs quand on est aussi laxistes sur nos importations ? Comment expliquer à nos producteurs de betteraves que les producteurs ukrainiens ont accès à 28 produits interdits chez nous ? Travaillons sur les clauses miroirs.

Dans mon département, nos agriculteurs font face à la pression foncière, notamment des exploitants belges. Il faut remettre l'ouvrage sur le métier, des Safer (sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural) en particulier.

La simplification administrative est au coeur de nos débats. Là encore, le bon sens paysan doit primer. Hélas, trois fois hélas, la complexité administrative ne cesse de peser sur nos quotidiens. Nos agriculteurs doivent noter jour par jour l'eau consommée... pourquoi ne pas relever les compteurs ? Ces contrôles sont excessifs et inutiles.

La PAC : les aides sont devenues un labyrinthe technocratique. Betterave et pomme de terre sont considérées comme une seule et même culture. Je mets pourtant quiconque au défi de faire des frites avec les premières et du sucre avec les secondes ! (Sourires)

Les agriculteurs attendent ce texte depuis huit mois. Ce n'est pas une loi-cadre, mais il est néanmoins nécessaire. Vous pourrez compter sur le groupe UC pour simplifier la vie de ceux qui nous nourrissent. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

La séance est suspendue à 20 heures.

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 30.

M. Gérard Lahellec .  - (M. Jacques Fernique applaudit.) Les lois d'orientation sont élaborées pour répondre aux défis spécifiques d'un secteur. Ce texte contribuera-t-il à aider nos territoires à répondre aux demandes alimentaires de demain ? La décarbonation, condition pour pérenniser une agriculture nourricière et répondre aux défis climatiques, sera-t-elle encouragée ? Le renouvellement des générations sera-t-il soutenu ? Peut-il s'envisager sans traiter la question du foncier ? Cette dernière est peu abordée dans ce texte, or elle est centrale, et la Safer pourrait jouer un rôle déterminant.

Comme l'a titré récemment un grand hebdomadaire agricole, un montage sociétaire a franchi le Rubicon en installant dans une exploitation agricole un « régisseur », dont le métier ne sera pas celui de paysan. Jadis, chez nous en Bretagne, il n'y avait de régisseur que celui qui régissait le domaine du château. (M. Daniel Salmon apprécie.)

En matière de répartition des terres, il y aurait lieu de faciliter les échanges de foncier. Ces questions sont centrales, plus encore en Bretagne, région d'élevage. Or l'élevage est en souffrance.

Cette loi d'orientation agricole comporte des dispositions spécifiques pour répondre ponctuellement à certaines situations. Les amendements y contribueront, je n'en doute pas, mais la principale faiblesse de ce texte réside dans le fait que nous n'abordons pas le sujet de fond.

L'agriculture, nourricière, est vitale pour l'humanité. L'avoir versée dans la mondialisation conduit à des pertes de souveraineté, car, quoi que l'on fasse, le poulet brésilien sera toujours moins cher à produire que chez nous. Ceci devrait nous inciter à chercher de nouveaux dispositifs.

Si les normes et contrôles tatillons exacerbent les mécontentements, la chute de nos productions et les départs non compensés ont pour cause le manque de rémunération du travail paysan.

Ce n'est pas en renonçant à l'agroécologie que nous garantirons un avenir pour l'agriculture. (M. Daniel Salmon applaudit.)

La loi de modernisation de l'économie a privilégié l'aval à l'amont, la distribution à la production. Or la question de fond devrait être celle du retour de la valeur ajoutée à la ferme. C'est cette course effrénée tirant les prix vers le bas qu'il faut remettre en cause, dans cet univers mondialisé que Mme la ministre a comparé à la tectonique des plaques.

Les éléments sur la transition agroécologique et l'adaptation au changement climatique ont disparu du texte, alors qu'ils sont déterminants. La place accordée à la juste rémunération des agriculteurs, déjà faible, a été encore réduite. L'ambition de renouvellement des générations est considérablement amoindrie.

S'agissant de la souveraineté alimentaire, il aurait fallu faire référence à la pêche. Nous comptons 12 458 marins-pêcheurs, dont 9 300 en métropole et 3 000 en outre-mer. Breton, j'ai une pensée pour eux.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Ce n'était hélas pas dans le périmètre...

M. Gérard Lahellec.  - En l'état, ce texte ne permettra pas ni de lutter contre l'effondrement du nombre d'exploitations ni de préparer correctement les agriculteurs de demain. Il aura au contraire des conséquences en cascade qui accroissent la vulnérabilité du secteur.

Nous souhaitons un infléchissement sérieux du texte et ne l'adopterons pas en l'état. (Applaudissements à gauche)

M. Daniel Salmon .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) En dix ans, 100 000 fermes ont disparu, soit 20 % d'entre elles. Un gigantesque plan social ! Si l'on ne fait rien, un tiers des fermes rescapées aura disparu d'ici à 2030. Le mal-être est général. Cela devrait suffire à nous faire renverser la table.

Cette loi d'orientation agricole nous arrive enfin, avec comme orientation : la fuite en avant. Ce texte se complaît dans l'inaction, voire accélérera le processus de destruction du tissu agricole et rural. Le rapporteur a choisi cette fuite mortifère, avec comme seule boussole la compétitivité et le triptyque « robotique, génétique, numérique ».

La définition de la souveraineté est très éloignée des droits individuels et collectifs définis en 1996 à Rome par Via Campesina. De quelle souveraineté parlons-nous ? Nous y reviendrons.

Produire est essentiel, mais comment, quoi et pour qui ? Ce modèle agricole détruit les conditions mêmes de sa survie, au profit des géants de l'agroalimentaire...

Nous sommes loin de l'ambition initiale du texte, qui devait répondre au défi du renouvellement des générations. Après le passage en commission, le résultat est caricatural. En vous acharnant contre les solutions écologiques, c'est notre souveraineté que vous attaquez. Quasiment toutes les références à l'agroécologie et au bio ont disparu.

Le volet formation et enseignement passe à côté, alors que 30 à 50 % des futurs agriculteurs veulent s'installer en bio. L'enseignement supérieur agricole devrait être un outil stratégique de notre politique agricole, mais vous promouvez un bachelor que la plupart des établissements n'ont pas les moyens de mettre en place.

Crise après crise, toujours rien sur le revenu - alors qu'un revenu digne est la principale demande des agriculteurs.

Rien sur l'adaptation au changement climatique et la transition vers l'agroécologie ; la biodiversité est totalement absente. Si l'on ne fait rien pour renforcer la résilience des exploitations, le surcoût lié aux aléas climatiques sera de 1 milliard d'euros, selon le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER).

Vous omettez l'aspect environnemental du diagnostic modulaire pour l'orienter uniquement vers le développement économique - la focale est étroite et révélatrice.

Limité par l'application de l'article 45 de la Constitution, le texte ne traite pas la question essentielle du foncier. Aucun renforcement des contrôles, rien contre les montages sociétaires, l'accaparement et la financiarisation. Souhaitez-vous seulement mettre fin à ce grand plan social en cours ?

Alors que la filière bio subit la pire crise de son histoire, vous supprimez les objectifs chiffrés. Laissons faire le marché, la santé passera après ! Encore une fois, l'agrobusiness impose sa vision.

Si un cap est enfin donné en matière d'installation, avec l'objectif de 500 000 nouveaux exploitants d'ici à 2035, il restera vain sans moyens.

Les reculs en matière de droit de l'environnement ont été encore aggravés en commission. En introduisant un critère d'intentionnalité impossible à prouver, vous dépénalisez dans les faits la destruction d'espèces protégées. C'est open bar pour les promoteurs immobiliers ou les chasseurs mal intentionnés - sous couvert de simplification, bien sûr.

Notre projet est autre : nourrir les humains, protéger la terre et le vivant, assurance vie des agriculteurs. Cela suppose une transition systémique. La transition agroécologique est un rêve, mais aussi une réalité, vécue par de nombreux agriculteurs productifs, fiers de leur indépendance, qui donnent envie et méritent d'être soutenus.

Ceux qui voulaient que rien ne change seront satisfaits. Pour notre part, nous continuerons à relayer la voix des scientifiques, à accompagner les innovations en matière d'agroécologie. Partout, nous encourageons à partager la terre, à se former, à transmettre, à coopérer.

Nous nous opposerons avec force à ce texte indigent, voire dangereux, et nous battrons pour des agriculteurs nombreux et heureux et pour des campagnes vivantes. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

M. Jean-Claude Tissot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Après la proposition de loi visant à réintroduire les produits phytosanitaires, voici le deuxième étage de la fusée. Promise par le candidat Macron en 2022, en réponse à la crise agricole de 2024, cette grande loi agricole s'est fait attendre.

À l'origine, trois constats. D'abord, une crise sanitaire et environnementale. Influenza aviaire, peste porcine, fièvre catarrhale ovine : les épidémies nous obligent à réfléchir à l'accompagnement des filières en amont. Les conséquences du changement climatique sont de plus en plus visibles. L'année 2022, représentative du climat futur, a vu les rendements des cultures d'été diminuer de 4 à 20 %. Nous n'en sommes qu'au début et ce n'est pas en supprimant l'Agence bio que l'on résoudra la crise. (Mme Audrey Linkenheld approuve.)

