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Table des matières
Mise au point au sujet d'un vote
Urgence pour Mayotte (Procédure accélérée)
M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer
Mme Micheline Jacques, rapporteur de la commission des affaires économiques
Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis de la commission des lois
M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer
Article 2 (Précédemment réservé)
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis de la commission des lois
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis de la commission des lois
Ordre du jour du mardi 4 février 2025
SÉANCE
du lundi 3 février 2025
49e séance de la session ordinaire 2024-2025
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : Mme Catherine Di Folco, M. Mickaël Vallet
La séance est ouverte à 16 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Décès d'un ancien sénateur
M. le président. - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Paul Souffrin, qui fut sénateur de Moselle de 1983 à 1992.
Mise au point au sujet d'un vote
M. Stéphane Demilly. - Lors du scrutin public n°183, Mmes Brigitte Devésa et Lana Tetuanui souhaitaient voter contre.
Acte en est donné.
Accord en CMP
M. le président. - La commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2025 est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
Urgence pour Mayotte (Procédure accélérée)
Discussion générale
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'urgence pour Mayotte.
M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer . - Ra Hachiri ! Nous sommes vigilants ! La devise mahoraise traduit parfaitement mon sentiment. Je suis rentré de Mayotte samedi matin. Nous sortons progressivement de la phase d'urgence vitale.
Des difficultés persistent, mais l'accès à l'eau, à l'électricité et à la nourriture s'est amélioré. L'électricité a été rétablie à 100 % au 31 janvier. La rentrée scolaire a pu se faire. Le collège de Chiconi, détruit à 80 %, rouvre, comme 182 écoles sur 221 et 28 collèges sur 33. Les 300 migrants qui occupaient le collège de Kwalé ont enfin été délogés.
En matière de déchets, beaucoup reste à faire. Quelque 340 tonnes sont accueillies chaque jour à Dzoumogné - il faut évacuer 6 000 tonnes. L'objectif de traiter l'ensemble des déchets ménagers en un mois est un immense défi. Nous allons expérimenter une méthode de brûlage respectant l'environnement et la santé.
Cinq dispensaires de soins sur sept sont rouverts, notamment celui de Mtsamboro - je m'y étais engagé lors de ma précédente visite.
Tout cela est grâce à la mobilisation des agents de l'État et des volontaires, mais surtout à l'impressionnante résilience des Mahorais. La population, mise à l'épreuve depuis bien avant Chido, est courageuse. Les entrepreneurs aussi sont actifs. L'État mobilise le fonds de secours outre-mer et la circulaire signée ce matin prévoit notamment 15 millions d'euros pour les agriculteurs. Il reste néanmoins beaucoup à faire.
Les élus se sont engagés pleinement dans le nettoyage des cours d'eau, les questions de logement et de services publics. Les parlementaires, notamment Salama Ramia et Saïd Omar Oili, sont également très impliqués. J'ai d'ailleurs confié à Salama Ramia une mission de suivi de la reconstruction de Mayotte, aux côtés de l'équipe que dirigera le général Pascal Facon. Je crois aussi au contrôle parlementaire, exercé par votre délégation aux outre-mer, que préside Micheline Jacques.
J'ai signé avec le président du conseil départemental et le président de l'association des maires une convention d'intention affirmant les grands principes devant guider la refondation : durcissement des règles contre l'immigration illégale, lutte contre les bidonvilles, développement des infrastructures, convergence économique et sociale - la grande promesse non accomplie...
Mais tout reste à faire. La gestion de crise passée, nous devons reconstruire et refonder Mayotte.
Reconstruire d'abord. C'est l'objet de ce projet de loi et je salue le travail des commissions du Sénat. De nombreux alourdissements introduits à l'Assemblée nationale ont été retirés, mais les mesures de lutte contre les bidonvilles ont été conservées. Parmi vos apports, je salue la meilleure association des élus au conseil d'administration de l'établissement public, le rétablissement de l'article 3 relatif au relogement d'urgence et l'exonération de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) pendant deux ans.
La réécriture par la commission des lois de l'article 2 sur l'exercice temporaire par l'État de la compétence de construction des écoles publiques à la demande des communes concernées, constitue un bon équilibre. Le Gouvernement soutient l'amendement n°121 et l'endossera financièrement. Vous avez aussi clarifié les dérogations aux règles de la commande publique et les dispositifs sur la participation des entreprises mahoraises à la reconstruction - c'est essentiel.
Je remercie Christine Bonfanti-Dossat pour son soutien aux mesures temporaires d'assistance à la population et aux professionnels, et pour le renforcement de l'association des partenaires sociaux.
Supprimé à l'Assemblée nationale, l'article 10 habilitait le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour adapter les règles de l'expropriation pour cause d'utilité publique à la réalité de terrain de Mayotte, où il est difficile d'identifier les propriétaires fonciers. Il n'a jamais été question d'exproprier à tour de bras, encore moins sans indemnisation ! J'ai été maire et je suis un homme de dialogue, respectueux du travail des élus et du sentiment des populations. Cet article a été mal compris et le choix des ordonnances n'a pas aidé à instaurer la confiance. Je fais donc le choix de ne pas le rétablir. Nous aurons l'occasion d'en reparler lors de l'examen du second projet de loi, sur la base d'un dispositif en dur.
L'amendement n°158 du Gouvernement instaure un prêt à taux zéro de 50 000 euros sur trente ans, accessible aux personnes même non assurées. Je m'engage à ce qu'il soit distribué le plus rapidement possible via les banques et Action Logement.
La reconstruction nécessitera des engagements financiers considérables. La mission interinspections chargée d'évaluer les dégâts achève ses travaux : le coût des destructions devrait s'établir entre 3 et 3,5 milliards d'euros. L'État sera au rendez-vous, avec des aides directes et la mobilisation des fonds européens.
Je salue l'annonce de Sébastien Lecornu de la création d'un bataillon temporaire de reconstruction, avec 350 et 400 soldats. Les assureurs, qui doivent prendre leurs responsabilités, et l'Agence française de développement (AFD) auront aussi un rôle à jouer.
Ceux qui disaient que ce projet de loi ne contenait pas grand-chose et que l'État n'avait pas été au rendez-vous peuvent voir ce qui est fait.
Il est vrai néanmoins que la remobilisation prend toujours du temps, après une telle catastrophe. J'entends l'impatience et la colère.
Après le temps de l'urgence et de la reconstruction, doit venir celui de la refondation. Avant deux mois, je présenterai un projet de loi de programme pour Mayotte, pour donner de nouvelles bases à son développement économique, éducatif et social - comment accepter que les élèves n'aillent à l'école que le matin, ou que la restauration scolaire soit si défaillante ? Sinon, nous reconstruirons sur du sable, car le cyclone n'a fait qu'exacerber des calamités préexistantes : infrastructures sous-développées, habitat illégal, immigration clandestine.
Prenons l'exemple de l'eau : sans changement structurel, nous reviendrons, au mieux, à la situation très insatisfaisante d'avant-Chido. D'où nos projets de deuxième usine de dessalement et d'une troisième retenue collinaire. Le risque d'une nouvelle crise de l'eau, semblable à celle de 2023, existe, je m'y prépare. Il faudra être innovant et ne pas revenir à la gestion de la pénurie par distribution de bouteilles d'eau...
La zone franche globale contribuera à la reconstruction des logements, des entreprises et des infrastructures. Mais tous les maires et entrepreneurs le disent : leurs projets sont empêchés par les bidonvilles. Nous ne laisserons pas Mayotte redevenir une île-bidonville ! Des projets de remplacement des bangas par de vrais habitats existent. L'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) et Action Logement sont là, et j'ai vu des réalisations dans les quartiers de Petite-Terre, où vous m'avez invité à me rendre, monsieur Omar Oili.
M. Saïd Omar Oili. - Merci !
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Nous devons aussi nous attaquer à l'immigration illégale, qui pèse sur la vie quotidienne et nourrit l'ultraviolence. Bien sûr, la réalité est complexe et certaines situations sont particulières. Mais l'immigration clandestine nécrose Mayotte. Les Mahorais n'en peuvent plus, la société craque, et le pire est possible.
Nous agissons sur terre et en mer. Sébastien Lecornu a annoncé que les soldats continueront d'assumer cette mission. Nous devons réfléchir à la place de Mayotte dans l'océan Indien, une région stratégique dans laquelle nous renforcerons notre présence de manière pérenne.
Le second projet de loi traitera de la durée de résidence régulière des parents pour l'accès des enfants à la nationalité française, des reconnaissances frauduleuses de paternité et de l'aide au retour volontaire dans le pays d'origine. Nous devons passer de 25 000 à 35 000 clandestins éloignés chaque année. Cela suppose d'être très fermes avec le gouvernement des Comores, comme avec tous ceux qui, comme l'Azerbaïdjan, tentent de déstabiliser la France.
C'est ma mission : nous ne laisserons pas tomber Mayotte. J'y retournerai et ferai le point avec vous sur l'avancement de la reconstruction dans ce territoire si attaché à la France. Nous ne lâcherons rien, pour reconstruire l'île sur des bases plus saines. Les Mahorais le méritent et nous le leur devons. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes UC et Les Républicains)
Mme Micheline Jacques, rapporteur de la commission des affaires économiques . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI ; Mme Antoinette Guhl applaudit également.) L'urgence est plus que justifiée pour ce texte, à la suite du passage de Chido et de Dikeledi sur Mayotte. Je pense aux victimes, aux blessés, à ceux qui ont perdu leur logement.
L'heure est à la reconstruction. Les dégâts sont considérables, notamment pour l'agriculture et les entreprises, qui attendent encore le passage des experts ; sans oublier les ravages environnementaux, entre recul du trait de côte et forêts dévastées.
Très vite, chacun s'est mobilisé pour rétablir les réseaux et assurer la continuité des services publics - je rends hommage aux postiers. Un élan de générosité populaire est venu soutenir la population.
Oui, il faut simplifier les procédures pour accélérer la reconstruction : c'est un enseignement de l'ouragan Irma en 2017. Mais les crispations induites par certains articles résultent d'une exaspération antérieure, résultant d'une gestion trop centralisée qui s'adapte mal aux réalités : pauvreté, habitat informel, insécurité, immigration clandestine massive...
Quelque 100 millions d'euros seraient transférés chaque année de Mayotte vers les Comores, en dehors de tout contrôle - c'est autant que l'aide exceptionnelle accordée à Mayotte ! J'invite le Gouvernement à s'appuyer sur les travaux de notre délégation aux outre-mer, sur les risques naturels majeurs et l'action de l'État.
Du 24 au 27 janvier, je me suis déplacée dans tout l'archipel et ai rencontré tous les acteurs, au plus près des territoires. Les élus demandent à être associés à la reconstruction. J'ai aussi entendu des craintes sur l'acheminement des matériaux et la reconstruction des bidonvilles. Nous nous rapprochons d'un texte d'équilibre, qui répond aux aspirations locales.
Ce texte se concentre sur l'accélération et la simplification des procédures. Je salue le travail mené de concert avec Christine Bonfanti-Dossat et Isabelle Florennes, rapporteurs pour avis.
La commission des affaires économiques était saisie de la création d'un établissement public, des dérogations aux règles de construction et d'urbanisme, de la majoration des déductions fiscales pour les dons et de la suppression du recouvrement forcé des créances fiscales.
La commission a souhaité adapter ces mesures aux réalités du territoire. Elles sont en effet calquées sur celles mises en place après les émeutes urbaines de juillet 2023, alors que le contexte mahorais n'a rien à voir : les deux tiers des constructions sont réalisées sans autorisation d'urbanisme, les trois quarts des permis de construire sont délivrés tacitement. Aussi, nous accordons, à titre dérogatoire, le droit à la reconstruction à l'identique des bâtiments en dur, pour une mise à l'abri rapide, et allégeons les procédures pour les petits travaux. Des mesures plus structurantes seront nécessaires.
Nous devrons aussi acclimater les normes au territoire en nous appuyant sur les techniques des architectes et artisans locaux. Dommage que l'établissement public n'ait pas été chargé d'établir un référentiel relatif aux matériaux de construction adaptés à Mayotte, en complément du marquage RUP (régions ultrapériphériques) - dont le chantier tarde. Je compte sur le Gouvernement pour faire de l'accélération de ce chantier une réponse structurelle à la vie chère.
Les contraintes inhérentes à l'insularité doivent aussi être mieux prises en compte pour adapter l'offre de logement à l'intensification des risques naturels. La commission a décidé d'exonérer Mayotte, à titre exceptionnel, de la TGAP sur les déchets pendant deux ans, même si des adaptations pérennes demeurent nécessaires.
Elle a limité dans le temps la capacité pour le Gouvernement de légiférer par ordonnances, car le Parlement doit être associé.
Dès fin décembre, le Gouvernement a bloqué temporairement, par décret, le prix des matériaux de construction pour endiguer la spéculation. Cette mesure d'urgence devra être complétée par des mesures structurelles, justifiées par l'étroitesse du marché mahorais.
Nous avons aussi souhaité mieux associer les acteurs locaux, notamment les élus, à la reconstruction. L'établissement public sera présidé par le président du conseil départemental. Nous avons aussi rétabli la consultation ou le droit d'opposition des maires, qui sont les meilleurs connaisseurs de leur commune - c'est indispensable pour l'acceptabilité des chantiers. Nous avons besoin d'une collaboration étroite entre l'État, principal financeur, et les élus.
Je souhaite que la loi soit promulguée dans les meilleurs délais, pour que nous puissions nous atteler au second temps de la reconstruction. J'espère que ce second projet de loi ne fera pas l'impasse sur les mesures d'adaptation en matière de construction et d'urbanisme, sans oublier le développement économique, industriel et agricole. L'intégration de Mayotte à son environnement doit être un atout, non un handicap. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI)
Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Solanges Nadille applaudit également.) J'exprime ma solidarité avec les Mahorais. J'ai mesuré l'ampleur des dégâts humains, matériels et économiques résultant du cyclone et des inondations.
Sur le recouvrement des cotisations et contributions sociales, le versement des prestations sociales et l'activité partielle, notre commission a eu à coeur de soutenir la reprise de l'activité, de prévenir tout licenciement économique et d'éviter toute explosion de la précarité, avec toutefois des mesures limitées dans le temps.
La commission a adopté l'article 18, qui suspend le recouvrement des cotisations sociales pour les employeurs jusqu'au 31 mars 2025 - un report par décret jusqu'au 31 décembre 2025 est néanmoins possible. C'est déjà une protection importante, qui s'ajoute aux aides compensant la perte de chiffre d'affaires.
En conséquence, la commission a supprimé l'article 18 bis qui exonère les entreprises mahoraises de cotisations pour le seul mois de décembre 2024.
La commission a maintenu l'article 19, qui rend les travailleurs indépendants non agricoles éligibles aux aides sociales versées par le conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants, ainsi que l'article 20, qui prolonge le versement des revenus de remplacement pour les demandeurs d'emploi. C'est justifié, dès lors que le marché du travail ne peut fonctionner normalement. La commission a toutefois prévu que le décret de prolongation devra être pris après consultation du conseil d'administration de l'Unédic, afin de respecter la répartition des compétences en matière d'assurance chômage.
L'article 21 prévoit le renouvellement automatique des prestations versées aux assurés de Mayotte ainsi qu'à leurs ayants droit. Ce dispositif sans précédent est justifié par la destruction du guichet de la sécurité sociale de Mayotte et par les pertes subies par les allocataires. Ici encore, la commission est revenue à la période initiale d'application, soit jusqu'au 31 mars 2025 - un report par décret jusqu'au 31 décembre 2025 restant possible.
L'article 22 permet une majoration à 70 % du taux de l'indemnité d'activité partielle versée aux salariés et un reste à charge nul pour l'employeur. Au moins 8 500 salariés seraient déjà concernés.
Enfin, la commission a supprimé trois demandes de rapports.
Même si ces mesures exceptionnelles sont bienvenues, le chantier de la convergence sociale devra être poursuivi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et du RDPI) Le 14 décembre dernier, Mayotte était frappée par un cyclone dévastateur, détruisant le centre hospitalier, l'aéroport et des quartiers d'habitation entiers. Pas moins de 39 morts et 4 500 blessés ont été recensés. J'adresse mes pensées à nos compatriotes et à nos deux collègues de Mayotte, ici présents.
La commission des lois, saisie des articles 2 et 11 à 15, s'est montrée globalement favorable, mais a adopté quinze amendements.
À l'article 2, pour garantir le respect des libertés locales, elle a prévu que l'État ne pourra intervenir pour reconstruire les écoles publiques qu'avec l'accord du maire.
Elle a également supprimé tous les éléments susceptibles de ralentir la conclusion des marchés publics indispensables à la reconstruction de Mayotte, ainsi que les dispositifs déjà satisfaits par le droit existant.
La commission a regroupé les dispositions visant à faciliter l'accès aux marchés publics des PME mahoraises au sein d'un article unique, et a supprimé les articles risquant de pénaliser les PME locales, comme la limitation de la sous-traitance.
Elle a renforcé l'opérationnalité de l'article 15 en supprimant l'exigence d'un commissaire aux comptes pour les associations reconnues d'utilité publique.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre écoute et de votre pragmatisme sur l'article 10 : cette mesure nécessitait plus de concertation. (M. Manuel Valls apprécie.)
