Urgence pour Mayotte (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'urgence pour Mayotte.

Dans la discussion des articles, nous sommes parvenus à l'article 13.

Article 13

M. le président.  - Amendement n°70 du Gouvernement.

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer.  - Cet amendement supprime une disposition inutile et clarifie le texte concernant les marchés globaux. L'absence de distinction et d'identification de la mission de maîtrise d'oeuvre priverait l'architecte de toute marge de manoeuvre et d'expertise indépendante vis-à-vis de l'opérateur économique. Il faut maintenir une relation de cotraitance entre l'architecte et l'entreprise chargée des travaux. Mayotte compte trente architectes, dont vingt sont formés à la gestion de crise.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis de la commission des lois.  - Avis favorable.

L'amendement n°70 est adopté.

L'article 13, modifié, est adopté.

Article 13 bis AA (Nouveau)

M. le président.  - Amendement n°112 rectifié de M. Roiron et du groupe SER.

M. Pierre-Alain Roiron.  - Pour assurer l'inclusion des TPE et artisans locaux, nous obligeons les autorités adjudicatrices à recourir à ces entreprises. Favoriser l'activité des TPE est essentiel à la relance de l'économie mahoraise.

M. le président.  - Amendement n°127 de Mme Corbière Naminzo et alii.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Nous souhaitons obliger les acheteurs à recourir aux TPE et aux artisans locaux pour 30 % des marchés publics. Ces acteurs connaissent bien le territoire et ses besoins, c'est donc un gage de réactivité. En outre-mer, le taux des défaillances est très élevé ; Mayotte n'échappe pas à cette règle. Renversons la tendance, en investissant dans les compétences locales.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis.  - Avis défavorable. Nous avons voté un Small Business Act à l'article 13 bis AA, qui réserve une partie des marchés aux TPE-PME mahoraises. Le caractère obligatoire de votre amendement soulève des difficultés : y a-t-il suffisamment de PME capables de répondre aux besoins de reconstruction ? N'empêchons pas la conclusion des marchés.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°112 rectifié n'est pas adopté,non plus que l'amendement n°127.

M. le président.  - Amendement n°148 rectifié de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Nous augmentons la part de marché réservée aux TPE mahoraises de 30 à 50 %. Alors que le chômage s'élève à 37 %, il serait dommage que la reconstruction bénéficie d'abord aux grands groupes hexagonaux.

M. le président.  - Amendement n°123 de Mme Florennes, au nom de la commission de lois.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis.  - Rédactionnel.

M. le président.  - Amendement n°119 rectifié de M. Roiron et du groupe SER.

M. Saïd Omar Oili.  - Pour préserver les entreprises artisanales du bâtiment mahoraises, cet amendement limite la sous-traitance à deux rangs. La sous-traitance en cascade nuit à la qualité des travaux, paupérise l'ensemble de la chaîne de valeur du bâtiment et induit dérives et fraudes.

M. le président.  - Amendement identique n°128 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Les outre-mer sont touchés par la vie chère, en raison des oligopoles et des monopoles. Ne pas protéger nos petites entreprises, c'est ouvrir la porte aux majors. Garantissons un travail digne à nos TPE, à leurs salariés et à leurs familles.

M. le président.  - Amendement n°120 rectifié de M. Roiron et du groupe SER.

M. Pierre-Alain Roiron.  - Il faut confier 30 % du montant prévisionnel des travaux à des TPE, pour soutenir le tissu économique local. Cela contribuera à la bonne santé des entreprises locales.

M. le président.  - Amendement identique n°129 de Mme Corbière Naminzo et alii.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Nous devons être au rendez-vous de la détresse rencontrée par les Mahorais. Il faut soutenir les entreprises locales en leur réservant une part significative des marchés liés à la reconstruction : leur connaissance du territoire, leur mobilisation rapide sont des atouts. Ces artisans ne se relèveraient pas si des entreprises extérieures captaient les marchés. Il faut garantir que le plan de sous-traitance inclue 30 % d'entreprises locales.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié de Mme Berthet et alii.

Mme Martine Berthet.  - La rédaction de l'article 13 bis AA, imprécise, ne garantit pas que les entreprises prioritaires seront bien associées à la reconstruction. Cet amendement renforce la justification par les soumissionnaires de l'absence de recours aux petites entreprises et artisans locaux.

M. le président.  - Amendement n°124 de Mme Ramia et alii.

Mme Salama Ramia.  - Il s'agit d'objectiver l'absence de recours aux TPE et aux PME mahoraises, lesquelles doivent être prioritairement associées à la reconstruction.

M. le président.  - Amendement identique n°130 Mme Corbière Naminzo et alii.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°131 de Mme Evelyne Corbière Naminzo et alii.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - L'alinéa visé permet aux entreprises capables de répondre à des marchés supérieurs à 300 000 euros de s'exonérer d'un plan de sous-traitance. Pour nous assurer que les entreprises mahoraises soient bien sollicitées, supprimons cette disposition.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis.  - Avis défavorable à l'amendement n°148 rectifié ; il risque d'être censuré par le Conseil constitutionnel, qui n'admet un small business act que proportionné : le seuil de 30 % est raisonnable ; l'augmenter à 50 % est risqué.

Avis défavorable aux amendements identiques nos119 rectifié et 128 : la limitation de la sous-traitance au second rang risque d'évincer les PME des marchés de grande ampleur, à rebours de l'objectif fixé ; de plus, ce dispositif pourrait être jugé contraire à la Constitution, car il porte atteinte au principe de libre accès à la commande publique.

Avis défavorable aux amendements identiques nos120 rectifié et 129, en raison de leur caractère obligatoire : cela soulèverait des difficultés si les entreprises mahoraises ne pouvaient pas répondre aux besoins.

Je partage l'objectif de l'amendement n°7 rectifié et des amendements identiques nos124 et 130, mais il faut laisser de la souplesse aux acheteurs : d'autres motifs que ceux prévus par vos amendements peuvent justifier le non-recours. Avis défavorable.

Même avis pour l'amendement n°131 : supprimer le seuil de 300 000 euros obligerait les petites entreprises à se doter d'un plan de sous-traitance, ce qui alourdirait leur charge administrative, ralentissant la passation des marchés publics.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Avis favorable à l'amendement n°123 de la commission des lois. Avis défavorable sur les autres.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - La volonté d'embarquer l'économie locale dans ce plan de reconstruction est bien faible... On prétend que les acteurs n'ont pas les compétences. Eh bien, il fallait augmenter les parcours emplois compétences (PEC) - France Travail y était favorable  -  ; or on nous a opposé l'article 45 ! Justement, c'était un impensé du texte : des dispositifs de formation auraient aidé TPE et PME à être embarquées dans la reconstruction.

Par ailleurs, les acteurs de l'économie informelle, qui ont des compétences réelles, n'ont pas été incités à rejoindre l'économie officielle. On connaît les raisons de la sous-déclaration - il aurait fallu inciter à la régularisation. (M. Laurent Burgoa s'impatiente, l'oratrice ayant dépassé son temps de parole.) Voilà un autre défaut de la proposition de loi !

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Comment imaginez-vous bâtir le plan Mayotte debout si vous ne tendez pas la main aux partenaires économiques de terrain ? On l'a bien compris hier, il s'agit de construire en concertation avec les acteurs locaux, et non de décider depuis Paris... Sur place, on a les compétences et l'ingénierie. Que Paris fasse enfin confiance à Mayotte !