La crise est aussi économique et commerciale, entre hausse des coûts de production, concurrence étrangère, relations commerciales tendues et, surtout, revenus insuffisants. La situation est contrastée selon les filières. La France importe 20 % de son alimentation - cela a doublé en valeur depuis 2000. D'où la nécessité d'assurer une réelle souveraineté alimentaire.

Troisième constat : une crise du renouvellement des générations. Un tiers des fermes a déjà disparu en vingt ans, la moitié des agriculteurs partiront en retraite d'ici à 2030 et seuls deux départs sur trois seront remplacés. Or pas de pays sans paysans ! Selon l'étude d'impact, il faudrait installer 20 000 agriculteurs par an, contre 15 000 actuellement. Près de 70 000 postes sont à pourvoir.

Ces trois constats expliquent en grande partie la colère légitime du monde agricole. Gardons-les à l'esprit.

Cette loi d'orientation est loin d'être à la hauteur ; en tant qu'ancien agriculteur, j'en suis le premier déçu. Elle ne fait que prolonger la politique libérale menée depuis des années.

Les notions évoquées à l'article 1er - potentiel agricole, intérêt général majeur, non-régression - sont floues et sujettes à interprétation. Elles sous-tendent une logique productiviste et pourraient à terme remettre en cause la réglementation environnementale.

Sur la notion de souveraineté alimentaire, nous passons à côté de l'essentiel, à savoir l'accès de tous à une nourriture saine et diversifiée. En adoptant un prisme purement économique, on donne un blanc-seing à l'agro-industrie pour produire toujours plus, sans un regard pour les plus petites structures ni pour l'environnement.

À l'article 13, avec le principe de présomption de non-intentionnalité, on crée un permis de détruire la nature.

La Défenseure des droits a critiqué l'article 15, qui réduit de manière disproportionnée le droit au recours contre des projets d'ouvrages hydrauliques agricoles.

Ces articles 13, 15 et 17 constituent autant de régressions environnementales. Nous proposerons leur suppression.

Entre le texte issu de l'Assemblée nationale et celui-ci, le nombre d'occurrences du terme « agroécologie » est passé de dix-sept à trois.

Quantité de sujets cruciaux ne sont pas évoqués. Rien sur le revenu agricole, alors que celui-ci a baissé de 40 % en euros constants en vingt ans ; sur la construction des prix, reportée à une loi Égalim 5 ; sur le foncier, pour lutter contre l'accaparement des terres ; sur la réorientation de la PAC ; sur l'accompagnement à la transition agroécologique.

Nous ne sommes pas les obscurantistes verts que vous aimez dépeindre. Nous souhaitons simplement installer de jeunes agriculteurs, que l'exercice de leur métier ne rende pas malades, qui puissent produire une alimentation saine et accessible à tous et vivre de leur métier. Comment peut-on concevoir une loi programmatique qui n'aborde pas ces questions ?

Le groupe SER votera contre ce projet de loi qui n'est pas à la hauteur des attentes du monde agricole. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Stéphane Ravier .  - Ce projet de loi, c'est la botte de paille de Gabriel Attal, jeune bobo parisien en costume-cravate-Weston qui joue au paysan devant les journalistes.

Depuis les manifestations de colère historiques de février 2024, aucune promesse n'a été tenue. Les importations d'Ukraine continuent de nous inonder, le Mercosur et le Ceta sont toujours sur la table, tout comme le pacte vert, pacte de décroissance et de corruption, et sa folie normative. (Sourires moqueurs sur les travées du GEST)

Le moment de clarté imposé par Donald Trump doit nous faire sortir de la confusion macronienne. Toute promesse à l'égard de la ruralité sera vaine si vous ne sortez pas de vos ambiguïtés structurelles.

Vous ne pouvez pas parler de souveraineté alimentaire et agricole sans sortir des règles de l'OMC, madame la ministre. (Sourires moqueurs à gauche) Il faut préférer nos paysans à l'OMC ! Vous ne pouvez pas encourager la concurrence libre et non faussée à l'intérieur de l'Union tout en conservant le harcèlement bureaucratique et les surtranspositions. Il faut préférer nos paysans à la fausse morale décroissante ! Vous ne pouvez pas soutenir l'OFB, l'organisation des fanatiques de la biodiversité, qui traite nos paysans comme des dealers, ni supporter que les ONG fassent la loi à Bruxelles avec notre argent dilapidé par la Commission. Il faut préférer nos paysans à l'OFB, aux ONG et à l'Union européenne ! Vous ne pouvez pas soutenir la fédéraliste von der Leyen, tout en prônant la souveraineté agricole. Il faut préférer les paysans français à la mère Fouettard allemande !

Sans quoi, ce texte ne sera qu'un feu de paille, défendu par des hommes de paille, condamnant nos agriculteurs à finir sur la paille. L'agriculture française sera souveraine si les paysans vivent souverainement de leur travail, et peuvent en transmettre le fruit sans être étouffés par la fiscalité.

Depuis juillet, l'agenda du président Macron s'est allégé. Plutôt que de se préoccuper du prix du billet d'entrée au Louvre ou du paiement au péage par smartphone, qu'il s'intéresse donc aux tarifs douaniers. Un peu de trumpisme ne fera pas de mal. Cela lui permettra peut-être de visiter le Salon de l'agriculture entouré de paysans et non de CRS.

M. Pierre Médevielle .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Guislain Cambier applaudit également.) Les textes se bousculent, et c'est tant mieux, car il y a urgence à transformer notre modèle agricole.

Pour faire de ce texte un moteur pour l'agriculture française, il faut des décisions claires, efficaces, en adéquation avec les réalités.

Le regard sur l'agriculture doit changer. Il faut stopper le bashing. Nos agriculteurs souffrent, le métier n'attire plus, faute de rémunération suffisante. Les récentes crises nous ont montré combien la souveraineté alimentaire est indispensable. Stop à l'inflation normative et aux surtranspositions. Nous devons retrouver notre rang de premier exportateur européen.

Le gouvernement Attal avait apporté des réponses concrètes lors de la crise agricole en janvier 2024, mais les tensions se sont exacerbées depuis, lors des négociations avec le Mercosur. Des solutions conjoncturelles et rapides sont indispensables.

Je me félicite de l'adoption de la proposition de loi Duplomb, qui apporte des réponses directes à certaines difficultés rencontrées. Les attentes sont fortes et justifiées.

Ce projet de loi d'orientation déterminera la direction que nous donnerons à notre agriculture pour les années à venir. Il doit s'inscrire dans la durée, comme une première étape de planification.

Une nation incapable de produire ce qu'elle consomme reste-t-elle indépendante ? Malgré les apports des députés, le texte reste insatisfaisant en l'état. Je salue le travail effectué au sein de notre commission des affaires économiques. Nous aurons l'occasion de simplifier ou préciser certaines dispositions.

L'article 1er, largement réécrit, doit consacrer la souveraineté alimentaire, sans complexifier. Nous proposerons des réécritures.

De l'installation et de la transmission dépend l'avenir de la profession - sans parler de l'enjeu d'aménagement du territoire. Trop de cessations d'activité ne sont pas compensées, or le temps perdu ne se rattrape pas. Faire connaître les métiers de l'agriculture, moderniser l'enseignement, faire évoluer les regards, innover, intégrer les nouvelles pratiques tout en s'adaptant au changement climatique : les enjeux sont nombreux.

Les jeunes qui s'installent ne sont plus enfants ou petits-enfants d'agriculteurs. Ils ne veulent pas forcément être propriétaires de leur terre. Il faut réfléchir à de nouveaux outils, comme les groupements fonciers agricoles d'investissement (GFAI) imaginés par Vanina Paoli-Gagin dans sa proposition de loi de 2023. Nous reviendrons également sur la haie, le défrichement et l'assainissement.

Le groupe Les Indépendants sera toujours aux côtés de nos agriculteurs. Il y va de notre souveraineté. Nous réservons notre vote. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Guislain Cambier applaudit également.)

Mme Pascale Gruny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le monde agricole traverse une succession de crises, devenues existentielles. Les causes sont connues : surtranspositions, bureaucratie tatillonne, règles de négociations commerciales non respectées, accords de libre-échange mortifères, agribashing... Comment s'étonner dès lors de l'effondrement de notre compétitivité et du découragement du monde paysan ?

Je redis le soutien inconditionnel de la majorité sénatoriale au monde agricole. Le travail de nos rapporteurs sur ce texte l'illustre à nouveau.

Ce projet de loi d'orientation porte mal son nom : trop bavard sur certains sujets, muet sur d'autres. La commission a renforcé sa normativité et simplifié son contenu. Elle a enrichi le volet installation et transmission, sachant qu'un tiers des agriculteurs partiront à la retraite d'ici à 2030. Elle a allégé les contraintes et la pression psychologique pesant sur les agriculteurs en cas de contrôle, et réécrit l'article sur le régime juridique des haies. Les dispositions sur l'enseignement agricole s'inspirent des propositions de notre mission d'information de 2021.

