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Table des matières
Projet de loi de finances pour 2025 (Suite)
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées
Examen des crédits de la mission
M. Marc Laménie, rapporteur spécial de la commission des finances
Mme Jocelyne Guidez, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants
Examen des crédits de la mission
Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale de la commission des finances
M. Claude Nougein, rapporteur spécial de la commission des finances
Mme Pascale Gruny, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
Examen des crédits des missions et des comptes spéciaux
Article 42 (Régimes sociaux et de retraite) - État B
Article 44 (Pensions) - État D
Article 42 (Transformation et fonction publiques) - État B
Article 44 (Gestion du patrimoine immobilier de l'État) - État D
Article 42 (Gestion des finances publiques) - État B
Article 42 (Crédits non répartis) - État B
Examen des crédits de la mission (Suite)
Article 42 (Enseignement scolaire) (Suite)
Examen des crédits de la mission et du compte spécial (Suite)
Article 42 (Économie) - État B (Suite)
Article 44 (Crédits du compte spécial)
Travail, emploi et administration des ministères sociaux (Suite)
Examen des crédits de la mission (Suite)
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi
Ordre du jour du lundi 20 janvier 2025
SÉANCE
du samedi 18 janvier 2025
40e séance de la session ordinaire 2024-2025
Présidence de M. Dominique Théophile, vice-président
Secrétaire : Mme Nicole Bonnefoy.
La séance est ouverte à 10 h 05.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Projet de loi de finances pour 2025 (Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des crédits de la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2025, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale.
Défense
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances . - Je laisserai aux rapporteurs pour avis le soin de présenter la position du Sénat sur les crédits des quatre programmes composant la mission « Défense ».
Pour ma part, je tiens à souligner l'effort de redressement mené : la progression des crédits de 3,3 milliards d'euros est conforme à la loi de programmation militaire (LPM) ; elle porte le total des autorisations d'engagement (AE) à 93 milliards d'euros celui des crédits de paiement (CP) à 60 milliards d'euros.
Cette sanctuarisation doit avoir pour contrepartie une gestion irréprochable et une information sans faille du Parlement. Or, monsieur le ministre, nous n'y sommes pas exactement.
Les reports de charges atteindraient près de 7 milliards d'euros en 2024, soit 3 milliards d'euros de plus en deux ans. C'est près de 20 % des crédits hors personnel. Une part croissante des paiements de livraisons déjà effectuées est ainsi reportée. Bref, le ministère achète plus qu'il ne peut payer, et cette dette s'ajoute à la dette officielle.
Certes, il peut être logique d'engager en début de programmation des dépenses qui seront ensuite lissées dans le temps. Mais, à la faveur de la mission d'information sur la dégradation des finances publiques menée par MM. Raynal et Husson, nous avons appris que Bercy, dans une note du 7 décembre 2023, avait recommandé de reporter les crédits de défense à 2024 pour diminuer optiquement le déficit annuel...
Monsieur le ministre, je sais que vous n'êtes pas à l'origine de cette décision. Reste que cette forte hausse des reports de charges n'est rien d'autre que de la cavalerie budgétaire.
Quand nous interrogeons le ministère à ce sujet, on nous répond en mentionnant un objectif de report de charges de 20 % des ressources en CP hors masse salariale, soit le niveau actuel, très élevé. Voilà qui illustre le péché originel de la LPM, sur lequel nous vous avions alerté : à l'origine, les reports de charges ont été comptabilisés comme des recettes, alors qu'il s'agit d'une dette qui doit être honorée. Une économie de guerre véritable n'est pas compatible avec de telles pratiques. La base industrielle et technologique de défense (BITD) n'a pas à assurer la trésorerie du ministère !
S'agissant ensuite de notre information, je regrette que la représentation nationale ne dispose pas des informations nécessaires à son éclairage. C'est hier seulement que nous avons obtenu un chiffrage des surcoûts occasionnés par les opérations en Nouvelle-Calédonie, sur le front oriental de l'Otan et pour les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP).
Selon nos calculs de cette nuit, les reports de charges dépasseront 7 milliards d'euros et il y a une impasse de 500 à 600 millions d'euros.
Enfin, je déplore que nous ne disposions plus depuis trois ans des cibles et des résultats des indicateurs de capacité et de disponibilité. Nous avons peine à penser que nos challengers et agresseurs potentiels attendent ces documents pour être renseignés sur l'état de nos forces !
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. - C'est vraiment un mauvais argument...
M. Dominique de Legge. - Si nous sommes un des rares pays à publier ces informations, c'est parce que notre Constitution comporte un article 35 qui donne au chef de l'État la possibilité d'engager nos forces sans passer par le Parlement. L'information du Parlement en est la contrepartie indispensable.
Nous restons attachés à la lettre et à l'esprit de la LPM. En accordant les crédits sollicités, nous respectons les engagements pris et attendons du Gouvernement qu'il fasse montre de plus de rigueur dans la gestion et de plus de considération à l'égard de la représentation nationale.
Sous ces réserves, nous vous invitons à adopter les crédits de la mission.
Mme Gisèle Jourda, en remplacement de M. Pascal Allizard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - Le programme 144, portant les crédits consacrés au renseignement et à la prospective, est doté de 2 milliards d'euros, en progression de près de 6 %.
Ce budget va au-delà de la programmation en matière d'innovation de défense, avec 1,3 milliard d'euros. Hors dissuasion, les crédits d'études amont seront supérieurs de 68 millions d'euros à l'annuité prévue en LPM. Cet effort va dans le bon sens.
Pour autant, la situation n'est pas idyllique, et les industriels mettent en avant plusieurs points de vigilance. Les conséquences de l'annulation de 33 millions d'euros de crédits consacrés à l'innovation ne sont pas encore connues, mais certaines opérations prévues cette année devront nécessairement être reportées.
En matière d'accès aux financements bancaires, des avancées ont été réalisées grâce aux alertes du Parlement et au volontarisme de la direction générale de l'armement (DGA), mais les entreprises de la BITD rencontrent toujours des difficultés. Une vingtaine de cas ont été recensés l'an dernier, mais c'est la partie émergée de l'iceberg. Nombre d'entreprises ne peuvent obtenir un financement d'export ou une garantie d'emprunt au motif que leur activité concerne la défense. C'est inacceptable dans un contexte où l'on parle d'économie de guerre ! Toute menace en provenance de certaines institutions européennes n'est d'ailleurs pas écartée : je pense aux lignes directrices publiées par l'Autorité européenne des marchés financiers, qui étend la notion d'armes controversées au nucléaire.
La commission est favorable à l'adoption des crédits du programme 144.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - Les crédits de fonctionnement, d'investissement et d'intervention de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) devraient progresser conformément à l'objectif de la LPM. Les effectifs progresseraient de 7 652 à 7 814 ETPT, pour 735 millions d'euros supplémentaires de crédits de personnel. Mais je ne me féliciterai qu'une fois le budget voté sans réduction des crédits...
Au total, 5 milliards d'euros sont prévus dans la LPM pour le renseignement. C'était l'un des motifs de l'adoption de ce texte par le Sénat, avec le soutien de mon groupe.
La conflictualité s'accroît, sur les théâtres extérieurs mais aussi sur notre sol. Une véritable néo-guerre froide est engagée : cyber, désinformation. Ces phénomènes sont parfaitement étudiés par nos collègues Dominique de Legge et Rachid Temal dans leur rapport de commission d'enquête sur les influences étrangères.
La DGSE lancera cette année les travaux de sa future installation au fort de Vincennes. La DRSD, quant à elle, franchira une étape importante de sa transformation : j'ai visité son nouveau bâtiment construit au coeur du fort de Vanves, qui renforcera utilement le travail de contre-ingérence.
Je salue les personnels qui oeuvrent dans l'ombre à la sécurité extérieure, en particulier ceux qui ont contribué à la libération de nos prisonniers au Burkina Faso.
Je vous propose d'adopter les crédits du programme 144. (Applaudissements sur de nombreuses travées)
M. Olivier Cigolotti, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - (Applaudissements sur de nombreuses travées) J'insisterai sur deux sujets de préoccupation.
D'abord, les conséquences des opérations extérieures (Opex) et de l'aide à l'Ukraine sur les crédits disponibles ne sont pas négligeables. Ne pas les connaître à l'avance est facteur de fragilisation. Le reste à charge pour la mission risque d'être important et d'imposer des renoncements. Monsieur le ministre, pourriez-vous apporter des précisions ?
Ensuite, les crédits du maintien en condition opérationnelle (MCO) stagneront cette année après une forte hausse en 2024, comme prévu. Il faudra des arbitrages au cas par cas entre maintien de la disponibilité technique et augmentation du stock de pièces. La productivité du MCO doit augmenter. Il faut notamment passer à des marchés de soutien hybride. Une nouvelle organisation est nécessaire pour que les nouvelles hausses de crédits prévues ces prochaines années alimentent un système globalement plus performant.
Des difficultés demeurent sur la disponibilité technique des matériaux, pour la marine terrestre ou les NH90 Caïmans de la marine. Ils doivent servir encore vingt ans, on ne peut se satisfaire de la situation actuelle. Par ailleurs, la progression de la disponibilité des avions de chasse sera entravée, du fait notamment de plusieurs cessions.
La haute intensité n'en est encore qu'à ses prémisses. Restons donc vigilants.
Nous vous invitons à adopter les crédits de la mission. (Applaudissements sur de nombreuses travées)
Mme Michelle Gréaume, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - Je rends hommage aux militaires ayant contribué à la réussite des JOP l'été dernier : aux yeux des Français et de tous les étrangers venus assister aux épreuves, ils ont montré leur professionnalisme sans faille et leur engagement au service de la nation. (M. Sébastien Lecornu renchérit.)
Ce beau dialogue civilo-militaire n'est-il pas l'occasion de faire évoluer la mission « Sentinelle » ? Elle pourrait être diversifiée : je pense notamment aux conséquences du changement climatique. Il faut aussi un déploiement socle plus léger et des processus d'alerte plus efficaces. Ce serait aussi gage de fidélisation de nos militaires.
Depuis quelques années, la participation de la France aux exercices de l'Otan ne fait que croître. Objectif : préparer nos armées aux affrontements de haute intensité menés en coalition. Mais un équilibre doit être conservé entre les différents entraînements. Les grands exercices entraînent moins les militaires du rang que ceux des états-majors. L'entraînement interarmées ne doit pas devenir le parent pauvre de la préparation opérationnelle.
Je salue la poursuite de la hausse des crédits de soutien, qui doit suivre l'évolution des capacités de nos armées. Le projet d'hôpital national d'instruction des armées à Marseille est remarquable.
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. - Bravo !
M. Jean-Pierre Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - Un mot d'encouragement, d'abord, pour l'action du Gouvernement sur les chantiers lourds pour nos armées que sont le logement et l'hébergement. Les dépenses progressent de 5 % en AE et 35 % en CP, soit 670 et 827 millions d'euros respectivement.
Les débats se sont longtemps focalisés sur la « dette grise », qui pourrait atteindre 4,5 milliards d'euros cette année. Le service d'infrastructures de la défense (SID) nuance toutefois la pertinence de cette notion, peu explicite sur l'utilité des locaux. Il propose de réfléchir en termes de maintenance et de raisonner en flux. Selon ses calculs, une enveloppe annuelle de 450 millions d'euros de gros entretien permettrait de maintenir le patrimoine utile en état bon ou moyen.
Un plan inédit lancé en 2019 visait à améliorer les conditions d'accueil en enceinte militaire. Les objectifs ont été tenus, avec plus de 1 milliard d'euros engagés et 3 500 places livrées. Cette année, 4 100 places seront livrées, pour une enveloppe de 1,1 milliard d'euros prévue dans la LPM.
En matière de logement familial, le contrat de concession signé en 2023 donne globalement satisfaction, mais il faudra surveiller les modalités d'attribution des logements et le taux de réalisation des demandes, particulièrement pour les militaires en mutation.
Des mesures du plan de fidélisation 360 s'ajoutent à cela.
D'une manière générale, il faut se féliciter que des progrès, même lents, soient réalisés. La question fondamentale est de savoir si la restauration des bâtiments du quotidien peut se poursuivre à ce rythme sans affecter le moral de nos militaires.
La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 212.
Mme Marie-Arlette Carlotti, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - (Applaudissements sur de nombreuses travées) Les crédits du programme 212 s'élèvent à 25 milliards d'euros, dont 23 milliards d'euros de dépenses de personnel. Quelque 630 emplois créés, ce n'est pas mal ; mais, comme en 2024, on s'écarte de la LPM.
La difficulté des armées à respecter le schéma d'emplois est toutefois partiellement vaincue, grâce notamment aux efforts de fidélisation. La nouvelle grille indiciaire des sous-officiers supérieurs est enfin entrée en vigueur. Nous espérons que le calendrier sera tenu pour celle des officiers.
Autre mesure très attendue : l'intégration d'une partie des primes dans le calcul des pensions. Nous n'en savons pas plus sur la conception ni le calendrier de cette mesure. Elle serait prévue dans le PLF 2026 pour de premiers versements en 2028. Ce n'est pas exactement ce qui avait été avancé. Certes, le cadre budgétaire est devenu extrêmement contraint, mais il ne faudrait pas laisser croire aux militaires que l'on compose avec les engagements pris.
L'aide à la mobilité familiale, le référencement des médecins traitants, l'accès au logement, entre autres mesures, sont importants.
Le programme 212 porte aussi des crédits pour des chantiers numériques de grande ampleur : je pense à la réalisation de systèmes d'information pour la gestion des ressources humaines et des réservistes. Ces systèmes seront sans doute source d'économies, mais il faut être très attentif à ce type de procédures : les grands chantiers informatiques du ministère ont posé problème par le passé...
La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 212. Mon groupe s'abstiendra car des efforts restent à faire pour respecter la LPM et tenir les engagements. (Applaudissements sur de nombreuses travées)
Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - Ce budget, le deuxième de la période de programmation, constitue un moment de clarification. L'an dernier, nous avions regretté l'emploi de l'expression « économie de guerre », qui ne correspondait pas à la réalité. Où en est-on ? Les processus de fabrication ont été adaptés pour accroître la capacité de production et les industriels ont pris sur eux pour investir dans de nouvelles machines-outils. La relocalisation de notre industrie de défense doit se poursuivre et il faut continuer à aider le tissu de sous-traitants.
Soyons toutefois réalistes sur notre capacité à supporter un affrontement de haute intensité. L'état-major a pris pour référence un engagement de deux mois pour définir ses besoins en matériels, munitions et logistique, mais ce délai est trop bref pour permettre aux industriels de passer en économie de guerre. Il faut porter cette durée de référence à six mois.
Une priorité est le renouvellement des composantes aéroportées et océaniques de la dissuasion nucléaire. Le calendrier sera-t-il bien respecté ?
Nous sommes inquiets, monsieur le ministre, d'une remise en cause de la LPM par le bas, par la multiplication d'entorses à la LPM.
Vous dites que les missions de réassurance à l'est de l'Europe pourraient ne plus être considérées comme des Opex, mais prises en charge par la mission « Défense ». Quelles en seraient les conséquences ?
Nous avons besoin de clarté dans les objectifs et de constance dans les moyens, en particulier sur le système de combat aérien du futur (Scaf). Des désaccords demeurent sur les spécifications du futur avion. L'absence de consensus rend un débat au Parlement incontournable cette année pour évaluer l'intérêt de la France à poursuivre ce programme.
Compte tenu des nombreuses impasses, le groupe SER s'abstiendra sur les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
M. Hugues Saury, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. - Je partage les inquiétudes de Mme Conway-Mouret sur l'avenir du programme Scaf. Le système principal de combat terrestre (MGCS), l'autre grand programme avec l'Allemagne, n'est pas dans un meilleur état depuis l'accord signé entre Rheinmetall et Leonardo pour développer le KF-51 Panther.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Ce n'est pas le même programme...
M. Hugues Saury, rapporteur pour avis. - La partie française se voit refuser la commercialisation d'un char qui comporterait une tourelle française et un châssis allemand, pour ne pas faire d'ombre à l'industrie allemande. Ce n'est pas notre conception de la coopération franco-allemande. Nous croyons à des coopérations équilibrées, respectueuses et innovantes : nous n'en prenons pas le chemin.
Nos moyens ne sont pas suffisants pour l'adaptation des matériels aux nouvelles menaces. Les frégates FDI, par exemple, n'ont pas été armées pour des combats de haute intensité, et nos navires comme nos blindés n'ont pas été conçus pour lutter contre les drones.
Concernant les feux en profondeur et le successeur du lance-roquettes unitaire (LRU), nous avons pris trop de retard pour pouvoir retirer les matériels actuels en 2027. Nous avons entendu l'engagement du Gouvernement de commander le successeur du LRU à la fin de l'année. Il y a urgence.
Quant au standard F5 du Rafale, il devra être capable de délivrer le missile nucléaire ASN4G, plus lourd que le missile actuel. Or rien n'est prévu pour financer l'évolution du moteur, qui permettrait d'assurer la manoeuvrabilité de l'avion et la sécurité des pilotes. Les efforts nécessaires doivent être faits.
L'année 2025 constituera un rendez-vous important pour le nouveau porte-avions nucléaire, mais le Gouvernement a reconnu qu'il manquait 1 milliard d'euros sur 2025-27 pour lancer sa réalisation.
Les annulations de crédits ne sont pas compatibles avec les investissements à réaliser. Les reports de charges ne sont pas non plus un bon signe.
Compte tenu du maintien de la marche de 3,3 milliards d'euros prévue par la LPM pour 2025, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 146. (Applaudissements sur diverses travées)
Mme Michelle Gréaume . - Après avoir augmenté de 46 % depuis 2017, les crédits progressent de nouveau de 3,3 milliards d'euros. C'est une croissance exponentielle par rapport à nombre d'autres secteurs, qui subissent une contraction forte : climat, réindustrialisation, logement, santé, éducation. La dépense militaire représente 21 millions d'euros par jour - le prix d'un collège !
Comment ne pas comparer l'augmentation de 7,5 % de ce budget avec la diminution de 35 % de l'aide publique au développement ? Cette asymétrie de trajectoire nous préoccupe grandement. Elle participe de la dérive militariste planétaire qui contribue au chaos mondial et à la préférence pour la loi du plus fort au détriment de la recherche de solutions pacifiques.
Le projet de porte-avions de nouvelle génération, qui coûtera 10 milliards d'euros au total, sera lancé en 2025. Depuis vingt ans, le Charles-de-Gaulle est intervenu en Afghanistan, en Irak et en Libye, sans jamais régler les conflits, sans que la bravoure et le professionnalisme de nos marins soient en cause. Nous en récoltons aujourd'hui encore les fruits amers en Afrique.
Nous déplorons votre stratégie d'alignement toujours plus étroit à l'Alliance atlantique, alors qu'elle n'a aucune cohérence : la Turquie d'Erdogan, nostalgique de l'empire ottoman, veut étendre sa toile en Syrie, quitte à financer l'État islamique (EI).
Les États-Unis de Donald Trump sont aussi expansionnistes et Elon Musk est à la tête d'une internationale de l'extrême droite. Sommes-nous résignés à osciller entre opposition passive et soumission aux valeurs de cette nouvelle Amérique ?
La promesse de l'Otan est simple : la sécurité collective. Mais que se passe-t-il quand l'agresseur potentiel est l'un de ses membres ? Les déclarations de Trump redéfinissent l'Otan. Dans un tel contexte de menace sur la souveraineté du territoire européen, il faut renforcer les forces conventionnelles plutôt que des outils de projection coûteux et à la solde des États-Unis.
L'adoption d'une nouvelle LPM nous semblait justifiée. De fait, nous devons reconsidérer le modèle d'armée à construire. Déplorant la priorité donnée aux capacités de projection au profit d'une Amérique qui paraît de plus en plus menaçante, au détriment de la stricte défense de nos territoires et alliés proches, nous nous abstiendrons.
M. Guillaume Gontard . - (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Rachid Temal applaudit également.) Après une dissolution et une censure, vous résistez, monsieur le ministre, aux soubresauts de la vie politique et présentez un budget intact, alors que le rabot n'épargne aucune mission. Vous tenez bon comme un phare dans la tempête contre la mainmise des comptables.
M. Antoine Lefèvre. - Quel talent !
M. Rachid Temal. - C'est un métier...
M. Guillaume Gontard. - Mais un État qui réduit toutes ses ambitions à l'exception de sa défense et de sa sécurité envoie un message anxiogène. (M. Christian Cambon proteste.)
De plus, la méthode du Gouvernement est démocratiquement scandaleuse : enjamber la censure et reprendre le budget là où il s'était arrêté !
Nous n'ignorons rien du contexte géopolitique déliquescent. Alors qu'une épée de Damoclès pèse sur l'Ukraine, l'incertitude est totale sur l'Otan, le droit international est piétiné partout, à commencer par le Proche-Orient, et la loi du plus fort l'emporte.
Il ne paraît pas raisonnable de faire l'économie de l'effort de réarmement engagé depuis une décennie, mais nos réserves demeurent. Si nous nous sommes abstenus sur la LPM, c'est par opposition à une trajectoire budgétaire exponentielle visant à préserver une armée complète avec renouvellement de la dissuasion et des ambitions cyber, spatiales ou sous-marines. Pour y parvenir, vous hypothéquez encore et toujours notre avenir en réduisant les budgets de l'éducation nationale, de l'écologie et des collectivités, qui assurent nos investissements.
Plus que jamais, il est indispensable de bâtir l'Europe de la défense. Avec un Président de la République français démonétisé et un chancelier allemand sur la sellette, la tâche est ardue à court terme. Mais nous saluons l'action du nouveau commissaire à la défense, Andrius Kubilius, pour renforcer la BITD européenne et avancer sur l'intégration de nos politiques de défense.
Nous avons reçu avec circonspection votre discours cocardier du 7 janvier aux Invalides, monsieur le ministre. En matière de procédures, notamment de contrôle des exportations, c'est à la France de se plier aux exigences européennes.
S'agissant de la négociation sur le programme d'industrie de défense européenne, nous ne sommes pas d'accord avec vous lorsque vous dites : en la matière, mieux vaut ne rien faire que faire mal. Nous pensons au contraire qu'un tien vaut mieux que deux tu l'auras. Continuons à avancer malgré les freins. Le Président de la République a appelé à des investissements communs massifs et à assumer la préférence européenne : je vous invite à éclairer la représentation nationale sur ce qui ressemble à une contradiction.
La France a de moins en moins les moyens de ses ambitions militaires. C'est pourquoi il faut une politique intégrée européenne.
Le GEST s'abstiendra sur les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Rachid Temal . - Je salue la signature d'un cessez-le-feu à Gaza. Nous espérons que les otages seront libérés, notamment nos deux compatriotes. (Mme Marie-Pierre Monier et M. Akli Mellouli applaudissent.)
Je salue nos forces françaises en Afrique ou en Roumanie, sans oublier celles qui participent à la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), parfois victimes de tirs.
Je salue la secrétaire d'État qui revient au Gouvernement et le ministre qui est toujours là... (Sourires)
M. Roger Karoutchi. - Flatteur !
M. Rachid Temal. - En 2024, la moitié des pays étaient en élection. Résultat : la démocratie libérale perd du terrain. Nous devons revoir totalement la revue stratégique dans ce monde qui change.
L'ère de l'empire puissance est de retour. Nous avons cru à la fin de l'histoire. Mais Poutine est arrivé avec ses guerres permanentes. Il y a eu le 11 septembre et le djihadisme mondial. Chaque État joue à son compte et le rôle des démocraties, dont la France, est de plus en plus interrogé.
La guerre informationnelle devient centrale, comme M. de Legge et moi-même l'avons montré. Le cas de l'Azerbaïdjan, très agressif sur ce terrain, est édifiant.
On pourrait dresser un parallèle entre Donald Trump et le leader chinois pour leur choix commun de la manière forte, fondée sur la guerre commerciale et une recherche d'hégémonie technologique.
Certains voudraient une dépense militaire de 4 % du PIB. Mais quand ils veulent nous faire acheter des armements américains, nous tombons de notre chaise... Et quand on voit les résultats du marché unique de l'électricité, on s'interroge sur un marché unique de l'armement ! (M. Sébastien Lecornu rit.)
Sur le repositionnement des bases en Afrique, le constat est simple : à part Djibouti, la feuille sera blanche... Nous devons nous interroger sur notre stratégie en Afrique.
Nous, parlementaires, demandons à être au coeur de la réflexion stratégique.
Quelques mots sur la situation budgétaire. Je partage les propos du rapporteur de Legge. Il y a eu un débat sur les 413 milliards lors de l'examen de la LPM. Mais un report de charges qui progresse de 75 % est préoccupant. Nous devons débattre de la question financière à l'occasion de la revue nationale stratégique que nous appelons de nos voeux. Il faut mettre plus d'argent ; c'est pourquoi nous avions proposé, au groupe SER, un livret d'épargne défense souveraineté. Nous pouvons dire aux Français que leur épargne, c'est leur sécurité de demain.
Nous sommes toujours, nous socialistes, attachés à notre défense nationale. Si vous pouvez vous targuer d'être gaullistes, nous nous retrouvons dans François Mitterrand, particulièrement dans sa croyance en la dissuasion nucléaire haute, symbole de la convergence des grandes familles politiques de droite et de gauche sur cette question.
Nous ne pouvons nous contenter de débattre de défense une fois par an lors de l'examen du budget. Nous réclamons des débats plus fréquents sur les questions de défense, par exemple sur l'impact de l'élection de Donald Trump. Nous choisissons une abstention d'alerte et de soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; marques de déception au centre et à droite)
Sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. - Pourquoi s'abstenir ?
M. Marc Laménie . - Ce budget représente 60 milliards d'euros en CP.
Beaucoup ont été tentés de s'accommoder de la guerre qui a commencé il y a bientôt dix ans sur notre continent. Après l'annexion de la Crimée, l'élection de Donald Trump en 2016 aurait dû pousser les Européens à construire une défense solide.
Trois ans après l'annexion de l'est de l'Ukraine et quelques mois après la réélection de Trump, la situation n'a pas fondamentalement évolué : les Vingt-Sept n'ont qu'un seul porte-avions - le nôtre.
Certes, la dépense militaire a augmenté de 30 % depuis 2021 en Europe. Le budget représente 326 milliards d'euros soit 1,9 % du PIB de l'Union européenne ; la France occupe une place particulière au sein de la défense européenne.
Mais elle doit aussi assurer la défense de son territoire - Hexagone et outre-mer - et de la deuxième zone maritime la plus vaste au monde.
Malgré les contraintes budgétaires, le Gouvernement a choisi de respecter la LPM. Nous ne pouvons que nous en féliciter. La défense passe ainsi avant l'éducation nationale.
Les dépenses militaires sont en hausse partout dans le monde. Nos armées doivent aussi soutenir nos alliés : l'armée de l'air a ainsi cédé 24 Rafale à la Grèce et à la Croatie et l'Ukraine a reçu des Mirage 2000 et des canons Caesar. C'est indispensable pour la défense de nos valeurs, mais cela requiert des moyens.
Les défis sont nombreux, avec le maintien en condition opérationnelle ou le remplacement de notre porte-avions, entre autres.
Sans les femmes et les hommes engagés, ces matériels ne seraient rien : je rends hommage au courage et au professionnalisme des militaires et des réservistes
Les Ardennes sont attachées au troisième régiment du génie, historique à Charleville-Mézières, que vous connaissez bien, monsieur le ministre... (M. Sébastien Lecornu renchérit.) Le lien avec l'éducation nationale, via les classes de défense, est important.
Je n'oublie pas l'opération Sentinelle. Nous devons veiller à ce que les conditions de travail soient assez attractives pour le recrutement et la fidélisation.
Le contexte actuel est lourd de menaces. La Russie a lancé il y a quelque temps un missile balistique hypersonique à capacité nucléaire sur l'Ukraine ; la situation en Syrie suivant la chute de Bachar al-Assad - bonne nouvelle dans l'absolu - reste explosive, et la Chine poursuit son action contre les démocraties et ses manoeuvres agressives envers Taïwan.
Par la diplomatie, la France doit apaiser les conflits, mais doit être aussi capable de les affronter. Cela exige un strict respect de la LPM que nous devons toujours avoir à l'esprit.
Il est important de susciter des vocations.
Le groupe Les Indépendants votera pour l'adoption des crédits. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Ahmed Laouedj et M. Rachid Temal applaudissent également.)
M. Cédric Perrin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, M. Rachid Temal et Mme Marie-Arlette Carlotti applaudissent également.)
Le temps perdu ne se rattrape jamais ; et pourtant, c'est à cela que nous devons nous atteler : le temps perdu par une censure votée par une alliance des contraires irresponsable.
Le temps est un élément capital, en matière financière notamment : toutes les sommes non décaissées en temps voulu se traduisent par des retards dans les programmes. In fine, c'est la sécurité des Français qui est mise en jeu, et la remontée en puissance des industriels entravée.
Les armées ne peuvent se donner le luxe d'attendre : il leur faut un budget, un bon budget.
Il était indispensable que celui-ci respecte la LPM. Avec son esprit visionnaire, le général de Gaulle disait : la défense est le premier devoir de l'État, au risque de se voir détruire lui-même.
M. Christian Cambon. - Très bien !
M. Cédric Perrin. - Nous ne pouvons ignorer que nous avons basculé dans une nouvelle ère, marquée par la polarisation et par la confrontation, et dans laquelle les mouvements tectoniques et les conflits entre un Occident collectif et un prétendu Sud global s'accentuent.
M. Roger Karoutchi. - Prétendu !
M. Cédric Perrin. - Avec le réveil des impérialismes, les incertitudes stratégiques s'accroissent pour l'Europe, prise entre l'agressivité russe et l'imprévisibilité américaine.
Si elle demeure notre garantie ultime de sécurité, la voûte nucléaire peut être contournée : pour ne pas en faire une nouvelle ligne Maginot, nous devons investir dans tous les segments de notre défense.
Le péril le plus vif se situe sur le flanc est de notre continent. Les Ukrainiens résistent toujours, mais de plus en plus difficilement à l'agression russe. Alors que la nouvelle administration américaine pourrait changer le cours de la guerre, notre soutien à l'Ukraine ne saurait fléchir.
Au Moyen-Orient, une recomposition chaotique et violente est à l'oeuvre ; le panturquisme pourrait être une menace existentielle pour l'Arménie ; dans l'Indo-Pacifique, nos outre-mer suscitent la convoitise et l'expansionnisme chinois est dangereux pour ses voisins.
De la mer rouge à la Jordanie, partout dans le monde, nos armées permettent à la France de tenir son rang.
Saluons le dévouement sans faille des femmes et des hommes qui sont sous les drapeaux. La meilleure façon de le faire est de garantir qu'ils disposent des moyens à la hauteur de leur courage.
Je me réjouis que la trajectoire de la LMP puisse être respectée. 2025 sera une année charnière avec 51 milliards d'euros engagés pour les équipements, les deux tiers de cette somme étant consacrés aux chantiers d'avenir que sont la dissuasion nucléaire, le remplacement du porte-avions et le passage du Rafale au standard F5.
Le coût des programmes structurants a été calculé néanmoins au plus serré. Gardons à l'esprit que ces dépenses rigidifieront la suite de la programmation, réduisant les marges de manoeuvre.
Les améliorations dues à la LPM sont réelles, mais elles n'aboutiront pas pour autant à des forces étoffées : les formats resteront taillés au plus juste.
En outre, nos forces sont confrontées à une multitude d'aléas stratégiques. Le soutien à l'Ukraine pèse parfois lourd sur certaines forces. Préparer l'avenir tout en répondant à ces enjeux immédiats nécessite un budget suffisant, au risque de voir apparaître des trous capacitaires préjudiciables, à l'heure du pivot vers la haute intensité.
Au moment où nous portons notre regard sur 2025, il faut reconnaître que 2024 appelle à la vigilance : gels, surgels, reports... L'exécution aura été mouvementée. Il en résulte des inquiétudes pour la mise en oeuvre de la LPM.
Nous y voyons les effets des dépenses exceptionnelles, sur un budget qui demeure contraint.
Le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) a pris en charge les surcoûts, à hauteur de 837 millions d'euros, mais a aussi amputé le programme 146 de 532 millions d'euros.
Il faudra surveiller cela d'autant plus que les provisions pour les Opex ont été revues à la baisse. Certes, la fin de Barkhane amoindrit la charge, mais les opérations de réassurance telle que Lynx et Aigle en Europe, ou Aspides en mer Rouge semblent s'installer dans la durée.
Enfin, les reports de charges auront utilement servi à passer la bosse budgétaire due, notamment, à la hausse des coûts des carburants. Mais attention, c'est un poids financier sur les industriels et, en bout de chaîne, sur les PME. Le financement de ces dernières est une préoccupation majeure. En dépit de la prise de conscience d'un changement stratégique, elles peinent à se financer, faute d'une évolution de la politique interne des banques. (M. Sébastien Lecornu le confirme.) C'est une situation ubuesque au regard des crises qui nous font face. L'état d'esprit des banques doit changer ! Le Sénat a porté des propositions très concrètes en la matière et reste disponible pour les faire aboutir.
L'environnement global des entreprises de défense doit être amélioré. La conduite des programmes reste trop sophistiquée et les normes et les procédures s'empilent. Les règles civiles des marchés publics sont inadaptées aux spécificités de la défense : délais indus, surcoûts inutiles, équipements inadaptés ou trop coûteux.
La réorganisation de la DGA ou l'évolution de certains de ses process sont importantes. Mais nous sommes encore loin du choix de simplification : les industriels attendent plus.
Les défis posés sont exigeants : poursuite des grands programmes, MCO, recrutement, soutien des forces, préservation de la stabilité internationale.
Le général de Gaulle disait : l'intelligence, c'est prévoir. En ne déviant pas de la ligne d'horizon minimale de la LPM, ce budget permet de prévoir l'avenir de nos armées.
Investir dans la défense, ce n'est pas céder à une joute belliciste, c'est affirmer que la France, forte de son héritage et de son indépendance, doit rester maîtresse de son destin. Honorons la vision du général de Gaulle. Le groupe Les Républicains votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Marc Laménie, Michel Masset et Olivier Cigolotti applaudissent également.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne . - (Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit.) Je présente tous nos bons voeux aux femmes et aux hommes engagés dans nos armées ; je rends hommage à ceux qui ont fait le sacrifice ultime et à leurs proches, nous ne les oublions pas.
On a l'impression que, dans une autre assemblée, on se préoccupe plutôt de jouer aux quilles avec les gouvernements que de légiférer dans l'intérêt général du pays.
Le moment est aussi inédit au niveau international, avec l'alternance de permacrises et de polycrises... Rachid Temal l'a dit : on assiste à un retour de la force à l'état brut, et à l'émergence de terrains nouveaux comme le cyber et le spatial.
Réjouissons-nous que depuis 2017, les budgets de la mission « Défense » augmentent : passant de 32 milliards d'euros en 2017 à 41 milliards d'euros en 2022 et à 50 milliards d'euros cette année. Le choix a été fait de respecter la trajectoire définie par la LPM, et donc le vote des parlementaires. En dépit de la situation budgétaire contrainte, les crédits de cette mission ne sont pas une variable d'ajustement.
Quelque 3,3 milliards d'euros supplémentaires sont donc prévus, mais pour quoi faire ?
L'environnement évolue : nous devons être souples comme le cuir, mais trempés comme l'acier, comme aurait dit Bigeard.
M. Rachid Temal. - Quelle référence...
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - La guerre en Ukraine a montré que nos besoins étaient immenses, en matière de munitions, notamment : d'où l'augmentation de 12 % des crédits du programme 146.
La livraison des missiles antichars de portée moyenne est très attendue par l'armée de terre. Le budget se veut respectueux de nos forces. La condition militaire est un enjeu important, dans une société où l'engagement à long terme n'est plus une évidence. Je salue le plan Famille 2, devenu le plan Fidélisation 360, avec l'amélioration des conditions de vie en emprise militaire, une nouvelle politique de rémunération et des efforts indiciaires.
J'évoquerai un point sur lequel nous devons trouver des solutions, notamment avec Bercy.
M. Rachid Temal. - Bon courage !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Il s'agit des reports de charges, qui ont augmenté et qui pourraient devenir le linceul des LPM, en alimentant la bosse budgétaire.