M. Pierre-Alain Roiron.  - Je suis étonné... Pourquoi ne pas avoir émis un avis favorable sur ces amendements, qui veulent intégrer les entreprises locales dans la reconstruction ? De la souplesse ! Ces emplois, c'est une vraie formation professionnelle pour les Mahorais, c'est l'activité de demain.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - On peut débattre de la méthode, mais nous sommes d'accord sur l'objectif. La pratique de la sous-traitance en cascade n'est pas massive ; il ne faut pas bloquer l'accès des petites entreprises à la commande publique. Ces dernières bénéficieront de dispositifs dérogatoires - le seuil est fixé à 100 000 euros.

Grâce au small business act, les acheteurs publics pourront réserver jusqu'à 30 % des marchés pour les petites entreprises. Faisons confiance aux collectivités territoriales et à l'État pour choisir les entreprises locales les plus adaptées.

Vendredi dernier, j'ai rencontré des entreprises mahoraises, qui m'ont fait part de grandes difficultés : locaux détruits, entrepôts à terre, cherté des matériaux et rôle des grandes entreprises.

Le tissu économique local est fragile, il faut le soutenir. Le principe est louable, mais attention : certaines mesures sont en décalage avec la réalité économique. (Mme Isabelle Florennes et M. François Patriat renchérissent.)

Je souhaite sécuriser la participation des entreprises locales, mais il faut du temps. L'adoption de la loi de finances permettra de déclencher des investissements, et la loi de programmation permettra de réfléchir au modèle économique que nous voulons mettre en place. Nous devons mener une réflexion avec le secteur bancaire. D'ailleurs, Bpifrance, la Banque des territoires et la Caisse des dépôts peuvent aider ce tissu économique, qui aura besoin de soutien en ingénierie et en financement.

M. Simon Uzenat.  - Pourquoi ne pas recourir aux groupements momentanés d'entreprises (GME) ? Il ne s'agit pas de sous-traitance, mais de cotraitance. Cela permet à de petites entreprises de monter en compétences et de répondre à des marchés plus importants ; chacun est sur un pied d'égalité. En matière de commande publique, l'État devrait être exemplaire, or il reste beaucoup de progrès à faire.

L'amendement n°148 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°123 est adopté.

Les amendements nos119 rectifié, 128, 120 rectifié, 129, 7 rectifié, 124, 130 et 131 n'ont plus d'objet.

M. le président.  - Amendement n°42 rectifié de Mme Ramia et du RDPI.

Mme Salama Ramia.  - Le secteur de l'économie sociale et solidaire (ESS) représente 14 % des entreprises à Mayotte et 23 % de l'emploi privé. Il est prêt à participer à la reconstruction. Il faut l'associer.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis.  - Avis favorable : une part des marchés publics serait réservée au secteur.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Assurément, le secteur de l'ESS aura un rôle à jouer dans la reconstruction de Mayotte.

Votre amendement est en partie satisfait par le code de la commande publique, qui prévoit que des marchés ou des lots portant exclusivement sur les services sociaux peuvent être réservés aux entreprises de l'ESS ; l'article L. 213-12 vise, lui, les entreprises adaptées et les établissements et services d'aide par le travail (Ésat).

Cela dit, il est utile d'envoyer un message clair au secteur : avis favorable.

L'amendement n°42 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°41 de Mme Ramia et alii.

Mme Salama Ramia.  - Il faut investir en faveur de l'apprentissage dans le secteur du bâtiment, en impliquant davantage les entreprises. Le régiment du service militaire adapté de Mayotte (RSMA) mène certes des actions de formation, mais uniquement du préapprentissage : à l'issue des dix-huit mois, les jeunes n'ont pas de diplôme qualifiant.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis.  - Avis défavorable, même si je souscris à l'objectif. Vu l'urgence, il faut laisser de la souplesse aux entreprises locales et les laisser s'organiser librement.

Le recrutement des apprentis est complexe du point de vue administratif - j'en parle en connaissance de cause. C'est incompatible avec la situation d'urgence actuelle.

Enfin, ajouter des contraintes risque de décourager certaines entreprises.

Cela dit, je serai attentive aux mesures prises dans le futur projet de loi Mayotte debout.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis.

M. Pierre-Alain Roiron.  - Nous voterons cet amendement. L'apprentissage, comme le soutien aux PME, c'est un nouvel avenir pour Mayotte.

L'amendement n°41 n'est pas adopté.

L'article 13 bis AA, modifié, est adopté.

Après l'article 13 bis AA (Nouveau)

M. le président.  - Amendement n°35 rectifié bis de M. Piednoir et alii.

M. Stéphane Piednoir.  - Je le disais hier soir, il faut favoriser l'utilisation de matériaux biosourcés et bas-carbone pour la reconstruction de Mayotte. Je comprends qu'imposer des quotas dans les marchés publics serait une contrainte susceptible de ralentir la reconstruction - d'où cet amendement qui prévoit qu'un décret précisera les opérations de reconstruction susceptibles d'être comptabilisées pour atteindre cet objectif, en privilégiant les acteurs français.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis.  - Je salue la constance de M. Piednoir. Avis défavorable néanmoins, car cela risquerait de ralentir la passation des marchés publics. Si aucune entreprise n'utilise des matériaux biosourcés ou bas-carbone, le marché ne pourrait pas être exécuté.

En outre, la rédaction de votre amendement n'a pas l'effet annoncé dans l'objet : tel que rédigé, il est déjà satisfait par l'article 13 bis AA.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°35 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°149 rectifié de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Le 10 avril dernier, le Parlement européen a voté une résolution relative à l'isolement économique des régions ultrapériphériques (RUP).

Pour favoriser les échanges avec les territoires voisins et limiter l'impact carbone de l'importation de matériaux de construction, nous proposons d'expérimenter la fourniture de matériaux de provenance régionale. Je pense aux briques de terre comprimée fabriquées localement à Mayotte, ou au bois de construction issu des forêts de Madagascar ou du Mozambique.

Bien sûr, il ne s'agit pas d'abaisser nos exigences environnementales et sociales : un décret y veillera. Les territoires ultramarins peuvent devenir les ambassadeurs du droit de l'environnement européen auprès des États voisins.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis.  - Avis défavorable : on risque d'augmenter les prix et de décourager des entreprises si leurs fournisseurs n'appartiennent pas à la zone géographique définie. Et cela ralentirait la conclusion des marchés.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°149 rectifié n'est pas adopté.

Article 13 bis (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°132 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - L'article 13 bis a été supprimé en commission au nom du libre recours à la sous-traitance - pourtant source de dérives, en ce qu'il éloigne l'entreprise donneuse d'ordre du terrain. Nous devons rationaliser les marchés.

L'urgence à Mayotte ne doit pas être une aubaine pour les multinationales du BTP - nous en savons quelque chose, dans les outre-mer ! Au contraire, il faut s'appuyer sur les entreprises mahoraises. Nous rétablissons l'article, en limitant les rangs de sous-traitance à deux.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis.  - Avis défavorable, pour les raisons exposées à l'article 13 bis AA.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°132 n'est pas adopté et l'article 13 bis demeure supprimé.