Cela dit, ce projet de loi ne produira pas de miracle. Il doit être l'un des maillons d'une séquence plus vaste. Je pense à la réforme des retraites agricoles sur les 25 meilleures années, que nous défendons depuis longtemps au Sénat, et qui entrera en vigueur en 2026 - si le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) est adopté. Madame la ministre, la rétroactivité prévue à partir de mars 2028 ne devra s'appliquer qu'exceptionnellement.

La réponse à la crise agricole passe aussi par l'Union européenne. Or la voix de la France ne porte plus à Bruxelles. La résolution européenne sur la PAC adoptée par le Sénat en décembre dernier montre que le chemin est encore long.

L'agriculture est à un tournant. Faute de réaction, il sera trop tard. Défendre notre agriculture, c'est aussi défendre le droit à une alimentation saine et sûre ; c'est un enjeu de santé publique. Nous vous attendons ici et à Bruxelles, madame la ministre !

Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Annick Jacquemet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Vincent Louault applaudit également.) L'examen de ce texte, tant attendu par le monde agricole, est une bonne nouvelle. Il a une double vocation : traiter les problématiques d'orientation, de formation, de transmission et d'installation ; apporter des réponses concrètes à la mobilisation des agriculteurs, début 2024.

Le défi du renouvellement des générations est immense ; la création d'un guichet unique d'orientation et d'accompagnement, dénommé France installations-transmissions, ne suffira pas, on le sait.

La crise démographique n'est pas une fatalité. Dans le Doubs, en raison des débouchés offerts par les fromages sous AOC, l'âge moyen des exploitants n'est que de 47 ans ; le taux de remplacement est de 95 %, grâce à une bonne dynamique d'installation - 80 à 100 par an. Preuve que l'attractivité des métiers agricoles est intimement liée à la viabilité du modèle économique des exploitations.

Ceux qui nous nourrissent doivent continuer d'assurer leurs missions premières. Nous soutenons l'introduction, à l'article 1er, d'un principe de non-régression de la souveraineté alimentaire.

L'ambition en matière de formation est louable. La formation à l'agriculture biologique, financée à hauteur de 180 millions d'euros par an, ne doit pas être oubliée. Opposer les modèles serait contre-productif.

Nous devons retisser les liens entre l'agriculture et la société. La mise en place du programme national d'orientation et de découverte des métiers agricoles y contribuera.

Sur le volet simplification normative, il faudra aller plus loin pour faciliter la vie de nos agriculteurs.

L'article 7, fruit d'un large compromis, autorise les auxiliaires vétérinaires à réaliser certains actes de médecine et de chirurgie. Le décret d'application devra demeurer fidèle à la loi, madame la ministre.

S'agissant de la présence du loup, les dispositions prévues à l'article 16 n'auront qu'une portée limitée. Il faudra y revenir, car l'avenir de l'élevage français est en jeu.

Sans résoudre tous les problèmes, ce projet de loi comporte des avancées réelles. Le groupe Union centriste le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Laurent Duplomb applaudit également.)

M. Franck Montaugé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) « Vieux monde qui se meurt, clair-obscur d'où surgissent les monstres » - vous vous êtes inspirée de Gramsci, madame ministre, dans votre discours. Excellente référence ! (Sourires) Oui, nous devons comprendre le moment présent et dire le nouveau monde que nous voulons pour demain.

En 2014, la France se dotait d'une loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, qui portait sur les fonts baptismaux l'agroécologie, avec un triple objectif de performance : économique, sociale et environnementale. Dix ans après, il aurait fallu l'évaluer, car certaines questions conditionnent le devenir de l'agriculture française, à l'heure des transitions écologique et énergétique.

La chute du nombre des exploitations et des emplois, les difficultés à recruter, les pertes de surface utile, le niveau des rémunérations illustrent le caractère darwinien des évolutions à l'oeuvre. Aussi, les expressions récentes de la profession agricole auraient dû être mieux entendues, notamment sur le revenu.

À la suite des états généraux de l'alimentation, les lois Égalim se sont succédé, sans apporter de solutions pérennes. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les agriculteurs manifesteront ; et l'on trouvera de moins en moins de candidats à l'installation ou à la reprise.

La formation, le conseil, le diagnostic des exploitations ne répondront pas à la question cruciale du revenu.

Alors que le marché fait loi, le développement de l'agroécologie nécessite la mise en oeuvre d'outils de régulation des prix et du marché. En 2016, nous avions fait voter le fonds de stabilisation du revenu agricole - M. Cabanel le sait. La PAC contribue au revenu agricole, mais de façon uniforme et rigide.

Les producteurs subissent la volatilité des prix, d'autant plus que les mécanismes de régulation ont disparu. Il en est ainsi des quotas laitiers, avec pour conséquence la quasi-disparition du cheptel et la réduction de la polyculture-élevage dans certains territoires comme le Gers.

Peu de pays ont mis en place des dispositifs de gestion des risques de marché alors que le règlement européen 1305 de 2013 le permet. Il faut réguler certains marchés à partir de corridors de prix, entre prix plancher et prix plafond.

Des évolutions structurelles de la PAC doivent être envisagées. La légitimité de la PAC est mise en doute par le grand public. Interrogeons-nous sur les modèles agricoles.

Afin d'approfondir le modèle agroécologique, la PAC devrait passer de primes surfaciques à des paiements pour services environnementaux. Ces sujets ne font pas partie du périmètre du texte, mais quelles évolutions souhaitez-vous pour la PAC ? Je pense notamment à la qualité biologique et sanitaire des sols et au maintien de la polyculture-élevage, vitale pour le devenir de pans entiers de notre territoire national.

Nous regrettons que ce projet de loi ne contienne pas de mesures concrètes sur le foncier. Quels sont vos objectifs d'emplois agricoles, de nombre d'exploitations, de surface d'exploitation moyenne ? Dans le Gers, les agriculteurs ne se projettent plus, au point de dissuader leurs enfants de prendre la suite.

Le désespoir, on le sait, conduit parfois au pire.

Quel modèle, alors, nous donner ? Agriculture d'industrie, faite de sociétés d'investissements et d'exécutants ou agroécologie insérée dans les territoires ruraux, ou bien la coïncidence des deux au profit d'un développement territorial assumé ? La notion de souveraineté alimentaire doit être débattue, avec ses aspects environnementaux, et dans une perspective humaniste.

Hélas, ce texte ne répond pas aux attentes légitimes d'une grande partie de nos agriculteurs.

Notre groupe contribuera à faire vivre le débat. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Henri Cabanel applaudit également.)

M. Laurent Somon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le paysan meurt de faim ou disparaît et son maître, la suradministration, l'immobilise, dit le proverbe polonais que j'ai paraphrasé.

Ce texte démontre le besoin de relever le défi d'entreprendre ensemble en agriculture, comme l'avait noté Michel Barnier. Les Français seront les grands gagnants de cette réussite.

La question est celle de la compétitivité des agriculteurs français. « Toutes les idéologies politiques qui ont voulu modifier le monde paysan ont échoué parce que le monde agricole ne peut être régi par des théories, il est régi par la réalité », a dit Olivier de Kersauson, laboureur des mers.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Très bien !

M. Laurent Somon.  - Face aux avalanches de normes, d'interdictions, d'impératifs - jachères, haies -, aux accords commerciaux déséquilibrés, la crise agricole de 2023 nous conduit à prendre des mesures importantes avant le Salon de l'agriculture. Il n'y a pas d'un côté le monde agricole et de l'autre les défenseurs de l'environnement. L'agriculture, c'est l'intérêt général. Le Sénat y veille.

Nous faisons face à deux enjeux : le vieillissement inédit de la population agricole et le déficit d'attractivité des métiers agricoles.

Ce texte a été voté en mai 2024 par les députés, sur une promesse d'Emmanuel Macron de 2022. Les rapporteurs ont amélioré le texte, pour que les outils proposés soient au service des agriculteurs. L'agriculture devient un intérêt fondamental de la nation, grâce aux rapporteurs, et l'agriculture, la pêche et l'aquaculture sont d'intérêt général majeur.

Nous sont proposés un principe de non-régression agricole et un principe de non-surtransposition, afin que la France cesse de pénaliser son agriculture à cause d'un suractivisme normatif.

Ce texte s'inscrit dans une vaste séquence agricole : PLF, PLFSS, et plusieurs propositions de loi : visant à lever les contraintes du métier d'agriculteur, Haies, Démocratie agricole. Nous sommes loin de la loi d'orientation de 1960. Je remercie les rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville pour leur travail.

Le texte ne réglera pas tous les problèmes. Il demeure insuffisant en matière de transmission et d'installation.

Sans faire la liste exhaustive des articles, il s'agit de promouvoir la formation, supprimer les GFAI, créer un guichet unique, réécrire les dispositions sur les diagnostics modulaires, aider l'installation, dépénaliser certaines infractions environnementales non intentionnelles... Depuis près d'un an, tous les agriculteurs de tous les départements attendent des mesures législatives.

Mme la présidente.  - Il faut conclure.

M. Laurent Somon.  - Redonnons confiance aux paysans dans leur pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. M. Yves Bleunven applaudit également.)

