Programme Territoires d'industrie
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat relatif au programme Territoires d'industrie, à la demande de la commission des affaires économiques.
M. Franck Montaugé, au nom de la commission des affaires économiques . - La réindustrialisation est un objectif essentiel, pour l'emploi comme pour notre souveraineté nationale, mais le niveau de la croissance et les plans sociaux nous font craindre un recul. Je m'exprimerai au nom de Rémi Cardon, rapporteur de la mission d'information sur le programme Territoires d'industrie, qui me demande de l'excuser auprès de vous.
Avec ce rapport, le Sénat s'engage dans des contrôles de terrain de l'efficacité de nos politiques publiques. Le programme Territoires d'industrie, avec sa logique de carte blanche donnée aux territoires autour d'un binôme élus-industriels, est pertinent. Il a séduit les territoires : la moitié des EPCI sont couverts, et 85 % des territoires ayant candidaté en 2018 l'ont de nouveau fait en 2023.
Les évaluations montrent pourtant des effets mitigés. Nous ne vous en ferons pas grief, et je salue les travaux de M. Gueusquin, que j'ai pu apprécier dans le Gers.
Je regrette toutefois que le programme ait été reconduit sans évaluation sérieuse. La Cour des comptes a eu un jugement sévère : le bilan du Gouvernement, qui évoquait triomphalement plusieurs dizaines de milliers d'emplois créés, relevait, je cite, « uniquement de la communication ». Les effets macroéconomiques ne sont pas au rendez-vous.
Les territoires labellisés devaient disposer d'un accès privilégié aux outils de droit commun, comme ceux fournis par Bpifrance.
Nous, parlementaires, avons procédé à une évaluation qualitative et territorialisée du programme, avec les outils dont nous disposions ; il faut maintenant aller plus loin, et instaurer un suivi robuste de cette politique publique ô combien nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et au banc des commissions)
Mme Martine Berthet, au nom de la commission des affaires économiques . - Ces évaluations nous aideront à mieux adapter l'offre de services. La priorisation d'accès aux programmes de droit commun est nécessaire, mais les opérateurs de l'État doivent aussi élaborer un panier de services qui réponde concrètement aux besoins locaux. En effet, les priorités du programme déterminées au niveau national ne recouvrent pas toujours les problématiques des territoires. Créer des logements pour les alternants et les jeunes actifs, par exemple, exige des solutions sur mesure.
La problématique des compétences est bien identifiée, mais la collaboration est ténue : ni le ministère de l'éducation nationale ni celui de l'enseignement supérieur ni celui du travail ne sont partie prenante au programme. Il nous semble indispensable de formaliser un dialogue structuré au niveau national, pour que les ministères mobilisent leurs troupes dans les territoires.
À Chalon-sur-Saône, nous avons constaté l'efficacité de la réhabilitation de l'ancienne friche Kodak. Mais ces très grands sites, clés en main, ne sont pas adaptés aux petites entreprises. Il convient aussi d'aider les petites collectivités qui s'engagent sur une plus petite échelle, avec une ligne budgétaire dédiée, en dehors du fonds vert, qui est devenu autant un fourre-tout qu'une peau de chagrin.
Mme Anne-Catherine Loisier, au nom de la commission des affaires économiques . - Les Territoires d'industrie ont des atouts bien réels, mais il faut du temps pour créer de la confiance et développer les synergies. Les dynamiques de coopération engagées grâce à la gouvernance bicéphale prospèrent dans la majorité des cas.
Le programme est mûr pour franchir une nouvelle étape et mieux servir l'objectif stratégique de réindustrialisation. Il doit être pérennisé. Peu coûteux, il ne remet pas en cause l'objectif d'économies.
Il faut d'abord, à enveloppe constante, y intégrer le financement de campagnes de détection de projets industriels.
Il est nécessaire de mobiliser tous les acteurs, tels que les régions ou les chambres de commerce et d'industrie (CCI), capables de booster le dispositif en aidant les industriels à rechercher des aides publiques, nationales ou européennes. Sur le modèle des districts italiens, nous invitons à structurer des filières locales, puissant levier de compétitivité qui fait gagner des parts à l'export. Avec un PIB d'un tiers plus faible que la France, l'Italie exporte désormais plus que notre pays !
Les plus-values attendues sont la création d'emplois, de richesse économique, et surtout une cohésion territoriale cruciale, gage de résilience face à la concurrence internationale.
Je salue la volonté du Sénat d'évaluer les politiques publiques au plus près des territoires.
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie . - L'ambition du Gouvernement est d'accélérer la réindustrialisation de la France. Mon ministère est un ministère de combat, pour plus de prospérité, plus de souveraineté, plus de cohésion des territoires, qui doivent, dans l'Hexagone et outre-mer, devenir des territoires d'industrie.
Je remercie les rapporteurs Berthet, Loisier et Cardon pour leur travail, qui permettra d'améliorer ce programme. Ce dernier est coporté par le ministère de l'aménagement du territoire et de la décentralisation et celui de l'industrie. Je connais l'engagement du Sénat en faveur de la reconquête industrielle, par et pour les territoires, et je salue la contribution essentielle de la commission des affaires économiques : je sais ce que nous vous devons.