Article 14

M. le président.  - Amendement n°133 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - L'amendement supprime cet article 14, qui limite la portée des articles 11 et 13 bis AA aux marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis de publicité envoyé à la publication, ce qui écarte les petites entreprises locales.

Nous souhaitons en outre que le soutien au tissu économique local perdure : la reconstruction ne sera pas achevée d'ici deux ans !

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis.  - Retrait, sinon avis défavorable. Les dérogations aux règles de la commande publique sont justifiées par l'urgence : leur durée doit être limitée, sans quoi on risque une censure du Conseil constitutionnel.

Limiter les dérogations aux marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis envoyé obéit à un objectif de sécurité juridique quand la procédure de passation du marché est déjà engagée.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°133 n'est pas adopté.

L'article 14 est adopté.

Article 15

M. le président.  - Amendement n°44 de Mme Ramia et du RDPI.

Mme Salama Ramia.  - Afin de veiller à la bonne utilisation des deniers publics, nous prévoyons que les associations et fondations ayant bénéficié de subventions devront présenter un rapport d'activité au plus tard le 1er mars 2026, recensant notamment le nombre de bénéficiaires et la nature des prestations.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis.  - Avis favorable. Cela permettra un contrôle a posteriori, dans un souci de bonne utilisation des deniers publics.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Avis favorable.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Les associations produisent leur rapport d'activité au moment de l'assemblée générale, généralement fin juin. Pourquoi imposer une telle contrainte au mois de mars ? C'est bien mal connaître le rythme de la vie associative. Pourquoi une telle politique du soupçon ? Pourquoi cette contrainte supplémentaire ?

L'amendement n°44 est adopté.

L'article 15, modifié, est adopté.

Article 16

M. le président.  - Amendement n°141 de M. Mellouli et alii.

M. Akli Mellouli.  - Amendement de simplification.

Les dons aux associations et fondations engagées sur le terrain ne suffisent pas à couvrir les besoins. Cet amendement prolonge jusqu'à la fin de l'année 2025 le dispositif fiscal exceptionnel visant à encourager la générosité des Français en faveur de Mayotte.

Pourquoi fixer la date limite au 17 mai, alors que l'exercice comptable court sur toute l'année ? Le 18, il sera trop tard ? Il faut simplifier et adopter une base annuelle. Un peu de bon sens !

M. le président.  - Amendement n°114 rectifié de Mme Brossel et du groupe SER.

Mme Audrey Bélim.  - La générosité des Français ne s'arrêtera pas au 17 mai : pourquoi compliquer la tâche des bénévoles et des associations en les contraignant à clôturer leurs comptes à cette date et à établir des reçus fiscaux spécifiques ? Soyons cohérents et prolongeons le dispositif jusqu'à la fin de l'année 2025.

M. le président.  - Amendement n°77 du Gouvernement.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Les images de Chido ont ému, et l'élan de générosité a été unique par rapport à d'autres catastrophes telles que l'ouragan Irma ou le tremblement de terre au Maroc : plus de 40 millions d'euros ont déjà été récoltés. Pierre Sellal, président de la Fondation de France, a pris contact avec l'association des maires de Mayotte pour préciser le fléchage des dons.

Afin de montrer le soutien du Gouvernement aux défiscalisations des dons, cet amendement lève le gage correspondant.

Mme Micheline Jacques, rapporteur de la commission des affaires économiques.  - Quoique sensible à l'argument de la simplification, j'émets un avis défavorable aux amendements nos141 et 114 rectifié, du fait du contexte budgétaire contraint, et parce que la date du 17 mai a été annoncée par le Gouvernement en décembre dernier. La durée d'application de la mesure est délibérément courte pour renforcer son caractère incitatif.

Après le 17 mai, c'est le dispositif Coluche de droit commun qui s'appliquera : la seule différence tient à l'application de la limite de 20 % du revenu imposable.

Avis favorable à l'amendement n°77 du Gouvernement.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis sur les amendements nos141 et 114 rectifié.

L'amendement n°141 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°114 rectifié.

L'amendement n°77 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°150 rectifié de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Dès le lendemain du passage de Chido, les associations étaient à pied d'oeuvre. À juste titre, l'article 16 augmente la réduction d'impôt sur les dons faits à ces associations.

Cet amendement et les suivants visent à étendre le périmètre des associations éligibles à ces réductions d'impôt. Celui-ci vise les associations qui oeuvrent à l'amélioration de l'habitat, y compris informel. C'est une mesure pragmatique, sachant que la reconstruction de Mayotte prendra dix à quinze ans.

M. le président.  - Amendement n°151 rectifié de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Celui-ci concerne les associations qui oeuvrent au reboisement, alors que Chido a détruit 70 % des forêts.

M. le président.  - Amendement n°152 rectifié de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Même chose pour les associations travaillant à la sécurisation du patrimoine culturel mahorais, mis à mal par le cyclone.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Avis défavorable aux trois.

Concernant l'amendement n°150 rectifié, il ne saurait être question de financer la reconstruction d'habitats illégaux avec des fonds issus de la générosité publique. Les associations peuvent contribuer autrement à l'amélioration du logement.

Les dons aux associations qui oeuvrent au reboisement ou au maintien de la biodiversité ouvrent déjà droit à une réduction d'impôt de 66 %, dans la limite de 20 % du revenu imposable. Il n'y a pas lieu de créer une nouvelle niche fiscale spécifique à Mayotte.

Idem pour les associations intervenant dans le domaine de la protection du patrimoine, comme la Fondation du patrimoine, qui mène plusieurs projets à Mayotte.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°150 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos151 rectifié et 152 rectifié

M. le président.  - Amendement n°17 de Mme Guhl et alii.

Mme Antoinette Guhl.  - Pour encourager les dons des particuliers destinés à la reconstruction de Mayotte, nous rétablissons le plafond de 3 000 euros voté à l'Assemblée nationale, que la commission avait réduit à 1 000 euros.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Un plafond de 1 000 euros est habituellement retenu pour les majorations exceptionnelles de réduction d'impôt, comme le dispositif Coluche. En l'état des finances publiques, il n'est pas opportun de le relever, d'autant que cette nouvelle niche fiscale bénéficierait surtout aux plus aisés. Avis défavorable.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Avis défavorable.

Mme Antoinette Guhl.  - Pour la reconstruction de Mayotte, on a inscrit au budget 100 millions d'euros quand il faudrait 1 à 3 milliards ! Il n'est pas sérieux de se priver de la générosité des Français.

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

L'article 16, modifié, est adopté.

Après l'article 16

M. le président.  - Amendement n°18 de Mme Guhl et alii.

Mme Antoinette Guhl.  - Même chose, cette fois pour les dons des entreprises. Nous portons de 60 % à 75 % la réduction d'impôt pour les entreprises faisant du mécénat pour Mayotte, car il s'agit quasiment d'une crise humanitaire.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié de Mme Berthet et alii.

Mme Lauriane Josende.  - Défendu

M. le président.  - Amendement n°134 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Il faut encourager les dons des entreprises, même si mon groupe préfère l'intervention publique. Cet amendement flèche des défiscalisations symétriques à celles prévues pour les particuliers, en les portant à 70 %.

Les dégâts sont estimés à plus de 1 milliard d'euros ; trois quarts des bâtiments, trois quarts des forêts ont été touchés. Or nous voulons une reconstruction ambitieuse, qui permette à Mayotte de mieux faire face aux futurs aléas climatiques.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Les dons des entreprises au profit d'organismes sans but lucratif qui fournissent des repas, aident au logement ou fournissent des soins aux personnes en difficulté, ouvrent déjà droit à réduction d'impôt.