Les dispositions de cette loi sont de bon sens, mais insuffisantes pour répondre aux problématiques auxquelles Mayotte est confrontée. La commission des lois sera attentive au prochain projet de loi qui devra répondre au défi migratoire et enclencher enfin la convergence sociale. Sous réserve de l'adoption de trois amendements rédactionnels, elle vous invite à adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; Mme Solanges Nadille applaudit également.)
Demande de priorité
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. - En accord avec la commission des lois, je demande que la discussion de l'article 2 et de l'amendement n°153 soit réservée après l'article 9, afin de permettre à la commission des lois de traiter en un seul bloc les articles qui lui ont été délégués.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Avis favorable.
La réserve est ordonnée.
Discussion générale (Suite)
M. Pierre-Jean Verzelen . - Abris de fortune, maisons, lieux de mémoire, pour certains, les souvenirs de toute une vie ont disparu. Au nom du groupe Les Indépendants, j'adresse nos pensées aux victimes. Après le cyclone, on a décompté les morts, les disparus et les blessés. L'habitat précaire de cent mille personnes a été détruit et de nombreuses infrastructures ont été endommagées, voire ravagées.
Tout de suite, la population s'est mobilisée pour remettre l'archipel debout. Nous saluons les services de l'État, les forces de l'ordre, les pompiers, les agents publics, sur le pont depuis plus d'un mois.
Lundi dernier, cent mille élèves ont repris le chemin de l'école - mais dans des conditions très dégradées.
Le 14 décembre dernier, nous avons tous été saisis par les images de ce territoire de France dévasté, de ces bidonvilles soufflés comme si une bombe avait éclaté.
Le cyclone a agi comme un révélateur des manques, des échecs, d'une forme de désintérêt. S'il est faux de dire que rien n'a été fait pour Mayotte, sa situation n'est pas digne d'un département français : 77 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté ; scolarisés à mi-temps, 70 % des élèves ont des difficultés de lecture ; le chômage atteint 37 % et le revenu annuel médian est de 3 000 euros ; l'habitat indigne représente 40 % des logements ; l'eau ne coule pas au robinet tous les jours ; le territoire a connu une épidémie de choléra ; l'insécurité règne en maître ; un tiers des 310 000 habitants seraient en situation irrégulière...
Ce texte n'a pas vocation à s'attaquer aux causes profondes, mais à répondre à l'urgence, pour une reconstruction la plus rapide possible.
L'objectif est de soutenir les entreprises et la population, afin que la situation économique et sociale ne s'enlise pas davantage. Le recouvrement des cotisations sociales est suspendu jusqu'au 31 mars ; indemnités chômage et prestations sociales seront renouvelées automatiquement. La priorité est de gérer l'urgence. Les autres sujets feront l'objet d'un prochain projet de loi en mars.
Il faut accélérer et simplifier les règles d'urbanisme, tout en tenant compte des réalités et risques spécifiques du territoire. Le texte respecte cet équilibre : il associe mieux les acteurs locaux, notamment les maires, à la prise de décision. Il garantit l'accord du maire avant toute implantation de constructions modulaires et conditionne l'achat de tôles - ce qui est nécessaire pour lutter contre les bidonvilles.
Notre groupe votera ce texte.
Mme Viviane Malet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Solanges Nadille et Salama Ramia applaudissent également.) Mayotte et La Réunion ont un destin lié, du fait de leur proximité géographique, de leurs écosystèmes exceptionnels, mais aussi de leur vulnérabilité aux risques climatiques. Les deux îles sont toujours solidaires, et j'exprime tout mon soutien aux Mahorais et à leurs élus.
Chido a entraîné la plus grande catastrophe de sécurité civile depuis la Seconde Guerre mondiale. Le nombre de victimes, l'ampleur des dégâts ont justifié que soit décrétée une journée de deuil national. Au chaos a succédé la tempête Dikeledi, qui a aggravé la situation.
La solidarité inter-îles s'est immédiatement mise en place : avec le concours précieux de l'État, les collectivités de La Réunion, mais aussi les associations, les entreprises et les particuliers, qui ont acheminé des biens urgents vers Mayotte, grâce aux Dash 8 positionnés à l'aéroport de Pierrefonds, qui a démontré son utilité en cas de crise.
Ce projet de loi contient des dispositions temporaires, pour aller vite : reconstruction des écoles par l'État jusqu'au 31 décembre 2027, dérogation aux règles de la commande publique, mesures en faveur des entreprises, prolongation des droits des bénéficiaires d'allocations.
Adopté par l'Assemblée nationale à une très forte majorité, il a été enrichi en commission, sur trois plans : mieux associer les élus et la population ; s'adapter aux réalités, avec l'exonération de TGAP pour deux ans ; faciliter la lutte contre les bidonvilles.
Je défendrai un amendement sur la reconstruction du réseau électrique, sans expropriation des propriétaires.
Les Mahorais attendent beaucoup de l'État. Mayotte a beaucoup d'atouts, notamment sa jeunesse. Le régiment du Service militaire adapté (RSMA) peut être une porte d'entrée ; il a fait ses preuves face à la crise de l'eau en 2022. Le plan Mayotte debout devra l'associer à la reconstruction. Les conventions signées avec les apprentis d'Auteuil, la mission locale et France Travail doivent être confortées.
Lors de votre seconde visite sur place, monsieur le ministre, vous avez annoncé que le coût de la reconstruction dépasserait 3,5 milliards d'euros. Le défi est immense. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI)
Mme Salama Ramia . - (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains) Je témoigne tout mon soutien à nos compatriotes mahorais, qui nous obligent par leur résilience à sortir des postures pour répondre à leurs attentes.
Après les financements d'urgence inscrits dans le projet de loi de finances pour 2025, ce texte marque le deuxième acte de la reconstruction de Mayotte. Son article 10, qui permettait au Gouvernement d'exproprier des parcelles, a été supprimé. De façon transpartisane, nous sommes parvenus à une rédaction équilibrée. Je remercie nos collègues de s'être départis de tout dogmatisme.
Mayotte est une terre de tradition, où pendant longtemps, la terre sacrée se transmettait sans formalisme, de père en fils et en fille. Avec le titre de séjour territorialisé, elle est désormais une terre de privation. Sa population native voit son accès aux services publics restreint, du fait d'une pression migratoire incontrôlée. Les distributions se font prioritairement à proximité des bidonvilles détruits, alors que les Mahorais aussi ont tout perdu ; certains de leurs enfants n'ont pu regagner leur école, occupée par des personnes en situation irrégulière.
Nous voulons obtenir une véritable place chez nous, pour vivre et nous épanouir sur notre île.
C'est pour cela qu'avec mon groupe, nous soutiendrons la réécriture de l'article 3, mettant fin à la polémique des hébergements d'urgence.
Nous avons voulu ce projet de loi proche des préoccupations des Mahorais, humain et opérationnel. Je remercie le ministre d'en avoir tenu compte, en concertation avec les élus. Je le remercie également de m'avoir missionnée pour assurer le suivi de la reconstruction.
M. François Patriat. - Bravo !
Mme Salama Ramia. - Celle-ci passera par la sécurisation des Mahorais, qui pourront reconstruire leurs logements à l'identique.
Nous espérons obtenir de l'aide pour les associations locales qui oeuvrent pour la jeunesse, face à des infrastructures détériorées.
Nous soutenons une reconstruction économique favorisant les artisans, les TPE-PME et l'économie sociale et solidaire, avec un accès aux marchés publics et des reports de charges.
Reste que le champ restreint du texte nous empêche d'aller plus loin. Près de 100 000 foyers régis par le droit coutumier n'ont pas de titre foncier : l'absence de régularisation possible par la commission d'urgence foncière les empêche de reconstruire selon les normes de sécurité. L'urgence appelle à faciliter les régularisations, avec des garde-fous. Rétablir Mayotte dans la légalité appelle des positions courageuses, pour un territoire hors-norme.
Nous appelons à une concertation en amont du projet de loi de programmation pour Mayotte.
Conscient que l'État prendra toute sa part à la reconstruction de Mayotte, dans le respect de son intégrité, le RDPI votera ce texte, avant de passer à l'acte III : faire de Mayotte l'un des plus beaux lagons du monde, la fierté de la France dans un espace géostratégique effervescent et prometteur. (Applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Bernard Fialaire . - (M. Bernard Buis applaudit.) Le RDSE assure le peuple mahorais de son soutien, et remercie tous ceux qui se sont mobilisés.
Mayotte est touchée au coeur, et le bilan est lourd : 39 décès, 4 600 blessés, des milliers d'infrastructures, publiques et privées, en ruines.
Plus d'un mois après le cyclone, la vie reprend doucement son cours, l'électricité est partiellement revenue - mais la partie nord demeure sinistrée et les écoles qui ont rouvert fonctionnent en mode dégradé.
L'île était déjà exsangue : chômage de masse, pauvreté endémique, services publics en crise, difficultés d'accès à un logement décent, à l'eau potable, aux denrées alimentaires. Les Mahorais demandent plus de moyens pour lutter contre l'immigration clandestine. Le prochain projet de loi devra comporter des mesures exigeantes : l'État doit mieux faire, car la distance entre Mayotte et la République ne cesse de croître.
Pour se reconstruire et se développer, le 101e département de France a besoin d'un cap, et de moyens. Or la République ne s'y intéresse que sous le prisme de l'immigration clandestine, jamais sous celui du développement économique et social.
Pourtant, les annonces du gouvernement Attal étaient prometteuses. La dissolution a mis un terme à ces perspectives. Le plan Mayotte debout, annoncé le 30 décembre dernier, est porteur d'espoir. Espérons que cette fois-ci, la démarche aboutisse.
Il est impératif que les forces vives locales soient associées à la reconstruction : élus locaux, associations, corps intermédiaires. Le RDSE souhaite que ce projet de loi repose sur une démarche partenariale.
Nous le voterons, afin d'apporter des réponses urgentes et concrètes. (M. Bernard Buis applaudit.)
M. Stéphane Demilly . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Le cyclone Chido, aggravé par Dikeledi, est l'une des plus graves catastrophes naturelles de l'histoire de France. Le groupe UC renouvelle son soutien aux Mahorais et à tous ceux qui sont venus en aide aux sinistrés - dont font partie nos collègues, Salama Ramia et Saïd Omar Oili. Ce dernier, avec qui j'ai échangé, m'a envoyé les images de ce qui était sa maison ; je ne l'oublierai pas de sitôt. En quelques heures, vous avez tout perdu. Les conséquences sont matérielles, mais aussi psychologiques.
Je me suis rendu à Mayotte en mai 2024, avec la délégation aux outre-mer. Les Mahorais n'avaient pas l'eau courante ; ils sont maintenant sans électricité. Ils étaient étranglés par la vie chère, ils sont maintenant soumis aux pillages et aux pénuries. Un calvaire sans fin.
Il faut parer au plus pressé pour reconstruire l'habitat, les services publics et les infrastructures. Reconstruire vite, oui, mais aussi mieux, et reconstruire avec des assurances.
Les trois premiers chapitres de ce texte très attendu prévoient des dérogations aux règles d'urbanisme et transfèrent à l'État la charge de reconstruire les écoles. L'article 3 dispense notamment les constructions temporaires d'hébergement d'urgence, prévues pour deux ans maximum, de toute formalité d'urbanisme. Les constructions modulaires n'ont pas démontré leur solidité et leur salubrité. Gare aux solutions de bricolage provisoire qui s'éternisent : nous devrons veiller au démontage effectif au bout de deux ans.
D'autres mesures visent à soutenir les associations et à encourager les dons : cela va dans le bon sens.
Je regrette toutefois que ce texte ne traite pas de l'accès à l'eau potable. Reconstruction d'infrastructures essentielles pour l'électricité et les communications, gel de certaines factures, voire des loyers, restauration des écosystèmes forestiers et littoraux sont autant de mesures qu'il faudrait étudier.
Le chantier est gigantesque, soyons à la hauteur. Le groupe UC votera bien sûr ce projet de loi, premier pas vers une reconstruction pérenne. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Akli Mellouli, Mme Antoinette Guhl et M. Saïd Omar Oili applaudissent également.)
Mme Evelyne Corbière Naminzo . - Un mois et demi après le passage de Chido, le Sénat vote enfin un texte d'urgence.
Rappelons que 90 % des Mahorais n'ont pas de toit, en pleine saison cyclonique. Dikeledi a encore aggravé la situation. Nous refusons que la précarité et la fragilité de l'habitat soient la norme à Mayotte.
Là-bas, les familles manquent de tout - d'eau, de nourriture, d'énergie, de soins. Mayotte se sent complètement abandonnée.
Je salue et remercie toutes les initiatives de solidarité. Au nom de mon groupe, j'assure de notre soutien les proches des victimes, les sinistrés et ceux qui leur portent secours.
Ce texte, en dépit de son nom, ne répond pas à l'urgence, car sur le terrain, c'est le provisoire qui prévaut, renforçant le sentiment d'abandon.
En réalité, il pose le cadre de la reconstruction, en adaptant les normes aux réalités climatiques. Il faut construire un nouvel aménagement, plus durable, avec des services publics dimensionnés aux besoins de la population.
Au vu des besoins immenses, le groupe CRCE-K votera ce texte, malgré nos inquiétudes.
Aux antipodes des opérations de destruction et d'expulsion des bidonvilles menées par M. Darmanin, nous demandons le relogement durable de toutes les personnes présentes dans le département, qu'elles aient ou non des papiers. Conditionner l'achat de tôles à la présentation d'une pièce d'identité est discriminatoire. Je pense aux sans-papiers jetés à la rue, aux victimes du cyclone qui n'ont pas été comptabilisées. Monsieur le ministre, nous ne vous lâcherons pas avant de connaître le nombre exact de disparus.
L'urgence est à la reconstruction. Mais Chido n'est pas responsable de tout : la pauvreté touche 84 % des Mahorais et le taux de chômage atteint des niveaux records. Mayotte est le département de l'injustice sociale et des promesses non tenues. Le Smic horaire est à 8,98 euros, contre 11,98 euros au niveau national ; le RSA y est inférieur de 50 % ! Le droit constitutionnel à l'instruction est loin d'être garanti : la plupart des élèves ont cours sur des demi-journées, par rotation. Quand l'État s'attaquera-t-il à la déscolarisation, dans ce territoire où 55 % de la population a moins de 20 ans ?
Prenons conscience des injustices que subissent les Mahorais. L'urgence, c'est aussi l'égalité sociale et l'égalité des chances.
Certes, il faut agir vite, mais nous n'accepterons pas des reconstructions à l'identique bâclées ou au rabais, sous peine de voir des catastrophes de ce type se reproduire. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER ainsi que sur les travées du GEST)
Mme Antoinette Guhl . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je veux dire toute notre solidarité et notre compassion aux habitants de Mayotte, dévastée. Nous devons prendre nos responsabilités. Le cyclone a plongé la population dans un état d'urgence humanitaire. Les bidonvilles ont été anéantis, leurs occupants sont dans un dénuement total. On décompte les pertes humaines.
L'urgence ne doit pas nous faire oublier nos valeurs humanistes : nous devons prendre soin de toutes les victimes, quelle que soit leur situation administrative. Il y va de notre dignité.
Dans cette partie de la France, 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté ; seuls 70 % des enfants sont scolarisés, et encore, un jour sur trois ; le chômage est cinq fois plus élevé que dans l'Hexagone. Comment reconstruire, quand les accès à l'éducation, à la santé, à un emploi décent sont restés si longtemps des promesses vides ? L'urgence, c'est de réparer, mais aussi de garantir un cadre de vie digne qui permette l'émancipation, ou de réaliser des investissements durables dans les infrastructures éducatives et sanitaires.
L'urgence est aussi écologique. Mayotte possède un patrimoine naturel inestimable ; son lagon abrite des espèces menacées, notamment le dugong, emblématique de Mayotte. Chido a dévasté forêts et récifs coralliens, et entraîné une pollution des eaux et des sols. Nous ne pourrons reconstruire Mayotte sans protéger la biodiversité. Ce projet de loi ne prévoit aucune mesure concrète pour restaurer ces habitats naturels : c'est pourtant une priorité.
L'ampleur des dérogations prévues aux règles d'urbanisme risque de nuire à la qualité des bâtiments. Ce texte se contente de réponses très temporaires. Deux mois seulement d'accompagnement social et économique, c'est court ! Il faut s'attaquer à la pauvreté. Les 100 millions d'euros prévus dans la mission « Outre-mer » sont loin de suffire, quand le ministre chiffre le coût de la reconstruction entre 1 et 3 milliards !
La reconstruction doit être un projet national et durable : c'est à cette condition que Mayotte pourra envisager un avenir digne, respectueux de l'environnement et des droits de tous. Mayotte mérite plus qu'un pansement sur une plaie béante. (Applaudissements sur les travées du GEST, des groupes SER et CRCE-K ; M. Bernard Buis et Mme Isabelle Florennes applaudissent également.)
M. Saïd Omar Oili . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) D'un côté, certains services sont presque revenus à la normale ; de l'autre, les récentes pluies ont provoqué des inondations et des dégâts sur le réseau d'eau. La population mahoraise souffre et se sent abandonnée.