Beaucoup a été fait pour soutenir notre BITD : continuons ; elle est en pointe en matière d'innovation, comme en témoigne la livraison du supercalculateur le plus puissant d'Europe en matière militaire. Idem dans le domaine quantique ; nos adversaires ne nous attendent pas.
Le RDPI votera avec conviction les crédits. Permettez-moi de féliciter l'armée des champions, avec l'Icaunaise Eugénie Dorange, qui a permis que l'Yonne soit dans la petite finale de canoé.
Ces athlètes ont remporté 21 médailles, soit 30 % des médailles françaises aux JOP de 2024. Je pense à l'aviateur Nicolas Gestin, au second maître Shirine Boukli ou au matelot Joan-Benjamin Gaba ; ils ont battu le record mondial des médailles militaires obtenu aux JOP.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Bravo à tous !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Nous en sommes fiers. Militaires et sportifs, les deux font résonner la Marseillaise et font honneur à la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit également.)
M. Ahmed Laouedj . - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Rachid Temal applaudit également.) Je vous lis une intervention d'André Guiol, retenu dans son département du Var.
La destruction d'un drone américain par un chasseur russe au-dessus de la mer Noire illustre le retour des rivalités.
La hausse du budget est satisfaisante, mais la montée en puissance de technologies innovantes comme les drones représente des enjeux nouveaux.
L'augmentation des crédits se concentre sur plusieurs priorités. Le renouvellement de la dissuasion nucléaire représente près de 40 % du financement consacré à la modernisation, avec les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) de troisième génération ; le programme Rafale devra respecter la LPM, pour atteindre 178 avions d'ici à 2030 et 225 en 2035.
La dotation de 130 millions d'euros au sein du programme 178 pour le supercalculateur est à saluer.
L'anticipation des sauts technologiques dans l'espace ou le cyber, entre autres, justifie la hausse des crédits, mais des défis structurels persistent : le report de charges, et le surcoût des missions intérieures comme Sentinelle.
Il est crucial de maîtriser la réquisition des armées en la concentrant sur des missions à forte valeur militaire, pour combiner réactivité et désengagement rapide. Il faut repenser l'effort industriel pour maintenir le cap du multicapacitaire.
La soutenabilité financière doit être au coeur de nos réflexions, pour que nos ambitions stratégiques ne se confrontent pas, une fois de plus, à l'agenda américain.
Notre notoriété dans les domaines technologiques de pointe doit aboutir à un véritable projet de défense commune.
Monsieur le ministre, nous nous interrogeons sur les effets de la LPM sur l'ambition européenne en matière de défense. Si le système de combat aérien du futur (Scaf) est développé avec l'Allemagne et l'Espagne, il n'est pas fait mention de notre rôle au sein de l'Agence européenne de défense (AED).
Une Europe de la défense complète suppose des évolutions institutionnelles majeures ; il est temps de lever les ambiguïtés entourant notre autonomie stratégique. Jean Monnet l'a écrit : l'Europe se fera dans les crises et sera la somme des solutions apportées à ces crises. Plus que jamais européen, le RDSE votera ces crédits. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)
M. Olivier Cigolotti . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Marie-Arlette Carlotti et M. Rachid Temal applaudissent également.) L'année 2025 est la deuxième année d'exécution de la LPM. Les AE s'élèvent à 93,6 milliards d'euros, soit 37 % de hausse par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Les CP s'élèvent à 60 milliards d'euros et augmentent de plus de 5 %.
Hors inflation, la hausse serait de 35,5 % en AE et de 3,9 % en CP, en euros constants.
Cet effort important doit être salué, dans un contexte général de redressement nécessaire des finances publiques. La mission « Défense » est celle qui connaît la plus forte hausse de ses crédits en 2025.
Monsieur le ministre, un point de vigilance néanmoins : la forte hausse du report des charges depuis 2022. De 3,8 milliards d'euros fin 2022, il devait s'établir à 6,4 milliards d'euros fin 2024 : plus 75 % en deux ans ! Cette évolution, qui concerne surtout les dettes aux fournisseurs, représenterait 20,3 % des crédits en 2024. Nous veillerons à ce que celle-ci reste raisonnable.
Pour la première fois depuis quarante-cinq ans, la France démarre son année sans budget. Le réarmement du pays s'en trouve menacé, comme nos exportations. Les perspectives étaient pourtant encourageantes en matière de vente d'armements.
Il faut doter la France d'un budget : ce sont les hausses de crédit qui permettent de relocaliser la production d'armements. Ne pas doter la France d'un budget, ce serait effacer les 3,3 milliards d'euros de hausse de la LPM.
Le contexte mondial n'a jamais été aussi tendu. Le conflit russo-ukrainien persiste dans l'escalade, la situation au Moyen-Orient est fragile. Doter la France d'un budget est essentiel dans un tel contexte.
Ne pas doter la France d'un budget, c'est condamner les opérations stratégiques de défense et cela complique la concrétisation de la volonté du Gouvernement de se préparer à une économie de guerre.
La poursuite des programmes de coopération au niveau européen et international est essentielle. L'Union européenne doit être un véritable acteur en matière militaire. Avec l'élection de Donald Trump, toutes les hypothèses doivent être envisagées, notamment concernant l'Otan. La présence américaine au sein de cette dernière est indispensable au maintien de l'architecture de la structure, qu'il faut préserver.
Une remise en cause de la LPM est à craindre en cas de nouvelle censure. Celle-ci nous conduirait dans l'impasse, tandis que les autres pays, eux, avancent.
Nous débattons pour le maintien de la paix et de notre souveraineté. Ne l'oublions pas ! Nos engagements envers nos armées doivent être tenus.
Le groupe UC votera à l'unanimité en faveur des crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées . - (M. Jean-Baptiste Lemoyne et Mme Marie-Arlette Carlotti applaudissent.) Merci pour votre mobilisation pour ces crédits et pour vos mots pour nos forces armées. Nous parlons de matière budgétaire, mais une armée ne se mesure pas seulement à ses budgets, mais aussi au courage de ses soldats.
J'ai une pensée particulière pour les soldats tombés l'année dernière, notamment la maréchale des logis Fany Claudin, qui a perdu la vie lors d'une patrouille de la Finul. Un terrible accident de Rafale a aussi coûté la vie à deux soldats. Derrière les questions budgétaires se cache une force d'âme.
M. Cigolotti et M. Perrin ont posé la question : oui ou non, les crédits de la mission « Défense » pour 2025 seront-ils votés ? La marche de la LPM, à plus de 3,3 milliards d'euros, sera-t-elle adoptée ? La programmation militaire sera-t-elle respectée, aux yeux du monde entier ? Tout décalage peut anéantir nos efforts de réarmement tels qu'ils ont été imaginés depuis 2017 !
La censure a évidemment eu un impact. Ce n'est pas montrer du doigt ses artisans que le dire...
Avant les reports de charges ou les critères techniques, une réalité s'impose donc, qui repose sur un choc de confiance à l'égard des industries et de nos soldats. Ce sujet devra être traité politiquement, devant le peuple français.
Le PLF est conforme à la programmation militaire. Le président Gontard l'a dit, aucun amendement de rabot ne sera présenté par le Gouvernement ce matin. La programmation militaire est donc bien protégée au regard des risques qui pèsent sur le pays !
Il y aura 50,5 milliards d'euros pour 2025, soit 7 % d'augmentation depuis l'année dernière, 9,5 milliards d'euros de plus depuis ma prise de fonctions en 2022, et 18 milliards d'euros de plus depuis 2017.
La logique suivie n'est donc plus celle de la raréfaction des moyens. Est-ce néanmoins suffisant ?
J'ai toujours considéré qu'il s'agissait d'un plancher, non d'un plafond.
Dès lors que des augmentations ont lieu, cet argent va-t-il au bon endroit ? Permet-il de gagner la guerre de demain, et pas seulement de faire des réparations pour gagner celle d'hier ?
Les crédits vont au-delà même de la programmation. Le président Perrin l'a souligné. Regardons ce qui est fait en gestion ! Pendant des années, les programmations militaires ont été généreuses sur le papier, mais suivies d'annulations de crédits ou de CP pas à la hauteur. L'exécution ne se faisait pas à l'euro près.
Dans les copies que je vous propose depuis 2022, les AE et CP sont supérieurs à la programmation.
Je comprends la position du président Gontard, à défaut de la partager : malgré le contexte budgétaire que nous connaissons, nous continuons à nous réarmer. Je l'assume !
L'année dernière, l'exécution s'élevait à 48,3 milliards d'euros, soit 1 milliard d'euros de plus que prévu.
Le sénateur de Legge a appelé à plus de transparence, j'y suis favorable pour les sujets qui ne touchent pas nos intérêts. Aucun secret sur la disponibilité des matériels ne doit être dévoilé.
La programmation militaire n'a pas absorbé à elle seule le coût de la guerre en Ukraine.
Je note que le mot « inflation » a disparu de vos prises de parole... C'est l'avantage quand on dure : on voit passer les saisons ! On me demandait avant si le Gouvernement prenait bien en compte l'inflation. Personne n'en a dit mot ce matin ! L'évolution du contexte macroéconomique nous a redonné des marges de manoeuvre. Mais un changement en sens inverse aurait un effet négatif sur la programmation militaire.
Si j'avais pu faire moins de reports de charges, j'en aurais fait moins. Mais deux choix se présentent : soit on commande, soit on refuse de commander. Je préfère passer des commandes aux industriels pour respecter la programmation militaire. Par ailleurs, des reports de charges quand les crédits diminuent, ce n'est pas pareil que quand ils augmentent ! Distinguons le bon cholestérol du mauvais. (Mme Émilienne Poumirol s'en amuse.)
Autrefois, on faisait porter par les industries de défense des reports de trésorerie. Ce n'est plus le cas ! La trésorerie des industries de défense n'est pas mise à mal par ces reports de charges. Non !
L'enjeu est de s'assurer que l'effort considérable demandé en ce moment aux contribuables n'entraîne pas des effets d'aubaine pour ces industries.
Il faut trouver le juste milieu et mettre ces reports de charges en perspective : ils ne fragilisent pas les industries de défense, qui touchent des intérêts moratoires.
Gisèle Jourda et Rachid Temal l'ont souligné : au moment où tout le monde se réarme, comment faire en sorte que les industries de défense captent des financements privés, notamment bancaires ?
Madame Carlotti, le calendrier des mesures de fidélisation sera tenu, pour les officiers - comme nous l'avons fait pour les sous-officiers. Et la cible des 700 ETP sera atteinte en 2025, comme la LPM le prévoit.
Merci, madame Gréaume, pour vos propos sur le service de santé des armées (SSA).
J'assume quelques décalages avec la LPM, qui est vivante.
Il nous faut accélérer sur l'intelligence artificielle, dans une logique d'arsenal. Des crédits sont ainsi proposés pour l'Agence ministérielle de l'intelligence artificielle de défense (Amiad).
Les munitions sont aussi un point sensible. Il faut agir sur les stocks, pour les munitions simples comme pour les complexes.
Le vrai débat que nous devons avoir a trait aux bascules auxquelles nous assistons. M. Temal a parlé d'Afrique, plusieurs d'entre vous d'Union européenne - certains, à droite, disant qu'il n'était pas question d'abandonner notre souveraineté. Le président Gontard a dit que nous n'avions plus les moyens de faire autant et qu'il fallait se mettre au diapason des autres Européens - je ne suis pas d'accord.
La question de ce que nous ce que nous devons partager au sein de l'Union européenne est clé : nous avons une initiative à mener, y compris via la diplomatie parlementaire. Quelles factures pouvons-nous partager sans abîmer notre souveraineté et sans subir une standardisation américaine ? C'est la question de la coordination entre l'Union européenne et l'Otan - le fameux pilier européen au sein de l'Otan - qui est posée. Qu'est-ce qui est partageable ? Et qu'est-ce qui ne l'est absolument pas ? Ce débat noble doit se faire avec le Parlement, même si toutes les contributions - celles des think tanks, notamment - sont les bienvenues.
Autres questions : quelle place pour la France au sein de l'Otan ? Quelles sont les grandes bascules géographiques : Afrique, Indo-Pacifique, plateau continental européen... Ukraine : quid du jour d'après ?
Nous devons aussi réfléchir à l'articulation entre la dissuasion nucléaire et le conventionnel, militaire et civil, avec les menaces hybrides, la guerre informationnelle, la militarisation de l'espace, etc. Avec l'arrivée de M. Musk dans l'administration américaine, ce que nous pensions acquis en matière spatiale est bouleversé.
La revue nationale stratégique sera-t-elle remise à jour, monsieur Temal ? Je ne le sais pas : cette décision relève du Président de la République et du Premier ministre.
Je suis à la disposition du Sénat pour que nous mener ces débats en profondeur. Question plus redoutable : l'argent que nous mettons sur la table - en 2030, le budget des armées sera doublé - couvrira-t-il réellement les menaces de demain, pour notre propre sécurité, comme pour celle des autres, car nous sommes aussi pourvoyeurs de sécurité. Le groupe SER avait demandé ce débat sur l'Afrique, en application de l'article 50-1 de la Constitution. (On le confirme à gauche.) Sachez que je me rendrai disponible, tout comme Jean-Noël Barrot. Nous ne pouvons faire l'économie d'une lucidité stratégique, qui appellera une lucidité budgétaire ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, RDSE, RDPI et sur quelques travées du groupe SER)
Examen des crédits de la mission
Article 42 - État B
L'amendement n°II-1173 rectifié n'est pas défendu.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Tant mieux ! Il est indéfendable ! (M. Dominique de Legge renchérit.)
M. le président. - Amendement n°II-625 du Gouvernement.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Cet amendement traduit les différentes mesures catégorielles pour l'État, sur la structure des crédits dédiés au personnel.
Le gouvernement de Michel Barnier proposait des mesures d'économies. Le Premier ministre Bayrou a présenté d'autres mesures dans le cadre du dialogue qu'il mène avec les groupes politiques de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Cet amendement prévoit ainsi des économies. Cette somme sera probablement revue, compte tenu des engagements pris par le Premier ministre à l'égard du groupe socialiste, si j'ai bien compris. Je me devais néanmoins de le présenter, au nom de la solidarité gouvernementale, car celle-ci a permis de sauvegarder la programmation militaire...
L'amendement identique n°II-1315 n'est pas défendu.
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Monsieur le ministre, je salue votre habileté à défendre un amendement dont nous n'avons pas compris dans quel contexte il s'inscrivait... (Sourires)
J'ai du mal à faire le lien entre les propos tenus par le Premier ministre il y a quelques jours, lorsqu'il insistait sur la nécessité de réduire la dépense publique et les arbitrages qu'il semble vouloir rendre.
Je déplore la méthode, aussi : j'avais cru comprendre que le Parlement était là pour voter le budget. Or les décisions semblent être prises dans des cénacles particuliers...
Toutefois, nous ne voulons pas vous être désagréables : avis favorable, donc, en espérant que le chiffre annoncé sera respecté.
M. Rachid Temal. - Comme je l'ai dit lors de la discussion générale, il faut regarder tous les éléments de bascule intervenus dans le monde. La revue nationale stratégique doit être modifiée.
Les socialistes demandent effectivement plus de débats sur les questions stratégiques de défense, au-delà de l'examen du budget.
Le groupe SER votera les crédits de la mission. Lors de son examen, nous avons travaillé pour adapter la LPM aux ambitions de notre pays et de nos alliances.
M. Cédric Perrin. - Puisque ces crédits ont été décidés en interministériel, nous ferons plaisir à M. le ministre : nous voterons cet amendement...
Toutefois, je rejoins M. de Legge : puisque le Premier ministre a annoncé renoncer aux deux jours de carence supplémentaires, cet amendement semble privé d'objet.
Pourquoi attendre la CMP et ne pas mettre les montants d'équerre tout de suite ?
Lors de l'examen de la LPM, le Sénat a bataillé ferme pour aboutir à une trajectoire crédible de réarmement.
Les armées ont besoin des crédits de réarmement, pour respecter le contrat opérationnel qui leur a été fixé.
Le rapport d'information de Mme Lopez et de Mme Carlotti montre les efforts à mener en matière de ressources humaines pour renforcer l'attractivité de nos armées. Si ces crédits ne devaient pas être utilisés à ces fins, nul doute que le ministère saurait en faire bon usage. Son montant de 57 millions d'euros représente le coût de 40 Griffon et 19 000 fusils HK 416.
Nous voterons cet amendement, même s'il est saugrenu.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - On voit aussi la limite d'inscrire les crédits du titre II en LPM - cela aurait paru incongru il y a quelques années. Qu'une mesure interministérielle sur le jour de carence ou le point d'indice ait une incidence sur la programmation militaire aurait été impensable. Nous devons réfléchir à ce à quoi doivent ressembler les prochaines programmations et veiller à ce qu'elles n'engendrent pas de rigidité.
Pour répondre à M. Temal : il y a dix ans, les livres blancs permettaient au politique de se défausser de sa responsabilité de réduire les crédits militaires. Mais les sommes sont tellement importantes, et les questions tellement graves, qu'il faut que le Parlement en débatte.
Le contexte stratégique de ces derniers mois ne remet pas en cause la programmation militaire. En revanche, la brutalité des transformations est folle et notre discussion budgétaire aurait été différente à l'automne : soldats nord-coréens en Ukraine, recomposition syrienne, trêve au Liban puis à Gaza...
Le Sénat, où le débat démocratique est plus calme et le temps électoral plus clair, est le bon cadre pour y travailler.
M. Rachid Temal. - Sans parler de la qualité !
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Mais c'est un travail exigeant, qui devra intégrer la dualité, car nous devons travailler avec tous les acteurs, notamment civils - on le voit sur le spatial.
En cette période de voeux, voici le mien : que nous ne débattions plus du respect de la programmation militaire, mais de la pertinence des dépenses eu égard aux menaces de demain, car tout bouge très vite. Mon obsession est que les élites françaises évoluent aussi vite que les menaces qui percutent le continent européen - sans parler de la nouvelle administration Trump.
Je me rendrai disponible pour de tels débats au Sénat. Le moment est venu d'un travail entre le Gouvernement et le Sénat, innovant et original, avec le cas échéant des auditions non retransmises. Nous devons aussi éclairer les enjeux du futur débat présidentiel de 2027.
M. Rachid Temal. - Très bien !
L'amendement n°II-625 est adopté.
M. le président. - Amendement n°II-1180 rectifié bis de M. Saury et alii.
M. Hugues Saury, rapporteur pour avis. - Il s'agit de prévoir 10 millions d'euros pour soutenir la filière française de drones. La France rattrapera son retard, mais elle ne dispose pas encore d'un drone à moyenne altitude et longue endurance (Male) et dépend du Reaper américain. Nos industriels sont prêts à aller vers une massification de la production.
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Les drones sont stratégiques. Quel est l'avis du Gouvernement ? Quid du gage ? La LPM devant être respectée, il faudra sans doute un redéploiement, mais le ministre peut être généreux...
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Votre intuition est bonne. Ne nous racontons pas d'histoires : la France est en retard sur la dronisation. Pourquoi ? Pour la première fois, une innovation civile est utilisée dans le domaine militaire, à rebours du schéma habituel, et nos industriels n'ont pas toujours su à quel point il fallait évoluer rapidement.
La LPM est-elle pour autant caduque ? Non, mais elle est vivante. Tous les gains budgétaires de la programmation devront être réaffectés aux drones.
Terre, air, mer : chaque plateforme doit avoir son drone. Je pense notamment à l'armée de terre qui doit rattraper son retard sur la guerre électronique et sur la dronisation. Chaque combattant doit avoir son drone, comme il a son arme de poing. N'oublions pas la cavalerie blindée : le char doit être pensé dans un univers dronisé. Les drones ont aussi un rôle à jouer dans l'artillerie. Nos industriels - Delair, Turgis&Gaillard - font des choses remarquables, comme l'Aarok.
La géopolitique crée des ruptures, mais les nouvelles technologies aussi : intelligence artificielle, quantique, etc. L'organisation des armées en sera affectée.
Plutôt que de saupoudrer la modernisation des équipements sur l'ensemble des régiments, j'ai demandé à l'armée de terre de la concentrer, afin de constituer en quelque sorte des régiments-témoins : scorpionisation, guerre électronique, forces de soutien.
Votre amendement est donc satisfait - de surcroît son gage était problématique. J'en demande donc le retrait, contre un engagement de suivi.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Le groupe SER soutient cet amendement. Je peux témoigner de la puissance de l'innovation française - même si nous sommes en retard sur les drones.
Merci, monsieur le ministre, de souligner que toutes les armées ont besoin de drones - ce n'est pas qu'une question aérienne. (M. Sébastien Lecornu opine du chef.) Nous devons tirer les leçons des différents conflits armés.
Nos industriels sont capables de développer un nouveau drone Male.
M. Cédric Perrin. - Quand j'entends parler de drones, je suis obligé de prendre la parole ! (Sourires) Le Sénat suit le sujet de très près - voyez nos différents rapports, de 2017 et 2021.
Le ministre a raison : on a pris beaucoup de retard. Le général de Gaulle, dans Vers l'armée de métier, le dit clairement : la technologie doit être au service de la stratégie. Le drone est devenu un game changer considérable, que ce soit en Ukraine, au Haut-Karabagh ou en Éthiopie.
La livraison du drone Male européen est sans cesse retardée. Mais nous devons aussi nous poser la question de son usage. L'Ukraine a utilisé plus d'un million de drones en 2024. Les industriels français doivent pouvoir suivre cette évolution.
Il ne faut rien s'interdire. Une ancienne ministre de la défense avait rejeté les munitions rôdeuses, car elle ne les estimait pas « éthiques », mais le concile de Latran avait interdit l'arbalète - sans grand succès.
À Monsieur Saury de décider s'il retire son amendement.
M. Hugues Saury. - Nous avons toujours travaillé en confiance avec M. le ministre, aussi je retire mon amendement, en comptant sur lui pour nous tenir informés. (M. Sébastien Lecornu le confirme.)
L'amendement n°II-1180 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-1230 de M. Gontard et alii.
M. Guillaume Gontard. - Cet amendement, qui reprend un amendement du député Aurélien Saintoul, crée un programme doté de 70 millions d'euros pour nationaliser Atos.
L'entreprise est endettée à hauteur de 5 milliards. Avant l'été, Bruno Le Maire avait mollement indiqué vouloir sauver les activités stratégiques... Une offre de reprise de 700 millions d'euros a été évoquée, mais l'entreprise pourrait n'en valoir que 70...
Certaines de ses activités sont directement liées à la défense et à la sécurité, mais elle développe aussi des logiciels utilisés quotidiennement par les Français. Qu'est-ce qui est « stratégique » ?
Il est encore temps d'empêcher un désastre. Atos appartient au patrimoine industriel de la France.
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - C'est un sujet souvent débattu au Sénat. Le président Perrin interpelle régulièrement le Gouvernement à ce propos.
Cet amendement d'appel n'est pas opérant. Son montant serait à la fois sous-estimé et superfétatoire - le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » est suffisamment pourvu. Demande de retrait.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Retrait, sinon avis défavorable. De ma position, en tant que ministère client de solutions stratégiques d'Atos, je souhaite que les questions de défense nationale ne soient pas instrumentalisées pour aller au-delà d'un périmètre bien détouré.
M. Cédric Perrin. - Le 2 août 2023, avec l'entrée en scène de M. Kretinsky, nous avons lancé un appel au secours au Gouvernement, pour la défense d'Atos. Bercy doit gérer cette affaire.
Les auteurs de l'amendement prennent les crédits sur l'équipement des forces ; c'est problématique, alors que nous devons nous réarmer !
Je regrette que les auteurs de l'amendement n°II-1173 rectifié aient battu en retraite. Comment peut-on vouloir supprimer 1,5 milliard d'euros sur le budget de la défense, quand on lit le journal chaque matin ? Les bras m'en tombent ! Par qui cet amendement était-il téléguidé ? Si c'était par Bercy, ce serait triste.
Nous ne voterons pas l'amendement n°II-1230.
M. Rachid Temal. - Attention ! Ce n'est pas la première fois que des entreprises françaises passent sous pavillon étranger. Le Parlement doit être vigilant.
La question des technologies et des matières premières doit être bien plus intégrée. Atos est implantée dans mon département du Val-d'Oise. Je suis solidaire des conclusions de la mission d'information du Sénat.
Nous ne voterons pas cet amendement, non pour ne pas soutenir Atos, au contraire, mais parce que nous devons trouver des solutions pérennes. En outre, ne retirons pas des crédits à nos forces armées.
M. Guillaume Gontard. - Je ne m'attendais pas à régler le problème d'Atos, mais nous devions l'évoquer ce matin.
Pour moi, la bonne solution, c'est la nationalisation. Le débat doit aussi porter sur ce que l'on protège. Doit-on s'en tenir aux activités militaires ? Ne traînons pas, car la situation empire.
L'amendement n°II-1230 est retiré.
Les crédits de la mission « Défense », modifiés, sont adoptés.
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDSE, du RDPI et du groupe SER)
La séance est suspendue quelques instants.
Anciens combattants
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale.
M. Marc Laménie, rapporteur spécial de la commission des finances . - (Applaudissements) Le montant n'est pas le même que celui de la précédente mission : 1,9 milliard en crédits de paiement (CP), contre 60... Mais sa valeur est symbolique.
Le montant baisse faiblement - de 16,5 millions d'euros - , pour des raisons démographiques, pour la seconde année.
Le point PMI (pension militaire d'invalidité) a été revalorisé de 1 % au 1er janvier 2025, passant à 16,07 euros, soit un montant légèrement supérieur aux annonces de l'automne dernier.
Plusieurs mouvements méritent d'être soulignés.
L'effort pour les rapatriés continue à augmenter, avec 11,3 millions d'euros pour les rentes viagères de leurs veuves. La décision Tamazount du 4 avril 2024 de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) va nous conduire à retraiter un certain nombre de dossiers, pour 41 millions d'euros, lissés dans le temps.
Les crédits de la Journée défense et citoyenneté (JDC) sont en forte hausse, avec 115 millions d'euros, en raison d'une refonte du dispositif.
Les crédits « mémoire » sont en baisse de 9 millions d'euros, car la programmation est moins importante en 2025 qu'en 2024 - année de la commémoration des 80 ans de la Libération.
Les montants de l'entretien des sépultures sont stables entre 2024 et 2025, mais 8 millions d'euros ont été annulés en 2024, d'où des retards.
Je salue aussi les opérateurs de la mission, notamment l'Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG) et l'institution nationale des invalides (INI), qui connaît des difficultés ; toutefois, je salue l'engagement de ses agents.
Je salue aussi les bénévoles des associations patriotiques et de mémoire et notamment les porte-drapeaux, pour leur engagement dans les cérémonies locales et nationales. (Mme Patricia Mirallès approuve.)
Je tiens à rappeler les travaux de la commission des finances du Sénat sur la JDC, l'ONaCVG, l'INI, la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation (CIVS) ou encore le service militaire volontaire. Les maisons Athos sont un bel engagement de l'État.
La commission des finances a donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales . - Je regrette les termes « anciens combattants », qui ne sont pas en conformité avec les réalités du monde combattant. Voilà deux ans que nous nous battons pour que cela change.
Les crédits baissent en raison de la diminution du nombre de bénéficiaires d'indemnités et de pensions.
La revalorisation du point, à 1,07 % - soit la stricte application de la formule prévue par décret - reste en deçà de l'inflation prévisionnelle, mais supérieure aux prévisions initiales. Sans doute faut-il s'en satisfaire dans le contexte contraint, mais il faudra étudier le pouvoir d'achat des pensionnés.
La commission regrette la sous-budgétisation systématique de l'indemnisation des harkis et autres supplétifs : c'est un droit reconnu et non un poste pilotable.
La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » est épargnée par les coupes budgétaires et j'en remercie le Gouvernement. Attention à ne pas sacrifier des dispositifs qui portent des fruits, comme Athos ou le service militaire volontaire.
La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains)
M. Akli Mellouli . - (Applaudissements sur les travées du GEST et du RDSE ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.) Les crédits de cette mission sont le reflet de choix budgétaires limitant les avancées sociales et mémorielles pourtant indispensables.
La revalorisation du point de PMI est insuffisante : les anciens combattants gardent les stigmates physiques et psychologiques de leur engagement et méritent plus de reconnaissance pour leur sacrifice.
La baisse des crédits pour les actions mémorielles est regrettable. La mémoire joue un rôle central pour la transmission des valeurs républicaines et l'éducation des jeunes générations. Cette baisse met en péril la préservation des lieux de mémoire et les initiatives éducatives.
Lacune récurrente, la transmission de la mémoire des guerres coloniales - complexe et riche de leçons - est trop souvent rejetée au second plan, ce qui pèse lourd dans les relations internationales. Cette mémoire est trop souvent réduite à une caricature, alimentant les clivages, au lieu de servir d'outil de cohésion nationale. Il faut donc ouvrir un chantier pour la transmettre de manière responsable et inclusive, sans nier la complexité des faits historiques ni leurs zones d'ombre. Des milliers de jeunes Français sont les héritiers de cette histoire, qu'ils soient descendants de combattants ou de victimes ou simplement curieux du passé de la France.
L?inscription de cette mémoire dans le roman national est un outil puissant pour rassembler les Français autour de valeurs partagées. Les épreuves et les contradictions peuvent forger une nation plus forte et plus unie.
Cette mémoire nous donne également les moyens de relever les défis de l'époque, et notamment les replis identitaires. Nous devons construire une citoyenneté éclairée, pour faire face aux enjeux démocratiques, écologiques et sociaux du XIXe siècle.
Cette mémoire, loin d'être un poids, peut être une boussole pour notre jeunesse. Nous avons l'occasion historique de faire d'un passé douloureux une force pour l'avenir.
Malgré ce manque d'ambition, le GEST votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER ; M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme Émilienne Poumirol . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST) Je rappelle l'immense respect du groupe SER pour le monde combattant d'hier et d'aujourd'hui. La reconnaissance mémorielle construit notre vivre ensemble.
En 2025, le nombre de bénéficiaires diminue et les crédits se réduisent très légèrement. La revalorisation du point de PMI est en deçà de l'inflation ; même si je la salue, cela reste insuffisant. Préserver le pouvoir d'achat des pensionnés est indispensable.
Autre point de satisfaction : les subventions à l'INI et à l'ONaCVG. Nous saluons aussi l'augmentation des crédits pour les quatre maisons Athos, qui accueillaient 400 membres en 2024 ; une nouvelle maison a été ouverte à Villefranche-de-Lauragais, sur mon territoire...
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée. - C'est le mien aussi !
Mme Émilienne Poumirol. - Auteure d'un rapport sur le syndrome post-traumatique, je suis favorable à la pérennisation de ces maisons.
Les crédits pour les rapatriés sont en augmentation, conséquence de la levée de la forclusion en 2022. Nous proposons par amendement d'étendre la rente viagère à toutes les veuves d'anciens supplétifs, quelle que soit la date du décès de leur mari.
Comme tous les ans, nous présenterons un amendement pour attribuer une allocation de reconnaissance aux 22 supplétifs de statut civil de droit commun survivants de la guerre d'Algérie.
Je note la hausse des dépenses de réparation du préjudice subi par les harkis, à la suite du vote de la loi de février 2022. Mais ce texte n'était pas un solde de tout compte et le travail de reconnaissance doit se poursuivre - la France a été condamnée par la CEDH en avril 2024 ! Il semblerait cependant que le coût de la revalorisation ne soit pas reflété dans le budget. Madame la ministre, comment ferez-vous respecter ce droit et limiterez-vous les délais d'indemnisation ?
Les crédits consacrés au lien armée-jeunesse marquent la volonté du Gouvernement de rendre la JDC plus immersive, pour susciter davantage de vocations en direction des carrières militaires.
Le service national universel (SNU), institué en 2019, visait à donner aux jeunes la possibilité d'effectuer un séjour de cohésion et une mission d'intérêt général. Dans un rapport de 2024, la Cour des comptes a souligné des objectifs incertains et une planification insuffisante. Ce dispositif est peu lisible pour les jeunes : en 2023, ils étaient 40 000, au lieu des 64 000 attendus. Interrogeons-nous sur l'avenir de ce dispositif, dont le coût d'une généralisation en 2026 pourrait atteindre 5 milliards d'euros...
Le groupe SER votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et au banc de la commission)
Mme Marie-Claude Lermytte . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Se satisfaire qu'une mission consacrée au monde combattant perdure, c'est se souvenir que les victimes des guerres s'additionnent et que la paix n'est jamais acquise.
Mais, il faut le reconnaître, c'est aussi la guerre qui forge la nation : une histoire, une culture, un patrimoine, des valeurs partagées... Ce sont des biens précieux légués par nos aînés et que nous devons transmettre. Cette mission traduit l'impérieuse nécessité d'honorer la mémoire, celle des combattants en particulier.
Le groupe Les Indépendants entend maintenir les crédits de la mission. Les rapports de contrôle de notre collègue Marc Laménie mettent en lumière l'importance des opérateurs de l'État : ONaCVG, INI et maisons Athos, chères à Jocelyne Guidez, présidente du groupe Monde combattant et mémoire.
Revaloriser les pensions et les allocations est plus que légitime. Les crédits de soutien aux rapatriés d'Algérie augmentent, à 123 millions d'euros - nous le saluons.
Ce budget présente une réduction des crédits destinés aux commémorations. Nous comprenons le souci de faire des économies, mais 2025 marquera les 80 ans de la victoire du 8 mai 1945. Madame la ministre, pourriez-vous nous fournir des explications ?
Les monuments aux morts et les lieux de mémoire doivent rester des lieux de rassemblement et de pédagogie, à l'heure où d'autres déboulonnent les statues. La nation ne se laissera pas intimider par ceux qui considèrent nos valeurs comme désuètes.
Puisse cette mission nous aider à nous réunir, toutes générations et familles politiques confondues, autour d'un passé commun et assurer la transmission aux citoyens de demain.
Le groupe Les Indépendants votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, du RDSE et au banc des commissions)
La séance est suspendue à 13 heures.
Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président
La séance reprend à 14 h 30.
M. Hugues Saury . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.) La mission que nous examinons est modeste en volume - moins de 2 milliards d'euros - mais essentielle à l'heure du retour de la guerre en Europe. Elle incarne le lien entre la nation et ceux qui risquent leur vie pour la défendre, l'esprit de combat et de résilience de nos militaires, que nous devons promouvoir parmi nos jeunes.
Je me félicite que les crédits restent quasi-stables - le groupe Les Républicains les votera. Cette stabilité constitue en réalité un effort. D'abord parce que dans le contexte budgétaire actuel, la baisse de 1 % des dotations est un moindre mal. Ensuite, parce qu'avec la baisse mécanique des prestations versées, corollaire de l'avancée en âge des générations du feu, la stabilité des crédits revient à augmenter ceux consacrés à d'autres actions.
Ces moyens supplémentaires portent notamment sur l'accompagnement des blessés de guerre : la pérennisation du plan Blessés, la mise en oeuvre des mesures de la LPM, la montée en puissance des maisons Athos matérialisent notre reconnaissance et assurent à nos soldats que la nation ne les abandonnera pas s'ils devaient subir les conséquences du feu.
Je pense aussi aux actions en faveur des harkis, avec la hausse des crédits des allocations viagères, conséquence des revalorisations que nous avions réclamées. Cette hausse absorbe la quasi-totalité des 11 millions d'euros supplémentaires dédiés à cette action. L'enveloppe consacrée au droit à réparation créé par la loi du 23 février 2022, reste stable, à 70 millions d'euros - signe que les conséquences de la décision de la CEDH dans l'affaire Tamazount n'ont pas été tirées à ce stade. La volonté de lisser la dépense sur les années à venir se traduira par un retard dans l'instruction de nombreux dossiers d'indemnisation.
Cette enveloppe répare la faute commise à l'égard des harkis et leurs familles à leur arrivée sur le territoire national. Il serait malheureux qu'une ombre soit portée sur la mise en oeuvre de la loi.
Les crédits consacrés au lien armée-jeunesse sont essentiels pour renforcer la résilience de notre société. La mobilisation des Ukrainiens a agi comme un révélateur, soulignant par contraste combien la relation entre notre nation et ses armées s'était distendue depuis la fin du service militaire. La progression de 57 % des crédits, de 26 à 41 millions d'euros, est un motif de satisfaction.
Nous sommes nombreux à appeler depuis longtemps à une refonte de la JDC pour la recentrer sur son caractère militaire et faire naître des vocations. À partir de 2025, son déroulement sur des sites militaires, encadré par des militaires, est de bon augure.