M. Yves Bleunven .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Enfin, nous y voilà ! Je salue le travail des rapporteurs qui ont transformé un texte peu engageant en une promesse d'avenir pour nos agriculteurs. (M. Jean-François Husson applaudit.)

Tous nos débats porteront sur la compétitivité et la souveraineté. Ce n'est qu'en renforçant ces deux piliers que nous pourrons répondre aux défis de l'attractivité et du changement climatique.

L'agriculture française est belle et reconnue internationalement. Pourtant, elle décline. Nous marchons sur la tête. La ferme France perd des parts de marché ; parallèlement, l'inquiétude grandit alors que les fermes familiales laissent place à des exploitations industrielles.

L'image du paysan de village reste chère au coeur des Français, mais la réalité a évolué. La mécanisation a réduit le nombre d'agriculteurs et a fait de la productivité et de la compétitivité des enjeux incontournables. Les conditions de travail ont été améliorées. Il ne faut pas éluder ces sujets. L'agriculture n'est pas détachée des réalités économiques et sociétales.

Les paysans sont des entrepreneurs, dont l'activité repose sur une logique de coûts et de bénéfices. Il ne faut pas tout sacrifier pour autant à la rentabilité.

Nous devons un revenu digne à nos agriculteurs et devons engager une simplification des normes et des obligations.

Par exemple, les contraintes administratives qui découlent du classement ICPE (installation classée pour la protection de l'environnement) vont au-delà de ce qu'impose l'Union européenne. Le texte proposé est une promesse pour les paysans, mais restons vigilants.

Le titre Ier consacre l'agriculture comme étant d'intérêt général majeur. Que de bavardage, si la protection des agriculteurs n'est pas renforcée... Il faut défendre concrètement nos agriculteurs. (M. Vincent Louault applaudit.)

Le texte répond au défi de l'attractivité des métiers ; face au bouleversement démographique à venir, nous devrons mieux anticiper la transmission. Le sujet du foncier, véritable marronnier, devra être au coeur de nos débats.

Il faut redonner des perspectives à notre agriculture - une véritable loi d'orientation, en somme.

Sur la base du travail de fond mené en commission, nous pouvons apporter en séance de premières réponses afin que notre agriculture renoue avec l'optimisme. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

Mme Béatrice Gosselin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'agriculture française est à un tournant : poids administratif écrasant, difficultés d'installation... Nos agriculteurs demandent des réponses fortes.

Ce projet de loi, avancée nécessaire, doit s'accompagner d'une programmation ambitieuse assortie d'objectifs précis. Proclamer ne suffit pas, il faut agir.

Dans mon département, la Manche, nous avons recensé 108 installations en 2023 et 96 en 2024, mais ce n'est pas assez, quand l'objectif est de 150 installations par an.

En Normandie, terre d'élevage, seulement 38 % des installations concernent l'élevage bovin laitier. Le guichet unique France installations-transmissions doit être pleinement opérationnel pour accompagner les transitions. Il doit mettre en relation cédants et repreneurs et faciliter chaque étape de l'installation et de la transmission.

Dans la Manche, la baisse de 1 100 exploitants agricoles a été partiellement compensée par la hausse du nombre de salariés - plus 1 000. Il faut renforcer la formation. Les contrats de plan régionaux de développement des formations et de l'orientation professionnelles peuvent être une réponse.

Depuis 2022, l'État a modifié le mode de calcul des aides qui bénéficiaient auparavant à l'enseignement privé agricole. Ces établissements ont perdu 25 à 40 millions d'euros, soit 25 % des subventions actuelles. Cela nuit à la capacité des établissements à former les prochaines générations d'agriculteurs.

L'article 13, qui allège la pénalisation de certaines infractions environnementales, va dans la bonne direction. Mais il faut une présomption de bonne foi. Les agriculteurs ne doivent plus être regardés comme des suspects, face à des réglementations toujours plus complexes.

L'article 14 introduit une nouvelle réglementation des haies, enjeu fondamental. Le bocage est un élément structurant du paysage normand. Il faut accompagner la transition avec des moyens techniques adaptés, et territorialiser la gestion.

Il faut une mise en oeuvre équilibrée des dispositions. Nous devons aussi mieux anticiper les impacts des infrastructures électriques et de télécommunications sur les exploitations agricoles. J'ai déposé un amendement imposant un diagnostic préalable obligatoire avant l'installation d'une éolienne ou d'une antenne-relais à proximité d'un élevage. Trop d'exploitants découvrent trop tard l'impact de ces infrastructures sur leur élevage.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

Mme Béatrice Gosselin.  - C'est une première étape. Il faut agir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)

M. Pascal Allizard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie les rapporteurs pour leur travail.

Ce texte tombe à point nommé. L'agriculture française, fleuron et fierté nationale, va mal. La profession, dure et peu rémunératrice, n'attire plus les jeunes. La population agricole vieillit. Les colères durent, à quelques semaines du Salon de l'agriculture.

Le Sénat prête une attention constante à la souveraineté alimentaire. Je salue la proposition de loi de M. Laurent Duplomb, récemment adoptée.

De nombreux territoires agricoles, comme le Calvados, ne veulent plus être les variables d'ajustement des politiques publiques.

Le mot de souveraineté s'est imposé à la faveur de la crise du covid et de la guerre en Ukraine. Mais cette prise de conscience est-elle à la hauteur des enjeux ? Ce texte est-il suffisant ?

Les accords commerciaux européens, présentés par Bruxelles comme gagnant-gagnant, posent problème au monde agricole. J'avais eu l'occasion de le souligner en tant que rapporteur sur le Ceta. Toutefois, nos 3 300 milliards d'euros de dette entament notre crédibilité à Bruxelles. Quelles marges de manoeuvre budgétaires aurons-nous dans les prochaines années ? Quelle place pour l'agriculture ? La question se pose pour l'accord avec le Mercosur, que la Commission européenne tente de faire avaliser par divers artifices.

L'agriculture doit redevenir une priorité, si l'on ne veut importer toujours davantage, y compris des produits obtenus dans des conditions sociales et environnementales moins-disantes. Que sera notre souveraineté si les jeunes continuent de s'éloigner des filières agricoles en raison d'un système de concurrence faussée ?

Plusieurs filières agricoles ont été déstabilisées par la guerre en Ukraine. La perspective d'entrée dans l'Union européenne de ce pays, fleuron agricole de l'URSS, est un sujet d'inquiétude auquel il faudra répondre.

La restauration d'une agriculture française compétitive est un chantier d'urgence nationale au service de notre souveraineté. Ne commettons pas avec l'agriculture la même erreur funeste qu'avec l'industrie.

Sortons des politiques du chéquier au coup par coup, pour nous projeter sur le long terme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Marie-Jeanne Bellamy .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La crise agricole est profonde. Entre 2018 et 2023, le Parlement a examiné trois lois Égalim, écho de l'impuissance politique.

Dès 2019, le Sénat alertait les pouvoirs publics sur l'état de notre agriculture. En 2022, le rapport sur la ferme France appelait à un choc d'ici à 2028. L'urgence est là. La moitié des agriculteurs actuels atteindra l'âge de la retraite entre 2025 et 2026, et seulement deux départs à la retraite sur trois sont remplacés.

En septembre 2022, le Président de la République s'était engagé à signer un pacte d'orientation et d'avenir pour notre agriculture sur les sujets d'orientation, de formation, de transmission et de transition. La concertation a été lancée en décembre 2022, et un rapport publié six mois plus tard. Ensuite, les mouvements de l'hiver 2023 ont appelé une réponse du Gouvernement. Ce texte, initialement conçu comme une loi de programmation, est devenu une réponse à la crise. Déposé en avril 2024 à l'Assemblée nationale et voté un mois plus tard, il arrive neuf mois après au Sénat. L'instabilité politique a un prix, et ce sont nos concitoyens qui le paient...

Marc Fesneau voulait fixer un cap clair et adapter nos politiques agricoles aux défis, notamment de la souveraineté alimentaire. Le texte n'est pas à la hauteur des enjeux, malheureusement. Il ne dresse aucune perspective en matière de foncier, de revenu, de fiscalité ou d'innovation. En 2017, l'une des promesses du candidat Macron était de permettre aux agriculteurs de vivre de leur travail. Il est temps de répondre à leurs attentes !

Je salue le travail des rapporteurs, qui ont enrichi le texte pour mieux répondre aux attentes légitimes du monde agricole. Ce doit être le maillon d'une séquence agricole plus large.

Plus que de belles paroles, les agriculteurs attendent et méritent des avancées concrètes. Dans mon département, la Vienne, ils sont en souffrance. Ces femmes, ces hommes, ces familles, méritent que nous trouvions des réponses à leurs difficultés, qui durent depuis trop longtemps. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Franck Menonville et Marc Laménie applaudissent également.)

Mme Annie Genevard, ministre.  - Ce texte est le fruit d'une volonté ministérielle qui n'était pas la mienne. À tout seigneur tout honneur, j'en rappelle l'auteur : Marc Fesneau, qui a voulu ce texte à la suite des mouvements agricoles. L'enjeu était de donner un cap clair et d'adapter nos politiques agricoles pour améliorer la souveraineté alimentaire.