Monsieur le ministre, vous avez souligné la capacité de résilience des Mahorais. C'est vrai : nous acceptons des conditions de vie qui, ailleurs, provoqueraient des soulèvements. Mais la résilience, comme la patience, a ses limites : je crains que les effets d'annonce qui ne se concrétiseraient pas n'attisent la colère, à l'aune des promesses non tenues. En 2022, la Cour des comptes a estimé dans son rapport que les promesses de « Mayotte 2025 » n'avaient pas été suivies d'effets au-delà d'un an. Après Chido, le Président de la République a annoncé une aide pour les personnes non assurées. Or vous proposez un prêt, qui ne correspond pas aux pratiques locales.
Chido, en shimaoré, signifie « miroir ». Le cyclone a révélé à l'opinion notre réalité : bidonvilles, insuffisances du système éducatif, accès à l'eau, la liste est longue.
Ma première réserve porte sur le terme « urgence ». L'avis du Conseil d'État vous suggérait de procéder par décrets. Une loi publiée après deux mois, et qui renvoie à des ordonnances, peut-elle être qualifiée de loi « d'urgence » ? De même, il ne s'agit pas tant de « reconstruire » Mayotte à l'identique que de « construire » sur de nouvelles bases.
L'absence de chiffrage étonne, vu l'écart entre les milliards annoncés dans la presse et les 35 millions d'euros inscrits dans le projet de budget.
Si la reconstruction se fait sans les Mahorais, elle sera un échec. D'où mes amendements aux articles 1 et 2, pour réduire de trois à un mois le délai de publication de l'ordonnance définissant le cadre du nouvel établissement public qui sera le bras armé de la reconstruction.
Il faudra une concertation avec les parlementaires sur le contenu de l'ordonnance. Je crains que l'établissement public soit une coquille vide dans les mains de l'État, et que la représentation des collectivités territoriales ne soit qu'honorifique. Son directeur général, le général Facon, aura une voix prépondérante. Or il faut une gouvernance partagée, sans quoi cela ne marchera pas. Les Mahorais ont d'ailleurs protesté contre l'article 10 relatif aux expropriations, y voyant un outil pour l'Établissement public foncier et d'aménagement de Mayotte (Epfam), très contesté par la population.
Monsieur le ministre, n'oubliez pas ces paroles de Nelson Mandela : « faire pour nous et sans nous, c'est faire contre nous » ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST, du groupe CRCE-K et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)
Mme Annick Petrus . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Si Mayotte est sous le choc de Chido, Saint-Martin a connu la même détresse en 2017, après l'ouragan Irma. Je sais ce que vivent les Mahorais : l'angoisse, la sidération, le sentiment d'abandon.
À Saint-Martin, nous avons appris comment rebâtir mieux, en évitant les pièges, en pensant résilience et en associant les habitants et les élus. Je veux apporter mon retour d'expérience : ce que nous avons vécu, Mayotte ne doit pas le revivre. Ce texte doit être le socle d'une reconstruction intelligente, qui évite de reproduire les erreurs passées.
Au-delà du bilan terrible du cyclone, n'oublions pas que Mayotte était déjà en grande difficulté : pauvreté, chômage, crise du logement.
À Saint-Martin, Irma a exacerbé nos défaillances. C'est pourquoi la reconstruction ne peut se contenter de rebâtir à l'identique. Il faut poser les bases d'un territoire plus solide, mieux protégé, mieux équipé.
Les obstacles sont nombreux : procédures administratives trop complexes, manque de coordination entre l'État et la collectivité, urbanisme non adapté aux risques climatiques.
Une reconstruction réussie repose sur trois piliers : des normes adaptées aux réalités locales, une concertation avec la population - l'absence de dialogue a suscité des tensions à Saint-Martin -, une planification sur le long terme, qui intègre les risques naturels et veille à une urbanisation maîtrisée.
La création d'un établissement public dédié à la reconstruction est une bonne chose. Mais il faut pleinement associer les élus locaux, qui connaissent les réalités de terrain.
Ne reléguez pas les artisans et les PME locales au second plan, au risque d'affaiblir le tissu local.
Les mesures économiques prévues - suspension des cotisations sociales, exonérations fiscales, aides directes aux commerces détruits - doivent être ancrées dans le territoire. Les maires, les élus départementaux doivent être consultés systématiquement sur les grands projets. Les marchés publics devront privilégier les entreprises mahoraises. La reconstruction ne sera acceptée que si elle est ancrée localement. Il faut aller plus loin que la gouvernance locale de l'établissement public : maires et élus doivent être systématiquement consultés, et les habitants associés aux choix d'urbanisme.
Ce projet de loi est un premier pas indispensable mais il doit poser les bases d'une reconstruction intelligente. L'urgence ne doit pas conduire à l'improvisation. Les conséquences d'une action mal coordonnée seraient dramatiques.
Il faut construire une Mayotte plus solide, pour que ce calvaire cesse. Nous devrons veiller à ce que les engagements pris deviennent une réalité tangible. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Solanges Nadille applaudit également.)
M. Daniel Fargeot . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le 14 décembre, Chido dévaste Mayotte, ses infrastructures, ses écoles, ses bidonvilles. Le 14 décembre, Chido achève Mayotte, un département depuis longtemps dans l'urgence, entre pauvreté, chômage et immigration irrégulière.
Monsieur le ministre, comment déclarer que l'État n'a pas failli ?
Le 14 décembre, Chido met à nu les carences de l'État dans ce territoire abandonné depuis des décennies. Esseulés, les Mahorais se demandent si leurs frères de métropole ont la moindre idée de leurs conditions de vie. L'impunité fait loi. Le cent unième département français est une zone de non-droit. Les habitants s'imposent un couvre-feu informel, tant il est dangereux de sortir à la nuit tombée. Nous sommes bien loin de mars 2011 et des espoirs de la départementalisation !
Nous apportons notre soutien à nos compatriotes mahorais - qui sont bien français. Cette évidence semble avoir été oubliée au moment de la catastrophe : c'est une ONG américaine qui a eu accès aux stocks et a accordé la priorité aux immigrés en situation irrégulière ! Pendant ce temps, les Mahorais attendaient, face à un gouvernement communicant mais éloigné des réalités. Comment déclarer que l'État n'a pas failli ?
Reconnaissance de l'état de calamité naturelle exceptionnelle, puis de catastrophe naturelle, l'urgence est absolue. Pourtant, les délais sont bien trop longs : huit semaines pour ce texte ! Les témoignages de nos collègues Salama Ramia et Saïd Omar Oili nous rappellent la réalité.
Les bidonvilles se sont déjà reconstitués : plus de 120 % de constructions illégales, en un temps record. Fallait-il s'interroger sur les dérogations aux règles d'urbanisme, alors que la puissance publique détient 56 % du foncier à Mayotte ? Pendant ce temps, les Mahorais, eux, restent sans toit.
Nous voterons évidemment ce texte, c'est une priorité. Nous saluons le travail pragmatique des rapporteurs.
Mais nous le voterons avec retenue et lucidité. Il révèle des failles béantes et ne corrige pas tout. Les Mahorais ont le sentiment d'être traités comme des citoyens de second rang sur leur propre sol.
Le 14 décembre, Chido a ravagé Mayotte. Il expose nos failles, et l'incapacité de l'État. Monsieur le ministre, vous avez dit que l'État n'a pas failli. Mais les mots ne suffisent plus. Mayotte est française, elle doit être traitée comme telle. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mmes Antoinette Guhl, Salama Ramia et M. Saïd Omar Oili applaudissent également.)
Mme Viviane Artigalas . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Antoinette Guhl applaudit également.) J'exprime à mon tour notre soutien aux Mahorais.
Ce texte doit traduire la solidarité due par la France à son cent unième département.
Mayotte est dévastée. Accès à l'eau, aux soins, aux moyens de communication, cultures vivrières réduites à néant... La crise humanitaire s'aggrave.
Pourtant, ce texte est essentiellement technique. Sa mesure phare est la création de l'établissement public chargé de la coordination et de la réalisation des travaux de reconstruction. C'est nécessaire, mais insuffisant. Où est l'humanité ?
Avant le cyclone, Mayotte était frappée déjà par des crises, sanitaire, humanitaire, hydrique. Nous regrettons que l'application stricte de l'article 45 de la Constitution nous ait empêchés de déposer des amendements sur le soutien à l'agriculture mahoraise, le recensement de la population, l'accès aux soins, l'instauration d'une zone franche globale, le foncier, le cadastre, la production de logements...
Heureusement, l'examen de la mission « Outre-mer » a corrigé cet oubli, avec 100 millions d'euros en autorisations d'engagement pour le fonds d'amorçage, mais seulement 35 millions en crédits de paiement.
Alors que les catastrophes naturelles vont se multiplier, en outre-mer comme en métropole, la France n'est pas prête. À Mayotte, des dizaines de morts ne seront jamais identifiés ni rendus à leurs familles. L'État doit prendre conscience de cette situation critique.
Nous défendrons des amendements visant à soutenir l'agriculture locale, à reconduire jusqu'à la fin 2025, voire au-delà, la suspension exceptionnelle des cotisations sociales. Les difficultés logistiques ne devront pas reposer sur les seules épaules des élus locaux.
Notre groupe avait demandé dès le mois de décembre l'organisation d'un débat au titre de l'article 50-1 de la Constitution, qui lui a été refusé, de même que la commission d'enquête demandée par M. Saïd Omar Oili. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe CRCE-K)
Mme Valérie Boyer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Zéna M'Déré, Younoussa Bamana, Marcel Henry, Zaïna Mairesse, ces grands noms de l'histoire mahoraise avaient un rêve commun : que Mayotte fasse partie de la République française. Des lieux symboliques portent leurs noms, pour ne pas oublier leurs combats et leurs espoirs. Ces hommes et ces femmes étaient rassemblés autour d'une seule communauté : la communauté française.
Le bilan de Chido est dramatique. L'hôpital de Mamoudzou, le seul de l'archipel, la plus grande maternité de France, a été fortement touché. J'exprime ma solidarité envers les victimes et leurs familles.
Il y a urgence, il faut agir pour l'accès à l'eau, au logement, pour la mise à l'abri et la reconstruction des infrastructures détruites.
Mais la reconstruction ne pourra se faire sans le peuple mahorais. Je remercie Mmes Micheline Jacques, Isabelle Florennes et Christine Bonfanti-Dossat qui ont enrichi le texte.
Cependant, cela ne suffira pas. Après le malheur, le bonheur, dit-on à Mayotte. Travaillons-y, mais ne faisons pas semblant de découvrir les difficultés de ce territoire. Un jour sur trois, l'eau ne coule pas au robinet. Dans ce département où 40 % de la population vit dans des bidonvilles, où l'insécurité est terrible, il faut une politique migratoire ferme, mais préservant la dignité humaine. J'avais proposé de réformer le droit du sol à Mayotte. L'immigration clandestine est une menace pour la cohésion de l'archipel et déstabilise la société mahoraise. Le trafic d'êtres humains doit cesser. La submersion migratoire doit cesser. (Murmures sur les travées du groupe SER)
Nous devons aussi normaliser nos relations avec le gouvernement des Comores, qui joue un jeu pervers, et ne plus laisser l'Azerbaïdjan déstabiliser nos territoires ultramarins. Ces pays hostiles, corrompus et corrupteurs, doivent cesser leurs opérations de déstabilisation. Il faut des actes. La souveraineté française et européenne est en jeu, tout comme la place de la France dans le monde.
Notre République est en train d'écrire une nouvelle histoire commune. Mayotte est dans la République, les Mahorais sont pleinement français, nous nous devons de les secourir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)
M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer . - Merci de vos interventions : le but du débat parlementaire est d'améliorer un texte.
À voir les catastrophes naturelles qui surviennent partout dans le monde, en Espagne ou aux États-Unis, je constate que nous avançons malgré tout, dans un temps très contraint.
Mme Jacques a évoqué les matériaux. Il faut effectivement changer les normes. Mayotte doit s'inscrire dans son environnement régional. Un marquage spécifique peut désormais être substitué au marquage RUP, mais cela prendra du temps. Le centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) étudie comment déployer des matériaux non européens dans les territoires ultramarins.
De même, nous devons accélérer les processus pour l'agriculture et la préparation du Ramadan. C'est notre obligation.
Les rapporteurs ont enrichi le texte, je les en remercie.
M. Verzelen a appelé à ouvrir des perspectives. D'abord, le temps de l'urgence. L'État n'a pas failli : même si des retards ont été pris, il a fait face. Je défends l'action du préfet et des services publics. La police, la gendarmerie, l'armée, les soignants, les services de l'État sont intervenus. On ne peut dire que l'État a failli.
Mme Malet a évoqué à raison le SMA. Ce sont 600 à 700 jeunes Mahorais, garçons et filles, que le SMA forme à des métiers utiles à la reconstruction.
Madame Ramia, merci de votre travail. Nous devons utiliser l'expérience des sénateurs mahorais pour trouver les meilleures solutions. Nous devons innover pour les régulations foncières ; nous y travaillerons, avec vous et avec la Chancellerie, pour faciliter la reconnaissance officielle de ces propriétés, et intégrerons ces éléments dans le projet de loi de programmation. En matière de cadastre, de droits de propriété, d'assurances, le retard est ancien, nous devons le rattraper.
M. Fialaire demande que nous fixions un cap. Quelle est la place de Mayotte dans le projet national : défense, biosphère, développement humain, éducatif, culturel, économique ? C'est autour de cela que nous devons rétablir la confiance avec les Mahorais. Ils ont besoin d'un projet, face aux Comores, dans l'océan Indien. À nous de le bâtir.
Bien des Français ont appris à situer Mayotte sur la carte à cause du cyclone. Ma responsabilité est de ne rien lâcher. Mayotte ne doit pas sortir des écrans radars.
Stéphane Demilly a évoqué l'accès à l'eau. L'urgence était à l'importation massive de bouteilles d'eau, et à la réparation des avaries. Mais à plus long terme, il faut construire la deuxième usine de dessalement - dont on parle depuis plus de dix ans ! - et la troisième retenue collinaire.
Mais il faudra aller plus loin, inventer d'autres instruments. On ne peut se contenter de gérer la pénurie et distribuer des bouteilles d'eau ! Nous avons le même problème en Guyane, dans les Antilles et à La Réunion. Nous pouvons faire mieux. Un expert chargé de l'eau est arrivé pour appuyer le préfet Bieuville de manière pérenne.
Le risque d'une nouvelle crise de l'eau est réel. Après Chido, son coût serait encore plus lourd.
Madame Corbière-Naminzo, on recense 40 décès, 125 blessés graves, 6 933 blessés légers. Il peut y avoir des disparus qui alourdiront le bilan. Mais je le redis : l'État n'a rien à cacher. Quel intérêt y aurait-il ?
Grâce à une démarche « d'aller vers » touchant 33 000 personnes, des professionnels de santé ont dispensé 15 000 soins. L'élément de sécurité civile rapide d'intervention médicale (Escrim) va bientôt achever sa tâche. Je salue le travail extraordinaire des médecins de l'hôpital militaire, qui a pris en charge près de 5 500 personnes.
Il y a un mois, on parlait de fosses communes et de charniers. A-t-on découvert ces charniers ? Des cadavres ont-ils été refoulés par la mer ? Non. On est très loin des 50 000 à 70 000 morts annoncés ! Si l'on découvre que les victimes sont plus nombreuses, comme les disparus, nous le dirons. Nous n'avons rien à cacher. Nous avons demandé à l'éducation nationale de nous signaler les absences d'enfants.
Vous pouvez lancer une commission d'enquête sur ce sujet, c'est votre choix. Nous répondrons à toutes les questions.
Les 100 millions d'euros pour le fonds d'amorçage sont une première étape pour la reconstruction des équipements publics. Il faudra faire plus.
La mission interinspections lancera la demande d'activation de fonds de l'État mais aussi de l'Union européenne. Le chiffrage est en cours.
À Mayotte, j'ai parlé d'un milliard d'euros pour les bâtiments publics. Le coût global des destructions avoisinera probablement les 3,5 milliards.
Cher Saïd Omar Oili, chère Salama Ramia, je ne peux me mettre à votre place. Je souhaite vous associer, avec vos collègues députés.
Nous avons pris des mesures d'urgence, par décret et par arrêté, pour réquisitionner du matériel afin de déblayer les déchets, pour accélérer des contrats pour l'adduction d'eau ou l'aide aux entreprises. Mais la voie réglementaire a ses limites.
Le plan Mayotte 2025 avait été annoncé par François Hollande, nous l'avions d'ailleurs signé ensemble. Je me demande encore comment un tel retard a pu être pris pour la mise en oeuvre d'un plan engagé en 2015 et mis en oeuvre jusqu'à 2017.
Vous évoquez un rapport de la Cour des comptes, « Quel développement pour Mayotte ? », qui a pointé le manque d'expertise et d'ingénierie des collectivités territoriales pour expliquer le retard. Je n'ai jamais mis en cause les maires ni le président du conseil départemental. Je parle du manque d'expertise, qui manque au niveau local mais aussi national, et que nous sommes en train de renforcer. Nous avons un excellent préfet à Mayotte - mais c'est trop souvent un premier poste de préfet. Il faut des préfets plus expérimentés et davantage de moyens. (M. Saïd Omar Oili renchérit.) Pas de refondation sans des collectivités fortes et sans les maires et les élus locaux.