Les allocations perçues par les anciens combattants ou leurs veuves sont conditionnées par la valeur du point de PMI. Nous avons comblé, partiellement, le fossé qui s'était creusé au fil d'une inflation mal compensée. La revalorisation au 1er janvier reste toutefois modeste, mais le contexte budgétaire interdit de faire plus. J'espère que ce projet de loi de finances sera l'occasion de prendre date sur cette question fondamentale. Nous voterons les crédits. (M. Marc Laménie applaudit.)
Mme Marie-Laure Phinera-Horth . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Cette mission porte les crédits alloués à la solidarité de la nation envers le monde combattant. Ces crédits sont en légère baisse, du fait notamment du déclin démographique des bénéficiaires des pensions.
La valeur du point de PMI atteint 16,05 euros, après une revalorisation de 0,94 % par rapport à 2024 - je salue cet effort, même si la revalorisation reste en deçà de l'inflation. Nous veillerons à ce que ce surcoût soit bien financé.
Le RDPI salue le maintien des droits reconnus aux anciens combattants ainsi que la poursuite de la mise en oeuvre du droit à réparation pour les harkis.
Nous saluons également le déploiement, à titre expérimental, de la nouvelle formule de la JDC, dont les crédits atteindront 41 millions d'euros, en hausse de 57,4 %. Elle a vocation à renforcer le lien entre la jeunesse et les militaires. Dans un contexte géopolitique dégradé, et alors que nos armées peinent à recruter, il s'agit de renforcer l'attractivité des métiers militaires.
À titre personnel, je milite pour le retour du service militaire dans les outre-mer, à titre expérimental, afin de mieux encadrer notre jeunesse.
Soyons à la hauteur de nos responsabilités. Le RDPI appelle à adopter les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Michel Masset . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La disparition progressive des générations du feu entraîne mécaniquement une baisse des crédits alloués à la mission. Toutefois, il est impératif de maintenir un niveau élevé de reconnaissance et de réparation, à la hauteur des sacrifices réalisés.
Cette mission ne se limite pas à un soutien financier. Elle relève d'une obligation morale de la nation envers ses anciens combattants et leur famille, mais aussi des générations futures. Dans le Lot-et-Garonne, la mémoire combattante demeure vive : l'Union fédérale des anciens combattants y a récemment tenu son congrès.
Je salue la revalorisation des pensions militaires d'invalidité de 2,2 %, qui corrige en partie l'inadéquation du mécanisme actuel face à l'inflation.
Les dépenses envers les harkis et leurs familles augmentent, pour honorer enfin des décisions de justice. J'attire votre attention, madame la ministre, sur l'instruction de certains dossiers qui peinent à aboutir dans mon département. Il est temps de réparer ces injustices historiques.
La politique mémorielle englobe la préservation des sites historiques et la commémoration des événements majeurs. Honorons la mémoire de nos anciens.
La généralisation de la JDC remet au centre l'engagement envers les valeurs républicaines et la mémoire des anciens combattants. Je pense aussi au concours de la résistance à destination des collèges et des lycées. Face à la banalisation de l'antisémitisme, la transmission est cruciale. La mémoire des victimes des persécutions antisémites ne doit pas s'effacer. Le programme 158, dédié à leur indemnisation, poursuit également le travail de restitution des biens spoliés.
Nous avons le devoir de préserver la mémoire de tous ceux qui ont défendu notre liberté. En 2024, nous avons commémoré Missak Manouchian ; en 2025, c'est Marc Bloch qui entrera au Panthéon.
Le RDSE, attaché à la mémoire combattante et aux valeurs républicaines, votera ces crédits. (M. Marc Laménie applaudit.)
Mme Jocelyne Guidez . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) J'interviens en remplacement de Mme Nadia Sollogoub, souffrante.
De façon implacable, ce budget se rétracte chaque année, en raison de la décroissance démographique naturelle... Mais jusqu'où ? Acceptons-nous ce que signifie cette triste règle de trois ? Un budget sanctuarisé permettrait une meilleure prise en charge, des actions nouvelles, quelques investissements.
Nous savons votre engagement, madame la ministre : je vous invite à la prudence sur l'avenir de cette mission à nulle autre pareille.
Sa trajectoire n'a rien de sain ni de satisfaisant. Je ne puis me résoudre à ce que le PLF 2026 comporte une nouvelle baisse, en raison de la disparition de titulaires de la carte du combattant. Je crains que la mécanique de réduction ne soit solidement enclenchée - et que la mission ne finisse comme la grenouille dans la casserole dont l'eau chauffe progressivement.
Le monde est divisé en deux catégories : ceux qui ont fait la guerre et les autres. Ceux qui l'ont faite ne sont pas des « anciens » combattants : ils sont à jamais des combattants, marqués pour toujours. Je me souviens, à Nevers - dit Mme Sollogoub - d'un ancien d'Indochine, octogénaire, fondant en larmes devant des collégiens. Cette négociation budgétaire annuelle qui croise le nombre de bénéficiaires, le taux d'inflation et l'âge du capitaine, est, au fond, assez blessante.
Les tourments de notre planète doivent nous préparer à accueillir les anciens combattants de demain. Il faut considérer le monde combattant comme un ensemble, avec ceux qui entrent et ceux qui sortent : ils sont des frères d'arme, de tous les âges et de toutes les batailles. Accueillons-les sans faillir - eux n'ont pas tremblé. Sanctuarisons les moyens pour que leur vie soit un peu plus douce.
« La guerre est la guerre, c'est-à-dire sans mesure commune avec le reste des choses, au-delà de la morale, de la raison, de toutes les limites de la vie ordinaire, une sorte d'état surnaturel, devant quoi il ne reste qu'à s'incliner sans discuter », écrit Romain Rolland. Ce budget est fait de chair et de sang : on ne peut le traiter avec une simple calculette.
Dans l'espoir que ces coups de rabot soient les derniers, le groupe UC votera ces crédits.
Enfin, en mon nom, j'aimerais vous interroger sur l'Opex de la France au Tchad, madame la ministre. J'attends des nouvelles de vos services. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mmes Pascale Gruny et Marie-Claude Lermytte, MM. Marc Laménie et Roger Karoutchi applaudissent également.)
M. Pascal Savoldelli . - Cette mission traduit la reconnaissance et la solidarité de la nation à l'égard de ceux qui lui ont sacrifié une part d'eux-mêmes, et la volonté de l'État de transmettre la mémoire de notre histoire.
« L'affrontement planétaire vers lequel nous marchons comme des somnambules », selon la formule d'Amin Maalouf, exige de rappeler l'impératif de la paix pour l'émancipation des peuples. Hélas, le gouvernement Bayrou n'y est pas plus sensible que le gouvernement Barnier : les crédits de la mission baissent de 1,1 % ; ceux qui financent les pensions militaires d'invalidité, de 4 %, alors que l'inflation entame le pouvoir d'achat des anciens combattants. Le point PMI a pris beaucoup de retard par rapport à l'inflation : plus de 16 % de décrochage ! La revalorisation consentie, de 1,2 %, reste inférieure à l'inflation.
Il faut régler le problème de la campagne double pour les anciens d'Algérie, sommés de prouver des actions de feu ou de combat - c'est une iniquité par rapport à d'autres combattants.
Les moindres dépenses liées à la baisse du nombre de bénéficiaires devraient servir à financer de nouveaux droits, plutôt qu'à réduire les crédits. Nous sommes inquiets de la baisse des crédits dédiés à la politique de mémoire. La mémoire est le temps présent du passé. Il faut rappeler l'histoire afin de ne pas la voir se répéter. La baisse des crédits destinés à l'indemnisation des victimes des persécutions antisémites et actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale ne peut être justifiée par des économies budgétaires.
Les moyens dédiés à la mission « Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation » sont insuffisants. Nous voterons contre. (M. Marc Laménie le déplore.)
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants . - Je suis heureuse de vous retrouver pour débattre de la mémoire et des anciens combattants, fidèle à l'héritage de Clemenceau et de Maginot, en cette année de centenaire du Bleuet de France.
La situation financière est préoccupante. Vu le contexte international menaçant, je me réjouis que le réarmement soit engagé et que la LPM soit respectée. Mais vu le contexte budgétaire, j'ai fait le choix, en conscience, d'économiser 50 millions d'euros de crédits. Cette diminution ne menace pas la double exigence de reconnaissance et de réparation que le pays doit envers ceux qui ont pris les armes pour le défendre.
La présentation tardive du PLF nous a permis d'affiner les hypothèses sous-jacentes à plusieurs postes de dépenses.
La diminution structurelle des bénéficiaires des pensions, rentes et allocations nous permet de revoir à la baisse certaines dépenses, sans que personne en souffre.
Nous avons également affiné les prévisions de facturation de la Cnam pour des prestations servies aux grands invalides, dont les clés de répartition n'avaient pas été revues depuis plus de dix ans. Une étude approfondie a constaté une moindre dépense significative. Cela ne remet nullement en cause le niveau et la qualité des prestations.
C'est pourquoi le Gouvernement a déposé un amendement de réduction des crédits de plus de 50 millions d'euros, dans une logique de sincérisation.
Mon budget s'élève ainsi à 1,85 milliard d'euros. Il préserve toutes les composantes de la politique de réparation et de reconnaissance et sanctuarise le programme 158, à l'heure du retour de l'antisémitisme.
Ce budget est construit sur plusieurs piliers. La valeur du point PMI passe à 16,07 euros, en légère hausse par rapport aux hypothèses de l'automne. C'est un levier central pour le pouvoir d'achat du monde combattant, auquel je sais le Sénat attentif.
Le deuxième pilier est la mémoire combattante. Les plus importantes commémorations ont eu lieu en 2024 - commémorations des débarquements, des combats de la Résistance, de la chevauchée victorieuse jusqu'à Strasbourg - ce qui explique logiquement la baisse des crédits alloués pour 2025. L'année 2025 célébrera la courte année 1945 et les derniers épisodes de la Libération, comme à Colmar, ou de l'Atlantique, où se sont illustrés des combattants d'outre-mer. Ce sera aussi la remémoration du retour des « absents », prisonniers et déportés ; la commémoration de la libération du camp d'Auschwitz-Birkenau, le 27 janvier, sera l'occasion d'une réflexion sur les causes et manifestations des horreurs nazies, qui ont davantage muté que disparu. À cette fin, 1 million d'euros de mesures nouvelles seront consacrés au mémorial de la Shoah pour mener ses précieuses actions.
Nous célébrerons la victoire sur l'Allemagne nazie. Enfin, la commémoration de la capitulation du Japon, le 2 septembre, mettra à l'honneur le souvenir héroïque des combattants du Pacifique. Ces commémorations doivent être l'occasion de grandes célébrations, d'une communion mémorielle. J'aurai besoin de chacun d'entre vous pour embarquer notre belle jeunesse, pour une célébration populaire.
Nous délocaliserons les cérémonies de commémoration des journées nationales d'hommage chaque fois que cela est possible et a du sens.
Le troisième pilier est l'accompagnement de nos militaires blessés, avec le plan Blessés. Plus de 7 millions d'euros de mesures nouvelles sont prévus au profit de l'Institution nationale des Invalides, héritière de 350 ans de solidarité nationale.
Avec 1 million d'euros supplémentaires, nous ouvrirons près de Colmar une sixième maison Athos, dédiée aux blessés psychiques. Nous réfléchissons aussi à l'ouverture d'une maison Athos outre-mer.
En écho aux succès de nos militaires lors des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, nous fléchons 300 000 d'euros pour des prothèses sportives de nouvelle génération, pour encourager la réhabilitation par le sport de nos militaires blessés.
Nous continuons de porter une attention particulière aux harkis, avec 11 millions d'euros supplémentaires, pour un total de 123 millions d'euros, dont 70 millions d'euros pour le droit à réparation. Les conséquences de l'arrêt de la CEDH sont bien prises en compte.
Ce budget n'oublie pas la jeunesse. La JDC est repensée en profondeur pour en faire un vrai moment de rencontre entre notre jeunesse et nos armées. Ce sera aussi l'occasion de revoir les modalités de recensement, clé pour mobiliser en cas de besoin.
Le programme 158 consacre plus de 85 millions d'euros à l'indemnisation de victimes de la Seconde Guerre mondiale. Alors que nous commémorerons la libération des camps, il était impensable de réduire ces crédits, à l'heure où les actes antisémites sont en augmentation. La promesse républicaine repose sur l'insécabilité du lien entre liberté, égalité et fraternité.
Je n'oublie pas les mots de l'un d'entre vous, Robert Badinter, qui entrera bientôt au Panthéon : « les morts nous écoutent ».
En votant ce budget, vous apporterez votre pierre à l'édifice de la résilience de la nation et resserrerez les liens qui nous unissent. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et du RDSE ; M. Marc Laménie applaudit également.)
Examen des crédits de la mission
Article 42 - État B
M. le président. - Amendement n°II-2179 du Gouvernement.
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée. - J'ai souhaité en conscience que mon ministère participe à l'indispensable effort budgétaire. Nous ne touchons pas au réarmement engagé depuis 2017 et porté par la LPM 2024-2030, mais faisons porter l'effort sur le programme 169, en réduisant ses crédits de 51,5 millions d'euros en AE et CP.
Les travaux conduits depuis le dépôt du PLF en octobre ont fait apparaître que la répartition qui fonde le remboursement à la Cnam de soins hospitaliers au profit de grands invalides de guerre n'est plus d'actualité : l'économie est de l'ordre de 50 millions d'euros. Par ailleurs, les dynamiques démographiques à venir allégeront les charges liées aux pensions et allocations.
Ces deux dernières années, j'avais réussi à maintenir mon budget et à créer de nouvelles mesures, que nous conservons. J'ai refusé toute amputation du programme 158 dévolu à l'indemnisation des victimes de la Shoah. Aucun bénéficiaire ne sera affecté par cette baisse des crédits.
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. - La commission des finances n'a pas pu examiner cet amendement, mais compte tenu des enjeux, on ne peut qu'être sensible au souci d'économie. Dès lors qu'aucun ayant-droit ne sera pénalisé, et puisque l'amendement procède à une sincérisation du budget de cette mission, qui reste globalement stable, j'émets un avis favorable à titre personnel.
M. Vincent Delahaye. - Cet amendement d'économies traduit le décalage entre les soins pratiqués sur les grands invalides et les facturations établies par la Cnam. Si je comprends bien, ces 51 millions d'euros vont donc augmenter le déficit de la sécurité sociale, en réduisant ses recettes ? (Mme Émilienne Poumirol renchérit.)
Le groupe UC sera favorable à cet amendement, sous réserve de clarifications. Je suis pour la vérité des prix : que déficit soit dans la branche maladie, là où il doit être, plutôt que dans le budget de l'État.
M. Akli Mellouli. - Ce budget devient inquiétant. Sous couvert de sincérisation, on multiplie les coups de rabots sur toutes les lignes ! N'ayant pas la possibilité de revenir sur la partie recettes, nous devrions donc accepter ce que propose le Gouvernement - à savoir des baisses.
La ministre loue le travail de la mémoire, son importance pour la société - mais réduit les crédits y compris sur ce secteur !
Nous voterons contre cet amendement. Ce budget devient insincère.
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée. - Pendant deux ans, j'ai maintenu ce budget stable, afin de pouvoir financer d'autres actions. Mais par solidarité gouvernementale, il faut participer à l'effort. Toute cette semaine, nous avons travaillé, avec mon équipe, pour trouver économies. Cet amendement, c'est une actualisation avec la Cnam, qui n'a pas été faite depuis dix ans. Le budget alloué ne correspondait pas à la réalité. Il n'y a pas de report de dette sur la sécurité sociale.
M. Pascal Savoldelli. - Le Sénat a repris l'examen du PLF, et, mission après mission, reçoit des amendements du Gouvernement. Aucune actualisation n'a été faite depuis dix ans, dites-vous ? Je ne mets pas en doute vos propos, mais les personnes concernées réagiront peut-être...
Je ne doute pas de la sincérité de la ministre, mais il s'est passé des choses depuis deux ans - les législatives, la censure - et on continue la procédure budgétaire comme si de rien n'était, jusqu'à la CMP ? Les missions devraient être renvoyées en commission, pour que nous puissions examiner ces amendements du Gouvernement qui mettent tout le monde en difficulté.
M. Arnaud Bazin. - Si je comprends bien, ces 50 millions d'euros, récurrents dans les budgets précédents, n'étaient pas dépensés. Là, ils sont supprimés. C'est une sincérisation, non une économie. (Mme Jocelyne Guidez et M. Marc Laménie renchérissent.)
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée. - Parfaitement !
Mme Émilienne Poumirol. - Je ne doute pas de la sincérité de la ministre, mais à chaque mission, deux heures avant l'examen en séance, nous voyons arriver un amendement de suppression de crédits. C'est systématique.
Ici, il s'agit non pas de supprimer des financements mais des crédits qui n'étaient pas utilisés. C'est donc que les années précédentes, nous avons voté des budgets insincères. Comment se fait-il que les dépenses ne soient pas suivies précisément chaque année ? Comment cette mission a-t-elle pu se retrouver chaque année avec 50 millions de trop ?
Le prétexte de la sincérisation me dérange.
Le groupe SER ne votera pas cet amendement.
L'amendement n°II-2179 est adopté.
M. le président. - Amendement n°II-1685 rectifié de M. Canévet et alii.
Mme Sylvie Vermeillet. - Compte tenu de l'adoption de l'amendement précédent, je le retire.
L'amendement n°II-1685 rectifié est retiré.
L'amendement n°II-85 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°II-32 de M. Laménie au nom de la commission des finances.
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. - Je remercie la ministre de parler un langage de vérité. Compte tenu de l'adoption de l'amendement du Gouvernement, je retire cet amendement d'appel.
L'amendement n°II-32 est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-968 rectifié de M. Fernique et alii.
M. Jacques Fernique. - Cet amendement transpartisan, signé par onze sénateurs et sénatrices d'Alsace-Moselle, rappelle la dette de la nation à l'égard de ces départements. Il y a dette, car il y a eu manquement après l'annexion de fait en 1940. Les citoyens français d'Alsace et Moselle ont été abandonnés. Il a fallu des décennies pour que l'on reconnaisse qu'il s'agissait bien d'une annexion - dont a résulté le crime de masse qu'a été l'incorporation de force. Toute une population masculine, entre 17 et 36 ans, fut contrainte, contre sa conscience nationale, de porter les armes sous un uniforme détesté. On leur imposa le statut de traître : les survivants et leurs proches vécurent avec cet opprobre. Ils ont préféré se taire, alors qu'il aurait fallu crier le crime. Sur les 130 000 enrôlés de force, 40 000 ne sont pas revenus. Qui sait qu'un Français sur cinq mort durant la Seconde Guerre mondiale est un Alsacien-Mosellan ?
L'Allemagne a versé 250 millions de deutschemarks en 1981 pour les survivants. Rien pour les orphelins. En 2010, enfin, la France a rendu leur dignité aux incorporés de force par la voix du président Sarkozy. Cette reconnaissance nationale qu'ils n'étaient pas des traîtres vient d'être renouvelée par le président Macron à Strasbourg, le 23 novembre, avec les mots justes. À la représentation nationale de la concrétiser par ce geste envers les 3 500 orphelins très âgés qui demeurent.
M. Marc Laménie, rapporteur pour avis. - Les orphelins des « malgré-nous », assimilés aux anciens combattants en 1945, ont besoin de reconnaissance. Ils sont pupilles de la nation et peuvent bénéficier de l'action sociale de l'ONaCVG.
Le coût financier est de 29,4 millions d'euros, mais la dimension humaine est importante. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée. - Les orphelins des incorporés de force ont bénéficié du soutien de l'ONaCVG en qualité de pupille de la Nation. Ils ont les mêmes droits à pension que ceux des morts pour la France. En outre, ils ont reçu une allocation unique de la part de l'Allemagne, versée à leur mère ou directement.
Toute mesure supplémentaire d'indemnisation créerait une distorsion entre ces orphelins et ceux des autres morts pour la France. L'indemnisation des orphelins des victimes de la barbarie nazie, de la Shoah et de la déportation, dans lequel l'État français a reconnu sa part de responsabilité, doit rester singulière.
Mais nous devons donner toute sa place à la mémoire des incorporés de force dans notre mémoire nationale, via les manuels scolaires et les activités de recherche. J'ai demandé à la mission dédiée au 80e anniversaire du débarquement d'accentuer son soutien aux laboratoires de recherche en ce sens.
M. Jacques Fernique. - J'entends l'argument sur le risque de distorsion, mais la douleur de cette tragédie spécifique impose la reconnaissance. À Colmar, le président Sarkozy a dit aux survivants, aux orphelins des incorporés de force que ceux qui les avaient abandonnés, qui n'avaient rien fait pour empêcher cette ignominie, avaient trahi les valeurs de la France, l'avaient déshonorée.
Le 23 novembre, à Strasbourg, le président Macron a appelé à reconnaître les souffrances endurées par ceux qui avaient été mis au service d'une cause qui les faisait esclaves. La reconnaissance de ce crime de masse devra aller au-delà des mots, même s'ils sont essentiels.
L'amendement n°II-968 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-1626 de Mme Poumirol et du groupe SER.
Mme Émilienne Poumirol. - En 2015, le Parlement a voté une rente viagère au profit des veuves de harkis, avec toutefois des montants différents, selon que leur mari est décédé avant ou après 2016. Il faut supprimer cette disposition incongrue et octroyer le même montant de pension à toutes les veuves.
J'ai toutefois cru comprendre que cet amendement avait été adopté l'an dernier : si c'est le cas, je retirerai le mien, évidemment.
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. - L'amendement est satisfait : retrait.
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée. - Même avis.
L'amendement n° II-1626 est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-533 rectifié de Mme Micouleau et alii.
Mme Catherine Di Folco. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n° II-1625 de Mme Poumirol et du groupe SER.
Mme Émilienne Poumirol. - Nous défendons cet amendement tous les ans. Nous voulons indemniser les 22 supplétifs de l'armée française durant la guerre d'Algérie encore en vie. Soutenons-les à hauteur de 92 000 euros.
L'amendement n°II-1743 n'est pas défendu.
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. - Ce sujet, que nous examinons effectivement chaque année, mérite respect et reconnaissance. Néanmoins, demande de retrait. (Mme Émilienne Poumirol s'en émeut.)
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée. - Selon le dernier comptage, les personnes concernées ne sont plus que vingt. Mais aucun dossier n'est en cours : retrait, sinon avis défavorable.
Mme Émilienne Poumirol. - Je ne retirerai pas cet amendement. C'est un devoir de reconnaissance et d'égalité ! Nous devons défendre ces personnes.
Les amendements identiques nosII-533 rectifié et II-1625 sont adoptés.
Les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation », modifiés, sont adoptés.
La séance est suspendue quelques instants.
Régimes sociaux et de retraite Compte spécial - Pensions Transformation et fonction publiques Compte spécial - Gestion du patrimoine immobilier de l'État Gestion des finances publiques Crédits non répartis
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », du compte spécial « Pensions », de la mission « Transformation et fonction publiques », du compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », de la mission « Gestion des finances publiques », et de la mission « Crédits non répartis » du projet de loi de finances pour 2025, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale.
Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale de la commission des finances . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP) Ma présentation des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte spécial « Pensions » change vraiment depuis le 5 novembre dernier, date de l'examen en commission. En raison du rejet du PLFSS, les pensions ont été revalorisées de 2,2 % le 1er janvier 2025 au lieu de 0,8 %, comme cela était prévu ; cela engendre un surcoût de 1 milliard d'euros pour l'État.
Je ne peux qu'abonder dans le sens du nécessaire équilibre financier à trouver, sauf à condamner notre système de répartition. La tentation est grande de pencher vers la capitalisation, ce qui ne réglerait en rien l'équation. Le déficit structurel du système n'en serait pas résorbé. Pis, il serait aggravé, car les pensions actuelles seraient privées de ces sommes cotisées pour soi. Je mets en garde contre la fragilisation de notre système par répartition. C'est l'esprit de solidarité intergénérationnel, fondateur de la sécurité, qui est ici remis en cause.
Quelle est la solution ? Le taux d'emploi. Je partage l'analyse du président du Conseil d'orientation des retraites (COR), Gilbert Cette : le taux d'emploi de la population âgée de 16 à 24 ans s'élève à 82 % aux Pays-Bas, contre 69 % en France.
Rattraper le taux d'emploi des Pays-Bas signifierait une croissance de 20 %. Même en supposant que les nouveaux embauchés aient une productivité moindre que les actifs, le PIB augmenterait de 10 %. Compte tenu du taux de prélèvements obligatoires supérieur à 45 %, les recettes publiques augmenteraient de 140 milliards d'euros par an. Comment ne pas y réfléchir ? La marche est si grande que le compromis doit être possible.
La réforme de 2023 a eu des effets redistributifs marqués, notamment en faveur des petites retraites, qui augmentent de plus de 12 %. Le niveau de pension à la liquidation croît de 3,4 % pour les femmes, contre 1,7 % pour les hommes.
J'en viens à la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Deux amendements du Gouvernement prennent acte d'une sous-consommation des crédits de 193 millions d'euros pour 2024 et de la revalorisation des pensions au 1er janvier pour 222 millions d'euros.
Les crédits sont fléchés à 70 % vers les régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP. Les régimes de la Comédie-Française et de l'Opéra de Paris sont enfin intégrés à la maquette budgétaire.
Le compte spécial « Pensions » s'élève à 69,3 milliards d'euros. L'incidence de la revalorisation de 2,2 % des pensions s'élève à 856 millions d'euros.
Ce supplément rendra le compte déficitaire dès 2026, au lieu de 2027. Mais, en vertu de la Lolf, il doit être à l'équilibre à tout moment. Résultat : l'État, qui relève déjà son taux de cotisation employeur de 4 points cette année, devra le faire de nouveau l'an prochain, d'où des dépenses supplémentaires.
La Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) doit relever elle aussi son taux de cotisation employeur de 4 points, car elle souffre d'une baisse du nombre de ses cotisants, du fait du recours croissant aux contractuels. Elle ne bénéficie pas, contrairement au régime général, d'un apport de CSG. Pour mieux comprendre, il serait utile de disposer d'un document consolidant les six régimes de la sphère publique.
Je vous propose d'adopter les crédits de la mission et du compte spécial, puisqu'il s'agit d'honorer le versement des pensions de notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)
M. Claude Nougein, rapporteur spécial de la commission des finances . - La commission des finances proposera d'adopter l'ensemble des crédits, sous réserve de l'adoption de ses amendements. La mission « Gestion des finances publiques » est cruciale, pour l'État comme pour nos concitoyens, car elle concerne la DGFiP et la direction des douanes.
Ses crédits se stabilisent après deux années consécutives d'augmentation. Je note la baisse de 1 % des dépenses de fonctionnement et je salue l'effort de rationalisation des effectifs de la mission, qui s'intensifie en 2025.
La contribution de la DGFiP et des douanes au redressement de nos comptes publics ne remet toutefois pas en cause les chantiers prioritaires des dernières années, notamment le chantier informatique, dont les dépenses sont essentielles pour développer de nouvelles applications et gagner en productivité. Cela permet de résorber la dette technique des administrations de Bercy.
Les moyens dédiés la lutte contre la fraude et les trafics sont renforcés. Lors de la présentation du plan de la lutte contre la fraude en juin 2023, le Gouvernement s'était engagé à recruter 1 500 agents supplémentaires. Madame la ministre, êtes-vous en mesure de tenir cet objectif ?
Un regret, enfin, concernant le déploiement des conseillers aux décideurs locaux (CDL). La cible avait été fixée à 1 200, elle a été revue à la baisse. Avec 1 000 conseillers, il est regrettable que le Gouvernement soit revenu sur son engagement initial, alors que le travail de ces professionnels est salué par toutes les collectivités concernées.
La dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles prévoit d'ouvrir 125 millions d'euros de crédits et 70 millions d'euros sur la provision relative aux rémunérations publiques. L'amendement déposé par le Gouvernement prévoit de les supprimer intégralement ; qu'en est-il ?
Il faut relever la baisse marquée des moyens de la mission « Transformation et fonction publiques ». Les CP sont en baisse de 220 millions d'euros, soit 21,6 %, pour un total de 800 millions d'euros et les AE diminuent de 8,3 %, pour un total de 1,08 milliard d'euros. Cette évolution tire la conséquence de la sous-consommation chronique de certains programmes.
Le précédent gouvernement avait prévu d'aligner les modalités de prise en charge des arrêts maladie de la fonction publique sur celles du secteur privé. La mesure aurait permis d'économiser 400 millions d'euros dans la fonction publique d'État et 1,2 milliard d'euros dans l'ensemble de la fonction publique.
Je regrette que le Premier ministre soit revenu en partie sur cette réforme, en renonçant au passage au délai de carence de trois jours - mesure que je soutiendrai par amendement.
Le programme de rénovation des sites administratifs couvre 36 sites, dont 15 projets réceptionnés au 30 août. Le programme a été créé par la loi de finances pour 2018, mais les travaux n'ont débuté qu'en 2022.
Je me réjouis d'un projet de foncière de l'État. Une expérimentation territoriale devrait être déployée en 2025, dans les régions Grand Est et Normandie.
Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a annoncé la création d'un fonds spécial dédié à la réforme de l'État, financé par la cession d'actifs immobiliers. Mme la ministre pourra nous apporter des éclaircissements sur ce point.
Mme Pascale Gruny, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'évolution des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraites » et du compte spécial « Pensions » dépend notamment de la revalorisation annuelle des pensions sur l'inflation.
Le vote de la censure a conduit à rejeter la version du PLFSS issue de la CMP. Les pensions de retraite ont donc été revalorisées au 1er janvier sur l'inflation moyenne des derniers mois, soit 2,2 %. D'où la différence entre le texte que nous examinons et celui qui avait été discuté en commission.
Les effets de la réforme de la retraite de 2023 sont limités à court terme, les agents de la SNCF et de la RATP liquidant leur retraite au-delà de l'âge légal d'ouverture des droits.
À la suite de la réforme du mode de financement des régimes spéciaux fermés, le Gouvernement a compensé cette année la subvention d'équilibre versée par la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) par une subvention versée par l'État. Pourquoi son montant n'est-il pas mentionné dans les crédits budgétaires ? On ne connaît donc pas la participation du contribuable au financement de ces régimes.
Concernant le compte spécial « Pensions », le relèvement de quatre points du taux de contribution employeur ne saurait suffire. Il faut une refonte du mode de financement.
La commission s'est déclarée, sous ces réserves, favorable à l'adoption des crédits de la mission et du compte spécial.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis novembre dernier, maints rebondissements sont intervenus. Le Gouvernement est revenu sur plusieurs mesures.
Après plusieurs années de croissance continue, la suppression de 2 200 ETP aurait permis de freiner la progression de la masse salariale de l'État, qui a augmenté de 25 % depuis 2017. Mais l'intention du Gouvernement de revenir sur les suppressions de postes à l'éducation nationale rebat les cartes.
Les crédits du programme « Fonction publique », qui financent uniquement les actions interministérielles en matière de formation des fonctionnaires, d'action sociale et de gestion des ressources humaines, diminueront légèrement en 2025. Il faut améliorer l'analyse et le suivi de la performance de ces crédits, par des indicateurs plus pertinents.
L'expérimentation des Prépas Talents a pris fin le 31 décembre dernier, sans que le rapport demandé ait été remis au Parlement, si bien que le dispositif n'a fait l'objet d'aucun bilan et qu'aucune pérennisation n'a pu être proposée. Ce vide juridique a suscité des interrogations chez les candidats aux prochains concours concernés...
Monsieur le ministre, vous avez annoncé la relance de cette expérimentation. Mais ce n'est pas suffisant : il faut une loi pour prolonger le dispositif. (M. Laurent Marcangeli le confirme.)
France Compétences pourrait cesser dès 2026 de contribuer au financement de l'apprentissage dans la fonction publique territoriale. Scénario catastrophique, surtout au vu des difficultés du CNFPT.
Je déplore le manque de cohérence et de courage du Gouvernement, qui a renoncé à allonger de 1 à 3 jours le délai de carence dans la fonction publique, mesure d'équité pourtant nécessaire. J'espère, madame la ministre, monsieur le ministre, que vous ne renoncerez pas à l'abaissement des indemnités à 90 % du salaire en cas d'arrêt de courte durée, car cela représente une économie de 900 millions d'euros.
La fonction publique et ses agents s'attachent à apporter chaque jour à nos concitoyens un service public de qualité. Mais les fonctionnaires doivent aussi participer aux efforts de réduction des dépenses publiques.
Le groupe Les Républicains n'apprécie pas les concessions et les reculades du Gouvernement par rapport à la trajectoire définie par Michel Barnier, même s'il comprend qu'elles constituent son assurance vie... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Thierry Cozic . - La mission « Gestion des finances publiques » prévoit d'étendre aux fonctionnaires le délai de carence d'un à trois jours. Sans préjuger de sa suppression, potentiellement arrachée au Gouvernement par le Parti socialiste (PS), je rappelle que cette mesure démagogique est un non-sens, même si une partie de l'hémicycle est très attachée à cette mesure.
Démagogie, car la part d'absence d'au moins un jour pour raisons de santé s'élève à 2,6 % dans l'éducation nationale, contre 3,2 % dans la fonction publique d'État et 3,9 % dans le secteur privé. Les enseignants et les agents de l'État sont donc parmi les moins absents de tous les Français. Dans la fonction publique hospitalière et dans la fonction publique territoriale, la situation est différente, mais les agents sont les plus exposés aux publics vulnérables : crèches, hôpitaux, centres PMI. La pénibilité est importante.
Entre privé et public, que l'on compare ad nauseam, le nombre d'arrêts maladie est relativement proche ! Cette réalité est pourtant systématiquement occultée dans l'argumentaire concernant l'extension d'un délai de carence au secteur public.
En outre, les rémunérations dans le public sont plus faibles que dans le privé, à niveau de diplôme équivalent.
L'attractivité de la fonction publique étant déjà mise à mal, surtout dans l'éducation nationale, une telle mesure est malvenue. Les conditions de travail sont dégradées, la crise des vocations risque de s'accentuer.
Attention, donc : cette mesure est une fausse solution d'équité, fondée sur une comparaison biaisée avec le secteur privé ! Le résultat serait contreproductif, tant pour la sécurité des agents que pour l'efficacité du service public.
Au lieu de cette approche punitive, une politique équitable devrait être instaurée. Les sous-effectifs chroniques conduisent à une explosion du nombre d'épuisements professionnels et aux maladies liées au travail : concentrons-nous sur les causes plutôt que les conséquences.
J'en viens au mode de calcul du prétendu déficit abyssal du régime de retraite. Le Premier ministre a assuré que le déficit du régime des retraites représentait la moitié des 100 milliards d'euros de dettes accumulées en dix ans par la France. Selon lui, le déficit du système est de 40 à 50 milliards d'euros par an alors que le système était bénéficiaire en 2022 et en 2023 et qu'il n'était déficitaire que de 6 milliards d'euros en 2024.
Je dénonce ce mode de calcul, fantaisiste.
Le financement de notre système de retraite est mixte : cotisations et État. Les cotisations employeur de l'État sont élevées, non pas parce que le montant des retraites du public est important, mais parce que l'État doit compenser la baisse du nombre de fonctionnaires et le gel du point d'indice. C'est donc parce qu'il fait des économies budgétaires sur la masse salariale que l'État doit cotiser un montant élevé pour chaque fonctionnaire.
François Bayrou dit que tout ce qui n'est pas financé par des cotisations serait de la dette. C'est faux ; cette dramatisation résulte de la logique de la politique des caisses vides. Le discours sur la dette cachée des retraites ne permet pas l'émergence de solutions.
Alors que les partenaires sociaux doivent s'entendre pour trouver des solutions, le groupe socialiste rappelle que seul un débat serein est légitime, alors que plus de 86 % des actifs rejetaient cette réforme en 2023. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Pascal Savoldelli applaudit également.)
Mme Marie-Claude Lermytte . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Exercice difficile que de présenter l'ensemble des défis que devra relever l'État en si peu de temps.
Ces différents crédits sont destinés à accompagner la transformation durable de l'action de l'État.
Attention à la dématérialisation des procédures : il est difficile d'aller plus loin, car les citoyens, les collectivités locales et les entreprises réclament le maintien d'une présence territoriale des services publics. Des mesures spécifiques sont-elles prévues pour accompagner les usagers dans la transition numérique ?