Contrairement à la mesure concernant les particuliers, une telle majoration n'a pas été annoncée en décembre. La mettre en place à titre rétroactif serait pour le moins contestable. Enfin, les plafonds de déduction sont très supérieurs à ceux qui sont prévus pour les dons des particuliers. Avis défavorable, vu le contexte budgétaire.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Nous avons voté plusieurs dispositions dérogatoires pour accélérer la reconstruction. Beaucoup de cet argent ira en réalité aux majors du BTP. Alors que nous demandons d'orienter, grâce à la défiscalisation, la générosité nationale vers les associations, vous limitez l'afflux des dons, c'est dommage.

L'amendement n°18 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos8 rectifié et 134.

Avant l'article 17

M. le président.  - Amendement n°101 rectifié bis de M. Omar Oili et du groupe SER.

M. Saïd Omar Oili.  - Monsieur le ministre, vous avez eu hier des propos un peu vifs. Sans polémique, je voudrais remettre la mosquée au centre du village.

Pourquoi un tel flou sur le nombre de victimes ? Quelques jours après Chido, le représentant de l'État a dit publiquement craindre des centaines voire des milliers de victimes. Il a évoqué aussi le rite musulman d'enterrement sous 24 heures, sous-entendant que certains décès n'auraient pas été déclarés. Puis un journaliste, en direct sur une chaîne publique, a évoqué « 60 000 morts, selon les sauveteurs ».

J'ai interrogé le préfet de Mayotte sur le bilan des opérations de recherche qu'il avait annoncées. Je n'ai pas eu de réponse précise sur les recherches de disparus, seulement un tableau global de « l'aller vers ». Ce culte du secret entretient la suspicion à l'égard de l'État. Monsieur le ministre, je sais que vous n'êtes pas indifférent à Mayotte et que vous connaissez notre archipel.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Saïd Omar Oili.  - Rétablissons l'article voté à l'Assemblée nationale qui demande un bilan officiel des victimes.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - La commission a supprimé cette demande de rapport, redondante avec la mission interministérielle d'évaluation qui a rendu ses premiers travaux fin janvier. La reconstruction nécessite toutes les forces vives de l'administration. J'entends les préoccupations sur la nécessité de confirmer le premier bilan établi de 39 morts et de préciser le nombre de blessés. Mais cela se fera dans un second temps. Avis défavorable.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Je répondrai à chaque fois, car le bilan humain est un sujet grave.

N'oublions pas la situation de l'île juste après le passage de Chido : rupture des télécommunications, routes entravées, accès aux bidonvilles empêché par les décombres. Difficile, dans ces conditions, d'évaluer la situation sur le terrain. On l'a vu après Irma, ou récemment dans la région de Valence, l'intervention sur le terrain est très difficile.

Une mission a néanmoins été lancée dès le samedi 14 pour ouvrir les routes et aller au contact des populations. Une sous-préfète a été chargée de recenser les victimes, en lien avec les maires et les autorités religieuses des villages.

La démarche d'aller vers et les passages à l'Escrim (élément de sécurité civile rapide d'intervention médicale) donnent des indications sur le bilan humain : 5 739 prises en charge, 15 000 soins prodigués.

Beaucoup avaient prédit que la rentrée scolaire serait le moment de vérité et que les enseignants compteraient les chaises vides. Pour l'heure, le taux d'absence recensé par le rectorat est faible.

Cette problématique exige humilité et respect. Personne ne souhaite polémiquer. Les chiffres sont là : une quarantaine de morts. Nous n'avons rien à cacher.

L'État ne serait pas transparent ? Le préfet ne peut être accusé d'installer une distance avec les élus locaux. Sa méthode, axée sur les revues de territoires, repose sur la prise de pouls régulière dans chaque commune. L'État rend régulièrement compte de son action, par exemple via les conférences de sécurité.

Pour refonder Mayotte, il faudra cohésion et unité. Jouer la carte de la défiance serait mortifère à l'heure où il faut reconstruire.

Quand j'étais ministre de l'intérieur, j'ai toujours soutenu les services de l'État et les préfets. Je leur fais confiance pour communiquer les informations demandées par un élu de la nation.

Votre questionnement donne l'impression que l'État aurait quelque chose à cacher, qu'il serait gêné par le nombre de victimes. Si celles-ci étaient plus nombreuses, je serais non pas gêné, mais horrifié. Pourquoi ne donnerions-nous pas les véritables chiffres ? Les sujets complexes sont suffisamment nombreux pour qu'on évite de poursuivre ce débat. L'État fera toute la transparence - qui s'impose à tous, dans tous les domaines. Avis défavorable.

Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Je ne comprends pas l'acharnement du ministre à refuser ce rapport. Vous craignez la défiance ? Commencez par rétablir la confiance !

Après la valse de chiffres émanant du représentant de l'État ou des secouristes, on peut comprendre les doutes devant le bilan annoncé, de quelques dizaines de mort.

Dans un territoire où une grande partie de la population n'est pas recensée, il est difficile d'établir le nombre de victimes. Par peur d'être piégés, contrôlés, expulsés, de nombreux habitants en situation irrégulière ne se sont pas rendus dans les abris. L'État a manqué à son devoir de protection : il a incarné, à ce moment, le danger, l'insécurité, la menace, la violence. Et on donne un chiffre à l'unité près, comme s'il était pleinement rationnel ?

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Madame la sénatrice, vous faites fausse route. Vous êtes en dehors de la réalité. Vous dites que l'État ne serait pas protecteur envers la population en situation irrégulière ? Un peu de bon sens !

Les personnes en situation irrégulière se méfient de l'État, bien sûr, parce qu'étant en situation irrégulière, elles pensent qu'elles peuvent être reconduites à la frontière, comme 25 000 à 30 000 personnes par an, si on leur demande leurs papiers. Mais on ne leur demande pas lorsqu'il y a un cyclone !

Les messages ont été diffusés dans toutes les langues, sur les radios, sur les réseaux sociaux, sur Facebook. On a vu de nombreuses personnes sortir des bidonvilles pour s'abriter, notamment dans les écoles, collège et lycées - cela nous a d'ailleurs été reproché ! Pendant la tempête tropicale, il y avait 15 000 personnes dans les écoles et les gymnases, et 5 000 dans les mosquées.

Beaucoup de personnes ont été mises à l'abri, c'est pour cela qu'il y a moins de victimes. Il faudrait s'en réjouir, bon sang !

Pardon d'être un peu vif, mais on a l'impression que vous regrettez qu'il n'y ait pas plus de victimes, ce qui démontrerait que l'État a failli. Le préfet, lui, a failli... être écrasé par l'effondrement du toit du centre de crise !

Remettons certaines déclarations dans leur contexte, marqué par la fatigue. Face au silence qui s'est abattu sur l'île, le préfet a déclaré qu'il y avait peut-être plusieurs centaines, plusieurs milliers de morts. Une chaîne d'information a parlé de 50 000 à 60 000 morts. Et le mot s'est répandu. Ce n'est pas le cas, tant mieux !

Que pourrait-on faire de plus ? Creuser dans les bangas pour voir s'il y a des morts ?