Le prêt s'adressera à l'ensemble des familles et sera accessible lorsque les familles reconstruisent elles-mêmes ; ce sera un prêt à taux zéro et garanti par l'État jusqu'à 50 000 euros. Cela me paraît plus efficace que les annonces faites. (Marques d'impatience sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Je veux m'appuyer sur le travail des élus locaux et des parlementaires.
Le général Facon sera le chef de la mission Mayotte, mais pas le directeur général de l'établissement public. Il faudra trouver un aménageur spécialiste de ces sujets. Le président de l'établissement public sera le président du conseil départemental, qui siégera aux côtés des élus. Il devra être efficace. Il faut reconstruire les établissements publics, la forêt, mettre en oeuvre des politiques d'aménagement...
Madame Artigalas, les agriculteurs peuvent bénéficier de l'aide exceptionnelle prévue par le décret du 11 janvier 2025, de 20 % du chiffre d'affaires mensuel, plafonné à 20 000 euros par mois, de l'aide exceptionnelle du ministère de l'outre-mer, complémentaire du Fonds outre-mer, dotée de 15 millions d'euros. (M. Francis Szpiner s'impatiente.) Quelque 2 500 agriculteurs pourront en bénéficier.
Valérie Boyer a raison de souligner le devoir de vérité et de rappeler que les interventions extérieures de l'Azerbaïdjan sont scandaleuses.
Nous ne devons pas oublier la fragilité d'un tel territoire : une nouvelle catastrophe naturelle, une nouvelle crise de l'eau, des violences, l'immigration. La résilience et le courage sont là ; mais nous devons être à la hauteur des attentes de nos compatriotes mahorais. Si Chido a révélé quelque chose, c'est l'urgence. Si j'ai été nommé ministre d'État, ministre des outre-mer, c'est pour y répondre. La France joue à Mayotte une grande part de sa capacité à répondre aux besoins de nos compatriotes ultramarins. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Roger Karoutchi applaudit également.)
Discussion des articles
Article 1er
M. Pascal Savoldelli . - « J'ai eu l'occasion de me rendre à Mayotte trois fois » avant le cyclone, me raconte un responsable d'une association de lutte contre la précarité et l'exclusion. « J'ai pu prendre la mesure des énormes difficultés rencontrées sur un territoire oublié de la République. » « Si l'État peut s'enorgueillir de quelques réalisations », comme l'hôpital de Mamoudzou, « la réponse est dérisoire face aux besoins réels : absence de coordination entre l'État et les collectivités locales, déficit énorme d'ingénierie, défaillance de la concurrence avec des acteurs uniques omnipotents et hors de prix pour la voirie, rendant chaque projet infinançable. » Sur une île « deux fois plus peuplée que les chiffres officiels », le logement est problématique.
Loin des discours stigmatisants, voici ce qu'on savait de Mayotte avant le cyclone. Nous devons nous coordonner avec les Mahorais, les élus et la société civile.
Monsieur le ministre, pour le nouvel établissement public, le dire c'est le faire. (M. Manuel Valls affiche une moue interrogative.)
Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président
M. le président. - Amendement n°85 rectifié de M. Omar Oili et du groupe SER.
M. Saïd Omar Oili. - Nous devons agir vite. La création d'un établissement public s'est tout de suite imposée ; mais les délais de ce texte nous amènent à l'été, avec un établissement opérationnel en septembre. Les élus ont besoin de connaître les missions exactes de l'établissement public pour se coordonner. La rentrée scolaire a été faite dans des conditions dégradées, faute de locaux. Certains enseignants manquent à l'appel, faute de logements pour eux-mêmes et leurs familles. Pour le moment, on nous donne des tentes et des bâches. Je sais que trois mois est le délai normal pour écrire une ordonnance, mais plus rien n'est normal à Mayotte. Monsieur le ministre, confirmez-nous que les choses iront vite !
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Avis défavorable. Cet amendement met une pression inutile sur le Gouvernement, qui doit se concerter avec les partenaires.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Je partage votre objectif d'une action rapide ; le général Facon qui était avec moi à Mayotte y est toujours ; il est en contact avec le conseil départemental et tous les maires, ainsi qu'avec les filières économiques, agricoles et sociales. Nous pouvons aller vite, d'autant plus que nous utiliserons l'établissement public préexistant. Mais un délai d'un mois est insuffisant.
Je m'engage à ce que le Gouvernement présente l'ordonnance dans les meilleurs délais. Laissez-nous ces trois mois : si nous allons plus vite, tant mieux ! Le fonds d'amorçage permettra de commencer à reconstruire les établissements scolaires.
L'amendement n°85 rectifié est adopté.
(Marques de satisfaction à gauche)
M. le président. - Amendement n°147 rectifié de Mme de Marco et alii.
Mme Antoinette Guhl. - Le directeur adjoint de l'ARS estime que les capacités de mise à l'abri sont largement insuffisantes : les « centres de vie » peuvent accueillir 30 000 personnes pour une population de 300 000 à 400 000 personnes ! Nous devons y remédier.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Avis défavorable. Les 30 000 places sont insuffisantes, mais gardons à l'établissement public des missions bien circonscrites.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°147 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°86 rectifié bis de M. Omar Oili et du groupe SER.
M. Saïd Omar Oili. - L'établissement public doit reposer sur une représentation équilibrée entre l'État, les collectivités et leurs groupements, pour une gouvernance partagée. Le général Facon est à Mayotte pour une semaine... Or c'est à Mayotte que la mission doit être finalisée et non à Paris. Le plan d'action doit être co-élaboré avec les élus, au plus près des besoins, et non « décliné avec les élus ». C'est l'assurance de rebâtir Mayotte avec une culture et un savoir-faire locaux.
M. le président. - Amendement n°117 rectifié bis de M. Omar Oili et du groupe SER.
M. Saïd Omar Oili. - Nous proposons que le président de l'Association des maires de Mayotte (AMM) puisse être représenté au conseil d'administration de l'établissement public.
Monsieur le ministre, lors de votre audition devant la commission des affaires économiques, vous avez dit : les maires n'ont parfois pas assumé leur responsabilité, la nourriture n'est pas arrivée jusqu'aux derniers kilomètres. C'est pourtant la responsabilité des services de l'État d'aller dans les communes, de prévenir les dégradations humanitaires de la situation. Vous avez dit ne pas rentrer dans les polémiques - on y est !
On y est avec les mots du Président de la République, cinq jours après la catastrophe : « si ce n'était pas la France, vous seriez 10 000 fois plus dans la merde » ! Et que dire du refus d'organiser un débat au titre de l'article 50-1 de la Constitution ? Pourquoi refuser de faire la lumière sur la gestion de crise ? Où est la confiance ? Les élus de Mayotte veulent une véritable gouvernance partagée. Tout est à construire. Le moment est décisif.
M. le président. - Amendement n°156 du Gouvernement.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Je ne participerai à aucune polémique avec vous.
M. Jean-Claude Tissot. - Vous l'avez créée !
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Si l'on veut entrer dans ce débat, il y a des arguments. (Murmures à gauche)
Mme Raymonde Poncet Monge. - Il ne faut pas créer des polémiques !
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Sur place, il y a eu des manques du côté de l'État, mais aussi du côté des communes - et vous, monsieur le sénateur, qui connaissez très bien les élus, le savez mieux que moi : les maires ont fait un travail formidable pour la plupart...
L'amendement du Gouvernement associe les élus locaux au conseil d'administration de l'établissement public.
Mme le rapporteur Jacques a prévu qu'au moins cinq représentants des collectivités territoriales siégeront au conseil d'administration de l'établissement public. Cela n'existait pas avant et permet de travailler dans de meilleures conditions.
M. le président. - Amendement n°19 de Mme Guhl et alii.
Mme Antoinette Guhl. - Cet amendement élargit la composition du conseil d'administration au comité de l'eau et de la biodiversité et au Conseil économique, social et environnemental de Mayotte (Cesem), qui représentera la société civile mahoraise. Comme le dit Saïd Omar Oili, citant Nelson Mandela : « tout ce qui est fait pour moi, sans moi, est fait contre moi ». (M. Manuel Valls soupire.)
M. le président. - Amendement n°118 rectifié de M. Omar Oili et du groupe SER.
M. Saïd Omar Oili. - Le dernier mot à l'État en cas de partage de voix est en contradiction avec la présidence donnée à un élu local. Les élus mahorais ne veulent pas des titres, mais une gouvernance partagée ! J'ai rédigé cet amendement avec l'Association des maires de Mayotte : c'est le président qui doit avoir voix prépondérante.
M. le président. - Amendement n°170 de Mme Jacques, au nom de la commission des affaires économiques.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - C'est une clarification juridique : le directeur général de l'établissement public, bien que représentant de l'État, n'a pas vocation à devenir membre du conseil d'administration du nouvel établissement ; il faut donc qu'un représentant de l'État ait une voix prépondérante en cas de partage des voix.
Avis favorable à l'amendement n°156. Nous avons voté en commission le principe d'une représentation des communes ; le Gouvernement propose une formulation plus souple, mais avec un minimum de six sièges : un pour le président de l'Association des maires et cinq pour les EPCI.
Avis défavorable à l'amendement n°86 rectifié bis : nous avons déjà fortement amélioré la gouvernance, et devons éviter les situations de blocage. À une gouvernance partagée pure, nous avons préféré une voix prépondérante donnée à l'État.
Même avis pour l'amendement n°117 rectifié bis : le niveau de détail est trop poussé. Le décret statutaire prévoira les règles de désignation des suppléants.
Même avis sur l'amendement n°19 : le comité de l'eau et le Cesem sont déjà représentés dans le comité technique rattaché au conseil d'administration.
Avis défavorable à l'amendement n°118 rectifié bis : restons-en à ce que nous avons voté en commission.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Avis favorable à l'amendement n°170. Avis défavorable aux autres amendements. Nous sommes arrivés à un bon compromis entre efficacité et représentation des élus.
J'ai déjeuné avec le président du conseil départemental, le président de l'association des maires et les présidents des EPCI. Nous avons bien travaillé sur la gouvernance de l'établissement public, qui devra être efficace : c'est notre objectif à tous.
Mme Audrey Bélim. - La résilience de la population, ce sont les élus locaux qui la font. Le Sénat, chambre des territoires, doit leur permettre de compter pleinement dans la reconstruction !
L'amendement n°86 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°117 rectifié.
L'amendement n°156 est adopté.
L'amendement n°19 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°118 rectifié bis.
L'amendement n°170 est adopté.
M. le président. - Amendement n°36 de Mme Ramia et du RDPI.
Mme Salama Ramia. - Intégrons au comité technique les opérateurs de réseaux, au même titre que les opérateurs de téléphonie ou d'électricité. Leur présence autour de la table est indispensable.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Avis favorable.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Avis défavorable. L'amendement est en partie satisfait par le texte de la commission, qui intègre au comité technique les professionnels du bâtiment et les architectes, entre autres acteurs. Veillons à ce que le comité n'ait pas une taille inconsidérée.
L'amendement n°36 est adopté.
M. le président. - Amendement n°47 de Mme Ramia et du RDPI.
Mme Salama Ramia. - Les organisations représentatives du bâtiment, des travaux publics et de l'ingénierie doivent faire partie du comité technique au côté des professionnels ou experts, dont la représentativité pourrait être sujette à caution.
M. le président. - Amendement identique n°125 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Ces organisations représentatives sont les plus au fait des contraintes techniques. Elles portent la voix des salariés bâtisseurs. Les associer améliorera la qualité du dialogue social et préviendra les conflits. La reconstruction qui s'annonce est une tâche colossale : ne nous privons pas de la voix des acteurs de terrain et de ceux qui bâtissent de leurs mains.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Avis favorable.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.
Les amendements identiques nos47 et 125 sont adoptés.
M. le président. - Amendement n°48 de Mme Ramia et du RDPI.
Mme Salama Ramia. - Les chambres consulaires et les acteurs de l'économie sociale et solidaire (ESS) souhaitent être pleinement intégrés aux consultations. Leur implication offrira un panorama étendu des enjeux dans les domaines de la formation, de l'emploi et de l'accompagnement des professionnels.
M. le président. - Amendement n°50 de Mme Ramia et du RDPI.
Mme Salama Ramia. - Amendement de repli, visant à assurer la représentation des chambres consulaires et de la chambre régionale de l'ESS au sein de l'établissement public.
M. le président. - Amendement n°91 rectifié de Mme Artigalas et du groupe SER.
Mme Viviane Artigalas. - Les travaux de reconstruction doivent jeter les bases d'un nouveau développement économique, social et durable. L'ESS, c'est près de 3 000 entreprises qui contribuent à répondre aux besoins essentiels de la population. Compte tenu de son implication et des valeurs dont il est porteur, ce réseau apportera une vision utile pour la relance du développement de l'île.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Avis défavorable. Nous avons déjà intégré de nombreux acteurs au sein du comité technique, dont le conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) et la commission d'urgence foncière (CUF). Par ailleurs, nous avons confié un rôle consultatif au Cesem.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°48 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos50 et 91 rectifié.
M. le président. - Amendement n°90 rectifié de Mme Artigalas et du groupe SER.
Mme Viviane Artigalas. - Reconstruire l'île et poser les bases d'un modèle renouvelé de développement suppose de mobiliser toutes les compétences mahoraises. Une action renforcée s'impose en matière de formation et d'insertion professionnelles. Les acteurs concernés doivent être intégrés au comité technique.
L'âge moyen à Mayotte est de 23 ans et la moitié de la population y a moins de 18 ans. Or 25 000 jeunes ne sont ni en formation ni en emploi. Le débat public se concentre sur la violence, mais quid de l'insertion professionnelle ? La priorité doit être la jeunesse !
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Oui, la priorité, c'est la jeunesse. Éducation, formation, apprentissage : voilà la grande affaire. Le combat sera de longue haleine, et nous en reparlerons lors de l'examen de la loi Mayotte debout. Il faudra mobiliser toutes les politiques de droit commun. Avis défavorable à votre amendement, pour ne pas alourdir la tâche de l'établissement public.
L'amendement n°90 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°102 rectifié de M. Fagnen et du groupe SER.
Mme Audrey Bélim. - Les représentants du conseil de l'ordre des architectes de La Réunion et de Mayotte doivent être associés au comité technique, car leur connaissance du bâti et du cadre de vie sera essentielle pour décider des options stratégiques de reconstruction, notamment en privilégiant des solutions locales, moins onéreuses et adaptées au mode de vie mahorais - je pense à des fibres locales.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Avis défavorable : les architectes sont déjà associés au comité technique via le CAUE.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°102 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°87 rectifié de M. Omar Oili et du groupe SER.
M. Saïd Omar Oili. - Les moyens financiers et techniques des collectivités sont au coeur des préoccupations des élus mahorais.
Lors de l'examen de la mission « Outre-mer », nous avons voté l'amendement du Gouvernement prévoyant 30 millions d'euros pour 2025. C'est très peu, même pour un fonds d'amorçage... Nous n'avons aucune visibilité sur le financement de la reconstruction. Y aura-t-il un projet de loi de finances rectificative pour Mayotte ?
Nous souhaitons des clarifications aussi sur la nature et l'étendue des missions de l'établissement public, qui doit pouvoir intervenir sur l'ensemble des équipements et infrastructures. L'alinéa 6 prévoit une maîtrise d'ouvrage pour certains projets seulement : qu'en est-il ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Nous nous en remettons à l'avis du Gouvernement. Ce pourrait être utile pour les collectivités mahoraises, mais je ne voudrais pas qu'on éloigne l'établissement du coeur de sa mission.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Je ne suis pas opposé à cette rédaction. En ce moment même, le général Facon mène un travail de préfiguration avec les élus et les acteurs économiques.
Avec le Premier ministre, nous avons pris l'engagement d'être au rendez-vous en matière de financements. La loi de programmation précisera cet engagement, et les fonds prévus pour 2025 sont suffisants pour agir. Les crédits mobilisés seront issus de toutes les missions budgétaires. Avis favorable.
L'amendement n°87 rectifié bis est adopté.
L'amendement n°154 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°135 de M. Mellouli et alii.
M. Akli Mellouli. - Ce texte ne réglera pas tous les problèmes, après trente ans de retard à l'allumage, mais mettons le train sur de bons rails.
Chido a amplifié les problèmes préexistants en matière de logement. Offrir un logement digne et pérenne à tous est un impératif républicain de solidarité. Ne laissons pas les bidonvilles se reformer ! Reconstruisons de manière durable, pour protéger les populations des catastrophes à venir. Ne confondons pas fermeté et inhumanité : la reconstruction doit bénéficier aussi aux personnes en situation irrégulière.