Par ailleurs, nous devons lutter contre l'absentéisme. L'extension du délai de carence à trois jours améliorerait l'équité entre public et privé ; cela rapporterait 1,2 milliard d'euros à l'État.
Un amendement d'Emmanuel Capus vise à diminuer de 2 % les crédits de la mission « Gestion des finances publiques ». C'est raisonnable ; nous déterminerons notre vote en fonction du sort qui lui sera réservé.
La réduction de la dépense publique doit être une préoccupation majeure. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
Mme Marie-Do Aeschlimann . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Face à l'Himalaya budgétaire qui se dresse devant nous, je salue la stabilité des crédits de la mission « Transformation et fonction publiques », qui s'élèvent à 275 millions d'euros.
La modernisation de la fonction publique, son attractivité, sa transformation : autant de défis majeurs pour le bon déroulement de nos services publics.
La concurrence du secteur privé est forte dans plusieurs filières et métiers. Les conditions de travail, le déroulement de la carrière de la fonction publique ne sont plus à la hauteur des attentes des candidats et des agents.
Pour réaliser la modernisation de la fonction publique, il nous faut disposer d'un vivier d'agents publics compétents et formés aux enjeux de demain.
J'en viens au programme 148 : le chantier de l'attractivité de la fonction publique est prioritaire compte tenu de la baisse du nombre de candidats aux concours : soignants, enseignants, policiers... Nous avons en mémoire les job dating organisés par certaines académies ou les petites annonces sur le site leboncoin.fr...
Même problème dans les collectivités territoriales, qui sont confrontées au problème du vieillissement : plus de 44 % des agents ont plus de 50 ans.
Pas moins de 64 % des collectivités territoriales signalent au moins un champ professionnel en tension. De nombreux métiers sont concernés. C'est un problème épineux dans le secteur de la petite enfance : les crèches ferment des sections, faute de personnel. Or il faut des professionnels assurer un service public de qualité.
Dans les Hauts-de-Seine, les élus et les cadres insistent sur les actions prioritaires : développer les formations en alternance, pour réduire les absences et alléger les coûts pour les collectivités ; encourager la validation des acquis de l'expérience - outil trop peu utilisé dans la fonction publique territoriale ; faciliter l'accès aux concours de puériculture, d'éducateurs de jeunes enfants. Pourquoi ne pas supprimer certains concours ? Pourquoi ne pas favoriser la promotion interne ?
J'en viens à la question de l'apprentissage au sein de la fonction publique. La baisse constante des dotations au CNFPT par France Compétences est préoccupante. Les financements inscrits en 2025 ne permettront de couvrir que 9 000 contrats, alors qu'il en faudrait 21 000.
Pourtant, l'apprentissage est un levier majeur d'insertion pour les jeunes et répond aux besoins des collectivités territoriales. Celles-ci sont parfois le dernier recours des candidats à l'apprentissage, qui peinent à trouver un emploi avec des entreprises privées.
J'en viens aux sujets qui fâchent. Premièrement, la durée annuelle des agents de la fonction publique territoriale est toujours inférieure à 1607 heures ! Il est illusoire de penser que l'on peut assurer un meilleur service public local en travaillant moins. Cela contribue à certains stéréotypes sur la fonction publique qui nuisent à son attractivité.
Deuxièmement, l'augmentation du nombre de jours de carence serait source d'économies et permettrait de lutter contre l'absentéisme.
M. Thomas Dossus. - Ce n'est pas de l'absentéisme !
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Cela a un coût pour la collectivité et cela dégrade les conditions de travail des collègues des agents absents, au risque d'alimenter le cercle vicieux de la multiplication des arrêts maladie. (Mme Catherine Di Folco et M. Olivier Paccaud renchérissent.)
Fallait-il renoncer à appliquer cette mesure ? Je pense que non.
Enfin, la simplification administrative, auquel le Gouvernement est attaché, est une priorité du Sénat. Le Premier ministre souhaite poursuivre la stratégie nationale pour l'intelligence artificielle dans le public, la recherche et l'industrie.
Nous nous réjouissons que le Gouvernement mette l'accent sur la simplification. À plusieurs reprises, nous avons dénoncé le coût de la complexité administrative pour nos concitoyens : Olivier Rietmann, Gilbert-Luc Devinaz et Jean-Pierre Moga avaient ainsi rédigé un rapport d'information sur la sobriété administrative.
La France occupe le 107e rang sur 144 en matière de fardeau administratif selon l'indice de compétitivité mondiale.
Pompidou déclarait déjà, en 1966 : « Il y a trop de lois, trop de textes, trop de règlements dans ce pays ! » C'est pire aujourd'hui. Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ?
Aidez les collectivités territoriales à se désengluer de la complexité administrative. Le rapport de Françoise Gatel et de Rémy Pointereau a proposé des pistes, tout comme les états généraux de la simplification, qui se sont déroulés au Sénat en 2023.
L'inflation normative complexifie les projets locaux.
La fonction publique est au coeur de la modernisation de notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP)
M. Dominique Théophile . - La situation de nos finances publiques exige de réduire les dépenses. Aussi, les crédits de la mission « Transformation et fonction publiques » ont baissé de 407 millions d'euros, soit une baisse significative de 28 %, mais l'ambition de transformation n'a pas été amoindrie.
Le programme Talents du service public poursuivra son déploiement, en vue d'assurer une meilleure diversité au sein de la fonction publique. Le développement de l'apprentissage est un axe structurant du programme. Plusieurs freins ont été levés ; il nous faut atteindre l'objectif de 9 000 apprentissages par an dans la fonction publique territoriale.
La mission « Gestion des finances publiques » s'inscrit dans la dynamique de modernisation de l'action publique engagée depuis 2017. Les crédits s'élèvent cette année à 10,97 milliards d'euros, soit une hausse de 72 millions d'euros, principalement en raison de l'augmentation des dépenses de personnel.
La diminution de 0,8 % de dépenses de fonctionnement et de 7,8 % de celles d'investissement est légitime, en raison de la réduction des dépenses immobilières.
La rationalisation du parc immobilier de l'État illustre la stratégie vertueuse de l'État : maîtrise des finances publiques et transition écologique.
Je salue le déploiement de l'IA pour lutter contre la fraude, ainsi que le renforcement des moyens de Tracfin et de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD).
La mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte spécial « Pensions » sont marqués par la réforme de 2023 et par la revalorisation des pensions le 1er janvier dernier. Les crédits de la mission, d'un montant de 5,9 milliards d'euros, sont fléchés à près de 70 % vers les régimes spéciaux de retraite, notamment ceux des agents de la SNCF et de la RATP.
Les crédits de la mission « Crédits non répartis » sont importants en raison de l'imprévisibilité de la vie publique. Toutefois, nous voterons les amendements du Gouvernement et de Michel Canévet, car nous devons consentir à des efforts budgétaires.
Le RDPI votera ces crédits, indispensables pour la modernisation de notre fonctionnement public et la soutenabilité de nos régimes sociaux.
M. Michel Masset . - Lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a évoqué le sujet des retraites. Le RDSE attend de nouvelles annonces sur la pénibilité. Nous souhaitons aussi des gratifications en cas d'engagement citoyen. Nous attendons le verdict de la Cour des comptes sur le plan financier. La balle est dans le camp des partenaires sociaux.
Nous constatons un recul des rénovations énergétiques du parc immobilier de l'État dans le programme 348.
Le diagnostic de performance énergétique (DPE) incite à la mise en vente de logements. Cela exacerbe la crise du logement en milieu rural.
L'absence de stratégie du parc foncier ne permet pas de dessiner une trajectoire claire pour atteindre les objectifs écologiques de 2050. La Cour des comptes tançait déjà l'État dans son rapport de décembre 2023 à ce sujet.
Les crédits destinés à la rénovation des bâtiments doivent être préservés. La direction de l'immobilier de l'État (DIE) doit déployer une véritable stratégie.
Ce budget contient des avancées intéressantes pour optimiser le parc immobilier public, comme la création de la foncière de l'État. Toutefois, il faut des garde-fous : la démarche doit relever d'un établissement public ; la réduction du parc immobilier doit s'articuler avec des garanties claires ; un dialogue exigeant avec les élus doit être formalisé. Face à la nécessaire réduction du déficit foncier, le groupe RDSE réserve son vote en fonction de nos débats.
M. Vincent Capo-Canellas . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Nos concitoyens attendent beaucoup de nos débats sur ce PLF. Il est urgent de donner un budget à la France et d'assurer la continuité des services publics. Ce texte concilie maîtrise des dépenses et réponse aux enjeux prioritaires. Je salue le travail de nos excellents rapporteurs.
Le budget de la mission « Gestion des finances publiques » s'élève à 10,97 milliards d'euros - la réduction de 104,2 millions d'euros proposée par voie d'amendement par le Gouvernement doit être envisagée avec discernement. La qualité des services rendus aux concitoyens doit primer ; je salue le renforcement des ressources versées aux douanes et à Tracfin.
Nous saluons les efforts de réorganisation du réseau de la DGFiP, avec l'objectif de créer 2 000 services locaux d'ici à 2026, mais l'accueil physique est encore trop insuffisant dans de nombreuses communes. La réduction du nombre de CDL suscite des interrogations ; il faut maintenir un service de qualité surtout dans les zones isolées.
Le maintien des crédits informatiques, à hauteur de 584,3 millions d'euros, illustre une volonté de modernisation. Nous soutenons la mise en place de mécanismes d'alerte en cas de dérapage.
Nous saluons également les mesures en faveur de la lutte contre la fraude fiscale et les flux illicites, sur laquelle Nathalie Goulet travaille depuis longtemps. En 2023, 10,6 milliards d'euros ont été recouvrés par le contrôle fiscal. Les avancées en matière d'IA et de data mining témoignent de la modernisation des méthodes utilisées dans ce domaine ; toutefois, n'oublions pas le renforcement des effectifs de terrain.
Je salue le travail exemplaire des douanes durant les JO.
La mission « Transformation et fonction publiques » peut se résumer en deux mots : économie et rationalisation.
La création d'une foncière centralisera la gestion immobilière de l'État. C'est une évolution majeure. Nous la soutenons pleinement.
La mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte spécial « Pensions » illustrent les défis de l'équilibre financier face au vieillissement démographique. Les pensions de retraite ont été revalorisées au 1er janvier. La subvention d'équilibre pour la SNCF et la RATP diminue, mais des déséquilibres structurels subsistent malgré la loi de 2023. Le compte spécial est en excédent à court terme, grâce à la hausse de la contribution employeur, mais des ajustements à moyen terme sont nécessaires.
Alors que les discussions reprennent sur la réforme de 2023, il faut bien avoir en tête le poids financier de nos retraites sur la dette publique. Notre système doit être plus équitable et surtout plus durable. Si la tendance actuelle se poursuit, le solde accumulé du compte spécial sera entièrement consommé dès 2027.
Conjuguer responsabilité budgétaire et ambition pour l'avenir : tel doit être notre objectif. Nous devons veiller à ce que nos décisions reflètent l'équilibre entre efficacité économique et sociale et justice territoriale, sans entamer la qualité des services publics. Le groupe UC votera ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Marianne Margaté . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Nous voilà prêts à reprendre le vote du budget d'un gouvernement censuré. Le président Macron n'a plus de majorité à l'Assemblée nationale, pourtant ce budget poursuit la même logique de destruction de la fonction publique.
Guillaume Kasbarian, ministre à l'automne, prétendait s'inspirer d'Elon Musk et partager avec lui « les meilleures pratiques pour lutter contre l'excès de bureaucratie ». Vous vous inscrivez dans ses pas.
Nous nous battrons toujours pour un service public de qualité et les droits des agents publics. Nous défendons le bien commun plutôt que les intérêts d'une minorité qui s'enrichit, et dénonçons vos coups de rabot.
Face au fonctionnaires-bashing, rappelons que les enseignants et les fonctionnaires d'État sont moins souvent en congé maladie que les salariés du privé. Dans les fonctions publiques hospitalières et territoriales, le nombre d'arrêts maladie est le symptôme d'agents épuisés. (M. Vincent Delahaye se montre dubitatif.) Mais pour les responsables politiques, il est plus facile de critiquer les fonctionnaires que d'améliorer leurs conditions de travail !
Notre État, nos hôpitaux, nos collectivités, reposent sur leurs agents.
Le Gouvernement dit vouloir lutter contre la fraude fiscale - 100 milliards d'euros chaque année - mais sans y mettre les moyens. Et vous supprimez 505 ETP au sein de la DGFiP ? Le redéploiement annoncé sera insuffisant : le contrôle fiscal est une chaîne à laquelle concourent tous les agents de l'administration fiscale, les services déconcentrés doivent pouvoir analyser les données en amont.
Le PLF 2025 empêche la mise en oeuvre d'une véritable politique de lutte contre l'évasion fiscale. En parallèle, vous supprimez 2 200 postes, gelez le point d'indice des fonctionnaires et revenez sur la garantie individuelle du pouvoir d'achat (Gipa). Pour toutes ces raisons et car ce budget est illégitime démocratiquement, nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)
M. Thomas Dossus . - Quatre missions et deux comptes spéciaux qui touchent à des sujets très variés, du recouvrement de l'impôt à la politique immobilière de l'État, et deux heures seulement pour en traiter ! À chaque mission, les coups de rabot de dernière minute se succèdent. Nous nous réjouissons de vous entendre sur ce point, madame la ministre.
La réduction aveugle des dépenses témoigne d'une idéologie à courte vue qui menace nos services publics.
Nous constatons une baisse de 125 millions d'euros sur le patrimoine immobilier, soi-disant pour réduire les surfaces de bureaux de l'État de 25 % d'ici à 2032. Là encore, c'est ne pas tenir compte des réalités de terrain. La rénovation énergétique des bâtiments de l'État est un investissement nécessaire.
La mission « Crédits non répartis » révèle une gestion opaque. Les CP baissent de 61,8 %, ce qui interroge sur la capacité de l'État à faire face aux imprévus, sachant qu'un amendement gouvernemental l'ampute encore de 70 millions.
La mission « Gestion des finances publiques » affiche, il est vrai, des recrutements, notamment 1 500 agents à la DGFiP : c'est un effort louable pour la justice fiscale et l'efficacité de nos services publics.
Un amendement du Gouvernement prévoit 193 millions d'euros d'économies sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » pour atteindre ses objectifs globaux. Reconnaissons qu'un effort est fait pour la direction générale de l'aviation civile (DGAC) et la gendarmerie.
Enfin, la mission « Transformation et fonction publiques », censée accompagner la transformation durable de l'action étatique, voit ses crédits diminuer de 27 % : un mauvais signal face à des défis immenses.
On nous parle de rénovation énergétique, du plan Talents du service public et de transformation numérique, mais les moyens ne sont pas là.
Il semblerait que la réforme des jours de carence dans la fonction publique ne soit plus à l'ordre du jour. Ce débat aura jeté la suspicion et alimenté les fantasmes et les pires clichés libéraux à l'encontre des fonctionnaires, soupçonnés de multiplier des arrêts maladie de complaisance. Jamais on ne s'interroge sur leurs conditions de travail et sur les modes de management.
Nous voterons au cas par cas, en fonction du sort des amendements.
M. Laurent Marcangeli, ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification . - C'est avec émotion et humilité que j'interviens pour la première fois au Sénat. Je porte la voix des 5,7 millions d'agents de la fonction publique qui méritent notre reconnaissance, notre respect et notre considération.
Face aux crises que nous traversons - humanitaire à Mayotte, institutionnelle, économique -, ils sont en première ligne. C'est pourquoi je veux les défendre, les protéger et simplifier leur vie.
Ce budget doit traduire des efforts inédits, je l'assume avec responsabilité et transparence. Si nous voulons préserver nos services publics, il faut le faire maintenant. Mon ministère prend sa part de l'effort : ses crédits diminuaient de 138 millions d'euros dans le PLF initial, soit 22 % de baisse par rapport à la loi de finances pour 2024.
Avec Amélie de Montchalin, nous vous proposerons d'aller un cran plus loin, en recentrant notamment la direction interministérielle du numérique (Dinum) sur sa mission première, à savoir maximiser l'impact des projets numériques en diminuant leurs coûts de fonctionnement, et en regroupant ses crédits sur le programme 129.
Nous devons nous assurer de l'efficacité de la dépense publique, pour chaque euro dépensé, et améliorer significativement le quotidien de nos concitoyens.
Par gros temps, il faut accepter de réduire la voilure pour tenir son cap. Les efforts demandés dans ce PLF ne sont pas antinomiques avec nos ambitions pour renforcer l'attractivité de la fonction publique, faciliter la vie des agents et des usagers.
J'assume une baisse des dépenses sur la masse salariale de l'État, de 6 milliards d'euros. Cet engagement budgétaire répond à un impératif moral et politique, que je sais largement partagé ici.
Nous avons de nombreux leviers pour renforcer l'attractivité du service public. Nous avons notamment augmenté de 5 % les crédits dédiés à la formation interministérielle. L'action sociale interministérielle est aussi présente dans le budget. La transformation publique au service de la simplification bénéficie d'un budget de 100 millions d'euros.
Si les crédits de la DITP et de la Dinum sont mis à contribution, plus de 100 millions d'euros sont prévus pour transformer l'action publique, pour un service public plus réactif, moderne et satisfaisant.
Le passage d'un à trois jours de carence pourrait générer 289 millions d'euros d'économies. Dès mon arrivée, j'ai consulté les représentants syndicaux, pour comprendre les raisons de la colère. Tous vivaient cette mesure comme stigmatisante, et soulignaient qu'elle n'était pas la meilleure façon de traiter l'absentéisme. Je suis convaincu qu'il faut retrouver le chemin d'un dialogue social apaisé et serein.
Nous devons améliorer l'attractivité de la fonction publique et faciliter la vie des usagers. (MM. Marc Laménie, Vincent Capo-Canellas et Francis Szpiner applaudissent.)
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics . - C'est un plaisir de vous retrouver.
Le Premier ministre nous a fixé le cap : sortir le pays du surendettement pour retrouver des marges de manoeuvre afin de financer des politiques essentielles pour plus de justice fiscale et sociale.
Dès l'an prochain, nous bâtirons nos budgets non par automatisme, mais en partant des besoins du terrain - un changement de méthode nécessaire et attendu.
Le coût direct de la censure est estimé à 12 milliards d'euros. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie proteste.)
Nous voulons réduire de 5 % les dépenses des opérateurs, de 10 % les achats publics. Les reports de crédits non utilisés ne doivent plus être la norme. Arrêtons d'arroser le sable mouillé : nous n'octroierons plus de subventions quand la trésorerie du destinataire est abondante. Enfin, nous devons prendre en compte l'effet de la loi spéciale et des services votés : le temps perdu sans budget ne pourra pas être rattrapé et les dépenses sur neuf mois ne seront pas celles sur douze.
Certaines politiques publiques seront modifiées en suivant les préconisations de rapports de la Cour des comptes et du Sénat.
Nous devons tirer les conséquences de l'absence de décalage de six mois de la revalorisation des retraites, en raison de la censure du PLFSS. J'insiste : son impact sur la trajectoire des finances publiques est important. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie proteste.)
Mme Colombe Brossel. - Et la dissolution ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Nous créons une foncière de l'État qui jouera un rôle central dans la gestion du patrimoine immobilier de l'État, avec une vision opérationnelle, pour améliorer la performance énergétique de nos bâtiments. En 2025, les régions Grand Est et Normandie seront pilotes : nous verrons comment mettre le foncier public à contribution pour construire plus de logements, notamment pour les agents publics et les étudiants.
Ces deux dernières années, nous avons augmenté nos moyens de lutte contre toutes les fraudes. Les moyens de la direction des douanes en matière de renseignement douanier seront renforcés, de même que ses capacités navales dans les zones touchées par le trafic de stupéfiants - à quelques jours du débat sur la proposition de loi Narcotrafic.
Le renseignement fiscal est renforcé, les moyens de Tracfin, en hausse de 1 million d'euros.
La mission de transformation numérique est au coeur de notre stratégie. Les administrations, en particulier la DGFiP, ont fourni un effort exceptionnel de rationalisation.
Je remercie le Sénat pour ses travaux. Je reconnais que nos modalités d'examen de ce PLF sont perfectibles, mais les Français attendent un budget qui n'augmente pas leurs impôts et nous remette sur une trajectoire sincère et sérieuse pour faire face aux futures crises. C'est un enjeu national. (MM. Vincent Capo-Canellas et Marc Laménie, ainsi que Mme Pascale Gruny, applaudissent.)
Examen des crédits des missions et des comptes spéciaux
Article 42 (Régimes sociaux et de retraite) - État B
M. le président. - Amendement n°II-718 du Gouvernement.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Cet amendement de reprogrammation de 193 millions d'euros constate les exécutions passées et procède à une annulation de crédits. Il n'y a pas de rabot, c'est un constat.
M. le président. - Amendement identique n°II-1677 rectifié de M. Canévet et alii.
Mme Sylvie Vermeillet. - Défendu.
L'amendement n°II-1686 rectifié est retiré.
Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale. - Les prévisions évoluent en lien avec la constatation de l'exécution. Les recettes ayant été plus dynamiques qu'espéré, il y a eu sous-exécution et sous-consommation. Avis favorable.
Mme Monique Lubin. - Pas de coup de rabot ? Je demande à voir ! Il est extraordinaire d'attendre janvier pour constater des sous-exécutions. Je n'en crois pas un traître mot.
Selon Mme la ministre, c'est la censure qui a un coût, qui engendre des coups de rabot... Non, ce qui a un coût, c'est ce qui a mené à la censure : c'est la politique menée pendant sept ans qui a abouti au déficit abyssal et à la dissolution de l'Assemblée nationale !
Il faut cesser de rendre ceux qui ont voté la censure responsables de ce budget. Écoutez les Français ! Ces coups de rabot supplémentaires sont inadmissibles. Que croyez-vous qu'il adviendra à la fin ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)
M. Thomas Dossus. - Enfin, nous avons une explication politique sur cette suite d'amendements de rabot, déposés la veille pour le lendemain. Enfin, madame la ministre, vous êtes au banc pour nous répondre - mais vos explications relèvent de la fiction. La lumière est tombée d'un coup et vous venez de trouver des crédits non consommés ?
C'est la méthode Barnier, qui oublie une partie de l'hémicycle et se met dans les mains de l'extrême droite (marques de mécontentement sur les travées du groupe Les Républicains), qui a conduit à la censure.
Vous auriez pu nous présenter des amendements dans une logique politique globale et, pourquoi pas, des recettes ! Or vous rabotez à tout-va, sans accepter ni proposer aucune recette supplémentaire.
Ces déficits ont une cause : sept ans de politique de l'offre financée par la dette. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K ; « Très bien ! » sur plusieurs travées du groupe SER)
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Sans polémique... (protestations à gauche), je vais vous répondre.
Depuis novembre, il s'est passé deux choses. D'abord, la conjoncture s'est dégradée. La baisse de prévision de croissance, c'est 0,2 point de PIB, soit 6 milliards d'euros de recettes ou d'économies à trouver, en raison de l'attentisme.
Ensuite, faute budget avant début mars, plusieurs recettes et économies votées précédemment ne sont pas mises en oeuvre, ce qui coûte aussi 6 milliards d'euros. On arrive à 12 milliards. Ce n'est pas un chiffon rouge - c'est factuel.
Cet amendement avait été déposé par le précédent gouvernement en fonction des prévisions de dépenses et de recettes. C'est mécanique.
Certes, ce gouvernement propose des économies supplémentaires, mais aussi des augmentations de crédits, sur la mission « Outre-mer » par exemple. Vous le verrez aussi sur l'enseignement scolaire. Nous faisons des choix - ainsi du milliard d'euros supplémentaire pour l'hôpital.
Nous sommes extrêmement contraints. Nous voulons parvenir à 5,4 % de déficit, et cherchons à construire des compromis.
Mme Colombe Brossel. - Merci à la ministre de poser le débat. Mais franchement, les bras nous en tombent ! Nous ne sommes pas dans la mécanique. Depuis la déclaration de politique générale, nous revoyons le budget, chapitre par chapitre. Les amendements de rabot tombent quelques minutes avant l'examen des missions. Bravo pour le respect du Parlement !
Le Gouvernement fait des choix politiques. Non, ce n'est pas le prix de la censure, mais celui de la dissolution. C'est cela, l'addition que vous présentez aux Français !
Nous avons débattu hier de l'annulation de 40 millions d'euros supplémentaires sur la culture, mais la ministre préserve le pass Culture ! La veille, 123 millions d'euros devaient être annulés sur le sport. Bizarrement, l'amendement du Gouvernement n'enlève aucun crédit au service national universel, que tous les parlementaires critiquent.
Cessez de nous prendre pour des perdreaux de l'année ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)
Les amendements identiques nosII-718 et II-1677 rectifié sont adoptés.
M. le président. - Amendement n°II-1987 du Gouvernement.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Cet amendement mécanique rehausse les crédits de la mission à la suite de la revalorisation des retraites de 2,2 % au début de l'année.
Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale. - J'y suis favorable, car il rendra possible le versement des pensions. Mais nous verrons l'effet de la revalorisation sur le compte spécial « Pensions », de près de 1 milliard d'euros. Cette revalorisation se fait en outre sans distinction de ressources.
L'amendement n°II-1987 est adopté.
M. le président. - Amendement n°II-1493 du Gouvernement.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Cet amendement technique remet dans le cadre de la Lolf le régime d'allocations viagères des gérants de débit de tabac.
Une taxe affectée ne peut être attribuée directement à des organismes sans personnalité morale. L'État va donc collecter la taxe et réallouer la somme aux buralistes. C'est neutre pour les buralistes, mais beaucoup plus lisible pour tout le monde !
Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale. - Avis favorable. Il s'agit d'améliorer la lisibilité du système.
Cette mission doit intégrer tous les régimes de retraite nécessitant un concours de l'État. C'est pourquoi j'avais salué l'intégration des régimes de l'Opéra de Paris et de la Comédie-Française. Le Parlement pourra ainsi suivre la totalité des régimes concernés.
L'amendement n°II-1493 est adopté.
Les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », modifiés, sont adoptés.
Article 44 (Pensions) - État D
M. le président. - Amendement n°II-1986 du Gouvernement.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Autre amendement mécanique. Le compte spécial « Pensions » doit être remis au niveau de ses dépenses. La revalorisation de 2,2 % des retraites au 1er janvier génère 856 millions d'euros de dépenses supplémentaires par rapport au PLF initial.
L'État augmente donc son taux de prélèvement employeur de quatre points, à 78 % - il était resté de 74 % durant dix ans - pour équilibrer le compte spécial.
Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale. - 856 millions d'euros, c'est colossal ! Mais nous n'avons d'autre choix que de voter cet amendement, pour que l'État verse les pensions. Avis favorable.
Mme Monique Lubin. - Quand tout va bien, les pensions sont indexées au 1er janvier sur l'inflation. Ce qui n'était pas normal, c'était de revenir en arrière !
À deux reprises, madame la rapporteure spéciale, vous arguez que les pensions étaient revalorisées quel que soit le montant des ressources. On revalorise toutes les pensions, c'est normal, pas seulement certaines.
Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale. - Non, elles ne sont pas revalorisées mécaniquement et indistinctement chaque année. En 2021, la revalorisation était plafonnée à 2 000 euros.
L'amendement n°II-1986 est adopté.
Les crédits du compte spécial « Pensions », modifiés, sont adoptés.
Après l'article 64
M. le président. - Amendement n° II-572 de M. Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. - Cet amendement accompagne le volet social du plan de requalification des techniciens supérieurs des études et de l'exploitation de l'aviation civile (TSEEAC). Leurs tâches de contrôle sont considérées comme des services effectifs accomplis dans le corps des ingénieurs du contrôle et de la navigation aérienne (ICNA) pour le calcul de leur retraite, entraînant une augmentation des dépenses de 150 000 euros.
M. le président. - Amendement identique n°II-1988 du Gouvernement.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Cet amendement reprend les conclusions du dialogue social qui s'est tenu au sein de la DGAC en mai 2024, prévoyant l'alignement des retraites des techniciens sur celles des contrôleurs aériens.
Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale. - Dans un rapport d'information, Vincent Capo-Canellas a expliqué les tenants et aboutissants de cet accord, susceptible d'améliorer les performances du contrôle aérien français, notoirement insuffisantes par rapport à nos partenaires européens. Un corps unique de contrôleurs aériens sera créé d'ici à 2030, ce qui implique un plan de requalification, lequel suppose que les TSEEAC bénéficient des mêmes conditions de calcul de leurs pensions de retraite que les ICNA. Avis favorable.
Les amendements identiques nosII-572 et II-1988 sont adoptés et deviennent un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°II-1666 du Gouvernement.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Cet amendement revient sur un oubli dans la réforme de 2023, et bonifie les pensions des gendarmes liquidant leur retraite au-delà de la limite d'âge, comme cela avait été prévu pour des professions militaires proches des leurs.
M. le président. - Amendement identique n°II-1970 de Mme Vermeillet, au nom de la commission des finances.
Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale. - Amendement de justice, qui a été défendu.
Mme Monique Lubin. - Vous parlez d'injustice ? Où en est le décret concernant les avantages accordés aux sapeurs-pompiers volontaires lors de la réforme des retraites ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Je ne peux vous répondre, mais transmettrai votre question au ministère de l'intérieur. Vous connaissez notre attachement à ce que les mesures votées soient appliquées.
Mme Monique Lubin. - Ce n'est pas le cas !
Les amendements identiques n°II-1666 et II-1970 sont adoptés et deviennent un article additionnel.
Article 42 (Transformation et fonction publiques) - État B
M. le président. - Amendement n°II-8 de M. Nougein, au nom de la commission des finances.
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - Nous prévoyons une diminution de crédits de 125 millions d'euros correspondant à la mise en oeuvre de la réduction de 25 % des surfaces de bureaux de l'État d'ici à 2032. C'est un amendement de bonne gestion.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Nous reviendrons sur la gestion immobilière de l'État lorsque nous examinerons l'amendement n°II-1758, qui crée la foncière de l'État. Retrait.
L'objectif est d'avoir une meilleure utilisation du parc immobilier. Pour rationaliser les surfaces, il faut d'abord investir. Ensuite, nous pourrons nous séparer progressivement de mètres carrés. Bref, il faut investir pour faire des économies ! Les sommes que vous évoquez sont atteignables moyennant ce délai d'investissement préalable.
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - Dans quel délai pensez-vous agir ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Les régions Grand Est et en Normandie sont pilotes pour la foncière de l'État. Pour que ces projets soient une réussite, il faut un délai de déploiement cohérent avec notre capacité d'adaptation. On parle de quatre à cinq ans. Mais si on coupe les crédits nécessaires pour adapter nos surfaces, on ne pourra réussir ce chantier.
L'amendement n°II-8 est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-2181 du Gouvernement.
M. Laurent Marcangeli, ministre. - Il faut faire des efforts pour rétablir nos finances publiques - d'où cet amendement portant annulations de 78,5 millions d'euros.
Je salue les propositions des sénateurs UC et INDEP qui vont dans le même sens. Si cet amendement est voté, les leurs seront satisfaits ; j'en demande donc le retrait.
M. le président. - Amendement n°II-1649 rectifié ter de M. Louault et alii.
M. Marc Laménie. - Nous souhaitons réduire de 20,8 millions d'euros en AE et CP les crédits de la mission. Si l'amendement du Gouvernement est adopté, celui-ci sera retiré.
M. Vincent Delahaye. - Très bien.
L'amendement n°II-1682 rectifié n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°II-1683 rectifié.
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - Jusqu'à hier, l'amendement du Gouvernement portait des annulations à hauteur de 20,7 millions d'euros ; vers midi, elles sont passées à 78,5 millions ! Cette nuit, quelqu'un a dû phosphorer, en se disant que cela améliorerait le déficit... Ce n'est pas une bonne manière de se comporter à notre égard. Avis favorable néanmoins, puisque l'amendement contribue à la réduction des dépenses publiques.
M. Thierry Cozic. - Depuis quatre jours, mission après mission, c'est la foire à la saucisse du coup de rabot ! Mme Mirallès nous a dit tout à l'heure qu'on lui avait demandé un effort : moins 50 millions ! On y va ! Et ça continue ! Vous bafouez le travail parlementaire. Vous ne pouvez pas reprendre d'une main ce que nous avons longuement négocié la semaine dernière !
Jeudi dernier, nous, socialistes, avons pris nos responsabilités. Ce n'est pas un blanc-seing accordé au Gouvernement. On ne peut pas accepter ces coups de rabot intempestifs.
Ce n'est pas la censure qui coûte cher, mais la politique menée depuis sept ans et la dissolution qui a suivi.
Nous avons tenu nos engagements. La balle est dans votre camp. Les mêmes causes peuvent produire les mêmes effets. (Mme Colombe Brossel applaudit.)
L'amendement n°II-2181 est adopté.
L'amendement n°II-1649 rectifié ter est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-1732 rectifié de M. Savoldelli et du groupe CRCE-K.
Mme Marianne Margaté. - Notre groupe est très vigilant sur le recours par l'administration aux cabinets de conseil privés. Non seulement l'externalisation pose un problème de souveraineté, mais elle est très coûteuse. La fonction publique peine à recruter des ingénieurs et des data scientists, car elle ne peut rivaliser avec les rémunérations du privé, notamment dans l'informatique. Résultat, en 2021, l'État a déboursé 890 millions d'euros pour des prestations externalisées dans le domaine informatique ! Maintenons le recrutement au sein de la fonction publique, pour éviter ces dépenses pharaoniques, en rétablissant les crédits de l'action innovation et transformation numérique.
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - Je partage l'objectif de rationaliser le recours aux cabinets de conseil privés, mais cette question fait déjà l'objet d'un texte spécifique, transpartisan, adopté par le Sénat et en cours de navette. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Laurent Marcangeli, ministre. - Nous avons besoin d'investissements forts pour transformer l'État. C'est le sens de l'annonce par le Premier ministre du fonds spécial pour la réforme de l'État. La DITP coordonne les missions visant à simplifier la vie des Français, or votre amendement baisse ses crédits pour créer un nouveau fonds !
La réforme de la chose publique nécessite du temps long. Les résultats du fonds pour la modernisation publique sont probants, avec 1 milliard d'euros d'économies.
Sur la forme, le programme 348 ne porte pas de dépenses de personnel, votre amendement est donc sans objet. Avis défavorable.
L'amendement n°II-1732 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-1738 rectifié de Mme Linkenheld et du groupe SER.
Mme Colombe Brossel. - Il est urgent de garantir un financement suffisant de l'apprentissage dans la fonction publique territoriale. La réforme de 2018 a conduit à un système complexe impliquant l'État, France Compétences, le CNFPT et les collectivités. La dynamique de l'apprentissage - 8 200 demandes en 2020 contre 18 000 en 2023 - a dépassé les crédits disponibles.
Faute de moyens budgétaires suffisants, le CNFPT finance à peine la moitié des contrats. L'accès à l'apprentissage est mis en péril pour de nombreux jeunes.
Majorons les AE et les CP de 10 millions d'euros sur l'action n°1 du programme 148, pour répondre à l'urgence.
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - Avis défavorable.
Cet amendement a le mérite de poser la question de la soutenabilité d'un modèle de financement de l'apprentissage dans la fonction publique territoriale. Mais une convention d'objectifs et de moyens a été signée par les collectivités avec l'État pour la période 2023-2025.
Vous proposez de doubler la dotation prévue. Cela ne va pas dans le sens de la réduction des dépenses publiques.
M. Laurent Marcangeli, ministre. - Nous sommes tous convaincus de l'efficacité de l'apprentissage. Les employeurs publics prennent leur part de cet effort, avec 25 000 contrats.
En tant que maire et président d'intercommunalité, j'ai développé le recrutement d'apprentis. Mme Borne, alors Première ministre, l'avait demandé aux employeurs publics, dans une circulaire du 10 mars 2023.
Des objectifs ont été fixés dans la convention triennale entre l'État, France Compétences et le CNFPT, pour une participation de l'État à hauteur de 15 millions d'euros. L'État joue le rôle d'une pompe d'amorçage. Nous devons relever collectivement ce défi. Les objectifs ont été atteints en 2024, avec 9 000 contrats signés.
Le Premier ministre a décidé de réduire de 8,2 milliards d'euros l'effort demandé aux collectivités en 2025.