Le rapport est riche en recommandations. Si le bilan est globalement positif, le programme n'est ni parfait ni achevé. En échangeant sur les pistes d'amélioration, nous coconstruirons les solutions.
Votre rapport propose de recentrer le programme sur des territoires porteurs d'un vrai projet industriel. Il n'y a pas de fatalité industrielle. Sur 183 territoires d'industrie, 150 étaient en déclin entre 2007 et 2020 ; sur ces 150, 110 ont repris une croissance industrielle.
Vous soulignez l'enjeu de la formation, un thème qui m'est cher : 70 000 postes restent vacants, mais l'industrie a le potentiel d'attirer tous les talents, les jeunes mais aussi les femmes, qui ne représentent que 28 % des salariés du secteur.
Je souhaite réaliser le dernier kilomètre des réformes de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Prenons exemple sur les innovations du territoire Lacq-Pau-Tarbes, désormais fer de lance en matière d'aéronautique et de technologies vertes.
Nous devons renforcer la simplification, avec le dispositif « Site industriel clés en main » et son accompagnement sur mesure, comme l'a fait le Grand Chalon en requalifiant les friches du site Kodak.
Mais il faut aller plus loin. Le gouvernement de Michel Barnier avait pris l'initiative de sortir l'industrie du ZAN - thématique chère à Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier.
J'en viens au deuxième axe du rapport : la gouvernance et le financement.
Le programme repose sur un modèle souple et partenarial. Il associe l'ensemble des acteurs publics et privés du territoire autour d'un projet. C'est ce dernier qui compte, pas les structures : les acteurs sont libres de s'organiser.
Dans la deuxième phase, l'accompagnement opérationnel a été renforcé, avec la généralisation des chefs de projets : 153 sur 183 ont déjà été recrutés.
Dans le cadre du prochain débat budgétaire, je sais pouvoir compter sur vous pour pérenniser le programme.
L'aide financière aux 162 projets soutenus via le fonds vert a entraîné 780 millions d'euros d'investissement et 2 600 créations d'emplois. Un euro d'investissement public a suscité 12 euros d'investissement privé. Quant au ratio d'un emploi créé pour 22 500 euros d'investissement public dépensés, il est plus que satisfaisant.
Le rapport préconise de mieux s'adapter aux besoins de l'industrie. L'ingénierie joue un rôle clef. La deuxième phase du programme crée une offre de services dédiée. Nous instruirons aussi votre proposition de prioriser l'accès aux dispositifs de droit commun.
Sur le suivi et l'évaluation, plusieurs de vos recommandations sont en cours de mise en oeuvre. J'y suis très attaché.
Vous recommandez enfin de valoriser les retours du terrain. Je pense par exemple aux écoles de production, troisième voie entre les centres de formation d'apprentis (CFA) et les lycées professionnels.
Le programme Territoires d'industrie est un dispositif original, efficace et désormais éprouvé. Votre rapport doit conduire à de nouvelles améliorations. « L'oeuvre accomplie est oeuvre à faire », écrivait Paul Éluard. Je sais pouvoir compter sur votre engagement. (Applaudissements au banc des commissions)
M. Pierre Médevielle . - Ce rapport, premier contrôle sénatorial de proximité, présente diverses recommandations : priorisation de territoires, mise en place d'indicateurs, notamment. Réindustrialiser est une absolue nécessité. C'est parce qu'ils ont su maintenir une industrie vivace que l'Italie, l'Allemagne et la Suisse ont des taux d'emploi industriel plus élevés.
Le logement et le transport des salariés sont deux points essentiels. La France souffre d'un manque de mobilité professionnelle. Lorsqu'un bassin d'emploi se tarit, les salariés ont du mal à en changer, tant ils sont captifs des questions de logement et de transport. Dans notre pays, déménager a un coût exorbitant. En cause, le manque de logement, la très forte fiscalité lors des cessions. La solution, c'est de faciliter le logement, via le fameux 1 % logement notamment. Que prévoit le Gouvernement pour améliorer le logement disponible près des territoires d'industrie, en sus des dispositifs proposés par Action Logement ?
M. Marc Ferracci, ministre. - L'industrie a en effet besoin d'un écosystème complet pour se développer. Il est vrai que les problématiques du logement et du transport ont été absentes de la phase 1 du programme. Raison pour laquelle Action Logement a été intégrée fin 2023 dans le dispositif. En 2024, 25 territoires d'industrie incluent Action Logement dans leur plan d'action locale.
Nous devons penser de manière systématique l'intégration du projet industriel et du logement. Les exemples sont nombreux de projets entravés faute d'une prise en compte du logement. Il nous faut une approche plus territorialisée, en nous appuyant sur la nouvelle gouvernance de France Travail.
La mobilité est traitée ponctuellement par le programme Territoires d'industrie, ainsi que par des programmes comme Action coeur de ville et Petites Villes de demain.