Je comprends la proposition de commission d'enquête, mais que cherche-t-on à voir ? Que le préfet, le ministre, l'État, ont caché des morts, des victimes ? Ce débat manque de décence.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ.  - Bravo.

Mme Viviane Artigalas.  - Il n'est pas question de mettre en cause l'État. Je ne veux pas rentrer dans cette bagarre de chiffres. Mais notre collègue demande des chiffres étayés. S'ils correspondent au nombre de victimes annoncé de façon officieuse, nous devons le savoir.

Disposer de ce bilan aiderait à faire taire certaines rumeurs et à rétablir la confiance. (Mme Raymonde Poncet Monge réclame la parole.)

Mme la présidente.  - Madame Poncet Monge, je ne peux vous redonner la parole.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - C'est trop facile !

Mme la présidente.  - C'est le règlement.

L'amendement n°101 rectifié bis n'est pas adopté.

Article 17

Mme la présidente.  - Amendement n°82 du Gouvernement.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Cet amendement étend la suspension du recouvrement aux créances détenues par les douanes. Voilà qui devrait nous rassembler.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°82 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°78 du Gouvernement.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - L'Assemblée nationale a précisé que la suspension des délais applicables en matière de recouvrement s'appliquait également aux successions et aux publicités foncières. Cette mesure n'est pas indispensable, mais j'entends le besoin de clarification exprimé par le Parlement. Le Gouvernement lève donc les gages.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°78 est adopté.

L'article 17, modifié, est adopté.

Après l'article 17

Mme la présidente.  - Amendement n°158 du Gouvernement.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Cet amendement instaure un prêt sans intérêts pour les propriétaires de logement à réhabiliter, y compris lorsque ceux-ci n'étaient pas assurés, comme le Premier ministre s'y est engagé. Son montant ne pourra excéder 50 000 euros et sa durée de remboursement être supérieure à vingt ans - trente ans pour les publics les plus fragiles - avec différé de remboursement de cinq ans maximum. Le prêt sera garanti par l'État et sa durée limitée dans le temps pour les prêts demandés jusqu'au 31 décembre 2027. Il faudra veiller à sa mise en oeuvre concrète avec des opérateurs comme Action Logement.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Cet amendement doit bénéficier au plus grand nombre des Mahorais. Je salue le rôle essentiel d'Action Logement en faveur des plus fragiles. Nous serons vigilants sur les mesures d'application prises par voie réglementaire. Avis favorable.

M. Saïd Omar Oili.  - Le 19 décembre, le Président de la République a annoncé une aide aux personnes non assurées pour reconstruire leur maison. Or seuls 6 % des ménages assurent leur logement à Mayotte. Votre avance remboursable ne correspond pas à la réalité mahoraise. Nous n'avons pas la culture de l'emprunt, vous le savez très bien.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Non !

M. Saïd Omar Oili.  - Voilà l'exemple d'une mesure totalement déconnectée.

Mme Viviane Artigalas.  - Nous voterons cet amendement, mais celui-ci est très complexe. Aussi, il faudra veiller à ce que cette mesure bénéficie aux plus fragiles. Il faudra les rassurer, car rembourser un prêt sur trente ans n'est pas évident. C'est le travail d'Action Logement, ils le font bien, mais ce sera notre rôle aussi de parlementaires.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Nous voterons cet amendement : c'est tout ce que nous avons... Vous sauvez les entreprises, mais proposez de rebâtir par des prêts, tout en sachant que l'argent sera accaparé par les multinationales.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Je ne vous cache pas que j'aimerais qu'il y ait des multinationales à Mayotte (sourires) - même si CMA-CGM est présente sur le port... Nous avons permis aux entreprises mahoraises de bénéficier de 30 % des marchés publics. Action Logement n'est pas une multinationale et intervient efficacement sur le terrain. (Mme Dominique Estrosi Sassone renchérit.) Contrairement à vous, monsieur Omar Oili, je pense que cela peut fonctionner, et si besoin, nous rectifierons. Il ne peut pas y avoir que des dons ou des subventions publiques. Ce dispositif doit aider les Mahorais. Chacun va reconstruire sa maison, au-delà des nouveaux logements sociaux, au travers de la Société immobilière de Mayotte (SIM). Nous serons attentifs à ce que les dispositifs aillent bien vers les Mahorais.

Mme Salama Ramia.  - Beaucoup de Mahorais ont déjà des crédits. Cela soulève le problème du cumul de crédits, même si le taux est à 0 %. Assumer deux échéances sera difficile - dans ce cas-là, il faudra que ce soit une subvention ?

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Le fonds de soutien outre-mer sera mobilisé pour les particuliers non assurés. Pour ces derniers, nous avons mobilisé un fonds d'urgence octroyant de 300 à 700 euros, somme allant à 1 000 euros pour les biens immobiliers endommagés et 1 800 euros lorsque le bien est détruit. Le PTZ, prévu pour durer plusieurs dizaines d'années, peut être bénéfique aux familles - jusqu'à 50 000 euros. Il est plus efficace que ce qui avait été annoncé avant. (Mme Evelyne Corbière Naminzo proteste.)

L'amendement n°158 est adopté et devient un article additionnel.

Article 17 bis A

Mme la présidente.  - Amendement n°83 du Gouvernement.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Le Gouvernement propose que la suspension des délais de recouvrement s'applique à l'ensemble des comptables publics, dont ceux des douanes.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°83 est adopté.

L'article 17 bis A, modifié, est adopté.

Article 17 ter

Mme la présidente.  - Amendement n°172 de Mme Jacques, au nom de la commission des affaires économiques.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Cet amendement étend l'exonération de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) à tous les déchets présents, y compris s'ils sont traités en dehors de l'île.

Par ailleurs, la rédaction supprime l'imputation de l'exonération dans le code au profit d'une disposition autonome hors code.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Nous devons veiller à la protection de l'environnement, et notamment à celle des lagons. J'ai reçu ce matin Sea Shepherd, avec Paul Watson. Près de 70 % des forêts ont été détruites, et des coraux abîmés. Il faut en faire un véritable projet pour Mayotte. Je lève le gage.

L'amendement n°172 rectifié est adopté.

L'amendement n°79 n'a plus d'objet.

L'article 17 ter, modifié, est adopté.

Article 18

Mme la présidente.  - Amendement n°159 du Gouvernement.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Cet amendement a été construit avec les organismes de recouvrement des cotisations sociales locaux afin d'aboutir à un dispositif opérationnel et réalisable. Nous souhaitons que la suspension du recouvrement s'applique aux professionnels libéraux dans les mêmes conditions que pour les employeurs, les artisans, commerçants et non-salariés agricoles et maritimes.

Nous décalons aussi les dates d'octroi des plans afin que les caisses de sécurité sociale aient le temps de rassembler les informations relatives à la situation des travailleurs indépendants.

Des remises pourront être réalisées sur les dettes contractées entre le 14 décembre 2024 et le 31 décembre 2025, comme après l'ouragan Irma.

Nous clarifions le dispositif sur les majorations et les pénalités de retard : celles dues au titre des périodes antérieures au cyclone sont remises d'office.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - L'article 18 a été introduit à l'Assemblée nationale, et adapte le dispositif mis en place après Irma à Mayotte. Avis favorable à cet amendement de précision.

L'amendement n°159 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°43 de Mme Ramia et du RDPI.