Avis défavorable, malgré mon respect pour la fonction publique territoriale.
Mme Catherine Di Folco. - Monsieur le ministre, la convention triennale s'achève cette année. Il faut en négocier une nouvelle, pour que les collectivités sachent où elles vont.
M. Laurent Marcangeli, ministre. - Rendez-vous est pris ; nous en discuterons, je connais votre travail sur la protection sociale complémentaire.
L'amendement n°II-1738 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-1733 de M. Savoldelli et du groupe CRCE-K.
Mme Marianne Margaté. - À la suite de la commission d'enquête sénatoriale sur les cabinets de conseil, une agence de conseil interne de l'État a été créée. Mais elle ne compte que 55 agents sur les 75 initialement prévus. D'où notre amendement à 2 millions d'euros pour embaucher 20 agents.
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - Même avis que sur l'amendement n°II-1732 rectifié : retrait, sinon avis défavorable.
M. Laurent Marcangeli, ministre. - Comme vous, je souhaite réduire le recours aux cabinets de conseil privés, qui augmentent nos dépenses publiques et réduisent notre expertise interne. Grâce à la création de l'agence de conseil interne, les dépenses de conseil ont été divisées par trois entre 2021 et 2023, pour une économie de 191 millions d'euros.
La croissance de ses effectifs a été très forte ces derniers mois : 2025 sera une année de consolidation, même si je souhaite une montée en charge de l'agence à plus long terme.
L'amendement n°II-1733 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-1739 rectifié de Mme Canalès et du groupe SER.
Mme Colombe Brossel. - Nous prévoyons les financements nécessaires à la création d'une plateforme numérique, pour rendre accessibles les cahiers de doléances noircis par deux millions de Français durant le grand débat national de 2019. Les Français y ont tracé un chemin permettant de renouer avec le commun ; mais il a été interrompu et ces cahiers rangés aux archives départementales.
Un amendement complémentaire sur la mission « Enseignement supérieur et recherche » donnera à l'Agence nationale de la recherche (ANR) les moyens de les étudier.
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - Cette charge peut être absorbée par les crédits du programme « Transformation publique ». Évitons les doublons. Avis défavorable.
M. Laurent Marcangeli, ministre. - Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a rappelé l'importance de cette mobilisation. Près de 20 000 cahiers de doléances ont été rédigés, retraçant des attentes, des besoins, des propositions, sur une multitude de thèmes. C'est une source d'inspiration.
Mais les modalités de publication de ces cahiers doivent être examinées avec précaution (Mme Colombe Brossel proteste), au regard notamment de la protection des données personnelles.
De surcroît, votre amendement est gagé sur des dépenses immobilières au bénéfice de nos agents publics.
Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Colombe Brossel. - Résolument optimiste, j'entends un engagement dans la bouche du ministre.
C'était en 2019, nous sommes en 2025 : il faut aussi se dépêcher ! (Joignant le geste à la parole, Mme Colombe Brossel tapote sa montre.) L'Assemblée nationale a lancé un travail transpartisan sur ce sujet. La parole publique doit retrouver sa crédibilité.
M. Thomas Dossus. - Le ministre n'est pas clair. Voilà cinq ans, croyant que le Président de la République allait les écouter, les Français se sont exprimés, parfois avec véhémence, toujours avec sincérité. Cinq ans plus tard, tout est enterré, au fin fond des archives départementales. Rendons publiques ces archives, qui inspireront nos politiques publiques.
On paye les promesses non tenues : celle de la politique de l'offre, celle de la convention citoyenne, et, ici, celle de l'ouverture et de l'écoute. On paye les factures du premier quinquennat : ça commence à faire beaucoup !
L'amendement n°II-1739 rectifié n'est pas adopté.
Les crédits de la mission « Transformation et fonction publiques », modifiés, sont adoptés.
Après l'article 64
M. le président. - Amendement n°II-1663 rectifié du Gouvernement.
M. Laurent Marcangeli, ministre. - En fin d'année dernière, l'annonce du passage à trois jours de carence pour les fonctionnaires en arrêt maladie les a vexés et a suscité leur incompréhension. Ils se sont mobilisés le 5 décembre comme cela n'avait plus été le cas depuis la réforme des retraites.
La réforme aurait dégagé 300 millions d'euros d'économies, dont 150 millions sur le budget de l'État. L'adoption tardive du PLF combinée à une mise en oeuvre tributaire des systèmes de paie - la mesure n'aurait pu être appliquée avant octobre prochain - aurait conduit à un gain inférieur à 50 millions d'euros.
Le Premier ministre nous a demandé de mener un dialogue serein et respectueux avec les organisations syndicales et les responsables politiques qui veulent la stabilité du pays, dans l'optique d'un pacte de responsabilité.
Sachez que les arrêts de maladie de courte durée sont minoritaires et que l'effet réel de la mesure sur l'absentéisme reste à prouver.
J'assume de reprendre le dialogue avec les organisations syndicales. En même temps, il est indispensable de réduire nos dépenses publiques - quelles finances laisserons-nous à nos enfants ? C'est pourquoi nous avons décidé d'abaisser à 90 % la rémunération pendant l'arrêt maladie. C'est une mesure difficile, mais indispensable.
Le dialogue social portera sur les carrières, l'attractivité, le logement, la protection fonctionnelle, mais nous devons réduire nos dépenses.
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - Cette mesure d'alignement sur le secteur privé est pertinente. Avis favorable.
L'amendement n°II-1663 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
Article 44 (Gestion du patrimoine immobilier de l'État) - État D
M. le président. - Amendement n°II-2182 du Gouvernement.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - En 2025, nous ne réaliserons que dix douzièmes de notre programme immobilier. D'où l'annulation de 40,3 millions d'euros de crédits proposée par cet amendement.
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - La rationalisation des dépenses immobilières me semble utile. Mais, sur la forme, nous avons reçu cet amendement, comme le précédent, aujourd'hui à midi. En outre, vous avez jugé mon amendement de diminution de crédits inopérant, madame la ministre : et le vôtre serait opérant ? Sagesse.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Nulle entourloupe : vous proposiez une réduction de 125 millions d'euros. Mais, pour réduire les surfaces, nous devons d'abord investir.
Mon amendement tire les conséquences mécaniques de l'adoption d'une loi spéciale : nous avons dû décaler nos opérations de deux mois. Je souffre de constater que l'État fonctionne en mode dégradé. Derrière, il y a des entreprises du bâtiment, des bureaux d'études, des architectes, qui attendaient des contrats...
L'amendement n°II-2182 n'est pas adopté.
Les crédits du compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » sont adoptés.
Article 42 (Gestion des finances publiques) - État B
M. le président. - Amendement n°II-82 de M. Delahaye.
M. Vincent Delahaye. - C'est un amendement d'appel, même si le Sénat en a déjà adopté de semblables. Tout à l'heure, M. Marcangeli n'a pas cité le glissement vieillesse travail (GVT) dans ses pistes de réflexion ; or les frais de personnel représentent 42 % du budget de l'État. En ralentissant le GVT, on freine l'augmentation des dépenses. On peut faire six mois sans avancement d'échelon ! Tout le monde doit participer à l'effort, même les fonctionnaires.
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - C'est radical et pénaliserait l'ensemble des fonctionnaires. Cela ne nous semble pas souhaitable : retrait, sinon avis défavorable.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Cet amendement à 900 millions d'euros s'appliquerait aux seuls services de la DGFiP. C'est beaucoup trop ! Une refonte des carrières de la fonction publique n'a pas sa place dans une loi de finances, il faut une loi spécifique. Ce n'est pas une bonne mesure. Demande de retrait.
L'amendement n°II-82 est retiré.
M. Thomas Dossus, au nom de la commission des finances. - Le temps programmé pour l'examen de cette mission est écoulé. Je vous invite donc à faire court, car nous avons encore à examiner trois missions reportées.
M. le président. - Amendement n°II-16 de M. Nougein, au nom de la commission des finances.
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - Il s'agit de supprimer 2,5 % des emplois des opérateurs de l'État, sur un total de 400 000 emplois, compte tenu des nombreux doublons, notamment avec les collectivités territoriales.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Retrait, sinon avis défavorable. Nous diminuons déjà les ressources globales des opérateurs de 5 % et d'autres mesures de freinage sont prévues : les opérateurs ont été sollicités de façon inédite. (On le conteste sur les travées du groupe Les Républicains.)
L'amendement n°II-16 est adopté.
M. le président. - Amendement n°II-1756 rectifié de M. Capus et alii.
M. Emmanuel Capus. - Diminuons de 2 % les crédits de la mission, pour une économie de 145 millions d'euros.
M. le président. - Amendement n°II-2183 du Gouvernement.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Monsieur Capus, votre amendement est satisfait par le nôtre, qui supprime 112 millions d'euros, tout en tenant compte de la faculté contributive de chaque programme.
L'amendement n°II-1679 rectifié n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°II-1755 rectifié bis de M. Capus et alii.
M. Emmanuel Capus. - Mon amendement est moins-disant que celui du Gouvernement : je le retire.
L'amendement n°II-1755 rectifié bis est retiré.
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - Avis favorable à l'amendement du Gouvernement - déposé ce matin. Demande de retrait de l'amendement n°II-1756 rectifié, qu'il satisfait.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Demande de retrait de l'amendement de M. Capus, au profit de celui du Gouvernement.
L'amendement n°II-1756 rectifié est retiré.
L'amendement n°II-2183 est adopté.
M. le président. - Amendement n°II-17 de M. Nougein, au nom de la commission des finances.
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - Il s'agit des trois jours de délai de carence - un marronnier, voté chaque année par le Sénat. Jusqu'à il y a trois jours, nous pensions être suivis par le Gouvernement...
Mme Colombe Brossel. - Eh ben non !
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - ... mais il y a eu un changement de pied. Alignons le public sur le privé.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Nous en avons débattu. Retrait, sinon avis défavorable, par cohérence, au vu des annonces du Premier ministre et du compromis trouvé avec certains groupes politiques.
C'est un budget en temps contraint. C'est aussi un budget de compromis : il n'est un idéal pour personne, mais chacun doit, le plus possible, y retrouver ses priorités.
M. Thierry Cozic. - C'est exceptionnel : nous nous apprêtons à voter trois jours de carence et une rémunération à 90 % ! Mais on ne peut pas faire les deux ! Je le confirme, l'alignement public-privé est un marronnier de la droite française. Un rapport de l'Igas montre que deux tiers des salariés du privé sont protégés contre la perte de revenus due au délai de carence par leur convention collective. Vous voulez donc aligner le statut des fonctionnaires sur les droits des salariés des entreprises les moins-disantes. Est-ce là la politique défendue par la droite ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Quand j'étais ministre de la fonction publique, nous avons lancé un gros travail sur la prévoyance des agents publics, car la grande inégalité entre public et privé est liée aux complémentaires. Plusieurs accords sont intervenus, mais celui sur la prévoyance, conclu par Stanislas Guerini, ne couvre pas les jours de carence. En votant cet amendement, vous cumulez les 90 % de rémunération et les trois jours de carence. Retirez-le, monsieur le rapporteur !
M. Max Brisson. - Nous n'avons pas de leçons à recevoir ! Cela commence à bien faire, madame la ministre !
M. Claude Nougein. - Le nombre de jours d'absence dans le secteur public, c'est 14,5 jours par an, contre 11,7 dans le privé.
Un amendement du Gouvernement prévoyait bien le cumul du 90 % et des trois jours de carence....
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - C'était le gouvernement Barnier !
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - Donc vous nous dites que ce gouvernement était nul ? Je maintiens mon amendement.
M. Max Brisson. - Que la gauche soit cohérente avec elle-même, c'est très bien. Mais souffrez, madame la ministre, que nous le soyons aussi et que nous ayons des convictions.
J'observe, madame, en décryptant votre gestuelle, que vous êtes en dialogue permanent avec la partie gauche de cet hémicycle. (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains ; on s'en amuse à gauche.)
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Avec le rapporteur !
M. Max Brisson. - Cela devient une habitude ! Vos concessions à la gauche se traduisent par des coups de rabot - même si vous récusez le terme. Vous permettez au parti socialiste d'échapper à l'emprise de LFI, mais le budget n'est pas fait pour cela.
Madame la ministre, tournez-vous un peu plus souvent vers la partie droite de cet hémicycle, vous y trouverez un soutien plus constant. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Laurence Rossignol. - Le compromis avec la droite a déjà été passé. Si nous avons autant de difficultés à construire ce budget, c'est parce que la droite, républicaine ou macroniste, a rejeté toute recette supplémentaire. (Mme Colombe Brossel renchérit.) Vous préférez raboter les indemnités journalières des fonctionnaires plutôt que de solliciter les gros patrimoines et les dividendes.
La semaine prochaine, allons ensemble dans les hôpitaux et vous y expliquerez aux infirmières que ce sont des fainéantes ! Et vous vous demanderez ensuite pourquoi nous peinons à recruter des fonctionnaires. Mais cela vous arrange, puisque vous comptez tout passer au privé ! (Applaudissements à gauche ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Corinne Féret. - Il n'y a pas de petits arrangements entre amis. Nous sommes motivés par l'intérêt général de nos concitoyens et particulièrement de ceux qui, jour et nuit, nous accueillent à l'hôpital, ou dans les collectivités territoriales en cas de crise.
Le Premier ministre renonce aux trois jours de carence, mais le Sénat a adopté un amendement, il y a quelques instants, prévoyant 10 % de réduction de rémunération pendant l'arrêt maladie. Je peine à comprendre...
Bien évidemment, nous voterons contre cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Marianne Margaté. - Nous voterons contre également. Vous affirmez que les agents publics sont plus absents que les salariés du privé, mais oubliez de préciser que cet écart s'explique à 95 % par l'âge, le sexe, l'état de santé général et l'emploi occupé. Nos agents publics méritent plus de respect et de reconnaissance de la part du Sénat.
Après trois mois d'arrêt maladie, le fonctionnaire ne touche plus que 50 % de sa rémunération, contrairement au salarié du privé.
M. Vincent Capo-Canellas. - Un système assurantiel existe dans le privé ; il eût été bon qu'un tel système existât pour le public. La démarche de négociation avec les partenaires sociaux pour limiter la masse salariale publique, annoncée par le ministre Marcangeli, est positive. Et nous avons voté le passage à 90 % de la rémunération en cas d'arrêt maladie, ce qui remplit une partie de nos objectifs.
Des discussions ont eu lieu dans l'autre chambre - rien de choquant à cela - dans un objectif de stabilité et de non-censure. Nous voulons un budget et la modernisation de la fonction publique par le dialogue social.
C'est pourquoi la majorité du groupe UC ne votera pas, cette fois, cet amendement.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - La fonction publique se féminise. S'en prendre à la rémunération des fonctionnaires et au droit à être malade, c'est s'attaquer à l'égalité salariale et au pouvoir d'achat des femmes. (Protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Rietmann lève les bras au ciel.) C'est la vérité ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
L'amendement n°II-17 n'est pas adopté.
Les amendements nosII-1684 rectifié et II-386 ne sont pas défendus.
Les crédits de la mission « Gestion des finances publiques », modifiés, sont adoptés.
Après l'article 60
M. le président. - Amendement n°II-1758 du Gouvernement.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Il s'agit de la création de la foncière de l'État, qui permettra de distinguer l'État propriétaire de l'État locataire. Nous expérimentons dans le Grand Est et en Normandie. Des logements sont prévus pour les agents publics - soignants, policiers - et les étudiants.
L'amendement n°II-1758, accepté par la commission, est adopté et devient un article additionnel.
Article 42 (Crédits non répartis) - État B
M. le président. - Amendement n°II-690 du Gouvernement.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - En raison de l'adoption de la loi spéciale, aucune mesure catégorielle nouvelle n'a pu intervenir dans les premières semaines de l'année : cet amendement en prend acte, dans un souci de sincérité budgétaire.
On peut toujours réduire la dépense publique en gestion, sans le dire. Nous avons choisi la transparence, y compris pour les marchés financiers et nos partenaires européens.
Je me tourne vers la droite : la commission des finances du Sénat a toujours fustigé les reports, gels et surgels. Cet amendement répond à cette exigence.
L'amendement identique n°II-1681 rectifié n'est pas défendu.
L'amendement n°II-690, accepté par la commission, est adopté.
Les crédits de la mission « Crédits non répartis », modifiés, sont adoptés.
La séance est suspendue quelques instants.
Enseignement scolaire (Suite)
Examen des crédits de la mission (Suite)
Article 42 (Enseignement scolaire) (Suite)
M. le président. - Amendement n°II-2186 du Gouvernement.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Vous le craigniez à juste titre, les cartes scolaires de la rentrée 2025 s'annonçaient particulièrement difficiles du fait de la suppression de 2 000 postes de professeurs. Un consensus s'est exprimé, particulièrement dans votre assemblée, pour revoir cette mesure. Le Gouvernement vous a entendus et, en revenant sur la suppression de 4 000 postes, a fait le choix fort de faire de la baisse démographique l'occasion de réduire les inégalités entre les territoires et de défendre plusieurs politiques éducatives prioritaires.
L'élaboration des cartes scolaires sera facilitée. Élue d'un territoire rural, je sais combien l'annonce tardive de fermetures de classe est mal vécue. Je serai particulièrement attentive à ce que la mesure que j'avais annoncée, à savoir une visibilité à trois ans, soit mise en oeuvre.
Nous renforcerons les brigades de remplacement. Nous élèverons le niveau des élèves, notamment par un soutien aux élèves fragiles de quatrième et de troisième. Dans le cadre du déploiement de l'école inclusive, nous mettrons en place les pôles d'appui à la scolarité (PAS) et renforcerons les unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis). Nous créerons de nouveaux postes de conseillers principaux d'éducation (CPE) et d'assistants d'éducation.
Cependant, pour atteindre 5,4 % de déficit en 2025, l'État doit poursuivre ses efforts et trouver des marges de manoeuvre. Cet amendement traduit ce nouvel effort, qui portera sur la réduction des réserves de fonctionnement du ministère. Les trésoreries disponibles, souvent importantes, de nos établissements et opérateurs seront mises à contribution.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial de la commission des finances. - Difficile de vous donner l'avis de la commission, elle n'a pas pu se réunir !
Mme Laurence Rossignol. - C'est moche...
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Nous vivons des temps étonnants : le turbo rabot est de sortie, et le grippe-sou de Bercy rédige nuitamment, des amendements...
Avis de sagesse. À titre personnel, j'y serais favorable. Mais je déplore le manque de cartésianisme non pas de la ministre, mais du Gouvernement. D'un côté, on annonce la suppression de la mesure de réduction de 4 000 postes d'enseignants, de l'autre on prévoit 52 millions d'euros de rabot en plus ! Où est la cohérence ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Exactement !
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Cette mesure, qui réjouit sans nul doute Mme la ministre, a tout de même dû la surprendre aussi. (Mme Élisabeth Borne sourit.)
Nous avions réussi à trouver un consensus, puisque nous avions fait passer la mesure de 4 000 suppressions de postes à 2 000, en la faisant financer par des crédits du pacte Enseignant.
Mme Marie-Pierre Monier. - Nouveau coup de rabot, donc, qui s'ajoute aux 170 millions d'euros déjà votés avant la censure. Au total, 222 millions d'euros ont disparu pour notre école. C'est inacceptable.
Ce manque de considération pour la représentation nationale est d'autant plus choquant que nous ne sommes pas assurés que les 4 000 postes seront bien rétablis.
En 2024, 683 millions d'euros ont été ponctionnés sur le budget de l'éducation nationale par décret, prélevés sur la réserve de précaution. On nous avait dit que cela n'aurait aucun impact. Mais les personnels et les élèves en ont fait les frais : baisse de l'enveloppe consacrée aux heures supplémentaires, amputation des frais de déplacement pénalisant les psychologues - Dieu sait pourtant s'ils sont nécessaires depuis le Covid -, non-reconduction de contrats d'enseignants non titulaires, conduisant à des défauts de remplacement. Nous ne pourrons pas voter cet amendement.
Mme Colombe Brossel. - On aurait pu espérer que, pour le budget de l'éducation, premier budget de la nation, sujet qui nous rassemble, aucun amendement du Gouvernement n'arrive deux heures avant l'examen des crédits pour en diminuer le montant. C'est inacceptable, sur le fond comme sur la forme.
Cet amendement prévoit de baisser de 18 millions d'euros le programme « Vie de l'élève » ; mais sur quoi les prend-on ? Sur les fonds pour l'inclusion, sur les fonds sociaux, sur ceux alloués à la formation des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), sur l'internat ?
La dernière fois que le Gouvernement - précédent - a joué avec le budget de l'éducation nationale, des contractuels n'ont pu continuer à intervenir devant les classes ; il a fallu donner des autorisations en urgence aux recteurs pour les réembaucher. Ne jouez pas avec le budget de l'éducation nationale ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Les enseignants n'ont eu d'autre choix que de faire grève en décembre dernier, faute d'avoir été entendus par votre prédécesseur.
Vous vous présentez en sapant 52 millions d'euros supplémentaires de la mission « Enseignement scolaire », par un amendement déposé quelques heures avant notre débat. Méthode inacceptable et irrespectueuse, pour les parlementaires, mais aussi pour nos concitoyens, à qui vous disiez que le budget de l'enseignement scolaire serait sanctuarisé !
L'enseignement scolaire public paiera le plus lourd tribut de ce coup de rabot. Or il ne peut diversifier ses recettes, contrairement au privé.
Les changements multiples de ministre de l'éducation nationale cachent mal la constance des logiques utilitaristes qui vous animent et vous conduisent à saigner l'école publique !
M. Max Brisson. - Je comprends pourquoi l'éducation nationale avait besoin d'une ancienne Première ministre, ministre d'État. Vous proposez une réduction de budget de 52 millions d'euros, il fallait effectivement du talent pour la défendre !
Le calendrier est très intéressant. Chers collègues, à votre place, je me dirais : « Je me suis fait avoir ». (M. Claude Raynal s'exclame.)
Vous avez annoncé, enfin, la pluriannualité de la carte scolaire - je vous en remercie - et d'autres mesures intéressantes sur l'école inclusive. Nous en reparlerons.
En revanche, vous revenez beaucoup trop sur le choc des savoirs de votre prédécesseur. Vous avez annoncé que le brevet des collèges ne déterminera plus le passage au lycée, je le regrette. Quel curieux pays, où l'on pose des diagnostics par des évaluations, sans jamais délivrer d'ordonnance en cas de risque de décrochage ! C'était une bonne décision du gouvernement Attal, dommage que vous y renonciez.
M. Laurent Lafon. - Je ne reviendrai pas sur la méthode. On pourrait dire la même chose à chaque mission...
Qu'y a-t-il de nouveau par rapport à notre discussion d'avant la censure ? L'amendement de 52 millions d'euros présenté à l'instant par la ministre et l'absence de la suppression de 4 000 postes. Il m'a semblé que nos collègues socialistes et écologistes étaient favorables à cette dernière annonce, or ils n'en parlent pas...
Le budget de l'éducation nationale s'élève à 63 milliards d'euros. La baisse des crédits est de 52 millions d'euros... On peut crier au scandale sur la méthode, mais il faut relativiser les choses.
Mme Laurence Rossignol. - Madame la ministre, peut-être allez-vous m'éclairer : quels crédits financent les cours d'éducation à la vie relationnelle et sexuelle ? Sont-ce ceux du programme 230 « Vie de l'élève » ? Vous vous êtes engagée à ce que ces cours aient bien lieu. Les établissements scolaires doivent disposer des moyens nécessaires.
Mme Monique de Marco. - Vous êtes la cinquième ministre de l'éducation nationale en un an. Les annonces ont été nombreuses. Gabriel Attal disait que l'éducation nationale est la mère des batailles.
Vu que les 4 000 postes ne sont plus supprimés, selon l'engagement du Premier ministre, je m'attendais à un budget en augmentation. Ce n'est pas le cas. Quels sont exactement les dispositifs qui seront supprimés à la suite de cette baisse des crédits de 52 millions d'euros ? Il nous faut des précisions pour affûter notre vote. Quoi qu'il en soit, je voterai contre cet amendement.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Je rassure Max Brisson : toutes les mesures pour relever le niveau des élèves dans nos écoles ont été annoncées par Gabriel Attal, ministre de l'éducation nationale, quand j'étais Première ministre. Par définition, je les soutiens. Je partage, comme nous tous, la préoccupation relative au niveau de nos élèves. Et je suis déterminée à agir pour le relever.
Jamais dans son histoire, le brevet des collèges n'a été une condition de passage en seconde. Mais quand un conseil de classe autorise un passage au lycée et que l'élève rate son diplôme, il faut que l'on en comprenne les raisons, pour s'assurer qu'il poursuive son parcours scolaire dans de bonnes conditions.
Madame Rossignol, en tant que Première ministre, j'avais demandé au Conseil supérieur des programmes d'élaborer un programme relatif à la vie affective, relationnelle et sexuelle, qui sera mis en oeuvre.
Mme Laurence Rossignol. - Par qui ?
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Par les personnels de l'éducation nationale.
Mme Laurence Rossignol. - Ah !
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Ils seront formés pour être à même d'enseigner ce programme dès la prochaine rentrée.
Le programme « Vie de l'élève » alimente les recrutements en assistant d'éducation (AED), les fonds sociaux et les crédits éducatifs. Je regrette que ces fonds ne soient pas suffisamment utilisés. En 2024, il y avait un an de trésorerie.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. - Tous les gouvernements, depuis que ce pays connaît des difficultés financières, nous disent qu'ils ne feront pas de coup de rabot à l'aveugle - vous y compris, comme Première ministre - ; or c'est exactement ce que vous faites !
Certes, certains opérateurs ont des trésoreries excédentaires, nous pouvons comprendre qu'on y touche. Mais on vient supprimer 52 millions d'euros sur un budget de plus de 60 milliards d'euros. Faire un débat pour ça ? Politiquement, vous perdez l'avantage acquis grâce au recul sur la suppression des 4 000 postes. Bref, vous perdez tout sur rien. Il faut refuser ce type de coup de rabot, c'est ridicule ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Monique Lubin. - Excellent !
Mme Christine Lavarde. - On n'avait pas besoin de ces 50 millions d'euros avec la version du budget votée avant la censure, puisque le Sénat avait réduit de moitié les postes supprimés - 150 millions d'euros d'économies !
Que ferez-vous des postes qui seront créés, alors que la démographie scolaire se détériore d'année en année ?
Mmes Marie-Pierre Monier, Laurence Rossignol et Colombe Brossel. - Le nombre d'élèves par classe !
Mme Christine Lavarde. - Si nos résultats aux tests Pisa (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) s'amélioraient, d'accord, mais c'est loin d'être le cas. Dans notre version du PLF, les 50 millions d'économies figurent déjà...
L'amendement n°II-2186 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-228 de Mme de Marco et alii.
Mme Monique de Marco. - Nous souhaitons recruter 2 000 AESH supplémentaires pour assurer le bon accompagnement de nos 436 000 élèves en situation de handicap, chiffre en constante augmentation depuis le début des années 2000. Or seuls 56 % d'entre eux étaient accompagnés en 2022. Certaines AESH accompagnent jusqu'à cinq enfants.
Le recrutement d'AESH doit s'accompagner d'une revalorisation des salaires, d'une titularisation et d'une formation adaptée.
M. le président. - Amendement n°II-206 rectifié de M. Laouedj et alii.
M. Michel Masset. - Ceux qui travaillent aux côtés de nos enfants ont un travail éreintant, manquent de temps et perçoivent des salaires trop faibles. Ils méritent des conditions de travail dignes.
M. le président. - Amendement n°II-559 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - La rentrée 2024 a été marquée par des dysfonctionnements concernant la scolarité des élèves en situation de handicap. Alors que seule la moitié d'entre eux sont accompagnés, réduire de 4 000 à 3 000 le nombre d'emplois d'AESH créés à la rentrée serait lourd de conséquences. Augmentons le nombre d'AESH !
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Chacun y va de son chiffre. Or ce budget propose déjà la création de 2 000 postes d'AESH.
M. Thomas Dossus. - Ce n'est pas assez !
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Le budget de l'école inclusive est de 4,5 milliards d'euros. Le nombre d'AESH a été multiplié par quatre depuis 2017, il va atteindre 135 000 ! Pas de mauvais procès au Gouvernement, qui fait des efforts. Retrait.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Nous sommes évidemment tous attentifs à la poursuite du déploiement de l'école inclusive, enjeu majeur. Nous devons pouvoir créer les PAS pour soutenir le travail des AESH. Avançons sur le sujet.
Nous travaillerons aussi sur l'attractivité des métiers, notamment par la CDisation. Nous devons proposer un véritable parcours de carrière aux AESH. Avis défavorable.
M. Max Brisson. - Lorsque vous étiez Première ministre, nous avons débattu avec Gabriel Attal du fait que le ministère devait piloter davantage l'école inclusive.
Nous célébrons cette année le vingtième anniversaire de la loi de 2005. Il faut tout remettre à plat. (Mme Élisabeth Borne le confirme.) Les AESH sont toujours en situation précaire. Ce sujet mérite un vrai débat, et des propositions ; bref, un autre véhicule législatif.
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Je ne voterai pas ces amendements, compte tenu de l'effort du Gouvernement pour créer 2 000 postes d'AESH.
Mais cela ne suffira pas. Grâce au texte de Cédric Vial, nous avons augmenté les moyens dédiés à l'accompagnement des élèves en situation de handicap sur la pause méridienne, mais il n'y a toujours pas d'accompagnement sur le temps périscolaire. Or il est compliqué pour les mamans d'interrompre leur activité professionnelle...
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Parfois, ce sont les papas !
Mme Marie-Do Aeschlimann. - ... pour aller chercher leur enfant à 16 h 30, car ensuite leur enfant n'a plus d'AESH.
Voyons ce qui se passera avec les PAS, et envisageons de moderniser les processus au sein des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Un accompagnant pour cinq enfants, c'est impossible. Poursuivez vos efforts, madame la ministre.
Mme Marie-Pierre Monier. - Il faut voter ces amendements pour améliorer la situation de ces enfants. Il n'y a aucune solution de remplacement. Une mère m'écrit que son enfant, atteint de trouble autistique, n'est pas accompagné par un AESH depuis plus de trois mois. Les AESH sont écartelés entre plusieurs élèves, et font des kilomètres, pour un salaire en dessous du seuil de pauvreté. Évaluez les Pial (pôles inclusifs d'accompagnement localisé), qui ont eu un effet délétère, avant de généraliser les PAS.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Il faut voter ces amendements. Certains entendent l'effort du Gouvernement, nous, les besoins du terrain, la détresse des professionnels, la solitude des enseignants démunis qui doivent accueillir ces élèves à part, les inclure dans leurs enseignements, rassurer leurs familles - bref, assurer le service public alors que rien n'est fait pour les aider.
M. Marc Laménie. - Les AESH jouent un rôle considérable. Cédric Vial a déposé une proposition de loi, adoptée à l'unanimité, à ce sujet. Les associations, les collectivités territoriales et l'État participent au financement des AESH. Quel dilemme ! Je comprends cet amendement. Il faudrait trouver une solution adaptée.
M. Michel Masset. - Il faut investir en faveur des AESH. Cela dit, dans un esprit de compromis, je retire mon amendement au profit de l'amendement n°II-228.
L'amendement n°II-206 rectifié est retiré.
L'amendement n°II-228 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°II-559.
M. le président. - Amendement n°II-560 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Les statuts du métier d'AESH sont abscons. Temps partiels subis, rémunération indigne, renouvellement du contrat non garanti : c'est le métier de la précarité. Les primes REP et REP+ sont inférieures de 36 % à celles qui sont allouées aux autres catégories d'agents, et calculées au prorata de la quotité travaillée, alors qu'il s'agit majoritairement de temps partiels.
Les Pial répondent uniquement à une logique de mutualisation, pas de meilleure prise en charge des élèves.
Nous proposons de créer un corps de fonctionnaires de catégorie B. L'école inclusive est l'une des facettes de l'école de la République, ce n'est pas une option.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Le métier d'AESH est le deuxième métier de l'éducation nationale, avec 135 000 personnes. Les handicaps sont très variés, et la principale difficulté est de gérer l'inclusion d'enfants dits hautement perturbateurs. Le système en vigueur n'est pas optimal : 60 heures de formation, c'est insuffisant.
Max Brisson a ouvert la voie : il faut une nouvelle loi sur l'inclusion, sans tabou. Refuser l'extension de certaines structures spécialisées - Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique (Itep), instituts médico-éducatifs (IME) - a eu des effets néfastes.
Mme Colombe Brossel. - C'est vrai.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Nous n'avons pas assez investi. Pour autant, créer un corps n'est pas la bonne solution.
Il y a eu un progrès : quasi-CDI pour tous, revalorisations salariales. Soixante millions d'euros de plus dans ce PLF, ce n'est pas parfait, mais c'est un petit mieux.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Il faut une approche globale de l'école inclusive : répondre aux prescriptions des MDPH, revenir sur la disposition relative à la répartition des rôles, censurée. Les PAS auront pour objectif d'identifier la bonne réponse à apporter à chaque élève. Cela suppose la poursuite des dispositifs Ulis et la création de places en IME. Avec Charlotte Lecoq-Parmentier, nous y travaillerons.
La déprécarisation des AESH est en cours. Entre 2023 et 2024, ils ont été revalorisés de 13 %, nous avons créé une grille de progression, et CDIsé deux tiers d'entre eux. Le budget inclusion a plus que doublé depuis 2017, à 4,6 milliards d'euros.
Beaucoup reste à faire, il est vrai. Cela dit, créer un corps de fonctionnaires suppose que les missions des AESH soient exercées à temps plein. Ce n'est pas la bonne voie. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°II-560 n'est pas adopté.
M. Claude Raynal, président de la commission de la commission des finances. - Nous reprenons l'examen de la mission « Éducation ». Nous tablions sur un rythme d'examen de 25 amendements à l'heure, or nous faisons du cinq à l'heure. (Mme Élisabeth Borne s'en amuse.) À ce rythme, l'examen des dernières missions s'achèvera à l'aube. Que chacun s'astreigne à la concision - cela vaut aussi pour les réponses de Mme Borne. (Rires)
M. le président. - Amendement n°II-434 de Mme Monier et du groupe SER.
Mme Marie-Pierre Monier. - En 2023, seules 85 % des notifications pour une scolarisation en Ulis étaient couvertes ; l'année dernière, nous étions tombés à 83 %. Il manque 1 088 dispositifs Ulis en France, et nous n'atteindrons pas la couverture totale avant 2031. Pour 44 millions d'euros, nous pourrions accompagner l'ensemble des élèves.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Des efforts importants ont été réalisés, mais on peut faire mieux. Ne diminuons pas le nombre de sections d'enseignement général et professionnel adapté (Segpa), qui sont utiles pour certains jeunes. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Le PLF 2025 prévoit 300 nouveaux dispositifs Ulis. Renoncer à supprimer 4 000 postes nous permettra d'avancer sur ce sujet. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°II-434 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-435 de Mme Monier et du groupe SER.
Mme Marie-Pierre Monier. - Les crédits de formation des AESH, déjà faibles en 2024, sont divisés par deux en 2025. De plus, la formation débute plusieurs mois après la prise de fonction : ils en sont réduits à s'autoformer, voire à financer eux-mêmes leur formation continue ! Il faut une formation adéquate pour répondre aux besoins des enfants ; cela ne s'improvise pas.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Retrait, même si la formation actuelle n'est pas satisfaisante.
Je rappelle que les enseignants demandent des formations, en vain.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Mme Genetet avait cherché à avancer les formations des AESH dans le temps ; ce n'est pas un problème de crédits, mais d'organisation.
L'amendement n°II-435 n'est pas adopté.
L'amendement n°II-578 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°II-129 rectifié bis de M. Brisson et alii.
M. Max Brisson. - Chaque année, je défends cet amendement d'appel... Je rêve que l'éducation nationale améliore sa gestion des ressources humaines. On nomme dans les établissements les plus difficiles les professeurs les plus jeunes, les moins chevronnés.
Je propose des contrats de mission limités dans le temps, qui mobiliseraient des professeurs volontaires pour répondre à des besoins éducatifs particuliers, dans les quartiers de la politique de la ville comme dans des établissements de grande ruralité. En contrepartie, une meilleure rémunération pendant la mission, et la mutation souhaitée à son issue.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Je demande l'avis du Gouvernement. Il s'agit d'attirer des professeurs grâce à une rémunération supérieure, comme dans les zones d'éducation prioritaire.