M. le président. - Amendement n°60 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Nous voulons garantir le relogement durable de toutes les personnes présentes à Mayotte. L'habitat précaire, qui concerne au moins un tiers de la population, a été détruit par le cyclone. Les opérations de démolition menées antérieurement n'avaient rien résolu : selon la Ligue des droits de l'homme, de nombreuses familles ont refusé les offres de relogement, car la solution proposée était trop éloignée de l'école de leurs enfants.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Avis défavorable. Je partage l'objectif, mais les amendements poseraient un problème de mise en oeuvre. Ils créeraient une obligation de reloger des personnes en situation irrégulière, dont certaines occupent des terrains à titre illégal, obligation qui n'existe pas dans l'Hexagone. Le dernier rapport de la délégation aux outre-mer évoque cent mille personnes en situation irrégulière à Mayotte.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Avis défavorable. Je comprends les objectifs, et nous devons trouver des solutions dignes pour tout le monde. Dans les bidonvilles, il y a des Mahorais, mais surtout des personnes en situation irrégulière. J'ai visité un collège qui scolarise à 80 % les enfants d'un bidonville voisin, dont les parents sont souvent en situation irrégulière : ils ne sont ni expulsables ni régularisables. La circulaire qui porte mon nom n'est pas en cause, puisqu'elle n'est pas applicable dans l'île. Nous sommes face à des situations inextricables. Nous devons réussir l'intégration sociale et éducative. À Chirongui ou sur Petite-Terre, l'Anru n'a pas attendu la loi pour agir. Les maires cherchent des solutions concrètes, au nom de l'humanité mais aussi des liens de proximité qui existent.
À ce stade, laissons les élus locaux travailler. L'immigration illégale est un drame pour ceux qui quittent leur pays, mais aussi un défi majeur pour les Mahorais. Pour reloger dignement ces derniers, il faut aussi lutter contre l'habitat illégal et l'immigration irrégulière.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Je vous parle de jeunes dont les parents sont certes en situation irrégulière, mais qui sont scolarisés sur la terre de France. Leur assurer un toit durant leur enfance serait gage de cohésion sociale et de sérénité dans le lien de ces enfants avec notre République.
Mme Viviane Artigalas. - Nous souhaitons, bien sûr, que tout le monde soit relogé dans de bonnes conditions. Mais on ne peut demander à Mayotte, qui souffre déjà de grandes difficultés, de faire ce qui ne se fait pas en métropole. Ces amendements sont quelque peu irréalistes. Nous ne les voterons pas, à regret.
M. Akli Mellouli. - J'ai compris que la période était aux regrets... (On ironise à droite.) Mais il faut un cap politique. Quand vous êtes Comorien, sans accès aux soins et à l'éducation, vous essayez de traverser pour offrir une vie digne à vos enfants ! La politique, c'est faire preuve de courage. Avec 37 % de crédits en moins pour l'aide publique au développement, on construit sur du sable. L'histoire vous jugera ! (Murmures désapprobateurs à droite)
L'amendement n°135 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°60.
M. le président. - Amendement n°71 du Gouvernement.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Amendement rédactionnel, visant à mieux séparer le travail d'information qui appartient à l'établissement public de celui, plus global, qui relève du Gouvernement.
M. le président. - Sous-amendement n°160 de Mme Artigalas et du groupe SER.
Mme Viviane Artigalas. - Ce sous-amendement prévoit que le rapport d'activité annuel de l'établissement public rend compte des besoins d'insertion et de formation professionnelles et des actions menées dans ce domaine.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Nous sommes favorables à l'amendement du Gouvernement, mais défavorables au sous-amendement : il n'est pas pertinent, dans un contexte d'urgence, de dresser un bilan des mesures en matière de formation professionnelle, qui relèvent d'une action plus structurelle.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Avis défavorable au sous-amendement.
Le sous-amendement n°160 n'est pas adopté.
L'amendement n°71 est adopté.
L'article 1er, modifié, est adopté.
Article 1er bis
M. le président. - Amendement n°72 du Gouvernement.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Amendement de coordination avec l'amendement rédactionnel adopté il y a quelques instants. Les informations mentionnées à partir de l'alinéa 3 relèvent de l'État plus que de l'établissement public : nous confions donc au premier la réalisation du rapport correspondant.
M. le président. - Amendement n°52 de Mme Ramia et du RDPI.
Mme Salama Ramia. - La reconstruction de Mayotte doit se faire avec responsabilité et dans la transparence. Les sociétés remportant un appel d'offres doivent l'avoir à l'esprit. Nous voulons rendre publics les éventuels incidents et défaillances de ces sociétés.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement n°72.
Quel est avis du Gouvernement sur l'amendement n°52 ?
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Je mène un combat contre un certain nombre de grands groupes, mais la publication de la liste prévue par l'amendement n°72 poserait problème au regard du secret des affaires et serait source de contentieux. Au nom de la sécurité juridique, avis défavorable.
Mme Antoinette Guhl. - Les marchés publics sont, comme leur nom l'indique, publics. Les défaillances d'entreprises également. Rapprocher les deux mettrait une forme de pression sociale sur les entreprises pour qu'elles n'abusent pas des aides. Nous voterons l'amendement n°52.
L'amendement n°72 est adopté.
L'amendement n°52 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°171 de Mme Jacques, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement rédactionnel n°171, approuvé par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°99 rectifié de Mme Artigalas et du groupe SER.
Mme Viviane Artigalas. - Amendement précédemment défendu.
L'amendement n°99 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°93 rectifié de Mme Artigalas et du groupe SER.
Mme Viviane Artigalas. - Nous proposons que le rapport d'activité de l'établissement public rende compte de la mobilisation des fonds européens auxquels Mayotte est éligible comme région ultrapériphérique de l'Union européenne. Je pense en particulier au fonds de solidarité de l'Union européenne et aux mesures Restore, destinées à renforcer la résilience face au changement climatique. Ces aides seront essentielles, notamment pour reconstruire les infrastructures critiques et assurer l'accès aux soins.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Cet amendement pourrait être pertinent, mais je ne voudrais pas qu'il alourdisse le travail des administrations, qui doivent rester concentrées sur la reconstruction. Qu'en pense le Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Nous avons besoin d'y voir clair. Avis favorable.
L'amendement n°93 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°37 de Mme Ramia et du groupe RDPI.
Mme Salama Ramia. - L'établissement public pourra être amené à modifier l'état du cadastre. Par souci de transparence, il paraît opportun d'inclure dans son rapport annuel toutes les opérations ayant eu un effet sur notre cadastre.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Cet amendement ne semble plus pertinent depuis l'adoption de l'amendement n°72. Retrait ?
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Il est prévu que le rapport du Gouvernement traite aussi de l'avancée de la mise à jour des données cadastrales. Avis favorable.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Compte tenu de l'avis du Gouvernement, avis favorable.
L'amendement n°37 est adopté.
L'article 1er bis, modifié, est adopté.
Après l'article 1er bis
M. le président. - Amendement n°59 rectifié bis de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.
M. Gérard Lahellec. - Les trois quarts de la forêt mahoraise, qui couvre près de 40 % de l'île, ont été dévastés. Ce texte n'a certes pas vocation à traiter de tous les sujets, mais les projets de loi futurs seront peut-être retardés par le contexte politique, sans que les Mahorais y soient pour quelque chose... Nous demandons un plan pluriannuel de reforestation incluant le reboisement par des essences adaptées, la lutte contre l'érosion et la préservation de la biodiversité.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Je ne méconnais pas l'importance des dégâts sur les forêts ni la nécessité d'une reforestation rapide. Mayotte est effectivement soumise à une forte érosion et à des risques de glissement de terrain. Mais ce travail a vocation à être planifié et mis en oeuvre au niveau local. De plus, la création d'une commission de suivi n'est pas opportune au moment où nous cherchons à supprimer les comités Théodule. Avis défavorable.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Oui, un plan de reboisement doit être adopté rapidement, qui cible des essences adaptées. Il s'agit aussi de prévenir l'occupation illégale des espaces dégradés. La reconstruction de la forêt est primordiale pour l'écosystème et les circuits d'eau. L'Office national des forêts (ONF) a entamé un travail de cartographie par drone, et un plan d'action sera prochainement proposé, en liaison étroite avec le conseil départemental, principal propriétaire des forêts. Votre amendement est donc satisfait : retrait, sinon avis défavorable.
Mme Antoinette Guhl. - Ce texte vise à simplifier, mais la reforestation n'est pas un sujet mineur en période de changement climatique. Un tel plan pluriannuel serait bienvenu. Nous voterons cet amendement.
M. Saïd Omar Oili. - À Mayotte, nous avons deux saisons : la saison des pluies et la saison sèche. Nous sommes en pleine saison des pluies, et c'est maintenant qu'il faut planter ! Si nous ne le faisons pas, nous aurons perdu un an.
L'amendement n°59 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°116 rectifié bis de M. Tissot et du groupe SER.
M. Jean-Claude Tissot. - Cet amendement prévoit un rapport sur l'opportunité d'un fonds de soutien pour la reconstruction des exploitations agricoles. Vous l'aurez compris : je demande moins ce rapport que des mesures d'accompagnement renforcées pour réparer les très lourds dommages causés à l'agriculture mahoraise et repenser la production locale. L'aide de 1 000 euros par ferme annoncée par la ministre de l'agriculture est insuffisante : il faudrait 1 000 euros par mois jusqu'à la fin de l'année, soit 40 millions d'euros. Cela peut paraître beaucoup, mais c'est le minimum pour relancer l'agriculture mahoraise.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Nous avons supprimé en commission une demi-douzaine de rapports demandés par nos collègues députés... Je serai constante dans l'application de cette doctrine. La mission interinspections diligentée par le Gouvernement présentera dans les jours à venir un bilan et des propositions, y compris sur l'agriculture. Je défendrai ultérieurement un amendement visant à aider les agriculteurs. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°116 rectifié bis n'est pas adopté.
Article 3
M. le président. - Amendement n°10 de Mme Guhl et alii.
Mme Antoinette Guhl. - Supprimons cet article, qui permet le déploiement de bâtiments modulaires à usage de bureaux ou classes temporaires ou pour servir de logements aux personnels séjournant temporairement à Mayotte dans le cadre d'une mission de soutien aux victimes ou d'aide à la reconstruction. Le recours à l'habitat modulaire n'est absolument pas adapté.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - La commission a rétabli cet article en le recentrant sur les bureaux et classes provisoires, ainsi que le logement des personnels en mission temporaire : il ne s'agit donc plus de reloger des Mahorais. Cette solution est adaptée pour des courtes durées. Par ailleurs, il faut naturellement développer l'offre de logements pérennes.
Ces constructions modulaires sont tout à fait réutilisables. Toutes ne sont pas de mauvaise qualité. Vous avez en tête des conteneurs quasi insalubres, mais les constructions des centres d'hébergement d'urgence de Tsountsou et Koungou ont résisté au cyclone. Avis défavorable.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°10 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°4 de M. Hochart et alii.
M. Christopher Szczurek. - Défendu.
L'amendement n°4, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°105 rectifié de Mme Artigalas et du groupe SER.
Mme Viviane Artigalas. - Nous ne pouvons faire l'économie des bâtiments modulaires pour reloger temporairement des familles. Nous proposons que le dossier d'information transmis au maire pour solliciter son accord préalable à l'implantation de telles constructions précise explicitement l'usage envisagé.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Retrait, sinon avis défavorable. Dans les faits, les habitants préfèrent occuper leur logement, même très dégradé, par peur des squatteurs. Ne jetons pas d'huile sur le feu.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Je partage votre souhait de faire bénéficier de ces solutions temporaires des Mahorais en situation de détresse : c'était l'intention initiale du Gouvernement. Je comprends aussi le souci des maires de disposer d'informations suffisantes ; mais le dossier qui leur est transmis contient déjà les précisions demandées. Sagesse.
Mme Viviane Artigalas. - Il s'agit d'une simple possibilité, non d'une obligation. Par ailleurs, informer précisément les maires de ce qui est envisagé sur leur territoire est important.
L'amendement n°105 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°30 rectifié bis de M. Piednoir et alii.
M. Stéphane Piednoir. - La reconstruction rapide de Mayotte est un impératif, et l'habitat modulaire peut y contribuer. Cet amendement vise à favoriser les matériaux biosourcés pour les habitations démontables, afin de réduire leur impact environnemental et d'accélérer les constructions. Des acteurs français font preuve dans ce domaine d'une ingéniosité remarquable : encourageons-les.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Avis défavorable. Avec la crise des Houthis, un conteneur met trois mois pour aller à Mayotte. Son coût de transport a augmenté de 1 500 euros. Dans ces conditions, le modulaire revient aussi cher qu'un bâtiment en dur...
La brique de Mayotte, reconnue et normée CE, a très bien résisté à l'ouragan. Les acteurs locaux pensent revenir à son usage.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°30 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°11 rectifié de Mme Guhl et alii.
Mme Antoinette Guhl. - Amendement de repli. Nous proposons d'encadrer les bâtiments modulaires en interdisant le recours au métal, totalement inadapté aux conditions climatiques locales. Il faut privilégier le bois. Nous répétons que, à nos yeux, il ne s'agit pas de solutions pérennes : ils ne doivent pas être utilisés pendant plus de deux ans.
Le sous-amendement n°161 n'est pas défendu.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Avis défavorable. Cet amendement restreint exagérément le champ des structures modulaires susceptibles d'être installées.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Même avis.
Mme Antoinette Guhl. - Des bâtiments modulaires en métal seraient un véritable fléau : qu'en fera-t-on quand ils seront devenus des déchets ?
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - À La Réunion comme à Mayotte, nous vivons sous un climat tropical. L'amendement de Mme Guhl est de bon sens. Pour avoir travaillé des journées entières dans un conteneur par 40 degrés sans climatisation, je vous assure que c'est difficile... J'espère que si des personnes doivent être logées dans un container en métal, elles disposeront d'un climatiseur.
L'amendement n°11 rectifié n'est pas adopté.
L'article 3, modifié, est adopté.
La séance est suspendue à 20 heures.
Présidence de M. Alain Marc, vice-président
La séance reprend à 21 h 30.
Après l'article 3
M. le président. - Amendement n°139 de M. Mellouli et alii.
M. Akli Mellouli. - Avant Chido, les bidonvilles de Mayotte étaient déjà extrêmement précaires, sans accès à l'eau et à l'assainissement. La catastrophe a aggravé la situation. Il ne faut pas se contenter d'interdire la reconstruction illégale, mais bien de trouver des alternatives crédibles. Nous proposons d'identifier rapidement des terrains sécurisés pour y installer des logements temporaires, en attendant des solutions pérennes.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Avis défavorable. Les critères restrictifs de l'amendement sont en contradiction avec l'article 3 ; nous avons prévu un avis conforme du maire et l'information du préfet ; l'article permettra un déploiement immédiat des constructions modulaires et non au bout de trois mois.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°139 n'est pas adopté.
Article 4
M. le président. - Amendement n°106 rectifié de Mme Artigalas et du groupe SER.
Mme Audrey Bélim. - Cet amendement revient au périmètre initial de l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance. Nous avons voté il y a un an la loi Rénovation de l'habitat dégradé, qui prévoit des mesures contre l'habitat insalubre. Nous ne souhaitons pas que l'habilitation soit étendue sans avoir eu des explications sur l'orientation de ces mesures.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Comment reconstruire Mayotte tout en évitant de nouveaux bidonvilles ? Il faut habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Avis défavorable.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Je partage l'objectif, mais votre rédaction supprime du champ de l'habilitation la lutte contre l'habitat informel. Or c'est un fléau qui défigure Mayotte, qui l'entrave dans son développement. Retrait au profit de l'amendement n°73 du Gouvernement, qui rétablit l'intégralité de l'habilitation tout en conservant l'objectif de lutter contre les bidonvilles.
L'amendement n°106 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°73 du Gouvernement.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Défendu.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Avis favorable. Les contraintes introduites par les députés sont excessives : le Gouvernement doit pouvoir adapter aux caractéristiques de Mayotte les règles relatives aux énergies renouvelables et à l'accessibilité, en contrepartie d'une application limitée de ces mesures dans le temps.
L'amendement n°73 est adopté.
L'article 4, modifié, est adopté.
Article 4 bis
M. le président. - Amendement n°13 de Mme Guhl et alii.
Mme Antoinette Guhl. - Supprimons l'article 4 bis, qui réserve la vente de tôle aux particuliers détenteurs d'une pièce d'identité et qui impose aux entreprises de tenir des registres de vente.
C'est tout bonnement scandaleux : l'article vise explicitement les personnes sans papiers - c'est le reflet d'un débat public nauséabond.
Je demande cette suppression de cette forme de préférence nationale, mesure phare du RN (Mme Dominique Estrosi Sassone proteste) qui n'a rien à faire dans ce texte. (M. Christopher Szczurek ironise.)
M. le président. - Amendement identique n°53 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Nous nous opposons à cette mesure discriminatoire. L'objectif de garantir le logement durable à tous les habitants de Mayotte n'est pas atteint.
Le cyclone a tué de nombreuses victimes sans papiers dont la mort n'a pas été comptabilisée. Il a détruit de nombreuses habitations. Les opérations de destruction des bidonvilles ont condamné encore davantage de personnes au sans-abrisme. Menacées, vivant dans la rue, ces personnes ne peuvent reconstruire leur logement. Nous le dénonçons. Cet article soulève une question politique. Empêcher une personne de reconstruire un logement, c'est menacer sa vie. On doit pouvoir, avec ou sans papiers, dormir sous un toit, à Mayotte ou ailleurs.
M. le président. - Amendement identique n°107 rectifié de Mme Artigalas et du groupe SER.
Mme Viviane Artigalas. - Défendu.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Ces amendements de suppression ont été rejetés en commission. N'oubliez-vous pas que la reconstitution d'une habitation informelle est d'ores et déjà une pratique illégale, et donc interdite ?
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Je suis troublé...
Mme Raymonde Poncet Monge. - Il y a de quoi !