Mme Salama Ramia.  - Une suspension d'un an est plus adaptée pour répondre aux urgences du redressement économique et social de l'archipel. Les entreprises mahoraises sont résilientes, mais elles n'ont pas retrouvé une activité normale.

Aussi, nous souhaitons étendre la période relative à la suspension de l'obligation de paiement des cotisations et contributions sociales jusqu'au 31 décembre 2025 et la possibilité de proroger cette mesure par décret jusqu'au 31 décembre 2026.

C'est essentiel pour sécuriser les entreprises et emplois mahorais.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°96 rectifié de Mme Le Houerou et du groupe SER.

Mme Annie Le Houerou.  - Je témoigne de ma solidarité aux Mahorais. Notre soutien doit être bienveillant ; n'ajoutons pas des difficultés administratives. Le taux de non-recours est bien plus élevé à Mayotte que dans l'Hexagone. Il faut faire preuve de souplesse et d'humanité. La date du 31 mars 2025 est trop proche : les entreprises n'auront pas encore retrouvé une activité normale. Décalons-la au 31 décembre 2025, à tout le moins.

Mme la présidente.  - Amendement n°49 de Mme Ramia et du RDPI.

Mme Salama Ramia.  - Repli : nous proposons d'étendre la période de suspension jusqu'au 31 décembre 2025.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis.  - Avis défavorable aux amendements identiques nos 43 et 96 rectifié, car le dispositif manque de souplesse. L'article 18 prévoit déjà que le recouvrement peut être suspendu jusqu'au 31 décembre 2025 par décret ; reporter l'échéance n'est pas compatible avec l'urgence. Près de 80 % des entreprises du BTP et de l'hôtellerie se déclaraient en état de reprendre leur activité. Le secteur bancaire fonctionne normalement, les collectivités peuvent passer des commandes. Il n'est pas raisonnable de suspendre le recouvrement des cotisations pendant deux ans.

Avis défavorable à l'amendement n°49, inopérant.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis.

Mme Salama Ramia.  - Les entreprises ont repris leur activité, mais elles n'ont pas retrouvé leur trésorerie. Elles ont besoin de ce coup de pouce pour redémarrer leur activité.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Nous voterons ces amendements, mais pourquoi des amendements relatifs aux prestations sociales ont-ils été jugés irrecevables au titre de l'article 40, alors qu'ils avaient été examinés à l'Assemblée nationale ?

M. Saïd Omar Oili.  - Ce week-end, des intempéries ont encore frappé Mayotte. Les entreprises, qui avaient recommencé à travailler, se sont à nouveau effondrées. On demande non pas d'effacer, mais de décaler les délais de paiement. Les entreprises subissent calamité sur calamité !

Les amendements identiques nos43 et 96 rectifié ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°49.

Mme la présidente.  - Amendement n°62 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Nous proposons ici de remplacer la suspension par une exonération de paiement des cotisations sociales pour les travailleurs indépendants, dont la situation économique est fragile. Les exploitants agricoles peinent à diversifier leur activité, tous évoluent dans un univers économique instable.

Mme la présidente.  - Amendement n°97 rectifié de Mme Le Houerou et du groupe SER.

Mme Annie Le Houerou.  - La suspension des cotisations va dans le bon sens mais n'est pas à la hauteur de la gravité de la situation. Il faut une exonération.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis.  - Avis défavorable à ces mesures d'exonération totale, trop générales et dispendieuses. Certains commerces ont été épargnés par le cyclone et voient leur chiffre d'affaires augmenter. Le BTP va reconstruire ce qui a été détruit. La mesure prévue protège les plus vulnérables. Les cotisations sociales s'élèvent à 250 millions d'euros par an à Mayotte, ce n'est pas négligeable.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Nous ne voterons pas ces amendements car nous souhaitons que les exonérations soient ciblées. Pour ceux qui ne peuvent faire face à leurs échéances, nous demandons un plan d'apurement, voire d'effacement des dettes.

L'amendement n°62 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°97 rectifié.

Mme la présidente.  - Amendement n°80 du Gouvernement.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Levée de gage.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis.  - Avis favorable.

L'amendement n°80 est adopté.

L'article 18, modifié, est adopté.

Article 18 bis (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°94 rectifié de Mme Le Houerou et du groupe SER.

Mme Annie Le Houerou.  - Nous rétablissons l'article 18 bis, supprimé en commission, qui prévoit une exonération totale des cotisations sociales de décembre 2024. Certes, le projet de loi suspend le paiement des cotisations, mais une exonération complète s'impose, comme pendant le covid. Cela soutiendra de manière immédiate et automatique les entreprises, sans qu'aucune démarche soit nécessaire.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis.  - Avis défavorable. Cette mesure n'est pas nécessaire, au vu de sa courte durée. L'article 18 permet déjà aux entreprises et aux indépendants de ne pas payer de cotisations jusqu'au 31 mars 2025 au plus tôt, jusqu'à fin 2025 au plus tard. En outre, sur justificatif, ils pourront bénéficier d'un abandon de créances, ce qui est encore plus favorable.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°94 rectifié n'est pas adopté et l'article 18 bis demeure supprimé.

L'article 19 est adopté.

Après l'article 19

Mme la présidente.  - Amendement n°28 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Le jour à peine levé, les habitants de Mayotte font la queue devant des containers pour avoir des packs d'eau, rappelait l'Unicef en mars 2024. Le cyclone a encore aggravé les difficultés d'accès à l'eau. Les distributions sont insuffisantes. Cet amendement garantit l'accès à l'eau et aux produits de première nécessité durant ces semaines d'urgence.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Amendement incantatoire. Il va de soi que l'accès à des conditions dignes d'existence doit être garanti sur tout le territoire français. Les Mahorais ont besoin de mesures concrètes. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission.  - Très bien !

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Je rejoins Mme le rapporteur. Beaucoup d'efforts ont été faits pour améliorer la production et la distribution de l'eau, mais nous sommes loin d'être revenus à la normale. Une Mayotte refondée, c'est une Mayotte sans tours d'eau, sans gestion de la pénurie.

L'eau est un sujet de préoccupation majeure, qui peut déclencher une crise sociale ou politique. Je crains une nouvelle dégradation des conditions d'accès à l'eau, à la suite d'éventuelles nouvelles intempéries.

L'aide du génie militaire a été déterminante, en lien avec la Société mahoraise des eaux, pour repérer les avaries et effectuer les réparations. Le plan Eau Mayotte a mobilisé 210 millions d'euros, en sus des 10 millions d'euros annuels du contrat de convergence et de transformation. Le syndicat des eaux disposera de 12 millions d'euros sur la période 2024-2027.

Les projets d'usine de dessalement à Ironi Bé et de troisième retenue collinaire doivent être menés à bien.

Un expert de haut niveau a rejoint le préfet en janvier 2025. Le général Facon traitera lui aussi de cette question - c'est une priorité, sinon nous ne serons pas crédibles.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Et voilà !

Cet amendement n'était pas incantatoire : nous faisons des propositions concrètes. En République, quand l'égalité d'accès à l'eau n'est pas assurée, il revient aux parlementaires de rappeler ce droit. (Mme Antoinette Guhl applaudit.)