M. Max Brisson. - Cela va au-delà !
M. Olivier Paccaud. - C'est vrai. Cela dit, l'amendement est très coûteux - 180 millions d'euros - et imprécis. À quel niveau gérer cette répartition ? Recteurs ? Directeurs académiques des services de l'éducation nationale (Dasen) ? Il y a néanmoins une piste à creuser.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Mes services réfléchissent à une refonte du système de mobilité et d'affectation, qui doit être concertée avec les organisations syndicales. Je veux développer les ouvertures de postes à profil. Il faut poursuivre les concertations engagées sur la formation des enseignants. Nous aurons l'occasion de reprendre ce débat. Retrait.
M. Max Brisson. - J'espère que les choses auront suffisamment avancé l'an prochain pour que je n'aie pas à le représenter.
L'amendement n°II-129 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-227 de Mme de Marco et alii.
Mme Monique de Marco. - La garantie individuelle du pouvoir d'achat (Gipa) offre une rémunération supplémentaire minimale aux fonctionnaires dont le traitement brut indiciaire sur les quatre dernières années a évolué moins vite que l'inflation. Revenons sur la suppression de cette garantie et accordons les crédits nécessaires.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Qui a dit « si les gouvernements précédents avaient amélioré les salaires des enseignants, nous n'en serions pas là » ? François Bayrou ! (On s'en amuse à gauche.) C'est un peu calamiteux... (M. Laurent Lafon s'exclame.)
Même si 13,5 milliards d'euros ont été consacrés aux revalorisations entre 2021 à 2025, cela reste très insuffisant. Les enseignants français sont parmi les moins bien payés d'Europe. Retrait, même si sur le fond, vous avez raison.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - La Gipa est un dispositif interministériel, sa suppression a été décidée au niveau interministériel. En période de faible inflation, très peu d'agents sont concernés. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°II-227 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-569 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Nous souhaitons abonder les programmes bénéficiant aux élèves allophones. Selon l'Unicef, seuls 8 % des enseignants en France se disent préparés pour enseigner en milieu plurilingue, contre 28 % en moyenne dans les pays de l'OCDE.
En 2022-2023, 40 951 enfants allophones étaient scolarisés dans le premier degré, soit une augmentation de 16 % par rapport à l'année précédente, déjà marquée par l'arrivée d'enfants ukrainiens. Leur nombre augmente constamment, or les budgets dédiés ne suivent pas.
Pour enseigner, il faut pouvoir communiquer avec l'enfant. Quand un élève allophone s'inscrit dans une dynamique de réussite, c'est une impulsion pour toute la classe.
M. le président. - Amendement n°II-443 de Mme Brossel et du groupe SER.
Mme Colombe Brossel. - On ne parle jamais des élèves allophones. Leur nombre augmente, mais les moyens ne suivent pas.
Pour que l'école donne réellement à chacun la possibilité de s'émanciper et de s'intégrer, il faut augmenter les moyens !
M. le président. - Amendement n°II-444 de Mme Brossel et du groupe SER.
Mme Colombe Brossel. - Même chose pour le second degré.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - L'intégration passe d'abord par la maîtrise de la langue, c'est certain.
Dans son rapport de 2023, Gérard Longuet rappelle qu'il existe une source de financement : les fonds européens spécifiquement destinés à l'enseignement de la langue du pays d'accueil. Je suggère au ministère de s'y intéresser. Demande de retrait.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Je partage votre préoccupation. Nous avons prévu de former davantage les professeurs. Pas moins de 1 500 enseignants du premier degré sont formés à l'apprentissage du français seconde langue. Nous poursuivrons cet effort, je l'ai dit aux organisations syndicales. Retrait, sinon avis défavorable, car satisfait.
L'amendement n°II-569 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°sII-443 et II-444.
M. le président. - Amendement n°II-561 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.
Mme Marianne Margaté. - La démocratisation du sport passe par l'école. L'émancipation corporelle devrait être un droit garanti, or elle régresse. Avoir décrété l'activité physique et sportive « grande cause nationale » de l'année 2024 n'a pas changé grand-chose.
Il faut renforcer l'EPS - donc recruter davantage de professeurs. Or les places au concours ont diminué de 20 % entre 2017 et 2023. Nous proposons de recruter 1 500 professeurs d'EPS supplémentaires.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - J'aime beaucoup les professeurs de sport, mais il y en a 30 000 en France, contre 29 000 professeurs d'histoire-géographie. Retrait ?
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°II-561 n'est pas adopté.
L'amendement n°II-607 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°II-568 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Les enseignants du premier degré nommés dans les territoires ultramarins sont le plus souvent originaires de l'Hexagone, or ces élèves nécessitent un enseignement adapté aux spécificités locales. À La Réunion, un quart des jeunes de 16 à 25 ans ne maîtrisent ni la lecture ni l'orthographe en français. Le français est la langue officielle, mais pas la plus parlée. D'où la nécessité de former les enseignants du primaire au créole, et d'ouvrir davantage de classes bilingues.
Si l'on ne s'adresse pas à un enfant dans sa langue maternelle à l'école maternelle, on pourra difficilement l'inscrire dans les apprentissages. Former les enseignants au créole mettra les enfants en confiance et rassurera les enseignants, démunis.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Bonne question, d'autant que les crédits de la formation sont sous-consommés. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Je partage cette préoccupation. Le ministère encourage l'enseignement des langues étrangères et régionales, d'autant que le bilinguisme favorise le développement cognitif et l'apprentissage de langues nouvelles. Cette compétence relève des recteurs d'académie.
Dans l'académie de La Réunion, il y a un enseignement de la langue créole et du français, via un plan pluriannuel. Idem en Martinique.
Retrait, sinon avis défavorable, car satisfait.
M. Dominique Théophile. - Cette mesure ne coûte pas bien cher, mais donne de vrais résultats - on le voit aux Antilles. Votons cet amendement, cela facilitera la tâche des recteurs.
L'amendement n°II-568 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-489 de Mme de Marco et alii.
Mme Monique de Marco. - Cent mille élèves suivent un enseignement bilingue en langue régionale, principalement dans le privé. Il convient d'augmenter les moyens qui y sont consacrés dans les établissements publics du second degré, plus rares à le proposer. Ainsi, l'enseignement de l'euskara est en plein développement à l'école, mais les élèves doivent souvent l'abandonner une fois au collège ou au lycée.
La loi Molac de 2021 l'a montré, les 82 langues minoritaires et régionales que compte la France sont porteuses d'une histoire et d'une culture qu'il faut préserver et transmettre.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Quel est l'avis du Gouvernement ? Je suppose que Max Brisson réagira, en tant que défenseur de la belle langue basque. (Sourires)
Cela dit, il ne faut pas mettre toutes les langues régionales à la même enseigne. Le picard est de moins en moins parlé ; son enseignement à l'université vient d'être supprimé, faute d'étudiants. Certaines langues, au contraire, sont très vivantes.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - L'amendement est satisfait, le code de l'éducation prévoit déjà le développement de l'apprentissage des langues régionales dans les régions où elles sont en usage. On le voit dans l'académie de Bordeaux, pour l'occitan et le basque, ou pour le créole dans l'académie de La Réunion.
Au total, 168 000 élèves suivent cet enseignement, et ils sont des milliers à prendre l'option au baccalauréat.
Retrait, sinon avis défavorable.
M. Max Brisson. - Je suis d'accord avec Mme de Marco - cela n'arrive pas tous les jours. (Sourires)
Des progrès ont certes été réalisés pour l'enseignement des langues régionales, surtout dans le primaire, mais les obstacles demeurent. La réforme du bac l'a déstabilisé au lycée : la spécialité existe, mais ne la suivent que ceux qui se destinent à l'enseignement... Il reste beaucoup à faire dans le second degré.
Quid du financement de l'Office public de la langue basque ? (Mme Élisabeth Borne sourit.) Rouvrons ce dossier ! Le président Lafon a souhaité une évaluation de la loi Molac, territoire par territoire, car il y a des inégalités de mise en oeuvre. Nous voulons asseoir l'enseignement des langues régionales au coeur de l'école et au coeur de la République !
L'amendement n°II-489 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-487 de Mme de Marco et alii.
Mme Monique de Marco. - Je n'ai pas compris le vote de Max Brisson sur l'amendement précédent... (M. Max Brisson lève les bras.)
L'expérimentation Territoires éducatifs ruraux (TER) lancée en janvier 2021 peine à s'affirmer. On consacre 100 millions d'euros aux 200 cités éducatives, mais seulement 6,3 millions aux 201 TER.
Les moyens sont faibles, mais les besoins importants. Dans les territoires ruraux éloignés, 23,6 % des élèves ne poursuivent pas d'études, contre 15 % en moyenne nationale. Garantissons l'égalité des chances pour toutes et tous.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Vous avez raison : la République, c'est l'égalité des chances et des droits, partout et pour tous.
La réforme de la carte de l'éducation prioritaire voulue par Najat Vallaud-Belkacem en 2014 a créé des injustices. Les territoires ruraux sont maltraités, et les TER sont très insuffisants.
Demande de retrait, néanmoins. La solution passe par la réforme de la carte d'éducation prioritaire, promise par le ministre Blanquer... C'est urgentissime. Il y a une vraie misère scolaire dans les zones rurales.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Élue d'une circonscription rurale, je mesure les inégalités de chance dont souffrent les enfants de ces territoires. Malgré un taux d'encadrement supérieur à la moyenne, le taux de poursuite d'études y est moins bon.
Les financements du ministère sont les mêmes pour les cités éducatives et les TER, mais d'autres financeurs interviennent pour les premières.
Le budget 2025 consacre 1 million d'euros de plus aux TER. Demande de retrait, au bénéfice d'un travail en commun sur l'égalité des chances, y compris dans le rural profond, selon une approche globale.
M. Max Brisson. - Mme de Marco a raison. (Surprise et amusement à gauche)
Mme Colombe Brossel. - Quelle soirée ! (Sourires)
M. Max Brisson. - Les TER ne sont pas à la hauteur de l'enjeu. Vingt-cinq maires ruraux de mon département y ont cru : lorsqu'ils ont vu les moyens prévus, ils ont été très en colère ! On est loin du niveau de financement des cités éducatives.
Je vous renvoie au rapport de Laurent Lafon sur les territoires de l'éducation. D'ailleurs, notre commission va se pencher à nouveau sur ces questions : ruralité, carte de l'éducation prioritaire, différenciation en fonction des besoins éducatifs particuliers. Malgré tout, je ne voterai pas l'amendement de Mme de Marco - je m'en expliquerai dans les couloirs. (Sourires ; on s'en amuse à gauche.)
L'amendement n°II-487 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-564 de Mme Corbière Naminzo et alii.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Alors que 50 % des agriculteurs partiront à la retraite d'ici dix ans, il faut augmenter les effectifs de l'enseignement agricole pour assurer le renouvellement des générations.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Demande de retrait.
Vous reprenez des données du syndicat national de l'enseignement technique agricole public (Snetap-FSU) sur la baisse du nombre d'enseignants. Je n'ai pas les mêmes chiffres. Le ministère peut-il m'éclairer ?
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - L'enseignement agricole relève de Mme Genevard. Cela dit, je partage la préoccupation d'assurer le renouvellement des générations d'agriculteurs. Les effectifs progressent régulièrement dans les formations agricoles et celles des métiers du paysage, de l'aménagement et de la forêt. À la rentrée 2024, il y avait 1,2 % d'élèves en plus dans les lycées agricoles. Avec 19,6 élèves par classe en moyenne, le nombre d'enseignants est adapté aux besoins. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Marianne Margaté. - Le PLF 2025 prévoit 18 millions d'euros en moins, soit 25 postes en moins dans les lycées agricoles publics et 20 dans les lycées privés. En Seine-et-Marne, le lycée agricole de Brie-Comte-Robert ne pourra ouvrir les deux classes prévues cette année. C'est dommage pour la pérennité de nos exploitations agricoles.
L'amendement n° II-564 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-446 de Mme Monier et du groupe SER.
Mme Marie-Pierre Monier. - Cet amendement rétablit les 196 emplois supprimés dans l'enseignement agricole depuis 2019.
Le projet de loi d'orientation agricole à venir fixe un objectif très ambitieux d'augmentation de 30 % du nombre d'apprenants à l'horizon 2030. Comment le tenir si nous ne prévoyons pas d'ores et déjà un renforcement des effectifs enseignants ? Le rapport de 2021 de Nathalie Delattre montre que les suppressions d'emplois depuis 2009 ont bloqué les ouvertures de classes et ont obligé à revoir le seuil de dédoublement.
M. le président. - Amendement n°II-566 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Défendu.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Retrait.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Même avis.
Mme Marie-Pierre Monier. - La direction générale de l'enseignement et de la recherche du ministre de l'agriculture a confirmé une baisse de 30 000 heures de la dotation globale horaire, l'équivalent de 45 ETP. Cela interroge, à trois titres : on anticipe l'issue de la discussion budgétaire ; on fait fi de l'objectif fixé par le projet de loi d'orientation agricole de 30 % d'apprenants en plus d'ici à 2030 ; on remet en cause l'offre de formation en BTS agricole. Un geste du Gouvernement serait bienvenu pour soutenir l'enseignement agricole, pépite de nos territoires.
L'amendement n° II-446 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°II-566.
M. Claude Raynal, président de la commission. - Le rythme s'est un peu amélioré... Il reste plus de 30 amendements à traiter en une demi-heure à la reprise : je propose d'octroyer 30 minutes supplémentaires. Mais au bout d'une heure, les amendements restants seront reportés à la fin de la soirée.
La séance est suspendue à 20 heures.
Présidence de M. Alain Marc, vice-président
La séance reprend à 21 h 30.
M. le président. - Amendement n°II-492 de Mme de Marco et alii.
Mme Monique de Marco. - Pour renouveler les générations en agriculture et réaliser la transition écologique, les établissements agricoles publics sont essentiels. Nous leur donnons un soutien financier supplémentaire.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Retrait. Dotons plutôt les régions, dont il dépendent !
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°II-492 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-448 de Mme Monier et du groupe SER.
Mme Marie-Pierre Monier. - Défendu.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Retrait.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°II-448 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-593 rectifié de M. Daubet et alii.
M. Michel Masset. - Nous voulons garantir un enseignement moral et civique (EMC) à tous les élèves de l'enseignement agricole, d'une demi-heure hebdomadaire en seconde, première et terminale. Ne laissons pas perdurer cette inégalité avec l'enseignement général.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Retrait. Cet enseignement peut être assumé par les professeurs d'histoire-géographie via un redéploiement d'heures.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Je le confirme. Le ministère de l'agriculture est pleinement engagé sur ces sujets. L'EMC a été intégré au tronc commun du bac professionnel depuis trois années. Il a été renforcé dans les classes de CAP agricole. Votre amendement est satisfait : retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°II-593 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-490 de Mme de Marco et alii.
Mme Monique de Marco. - Nous voulons annuler la suppression de crédits dédiés aux élèves en situation de handicap dans l'enseignement agricole.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Le PLF ne prévoit aucune baisse de moyens pour l'inclusion scolaire dans l'enseignement agricole. Le passage à une gestion académique suppose que les crédits soient suivis sur les dépenses de masse salariale de chaque ministère. Retrait.
L'amendement n°II-490 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-565 de Mme Evelyne Corbière Naminzo et alii.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Nous proposons de créer dix-huit postes dans les services académiques, de sorte qu'il y ait un coordonnateur par service régional. Ces services, fragilisés ces dernières années, ont de nombreuses missions - handicap, animation des réseaux régionaux, coopération internationale, développement des pôles d'excellence... - qu'ils ne peuvent assumer à effectifs constants.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Quel est l'avis du Gouvernement sur cette granularité fine de l'enseignement agricole ?
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Je ne partage pas votre analyse sur le manque de moyens, tant pour les enseignants que pour les administratifs. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°II-565 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n° II-447 de Mme Monier et du groupe SER.
Mme Marie-Pierre Monier. - Pour retrouver des conditions pédagogiques normales, nous demandons de rétablir les quinze ETP supprimés en 2019, nécessaires aux travaux pratiques.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Retrait.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°II-447 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-594 rectifié de M. Daubet et alii.
M. Michel Masset. - Cet amendement réduit l'écart de financement de 697 euros par agent entre les assistants d'éducation de l'éducation nationale et de l'enseignement agricole. Les établissements compensent souvent cet écart sur leurs fonds propres. Assurons des conditions de travail équitable.
M. Olivier Paccaud, rapporteur. - Je ne dispose pas des mêmes informations... Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Votre amendement est satisfait. Nous avons fait un effort significatif en 2022.
M. Michel Masset. - Je vous crois sur parole, madame la ministre.
L'amendement n°II-594 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-204 rectifié quater de M. Laouedj et alii.
M. Michel Masset. - La médecine scolaire manque de moyens, ce qui a des conséquences sur la santé des élèves. La Cour des comptes dénonçait en 2020 le ratio de 0,6 infirmière pour 1 000 élèves, bien loin de la recommandation de l'OMS qui est de 1 pour 500 élèves. Cet amendement permet de nouveaux recrutements.
M. le président. - Amendement identique n°II-440 rectifié de Mme Brossel et du groupe SER.
Mme Colombe Brossel. - L'amendement n°II-442 augmente le nombre d'assistants sociaux et l'amendement n°II-441 celui des médecins scolaires. Huit enfants sur dix n'ont jamais vu de médecin scolaire ! Je connais par avance vos arguments : on n'arrive pas à recruter. Mais les élèves n'ont pas à subir la procrastination générale. Nous connaissons tous la spirale infernale : des métiers mal rémunérés ou dont les conditions de travail ne sont pas acceptables ne sont pas attractifs, et on finit par ne plus créer de postes.
Je refuse le défaitisme. Sortons de l'argument absurde de la démographie scolaire ! Je salue le maintien des 4 000 postes que nous avons obtenu ; faisons de même pour la médecine scolaire.
M. le président. - Amendement n°II-230 rectifié bis de Mme de Marco et alii.
Mme Monique de Marco. - Le rapport de l'Assemblée nationale de mai 2023 a souligné les difficultés du système de santé scolaire, en raison du manque de personnel. Nous voulons recruter 5 000 infirmiers pour répondre aux besoins grandissants des élèves.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Retrait, même si la médecine scolaire pose un vrai problème. Il y a eu des revalorisations salariales (M. Thomas Dossus et Mme Monique de Marco protestent) et des recrutements. Le pire, c'est pour les médecins scolaires.
Nous envisageons parfois de transférer la compétence aux départements, c'est une piste à creuser.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Même avis. Je partage votre appréciation sur les enjeux de santé scolaire. Les infirmières touchent 200 euros nets supplémentaires depuis mai dernier - 500 euros en plus au total depuis 2020 -, mais le métier manque d'attractivité.
Il était prévu de lancer des assises de la santé scolaire. Je vais reprendre ce projet. Mon collègue Yannick Neuder est également mobilisé sur ce sujet.
Les amendements augmentant les effectifs de moitié, voire de deux tiers, ne sont pas réalistes. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Marc Laménie. - Je partage le fond de ces amendements, la santé scolaire et la prévention. J'ai souvenir, dans mon enfance, que nous avions des visites médicales. Mais 210 millions d'euros, c'est beaucoup. J'irai dans le sens du rapporteur.
Madame la ministre, j'insiste néanmoins pour que vous trouviez des solutions. C'est fondamental.
M. Max Brisson. - Très bien !
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Nous voterons ces amendements. Il faut être à la hauteur des besoins du terrain. Outre son rôle dans la prévention, la médecine scolaire lutte contre le harcèlement scolaire, les violences sexuelles et sexistes, les violences intrafamiliales.
Madame la ministre, lisez les procès-verbaux des conseils d'administration des établissements scolaires : les parents dénoncent le manque d'infirmières. Les enfants devraient avoir le droit de dire qu'ils sont malades, même s'il n'y a pas d'infirmière dans l'établissement.
Mon fils, collégien, s'est vu accusé de dormir en classe alors qu'il avait 40 de fièvre, tout cela parce qu'il n'y avait pas d'infirmière scolaire.
Les amendements identiques nosII-204 rectifié quater et II-440 rectifié sont adoptés.
(Applaudissements sur les travées du GEST, du groupe SER et du RDSE)
L'amendement n°II-230 rectifié bis n'a plus d'objet.
M. le président. - Amendement n°II-233 rectifié de Mme de Marco et alii.
Mme Monique de Marco. - Depuis 2017, 500 postes de psychologues scolaires ont été supprimés, alors que chacun a en charge 1 500 élèves, d'après la Cour des comptes. Michel Barnier avait déclaré que la santé mentale serait grande cause nationale en 2025... Nous proposons de recruter 500 psychologues supplémentaires.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Retrait.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°II-233 rectifié est adopté.
(Applaudissements à gauche.)
M. le président. - Amendement n°II-442 de Mme Brossel et du groupe SER.
Mme Colombe Brossel. - Défendu.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Retrait.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°II-442 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-236 rectifié de Mme de Marco et alii.
Mme Monique de Marco. - Cet amendement garantit aux villes délégataires en santé scolaire une juste compensation de leurs efforts. Leur engagement repose surtout sur leurs ressources.
M. le président. - Amendement identique n°II-452 de Mme Daniel et du groupe SER.
Mme Marie-Pierre Monier. - Défendu.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Retrait. Ces villes sont délégataires parce qu'elles l'ont choisi. Il serait incohérent de demander une compensation.
Creusons l'expérimentation du transfert de la santé scolaire aux départements, car ces villes ont prouvé qu'on pouvait faire mieux.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Ces villes ont fait ce choix, depuis la IIIe République, parce qu'elles en ont les moyens : Paris, Lyon, Bordeaux, Nantes, Strasbourg... Faisons surtout attention aux territoires en déficit. Retrait, sinon avis défavorable.
À la demande du groupe Les Républicains (exclamations à gauche), les amendements identiques nosII-236 rectifié et II-452 sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°158 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l'adoption | 115 |
Contre | 226 |
Les amendements identiques nosII-236 rectifié et II-452 ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°II-441 de Mme Brossel et du groupe SER.
Mme Colombe Brossel. - Défendu.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Retrait.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°II-441 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-105 rectifié de Mme Tetuanui et alii.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Il n'existe aucune structure pour prendre en charge l'autisme en Polynésie française.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Demande de retrait. En Polynésie française, la compétence scolaire dépend du pays.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Je m'engage à y travailler.
L'amendement n°II-105 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-128 rectifié bis de M. Brisson et alii.
M. Max Brisson. - Cet amendement d'appel invite à poursuivre les travaux engagés avec l'excellente loi de Cécile Rilhac sur les directeurs d'école, qui n'ont pas assez d'heures de décharge, pas de protection fonctionnelle, et qui méritent un statut correspondant à leurs responsabilités. Ils sont irremplaçables.
M. le président. - Amendement identique n°II-545 rectifié de Mme Billon et alii.
M. Laurent Lafon. - Défendu.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - C'est un formidable amendement d'appel. (Rires) Depuis la loi Rilhac, il est vrai que nous sommes au milieu du gué... Mais nous n'avons pas beaucoup de moyens dans le contexte actuel. Retrait.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Je rends hommage à l'engagement des directeurs et directrices d'école, dont le rôle est essentiel. La loi Rilhac était une première étape. Nous devons poursuivre le travail ensemble. Retrait.
M. Max Brisson. - J'espère que je n'aurai pas à redéposer l'amendement l'année prochaine...
Les amendements identiques nosII-128 rectifié bis et II-545 rectifié sont retirés.
L'amendement n°II-209 rectifié n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement identique n°II-433 de Mme Brossel et du groupe SER.
Mme Colombe Brossel. - Le Gouvernement a choisi de mettre fin au fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP). Or ce choix affectera les 1 500 communes qui ont choisi de conserver la semaine de quatre jours et demi pour rendre aux élèves la demi-journée de classe qui leur avait été enlevée.
Sénatrice depuis un an, j'ai eu le temps d'interroger trois ministres de l'éducation nationale sur ce sujet. Tous m'ont dit qu'ils allaient se concerter avec les associations et les élus. Rien n'a été fait.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Retrait. Le FSDAP doit s'éteindre de sa belle mort en septembre prochain. Les communes concernées ont été informées et n'en ont pas tenu compte.
Mme Colombe Brossel. - Sans concertation !
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Même avis. Ce fonds a été conçu pour être transitoire. Un quart est consacré à quelques grandes collectivités, non dépourvues de moyens pour accompagner nos enfants. Je m'efforcerai de mieux respecter les engagements pris par mes prédécesseurs (Mme Colombe Brossel apprécie.)
À Mayotte, il faudra trouver des solutions. Retrait.
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°II-433 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°159 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l'adoption | 115 |
Contre | 226 |
L'amendement n°II-433 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-485 de Mme de Marco et alii.
Mme Monique de Marco. - Les fonds sociaux, qui accompagnent les familles pour payer la cantine ou les fournitures scolaires, ont vu leurs montants baisser de 10,5 millions d'euros depuis 2017. Rétablissons-les au niveau antérieur !
M. le président. - Amendement n°II-445 de Mme Brossel et du groupe SER.
Mme Colombe Brossel. - Défendu.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Quel est l'avis du Gouvernement ? Le montant inscrit au PLF 2025 est le même qu'en 2024. Les montants des bourses sont en outre supérieurs de 19 millions d'euros. Vos demandes semblent satisfaites.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Je le confirme. Nous sommes plutôt confrontés à un problème de non-recours à ces fonds sociaux. Je suis fière, dans ce contexte, que nous ayons instauré l'automatisation du versement des bourses. Retrait, sinon avis défavorable.
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°II-485 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°160 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Pour l'adoption | 115 |
Contre | 206 |
L'amendement n°II-485 n'est pas adopté.
L'amendement n°II-445 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-436 de Mme Monier et du groupe SER.
M. Adel Ziane. - Nous souhaitons rétablir des crédits de la loi de finances initiale pour 2024, à hauteur de 10 millions d'euros, permettant aux lycées professionnels situés en quartiers prioritaires de la ville de proposer des modules optionnels à leurs élèves de terminale.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Retrait. La réforme de la voie professionnelle a pris en compte ces modules.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Je le confirme. Alors Première ministre, j'avais décidé cette mesure à l'occasion d'un comité interministériel de la ville. La réforme de la voie professionnelle a été engagée entre-temps, intégrant ce sujet. Retrait.
L'amendement n°II-436 est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-483 de Mme de Marco et du groupe SER.
Mme Monique de Marco. - Afin de répondre au besoin de prévention du harcèlement scolaire et d'aide aux victimes, cet amendement finance l'intervention au sein des écoles d'associations spécialisées.
En septembre 2023, Gabriel Attal, alors ministre de l'éducation nationale, avait annoncé l'expérimentation de cours d'empathie qui devaient être généralisés. Mais les cours de vie scolaire et l'intervention d'enseignants, dont ce n'est ni le rôle ni la formation, ne suffisent plus.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Il est préférable de confier aux enseignants cette mission, même si l'intervention d'associations peut être positive ponctuellement. Retrait.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Je partage cet avis. C'est à l'éducation nationale de former son personnel. Dans ce domaine, nous consacrons 30 millions d'euros à l'indemnisation des 17 000 référents harcèlement et 150 emplois à temps plein, assistés par 400 agents. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Monique de Marco. - J'accepte de retirer l'amendement pour éviter un scrutin public, mais les enseignants considèrent qu'ils ne sont pas assez formés pour le faire.
L'amendement n°II-483 est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-205 rectifié de M. Laouedj et alii.
M. Michel Masset. - Nous dotons le 3018 de 2 millions d'euros supplémentaires. Ce numéro offre un soutien immédiat aux jeunes confrontés aux violences en ligne - harcèlement sur les réseaux sociaux, notamment. Les associations comme Child Focus ou e-Enfance demandent son renforcement.
M. le président. - Amendement identique n°II-449 de Mme Brossel et du groupe SER.
Mme Colombe Brossel. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°II-470 de Mme Cazebonne et du RDPI.
M. Dominique Théophile. - Défendu.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - J'y suis très favorable, mais cet amendement me semble satisfait. Retrait ?
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Je le confirme. J'avais présenté en 2023 un plan interministériel de lutte contre le harcèlement. Une augmentation de financement était prévue, partagée entre l'éducation nationale et un autre ministère, que je ne citerai pas, qui n'a pas pris sa part. Les moyens nécessaires ont néanmoins été dégagés. Avis défavorable.
M. Michel Masset. - Nous serons satisfaits après le vote... (Sourires)
À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nosII-205 rectifié, II-449 et II-470 sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°161 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l'adoption | 135 |
Contre | 206 |
Les amendements identique nosII-205 rectifié, II-449 et II-470 ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°II-79 rectifié de Mme Ollivier et alii.
M. Thomas Dossus. - La circulaire du 13 juin 2023 n'a malheureusement pas redynamisé les classes découverte. Créons un fonds de soutien.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Avis défavorable.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Je vous rejoins sur les bienfaits des classes découverte. Mais il ne faut pas mélanger les rôles. Les collectivités territoriales dotent les établissements, l'État intervient dans les cités éducatives et les territoires les plus fragiles. C'est un bon équilibre. Retrait, sinon avis défavorable.
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°II-79 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°162 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l'adoption | 135 |
Contre | 206 |
L'amendement n°II-79 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°II-471 rectifié n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°II-80 rectifié de Mme Ollivier et alii.
M. Thomas Dossus. - Nous avons assisté ces derniers mois, y compris dans cet hémicycle, à une offensive réactionnaire contre l'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (ARS) ; finançons une campagne de communication à ce sujet.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Avis défavorable. L'ARS est du ressort des enseignants. Trois heures annuelles sont prévues, même s'il est vrai qu'elles ne sont pas toujours effectuées. Une campagne de communication à ce sujet agiterait beaucoup de fantasmes des deux côtés - « réactionnaires » et « progressistes ».
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Nous mettrons en oeuvre ce programme sur lequel le Conseil supérieur des programmes (CSP) a travaillé. Son contenu sera publié prochainement. Nous y formerons nos professeurs dans les meilleurs délais. Tous nos élèves devront pouvoir en bénéficier. C'est un enjeu de formation, non de communication : retrait, sinon avis défavorable.
Mme Marie-Pierre Monier. - Nous sommes dans une période de régression inquiétante. Les associations font état de difficultés grandissantes pour mener leurs actions dans les collèges et les lycées qui anticipent une réaction des parents, comme les membres des collectifs réactionnaires tels que Parents vigilants. La pertinence du programme d'éducation à la relation affective et sexuelle est même remise en question par certains de nos collègues.
Notre rapport de 2022 relatif aux mesures éducatives, écrit avec Max Brisson et Annick Billon, recommandait de « lutter contre les stéréotypes de genre associés à certains enseignements » - mais c'est peut-être déjà trop wokiste pour Max Brisson ?
Les séances d'éducation à la vie sexuelle et affective sont une obligation légale. (Mme Colombe Brossel applaudit.)
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°II-80 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°163 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l'adoption | 98 |
Contre | 226 |
L'amendement n°II-80 rectifié n'est pas adopté.
Les crédits de la mission « Enseignement scolaire », modifiés, sont adoptés.
La séance est suspendue quelques instants.
Économie (Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen des crédits de la mission « Économie » et du compte spécial « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » du projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025.
Examen des crédits de la mission et du compte spécial (Suite)
Article 42 (Économie) - État B (Suite)
M. le président. - Amendement n°II-2187 du Gouvernement.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. - Nous proposons des mesures de redressement, pour 26,6 millions d'euros, afin d'atteindre la cible de déficit de 5,4 % fixée par le Premier ministre, en complément de l'amendement n°II-820 adopté par le Sénat.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale de la commission des finances. - Cet amendement ayant été déposé quelques heures avant l'examen en séance publique, la commission n'a pu se réunir. Sagesse, donc.
La méthode du Gouvernement n'est pas respectueuse du Parlement. Les explications sont succinctes. De plus, le plan France Très haut débit a déjà fait l'objet de coupes massives l'an dernier. Comment le Gouvernement compte-t-il respecter ses engagements sur le déploiement de la fibre en 2025 en procédant à de tels coups de rabot ?
Faisons les comptes : moins 26 millions d'euros ici, moins 52 millions sur l'éducation, moins 130 millions sur la culture, moins 123 millions sur le sport, moins 283 millions sur l'agriculture et moins 700 millions à venir sur le logement ! Ces coupes sont cavalières et irresponsables. Elles ne correspondent pas à ce que nous avions convenu avec Bercy. Le torticolis, cher Max Brisson, vaut aussi pour la droite !
M. Max Brisson. - La censure est passée !
Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - Au total, moins 1,4 milliard d'euros, sans concertation !
M. Jean-Jacques Michau. - Prendre des crédits sur le plan France Très haut débit, c'est envoyer un mauvais signal aux territoires ruraux.
Où prendrez-vous les crédits du programme 305 ? Sur la Banque de France, sur la Direction générale du Trésor, sur l'Agence des participations financières de l'État, ou sur l'économie sociale et solidaire ?
Je rappelle que nous avions voté, juste avant la censure, un amendement du Gouvernement ajoutant 10 millions d'euros...
M. Olivier Rietmann. - M. Lombard a déclaré hier que la priorité des entreprises françaises devait être la transition écologique, et qu'elles devaient accepter d'être moins rentables. Or il n'y a pas un centime d'argent public qui ne vienne des entreprises : charges sociales, impôts sur les sociétés, etc. Prétendre redresser les finances publiques avec des entreprises moins rentables, cela ne va pas être facile !
Mme Antoinette Guhl. - Il y a de la marge !
M. Olivier Rietmann. - Et allez expliquer aux investisseurs étrangers que l'objectif des entreprises n'est pas la rentabilité !
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Je suis très attachée au plan France Très haut débit, car le numérique repose sur l'infrastructure. Ses crédits s'élèvent à près de 250 millions d'euros. Il n'est pas question de ralentir. Le Gouvernement soutient l'innovation et les entreprises.
L'amendement n°II-2187 est adopté.
L'amendement n°II-398 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°II-617 de Mme Guhl et alii.
Mme Antoinette Guhl. - Restaurons le Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (Fisac), en le dotant de 30 millions d'euros pour aider les artisans et petits commerces, notamment dans leur transition numérique. Les programmes Action coeur de ville et Petites Villes de demain sont trop restreints. Dans sa sagesse, le Sénat avait voté cet amendement de façon transpartisane l'an dernier.
Défendons ceux qui font vivre nos centres-villes et le lien social.
M. le président. - Amendement identique n°II-1117 de M. Gay et du groupe CRCE-K.
Mme Marianne Margaté. - Défendu.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - La commission est réservée sur ce rétablissement. Pour ma part, je défends le Fisac depuis sa création. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Le Fisac a été mis en extinction par la loi de finances pour 2019. D'autres dispositifs, plus ciblés, sont plus efficaces : le programme de transformation des zones commerciales, le programme de reconquête du commerce rural, les aides directes à la modernisation et à l'accessibilité des régions, le fonds de restructuration des locaux d'activité et le programme de soutien au commerce rural. Avis défavorable.
Les amendements identiques nosII-617 et II-1117 ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°II-116 rectifié bis de Mme Guhl et alii.
Mme Antoinette Guhl. - Deux exemples justifient cet amendement : Duralex et Bergère de France. Nous créons un fonds de 20 millions d'euros, dédié à la reprise d'entreprises par des salariés sous forme de coopérative, afin de lever les freins liés au coût de transmission et limiter les risques juridiques. Certains exemples de reprise ont été un succès, comme UpCoop, anciennement Chèques déjeuner.
M. le président. - Amendement n°II-880 de Mme Blatrix Contat et du groupe SER.
Mme Florence Blatrix Contat. - Notre amendement diffère par son montant : 5 millions. L'obstacle principal à ce type de reprise sous forme de coopérative est financier.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - La commission estime que ce n'est pas judicieux dans un contexte budgétaire contraint. Des dispositifs fiscaux facilitant la reprise d'entreprises existent - un crédit d'impôt et un abattement fiscal. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Retrait, sinon avis défavorable. Le Gouvernement est investi sur le sujet du partage de la valeur. Il existe déjà un cadre fiscal et social avantageux.
Ma collègue Véronique Louwagie mènera une mission sur l'économie sociale et solidaire (ESS) en mars, avant d'organiser une conférence des financeurs pour mieux mettre à contribution les banques, dont Bpifrance, et les assureurs. La Cour des comptes a également lancé une mission d'évaluation de la politique de soutien de l'État à l'ESS.