M. Manuel Valls, ministre d'État. - ... par votre opposition à cette mesure de bon sens. Il s'agit simplement d'empêcher la reconstruction de bidonvilles. C'est très difficile, car peu de temps après Chido, ils ont été reconstruits...
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - C'est humain.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - ... dans des conditions pires qu'auparavant - les terrains sont glissants, il y a eu des décasages. Les Mahorais en règle pourront continuer d'acheter de la tôle. Le statu quo, ce que vous proposez, est dangereux et coupable. (On le conteste à gauche.)
On ne peut pas me rétorquer que c'est une mesure de préférence nationale et refuser mes arguments... Plus d'un tiers des habitations en tôle étaient illégales, avant Chido. Ces tôles ont occasionné de nombreuses blessures : si nous voulons débarrasser Mayotte de ce fléau, il faut des mesures fortes et du temps - on ne recrée pas un parcours de logement en quelques semaines.
Laisser la tôle en vente libre, c'est la garantie du retour des bidonvilles : cela représentera un vrai risque lors du prochain cyclone.
Madame Corbière Naminzo, apportez-moi des preuves de ce que vous avancez ! Vous ne pouvez pas affirmer au Sénat que des victimes auraient été cachées. Des colonnes de policiers et de gendarmes, dans des conditions difficiles, avec des chiens, ont cherché à identifier des victimes. Juste après le passage du cyclone, on a parlé de 60 000 morts. Un maire, à Petite-Terre, disait avoir découvert un charnier de 80 morts : rien n'a été trouvé. Ne laissez pas penser que l'on cacherait des victimes ! (Mme Raymonde Poncet Monge s'impatiente.) Vous instillez le doute. (Mme Evelyne Corbière Naminzo le conteste.) Or pour le moment personne n'a apporté la moindre preuve à vos affirmations. Peut-être y a-t-il des disparitions, mais ne répandez pas de rumeurs.
Mme Antoinette Guhl. - On peut débattre de l'opportunité de reconstruire en tôle ou non, j'en conviens. Mais le débat est autre à cet article : il s'agit de savoir si on peut acheter de la tôle selon que l'on ait ou non des papiers !
Or l'aide humanitaire est censée être inconditionnelle. Votre argumentation n'est pas cohérente : tout à l'heure, je plaidais pour des constructions modulaires en bois et vous pour le métal. Et maintenant vous dites que les personnes sans papier ne doivent pas acheter de tôle. Ce n'est pas logique ; c'est même dangereux, pour reprendre vos mots.
Un des maires de Mayotte m'a informé qu'il n'y avait pas eu de recherches de victimes dans les premières vingt-quatre heures. Cela peut susciter de la défiance...
Mme Raymonde Poncet Monge. - Le droit d'hébergement existe en France. (Mme Dominique Estrosi Sassone le confirme.) Or la tôle, c'est une partie d'un hébergement. Les ONG vous rappellent qu'il faut rester humain.
Lors des auditions, j'ai entendu certains se plaindre que les ONG donnaient de l'eau à des personnes irrégulières. Comment peut-on en arriver à de tels propos ? (On proteste à droite.) Et lors des distributions d'eau, n'y avait-il pas aussi une forme de préférence nationale ?
Combien de personnes en situation irrégulière figurent dans vos statistiques ?
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Le débat sur le nombre de morts est affligeant.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Oui !
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Je porte une parole que l'on m'a confiée. C'est celle que je défends ici. Je ne m'amuse pas à faire 10 000 km aux frais du contribuable pour raconter des bêtises. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
C'est la voix des associations, des bénévoles, qui sont sur le terrain à Mayotte, qui me disent qu'il y a des sépultures non comptabilisées. Allez voir ce qu'il s'y passe. Allez voir toutes les victimes de ce cyclone, vraiment !
Mme Salama Ramia. - Je vis à Mayotte. S'il y avait eu des morts abandonnés, nous nous en serions rendu compte !
Oui, en commission, j'ai dit que l'on ne distribuait pas d'eau aux Français. (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.) Une ONG américaine prépare des plats chauds qu'elle distribue dans des bidonvilles. Mais les Mahorais ont faim aussi ; pourquoi les ONG ne vont-elles pas dans les écoles ? Cela permettrait de ne pas faire de discrimination : il faut aider tout le monde.
M. Fabien Gay. - On touche au coeur de nos désaccords : qu'est-ce qui est prioritaire ? L'aide universelle apportée à chacun et la lutte contre la grande pauvreté ? Ou, comme vous le pensez, la lutte contre l'immigration clandestine ?
Chaque groupe de gauche plaide pour que tout le monde reçoive de l'aide - bien sûr, ce n'est pas l'apanage de la gauche.
Que l'on ait ou non des papiers, il faut empêcher les reconstructions en tôle. Si un nouveau cyclone venait à frapper, tout le monde serait touché. Il faut arrêter d'utiliser la tôle et privilégier la reconstruction en dur pour toutes et tous.
Alors, pourquoi prendre une telle mesure, discriminatoire, dans un texte d'urgence ? Ceux qui sont privés de papiers ne seront pas plus protégés...
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Tout à l'heure, je présenterai un amendement rétablissant les conditions d'un justificatif de domicile pour l'achat de tôle et supprimant la présentation d'une autorisation d'urbanisme.
La tôle n'est pas une question liée à l'immigration régulière ou non. Elle est d'ordre culturel. Nous pourrons faire évoluer les règles d'urbanisme à l'avenir - je l'ai dit. Cette mesure est un premier pas.
Je me suis rendu sur place - c'est mon rôle - et, là-bas, les débats sont exacerbés : il y a de la colère - vis-à-vis de l'État - et vis-à-vis de l'immigration irrégulière - qui cible les Comores.
Ces débats existent aussi à La Réunion, vis-à-vis des Mahorais, quelles que soient les sensibilités politiques. Et les Mahorais ont également du ressentiment vis-à-vis de leurs compatriotes réunionnais.
Le seul fait d'avoir organisé une réunion à la préfecture de Saint-Denis, pour savoir comment les Réunionnais pouvaient venir en aide aux Mahorais, a suscité de nombreux débats.
Regardez les résultats aux législatives... (On le confirme à droite et au centre.)
M. Daniel Fargeot. - Bien sûr !
M. Manuel Valls, ministre d'État. - C'est vous qui réintroduisez un débat sur le nombre de victimes, madame Corbière Naminzo. Si des centaines de victimes avaient été retrouvées, je l'aurais dit. Juste après le passage du cyclone, le silence qui régnait sur l'île laissait à penser qu'il y aurait pu avoir des centaines de victimes, mais tel ne fut pas le cas. Et l'État n'a pas cherché à le taire.
L'hôpital militaire de Mayotte a pris en charge 5 739 personnes blessées par les tôles envolées. Il y a eu 15 000 soins prodigués dans le cadre de l'aller vers. Pensez-vous que l'on ait vérifié les titres d'identité quand on a vacciné contre le choléra ou quand on accueille les enfants dans les écoles ? (M. François Patriat renchérit, Mme Antoinette Guhl proteste.) Nous faisons face à la désolation des Mahorais et à la détresse liée à l'immigration. Voilà la réalité, difficile, que nous essayons de traiter sous tous ses aspects, et pas de façon partisane. Nos compatriotes mahorais vivent une situation difficile, et nous leur devons des réponses.
Ne pas reconnaître que le territoire compte 100 000 étrangers, dont beaucoup sont en situation irrégulière, ce n'est pas aider nos compatriotes mahorais, qui estiment que l'État est impuissant.
Les amendements identiques nos13, 53 et 107 rectifié ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°81 du Gouvernement.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Défendu.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Sagesse : Nous avions remplacé le justificatif de domicile par le récépissé d'une déclaration de travaux, car j'ai des doutes sur l'efficacité du premier. Néanmoins, j'ai entendu les arguments du ministre.
Mme Raymonde Poncet Monge. - J'ai assisté aux auditions. Monsieur le ministre, êtes-vous sûr qu'on peut produire des justificatifs de domicile après une telle catastrophe ? (M. Manuel Valls et Mme Dominique Estrosi Sassone le confirment.)
M. Pascal Savoldelli. - Tout à l'heure, j'ai cité les propos d'un responsable d'association qui s'était rendu plusieurs fois à Mayotte avant le cyclone. Nous avons le devoir de réparer.
J'ai écouté le débat sur la légalité. Mais le problème, c'est que les Mahorais sont dans l'illégalité, même lorsqu'ils sont français, par rapport à leurs concitoyens des autres outre-mer ou de l'Hexagone. Enfant à charge privé de l'aide des deux parents : non servi à Mayotte. Prime à la naissance, à l'adoption, prestation partagée, revenu de solidarité, prime de déménagement : non servis à Mayotte.
Nous devons assumer un passif et réparer des injustices.
Le droit commun applicable dans l'Hexagone et dans les autres départements ultramarins n'est pas respecté à Mayotte ; pas besoin d'être de gauche pour rétablir la justice et le droit commun, quel que soit le département où l'on habite.
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Mais pas dans un projet de loi d'urgence !
L'amendement n°81 est adopté.
L'article 4 bis, modifié, est adopté.
Article 5
M. le président. - Amendement n°5 de M. Hochart et alii.
M. Christopher Szczurek. - Cet amendement me semble satisfait par l'article 4 bis : je le retire.
L'amendement n°5 est retiré.
M. le président. - Amendement n°14 de Mme Guhl et alii.
Mme Antoinette Guhl. - Nous rétablissons l'application de la réglementation relative aux risques paracycloniques. Je suis stupéfaite de cette suppression ! (M. Laurent Duplomb ironise.) Évitons qu'à l'avenir, nous nous retrouvions dans la même situation.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Avis défavorable à cet amendement, satisfait par le droit existant. Les articles 5 à 9 ne concernent que les procédures d'urbanisme et ne dispensent pas de respecter les règles relatives à la sécurité des constructions.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°14 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°15 de Mme Guhl et alii.
Mme Antoinette Guhl. - Nous voulons assurer l'accès à l'eau potable et au réseau d'assainissement pour la reconstruction de Mayotte. Nous savons tous que cela constitue un droit humain fondamental et inaliénable.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Avis défavorable : l'article 5 et les suivants ont pour objet de faciliter la reconstruction, et non de modifier les procédures pour les constructions nouvelles ou la réfection des équipements.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Même avis.
Mme Antoinette Guhl. - Pour sortir du sous-développement, il faut bien sûr changer les règles antérieures ! Qui ici accepterait que sa ville ne soit pas raccordée à l'eau potable ? (M. Olivier Rietmann s'exclame.) Personne ! Pourquoi l'accepterait-on à Mayotte ?
L'amendement n°15 n'est pas adopté.
L'article 5 est adopté.
Article 6
M. le président. - Amendement n°166 de Mme Jacques, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement rédactionnel n°166, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°104 rectifié bis de M. Omar Oili et du groupe SER.
M. Saïd Omar Oili. - À titre dérogatoire, il faut autoriser des modifications de la construction initiale dans la limite de 20 % du gabarit. En outre, cela gommera les différences de traitement avec les bâtiments construits initialement sans permis - ils sont nombreux. C'est un amendement de bon sens !
M. le président. - Amendement n°31 rectifié bis de M. Piednoir et alii.
M. Stéphane Piednoir. - Nous sommes tous conscients de l'urgence à agir. Mais soyons vigilants quant à la durabilité des nouvelles constructions. Réaffirmons donc l'importance - sans contrainte et sans nouvelle réglementation - d'utiliser des matériaux écologiques en vue d'assurer la performance énergétique des bâtiments.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - L'article 6 garantit le droit de reconstruire à l'identique pour les bâtiments qui ne peuvent être rendus conformes aux règles d'urbanisme en vigueur. En permettant une modification du gabarit de 5 %, il est déjà très permissif. N'allons pas plus loin : cela priverait les règles en vigueur de toute valeur normative. Avis défavorable à l'amendement n°104 rectifié bis.
Je comprends l'intention de l'amendement n°31 rectifié bis.
M. Stéphane Piednoir. - C'est un bon début !
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Sur le long terme, je soutiendrai l'intégration de standards et d'objectifs de lutte contre le dérèglement climatique adaptés au territoire mahorais. D'ailleurs, les bâtiments en briques traditionnelles ont très bien résisté aux cyclones. Mais les référentiels que vous visez n'existent pas. Par ailleurs, nous parlons de reconstructions d'urgence, dans des conditions très contraintes d'accès aux matériaux. Avis défavorable.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Même avis.
M. Saïd Omar Oili. - L'identique, c'est quoi ? J'ai été maire pendant longtemps. Les gens déposaient un permis pour deux pièces ; vous repassiez, et la maison avait cinq pièces. L'identique, c'est sur les deux pièces ou sur la maison ? On régulariserait les deux pièces, mais pas le reste ? Attention à ne pas créer d'injustices.
Si nous ne respectons pas la culture mahoraise, nous allons droit vers les difficultés.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Vous avez deux types de bâtiments. Certains, en béton, ont perdu leur toit, mais gardé leurs murs : il suffit de refaire le toit de manière plus solide.
D'autres sont complètement détruits : ils devront faire l'objet d'une autorisation d'urbanisme pour être reconstruits. Il faut faire la différence entre les réparations mineures et les autres.
L'amendement n°104 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°31 rectifié bis.
M. le président. - Amendement n°16 de Mme Guhl et alii.
Mme Antoinette Guhl. - Cet amendement prend en compte la biodiversité et le patrimoine naturel dans la reconstruction. Les espaces naturels et agricoles représentent 90 % de l'archipel. Il ne faudrait pas que la reconstruction se fasse à leur détriment.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - L'article 6 autorise la reconstruction même si la construction ne respecte pas les règles d'urbanisme en vigueur, y compris si le bâtiment se trouve dans une zone non constructible.
Les seules restrictions sont celles relatives à la gestion des risques.
Vous avez insisté sur le rôle des maires. Je pense qu'il est important de leur laisser la main. Ne décidons pas ici, à 8 000 km, à leur place. Avis défavorable.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°16 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°103 rectifié de M. Fagnen et du groupe SER.
M. Simon Uzenat. - Cet amendement instaure une mission d'architecte commis d'office, qui contribuerait à garantir l'efficacité des processus de reconstruction. Ces professionnels pourraient aider les Mahorais à évaluer les travaux nécessaires et à mieux prendre en compte les contraintes cycloniques et sismiques.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Si l'objet de cet amendement est de dresser une liste d'architectes qui acceptent de se rendre disponibles, l'ordre des architectes peut s'en charger. Il existe déjà un CAUE à Mayotte : renforçons-le. Avis défavorable.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Même avis.
M. Simon Uzenat. - Cet amendement a été travaillé avec le Conseil national de l'ordre des architectes, qui veulent agir dans un cadre sécurisé. Le CAUE ne suffira pas, compte tenu des besoins : nous devons démultiplier les acteurs pour aider les Mahorais. Il faut une palette de solutions. Celle-ci en fait partie.
M. Saïd Omar Oili. - Je suis d'accord avec Simon Uzenat. Il n'y a pas suffisamment d'architectes à Mayotte. Comme 77 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté, ils ne peuvent pas avoir recours à un architecte ! Si nous voulons éviter la précarité, il faut les aider.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - À Mayotte, j'ai rencontré le CAUE. Il est vrai qu'ils ont besoin de quatre architectes et de vingt ingénieurs. Ils ont mis en place des bus qui iront à la rencontre des gens dans les villages. Le dispositif avait déjà été instauré avant le cyclone Chido, il faut le renforcer.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Nous partageons tous le bon sens.
M. Grégory Blanc. - Pas du tout ! (Sourires)
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Des architectes mis à disposition des services déconcentrés peuvent être des relais, des accompagnants dans la reconstruction. D'autres travaillent avec les acteurs publics, notamment les communes. Ce n'est pas un désert ! Il y a, malgré les difficultés, des projets, des urbanistes, des architectes. Le prêt à taux zéro (PTZ) pourra financer le recours à une maîtrise d'ouvrage déléguée.
L'amendement n°103 rectifié n'est pas adopté.
L'article 6, modifié, est adopté.
Article 6 bis A
M. le président. - Amendement n°164 de Mme Jacques, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement rédactionnel n°164, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 6 bis A, modifié, est adopté.
Article 6 bis B
M. le président. - Amendement n°108 rectifié de Mme Artigalas et du groupe SER.
M. Simon Uzenat. - L'article prévoit que le représentant de l'État puisse autoriser, de manière dérogatoire, l'implantation d'installations nécessaires à la téléphonie mobile. Nous proposons d'ajouter au minimum une information préalable du maire de la commune. C'est, là encore, du bon sens.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Avis défavorable : cela annule les mesures de simplification. Il s'agit de reconstruire des antennes relais qui existaient déjà.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°108 rectifié n'est pas adopté.
L'article 6 bis B est adopté.
Article 6 bis
M. le président. - Amendement n°165 de Mme Jacques, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement rédactionnel n°165, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°54 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Il faut reconstruire les infrastructures permettant aux Mahorais de se loger, de se déplacer, de boire et de communiquer. L'article 6 bis y pourvoit, alors que les réseaux ont été détruits par le cyclone.
Une remarque : je m'étonne que le Gouvernement ait choisi de mobiliser Elon Musk et Starlink, et non l'opérateur français historique. Le projet de loi d'urgence est décidé ici sans concertation avec les pouvoirs publics locaux.