M. Saïd Omar Oili.  - Le Journal de Mayotte écrit aujourd'hui même que le retour à une vie normale est difficile. Trois quarts des Mahorais n'ont pas accès à l'eau. Un pack de six bouteilles coûte 19 euros, sans parler des gens qui spéculent sur la misère des Mahorais. (M. Manuel Valls renchérit.)

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - En temps de crise, on gère la pénurie, on distribue des bouteilles d'eau. Certaines pompes sont hors service. Sur les hauteurs, l'eau n'arrive toujours pas -  c'était déjà le cas avant Chido.

Lors de mon dernier déplacement, nous avons lancé une opération de contrôle, car des groupes achètent les bouteilles d'eau en gros pour spéculer. Nous agirons avec détermination contre ceux qui profitent de la crise. Cela ne nous empêche pas de régler les problèmes de fond : les Mahorais sont en droit d'attendre un service de l'eau efficace.

L'amendement n°28 n'est pas adopté.

L'article 20 est adopté.

Article 21

Mme la présidente.  - Amendement n°22 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Amendement d'appel : nous rétablissons la période de maintien des droits aux prestations sociales des résidents mahorais jusqu'au 30 juin 2025, et non jusqu'au 31 mars 2025. Les allocataires ont du mal à fournir les pièces justificatives et la caisse de sécurité sociale fonctionne encore en mode dégradé.

Dispensons les victimes du cyclone de certaines formalités et apportons-leur un soutien financier immédiat.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis.  - L'article 21, plus souple, prévoit déjà que la date du 31 mars 2025 peut être reportée par décret au 31 décembre 2025, au plus tard. Avis défavorable.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°22 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°68 rectifié de Mme Bonfanti-Dossat, au nom de la commission des affaires sociales.

L'amendement rédactionnel n°68 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 21, modifié, est adopté.

L'article 22 est adopté, de même que l'article 23.

Après l'article 23

M. le président.  - Amendement n°142 de M. Grégory Blanc et alii.

M. Grégory Blanc.  - Cet amendement, qui demande un rapport, est un appel à la réflexion et à l'action sur le fonctionnement du Sdis de Mayotte, qui existe depuis dix ans mais n'a ni directeur, ni directeur adjoint. (M. Manuel Valls le conteste.) Comment outiller le territoire, et se coordonner avec l'État ?

Quels sont nos moyens de secours face aux aléas cycloniques, amplifiés par le réchauffement climatique ? L'État a prévu un pacte capacitaire pour les feux de forêt, mais pas pour les inondations. Mêle en métropole, on ne finance pas de pompes de grande capacité. Il faut avancer sur ce sujet, en interministériel.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis.  - Sans nier l'importance de ces sujets, la commission n'a pas dérogé à sa position, s'agissant d'une demande de rapport : avis défavorable.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Je rends hommage à l'ensemble des agents mobilisés dans la gestion de cette crise.

Vendredi dernier, j'ai rencontré les agents du Sdis : l'organisme a bien un directeur adjoint, et le directeur sera nommé prochainement.

Le territoire fait face à un risque d'incendies et de cyclones : il faut intégrer cette culture à Mayotte, à l'instar des actions menées à La Réunion.

L'amendement n°142 n'est pas adopté.

Article 27 (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°23 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Alors que le Gouvernement a annoncé une convergence sociale, nous demandons un calendrier d'alignement des prestations sociales versées à Mayotte sur celles de l'Hexagone. Les disparités actuelles ne sont pas acceptables.

Le montant de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et du RSA est inférieur de 50 % à ce qu'il est ailleurs. Le revenu de solidarité outre-mer (RSO) n'est pas versé à Mayotte. Des écarts importants existent en matière d'allocations familiales.

Selon l'Insee, le système redistributif public ne réduit que très marginalement la pauvreté à Mayotte : deux points, contre sept points dans l'Hexagone et dix points dans les autres territoires ultramarins. À Mayotte, 94 % des mères isolées sont pauvres. Cette situation est incompatible avec le principe républicain d'égalité.

Mme la présidente.  - Amendement n°24 rectifié de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Repli de l'amendement de repli. (Sourires) Nous proposons un calendrier de rattrapage, pour augmenter les prestations sociales à Mayotte à hauteur des deux tiers du montant pratiqué dans l'Hexagone.

L'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), modifiée par le décret du 20 octobre 2023, a été augmentée de 150 euros. C'est une bonne chose, nous devons franchir d'autres étapes.

Mme la présidente.  - Amendement n°65 rectifié de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - La catastrophe vécue par les Mahorais met en lumière les inégalités existant depuis des décennies. Elle crée de l'inflation, voire de la spéculation.

Les députés ont demandé ce rapport sur le niveau des prestations sociales comparé à celui de l'Hexagone et des autres départements d'outre-mer : nous le rétablissons. À Mayotte, les allocations familiales s'élèvent à 223 euros pour une famille de trois enfants, contre 338 euros dans les autres DOM et dans l'Hexagone.

Monsieur le ministre, si vous émettez un avis défavorable, dites-nous au moins quand l'égalité sera effective partout en France !

Mme la présidente.  - Amendement n°115 rectifié bis de Mme Le Houerou et du groupe SER.

Mme Annie Le Houerou.  - Nous demandons un rapport, car cette différence de traitement entre citoyens français n'est pas acceptable. Ainsi de l'APL, toujours pas versée à Mayotte ou encore de l'AAH ou de la prime d'activité.

Le coût des soins et des produits de santé est prohibitif - 17 % plus cher. Le nombre de lits d'hôpital est inférieur à celui de l'Hexagone : 1,6 pour mille habitants, contre 3,5 dans l'Hexagone. Seuls 63 % des habitants sont affiliés à la sécurité sociale. Les allocations familiales ne sont pas alignées sur les montants versés dans l'Hexagone. Nous plaidons pour la convergence des droits.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis.  - Avis défavorable, car il s'agit de demandes de rapport, qui n'ont a fortiori pas leur place dans une loi d'urgence. En outre, le Gouvernement a annoncé la reprise de la convergence sociale dans la loi de programmation, qui devra comporter une étude d'impact.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - J'avais émis un avis favorable à la demande de rapport. Nous avons besoin d'un diagnostic solide avant l'examen du projet de loi de programmation. Nous aborderons la question lors du prochain comité interministériel des outre-mer (Ciom).

Avec le président du conseil départemental, j'ai signé un document de convergence, qui porte notamment sur l'harmonisation du Smic, jusqu'en 2031. Sagesse.

Madame Corbière Naminzo, j'étais Premier ministre lorsque la loi Égalité réelle outre-mer a été adoptée. Je reste très fidèle à cette action et souhaite retrouver cet esprit à l'occasion du prochain Ciom.

L'amendement n°23 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos24 rectifié, 65 rectifié et 115 rectifié bis.

Article 32 (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°95 rectifié de Mme Le Houerou et du groupe SER.

Mme Annie Le Houerou.  - Nous voulons alerter sur les conséquences des réformes de l'assurance chômage et du RSA à Mayotte, où le taux de chômage atteint les 37 %, via un rapport.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. Avis défavorable à cet amendement qui rétablit un article supprimé par la commission. Notre position sur les demandes de rapport est constante. De plus, les réformes de l'assurance chômage sont suspendues le temps de la prolongation automatique de l'allocation d'aide au retour à l'emploi.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°95 rectifié n'est pas adopté.

L'article 32 demeure supprimé.