Mme Antoinette Guhl. - L'avantage fiscal ne permet pas aux salariés de reprendre une entreprise. Les salariés de Duralex ont dû trouver 10 millions d'euros. Bpifrance prêtait 6 millions d'euros à un fonds d'investissement pour racheter Duralex et seulement 600 000 euros aux salariés !
L'amendement n°II-116 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°II-880.
M. le président. - Amendement n°II-308 de M. Redon-Sarrazy au nom de la commission des affaires économiques.
M. Jean-Jacques Michau, au nom de la commission des affaires économiques. - Il s'agit de restaurer la part étatique du financement des pôles de compétitivité, à hauteur de 9 millions d'euros. Cette contribution représente en moyenne un tiers du financement public des pôles de compétitivité. Sa suppression brutale risque de condamner certains de ces pôles, pourtant si utiles sur nos territoires.
M. le président. - Amendement identique n°II-574 rectifié de M. Chaize et alii.
Mme Micheline Jacques. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°II-844 rectifié quarter de M. Piednoir et alii.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Défendu.
L'amendement identique n°II-1033 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement identique n°II-1601 de M. Cozic et Mme Espagnac au nom de la commission des finances.
M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Le désengagement de l'État est incompréhensible, alors même que le Gouvernement veut réindustrialiser le pays. Pourquoi un tel rabot sur une politique publique vectrice de croissance ?
M. le président. - Amendement n°II-110 rectifié bis de Mme Laure Darcos et alii.
M. Marc Laménie. - Les pôles de compétitivité, créés en 2005, jouent un rôle fondamental dans le développement économique et l'innovation. À l'initiative de Laure Darcos, il s'agit de maintenir le financement de l'État à hauteur de 9 millions d'euros.
M. le président. - Amendement identique n°II-1021 de M. Buval et alii.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Défendu.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - Avis favorable aux amendements identiques nosII-308, II-574 rectifié, II-844 rectifié quater et II-1601. C'est un enjeu de souveraineté industrielle. Suivez-nous madame la ministre ! Demande de retrait des amendements nosII-110 rectifié bis et II-1021.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Il ne s'agit pas de remettre en cause ce dispositif, mais d'opérer une transition de modèle. Nous sommes conscients des économies demandées aux pôles - 160 000 euros en moyenne. Depuis 2019, l'État ne les finance plus directement, à l'exception du ministère des armées : tous les financements transitent désormais par les régions. Avis défavorable.
Mme Antoinette Guhl. - Le GEST votera cet amendement. Nous soutenons les pôles de compétitivité, mais aussi les pôles territoriaux de coopération, qui sont leur pendant en économie sociale et solidaire.
M. Emmanuel Capus. - La réponse du Gouvernement n'est pas satisfaisante. L'État s'est engagé par convention sur le financement de la cinquième phase. Je rends mon amendement identique aux autres.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Moi aussi.
M. Jean-François Rapin. - Que veut dire la ministre ? Que le Gouvernement a négocié avec les régions la compensation du financement qui était apporté par l'État ? Ou que les pôles de compétitivité ne servent à rien ? Tous les ans, il faut se battre pour leur maintien ! À Boulogne-sur-Mer, le pôle de compétitivité sur la pêche témoigne de leur excellence.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Les discussions continuent pour trouver un compromis. Le contexte budgétaire nous impose de réfléchir à de nouveaux modèles.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - Mais la ligne budgétaire est supprimée ! À quoi bon discuter ?
Les régions ne sont pas capables de compenser le désengagement de l'État : en Nouvelle-Aquitaine, nous avons dû trouver 150 millions d'euros en quinze jours...
Des conventions ont été signées sur chaque territoire. L'État doit tenir sa parole.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Bravo !
Les amendements identiques nosII-308, II-574 rectifié, II-844 rectifié quater, II-1601 et II-110 rectifié ter et II-1021 rectifié sont adoptés.
M. le président. - À l'unanimité ! (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe INDEP)
M. le président. - Amendement n°II-370 de Mme Espagnac.
Mme Frédérique Espagnac. - Il s'agit du financement de l'Agence française de normalisation (Afnor). Les normes volontaires sont un outil indispensable au développement des entreprises en France et à l'international. Elles constituent un repère important pour les consommateurs et permettent à la France de rayonner.
La subvention à l'Afnor a été réduite de 30 %. Nous demandons son rétablissement, avec 4 millions d'euros.
L'amendement identique n°II-681 rectifié ter n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement identique n°II-924 rectifié quater de M. Lemoyne et alii.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - C'est un objectif partagé sur différents bancs. Dans notre monde hypercompétitif, la norme fait le marché. Mario Draghi nous a d'ailleurs invités à mettre les bouchées doubles. L'Afnor est le réacteur nucléaire de la stratégie française en matière de normalisation. Mais nous sommes talonnés, notamment par la Chine. Voyez le rapport que j'ai rédigé avec Marie-Noëlle Lienemann sur l'intelligence économique.
M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Retrait. Je vous rejoins sur l'importance de la normalisation pour la compétitivité de notre économie et la souveraineté de la France. La Cour des comptes a rappelé l'importance de l'Afnor, qui a dégagé des résultats positifs entre 2017 et 2023 : elle n'a pas besoin de plus d'argent public.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Avis défavorable. Nous attachons beaucoup d'importance à la normalisation, mais la situation financière de l'Afnor est saine et ses ressources sont en croissance. Elle pourra supporter cet effort, qui est demandé à l'ensemble des opérateurs.
M. Michel Masset. - Pour continuer à jouer dans la cour des grands, nous avons besoin de l'Afnor, sans augmenter les normes. Maintenons ce lien public à l'Afnor.
M. Olivier Rietmann. - Ne confondons pas norme et normalisation. La norme met des boulets aux pieds de nos entreprises, la normalisation fait d'elles des entreprises de pointe, concurrentes sérieuses des entreprises américaines ou chinoises qui ont beaucoup moins de normes que nous. Il y a deux ans, j'ai publié un rapport sur la nécessaire sobriété normative. Je voterai cet amendement.
Les amendements identiques nosII-370 et II-924 rectifié quater sont adoptés
(Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe INDEP)
M. le président. - Amendement n°II-1038 de M. Gay et du groupe CRCE-K.
Mme Marianne Margaté. - Nous rappelons notre attachement à l'Institut national de la consommation (INC) et au magazine 60 millions de consommateurs. Entre 2012 et 2020, l'INC a vu sa subvention passer de 6,3 à 2,7 millions d'euros, ce qui risque de mettre à mal l'indépendance du magazine, seul titre totalement neutre à l'égard des acteurs économiques. Mais l'État cherche désormais un repreneur... C'est d'autant plus incompréhensible qu'en 2024, un plan de transformation avait appuyé la transformation numérique du magazine et la création de nouveaux supports.
Augmentons l'abondement de l'État de 3,2 millions d'euros.
M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Je demande le retrait de cet amendement d'appel, même si la commission partage votre inquiétude sur la situation financière de l'INC.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Demande de retrait. Le précédent gouvernement avait prévu un plan de rebond de 10 millions d'euros sur quatre ans. Mais, malgré les plans d'économies et les efforts des salariés, la situation reste complexe et la nature d'établissement public est trop contraignante. Le budget du plan de rebond sera réorienté pour garantir l'équilibre financier de l'INC et trouver un repreneur à ce formidable outil.
L'amendement n°II-1038 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-313 de Mme Noël, au nom de la commission des affaires économiques.
M. Jean-Jacques Michau, au nom de la commission des affaires économiques. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°II-455 rectifié de Mme Espagnac.
Mme Frédérique Espagnac. - Nous voulons sauver le label Entreprise du patrimoine vivant (EPV). La sous-budgétisation de la ligne est catastrophique pour ces entreprises locales, non délocalisables et souvent familiales. Ce sont 60 000 emplois induits et un chiffre d'affaires de 14,2 milliards d'euros - dont plus de la moitié réalisée à l'export. On compte 1 034 entreprises actuellement détentrices du label. Ce sont les pépites de nos territoires. Portons la ligne budgétaire à 1,5 million d'euros.
M. le président. - Amendement identique n°II-700 rectifié ter de M. Lemoyne et alii.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Je me réjouis aussi de cet amendement transpartisan, pour que les crédits pour les EPV soient rétablis à un niveau décent, celui de 2024.
Le Gouvernement a des mots aimables pour les EPV, qui sont inscrits dans la stratégie nationale des métiers d'art. Et on nous parle de doubler le nombre d'entreprises labellisées, pour qu'il y en ait 2 500. Je pense à la Compagnie Dumas, à Tonnerre, à la moutarderie Fallot à Dijon ou encore à l'atelier Makhila Ainciart Bergara à Larressore. (M. Max Brisson renchérit.)
Mme Frédérique Espagnac. - ... et le linge Moutet au Pays basque !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Le Gouvernement prévoit 200 000 euros, c'est royal... (Mme Anne-Sophie Romagny rit.) Le moindre conseil départemental pourrait aligner cette somme ! Allons jusqu'à 1,5 million d'euros, conformément au marché passé par Bercy ! (Mme Frédérique Espagnac renchérit.) L'État doit être au rendez-vous de ses promesses.
M. le président. - Amendement identique n°II-1088 rectifié bis de Mme Billon et alii.
M. Emmanuel Capus. - Il s'agit de défendre les EPV, qui défendent notre patrimoine et qui sont des fleurons dans leurs domaines.
Les entreprises ont besoin de visibilité et de sécurité financière et juridique. L'État s'est engagé via un accord-cadre sur plusieurs années. Qu'il respecte sa parole ! (Mme Anne-Sophie Romagny renchérit.)
M. le président. - Amendement n°II-491 rectifié ter de M. Lemoyne et alii.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - C'est un amendement de repli.
M. le président. - Amendement n°II-1089 rectifié de Mme Billon.
M. Emmanuel Capus. - C'est également un amendement de repli.
M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Sagesse. Il y a un risque de contentieux pour l'État si le marché est rompu. Quel est l'avis du Gouvernement ? Quel risque, quel montant engagé le cas échéant ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Retrait, sinon avis défavorable. La question juridique est en cours d'analyse et nous réfléchissons à un redéploiement pendant le dialogue de gestion. L'effort demandé est de 1 900 euros par entreprise.
Mme Frédérique Espagnac. - J'encourage mes collègues à voter cet amendement. Un marché public a été passé. Un contentieux aurait des conséquences financières peut-être supérieures : c'est absurde. Ces pépites font notre fierté.
M. Emmanuel Capus. - Excellent !
M. Marc Laménie. - J'irai dans le sens des auteurs de l'amendement. Nous avons tous des EPV sur nos territoires : chez moi, dans les Ardennes, une fonderie d'art, ainsi que la seule fabrique de colorants naturels française. Certes, c'est peu d'emplois, mais cela a une valeur symbolique.
M. Olivier Rietmann. - Madame la ministre, vous nous dites que vous réfléchissez, que vous vous analysez. Mais nous sommes dans le monde sérieux, concret, économique : on parle de la survie de petites entreprises avec un savoir-faire particulier. (Mme Anne-Sophie Romagny renchérit.)
Chaque semaine, depuis le début de l'année 2024, 1200 emplois sont supprimés dans les TPE.
Mme Frédérique Espagnac. - Absolument !
M. Olivier Rietmann. - Et là, vous ne voulez pas 1,3 million d'euros ?
Dans le monde économique, on analyse, et on supprime après. Ici, c'est l'inverse ! Vous mettez en péril des chefs d'entreprise et des emplois. Votons ces amendements. (Mme Anne-Sophie Romagny et M. Emmanuel Capus applaudissent.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Le Réseau Excellence, qui anime le réseau des EPV, doit aussi être soutenu. Ne l'oubliez pas en gestion !
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Nous avons conscience de la situation de ces entreprises, mais aussi de la situation budgétaire du pays, d'où la recherche des meilleurs équilibres. (Mme Anne-Sophie Romagny proteste.)
Les amendements identiques nosII-313, II-455 rectifié, II-700 rectifié ter et II-1088 rectifié bis sont adoptés.
Les amendements nosII-491 rectifié ter et II-1089 rectifié n'ont plus d'objet.
M. le président. - Amendement n°II-623 rectifié de M. Chaize et alii.
Mme Micheline Jacques. - Suivant les conclusions du rapport sur l'investissement dans les start-up, nous augmentons les crédits du programme French Tech Tremplin, pour permettre à des personnes éloignées de l'entrepreneuriat de créer leur start-up. C'est un amendement d'appel.
M. le président. - Amendement identique n°II-1019 de M. Buval et alii.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Défendu.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - Demande de retrait de cet amendement d'appel, compte tenu du contexte budgétaire contraint. C'est un sujet important, mais pas prioritaire.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Je salue le travail du sénateur Chaize sur ces sujets.
J'ai moi-même dirigé la mission French Tech pendant trois ans. Nous sommes engagés à toujours accompagner les entrepreneurs issus des quartiers défavorisés. Plus de 2 000 entrepreneurs ont été accompagnés depuis la création du programme. Je sais aussi qu'il n'a pas besoin de plus de financements pour réaliser un accompagnement de qualité.
Les amendements identiques nosII-623 rectifié et II-1019 sont retirés.
M. le président. - Amendement n°II-619 rectifié de M. Chaize et alii.
Mme Micheline Jacques. - Nous souhaitons augmenter les moyens alloués aux bourses French Tech à destination des femmes, alors que seulement une start-up du Next 40 est dirigée par une femme. Il faut renforcer la féminisation du secteur de l'innovation. Il s'agit de soutenir le plan d'accompagnement financier du Gouvernement pour former 10 000 jeunes filles aux métiers de la Tech.
M. le président. - Amendement identique n°II-1018 de M. Buval et alii.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Défendu.
M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Encourager la féminisation du secteur de l'innovation est certes important, mais cet enjeu ne peut être réglé par un amendement de crédits en PLF. D'autres dispositifs existent : la garantie Égalité Femmes facilite l'accès aux prêts bancaires pour les femmes porteuses de projets d'entreprises innovantes. Retrait ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Je me suis personnellement investie dans la féminisation de la technologie. Les dispositifs sont nombreux, mais les chiffres ne bougent effectivement pas assez vite. Nous devons continuer à travailler sur ce sujet fondamental. Le programme TechPourToutes est financé, un financement supplémentaire n'est pas nécessaire. Retrait, sinon avis défavorable.
Les amendements identiques nosII-619 rectifié et II-1018 sont retirés.
M. le président. - Amendement n°II-877 rectifié de M. Michau et du groupe SER.
M. Jean-Jacques Michau. - Cet amendement vise à rehausser de 600 000 euros l'enveloppe dévolue aux monnaies locales, qui soutiennent l'économie locale dans un cadre écologique et accélèrent la transition numérique des TPE-PME. Il faudrait que l'État finance à hauteur de 2 millions d'euros par an les monnaies locales pour qu'elles changent d'échelle. Nous ne demandons que 600 000 euros.
Un paiement en monnaie locale génère entre 25 % et 55 % de revenus supplémentaires sur le territoire par rapport à un paiement en euros. Les professionnels voient leur chiffre d'affaires augmenter de 9 à 12 % du fait de la fidélisation de la clientèle.
M. le président. - Amendement n°II-881 Mme Blatrix Contat et du groupe SER.
Mme Florence Blatrix Contat. - Amendement de repli, à hauteur de 300 000 euros, pour aider les associations de monnaie locale à recruter, communiquer, etc.
M. le président. - Amendement n°II-878 de Mme Blatrix Contat et du groupe SER.
Mme Florence Blatrix Contat. - Autre amendement de repli, à hauteur de 100 000 euros, pour financer la numérisation des monnaies locales. La digitalisation au Pays basque a été un véritable accélérateur, les échanges ont été multipliés par dix.
M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - En décembre dernier nous avons déjà adopté un amendement à 10 millions d'euros en faveur de l'économie sociale et solidaire (ESS). La commission comprend l'intention de ces amendements d'appel, mais en demande le retrait.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Avis défavorable. La création de monnaies complémentaires locales est encadrée par la loi du 31 juillet 2014. Il n'est pas pertinent de les développer davantage, la seule monnaie officielle restant l'euro. Évitons de donner un signal de fragmentation.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Les monnaies locales sont un bel outil pour l'ESS, inspirant.
À La Réunion, territoire abîmé par la vie chère et les économies de monopole, nous savons qu'une monnaie locale pourrait être un contre-pouvoir. Nous travaillons en ce sens.
Nous voterons pour ces amendements, car c'est un vote pour La Réunion, contre les économies de monopole.
M. Max Brisson. - Madame la ministre, j'ai trouvé votre réponse sèche. Elle sera mal reçue par les acteurs des territoires et leur restera en travers de la gorge. Je voterai ces amendements.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Merci de le souligner. Ce n'était pas mon intention.
Mme Florence Blatrix Contat. - Certes, les crédits de l'ESS ont augmenté de 10 millions d'euros mais après une baisse drastique. Je m'inscris en faux avec le terme « fragmentation » : les monnaies locales sont complémentaires de l'euro et sont un formidable outil de développement local. (M. Max Brisson renchérit.)
L'amendement n°II-877 rectifié est adopté.
(Applaudissements sur les travées du GEST et du RDSE)
En conséquence, les amendements nosII-881 et II-878 n'ont plus d'objet.
Les crédits de la mission « Économie », modifiés, sont adoptés.
Après l'article 64
M. le président. - Amendement n°II-874 de Mme Blatrix Contat et du groupe SER.
Mme Florence Blatrix Contat. - Nous voulons créer un document de politique transversale, ou orange budgétaire, consacré à l'ESS afin de regrouper dans un document unique tous les crédits publics alloués à cette politique. L'objectif est double : plus de transparence, et plus d'efficacité, grâce à un suivi et une évaluation rigoureux.
Madame la ministre a annoncé une conférence des financeurs. Un rapport de la Cour des comptes est attendu. Maxime Baduel, délégué ministériel à l'ESS, travaille à l'adoption d'un orange budgétaire. Il est temps d'avancer. Cet amendement ne coûte rien.
M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Par habitude, la commission des finances est réservée sur la multiplication des documents de politique transversale. Demande de retrait.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Sagesse. (M. Thierry Cozic s'en amuse.) La rédaction d'un nouveau document budgétaire consacré à l'ESS semble pertinente. Nous ne sommes pas en mesure de quantifier le soutien de l'État au secteur. Pourtant, un rapport de 2023 remis au Parlement a montré l'ampleur de ce soutien : plus de 10 milliards d'euros. Plus de 105 programmes y concourent. Surtout, nous manquons de visibilité sur les moyens alloués par les collectivités territoriales, très engagés en faveur de l'ESS.
M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Au regard des explications de la ministre : retrait, avec sagesse... (Mme Antoinette Guhl applaudit.)
J'aurais aimé avoir un tel avis du Gouvernement sur les pôles de compétitivité !
L'amendement n°II-874 est adopté et devient un article additionnel.
Article 44 (Crédits du compte spécial)
Les crédits du compte spécial « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » sont adoptés.
La séance est suspendue quelques instants.
Travail, emploi et administration des ministères sociaux (Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen des crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » du projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025.
Examen des crédits de la mission (Suite)
Article 42 - État B
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi . - La procédure est inédite. L'examen des crédits de la mission a débuté le 3 décembre et a été interrompu le même jour à 20 heures, alors que des amendements de crédits avaient déjà été adoptés.
Depuis le 3 décembre, le contexte politique économique et financier a évolué. La position du Gouvernement a évolué en conséquence.
Des économies supplémentaires sont proposées.
Quelque 2,6 milliards d'euros d'économies étaient prévues initialement, effort rehaussé de 675 millions d'euros par un amendement du Gouvernement adopté par le Sénat, portant le total des économies à 3,3 milliards d'euros.
Le Gouvernement propose aujourd'hui 800 millions d'euros supplémentaires d'économies, en AE et en CP.
Or le Sénat avait déjà adopté des mesures d'économies, le plus souvent avec un avis défavorable du Gouvernement, en raison de leurs paramètres ou de leur intensité.
Le Gouvernement a donc déposé un amendement pour demander un nouvel effort. Ces nouvelles économies reposent sur une réduction de l'enveloppe financière du plan d'investissement dans les compétences (PIC) en 2025, sur la mise à disposition des contrats aidés et de dispositifs d'insertion et d'accès à l'emploi, sur des mesures d'ajustement des niveaux de prise en charge (NPEC) de l'apprentissage et sur des mesures de rationalisation d'achat et de meilleure adéquation de l'offre de formation aux besoins.
Le Gouvernement ne souhaite pas aller au-delà de ces 800 millions d'euros supplémentaires.
Pour l'aide à l'embauche des apprentis, on en reste aux économies prévues par le texte initial, à savoir un montant de 1,2 milliard d'euros.
Idem sur les NPEC, d'autant plus que le rendement de la nouvelle campagne de baisse sera sans doute inférieur aux campagnes précédentes, en raison de la baisse du taux de marge des centres de formation d'apprentis (CFA).
Pour concrétiser l'effort de 800 millions d'euros, tout en tenant compte des baisses de crédits adoptées au Sénat, de 1,3 milliard d'euros en AE et de 1,2 milliard d'euros en CP, l'amendement du Gouvernement vise à ouvrir 521 millions d'euros en AE et 371 millions d'euros en CP.
Cependant, compte tenu des questions de procédure évoquées, cet amendement du Gouvernement a été retiré.
M. le président. - Amendement n°II-495 rectifié ter de M. Bazin et alii.
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°II-534 rectifié bis de Mme Jacquemet et alii.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Défendu.
L'amendement identique n°II-789 rectifié n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement identique n°II-1069 rectifié de Mme Lubin et du groupe SER.
Mme Monique Lubin. - Cet amendement rehausse les crédits du dispositif de contractualisation insertion-emploi avec les départements pour l'accompagnement des bénéficiaires du RSA.
Si j'ai bien compris - mais vous me réexpliquerez, madame la ministre - vous allez nous demander des sacrifices supplémentaires...
Où seront les crédits pour réintégrer les 500 postes de France Travail ?
L'amendement n°II-1136 rectifié n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°II-496 rectifié ter de M. Bazin et alii.
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°II-535 rectifié bis de Mme Jacquemet et alii.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Défendu.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial de la commission des finances. - Demande de retrait.
Ces crédits ne sont pas nécessaires. L'entrée en vigueur de la réforme de France Travail sera progressive, tout comme la prise en charge des titulaires du RSA. Ensuite, il serait plus judicieux d'augmenter les crédits des départements. Enfin, le Gouvernement s'est engagé à ne pas diminuer les 500 ETP.
La question est plutôt celle du plafond d'emplois que d'un financement.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Nous travaillons étroitement avec Départements de France sur ce sujet et avons eu des échanges constructifs avec leurs président et vice-président, MM. Sauvadet et Bierry.
La contractualisation portera sur les années 2025 à 2027.
Nous avons aussi souhaité porter une attention particulière aux départements pilotes. À Villefranche-de-Rouergue, dans l'Aveyron, j'ai pu constater le travail remarquable mené par le département et France Travail.
Environ 400 000 allocataires du RSA se verront proposer un accompagnement intensif dès 2025, similaire à celui qu'auront connu les 75 000 bénéficiaires de l'expérimentation.
Nous sanctuariserons la dotation de l'État pour France Travail, conformément à nos engagements envers l'Unédic. De plus, il n'y aura pas non plus de réduction d'effectifs. France Travail se trouvera conforté dans son travail d'accompagnement des bénéficiaires du RSA.
Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Marie-Do Aeschlimann. - J'insiste : les départements sont confrontés à des difficultés financières. Cependant, prenant acte des explications de la ministre, je retire mes amendements.
Les amendements nosII-495 rectifié ter et II-496 rectifié ter sont retirés, de même que les amendements nosII-534 rectifié bis et II-535 rectifié bis.
Mme Pascale Gruny. - L'Aisne est également un territoire d'expérimentation. France Travail m'a alertée sur la baisse des effectifs dans mon département. Sans accompagnement, rien ne se fera ; il y a beaucoup de décrochage chez les jeunes - nous sommes le département qui a le taux d'illettrisme le plus élevé. Je vous alerte d'autant plus sur le sujet que, attentive aux dépenses, je ne suis pas en faveur des sureffectifs.
Mme Corinne Féret. - Pourriez-vous m'expliquer votre démarche, madame la ministre ? Quelque 3,3 milliards d'euros d'économies étaient initialement prévus jusqu'au 3 décembre. À cela, vous annoncez ce soir 800 millions d'euros d'économies supplémentaires. L'addition est lourde.
Le Premier ministre a indiqué annuler la suppression de 500 postes de France Travail, qui représentait un montant de 588 millions d'euros. Que sont devenus ces crédits ? Vos chiffres nous embrouillent.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Les 500 postes de France Travail ne sont pas supprimés. Mais ne pas supprimer, c'est en fait optimiser les postes ! Accompagner de manière personnalisée implique une baisse drastique du nombre de personnes suivies par chaque conseiller. Il faudrait en fait créer 800 emplois ! Idem pour le budget, quand on sait qu'une personne accompagnée représente un coût de 900 euros : encore une fois, vous optimisez !
France Travail n'a pas les mêmes capacités que les collectivités pour lever les freins de l'emploi. Vos mesures ne respectent pas les engagements de la loi Plein emploi.
Mme Monique Lubin. - Je maintiens mon amendement, compte tenu des coupes que les départements vont subir.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Quelques éclaircissements : le 3 décembre, l'amendement tendant à baisser de 675 millions d'euros le budget de la mission a été accepté ; le Sénat a proposé des amendements de baisse d'un montant de 1,3 milliard d'euros. Au total, cela représente 4,6 milliards d'euros d'économies.
Aussi, avec notre amendement à 800 millions d'euros, la baisse n'atteindrait que 4,1 milliards d'euros, contre 4,6 milliards d'euros si l'on avait adopté les amendements du Sénat. Pour des raisons de procédure, j'ai préféré retirer mon amendement, pour que le débat ait lieu en CMP.
En dix ans, les effectifs de France Travail ont augmenté de 10 %, alors que le chômage était en baisse : le ratio d'accompagnement est donc meilleur.
Le réseau national de l'emploi, ce n'est pas seulement France Travail, mais un collectif de l'emploi : aux côtés de France Travail il y a les missions locales, Cap emploi, les conseils départementaux, les régions, les communes. Ainsi, aux effectifs de France Travail s'ajoutent les 10 000 conseillers des missions locales et les 20 000 conseillers insertion des départements. Un agent de France Travail et un agent du conseil départemental reçoivent ensemble des bénéficiaires du RSA pour, selon le degré d'éloignement de l'emploi du demandeur, déterminer qui se chargera de l'accompagnement.
Les crédits de l'État relatif aux missions locales restent élevés, à hauteur de 600 millions d'euros, et nous ne touchons pas au contrat d'engagement jeune (CEJ).
L'amendement n°II-1069 rectifié n'est pas adopté.
Les amendements nosII-131 rectifié et II-188 rectifiéne sont pas défendus.
M. le président. - Amendement n° II-377 rectifié de M. Grosvalet et alii.
M. Michel Masset. - Repérer, accueillir, informer, orienter et accompagner les jeunes, tels sont les objectifs des missions locales. En soi, cela devrait justifier le maintien des crédits de 2024 pour cette année. Or le PLF prévoit une baisse de 5,8 %. Au nom d'une austérité budgétaire radicale, on brise notre tissu local. La jeunesse, c'est l'avenir. Encore faut-il lui donner une chance.
M. le président. - Amendement n°II-974 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.
Mme Marianne Margaté. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°II-1085 rectifié de M. Gillé et du groupe SER.
Mme Corinne Féret. - Les missions locales portent les CEJ, les coopérations avec les lycées professionnels, les parcours d'appui et d'orientation pour les jeunes. Il est primordial de préserver leur budget.
M. le président. - Amendement identique n°II-1108 rectifié de Mme Romagny et alii.
Mme Anne-Sophie Romagny. - C'est un amendement transpartisan. Les missions locales ont besoin d'un budget de fonctionnement important pour mettre en place les heures que les jeunes doivent effectuer dans leur parcours. Louer une salle en ruralité n'est pas aisé. Le budget de fonctionnement doit rester identique.
M. le président. - Amendement n°II-1091 de Mme Poncet Monge et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Nous demandons de ne pas baisser les moyens consacrés aux missions locales. Comment assurer les objectifs de la loi Plein emploi sans augmentation des effectifs ?
Le rôle des 7 500 missions locales auprès des jeunes éloignés de l'emploi est reconnu. Selon la Dares, elles sont une bonne solution pour les jeunes les moins favorisés et les jeunes ruraux, et elles maillent tout le territoire. La qualité de réinsertion des jeunes éloignés de l'emploi dépend d'un accompagnement de proximité. Il faut augmenter leur capacité d'action. (Mme Anne-Sophie Romagny renchérit.)
La coordination dont vous parlez est chronophage, madame la ministre.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Ces amendements sont défendus sur tous les bancs. Avec Sophie Taillé-Polian, j'ai rédigé un rapport sur les missions locales qui souligne le rôle essentiel des missions locales.
Cela dit, le budget est extrêmement contraint. La commission demande le retrait des amendements. La diminution concerne principalement les CP et non les AE, presque stables. De plus, le Gouvernement nous a assuré que ces baisses concerneraient surtout les missions locales qui ont une trésorerie excédentaire. Enfin, la trajectoire budgétaire des missions locales est positive : 372 millions d'euros en 2020, 623 millions d'euros en loi de finances pour 2024.
La commission des finances est très attachée aux missions locales. Nous connaissons leur rôle, alors que la situation de l'emploi est délicate et que certaines régions vont se désengager.
La proposition du Gouvernement est équilibrée, surtout si les CEJ sont préservés. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Même avis.
M. Olivier Rietmann. - Je suivrai l'avis du rapporteur, mais je vous invite à la prudence. Certes la situation budgétaire est difficile, mais la situation de l'emploi, auparavant plutôt positive, va devenir très difficile, notamment pour les PME.
Le chômage se rapprochera des 8 % dès la fin de l'année, les prévisions de croissance ne seront pas bonnes. Les missions locales seront hyper sollicitées. Nous ne pouvons sous-estimer l'impact de nos décisions, car l'année qui vient sera terrible.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Qu'est-ce qui nous garantit que les coupes ne concerneront pas indistinctement toutes les missions locales ? Les collectivités territoriales ont moins de moyens que l'an dernier et risquent se désengager.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Les signaux faibles d'un retournement de conjoncture ne datent pas d'hier. Le ministère parle d'une montée du chômage depuis janvier 2024. Nous avons alerté sur l'effet récessif de ce budget, évalué à 0,8 % de PIB par l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Sur 1,3 milliard d'économies nouvelles proposées par le Sénat, vous n'avez retenu que 800 millions d'euros ; il reste donc 500 millions d'euros pour faire en sorte que ce budget soit moins récessif et moins antisocial. Il existe bien une marge de manoeuvre pour nos amendements !
M. Michel Masset. - Lorsque j'étais maire et président d'intercommunalité, j'ai pu constater que les collectivités territoriales donnaient ce qu'elles voulaient, selon qu'elles se portent bien ou non. (Mme Anne-Sophie Romagny renchérit.)
Les communes laissent l'intercommunalité financer les missions locales, sous prétexte que la compétence leur échoit désormais, et les départements se retirent.
N'attendons pas que la situation soit critique. Les missions locales ont besoin de réserves pour anticiper l'avenir. Si l'on ajoute à ces coupes celles sur l'apprentissage, l'addition sera lourde pour la jeunesse.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - À La Réunion, qui est aussi un territoire d'expérimentation, le chômage est structurellement élevé : pour les jeunes, c'est 32 %, soit 2,5 fois plus que dans l'Hexagone ! Le taux est de 16,8 % en population générale. La situation est alarmante.
Nous expérimentons la loi Plein emploi : je suis inquiète des baisses de financement. Quelles miettes restera-t-il aux territoires ultramarins ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Monsieur Rietmann, la dégradation économique est conjoncturelle mais aussi structurelle : la grande distribution, l'automobile, la chimie connaissent des transformations profondes.
J'en suis convaincue : ce qui crée l'emploi, c'est le carnet de commandes et la confiance dans l'avenir.
Les crédits des missions locales ont augmenté de 70 % depuis 2019. Les AE resteront quasiment stables.
Nous avons tous privilégié une logique de comptage dans l'entrée de ces dispositifs comme le CEJ, et non d'évaluation. Il y a des progrès à faire. Dans l'Oise, le centre de formation d'apprentis (CFA) Promeo, a un taux d'insertion de 92 % dans l'industrie, et a encore des places disponibles. Idem à Lille dans des écoles de production... Il n'y a pas forcément une parfaite adéquation, on manque de synergie avec les missions locales.
Nous devons être vigilants, mais travailler davantage sur l'évaluation de la sortie de ces dispositifs.
J'entends l'inquiétude sur les trésoreries. La délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) travaille avec l'Union nationale des missions locales (UNML) pour identifier celles qui sont fragiles, mais aussi celles qui disposent d'un surcroît de trésorerie.
Mme Corinne Féret. - Je ne retire pas mon amendement. La situation de l'emploi des jeunes nous inquiète. Vous dites travailler avec l'UNML, madame la ministre, mais cet amendement aussi est suggéré par l'UNML, dont nous nous faisons l'écho ! (Mme Anne-Sophie Romagny renchérit.)
L'amendement n°II-377 rectifié n'est pas adopté non plus que l'amendement n°II-974.
Les amendements identiques nosII-1085 rectifié et II-1108 rectifié ne sont pas adoptés,non plus que l'amendement n°II-1091.
M. le président. - Amendement n°II-779 de Mme Féret et Lubin.
Mme Corinne Féret. - Nous proposons de conserver le volet Jeunes en rupture du CEJ (CEJ-JR), censé être remplacé fin 2025, par un appel à manifestation d'intérêt.
Le CEJ-JR est une réponse pertinente pour des jeunes cumulant des freins importants à l'accès à l'emploi. Ses volets hébergement, remobilisation et santé mentale méritent d'être renforcés.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Demande de retrait.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°II-779 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-963 rectifié de Mme Nadille et du RDPI.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Nous voulons conforter les parcours d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (Pacea) mis en place par les missions locales. Ils sont particulièrement importants dans les territoires d'outre-mer qui connaissent un fort taux de chômage - autour de 50 % chez les 15-24 ans, La Réunion exceptée. Nous souhaitions amortir la baisse prévue, en abondant ces crédits de 10 millions d'euros.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Le Pacea a été affecté par des annulations de crédit en 2024, mais ces parcours ne devraient pas spécialement être touchés l'année prochaine, si l'idée est bien de ponctionner la trésorerie des missions locales excédentaires.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Sagesse.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Mesurons ce qu'est un avis de sagesse sur des crédits budgétaires en ce moment... Cela signifie « allez-y » ! (Sourires) Au conditionnel du rapporteur, je préfère la certitude : votons ces 10 millions !
L'amendement n°II-963 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°II-635 rectifié de Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales.
Mme Pascale Gruny, au nom de la commission des affaires sociales. - Pour remédier aux manques de ligne budgétaire pour le financement des maisons de l'emploi, nous proposons d'abonder de 5 millions d'euros les crédits de l'action 2 du programme 102.
Sur le terrain, France Travail, stressée par les statistiques, se jette sur les CEJ faciles, prêts à l'emploi. Allez regarder plus précisément : les missions locales sont davantage faites pour les jeunes. (Mme Anne-Sophie Romagny le confirme.)
M. le président. - Amendement identique n°II-1067 rectifié de M. Darras et les membres du groupe SER
Mme Corinne Féret. - Défendu.
L'amendement n°II-301 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement identique n°II-967 de M. Fernique et alii.
M. Thomas Dossus. - C'est le même. Les maisons de l'emploi ont fait leurs preuves depuis 2009. L'absence de ligne budgétaire nous inquiète.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Depuis sept ans que je rapporte ce budget, cet amendement est déposé chaque année, sur tous les bancs. Avant, on demandait 10 millions et on en obtenait 5... Je préférerais avoir un budget qui intègre d'emblée la somme définitive !
Je demande l'avis du Gouvernement, dont j'attends une bonne nouvelle.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Avis favorable. (Mme Anne-Sophie Romagny s'en félicite.) Je remercie la commission des affaires sociales. Je lève le gage.
Les amendements identiques nosII-635 rectifié bis et II-1067 rectifié bis sont adoptés, ainsi que l'amendement n°II-967 bis.