Nous avons besoin de coordination et de faire masse. Je m'engage à continuer à travailler avec François Rebsamen sur ce sujet.
Mme Marie-Do Aeschlimann . - La désindustrialisation, portée par le mythe d'une économie sans usines, a accru notre dépendance. Lancé en 2018, le programme Territoires d'industrie va dans le bon sens.
S'il a donné des résultats positifs, par exemple dans l'établissement public Boucle Nord de Seine, il doit monter en puissance en portant une attention croissante à la formation. Les industriels ont du mal à recruter, or la disponibilité des compétences est un critère essentiel pour réindustrialiser. Il faut réinvestir massivement dans la culture scientifique et technique, alors que les résultats de l'enseignement en mathématiques sont décevants. Il faut aussi féminiser ces filières.
Soulignons le rôle essentiel de l'alternance, comme des écoles de production ; renforcer ces structures est primordial.
Quelle est votre feuille de route pour faire émerger le capital humain indispensable à la réussite de chaque territoire d'industrie ?
M. Marc Ferracci, ministre. - Je partage votre constat d'un manque d'attractivité de ces métiers et d'une évaporation des jeunes formés dans l'industrie vers d'autres filières. Il manque 70 000 emplois, un recrutement sur deux est difficile, et plus de 60 % des jeunes estiment que l'industrie n'est pas assez attractive.
Nous avons besoin de changer les représentations des jeunes, des jeunes femmes en particulier : 28 % de femmes dans l'industrie, c'est trop peu - elles sont 47 % au Kazakhstan !
Les conditions de travail ont changé, ces métiers ont du sens et procurent de bons salaires. En matière de féminisation, je salue l'action du collectif industriELLES de l'association « Elles bougent ».
Il faut lutter contre l'évaporation, faire évoluer la carte de la formation, réaliser le dernier kilomètre et s'appuyer sur des filières innovantes, comme le nucléaire, pour créer sinon une mode, du moins un intérêt. Une mission de l'IGF sur la présence des filles dans les filières scientifiques vient d'être lancée.
M. Bernard Buis . - Lancé en 2018, le programme Territoires d'industrie a enfin redonné un souffle à ce secteur. De 1970 à 2010, la désindustrialisation a été particulièrement sévère en France. Entre 1995 et 2017, la part de l'industrie est passée de 17 % à 11 % du PIB.
Pourtant, l'industrie est au coeur de la prospérité de nos territoires, face aux défis liés à l'environnement et à notre souveraineté.
Depuis 2017, sous l'impulsion du Président de la République et des gouvernements successifs, 130 000 emplois ont été créés dans l'industrie, dont 28 000 l'année dernière. Le programme Territoires d'industrie y est pour beaucoup.
Depuis 2018, avec 2 000 projets accompagnés, 183 territoires d'industrie ont été labellisés pour la période 2023-2027. Implanter une usine, c'est donner de la vitalité à un territoire, renforcer son attractivité.
Pourtant, tout n'est pas simple, notamment avec le ZAN. Comment concilier les enjeux fonciers avec la réalisation de nouvelles usines ?
Le succès est dû au binôme local : un élu - un industriel. Comment cette gouvernance a-t-elle transformé les relations, localement, entre les acteurs publics et privés ?
M. Marc Ferracci, ministre. - Si nous voulons réindustrialiser, il faut trouver un équilibre entre la limitation de l'artificialisation des sols et l'émergence de nouveaux projets industriels. La loi Climat et résilience imposait des choix difficiles pour les élus en matière d'industrie et de logement. L'industrie représente 5 % du foncier total, mais les règles du ZAN fragilisent l'émergence de projets dans certains départements. On ne peut garantir aux investisseurs que la France pourra accueillir des projets sans assouplir les contraintes.
Le gouvernement Barnier a donc proposé d'exempter les projets industriels du ZAN pendant une période expérimentale de cinq ans, avec une clause de revoyure. Nous avons besoin d'une modification législative. Nous pourrions nous appuyer sur le projet de loi de simplification de la vie économique ou sur la proposition de loi des sénateurs Blanc et Cambier. Allons vite sur ce sujet.
M. Laurent Somon. - Très bien !
M. Philippe Grosvalet . - Je ne sais si on l'enseigne à HEC ou à Sciences Po, mais, comme aurait dit mon grand-père, on ne fait pas pousser les carottes en tirant sur les feuilles... (Sourires)
L'échec de l'État et des régions à prioriser et à coordonner leurs interventions est souligné par la Cour des comptes. Il manque une vision globale adaptée aux spécificités de chaque territoire.
Pour faire pousser des carottes, il faut un terreau fertile, soit un ensemble de politiques publiques coordonnées à l'échelon local. Dès lors, nous ne pouvons nous satisfaire des discours incantatoires de vos prédécesseurs. Nous avons besoin de preuves. Comment remédier aux insuffisances pointées par la Cour des comptes et donner à nos entreprises la capacité de se projeter dans le temps long ?