Nous l'avons attendu. Monsieur Médevielle, vous avez dit que nous aurions plus de temps pour l'examiner que s'il avait été inscrit à l'ordre du jour en juin. Je vous remercie de cette note positive !

Il est toujours bon de prendre son gain. Or ce texte apporte des gains aux agriculteurs.

L'article 1er fixe des orientations sans déclinaison opérationnelle. Mais il faut bien des orientations dans une loi d'orientation...

L'intérêt général majeur qui contribue à la défense des intérêts fondamentaux, ce n'est pas qu'une formule. Ces mots trouveront une traduction juridique. Or le monde agricole est très judiciarisé.

M. Vincent Louault.  - Exactement !

Mme Annie Genevard, ministre.  - Ne sous-estimez pas la portée de cet article.

L'enseignement professionnel agricole est une pépite française. Tous les pays européens ne disposent pas d'un enseignement d'une telle qualité. En matière d'insertion, c'est une école de la réussite.

La création du bachelor agro répond, au moins partiellement, à la déprise de l'emploi agricole.

De même, la simplification du guichet unique renommé France installations-transmissions est un point majeur.

Je salue également le travail de la commission et des rapporteurs. Vos homologues députés ont également beaucoup retravaillé le texte.

Je poursuivrai ce travail de simplification, que vous avez entamé, durant nos débats.

Ce texte comprend plusieurs mesures importantes.

La dépénalisation, ce n'est pas l'agroécologie qu'on assassine, mais une surtransposition du droit européen.

Mme Kristina Pluchet.  - Bien sûr !

Mme Annie Genevard, ministre.  - Dans le droit européen, il n'y a pas de pénalisation des atteintes involontaires à l'environnement. Cette dépénalisation est bornée à des atteintes circonstanciées.

Ce texte a donc de la substance, même s'il ne comporte pas tout ce que nous pourrions attendre. Vous avez été nombreux à insister sur ses lacunes.

La question foncière, essentielle, est une question en soi. Je l'ai traitée lorsque j'étais députée. Or elle a été rabotée et mérite d'être revisitée, à l'aune notamment d'études récentes conduites par le CGAAER. Avant de lire son rapport, j'étais persuadée que le foncier constituait une part essentielle du coût de la reprise d'une exploitation agricole. Vous seriez surpris.

Le revenu agricole, ce sont trois choses. D'abord, il est d'abord grevé par les charges qui pèsent sur les exploitations. Monsieur Cabanel, le budget de l'agriculture consacre près d'un demi-milliard d'euros aux allègements de charges. On n'est pas dans l'épaisseur du trait ! J'ai jalousement protégé cette somme depuis la censure.

Monsieur Ravier, pas un agriculteur ne pense comme vous concernant la PAC ! Ils savent ce qu'ils doivent à l'Union européenne. Le premier pilier de la PAC, c'est du revenu pour les agriculteurs. Faisons attention à ce que l'on dit.

Pour produire des revenus, il faut ensuite de la terre, de l'eau, et des protections pour les productions animales comme végétales.

Enfin, il faut des prix. Mais ne demandez pas à ce texte ce qu'il ne peut vous donner. Les prix relèvent de la loi Égalim. Pas moins de deux textes sont à venir : une proposition de loi sur la prolongation du SRP+10 et un projet de loi fondé notamment sur l'excellent rapport Loisier-Gremillet.

Le texte ne peut donc comporter un chapitre sur le revenu des agriculteurs, puisque ce sujet est déjà traité ailleurs : dans le PLF et le PLFSS, dans la PAC, dans une future loi foncière, entre autres.... Ne sous-estimez pas l'importance que nous attachons à toutes les notions que vous avez évoquées.

Chère Pascale Gruny, je vous remercie d'avoir évoqué la question des retraites agricoles. Nous veillerons à ce que la loi soit applicable dès le 1er janvier 2026 et serons attentifs aux polypensionnés et à la question de la retraite des femmes agricultrices.

Je vous invite à m'apporter votre expertise. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Bernard Buis applaudit également.)

Discussion des articles

Titre Ier

Mme la présidente.  - Amendement n°799 du Gouvernement.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Nous proposons une nouvelle formulation pour que l'intitulé du Titre Ier corresponde mieux au contenu de l'article.

Dans l'article 1er, c'est la souveraineté alimentaire qui est érigée au rang d'intérêt fondamental de la nation. Il faut aller à l'essentiel, et donc « Reconquérir la souveraineté alimentaire de la France pour la défense de ses intérêts fondamentaux ».

Mme la présidente.  - Amendement n°288 rectifié ter de M. Tissot et du groupe SER.

M. Jean-Claude Tissot.  - Cet amendement renomme l'intitulé du Titre Ier du projet de loi. Ériger l'agriculture au rang d'intérêt fondamental de la Nation, au même titre que l'intégrité du territoire ou l'environnement, suscite nos réserves. Que l'on ne s'y trompe pas : nous sommes tous d'ardents défenseurs de notre agriculture. Mais la rédaction actuelle de l'article 1er fixe une orientation beaucoup trop libérale pour que les sénateurs socialistes puissent le voter.

La souveraineté alimentaire ne peut pas se faire à n'importe quel prix, et notamment pas au détriment de l'environnement ou de la protection des Français. Nous proposons, plus sobrement : « Reconquérir notre souveraineté alimentaire ».

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Sagesse sur l'amendement n°799 du Gouvernement. Madame la ministre, nous avons décalé une partie de l'article 1er à l'article 8 dans lequel nous avons réinjecté tous les éléments programmatiques relatifs à l'installation et à la transmission.

Avis défavorable à l'amendement n°288 rectifié ter : nous sommes attachés à qualifier l'agriculture comme étant d'« intérêt fondamental de la Nation. »

Mme Annie Genevard, ministre.  - Cet avis de sagesse ressemble à un avis favorable...

Finalement, monsieur Tissot, vous reprenez notre idée de reconquête, mais la mention de la défense des intérêts fondamentaux est essentielle. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Jean-Claude Tissot.  - Et l'avis du Conseil d'État ?

M. Daniel Salmon.  - Nous parlons beaucoup de souveraineté, et devons nous interroger sur ce que ce terme recouvre.

Prenons le rapport de FranceAgriMer. (L'orateur brandit un document.) Page 14, à la colonne « importations », on est dans le rouge, mais la France est une plaque de transit : les produits sont importés puis réexportés !

Regardons plutôt la colonne « autoapprovisionnement », qui nous montre -  ô miracle !  - que nous sommes dans le vert. N'ayons donc pas une vision décliniste de l'agriculture française et considérons plutôt les chiffres. (MM. Guillaume Gontard et Jean-Claude Tissot applaudissent.)

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Winston Churchill disait : je ne crois les statistiques que quand je les ai trafiquées.

M. Jean-Claude Tissot.  - Ce ne sont pas des statistiques...

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - On peut faire dire ce qu'on veut aux chiffres... En 2018, les produits importés représentaient 1,5 jour de notre consommation hebdomadaire.

M. Daniel Salmon.  - Quelles sont vos sources ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Aujourd'hui, c'est 2,2 jours !

Mon département produit 400 millions de litres de lait, pour 220 000 habitants. Il faudrait qu'ils boivent du lait nuit et jour ! Les produits de certains territoires doivent être déplacés pour être consommés.

M. Vincent Louault.  - Nous voterons l'amendement du Gouvernement, même si le Conseil d'État considère que l'utilité de la notion d'intérêt fondamental est douteuse - c'est écrit page 4 ! En revanche, l'intérêt général majeur, c'est du droit dur.

Le code rural est très mal écrit et comporte des parties programmatiques qui ne servent à rien. C'est devenu un millefeuille qui se contredit parfois. (M. Pierre Médevielle renchérit.)

En revanche, le code de l'environnement définit tous les termes et est parfaitement écrit.

M. Pierre Cuypers.  - Notre pays importe autant que ce qu'il produit. Parlons plutôt d'autonomie, car nous sommes à la veille d'une rupture.

M. Daniel Salmon.  - Tout à fait !

M. Pierre Cuypers.  - La souveraineté viendra après.

L'amendement n°799 est adopté.L'intitulé du Titre Ier est ainsi modifié.

L'amendement n°288 rectifié ter n'a plus d'objet.

Article 1er

M. Vincent Louault .  - Quand le champ est mal semé, la récolte est mauvaise. Je vous propose donc une réécriture complète de l'article 1er. Le texte de 1960, remanié à de nombreuses reprises, est devenu illisible. Mon amendement, qui reprend l'essentiel des apports de l'Assemblée nationale, est autant de Vincent Louault que de Julien Dive, de Marc Fesneau, ou même du groupe écologiste de l'Assemblée nationale.

Je n'ai pas réussi à le vendre en commission, parce que l'amendement du rapporteur a fait tomber tous les autres. Mais si vous me jetez par la porte, je reviendrai par la fenêtre : je ne lâcherai pas ! (M. Yves Bleunven applaudit.)