M. le président. - Amendement n°II-1084 rectifié de M. Fichet et du groupe SER.
Mme Corinne Féret. - Cet amendement augmente le nombre de postes d'insertion dans les ateliers et chantiers d'insertion (ACI), qui accompagnent plus de 130 000 personnes particulièrement éloignées de l'emploi.
Avec la loi Plein emploi, 700 000 bénéficiaires du RSA supplémentaires seront inscrits à France Travail au 1er janvier 25, ce qui nécessite un accompagnement croissant.
Notre amendement crée 2 270 ETP supplémentaires en ACI, qui bénéficieront à 3 000 en parcours d'insertion.
L'amendement n°II-130 rectifié n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement identique n°II-840 de Mme Poncet Monge et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Les CP dédiés aux structures d'insertion par l'économie diminuent : moins 4% pour les entreprises d'insertion, moins 1,6% pour les ACI.
Madame la ministre, vous dites vouloir évaluer les dispositifs selon les performances à la sortie : deux tiers des personnes en entreprise d'insertion trouvent un emploi à leur sortie. Les ACI sont adaptés à un public très éloigné de l'emploi, mais reposent sur un modèle fragile : la moitié des entrants étaient au RSA.
Nous sommes pour une croissance raisonnée, cohérente avec les besoins nés de la loi Plein emploi.
L'amendement n°II-1142 n'est pas défendu.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Les crédits des ACI ont augmenté de 161 millions d'euros entre 2023 et 2024. On observe une quasi-stabilisation cette année : moins 0,2 %. Cet effort semble raisonnable. Retrait.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Ces crédits de l'insertion par l'activité économique (IAE), stables, s'élèvent à 1,5 milliard d'euros. Les ACI mobilisent 75 % de ce budget pour 47 % des ETP. C'est un dispositif essentiel.
Madame Poncet Monge, je connais votre intérêt pour les chantiers. Sur les 70 000 bénéficiaires de l'expérimentation, 30 % relevaient d'un profil social très éloigné de l'emploi. C'est à eux que ces dispositifs seront utiles. Avis défavorable.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Les entreprises d'insertion sont très insérées dans l'économie, à la différence des chantiers d'insertion. Cela montre la fragilité de ces derniers, très dépendants des subventions. Il y a une forte élasticité entre celles-ci et l'activité des ACI.
L'amendement n°II-1084 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°II-840.
L'amendement n°II-216 rectifié n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°II-1028 de Mme Ponce Monge et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Nous voulons rétablir le fonds de développement de l'inclusion (FDI), qui soutenait 4 000 structures d'insertion par l'activité économique (SIAE), employant 135 000 salariés. Sa suppression amplifie les difficultés de ces structures alors que 35 % des entreprises d'insertion ont un résultat net négatif et que 50% des ACI rencontrent des difficultés financières.
Nous regrettons l'absence de dotation du FDI depuis deux ans.
Cet amendement avait déjà été adopté dans le PLF 2024, mais n'a pas été repris dans le 49.3 ; il a été à nouveau adopté en commission des finances à l'Assemblée. Retenons-le enfin définitivement.
M. le président. - Amendement identique n°II-1074 rectifié de Mme Lubin et du groupe SER.
Mme Monique Lubin. - On voit aujourd'hui revenir ces publics éloignés de l'emploi vers les structures d'insertion, dès lors que le chômage remonte. Pourquoi supprimer ce fond alors que ces structures ont une utilité reconnue ?
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Les crédits de la mission ont énormément augmenté ces dernières années, notamment lors de la crise sanitaire. La création de ce fonds était liée à cette crise. La commission des finances souhaite revenir à la situation antérieure. Avis défavorable.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Même avis.
Les amendements identiques nosII-1028 et II-1074 rectifié ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°II-853 rectifié de M. Benarroche et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°II-1073 rectifié de Mme Lubin et du groupe SER.
Mme Monique Lubin. - Cet amendement rétablit le budget dédié au développement de la formation des salariés en insertion, en augmentant de 25 millions d'euros les crédits du plan d'investissement dans les compétences (PIC) de l'IAE, amputé de 10 millions en 2024 et de 15 millions dans ce PLF. En deux ans, c'est un quart des moyens alloués à la formation des salariés des SIAE qui aura disparu.
L'amendement n°II-132 rectifié n'est pas défendu.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Le PLF 2025 prévoit une enveloppe de 823 millions d'euros pour le PIC, en baisse par rapport à 2024. Au vu du contexte budgétaire contraint, avis défavorable. Mieux vaudrait modifier les programmes régionaux de formation et l'offre de formation de France Travail, désormais ouverts aux salariés en insertion.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Avis défavorable.
Les amendements identiques nosII-853 rectifié et II-1073 rectifié ne sont pas adoptés.
L'amendement n° II-132 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°II-1065 rectifié de Mme Lubin et du groupe SER.
Mme Corinne Féret. - Cet amendement revalorise l'aide au poste des associations intermédiaires, qui accueillent un public diversifié et construisent un projet professionnel sur mesure.
Paradoxalement, il s'agit du dispositif d'insertion le moins aidé, malgré un taux de sortie excellent et alors que ces structures accueillent majoritairement des femmes.
Il ne s'agit pas ici d'un coût mais un investissement pour le retour à l'emploi et contre la pauvreté.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Retrait.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°II-1065 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-841 de Mme Poncet Monge et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Cet amendement augmente le budget dédié à l'aide aux postes allouée aux entreprises d'insertion et aux entreprises de travail temporaire d'insertion. Plusieurs d'entre elles n'ont pas pu ouvrir de postes faute de budget.
Cela était contradictoire avec leurs résultats positifs : deux tiers des personnes accompagnées en sortent avec un emploi.
Un budget constant ne suffira pas à couvrir leurs besoins.
M. le président. - Amendement identique n°II-1075 rectifié de Mme Lubin et du groupe SER.
Mme Corinne Féret. - Défendu.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Retrait pour les mêmes raisons.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Avis défavorable.
Les amendements identiques nosII-841 et II-1075 rectifié ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°II-782 de Mme Guhl et alii.
Mme Antoinette Guhl. - Pour attirer l'attention de la droite de cet hémicycle, je dirai d'abord que cet amendement n'ajoute pas un euro au budget de l'État, mais réoriente des crédits existants, ceux alloués aux entreprises d'insertion par le travail indépendant (EITI), vers les ACI, les entreprises d'insertion, les entreprises de travail temporaire d'insertion (Etti) et les associations intermédiaires.
Les EITI exploitent le statut d'autoentrepreneur, qui n'est pas adapté aux personnes fortement éloignées de l'emploi : pas d'indemnisation de chômage, pas de protection en cas d'accident, pas de rémunération suffisante pour garantir une retraite digne...
Ce modèle aggrave les dérives bien connues des plateformes ubérisées. Depuis 2020, plusieurs dizaines de millions d'euros de fonds publics ont pourtant été injectées dans ce modèle, qui est non pas celui de l'insertion, mais de l'ubérisation !
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Avis défavorable, pour des raisons opposées à celles que j'ai exposées différemment. La fédération des entreprises d'insertion a indiqué que l'insertion par le travail indépendant pouvait s'avérer utile à certains publics, comme les mères isolées. (Mme Antoinette Guhl lève les bras au ciel.) La commission des finances souhaite donner sa chance à ce nouveau dispositif. Avis défavorable.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Avis défavorable. Une expérimentation est en cours : un décret a été publié pour améliorer le dispositif et s'assurer qu'il mène à l'autonomie professionnelle, ne maintienne pas dans le travail indépendant des personnes pour qui il n'est pas pertinent et pour faire remonter les données aux fins d'évaluation. Laissons-lui le temps d'aller à son terme. Un rapport de l'Igas est aussi attendu dans les prochaines semaines.
Mme Antoinette Guhl. - C'est un peu exagéré de parler d'un nouveau dispositif : il dure depuis 2018 - sept ans ! - sans que les parlementaires ne disposent du moindre document d'évaluation. C'est scandaleux, car des dizaines de millions d'euros sont versées à ces structures.
Vous prétendez que ce dispositif serait bon pour les mères isolées, cela me choque. Un dispositif d'autoentrepreneurs qui ne donne pas accès à plusieurs droits fondamentaux serait plus favorable ? C'est incompréhensible. Je demande une évaluation.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Je ne voterai pas cet amendement qui priverait les personnes concernées de ressources ; mais je m'associe à cette demande d'évaluation. Si l'Igas a des conclusions défavorables, il faudra supprimer ce dispositif.
Cela ne tombe pas sous le sens que l'autoentrepreneuriat soit adapté à des publics éloignés de l'emploi ; il aurait fallu encadrer ce dispositif - la situation est anormale. J'attends un engagement sérieux du Gouvernement. Pas de fausses promesses pour les personnes concernées.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Le Gouvernement a beaucoup fragmenté le champ de l'insertion.
L'entreprise en temps partagé temporaire d'insertion, initialement expérimentale, a fini par être prorogée, sans évaluation. L'Igas le dit : cessons de fragmenter ainsi les contrats, on s'y perd. Vous créez des contrats tous les ans, est-ce pour masquer certaines réalisations ? Recentrez-vous sur les contrats classiques.
Quant à vos propos sur les mères isolées... j'en perds mes mots.
M. Olivier Rietmann. - À la délégation aux entreprises, j'ai lancé une mission d'information sur l'entreprise individuelle dans sa globalité : le fouillis est total. Il faut un bilan.
Une fois le rapport terminé, au début du printemps, nous serons à votre disposition pour éclairer ce sujet.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Cette expérimentation a été prolongée à la demande du Parlement. Je m'engage à rendre publique l'étude de l'Igas - elles devraient toujours l'être par défaut.
L'amendement n°II-792 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-653 rectifié de M. Chasseing et alii.
M. Marc Laménie. - Cet amendement augmente de 10 millions d'euros le budget dédié à l'aide aux postes.
Pas moins de 350 000 personnes exclues du marché du travail sont accompagnées à ce titre.
M. le président. - Amendement identique n°II-842 de Mme Poncet Monge et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Revalorisons les aides aux postes, ne serait-ce que pour les mettre en cohérence avec la hausse du Smic.
Madame la ministre, j'ai entendu que vous aimiez beaucoup l'expérimentation... Selon le rapport d'évaluation des expérimentations de la réforme RSA, 82 % des allocataires du RSA présentent au moins un frein périphérique à l'emploi. Les entreprises d'insertion le disent : l'accompagnement pour lever les freins sur la santé représentait un tiers du temps du poste d'accompagnement.
Monsieur le rapporteur, j'ai assisté, moi aussi, à l'audition de la fédération, et je n'ai pas entendu défendre le modèle des EITI...
M. le président. - Amendement identique n°II-1086 rectifié de Mme Lubin et du groupe SER.
Mme Corinne Féret. - Défendu.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Je parlais de l'audition que nous avions organisée en tant que rapporteurs spéciaux, à laquelle, par définition, vous n'avez pas assisté.
La fédération du travail indépendant a défendu ce type de structure. (Mme Raymonde Poncet Monge l'admet.)
Des efforts très importants ont été faits précédemment en faveur de l'IAE, dont le budget est passé de 841 millions d'euros à 1,5 milliard d'euros. Une stabilisation des crédits, dans le contexte que l'on sait, n'est pas insurmontable.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Effectivement, le montant stabilisé, 1,5 milliard d'euros, est important dans un contexte de réduction des crédits. Les aides ont été revalorisées le 1er novembre 2024.
Les amendements identiques nosII-653 rectifié, II-842 et II-1086 rectifié ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°II-1078 rectifié de M. Fichet et du groupe SER.
Mme Corinne Féret. - Nous souhaitons bonifier l'aide au poste des structures d'IAE présentes dans les territoires d'outre-mer. Il s'agit seulement de concrétiser ce qui avait été entériné par le pacte ambition IAE remis au Gouvernement lors du précédent quinquennat.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Avis défavorable.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Même avis.
L'amendement n° II-1078 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-1064 rectifié de Mme Lubin et du groupe SER.
Mme Corinne Féret. - Nous proposons d'augmenter le budget dédié aux groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification (GEIQ). Les 12,5 millions d'euros prévus sont insuffisants pour financer tous leurs projets : l'arrêt brutal au 1er mai de certaines aides pour les jeunes les a fortement fragilisés. C'est dommage, alors qu'ils sont parmi les structures les plus efficaces et les moins coûteuses.
M. le président. - Amendement n°II-262 rectifié bis de Mme Pauline Martin et alii.
M. Olivier Rietmann. - L'amendement est quasi identique à celui de Mme Féret, à ceci près qu'il maintient le budget au lieu de l'augmenter.
M. le président. - Amendement n°II-97 rectifié bis de M. Lefèvre et alii.
M. Antoine Lefèvre. - Le PLF 2025 prévoit 12,5 millions pour les GEIQ, en baisse de 7,4 % par rapport à 2024, ce qui risque de les mettre en danger. Or ils accueillent des publics de plus en plus nombreux et éloignés de l'emploi.
L'amendement identique n°II-292 rectifié n'est pas défendu.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements issus de divers bancs ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - L'État a montré son attachement aux GEIQ, dont les crédits ont quadruplé depuis 2015. Des représentants du ministère participent à la labellisation des structures.
Avis favorable à l'amendement n°II-97 rectifié bis. Avis défavorable aux amendements nosII-262 rectifié et II-1604, incompatibles avec notre exigence de maîtrise des dépenses publiques.
L'amendement n°II-1064 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°II-262 rectifié bis est retiré.
L'amendement n°II-97 rectifié bis est adopté.
L'amendement n°II-977 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°II-837 de Mme Poncet-Monge et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Il s'agit de contester la baisse du programme 111. Les crédits dévolus aux prud'hommes ne seraient pas exécutés, mais je n'ai trouvé aucune explication à ce sujet.
Alors que les plans sociaux s'accumulent - Auchan, Michelin... - affaiblir les capacités des travailleurs et des conseillers prud'homaux à faire respecter le droit du travail n'est pas opportun.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - La baisse des crédits est liée au cycle des élections professionnelles et non à une volonté du Gouvernement de procéder à des coupes massives dans le programme.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Même avis pour les mêmes raisons.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Les élections des délégués ont eu lieu fin décembre 2024 ; l'exercice 2025 n'a aucune raison d'être affecté.
Les travailleurs auront besoin non seulement de se défendre mais de s'approprier leurs droits et le droit du travail.
L'amendement n°II-837 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-1080 rectifié bis de Mme Lubin et du groupe SER.
Mme Monique Lubin. - Cet amendement renforce les moyens dédiés à la santé et à la sécurité au travail - c'est crucial pour prévenir les accidents graves et mortels dans le monde professionnel.
En France, on compte deux accidents mortels du travail par jour ! Le taux d'accidents mortels au travail en France s'élève à 3,32 % ; c'est le double de la moyenne européenne - 1,76 % - et le symptôme d'une dégradation continue des conditions de travail. La sécurité au travail, liberté fondamentale, est régulièrement bafouée.
Madame la ministre, vous avez déclaré, en octobre dernier : « deux morts par jour, ce n'est pas une fatalité » ; c'est louable, mais il faut des actes !
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - La commission des finances partage votre objectif. Les précédents gouvernements ont fait de la lutte contre les accidents de travail une priorité. Mais la réponse n'est pas que financière. Madame la ministre, les crédits sont-ils suffisants ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - La France est mal classée s'agissant des accidents du travail graves et mortels. Comme vous, le Gouvernement veut une politique de santé au travail ambitieuse. En mars, je réunirai les partenaires sociaux et des chercheurs, français et allemands, afin de trouver des pistes d'amélioration, qui pourront vous être soumises dans un prochain PLFSS.
Nous avons aussi la loi du 2 août 2021, ainsi qu'un quatrième plan Santé au travail. Cela dit, nous avons encore des marges de progrès. Avis favorable : merci, madame Lubin, pour cet amendement.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Je me réjouis de cet avis favorable : la France est en retard sur l'objectif européen « zéro mort au travail en 2030 ». Pourquoi ne pas suivre les recommandations du rapport des magistrats sur la sous-déclaration des accidents de travail et des maladies professionnelles ? Ils suggèrent un bilan d'étape annuel.
Ce n'est pas qu'un problème financier, mais quand même ! Il y a aussi besoin de moyens.
M. Olivier Rietmann. - Comparons ce qui est comparable. Certes, on déplore en France deux décès par accident de travail par jour - c'est trop -, mais la France est le seul pays d'Europe où l'on considère que ce qui nous arrive au travail est un accident de travail ; ce n'est pas le cas ailleurs en Europe, où il faut un lien de causalité avec le travail. (Mme Raymonde Poncet-Monge proteste.)
En France, un infarctus sur son lieu de travail, sans lien avec le travail, sera considéré comme un accident de travail, ce qui n'est pas le cas en Italie. (M. Emmanuel Capus le confirme.) Alors que la France et l'Italie présentent quasiment le même nombre d'accidents sur le lieu de travail, l'Italie enregistre deux fois moins d'accidents du travail. (Mme Anne-Sophie Romagny renchérit.)
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Je ne lève pas le gage.
L'amendement n°II-1080 rectifié bis est adopté.
M. le président. - Amendement n°II-1081 rectifié de M. Jacquin et du groupe SER.
Mme Monique Lubin. - Renforçons les moyens de la lutte contre le salariat déguisé, avec deux millions d'euros supplémentaires.
Le PLFSS pour 2024 prévoit que les plateformes collectent et transmettent les données relatives aux cotisations sociales de leurs travailleurs : c'est cocasse...
Le Gouvernement devrait transposer de façon ambitieuse la directive sur les droits sociaux des travailleurs des plateformes, qui permettrait d'inverser la charge de la preuve. Mais face à la lenteur du Gouvernement, nous devons renforcer les moyens des Urssaf et de l'inspection du travail.
La plupart de ces plateformes sont des esclavagistes modernes.
M. Thomas Dossus. - C'est vrai.
Mme Monique Lubin. - Cohérente avec moi-même, je ne les utilise jamais.
Le Sénat a beaucoup travaillé cette question, avec des rapports notamment.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Cela me semble relever du budget de la sécurité sociale et non de l'État. Avis défavorable.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - L'Urssaf et les inspecteurs du travail réalisent de très nombreux contrôles, dans le cadre notamment d'un plan de lutte contre le travail illégal. Les travailleurs peuvent saisir les juridictions. (Mme Monique Lubin rit.) Enfin, l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi (Arpe), créée en 2021, a permis la signature de cinq accords. Avis défavorable.
L'amendement n°II-1081 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-1068 rectifié de Mme Lubin et du groupe SER.
Mme Monique Lubin. - Je propose de créer 16 ETP supplémentaires au sein du service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes (SDFE) du ministère de l'égalité entre les femmes et les hommes. Cela permettrait de poursuivre le renforcement de ce service, engagé en 2024 - cadres de gestion outre-mer, postes de chargés de l'animation territoriale, suivi des dispositifs de lutte contre les violences conjugales, mise en oeuvre de la stratégie nationale de lutte contre la prostitution, développement des dispositifs « d'aller vers » et évaluation des politiques.
M. le président. - Amendement n°II-964 de Mme Nadille et du RDPI.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Défendu.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Nous n'avons aucune objection à l'augmentation des emplois des SDFE, mais il n'est pas forcément pertinent d'abonder les crédits du programme 137 si le plafond d'emploi n'est pas modifié. Le rapport Bazin-Bocquet a montré que le SDFE était mal armé. Une stabilisation des effectifs seraient souhaitable. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Le PLF 2025 sanctuarise les objectifs de la politique d'égalité hommes-femmes, alors que le schéma d'emploi des ministères sociaux prévoit une baisse de 90 ETP. Les crédits du programme 137 sont passés de 30 à 75 millions d'euros en cinq ans. Ils atteindront 85 millions d'euros en 2025, alors que les crédits baissent partout ailleurs. Il s'agit de financer l'aide universelle d'urgence aux victimes de violences conjugales.
D'ici au printemps 2026, nous travaillerons sur l'égalité professionnelle à l'occasion de la transposition de la directive Transparence salariale, qui aura un impact considérable.
Mme Monique Lubin. - C'est loin...
M. Marc Laménie. - Ces deux amendements soulèvent des sujets majeurs. La tâche est immense. Je tiens à saluer l'action de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, comme celle de tous les acteurs - départements, associations... Par ailleurs, cette politique a une forte dimension interministérielle.
L'amendement n°II-1068 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°II-964.
M. le président. - Amendement n°II-1082 rectifié de Mme Lubin et du groupe SER.
Mme Monique Lubin. - Supprimons l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi (Arpe), créée à la suite du lobbying des plateformes, qui vise à mettre en place un « tiers statut ». La légitimité même de l'Arpe est remise en cause depuis l'arrêt Uber de la Cour de cassation du 4 mars 2020 et la transposition à venir de la directive Transparence salariale, la présomption de salariat ayant été reconnue par toutes les jurisprudences.
Réaffectons les 1,5 million d'euros des crédits de la taxe sur les plateformes électroniques qui financent l'Arpe vers l'inspection du travail, pour mieux faire respecter les droits des travailleurs des plateformes.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Avis défavorable. On ne peut pas se plaindre du manque de régulation des plateformes et supprimer l'Arpe... (On le conteste au GEST.)
Mme Monique Lubin. - Rien à voir !
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - La jurisprudence de la Cour de cassation reconnaît l'existence d'un lien de subordination, quel que soit le type de plateforme, ce qui ouvre droit au statut protecteur du salariat.
Mme Monique Lubin. - Pas en France...
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Même avis défavorable.
Mme Raymonde Poncet Monge. - La loi déposée par le précédent gouvernement sécurisait davantage les employeurs contre la requalification des contrats de travail que l'application de la directive ; il faut changer de camp, en harmonie avec la directive européenne, qui prévoit l'inversement de la charge de la preuve.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Vous êtes très sévère avec l'Arpe : cinq accords ont été conclus sur nombre de sujets, comme la liberté de choix de la course des chauffeurs VTC. Il y a des avancées concrètes, des élections, dont le taux de participation est analogue au taux qui prévaut au sein des TPE.
Nous devons maintenant travailler sur la transposition de la directive. Avis défavorable.
L'amendement n° II-1082 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°II-1034 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°II-1076 rectifié de M. Joly et du groupe SER.
Mme Corinne Féret. - Il s'agit de rétablir le financement des microcrédits dédiés aux personnes en situation de réinsertion professionnelle.
Le microcrédit est d'utilité sociale, pour financer un projet de réinsertion. Plusieurs milliers de Français ont ainsi retrouvé un emploi ou évité de perdre le leur. Le microcrédit repose sur les banques, l'État et le réseau associatif, qui saluent son efficacité.
Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale de la commission des finances. - Demande de retrait. Le PLF 2025 prévoit déjà 16 millions d'euros pour le microcrédit social, que la commission des finances juge suffisants. Personnellement, je voterai cet amendement.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°II-1076 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n° II-1024 de Mme Poncet Monge et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Même si le ministère du travail reste un petit contributeur par rapport à d'autres ministères, l'Anses joue un rôle essentiel dans l'amélioration des connaissances des risques professionnels. Il n'y a pas lieu de baisser ses crédits.
Mme Ghislaine Senée, rapporteur spécial. - Les opérateurs de l'État doivent participer à l'effort collectif de redressement des finances publiques. Initialement, la commission des finances avait émis un avis défavorable, mais - après discussion avec mon corapporteur - s'en remet finalement à l'avis du Gouvernement.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Avis favorable. (Mme Raymonde Poncet Monge apprécie.) Nous voulons montrer que ce budget met l'accent sur la santé, la sécurité et les conditions de travail, sujets qui doivent redevenir centraux dans nos politiques publiques.
L'amendement n°II-1024 est adopté.
Les crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux », modifiés, sont adoptés.
Après l'article 64
M. le président. - Amendement n°II-5 de M. Capus et Mme Senée, au nom de la commission des finances.
Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. - Nous concentrons les aides à l'apprentissage sur les plus petites entreprises et sur les jeunes dont le niveau de qualification est inférieur à bac+3.
Les aides ne seront plus versées aux entreprises de plus de 250 salariés pour un apprenti préparant un diplôme supérieur à bac+3. Il n'y aura pas d'effet sur les PME, ni sur les jeunes de niveau inférieur à bac+3. Le Gouvernement doit faire valoir un meilleur ciblage des aides, plutôt que de les diminuer.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Le Gouvernement propose de cibler les aides, mais sur la base de la taille des entreprises et non du niveau de qualification.
L'aide passe de 6 000 à 5 000 euros pour les entreprises de moins de 250 salariés, et à 2 000 euros pour celles de plus de 250 salariés.
L'apprentissage est un moyen de démocratisation de l'enseignement supérieur, déterminant pour un tiers des étudiants en master. La Capeb, qui recrute beaucoup parmi les CAP et les bac pro, nous supplie de ne pas toucher au niveau de qualification, pour que l'apprentissage ne soit pas perçu comme une voie de garage.
Dans l'Aveyron, les présidents de la CMA et de la CCI ont rappelé que l'aide pour l'embauche d'apprentis de niveaux 6 et 7 permettait à des TPE et PME de recruter aussi ce type de profil, à l'heure où nous voulons faire monter en gamme l'économie française.
Nos PME accueillent 80 % des apprentis - ce serait une erreur de distinguer en fonction du niveau de diplôme.
Mme Anne-Sophie Romagny. - C'est vrai.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Avis défavorable.
Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. - Avec notre amendement, les TPE-PME pourront tout à fait continuer embaucher des apprentis de niveau 6 et 7 : il ne cible que les entreprises de plus de 250 salariés. Nous n'avons pas à aider les très grandes entreprises à recruter des étudiants en master ou des élèves ingénieurs.
M. Olivier Rietmann. - Emmanuel Capus, membre de la délégation aux entreprises, peut témoigner des deux tables rondes organisées avec les représentants patronaux sur ce sujet. Je partage totalement l'amendement de la commission des finances. Pour les entreprises de plus de 250 salariés, il faut limiter le niveau à bac+3, pour éviter l'effet d'aubaine. En effet, de grandes entreprises embauchent des bacs+5, +6, +7 pour faire le travail de cadres, à un salaire bien inférieur ! C'est de l'argent public utilisé sans une réelle efficacité derrière - bref, jeté par la fenêtre. J'encourage à voter l'amendement de la commission.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Excellent.
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Il y a un problème d'efficience de la dépense publique. Cumuler les critères de taille de l'entreprise et de niveau de diplôme permet de recentrer les aides à l'apprentissage sur les bas niveaux de qualification, là où elles sont plus efficaces. Il est également important de donner de l'espoir pour montrer que l'apprentissage n'est pas une voie de garage, et que les TPE-PME peuvent avoir accès à des profils qualifiés. C'est une très bonne idée. (M. Emmanuel Capus remercie.)
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Les apprentis de niveaux 6 et 7 sont surreprésentés dans les grandes entreprises. Vous allez les pénaliser (M. Olivier Rietmann proteste.), à l'heure où le chômage des jeunes remonte, y compris pour les diplômés. Soyons vigilants.
L'amendement n°II-5 est adopté et devient un article additionnel.
L'amendement n°II-256 rectifié n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°II-639 de Mme Puissat au nom de la commission des affaires sociales.
Mme Pascale Gruny, au nom de la commission des affaires sociales. - Les actions de formation éligibles au compte personnel de formation (CPF) dispensées aux créateurs ou repreneurs d'entreprises (Acre) sont particulièrement concernées par des abus. Les campagnes de régulation, qui ont déjà fait passer le budget de 415 millions d'euros en 2022 à 125 millions en 2023, se heurtent à l'éligibilité automatique au CPF des actions Acre, qui crée un effet d'aubaine.
Supprimons cette éligibilité de droit, pour garantir la qualité des formations et réaliser une économie budgétaire substantielle, de 62,5 millions d'euros en année pleine.
M. le président. - Amendement identique n°II-1120 de du Gouvernement.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Défendu.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Sagesse.
Les amendements identiques nosII-639 et II-1120 sont adoptés et deviennent un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°II-1113 de Mme Aeschlimann.
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Nous voulons moduler les niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage pour les formations dispensées entièrement à distance, afin d'optimiser le soutien de l'État - pour mémoire, 14 milliards d'euros pour la formation et 4 milliards d'euros pour l'apprentissage. Les formations à distance coûtent en effet moins cher que les formations en présentiel. Voilà des économies !
M. le président. - Sous-amendement n°II-2185 du Gouvernement.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Votre amendement est légitime, mais nous préférons ne prévoir qu'une simple possibilité de minoration de ces niveaux de prise en charge.
En effet, fin novembre, nous avons engagé une concertation avec les partenaires sociaux dont nous ne souhaitons pas préempter l'issue : les modalités pratiques pourront être fixées par voie réglementaire pour s'adapter aux réalités locales.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Cet amendement nous semblait intéressant, et nous comptions demander son avis au Gouvernement. Avis favorable à l'amendement ainsi sous-amendé.
Le sous-amendement n°II-2185 est adopté.
L'amendement n°II-1113, sous-amendé, est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°II-6 de M. Capus au nom de la commission des finances.
Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. - Nous voulons que les opérateurs de compétences (Opco) prennent en charge respectivement à 90 % et 80 % - plutôt qu'à 100 % - les formations de niveaux 6 et 7. Ces formations représentent en effet respectivement 18 % et 17 % des contrats, mais 40 % et 32 % de la prise en charge.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Nous avons déjà commencé, en juillet 2024, à effectuer des baisses ciblées sur les niveaux 6 et 7, avec 120 millions d'euros d'économies en année pleine. Nous avions aussi baissé en 2022, pour 200 millions d'euros, et en 2023, pour 570 millions d'euros. Oui, il faut réguler. Nous ne souhaitons pas, cependant, préempter le débat avec les partenaires sociaux. Retrait, sinon avis défavorable. Nous informerons votre commission des affaires sociales des conclusions de cette concertation.
L'amendement n°II-6 est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°II-1431 rectifié du Gouvernement.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Nous souhaitons réactiver le dispositif d'activité partielle de longue durée, que nous avons connu durant le Covid, pour les entreprises en difficulté, en leur demandant en contrepartie des actions de formation et de reconversion de leurs salariés. C'est une demande des organisations syndicales et patronales et une solution intermédiaire qui évitera des licenciements économiques.
M. le président. - Sous-amendement n°II-2188 de Mmes Poncet Monge et Senée.
Mme Raymonde Poncet Monge. - La consultation du comité social et économique (CSE) doit prendre la forme d'un avis conforme.
Cette mission devrait être contracyclique, alors qu'elle amplifie les problèmes d'emploi.
Nous savons qu'il y a eu des effets d'aubaine durant le Covid, le dispositif d'activité partielle ayant parfois servi à couvrir de la sous-activité normale. Le CSE est le mieux placé pour éviter cet éventuel gaspillage d'argent public. On ne peut pas compter sur l'administration, parce qu'en trois semaines son silence devient accord.
M. le président. - Sous-amendement n°II-2189 de Mmes Poncet Monge et Senée.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Il nous manque une étude d'impact : d'où cette demande de rapport. Je sais que vous n'aimez pas les rapports, mais celui-ci est nécessaire.
Combien ce dispositif va-t-il coûter ? À l'État ? À l'Unédic, qui a assumé un tiers du coût du dispositif précédent, qui est siphonnée par le Gouvernement et dont la trajectoire de désendettement a été cassée ?
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Sagesse à l'amendement n°II-1431. Madame la ministre, combien votre amendement coûtera-t-il ?
La commission n'a pas pu examiner les deux sous-amendements.
Mme Raymonde Poncet Monge. - L'amendement non plus !
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - À titre personnel, je ne vois pas l'intérêt pour le CSE de s'opposer à un dispositif d'aide pour l'entreprise. Avis du Gouvernement, sur le sous-amendement n°II-2188. Idem sur la demande de rapport du sous-amendement n°II-2189.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Monsieur le rapporteur, le coût du dispositif serait entre 60 et 80 millions d'euros, sous enveloppe - c'est important !
Avis défavorable au sous-amendement n°II-2188. N'alourdissons pas les démarches. L'avis conforme du CSE me semble superfétatoire.
J'aime les études : sagesse sur le sous-amendement n°II-2189.
M. Olivier Rietmann. - Je voterai pour l'amendement n°II-1431 du Gouvernement, à une condition : faites quelque chose de simple ! (Mme Astrid Panosyan-Bouvet approuve.)
Mme Anne-Sophie Romagny. - Ah oui !
M. Olivier Rietmann. - C'est pour cela que je ne voterai pas les sous-amendements, qui apportent de la complexité. Mettez plus de moyens dans le contrôle, et, en cas de triche, tapez !
Plutôt que de remettre un rapport dans six mois, menez un test entreprise - la version élargie du test PME que j'ai défendue dans une proposition de loi adoptée au Sénat et reprise dans le projet de loi de simplification - avant la mise en application de la mesure, pour en évaluer le coût, la complexité, la suradministration qu'elle ajoute...
Apportons de la souplesse aux entreprises, pour les aider dans les moments difficiles. (Mme Anne-Sophie Romagny renchérit.)
Mme Raymonde Poncet Monge. - L'avis conforme du CSE peut être positif. Ce n'est pas forcément un avis contre !
On nous présente un dispositif dans lequel l'administration doit répondre dans les quinze jours, son silence valant approbation. On va un peu loin dans la souplesse !
Nous n'avons pas d'étude d'impact. Pendant un an, on va reconduire un dispositif mis en oeuvre pendant le covid (Mme Astrid Panosyan-Bouvet le conteste.)
Les partenaires sociaux doivent être consultés. Les syndicats ne sont pas masochistes ! 60 millions, 80 millions ou 40 millions ? Il faudra évaluer le coût du déficit sans compensation pour l'Unédic.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Tout paraît simple quand on parle dans l'hémicycle...
Mme Raymonde Poncet Monge. - J'ai dirigé une entreprise !
Mme Anne-Sophie Romagny. - Eh bien, vous devez savoir que lorsqu'on est sursollicité, demander un tel avis, ce n'est pas si simple. (Mme Raymonde Poncet Monge proteste.)
Nous demandons de la souplesse ; or demander l'avis de Pierre, Paul, Jacques (M. Thomas Dossus s'indigne), c'est compliquer encore la vie des entreprises.
Mme Pascale Gruny. - Très bien !
Le sous-amendement n°II-2288 n'est pas adopté. Le sous-amendement n°II-2189 est adopté.
L'amendement n°II-1431 rectifié, sous-amendé, est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°II-211 rectifié de Mme Guillotin et alii.
M. Michel Masset. - Le 27 novembre, Mme Guillotin a demandé au Gouvernement un rapport sur le régime d'assurance chômage des travailleurs frontaliers ; en effet, si le projet d'accord sur le sujet entre syndicats et patronat était adopté, il diviserait par deux les indemnités des frontaliers qui ont pourtant cotisé auprès de leurs pays d'emploi. Source d'inégalité, cette réforme pourrait être retoquée par le Conseil constitutionnel, voire la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).
Le Gouvernement a décidé de travailler sur cette question à l'échelon européen au travers d'un nouveau règlement ; notre groupe préfère une solution bilatérale.
Mme Guillotin, par cette demande de rapport, invite le Gouvernement à ouvrir des discussions avec les pays voisins.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Par principe, la commission des finances est défavorable aux rapports. Cela dit, s'agissant d'un sujet important et lourd financièrement, je sollicite l'avis du Gouvernement.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Sagesse. J'ai eu l'occasion de rencontrer Mme Guillotin sur cette question. C'est un enjeu européen ; aussi je me suis rendue au Conseil pour en débattre. D'autres pistes existent, en bilatéral et au niveau national. Nous mobilisons également les agences frontalières de France Travail. L'inspection générale des finances (IGF) pourrait rédiger ce rapport, qui permettra de dépassionner le débat.
L'amendement n°II-211 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
L'amendement n°II-1115 n'est pas défendu.
Prochaine séance, lundi 20 janvier 2025, à 10 heures.
La séance est levée à 2 h 45.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du lundi 20 janvier 2025
Séance publique
À 10 heures, l'après-midi, le soir et la nuit
Présidence : M. Alain Marc, vice-président, M. Didier Mandelli, vice-président
Secrétaires : M. François Bonhomme, Mme Véronique Guillotin
. Suite du projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025 (n°143, 2024-2025)
=> Recherche et enseignement supérieur
=> Écologie, développement et mobilité durables (+ article 60)