M. Marc Ferracci, ministre. - La recherche d'efficacité doit être au coeur de toutes les politiques publiques, d'où mon attention aux rapports du Sénat et de la Cour des comptes.
Nous devons avoir des chefs de projets plus nombreux, une coordination régionale. Nous y travaillons avec Régions de France.
Nous devons nous articuler avec France Travail localement, et collecter davantage de données pour un meilleur suivi. Il faut mesurer l'impact de nos actions. Cette collecte doit s'accélérer afin que nous puissions réaliser un bilan plus fréquent de l'efficacité du programme, actualisé tous les six mois.
Interrogeons-nous également sur la refonte des périmètres et du ciblage. Certains critères sont désormais mieux pris en compte, et les territoires sont sélectionnés sur l'aspect opérationnel des projets.
Il est nécessaire d'avoir une approche interministérielle. Je vous présenterai des éléments plus globaux prochainement.
M. Philippe Grosvalet. - Deux exemples de territoires d'industrie où le Gouvernement pourrait agir directement : revenir sur la décision du précédent gouvernement d'abandonner un magnifique projet industriel novateur à Cordemais ; ne pas reporter indéfiniment la commande d'un nouveau porte-avions. Vous mettez à mal des entreprises et leurs sous-traitants en reportant cette commande.
M. Daniel Fargeot. - Incontestablement, le programme Territoires d'industrie, peu coûteux, produit des effets dans les petites et moyennes villes françaises, participant d'une réindustrialisation des territoires. Associer les élus locaux et les industriels est une stratégie vertueuse, qui pose des fondations solides : des entreprises se réinstallent, et des collectivités territoriales retrouvent une dynamique économique.
Allons plus loin en évaluant le dispositif et en priorisant des territoires d'industrie ne bénéficiant pas tous d'une mobilisation égale. Il ne faut pas saupoudrer.
Il faut aussi simplifier : la complexité du dispositif freine son efficacité. La forêt d'aides et les nombreux guichets multiplient les délais.
Alors que l'Europe et le monde s'engagent dans une compétition industrielle féroce, comment ne pas être étouffés par nos processus administratifs ? Quelle simplification générale pour permettre aux territoires d'industrie de devenir de véritables moteurs de notre souveraineté économique ?
M. Marc Ferracci, ministre. - La simplification est un rocher de Sisyphe...
La coordination entre les opérateurs peut générer de la complexité. Nous avons six opérateurs partenaires, avec lesquels s'articulent les associations d'élus et France Industrie. Nous avons fait des progrès. Dans un premier temps, l'implication de ces opérateurs était hétérogène.
Désormais, nous mettons en oeuvre différentes actions : partage des données et des plans d'action aux opérateurs, webinaires thématiques pour diffuser les offres de services.
Nous avons besoin de mesures de simplification fortes, qui s'attaquent aux normes françaises, mais aussi européennes : certaines transpositions de directives ont été plus que zélées et pénalisent nos industriels.
M. Fabien Gay . - Bonduelle, 159 emplois supprimés ; Renault Alpine, 350 emplois menacés ; Fonderie de Bretagne, 500 emplois menacés ; Valeo, 868 emplois menacés ; Continental Automobile France, 240 emplois supprimés ; Stellantis, 500 emplois supprimés, 600 emplois menacés ; Air Liquide, 479 emplois supprimés et 500 menacés ; Sanofi, 300 emplois supprimés ; General Electric, 484 emplois supprimés ; Yves Rocher, 460 emplois supprimés ; Michelin, 1 250 emplois menacés.
Monsieur le ministre, pourquoi je cite ces chiffres ?
Parce que le Premier ministre, depuis sa nomination, n'a pas eu un mot pour ces hommes et ces femmes, malgré une heure trente de discours de politique générale.
Ensuite, votre communication, depuis sept ans, est toujours la même, celle des créations d'emplois. Mais pour un emploi créé, il y a en réalité deux emplois supprimés sur les territoires.
Avant de parler d'industrialisation - et même si c'est un grand combat - , il faut d'abord stopper la casse industrielle.
Combien de temps resterez-vous les bras ballants ? Allez-vous interdire les aides publiques aux entreprises qui suppriment des emplois ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Philippe Grosvalet applaudit également.)
M. Marc Ferracci, ministre. - Vous avez égrené une longue liste de plans sociaux ou de fermetures de sites. Et celle des entreprises créatrices d'emplois ? Depuis 2017, 130 000 emplois ont été créés en France (M. Fabien Gay proteste), et ce solde demeure positif. Certes, certaines filières sont en difficulté, comme l'automobile, la chimie ou la sidérurgie.
Nous ne restons pas « bras ballants » : les commissaires au redressement, les services de l'État, la délégation interministérielle aux restructurations d'entreprises, le Comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri) agissent.
Nous connaissons des réussites. Nous avons sauvé l'entreprise Niche Fused Alumina (NFA). J'étais à Arques, dans le Pas-de-Calais, afin de préserver l'outil industriel de 4 000 salariés. Vous n'avez pas cité cette réussite collective, qui a impliqué les créanciers, les actionnaires, les élus... Ne tombons pas dans le défaitisme.