M. Olivier Jacquin .  - Agriculteur, je viens de terminer ma quarantième moisson, et je suis en cours de transmission de mon exploitation bio de 150 hectares à un jeune de 23 ans.

Nous devons approfondir le lien entre agriculture et environnement. Mme la ministre hésite... Cessons les régressions, comme la suppression félonne de l'Agence bio.

M. Jean-Claude Tissot.  - Très bien !

M. Daniel Salmon .  - Alors que la désinformation fait rage, faisons confiance aux chiffres, notamment ceux de FranceAgriMer qui semblent faire foi. (L'orateur consulte le document qu'il tient à la main.) Sur trente produits agricoles, seuls cinq sont en rouge, en matière d'autoapprovisionnement : les fruits tropicaux et les agrumes, le riz, le soja et l'huile de palme : logique ! Seul le cinquième pose question : les ovins. Et sur la poudre de lait écrémé, nous sommes à 265 % ; sur les pommes de terre, à 113 % ; et sur le blé, à 195 % ! On n'est pas à 100 % partout, mais on est encore en très bonne position. Ne nous morfondons pas : tout ne va pas à vau-l'eau.

Mme la présidente.  - Amendement n°710 rectifié de M. Lahellec et du groupe CRCE-K.

M. Gérard Lahellec.  - La notion d'intérêt fondamental va faire couler beaucoup d'encre. Cet amendement ne s'oppose pas à l'ambition de conquête de la souveraineté alimentaire. Mais il ne suffit pas de l'affirmer de manière péremptoire. La tendance à cliver ne doit pas nous faire perdre de vue que ce projet de loi présente la compétitivité et la conquête des marchés comme le moyen d'assurer cette souveraineté. Pour nous, c'est contradictoire.

Du point de vue du droit pur, cet article n'est pas efficient.

Soyons plus modestes, pour être plus justes.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis défavorable. La souveraineté alimentaire est fondamentale.

La perte de cette souveraineté est liée à 70 % à notre perte de compétitivité -  charges trop élevées, État trop peu protecteur, guerre des prix dans la grande distribution, modèle agricole vilipendé, etc.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Avis défavorable.

Monsieur Salmon, il y a les rapports de FranceAgriMer, et il y a la réalité. La filière noisette produit 10 % de notre consommation. (Mouvements sur toutes les travées) Les Français aiment les noisettes : ils en sont les quatrièmes mangeurs au monde. Or la filière a perdu 70 % de sa productivité... Comment rester souverain dans ces conditions ? Autre exemple, à Rungis, on me dit : pas d'agneau ce matin. Pourquoi ? Parce qu'on n'est plus autosuffisant.

M. Jean-Claude Tissot.  - On ne l'a jamais été... Notre production, c'est 37 % de la consommation.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Et ainsi de suite !

M. Daniel Salmon.  - C'est le Rainbow Warrior...

Mme Annie Genevard, ministre.  - Christiane Lambert m'a fait un jour une confidence à propos de la souveraineté alimentaire. Quand elle a commencé à utiliser cette notion, l'Union européenne la regardait avec méfiance, voire réprobation, parce que l'Union européenne avait la religion de la libre concurrence.

On ne parle pas de nationalisme alimentaire, mais de souveraineté !

L'alimentation peut devenir une arme stratégique. Il faut nous en prémunir. Regardez ce qui se passe en Ukraine...

M. Jean-Claude Tissot.  - Bien sûr.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Nous voulons encourager la production de nos agriculteurs, pas le productivisme. Nous ne sommes ni en Ukraine, ni en Pologne, ni aux États-Unis.

J'ose le dire : la souveraineté est une notion régalienne. Le Gouvernement fera des propositions.

M. Daniel Salmon.  - Parlons aussi de dépendance : nos exportations nous rendent dépendants des marchés américain et chinois notamment. Quand on exporte du vin, on est à la merci d'un Trump qui relève les droits de douane et on entre dans un jeu de tractations ; ainsi, le conflit commercial entre Boeing et Airbus affecte notre agriculture. Quand on produit 265 % de poudre de lait, on dépend des marchés extérieurs. Ne l'oublions pas.

M. Michaël Weber.  - Ne laissons pas croire que certains seraient favorables à la souveraineté alimentaire, et pas les autres. La question est celle des moyens et de la méthode pour l'atteindre.

Certains souhaitent traiter d'abord la souveraineté alimentaire -  j'en fais partie  - et d'autres veulent profiter de l'occasion pour aller vers plus de productivisme et plus d'exportations. Je ne suis pas contre non plus, mais il faut un équilibre.

M. Vincent Louault.  - C'est sûr, on n'a pas tous la même vision de la souveraineté alimentaire. Certains voudraient tout importer du Brésil ou d'Ukraine. Moi, je défends une souveraineté agricole.

Nous sommes fiers d'exporter, car nous avons les meilleures terres du monde. N'ayons pas honte de nos réussites !

M. Gérard Lahellec.  - La difficulté, c'est la contradiction entre souveraineté et libre-échange.

La mondialisation des prix n'a aucun sens. Vous pourrez faire deux récoltes d'oléoprotéagineux par an au Brésil ; en France, on ne fera jamais deux récoltes de maïs, donc le poulet brésilien coûtera toujours moins cher. Ces mécanismes ne vont pas. L'intégration de l'agriculture dans le Gatt a eu des conséquences terribles.

L'amendement n°710 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°657 rectifié quater de M. Vincent Louault et alii.

M. Vincent Louault.  - Cet amendement de réécriture très lourd est le fruit de concertations à l'Assemblée nationale avec le ministre de l'époque. On y définit clairement l'agriculture, sans oublier l'élevage, l'aquaculture, le pastoralisme, la viticulture, les semences, l'horticulture et l'apiculture. Ensuite, on y définit la souveraineté alimentaire, la souveraineté agricole, la sécurité alimentaire et la sécurité sanitaire alimentaire. Pour faire plaisir à Laurent Duplomb, nous y avons ajouté la défense des intérêts fondamentaux : j'ai tout donné !

L'amendement n°905 supprime des alinéas qui seront proposés à nouveau dans l'amendement n°907. Cette carambouille est déjà dans l'amendement que je vous propose dès ce soir.

Mme la présidente.  - Amendement n°452 de M. Hochart et alii.

M. Joshua Hochart.  - Une petite digression : la ministre a dénoncé les accords de libre-échange. C'était savoureux, quand ses propres amis les mettent méticuleusement en place avec l'Union européenne... Nous, nous les dénonçons depuis des années !

Notre pays doit assurer sa souveraineté, une notion que nous définissons dans le code rural. Nous nous assurons que chaque Français ait accès à une alimentation de qualité. Nous proposons des mesures concrètes pour garantir un revenu décent aux agriculteurs, encadrer les marges abusives des multinationales, renforcer la formation agricole et mener une politique foncière équitable. Nous mettons fin aux surtranspositions. Enfin, en faisant de la commande publique un levier stratégique, nous privilégions enfin les produits français dans la restauration collective.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis défavorable.

Pardon, monsieur Louault, mais nous sommes au Sénat. Je ne critique pas le travail des députés, mais nous avons notre propre travail à mener. Ne faisons pas fi de toutes les heures que nous avons passées avec Franck Menonville. (M. Vincent Louault en convient.)

Nous avons voulu séparer les sujets de souveraineté alimentaire, à l'article 1er, et ceux liés à l'installation, à l'article 8. Or votre rédaction les mêle. Vous proposez trente priorités, dans une liste à la Prévert, alors que nous essayons de les regrouper en quatre, voire cinq priorités.

Je ne dis pas que notre rédaction est parfaite, mais nous n'avons pas la même logique que l'Assemblée nationale. Nous avons voulu clarifier le texte et sortir du programmatique pour faire du normatif. Or votre amendement est programmatique de bout en bout.

Faites-nous confiance. La rédaction de l'Assemblée nationale était quelque peu décousue. Nous avons clarifié son architecture.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Je remercie MM. Louault et Hochart de l'important travail conduit, qui mérite d'être salué.

Le Gouvernement a proposé un texte, l'Assemblée nationale l'a amendé, le Sénat a apporté sa contribution légitime. On modifie l'ordre à chaque fois, c'est sans fin ! J'ai donc choisi de me concentrer sur les points importants, pour que nous arrêtions de réécrire sans cesse cet article. Avis défavorable.

M. Vincent Louault.  - J'ai perdu, d'accord, mais il faudra trouver un accord en CMP : bon courage en passant au forceps ! Monsieur le rapporteur, lisez mon amendement, c'est quasiment le même que le vôtre. Je ne suis pas un bourrin, j'entends l'importance du travail du Sénat et je suis fier d'être sénateur. Gardez bien mon amendement en tête, il reviendra par morceaux tout au long de nos débats.

L'amendement n°657 rectifié quater n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°452.

Mme la présidente.  - Amendement n°289 rectifié ter de M. Tissot et du groupe SER.

M. Olivier Jacquin.  - Les notions de potentiel agricole et de non-régression de la souveraineté alimentaire soulèvent trop de questions pour les voter en l'état. Quid de nos engagements environnementaux ou du nécessaire virage agroécologique ? Ces notions rendraient impossible toute décision politique qui n'irait pas vers une augmentation de la production. Il est disproportionné de mettre le potentiel agricole au même niveau que l'indépendance de la nation ou la sûreté nucléaire... Le Conseil d'État a émis de fortes réserves.