Ce texte, qui prévoit que qui ne dit mot consent, ne convient pas. Il faut mobiliser des fonctionnaires, des personnes capables d'instruire des demandes d'urbanisme en un temps record. Ce n'est pas à la loi de s'adapter au manque de moyens ; c'est bien la loi qui doit déterminer les moyens à mettre en oeuvre. Nous proposons donc de supprimer la mention « le silence gardé de l'autorité vaut accord » dans l'article.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - L'ampleur de l'urgence justifie de telles mesures temporaires et dérogatoires. Avis défavorable.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Même avis. Les infrastructures de télécommunications sont un enjeu majeur. À moyen et long termes, il faudra se donner les moyens d'atteindre la 5G.
Vous m'interrogez sur Starlink : l'opérateur Orange n'était pas en mesure de répondre à l'urgence, notamment pour permettre aux Mahorais de communiquer avec leurs proches et avec les services publics. D'où le choix de ces antennes Starlink, d'un coût modique. Je regrette qu'on n'ait pas pu trouver une autre solution. Nous avons choisi le dispositif le plus rapide - cela en dit long peut-être sur les défis qui sont devant nos opérateurs.
M. Fabien Gay. - Le directeur des affaires publiques et le PDG d'Orange disent le contraire. En dix jours, ils sont passés de 25 à 75 % de couverture ; avec les quatre générateurs supplémentaires, ils auraient atteint 85 % et couvert tout le réseau mobile en un mois !
Privilégier Starlink était bien un choix politique ! (M. Manuel Valls éclate de rire.)
On ne peut pas dire d'un côté qu'Elon Musk représente l'internationale réactionnaire en mouvement, et de l'autre lui confier notre souveraineté numérique ! (Mme Valérie Boyer renchérit.)
Si Orange n'avait pas la capacité, soit, mais ses dirigeants affirment le contraire !
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Seul Starlink savait faire le nécessaire dans l'urgence, à travers sa technologie satellitaire. On peut critiquer ce qui se passe aux États-Unis : le vrai sujet est notre capacité, à nous Européens, d'y répondre.
Le recours à Starlink a permis de connecter des services essentiels - hôpital, Sdis - et de sortir la population de l'isolement. C'était une solution d'urgence, non pas un choix politique en faveur du grand capital et de l'idéologie réactionnaire.
M. Fabien Gay. - N'en faites pas trop...
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Pas plus que vous ! (Sourires)
Méfiez-vous des pourcentages : le réseau Orange était beaucoup plus étroit, c'est pourquoi il est allé vite.
J'ai appris l'art de la synthèse auprès de François Hollande : l'avenir, c'est la fibre et la 5G, pas Starlink.
L'amendement n°54 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°51 rectifié de Mme Loisier et alii.
Mme Annick Billon. - Cet amendement rétablit une disposition, supprimée en commission, permettant aux opérateurs, pendant une durée limitée de deux ans, de ne pas attendre l'expiration du délai de trois mois dans le déploiement des antennes de téléphonie mobile.
M. le président. - Amendement identique n°155 rectifié de M. Chaize et alii.
M. Stéphane Piednoir. - Défendu.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Il faut prendre du recul par rapport aux discours des opérateurs de télécoms. Le code de l'urbanisme ne donne pas de droit de veto aux maires, qui ne peuvent retirer les décisions d'urbanisme qu'en cas d'illégalité. C'est du bon sens de ne pas exclure les maires des procédures. Avis défavorable.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Je note que Mme la rapporteure est signataire de l'amendement... (Sourires)
Le rétablissement de cette disposition est cohérent. Elle fait partie d'un ensemble d'outils visant à simplifier les procédures applicables aux opérateurs de télécoms. Il s'agit de raccourcir les délais de reconstruction des antennes, en cohérence avec le plan Mayotte debout, annoncé par le Premier ministre. Avis favorable.
Mme Annick Billon. - Je maintiens cet amendement. J'avais bien noté que Mme la rapporteure était signataire d'un amendement identique ! À situation exceptionnelle, dérogation exceptionnelle, limitée dans le temps. On parle souvent de simplification, nous y sommes.
Les amendements identiques nos51 rectifié et 155 rectifié ne sont pas adoptés.
L'article 6, modifié, est adopté.
Article 6 ter
M. le président. - Amendement n°29 rectifié de Mme Malet et alii.
Mme Viviane Malet. - À Mayotte, les besoins de construction portent sur des ouvrages relevant de la basse et de la moyenne tension. Cet amendement vise non à exproprier les propriétaires des terrains traversés, mais à permettre une reconstruction des ouvrages au droit des servitudes préexistantes, en particulier dans les cas où l'on peine à identifier les propriétaires.
M. le président. - Sous-amendement n°162 du Gouvernement.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Pour rendre le dispositif plus robuste juridiquement, je propose de remplacer « nonobstant toute disposition législative contraire » par les mots « sous réserve que les travaux envisagés ne donnent pas lieu à expropriation ou à l'établissement de nouvelles servitudes administratives ».
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Notre commission a trouvé un équilibre à l'article 6 ter, entre nécessité d'accélérer les travaux et préservation des droits des propriétaires et des pouvoirs des maires.
Les élus locaux que j'ai rencontrés m'ont rappelé cette exigence. C'est pourquoi la commission a privilégié une évaluation au cas par cas de l'utilité publique des travaux, ainsi qu'une courte consultation des maires, de dix jours, sur le permis de voirie et l'exécution des travaux.
Gare en outre à la constitutionnalité. En effet, l'amendement n°29 rectifié n'exclut pas les travaux faisant l'objet d'une procédure d'expropriation, ce qui est contraire au droit de propriété. Même sous-amendé, il supprimerait toute enquête publique ou consultation du public, ce qui est contraire au principe de participation du public et d'évaluation environnementale. Enfin, une partie est d'ordre réglementaire.
Retrait, sinon avis défavorable.
Le sous-amendement n°162 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°29 rectifié.
M. le président. - Amendement n°64 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Gouverner, c'est prévoir. Il s'agit d'encourager les transports en commun à Mayotte, qui en est aujourd'hui dépourvue. Il y a besoin de voies de bus dédiées. Le réseau routier se compose de 90 km de routes nationales, 140 km de routes départementales et 400 km de voiries communales.
Pour relever le défi de l'emploi, il faut faciliter les déplacements en rendant les transports en commun plus attractifs, en réduisant les coûts et les émissions. Le premier et unique mode de transport collectif sur les routes mahoraises à ce jour est le taxi...
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Cet amendement contraindrait les pouvoirs des maires en matière de permis de voirie. Nous avons préféré réintroduire une courte consultation des maires, n'excédant pas dix jours. Aucun des maires que j'ai rencontrés n'a demandé des voies dédiées aux transports collectifs. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°64 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°163 de Mme Jacques, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement rédactionnel n°163, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 6 ter, modifié, est adopté.
Article 7
M. Akli Mellouli . - L'examen minutieux des demandes d'autorisations d'urbanisme reste nécessaire, notamment pour vérifier les conditions de salubrité, or les services instructeurs sont surchargés - d'où l'intérêt d'une assistance juridique et technique ponctuelle. Une convention entre l'État et la collectivité pourrait être prévue pour la mise à disposition des services déconcentrés de l'État.
Monsieur le ministre, qu'avez-vous prévu pour désengorger les services instructeurs des demandes d'autorisation d'urbanisme à Mayotte, déjà structurellement sous-dimensionnés ?
M. le président. - Amendement n°168 de Mme Jacques, au nom de la commission des affaires économiques.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Afin d'accélérer les travaux de remise en l'état des bâtiments, la commission a ouvert la possibilité, pour les seuls travaux de reconstruction à l'identique, de remplacer les déclarations préalables par une simple déclaration en mairie.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Avis favorable.
L'amendement n°168 est adopté.
M. le président. - Amendement n°167 Mme Jacques, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement rédactionnel n°167, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°75 du Gouvernement.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - À Mayotte, l'établissement d'un lien juridique certain entre un bien immobilier et une personne est souvent difficile - d'où la création de la CUF, hélas mal connue. Le Gouvernement propose, pour accélérer les démarches de régularisation, une information systématique du pétitionnaire sur cette instance.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Cette mesure purement incitative améliorerait l'information des Mahorais sur la CUF. En l'absence de lien juridique entre droit foncier et droit de l'urbanisme, il n'y a pas de risque d'effet de bord négatif. Avis favorable.
L'amendement n°75 est adopté.
M. le président. - Amendement n°40 de Mme Ramia et du RDPI.
Mme Salama Ramia. - Parce que les Mahorais sont dans l'attente depuis deux mois, je propose que cette disposition soit d'application immédiate, sans attendre décret ou circulaire. Nous fixons le départ du délai d'instruction à compter de la réception du dossier.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Retrait ? Dans le droit commun, le délai d'instruction court à compter de la réception du dossier complet. Avec votre amendement, le délai risquerait d'expirer sans que les services instructeurs n'aient disposé de toutes les pièces nécessaires pour évaluer la demande. Le délai de droit commun est de trois mois.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Même avis.
Monsieur Mellouli, sur treize des dix-sept communes, l'instruction est déjà faite par l'État pour le compte de la commune. Mais je ne méconnais pas le problème de l'ingénierie. Un amendement adopté à l'Assemblée nationale permet aux communes de contractualiser avec les autres communes sur le territoire national. L'AMF, dont le président, David Lisnard, est actuellement à Mayotte, peut également leur apporter un soutien en ingénierie pour l'instruction. Nombre de collectivités sont volontaires.
L'amendement n°40 est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°45 de Mme Ramia et du RDPI.
Mme Salama Ramia. - Compte tenu du nombre de demandes, et faute de renforcement des effectifs dans les services d'urbanisme, le délai de cinq jours ne pourra être tenu pour vérifier la complétude de chaque dossier déposé. Nous le portons à huit jours ouvrés.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Les députés ont introduit la possibilité pour les collectivités mahoraises de contractualiser avec d'autres communes ou EPCI pour se faire aider dans l'instruction des demandes. Ces renforts concerneront plutôt les services déconcentrés de l'État. Étendre le délai est opportun. Avis favorable.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°45 est adopté.
M. le président. - Amendement n°61 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Si la réduction des délais est nécessaire, au vu de l'urgence, nous nous opposons à l'autorisation tacite des demandes d'urbanisme. L'administration risque d'être surchargée : l'absence de réponse, passé le délai de quinze jours, s'expliquera surtout par un manque de temps pour étudier le dossier.
Alors que près de 56 000 personnes vivent dans des zones exposées aux risques d'inondation, la prudence s'impose. À l'État d'assurer un examen des dossiers à la fois minutieux et rapide.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - L'alinéa 12 ne modifie pas la règle selon laquelle le silence vaut accord, qui prévaut déjà pour les autorisations d'urbanisme, mais vise les autorisations exigées au titre d'une autre législation. Avis défavorable.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°61 n'est pas adopté.
L'article 7, modifié, est adopté.
Après l'article 7
M. le président. - Amendement n°169 de Mme Jacques, au nom de la commission des affaires économiques.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Cet amendement lève temporairement l'avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), afin de faciliter la reconstruction des bâtiments et installations agricoles détruites par Chido. L'interprétation parfois très extensive de la notion de consommation d'espace agricole pourrait bloquer la reconstruction. Aussi, pour deux ans, nous substituons à cet avis conforme un avis simple, pour les travaux de réfection à l'identique ou quasi à l'identique des bâtiments et infrastructures agricoles, dès lors que la modification du gabarit n'excède pas 5 %.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Le cyclone Chido a eu un fort impact sur l'agriculture mahoraise : 168 millions d'euros de pertes de récoltes, 75,7 millions d'euros de pertes de fonds, 132 à 160 millions d'euros de pertes de revenus à venir.
La CDPENAF émet des avis sur différents documents d'urbanisme. L'avis conforme garantit la protection des terres agricoles contre le risque de déclassement. Cette commission donne peu d'avis défavorables pour la reconstruction de bâtiments préexistants. Conservons le principe d'un avis conforme pour protéger les activités agricoles, même si, compte tenu du contexte, je comprends la position de Mme la rapporteure, d'autant plus que la dérogation est temporaire et que son champ est limité. Sagesse positive.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Je suis d'accord avec M. le ministre - et je m'étonne que dans une loi d'urgence, alors qu'un autre texte viendra en mars, on adopte une mesure dérogatoire d'une durée de deux ans, soit le maximum possible. Pourquoi pas de six mois seulement ? Nous voterons contre.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - On ne cesse de dénoncer les inégalités, les injustices - or ce n'est que dans les territoires ultramarins que la CDPENAF émet des avis conformes. En métropole, il s'agit d'avis simples. Où est l'égalité ? Faisons confiance aux agriculteurs ultramarins - ils ne vont pas remettre en cause leur outil de travail ; ceux que j'ai rencontrés sont amoureux de leur métier.
L'amendement n°169 est adopté et devient un article additionnel.
L'article 8 est adopté.
Article 9
M. le président. - Amendement n°55 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Autoriser les opérations de démolition dès le dépôt de la demande paraît démesuré. Imaginez les dérives possibles, alors que les trois quarts des bâtiments ont été touchés par le cyclone ! Nous proposons de conserver une période de quinze jours pour que l'autorité compétente regarde rapidement les demandes et puisse empêcher la réalisation de travaux de démolition inadaptés. Au vu de l'urgence, nous préférerions un délai moindre, mais les moyens humains manquent. Cela dit, c'est la loi qui doit déterminer les moyens à mettre en oeuvre en fonction des besoins, et non l'inverse.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Un tel délai viderait l'article de sa substance. La commission a supprimé la mention des travaux de terrassement et de fondation, susceptibles d'entraîner des dommages irréversibles. Les craintes liées à la démolition devraient être levées par le prochain amendement.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°55 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°69 du Gouvernement.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Cet amendement exclut la possibilité de commencer les travaux en urgence lorsqu'ils concernent un immeuble inscrit au titre des monuments historiques : Mayotte en compte quatorze. Nous concilions la défense du patrimoine présent à Mayotte avec la nécessaire célérité qu'exige sa reconstruction.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Cette restriction est justifiée, d'autant qu'elle touche un nombre très limité de cas. Avis favorable.
L'amendement n°69 est adopté.
L'article 9, modifié, est adopté.
Article 2 (Précédemment réservé)
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis de la commission des lois . - L'article 2 prévoit une intervention temporaire de l'État à la place des communes pour reconstruire les écoles publiques de Mayotte, mais ne concerne pas les écoles privées. J'ai pourtant été alertée sur le cas de deux établissements privés sous contrat, dont l'un venait d'ouvrir, qui ont subi de lourds dégâts matériels et ne peuvent plus accueillir les élèves. Il ne faut pas les laisser de côté.
M. Saïd Omar Oili . - Avec 117 000 enfants scolarisés, dont 55 % dans le primaire, l'éducation est un enjeu majeur pour l'avenir de notre île. Il est impératif de sortir du fonctionnement par rotation. Le personnel, remarquable, met tout en oeuvre pour accueillir un maximum d'enfants dans un minimum de temps, mais il manquait déjà 1 200 classes avant Chido ! Le passage du cyclone a aggravé les choses, avec la moitié des établissements hors service, et d'autres qui ont servi à l'hébergement d'urgence. Je me réjouis que le collège de Kwalé ait été libéré.
L'article 2 permet à l'État d'assurer la compétence de construction et d'entretien des écoles publiques en lieu et place des communes qui le demanderaient. Cette compétence est confiée à l'établissement public chargé de la reconstruction ; pourriez-vous clarifier son rôle ? Ce dispositif peut-il s'appliquer aux collèges et lycées ?
Mme Audrey Bélim . - L'humain doit rester au centre de tout. Des centaines d'élèves mahorais poursuivent leur scolarité loin de leur famille, de leur territoire, de leurs repères. En pension, hébergés par des parents ou des personnes qu'ils n'avaient parfois jamais vus, ces élèves sont isolés. Il faut assurer leur suivi moral, psychologique et financier. Les professeurs sont-ils avisés des situations passées et actuelles de leurs élèves ? L'intérêt de ces enfants commande que des enquêtes psychosociales soient mises en place rapidement. Le prochain texte pourra formaliser ce suivi.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Monsieur Omar Oili, vous le savez, l'État est déjà responsable de la construction des collèges et lycées. Vendredi dernier, j'ai visité un collège, construit en 1989, où tout est à reconstruire, y compris une vaste partie végétalisée. Ces projets devront être étudiés avec les élus, en tenant compte du nombre d'élèves - or certains maires craignent que la construction de nouvelles classes ne soit une « pompe aspirante » pour l'immigration. (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.) Il y a des choix à faire. Il faut tenir compte de la démographie : sur Petite-Terre, on passera de 30 000 à 60 000 habitants d'ici dix ans. Cela suppose d'adapter les équipements scolaires - entre autres - à cette demande.
L'État pourra confier à l'établissement public la maîtrise d'ouvrage. Cela se fera dans une étroite collaboration avec les communes. Le général Facon y travaille. Environ 20 à 30 % des écoles et des classes sont détruites ; il faudra accélérer la reconstruction. Cela participera aussi à l'activité économique locale.
Madame Bélim, oui, nous avons l'humain en tête. Il y aurait entre 400 et 500 élèves de partis, moins de 1 %. Il n'empêche, il faut y être attentif. J'évoquerai cette question avec Mme Borne.