Mon ministère est un ministère de combat pour préserver l'existant, développer l'attractivité et créer encore plus d'emplois. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Fabien Gay. - Pas un mot pour les 300 000 entreprises ?
M. Yannick Jadot . - Bien sûr, des entreprises se créent, mais sur certains territoires, c'est la catastrophe. Nous nous battons aussi pour que nos usines ne ferment pas.
Michelin, General Electric, la Fonderie de Bretagne : quarante ans de désindustrialisation, ce n'est pas la faute du ZAN ! Cet instrument est utile. Nous sommes déçus qu'il y ait aussi peu de moyens, mal orientés et mal ciblés.
Le Premier ministre n'a pas cité la bataille du climat dans sa déclaration de politique générale. Derrière, il y a une guerre économique. Quand nos usines de panneaux photovoltaïques, d'éolien, de silicium ferment, on renonce à mener la guerre économique en faveur de la transition énergétique.
Le programme Territoires d'industrie doit être mieux ciblé et être présent sur tous les territoires. Tous méritent des usines, notamment les plus appauvris. Nous avons besoin de services publics pour protéger et d'usines, source de fierté.
Économie circulaire, transition écologique : voilà de vraies perspectives pour nos territoires. Ayons un outil à la hauteur de ce défi. (Applaudissements à gauche)
M. Marc Ferracci, ministre. - Je vous rejoins sur de nombreux points : réindustrialiser et décarboner sont deux objectifs compatibles, même complémentaires ; le potentiel de création d'emplois liés à la transition écologique est important.
Le baromètre industriel de l'État montre que le solde était positif au premier semestre 2024, avec 36 ouvertures de sites nettes.
Les sites qui ferment sont dans les filières en difficulté ; les sites qui ouvrent, surtout dans l'industrie verte. La transition est là : des emplois se créent dans les secteurs liés à la décarbonation.
À Sochaux, sur le site d'Allenjoie, j'ai visité l'usine Faurecia qui fabriquait des pots d'échappement : l'entreprise se reconvertit dans la production de réservoirs à hydrogène. La transition crée des emplois.
Faisons de la décarbonation la source des emplois de demain. Je partage l'objectif et m'inscris dans les pas de mes prédécesseurs : il faut décarboner notre outil industriel et améliorer sa compétitivité. Lors de l'examen du projet de loi de finances, 1,6 milliard d'euros ont été votés pour accélérer la décarbonation des grands sites industriels.
M. Franck Montaugé . - Dans un contexte économique fortement dégradé, le rapport sénatorial souligne les insuffisances mais aussi la pertinence du dispositif Territoires d'industrie. L'expérience gersoise le montre : il faut donner une nouvelle ambition au projet, au profit de tous les territoires, avec une économie repensée au plus près des besoins et répondant au défi de la transition.
Monsieur le ministre, gardez le meilleur du programme Territoires d'industrie. Donnez suite aux recommandations du Sénat.
Comment stimulerez-vous les autres territoires ruraux qui ne demandent qu'à prendre leur part, s'ils sont accompagnés ? Le potentiel est immense, en répondant à la planification écologique dont notre pays a besoin - j'espère que ce défi est toujours d'actualité pour le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Marc Ferracci, ministre. - La planification écologique est une innovation pour notre pays. Le secrétariat général à la planification écologique (SGPE) est placé sous l'autorité directe du Premier ministre.
La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) ont été soumises à la concertation.
Nous avons besoin d'articuler la stratégie de planification écologique, notamment les accords de Paris, avec notre stratégie industrielle : il faut orienter le dispositif vers des projets de décarbonation, faire du ciblage et soutenir les filières qui y participent, notamment les énergies renouvelables. D'ici quelques jours, j'annoncerai la révision de la stratégie hydrogène, l'un des éléments de notre mix énergétique.
Il y a une cohérence. Ne raisonnons pas en silo. Tenons compte des besoins de développement et d'emploi industriel dans nos territoires.
M. Franck Montaugé. - Je partage l'essentiel de vos propos. Au-delà des questions énergétiques ou de décarbonation, c'est l'ensemble de l'activité économique française qui doit être adaptée à la planification écologique. (M. Marc Ferracci le confirme.) J'espère que cette orientation perdurera. Je salue le travail de M. Pellion, secrétaire général à la planification écologique.
M. Marc Ferracci, ministre. - Je salue le travail remarquable du SPGE, et en particulier d'Antoine Pellion.
Mme Marie-Jeanne Bellamy . - Depuis trente ans, le poids de l'industrie dans le produit intérieur brut n'a cessé de chuter, alors que celle-ci est un moteur de croissance, de cohésion sociale et territoriale et de souveraineté technologique.
Le programme Territoires d'industrie n'a fait l'objet d'aucune concertation avec les industriels et les élus locaux, qui, pourtant, se le sont approprié.
En décembre dernier, le rapport sénatorial a souligné une mise en oeuvre hétérogène.