Ces alinéas sont au mieux incantatoires, sources de promesses vides pour nos agriculteurs, au pire ils risquent de paralyser l'action, loin de votre objectif productiviste.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°905 de MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Je le présenterai au moment de donner l'avis de la commission.

Mme la présidente.  - Amendement n°656 rectifié quater de M. Louault et alii.

M. Vincent Louault.  - Je reconnais l'effort de simplification et de lisibilité. Je le dis pour les juges et les avocats qui nous lisent : l'intérêt général majeur a une jurisprudence claire en droit de l'environnement ; c'est une notion solide juridiquement. Je remercie le rapporteur de l'avoir intégrée au texte de la commission.

Mme la présidente.  - Amendement n°713 rectifié de M. Lahellec et du groupe CRCE-K.

M. Gérard Lahellec.  - Pour nous conformer au droit international, affirmons le droit pour les paysans de produire et pour le peuple de choisir sa nourriture.

Mme la présidente.  - Amendement n°686 de M. Gontard et alii.

M. Guillaume Gontard.  - La non-régression de la souveraineté alimentaire, l'amélioration constante du potentiel agricole français et l'intérêt général majeur sont des notions floues et problématiques du point de vue des conflits d'usages et de la préservation de l'environnement. Supprimons-les, car nous avons besoin de concertation, pas de conflits.

Nous définissons la souveraineté agricole, en nous appuyant sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, adoptée en 2018 par l'Assemblée générale des Nations unies, qui prend en compte les implications commerciales de nos politiques agricoles et le respect de la souveraineté des pays tiers. Ne confondons pas la souveraineté agricole avec la sécurité alimentaire.

Mme la présidente.  - Amendement n°800 du Gouvernement.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Cet amendement rétablit une formulation plus satisfaisante. Notre agriculture est confrontée à un défi majeur : la démographie mondiale progresse, alors que le changement climatique réduit les terres arables.

Il existe une géopolitique de l'agriculture -  la guerre en Ukraine nous le rappelle tous les jours. Les États-Unis, la Russie, le Brésil, la Chine, mais aussi l'Italie, l'Allemagne, les Pays-Bas en Europe ont repensé leurs politiques agricoles.

En France, les facteurs de production s'étiolent : moins d'hommes et de femmes en raison du vieillissement, moins de terres en raison de l'artificialisation des sols, moins d'élevage en raison de la décapitalisation des cheptels, moins de moyens de production en raison de la raréfaction de l'eau... Dans le même temps, nos dépendances stratégiques aux engrais, aux protéines végétales, à l'énergie, sont de plus en plus fortes.

Alors que le monde a sonné la mobilisation générale pour son agriculture, en France, nous tergiversons. Les intérêts agricoles sont totalement ignorés dans nos décisions. Conséquence : nos résultats agricoles reculent, faute d'être prioritaires. Oui, la défense de l'agriculture pour notre souveraineté alimentaire est un intérêt général majeur ; c'est aussi un intérêt fondamental de la nation. Ces dispositions permettront une meilleure prise en compte des intérêts agricoles dans la balance des intérêts à défendre.

Nous revenons à une formulation plus programmatique de la souveraineté alimentaire. Cette rédaction affirme le caractère d'intérêt général majeur de l'agriculture et de la pêche et précise que la souveraineté alimentaire contribue à la défense des intérêts fondamentaux de la nation. Par ailleurs, cet amendement reprend la définition de l'agriculture qui ne figurait pas dans la proposition de la commission, mais dans la vôtre, monsieur le sénateur Louault. (M. Vincent Louault apprécie.)

Mme la présidente.  - Amendement n°728 rectifié de M. Lahellec et du groupe CRCE-K.

M. Gérard Lahellec.  - Il s'agit d'un amendement de repli travaillé avec les Jeunes agriculteurs, pour définir la notion de souveraineté alimentaire.

Mme la présidente.  - Amendement n°290 rectifié ter de M. Tissot et du groupe SER.

M. Lucien Stanzione.  - Il s'agit d'un amendement de repli par rapport à l'amendement n°289 rectifié ter, en reformulant l'alinéa 4. Reconnaître la souveraineté alimentaire nous laisse dubitatifs. Cet amendement propose une nouvelle rédaction de l'article L. 1 B du code rural. Nous souhaitons que soient respectées les recommandations du programme national de l'alimentation et de la nutrition (Pnan). Il faut accompagner la transition de notre modèle agricole vers davantage de durabilité et d'écologie.

Mme la présidente.  - Amendement n°253 rectifié bis de M. Bleunven et alii.

M. Yves Bleunven.  - Cet amendement traduit juridiquement l'exigence transversale de protection de l'agriculture, en l'érigeant au même rang que d'autres intérêts -  urbanisme, aménagement du territoire, environnement. Ce rééquilibrage est une condition indispensable du développement de l'agriculture en France. 

Pour éviter que l'agriculture devienne un service public, ce sont bien les notions de protection, de valorisation et de développement qui doivent être qualifiées d'intérêt général majeur.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°793 rectifié de M. Gremillet et alii.

M. Daniel Gremillet.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°291 rectifié ter de M. Tissot et du groupe SER.

Mme Audrey Linkenheld.  - C'est un amendement de repli aux amendements nos289 rectifié ter et 290 rectifié ter. Nous supprimons l'alinéa 4, qui aborde l'intérêt général majeur. Cela ne veut pas dire que l'agriculture n'a pas d'intérêt. En revanche, nous pensons que la notion d'intérêt général majeur est juridiquement floue. Or vous savez ce qu'on dit chez moi, dans le Nord, des choses qui sont floues... (Sourires)

Nous risquerions de faire contrepoids aux exigences constitutionnelles de protection de l'environnement.

Mme la présidente.  - Amendement n°228 rectifié ter de Mme Devésa et alii.

M. Pierre-Antoine Levi.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°88 rectifié de M. Cabanel et alii.

M. Henri Cabanel.  - Cet amendement complète la définition de la souveraineté alimentaire en s'appuyant sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans adoptée en 2018.

Mme la présidente.  - Amendement n°52 rectifié bis de M. Levi et alii.

M. Pierre-Antoine Levi.  - Cet amendement inscrit dans le livre préliminaire du code rural la définition de la souveraineté alimentaire. Elle repose sur trois piliers  -  production, transformation et distribution  - et s'exerce en faveur de l'ensemble de la population. Elle doit être nutritive, durable et accessible à tous. Cette définition offrira un cadre clair aux dispositions de ce texte.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°178 rectifié ter de M. Genet et alii.

Mme Pauline Martin.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°202 rectifié de M. Roux et alii.

M. André Guiol.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°268 rectifié ter de M. Bleunven et alii.

M. Yves Bleunven.  - Défendu.

L'amendement n°630 rectifié bis n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°292 rectifié ter de M. Tissot et du groupe SER.

M. Simon Uzenat.  - Nous souhaitons supprimer l'alinéa 5 de l'article 1er, qui instaure le principe de non-régression de la souveraineté alimentaire. Ce principe suppose la progression constante des volumes et des rendements.

J'y vois un problème d'attractivité. En Bretagne, nous favorisons l'installation : or beaucoup de jeunes ne courent pas après les rendements et s'inscrivent dans une démarche respectueuse de l'environnement. L'alinéa 5, c'est la course aux rendements.

Mme la présidente.  - Amendement n°293 rectifié ter de M. Tissot et du groupe SER.

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Nous avons tout tenté pour trouver un compromis : la rédaction doit être réaliste. Nos politiques publiques doivent protéger le potentiel agricole de la nation, car la France reste une nation agricole mondiale. Nous ne sommes pas des adeptes de la décroissance, mais nous voulons simplement une croissance durable adaptée aux enjeux climatiques. Soyons clairs dans les objectifs que nous poursuivons et dans leur formulation. C'est l'objet de cet amendement de repli.

Mme la présidente.  - Amendement n°420 rectifié ter de M. Weber et du groupe SER.

M. Michaël Weber.  - Complétons l'alinéa 5. Madame la ministre, vous avez parlé de tergiversation, dont acte : l'agriculture n'est pas opposée aux autres intérêts du vivre ensemble. L'agriculture et la transition agroécologique s'inscrivent dans le contexte de la SNB, du plan Écophyto, du ZAN, etc. L'agronomie doit être au coeur des pratiques agricoles. Agriculture et biodiversité se renforcent mutuellement. Replaçons l'objectif de transition au centre de l'amélioration du potentiel agricole.

Mme la présidente.  - Amendement n°689 de M. Gontard et alii.

M. Guillaume Gontard.  - Nous supprimons les alinéas 15 à 18. Ce n'est pas la tradition du Sénat que de demander des rapports. Sur le fond, ne poussons pas tous les agriculteurs dans une fuite en avant productiviste.