Vote sur l'ensemble

Mme Evelyne Corbière Naminzo .  - Ce texte pose le cadre de la reconstruction de Mayotte, en tenant compte de ses spécificités. Notre groupe a pointé plusieurs risques. Rapidité ne doit pas rimer avec précipitation. Les solutions doivent être rapides, mais aussi durables, et ne pas coûter plus cher à Mayotte. Nous suivrons de près la reconstruction de la forêt mahoraise et le soutien à l'agriculture, durement touchée. Nous espérons que l'amendement sur l'accès des TPE aux marchés publics sera maintenu, car le tissu économique ultramarin est fragile, à la merci des monopoles et des majors.

Nous regrettons que les débats soient encore trop orientés vers la politique migratoire, comme si l'on cherchait à faire peser la responsabilité du cyclone sur les personnes en situation irrégulière.

C'est oublier que Mayotte est le département de l'injustice sociale, des promesses non tenues et des droits sociaux bafoués ; le département le plus pauvre de France, avec 77 % de la population sous le seuil de pauvreté. Vous parlez d'un horizon à 2030 ? La justice sociale peut donc attendre...

Des citoyens français ne peuvent faire autrement que de s'abriter dans des bidonvilles.

Nous voudrions tous que ce texte remette Mayotte debout. Mais il discrimine entre Français -  ceux de Mayotte et ceux d'ailleurs  - , entre Mahorais -  les plus précaires, et les autres  - , et entre étrangers -  en situation régulière ou irrégulière. (On s'impatiente à droite, l'oratrice ayant épuisé son temps de parole.) Et quid des sépultures non découvertes sur la terre mahoraise ?

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Le GEST votera ce texte, même s'il reste en deçà des attentes.

Les propos d'Emmanuel Macron témoignent d'une vision coloniale brutale : il faudrait que les Mahorais soient contents d'être Français ! Mais la dette est-elle vraiment de leur côté ? Mayotte n'est pas le territoire de l'égalité des droits, malgré la promesse républicaine. La mise en scène d'une colère n'est pas une réponse.

Il faut prendre en compte la double fracture, environnementale et coloniale, soulignée par Malcolm Ferdinand. Et Bernard Kalaora explique que les Mahorais perçoivent la conservation du littoral comme une « colonisation bleue », qui donne la priorité à la nature, au détriment des habitants. Ce qui se fait sans les Mahorais, se fait contre eux.

Les tensions sociales, politiques et environnementales atteignent un point de rupture. On risque l'effondrement global. Il est impossible de penser au-delà de l'urgence.

Nous espérons que la loi de programmation n'aura pas un périmètre aussi restreint -  la moitié de nos amendements ont été déclarés irrecevables  - empêchant tout débat structurel.

Mme Viviane Artigalas .  - Notre groupe votera ce texte malgré ses insuffisances. Il reste beaucoup à faire. Nous comptons sur la prochaine loi pour travailler sur des sujets fondamentaux que nous n'avons pu aborder en raison de l'application stricte de l'article 45.

Les difficultés antérieures à Chido se sont aggravées. Il faut travailler, avec les Mahorais, sur la façon dont ils envisagent leur île, dans le respect de leur culture.

Soyons vigilants aussi sur l'agriculture. Il faut replanter très vite et travailler sur les ressources locales. Cela suppose un travail de planification à long terme, à mener avec les Mahorais.

Mayotte doit enfin retrouver une place dans la République, égale aux autres départements français.

Mme Antoinette Guhl .  - À l'issue de cet examen, avons-nous trouvé toutes les solutions ? Répondu aux besoins de la population ? Pris en compte la réalité inacceptable de ces enfants scolarisés quand ils le peuvent, et non quand ils le doivent ? Soutenu les forces vives ? Anticipé les prochaines fureurs climatiques ? Garanti l'accès à l'eau aux 28 % des logements qui en étaient déjà privés ? Bien sûr que non.

Nous avons fait du chemin et M. le ministre d'État a cherché des points d'équilibre, mais les questions demeurent.

Notre groupe votera ce texte, pour apporter des solutions en urgence. Mais nous refusons de sanctionner les sans-papiers, qui sont tout autant victimes du cyclone que les autres. Nous attendons un vrai plan d'accompagnement, de reconstruction, de dignité, à la hauteur de nos valeurs républicaines de liberté, d'égalité et de fraternité.

Mme Salama Ramia .  - Le Sénat, assemblée des territoires, s'est exprimé en faveur de la reconstruction de Mayotte, en redonnant une place aux élus locaux. J'espère que ce texte sera rapidement appliqué.

Il faut d'ores et déjà réfléchir à son articulation avec la loi programme, qui traitera de sujets de fond comme le foncier, l'éducation, l'eau.

Mayotte ne mérite pas une vision hors sol. Les délégations successives ne peuvent nier la réalité du terrain. Le territoire arrive à saturation et sa population, bien accueillante, est à bout de souffle.

M. Saïd Omar Oili .  - Je voterai évidemment cette loi d'urgence pour Mayotte, mais, hélas, elle ne permet de reconstruire que du matériel. Rien pour nos âmes, notre psychologie. Beaucoup d'enfants n'osent plus aller à l'école quand il pleut, même les adultes vivent dans la peur. Vous ne pouvez pas imaginer ce que nous vivons. Sans nous, il n'y aura pas de reconstruction. Tenez compte de nos réalités. (Applaudissements)

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques .  - Je remercie Christine Bonfanti-Dossat, Isabelle Florennes, et Micheline Jacques, pour leur excellent travail. Elles vous ont présenté un texte équilibré, qui répond à l'urgence et engage la reconstruction de Mayotte, en adaptant les dispositions aux réalités du territoire et en associant les élus locaux. Je salue aussi les sénateurs de Mayotte, Saïd Omar Oili et Salama Ramia, et les remercie de leur implication.

Monsieur le ministre, merci de votre engagement et des réponses très claires que vous avez apportées, notamment sur le nombre de victimes. Vous l'avez dit, il n'y a aucune raison de masquer la vérité. Je vous remercie aussi de vous être rendu plusieurs fois à Mayotte.

Le Sénat restera mobilisé pour les Mahorais. Une délégation de la commission se rendra sur place fin mars.

Nous examinerons prochainement la loi de refondation de Mayotte, qui traitera des sujets de fond, notamment les inégalités sociales, l'habitat illégal, et l'immigration clandestine. (Applaudissements)

À la demande de la commission et du groupe SER, l'ensemble du texte est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°187 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption 344
Contre     0

Le projet de loi, modifié, est adopté.

(Applaudissements)

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer .  - Je remercie Mme la présidente, les rapporteures, ainsi que tous les sénateurs qui sont intervenus.

Le texte a été amélioré à l'aune de votre expertise et de l'expérience de vos collègues mahorais. Nous préparons désormais le prochain Ciom ainsi que la loi programme, qui sera une étape importante pour la refondation de Mayotte.

J'ai à l'esprit tout ce que nous devons à ce territoire profondément français, qui attend que l'État soit à la hauteur de la promesse d'égalité républicaine.

À Mayotte, vendredi dernier, j'ai été très frappé de voir ces enfants qui se rendaient à l'école, cartable au dos. C'est vers eux, vers cette jeunesse, que nous devons nous tourner. Ils sont l'espoir de Mayotte et de la France. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, du RDPI et sur quelques travées du groupe SER)