Dans la Vienne, le constat est le même. Deux territoires ont été sélectionnés : le Grand Châtellerault et la communauté de communes du Pays Loudunais. Dans le premier, bassin industriel historique, de nombreuses actions sont en cours. Dans le second, les projets sont là, mais les retards sont importants. Il faut pérenniser le dispositif et le rendre plus opérationnel. Ne faudrait-il pas distinguer les territoires anciennement industriels et les autres ?
Il ne faut pas se disperser et il faut simplifier. J'insiste sur le besoin de formation. Quelles actions prévoyez-vous pour que l'absence de personnel qualifié ne bloque pas les projets ?
M. Marc Ferracci, ministre. - L'association des élus locaux et des industriels à la conception du programme a été prise en compte. Je pense notamment à Intercommunalités de France et à Régions de France. Bien sûr, on peut toujours faire mieux, mais une charte collective d'engagement a été signée entre l'État et les six opérateurs : outils numériques partagés et coordinateurs régionaux faciliteront les choses.
Vous soulignez le caractère hétérogène du déploiement du programme, surtout dans la phase 1. L'investissement des territoires fut variable, et le programme, de qualité, reste hétérogène par nature. Durant la phase 2, nous avons redéfini les périmètres des projets pour harmoniser, notamment en généralisant les postes de chefs de projet et en renforçant l'échelon régional, grâce aux coordinateurs régionaux.
M. Guislain Cambier . - L'industrie dans les Hauts-de-France, c'est un emploi sur cinq, soit 255 000 emplois. Les élus ont toujours été attentifs à l'industrie bien avant ce programme, qui a toutefois des mérites.
Le foncier est un élément clé de l'industrialisation, mais n'apparaît pas comme tel dans Territoires d'industrie. Or le ZAN tétanise les élus. Avec Jean-Baptiste Blanc, nous avons déposé la proposition de loi Trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux (Trace), qui sera examinée les 18 et 19 février prochains. Nous souhaitons un atterrissage pragmatique ; nous comptons sur le soutien du Gouvernement et souhaitons que l'État assume le coût foncier des programmes d'envergure nationale ou européenne.
Quelle est votre stratégie foncière pour relever les défis de la réindustrialisation ?
Soyez vigilants pour éviter la concurrence entre territoires. Les conseils régionaux sont snobés, alors qu'il faudrait plutôt rechercher les synergies. Dans les Hauts-de-France, nous avons réussi à le faire, comme en témoigne l'usine Toyota de Valenciennes, qui a produit 5 millions de voitures depuis 2001. La confiance dans les territoires, cela fonctionne ! Le projet politique du programme devrait être réexaminé.
M. Marc Ferracci, ministre. - Oui, le foncier est essentiel. Le dispositif « Sites clés en main » est un élément structurant du programme Territoires d'industrie. Je salue l'action de la région des Hauts-de-France, exemplaire dans la mise en oeuvre des programmes.
Le dispositif « Sites clés en mains », outil de simplification à la disposition de nos industries, doit être optimisé en vue de résoudre les problèmes d'autorisations environnementales ou de raccordement électrique, tout en sécurisant juridiquement les sites. Il y en a 55 aujourd'hui, avec un double objectif : favoriser la sobriété foncière, mais aussi l'attractivité. Le ciblage se fait à l'international puisque la promotion des sites se fait au-delà de nos frontières. Au moment où nous parlons, dix sites sont arrivés à maturité, accessibles à une implantation industrielle. L'avenir, c'est de sécuriser leur financement et de renforcer la valorisation des plus matures.
M. Simon Uzenat . - (M. Christian Redon-Sarrazy applaudit.) Oui, l'industrie a de l'avenir ; elle est même notre avenir, en Bretagne, en France, en Europe.
Certes, Territoires d'industrie a eu des résultats, mais il a aussi ses limites. La Bretagne a un tissu diffus de PME : il n'y est donc pas toujours adapté. Faisons confiance aux intercommunalités et aux régions. Il faut plus de moyens. Êtes-vous prêt à évoluer vers plus de sur-mesure ?
Depuis plusieurs semaines, les nuages s'amoncellent. Je ne reviens pas sur le solde des créations d'emploi, mais votre politique mène à la fermeture de filières de formation. Dans l'agroalimentaire et l'automobile, de nombreux sites sont en difficulté en Bretagne, particulièrement dans le Morbihan. Nous parlons de compétences, d'humains.
La mobilisation est générale pour la Fonderie de Bretagne, outil neuf avec 350 emplois... La responsabilité de Renault et de l'État est énorme.
M. Marc Ferracci, ministre. - La carte des formations doit être en adéquation la plus fine possible avec les besoins des territoires. C'est le sens de la réforme des lycées professionnels de 2022, qui a fait entrer les représentants des entreprises dans les conseils d'administration, notamment.
Les CFA peuvent être opérés par les branches, voire par les entreprises elles-mêmes. Les filières doivent se mobiliser ; j'ai abordé cette question avec elles, au sein du Conseil national de l'industrie.