M. le président. - Amendement n°121 de Mme Florennes, au nom de la commission des lois.
L'amendement rédactionnel n°121, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°63 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - C'est à l'État de prendre en charge la construction des écoles, pour réparer les dégâts mais aussi lutter contre la déscolarisation. Mayotte manquait déjà d'écoles avant le cyclone, or la moitié des capacités aurait été détruites.
Selon la fondation Jean Jaurès, les effectifs scolaires y représentent 40 % de la population, quand la moyenne nationale est de 18 %. La plupart des élèves n'ont cours que par rotation, et sur des demi-journées.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. - Avis défavorable. Cela dit, de trop nombreux enfants sont déscolarisés - ils ne suivent que dix heures de cours par semaine.
Ce projet de loi d'urgence vise d'abord à reconstruire les bâtiments détruits, avant d'augmenter la capacité d'accueil - nous en débattrons dans le projet de loi de refondation. Au demeurant, une telle augmentation des capacités doit se faire en concertation avec les élus mahorais. Pour améliorer le taux de scolarisation à Mayotte, il faudrait deux cents classes en plus par an...
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Même avis.
M. Pierre-Alain Roiron. - Cet amendement a du sens. L'État a l'obligation d'accueillir tous les enfants. L'objectif doit être de les scolariser à Mayotte comme ils le sont dans l'Hexagone.
L'amendement n°63 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°137 de M. Mellouli et alii.
M. Akli Mellouli. - Malgré son exposition aux cyclones, les infrastructures à Mayotte ne permettent pas d'accueillir dignement les populations en cas de catastrophe, avec seulement 30 000 places en abri anticyclonique.
Aussi, nous proposons d'intégrer des centres d'accueil d'urgence dans les emplacements scolaires construits ou rénovés, afin de garantir la protection des populations sinistrées tout en assurant la continuité pédagogique. Cela évite de transformer les classes en abri temporaire ! C'est une mesure de bon sens, de résilience et de justice territoriale.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. - Avis défavorable, car l'amendement est satisfait. Lorsqu'il reconstruira les écoles publiques, l'État devra respecter les règles en matière de prévention des risques naturels, notamment cycloniques, fixées par le code de la construction et de l'habitation.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Même avis.
M. Akli Mellouli. - Bien sûr que les écoles seront construites dans les règles ! Ce que je demande, c'est de dissocier l'espace dédié à l'enseignement de l'espace dédié à l'abri anticyclonique.
L'amendement n°137 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°138 de M. Mellouli et alii.
M. Akli Mellouli. - À Mayotte, trop d'élèves n'ont pas accès à un repas équilibré et à des équipements sportifs, faute d'infrastructures adaptées. Une alimentation saine comme une activité sportive sont pourtant indispensables à leur réussite.
Intégrons systématiquement des cantines et des équipements sportifs dans les projets de reconstruction. C'est un impératif social que de garantir une école qui nourrisse le corps et l'esprit.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. - Avis défavorable. L'objectif est de reconstruire à l'identique, au plus vite, pour que les élèves retournent à l'école rapidement. Rajouter de nouvelles prescriptions complexifierait et ralentirait la reconstruction. Prévoir l'accès à un plateau sportif n'est pas la priorité quand les élèves sont confrontés à des pénuries d'eau, au risque de choléra et ne peuvent pas suivre un enseignement complet. Cela renchérirait en outre les opérations, au détriment d'autres projets.
L'obligation de construire une cantine par école interdirait les mutualisations, privilégiées par certaines communes pour réaliser des économies d'échelle. Cela représenterait un coût important pour elles. Laissons les communes libres de le faire ou non, en fonction de leurs capacités financières.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - À Mayotte, les plateaux sportifs existent - d'ailleurs, les 300 migrants évacués ce matin du collège de Kwalé étaient dans la partie sportive.
Avec la ministre de l'éducation, nous partageons votre préoccupation pour la restauration des écoles ; il faut intégrer cette réflexion dans le projet de loi Mayotte debout plutôt que de la faire passer par un amendement. Il faut un réseau qui alimente ces cantines scolaires. Certains agriculteurs vivent de la commande publique du lycée agricole. Je suis ennuyé d'émettre un avis défavorable, pour l'heure, mais votre amendement sera satisfait dans les prochains mois.
Mme Audrey Bélim. - Ces mots sont rassurants. Mais avant Chido, il y avait 77 % de taux de pauvreté. Lorsque nous sommes allés dans les écoles, on nous a dit que ce n'était qu'à l'école que les élèves avaient le seul repas chaud de leur journée. (M. Akli Mellouli et Mme Raymonde Poncet-Monge renchérissent.)
Il faut que ces enfants puissent accéder à la cantine, comme tous les enfants de la République française.
M. Akli Mellouli. - On oppose urgence et bon sens. Si l'on ajoute des règles a posteriori, il y aura des surcoûts. Je ne vois pas où est la stratégie... Si les Mahorais ont fait le choix de la République, il faut répondre à leurs besoins. La question n'est pas d'empêcher les mutualisations, mais que nous traitions nos enfants avec justice et qu'il y ait une cantine. Ce n'est pas leur faire la charité ! L'égalité est une garantie de l'État, pas un supplément d'âme ni du bon sentiment.
L'amendement n°138 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°9 de Mme Guhl et alii.
Mme Antoinette Guhl. - Cet amendement garantit que les toitures des bâtiments scolaires permettent l'installation de panneaux solaires photovoltaïques : ne perdons pas de vue l'urgence climatique et le besoin d'équipements qui coûtent moins cher en énergie. À Mayotte, faute d'investissement dans les énergies renouvelables, les centrales thermiques au gazole représentent 95 % de la production énergétique.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. - Avis défavorable : nous examinons un texte pour reconstruire au plus vite Mayotte et ses écoles. Ajouter de nouvelles prescriptions risque de ralentir et renchérir les opérations.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Même avis.
Mme Antoinette Guhl. - Une fois que les écoles sont construites, si elles ne sont pas faites pour accueillir des panneaux photovoltaïques, elles n'en seront pas équipées. Nous devons préparer l'île à la transition. Les maires qui ne veulent pas plus d'écoles sur le territoire de leur commune ont surtout du mal à financer leur entretien.
M. Pierre-Alain Roiron. - Il semble important que nous construisions dès maintenant des équipements modernes. Je voterai pour cet amendement.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Je regrette les avis défavorables. À La Réunion et à Mayotte, nous avons des taux d'ensoleillement record, mondialement. S'il s'agit de reconstruire tout un département, autant être en conformité avec la position de la France au niveau européen. Investir dans les énergies renouvelables, c'est la base ! Un amendement que j'avais déposé a été jugé irrecevable, car il prévoyait de doter tous les bâtiments publics de récupérateurs d'eau de pluie, de panneaux photovoltaïques et de chauffe-eau solaires. Des conteneurs vont traverser la moitié du globe pour livrer des chauffe-eau thermiques, alors que l'ensoleillement est important.
M. Saïd Omar Oili. - Maire, j'avais des factures d'électricité très élevées. Lorsque j'ai placé des panneaux solaires pour l'éclairage public, elles ont fortement baissé. Ce serait bien de nous aider à faire de telles économies. J'ai été enseignant. Certains de mes élèves, faute de place, avaient cours de midi à treize heures. On ne peut pas imaginer la chaleur qui règne dans les classes à cette heure. Des panneaux solaires permettraient d'installer la climatisation.
Reconstruire sans donner la chance à ces gosses qui arrivent à l'école sans rien manger, dans des classes surchauffées, d'avoir la climatisation et de bonnes conditions de travail, c'est dommage. (M. Simon Uzenat et Mme Antoinette Guhl acquiescent.)
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
Article 11
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis de la commission des lois . - La dématérialisation des procédures de passation de marchés publics est imposée par la loi au-dessus de 40 000 euros. Or plusieurs collègues m'ont alertée : beaucoup de petites entreprises mahoraises ne savent pas utiliser ces procédures en ligne et sont donc pénalisées. Je n'ai pas pu déposer d'amendements, car cela ne relève pas de la loi, mais j'attends un engagement du Gouvernement. (M. Manuel Valls opine du chef.)
M. le président. - Amendement n°109 rectifié de M. Roiron et du groupe SER.
M. Pierre-Alain Roiron. - Cet amendement inclut la construction des logements neufs dans le champ des adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique. Le parc de logement social est quasiment inexistant à Mayotte, alors que 80 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Il est urgent d'accélérer la construction.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. - Avis défavorable : cela relève du projet de loi sur la refondation de Mayotte annoncé pour le mois de mars. Si l'on étend démesurément le champ de la dérogation, elle pourrait être censurée par le juge constitutionnel.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°109 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°122 de Mme Florennes, au nom de la commission des lois.
L'amendement rédactionnel n°122, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°110 rectifié de M. Roiron et du groupe SER.
M. Pierre-Alain Roiron. - Nous élevons le seuil pour concourir à un marché public sans publicité. C'est une demande des professionnels.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. - Je n'ai pas recensé de telle demande dans mes auditions, mais cela pourrait être utile. Qu'en pense le Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Les principes de transparence et d'égal accès à la commande publique s'appliquent même en dessous des seuils européens. Certes, la situation de Mayotte exige des mesures exceptionnelles. Mais multiplier par vingt le seuil de gré à gré en matière de travaux, pour le passer de 100 000 euros à 2 millions d'euros, est déjà suffisant. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°110 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°33 rectifié bis de M. Piednoir et alii.
M. Stéphane Piednoir. - Au sein de cet article, il serait naturel de favoriser les entreprises innovantes utilisant des matériaux biosourcés - vous me reconnaîtrez au moins la constance. (Mme Dominique Estrosi Sassone s'en amuse.) Il s'agirait d'utiliser 20 % de matériaux d'origine française biosourcés en contrepartie de la dérogation sur la publicité préalable.
M. le président. - Amendement n°32 rectifié bis de M. Piednoir et alii.
M. Stéphane Piednoir. - Cet amendement a pour objet d'instaurer un minimum de 25 % de matériaux biosourcés ou bas-carbone.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. - Avis défavorable. L'utilisation impérative de matériaux biosourcés augmenterait le prix des offres ou pourrait dissuader certains entrepreneurs si leurs fournisseurs ne remplissent pas ces conditions. Cela retarderait la reconstruction.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°33 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°32 rectifié bis.
M. le président. - Amendement n°84 rectifié de M. Chaize et alii.
Mme Béatrice Gosselin. - Avec cet amendement, le seuil d'obligation de publicité préalable serait rehaussé de 100 000 à 143 000 euros.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. - Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Avis défavorable.
L'amendement n°84 rectifié n'est pas adopté.
L'article 11, modifié, est adopté.
Article 12
M. le président. - Amendement n°111 rectifié de M. Roiron et du groupe SER.
M. Pierre-Alain Roiron. - Nous supprimons la dérogation à l'obligation d'allotissement - c'est un outil indispensable pour garantir l'accès aux marchés publics des très petites entreprises. Le tissu économique local en est constitué : ne les excluons pas, sachant que la commande publique constitue une part importante du marché, déjà étroit.
L'évaluation par la délégation aux outre-mer de la loi Égalité réelle outre-mer a démontré que la dynamique de l'allotissement était vertueuse, et favorisait la concurrence entre entreprises locales.
M. le président. - Amendement identique n°126 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.
M. Pascal Savoldelli. - Nous souhaitons nous aussi défendre les TPE mahoraises. Ce n'est pas seulement un amendement du groupe SER ou du groupe CRCE-K, mais un amendement défendu par un syndicat patronal, la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb).
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. - Avis défavorable à ces amendements contraires à la position de la commission. La dérogation au principe de l'allotissement accélère les travaux : l'acheteur n'aura qu'un seul appel d'offres à réaliser et un interlocuteur unique. Cela évite l'examen lot par lot. La dérogation est proportionnée dans le temps et son champ d'application - la seule reconstruction.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Je comprends la crainte d'exclusion des petites entreprises locales. C'est ce qui avait poussé le Gouvernement à émettre un avis de sagesse à la suppression de cet article. Mais grâce à l'économie globale du texte, avec le plan de sous-traitance à l'article 13 bis AA, nous ne pénaliserons pas les TPE. Avis défavorable.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Ce n'est pas la première fois que l'on entend des demandes de dérogation à ce principe. Les TPE et leurs syndicats étaient contre, lors de l'examen de la loi de simplification de la vie économique. Vous nous avez donné un indice, monsieur le ministre : vous voulez transformer les TPE en sous-traitants. Les grands groupes disent : nous les prendrons, mais comme sous-traitants.
On fait sans cesse l'éloge de l'Allemagne - oubliant que ses succès sont liés à la vigueur de ses PME. Non, les TPE ne veulent pas devenir les sous-traitants des grands groupes.
M. Philippe Mouiller. - Je m'étonne également de la position de la commission. Une fois la loi promulguée, les cahiers des charges vont être traités : de grands groupes, pas forcément français, seront lauréats, car ils seront capables d'assurer la totalité des travaux. (Mme Evelyne Corbière Naminzo et M. Pascal Savoldelli renchérissent.) Les relations de sous-traitance seront compliquées. Certaines propositions venues de la gauche sont bienvenues, mais contraires à la logique d'urgence. Ici, en revanche, la position de la commission me paraît contraire à l'objectif de dynamiser le tissu économique local.
M. Olivier Rietmann. - Moi aussi, je voterai cet amendement. Dans le cadre de la mission d'information « Entreprises et climat » de la délégation aux entreprises, nous nous sommes rendus en Martinique et en Guadeloupe. La difficulté des TPE outre-mer, c'est que les grands groupes prennent les marchés, qu'ils négocient à bas prix, puis imposent aux sous-traitants des conditions très difficiles à tenir. Ce ne sont jamais eux qui ne gagnent pas d'argent... (M. Saïd Omar Oili applaudit.)
M. Simon Uzenat. - Nous entendons le besoin de simplification, car être acheteur public, notamment en outre-mer, est compliqué. Un dialogue intelligent peut se nouer entre l'acheteur public et les TPE-PME pour réduire le nombre d'interlocuteurs, notamment au sein de groupements momentanés d'entreprises. Les TPE-PME peuvent être force de solution pour proposer de meilleures pistes, notamment sur le plan climatique.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. - L'article 13 bis AA, que notre commission a réécrit, intitulé Small business act, prévoit que les grandes entreprises peuvent travailler avec des entreprises mahoraises à hauteur de 30 %. Son examen n'ayant pas encore eu lieu, je comprends vos interrogations. Notre intention est bien d'inclure, quand c'est possible, les entrepreneurs et artisans mahorais dans les marchés publics. Je vous donne rendez-vous demain.
M. Pascal Savoldelli. - Je remercie MM. Rietmann et Mouiller : nous avons ici un espace de débat qui fait parfois bouger les lignes - à mes yeux, pas assez souvent... (M. Manuel Valls s'en amuse.)
Cet amendement n'a pas une grande valeur idéologique. Il est justifié par le fait que les toutes petites entreprises n'ont pas accès à la garantie décennale, faute de pouvoir amortir ces 8 000, parfois 10 000 euros. D'autre part, seules les grandes majors peuvent approvisionner Mayotte !
Cet amendement remet de la confiance et recrée de la cohésion dans la population.
M. Pierre-Alain Roiron. - Cet amendement revêt un caractère transpartisan - il aurait d'ailleurs pu être cosigné par tous nos collègues. Il est important que les petites entreprises mahoraises participent à la reconstruction, y compris pour développer la formation.
Mme Audrey Bélim. - Évitons d'exclure le tissu économique local de toutes les avancées ! Chacun doit participer. Cette dérogation enverrait un très mauvais message aux acteurs économiques locaux.
M. Manuel Valls, ministre d'État. - Face à ce large front républicain, je chancelle... (Sourires) Cet article a beaucoup cheminé. Je comprends parfaitement les arguments avancés, mais les petites entreprises mahoraises devront être en mesure de tenir le choc, notamment pour certains travaux importants. Il en sera de nouveau question demain, puis peut-être en CMP. Le Gouvernement vous entend : je maintiens mon avis de sagesse, pour envoyer un message de confiance aux entreprises mahoraises.
Les amendements identiques nos111 rectifié et 126 sont adoptés.
L'article 12 est supprimé.
L'amendement n°34 rectifié bis est sans objet.
M. le président. - Nous avons examiné 84 amendements ; il en reste 54 à examiner sur ce texte.
Prochaine séance aujourd'hui, mardi 4 février 2025, à 14 h 30.
La séance est levée à minuit cinq.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mardi 4 février 2025
Séance publique
À 14 h 30 et le soir
Présidence : M. Gérard Larcher, Président, M. Didier Mandelli, vice-président, Mme Sylvie Robert, vice-présidente, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente
Secrétaires : M. Guy Benarroche
1. Explications de vote des groupes puis scrutins publics solennels sur la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, présentée par MM. Étienne Blanc et Jérôme Durain (procédure accélérée) (texte de la commission n°254, 2024-2025), et sur la proposition de loi organique fixant le statut du procureur national anti-stupéfiants, présentée par MM. Étienne Blanc et Jérôme Durain (procédure accélérée) (texte de la commission n°255, 2024-2025)
2. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'urgence pour Mayotte (texte de la commission, n°283, 2024-2025)
3. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (texte de la commission, n°251, 2024-2025)