Mme la présidente.  - Amendement n°908 du Gouvernement.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Les conférences de la souveraineté alimentaire sont un dispositif totalement nouveau. Il s'agit de décliner opérationnellement la notion de souveraineté alimentaire de la nation. Vous souhaitez fixer des cibles de production : ces conférences confieront aux filières agricoles - non à l'État - la responsabilité de fixer une stratégie de filière, avec des objectifs à horizon de dix ans. Pour ce faire, elles seront assistées par FranceAgriMer, qui produira un rapport annuel sur l'atteinte des objectifs.

Reconquérir notre souveraineté alimentaire ne se fera pas en un claquement de doigts. Il nous faut des rendez-vous d'étape. En cas de défaillance, l'État interviendra.

Les premières conférences de la souveraineté alimentaire seraient organisées en 2026.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°914 de MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Je vous présenterai ce sous-amendement et les suivants en donnant l'avis de la commission.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°915 de MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°913 de MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°740 rectifié de M. Lahellec et du groupe CRCE-K.

M. Gérard Lahellec.  - Il s'agit de compléter l'alinéa 15, pour renforcer les liens entre producteur et consommateur. La territorialisation de l'alimentation favorise une agriculture locale, durable et résiliente.

Mme la présidente.  - Amendement n°111 rectifié ter de M. Gold et alii.

M. Henri Cabanel.  - Cet amendement précise que le rapport du Gouvernement au Parlement présentant une programmation pluriannuelle de l'agriculture française doit aussi traiter de l'atteinte des objectifs par mode de production, notamment pour ce qui concerne l'agriculture biologique.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°405 rectifié ter de M. Tissot et du groupe SER.

M. Jean-Claude Tissot.  - Défendu.

L'amendement identique n°529 rectifié bis n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°717 de M. Lahellec et du groupe CRCE-K.

M. Gérard Lahellec.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°298 rectifié ter de M. Tissot et du groupe SER.

M. Jean-Claude Tissot.  - Le rapport du Gouvernement doit également se pencher sur le nombre prévisionnel d'actifs agricoles nécessaires pour atteindre les objectifs de production par filière. Nous pourrions ainsi évaluer les besoins en matière d'installations et de formation.

L'amendement n°283 rectifié n'est pas défendu.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - L'article 1er contient essentiellement des mesures programmatiques destinées à orienter notre production agricole, mais aussi des mesures destinées à produire des effets de droit. Or, selon le Conseil constitutionnel, des dispositions programmatiques et normatives ne peuvent coexister au sein d'un même article, car cela nuit au principe d'intelligibilité de la loi. Il faut donc les séparer.

Nous proposons donc de supprimer ces alinéas normatifs de l'article premier pour les réinjecter dans un article additionnel après l'article 1er.

Il s'agit de trois avancées majeures, toutes issues du Sénat : la reconnaissance de l'intérêt général majeur s'attachant aux activités agricoles - héritage de la proposition de loi Ferme France de 2023 - ; la reconnaissance de la souveraineté alimentaire comme un intérêt fondamental de la nation au sens du code pénal - héritage également de la proposition de loi Ferme France - ; et l'inscription dans le code rural d'un principe de non-régression de la souveraineté agricole et alimentaire, apport majeur issu des travaux de la commission.

En résumé, je vous propose de supprimer maintenant ces éléments pour les réinjecter ensuite une fois l'article 1er voté. Si nous avions plutôt proposé ce mécanisme avant l'article 1er, nombre d'amendements se seraient trouvés sans objet et n'auraient pu être défendus.

Le Gouvernement a procédé de la même manière au titre II, en supprimant un article du chapitre Ier pour le réinjecter au chapitre II, dans le même souci d'intelligibilité de la loi.

L'amendement n°289 rectifié ter du groupe SER est identique à mon amendement n°905, qui supprime les alinéas 2 à 5. Je vous invite à voter notre amendement.

Avis défavorable à l'amendement de réécriture n°800 du Gouvernement - supprimer le principe de non-régression n'est pas acceptable  - et à l'amendement n°656 rectifié quater de Vincent Louault - le Conseil d'État a rappelé qu'une telle définition de la souveraineté alimentaire n'est pas nécessaire.

Avis défavorable également aux amendements nos713 rectifié et 686, ainsi qu'aux amendements nos728 rectifié et 290 rectifié ter.

Avec son amendement n°793 rectifié, M. Daniel Gremillet propose une rédaction plus proche de celle qui est issue de l'Assemblée nationale, qui proclame des politiques publiques d'intérêt général majeur. Or une politique publique est par définition déjà d'intérêt général. Avis défavorable, ainsi qu'à l'amendement identique n°253 rectifié bis. Nous pourrons envisager des évolutions en CMP.

L'amendement n°291 rectifié ter supprime la mention d'intérêt général majeur, j'y suis naturellement opposé. Avis défavorable.

L'amendement n°228 rectifié ter est intéressant, mais pas utile. Idem pour l'amendement n°88 rectifié et les amendements identiques nos52 rectifié bis, 178 rectifié ter, 202 rectifié et 268 rectifié ter. Avis défavorable.

L'amendement n°292 rectifié ter supprime le principe de non-régression. Avis défavorable, tout comme à l'amendement n°293 rectifié ter.

L'amendement n°420 rectifié ter est satisfait. Avis défavorable.

Bref, je vous invite à voter notre amendement n°905. S'il est adopté, tous les autres que je viens de citer seront sans objet.

Ensuite, avis favorable à l'amendement n°908 du Gouvernement. La discussion n'a pas été simple, mais nous sommes favorables à cet amendement sous réserve de l'adoption de mes trois sous-amendements nos914, 915 et 913.

Le sous-amendement n°913 précise que le Gouvernement présente au Parlement un simple rapport évoquant les priorités françaises, compte tenu des objectifs issus des conférences de la souveraineté alimentaire.

Le sous-amendement n°914 réinjecte la proposition de l'amendement n°283 de Mme Conconne, non soutenu, et qui concerne les outre-mer.

Le sous-amendement n°915 s'assure que le Parlement sera destinataire du rapport établi à mi-parcours.

Avis défavorable à l'amendement n°689 et à l'amendement n°740 rectifié, aux amendements identiques nos111 rectifié ter, 405 rectifié ter et 717, ainsi qu'à l'amendement n°298 rectifié ter.

En résumé, je vous invite à voter l'amendement n°905 et l'amendement n°908 du Gouvernement, sous-amendé par mes soins. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Annie Genevard, ministre.  - La reconnaissance d'intérêt général majeur est-elle pertinente ? L'intérêt fondamental de la nation ne lui est pas contradictoire. Au contraire, ces deux notions sont complémentaires.

L'amendement du Gouvernement a l'avantage de fournir une définition complète de l'agriculture. À ceux qui regrettaient l'absence de la pêche ou du pastoralisme, je réponds que, d'après notre définition, l'agriculture comprend notamment l'élevage, l'aquaculture, le pastoralisme, la viticulture, les semences, l'horticulture, l'apiculture et la sylviculture.

M. Vincent Louault.  - Excellent !

Mme Annie Genevard, ministre.  - Le rapport à mi-parcours n'est pas établi par FranceAgriMer, mais par les filières. Avis favorable à votre sous-amendement n°915, s'il est rectifié.

Étant donné les délais, il est impossible que la disposition prévue au sous-amendement n°913 s'applique pour les prochaines conférences. La nouvelle PAC est prévue pour 2027. Avis défavorable.

Avis défavorable aux amendements qui ne tiennent pas compte des ajouts de votre commission, et qui proposent des formulations complexes aux alinéas 1 à 5. Le Gouvernement veut replacer l'alimentation au coeur de nos politiques de souveraineté alimentaire.

Avis défavorable à toute définition de la souveraineté alimentaire s'appuyant sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans, sur laquelle la France s'est abstenue. Nous sommes attachés à une version universelle des droits de l'homme.

Inutile de prévoir dans la loi le suivi d'indicateurs qui sont déjà suivis annuellement, notamment en matière d'agriculture biologique.

Avis défavorable à l'ensemble des amendements, et avis favorable aux sous-amendements nos914 et 915, moyennant réécriture.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Je vous invite à voter notre amendement n°905. Le code rural contient déjà une définition de l'agriculture. Il existe une définition canonique, pas besoin de refaire la litanie des saints.

Madame la ministre, votre amendement n°800 nous convient, mais ne comporte aucun élément relatif à la non-régression.

Votons l'article, quitte à y revenir en CMP. Je vous invite donc à voter mon amendement n°905, puis l'amendement n°908 du Gouvernement, sous-amendé par mes trois sous-amendements.

Mme la présidente.  - Avec l'accord de la commission, et compte tenu du nombre de demandes d'explications de vote, je vais lever la séance.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 5 février 2025, à 15 heures.

La séance est levée à minuit vingt-cinq.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 5 février 2025

Séance publique

À 15 heures, 16 h 30 et le soir

Présidence : M. Gérard Larcher, président, M. Pierre Ouzoulias, vice-président, Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente

Secrétaires : M. Jean-Pierre Arnaud, Mme Nicole Bonnefoy

1. Questions d'actualité

2. Désignation des vingt-trois membres de la commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État (droit de tirage du groupe Les Républicains)

3. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (texte de la commission, n°251, 2024-2025)