Le dossier de la Fonderie de Bretagne m'occupe et occupe les services depuis des mois. Nous avons cherché à rapprocher les points de vue de Private Assets, potentiel repreneur, et de Renault, qui fait 95 % du chiffre d'affaires de la Fonderie.
Nous continuons à nous battre pour que cette occasion de diversification industrielle puisse être saisie, mais le dossier est difficile.
M. Simon Uzenat. - En réalité, les rectorats pilotent non pas en fonction des besoins de l'économie, mais des moyens qu'on leur donne. Il est important de passer le message à votre collègue.
Renault ne respecte que 60 % des commandes prévues en 2022, alors que l'État est actionnaire à hauteur de 15 %. Il faut taper du poing sur la table. Venez à la rencontre des salariés, monsieur le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre. - J'ai échangé avec les organisations syndicales par visioconférence, pour des raisons d'agenda.
J'ai l'habitude de venir sur les sites lorsque je peux annoncer des choses. Nous nous battons pour trouver des solutions, et j'espère venir vous annoncer de bonnes nouvelles. Je le répète : le dossier est difficile.
M. Simon Uzenat. - Certes, mais cet outil industriel est une chance pour notre région, notre pays et notre continent.
L'engagement demandé à Renault est parfaitement raisonnable. Nous voulons rester fiers d'un constructeur français. Les collectivités territoriales et l'État ont proposé d'accompagner financièrement la reprise. La procédure de redressement judiciaire a été lancée. Les salariés et leurs familles sont inquiets. Le groupe Renault doit faire le choix du pays qui l'a vu naître et qui l'a toujours soutenu.
Mme Frédérique Puissat . - En Isère, l'industrie est très développée. Les territoires d'industrie isérois subissent toutefois un choc économique violent : 238 salariés sont menacés chez Valeo, 170 chez Photowatt, 460 chez Vencorex. Avez-vous des éléments nouveaux sur ces dossiers ?
Le sort de Vencorex, toujours sans repreneur, et le devenir d'Arkema nous inquiètent : toute une vallée est menacée. C'est un enjeu de souveraineté industrielle, de souveraineté sanitaire, de défense nationale. Il ne faut plus subir, mais reprendre notre avenir en main.
Une piste serait de créer une entreprise publique à capitaux privés qui porterait la mine de sel d'Hauterives, son saumoduc et le purificateur de sel, permettant d'alimenter entre autres deux électrolyses financées par l'État pour 80 millions d'euros il y a moins de dix ans.
Cette piste est-elle crédible ? Pourrait-elle être utilisée sur d'autres territoires ?
M. Marc Ferracci, ministre. - Je connais votre engagement dans ce domaine. Il y a eu un projet de reprise de Photowatt qui a été abandonné par EDF, conformément au souhait du comité social et économique, donc des salariés. L'État veillera à ce que le reclassement des salariés se fasse dans de bonnes conditions. La filière industrielle des énergies renouvelables a besoin de soutien, car elle participe de notre souveraineté énergétique.
Mi-juillet, Valeo a annoncé une réorganisation qui incluait la recherche de repreneurs pour trois sites. Un dialogue s'est engagé avec les services de l'État pour en limiter l'impact économique et, contrairement à ce qui avait été annoncé, Valeo a renoncé à fermer le site de Saint-Quentin-Fallavier et de L'Isle-d'Abeau, qui fera l'objet d'un redimensionnement. Les paramètres sont en cours de discussion.
S'agissant de Vencorex, l'État a négocié avec l'actionnaire thaïlandais et obtenu pour les salariés une prime supralégale de 40 000 euros, un montant assez rare. Les services de l'État sont mobilisés pour trouver un repreneur à la mine de sel - nous pourrons discuter de votre proposition. Sur la gestion de la plateforme de Pont-de-Claix, la démarche est avant tout coopérative. Je suis prêt à partager toute information avec vous.
M. Jean-Jacques Michau . - Le programme Territoires d'industrie a une portée significative dans l'Ariège, un département à la fois très rural et très industriel. Cette portée était faible durant la première labellisation, entre 2018 et 2022, mais l'arrivée de chefs de projets a tout changé, sous l'impulsion de la CCI, en apportant un soutien en ingénierie. Nous avons changé de braquet. Le dispositif Rebond industriel a été un booster, avec 150 jours d'ingénierie financés par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et 1,5 million d'euros pour une sélection de projets industriels locaux structurants. Signe que l'axe 2 des recommandations du rapport de notre commission pour la pérennisation du soutien en ingénierie est pertinent.
Est-il envisageable de sanctuariser des enveloppes sur les territoires, à l'instar de l'AMI Rebond industriel, pour les projets structurants de nos PME qui ne peuvent être soutenues dans le cadre de France 2030 ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Marc Ferracci, ministre. - En effet, des résultats ont été obtenus. Pas moins de 153 chefs de projets sont en fonction ou en voie de recrutement, ce qui représente 6,7 millions d'euros de financements. Les crédits d'ingénierie apportés par l'ANCT pour accélérer le déploiement des projets les plus complexes représentent 2 millions d'euros et 17 missions réalisées. Quelque 63 millions d'euros ont été consacrés aux projets exemplaires en matière de transition écologique.
La question budgétaire est en suspens, mais l'objectif est bien de continuer sur la même dynamique.
Nous devons faire un bilan particulier des missions Rebond industriel pour les territoires en restructuration. Cet instrument de sortie de crise fait l'objet de bons retours : depuis novembre 2023, 21 territoires ont été accompagnés, deux missions sont encore en cours. Ce sont 40 millions d'euros de subventions aux investissements, qui ont permis de débloquer 413 millions d'euros d'investissements.
Nous devons évaluer le dispositif et voir s'il peut être étendu à d'autres territoires.
Mme Marta de Cidrac . - Le programme Territoires d'industrie a largement achevé sa phase 1. Son montant est de 2 milliards d'euros, ce qui n'est pas négligeable en cette période. Selon la Cour des comptes, sur la période 2018-2023, le programme n'aurait créé que 5 500 emplois, soit 11 % seulement des emplois créés dans l'industrie. Pas de vraie dynamique, donc.
Le programme n'a pas été sous-doté mais mal piloté, mal exécuté, dilué dans la masse des aides publiques à l'économie. Difficile, à l'heure du bilan, d'établir de vraies causalités.
Pour la phase 2, il faut corriger le tir, au risque sinon de dépenser à perte. Comment inscrire le programme dans une trajectoire d'efficience ?
M. Marc Ferracci, ministre. - Je ne partage pas le constat d'une inefficacité du programme en matière de création d'emplois. La première phase du programme correspondait à une période de relance : entre 40 000 et 50 000 emplois ont pu être associés - je ne présume pas une relation de causalité parfaite, mais rapporté au coût budgétaire, c'est relativement satisfaisant.
La raison de nos échanges ce soir est de trouver des pistes pour améliorer ce programme. Le rapport contient des propositions. J'espère que nous aboutirons à un meilleur pilotage et une meilleure gouvernance, toujours avec un souci d'évaluation et une approche coût-bénéfice, car les deniers publics ne doivent pas être dépensés à tort et à travers.
Mme Martine Berthet . - Les écoles de production ont connu un vif succès dans les Territoires d'industrie : 25 écoles y ont été créées depuis 2021, sur 70 existantes à ce jour. Par leur formation technique ciblée, effectuée pour les deux tiers en atelier, elles répondent aux besoins des industries locales.
Nombre d'entre elles ont bénéficié de l'appel à manifestation d'intérêt et parfois d'aides des collectivités territoriales. Mais leur soutenabilité financière n'est pas assurée : les recettes de la taxe d'apprentissage et des ventes de productions ne suffisent pas à couvrir leurs frais de fonctionnement, et la subvention de l'État est cruciale.
Est-il prévu de pérenniser la part État de leur financement ? Ne pourrait-on imaginer un accompagnement financier renforcé pendant leur période d'amorçage ?
Ces écoles accueillent des jeunes éloignés du système scolaire classique, souvent issus de milieux modestes. Pour ces derniers, le coût du logement peut être un frein à la poursuite de la formation. Comment mieux les accompagner ? Peut-on envisager un statut d'apprenti ?
M. Marc Ferracci, ministre. - Merci d'évoquer un sujet qui me tient à coeur. J'ai participé à l'élaboration de la loi de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel qui a donné une reconnaissance aux écoles de production. Je crois profondément à cette troisième voie, entre CFA et lycée professionnel, pour des publics qui ont besoin d'apprendre leur métier autrement. Elle donne des résultats.
Ces écoles sont financées entre 25 et 30 % par l'État. Le programme Territoires d'industrie leur donne un coup de projecteur ; même si les effectifs restent modestes, leur nombre a triplé depuis 2020, pour atteindre 71. L'objectif est de 100 écoles de production sur le territoire d'ici fin 2026. Pour ce faire, nous avons besoin de sécuriser les financements. J'en discuterai avec mes collègues ministres du travail et de l'éducation nationale pour coordonner nos actions. Mon soutien personnel à ce dispositif est acquis.
Mme Dominique Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques . - Je remercie nos trois rapporteurs de s'être frottés avec succès à l'exercice du contrôle territorialisé souhaité par le président du Sénat, sur la recommandation du président Darnaud, alors vice-président du Sénat. Le programme Territoires d'industrie s'y prêtait tout particulièrement. La richesse de nos échanges, marqués par notre passion pour nos territoires, en montre toute la fécondité. Je remercie nos collègues ainsi que le ministre pour la qualité de nos débats.
Il était pertinent de reprendre la session par ce sujet car malgré ses faiblesses de débutant, Territoires d'industrie pourrait inspirer notre politique industrielle : la reconnaissance du facteur territorial, d'abord, dans la constitution des dynamiques économiques. Saluons l'audace de ceux qui ont porté sur les fonts baptismaux ce programme, véritable ovni.
Alors que la France est frappée par des plans sociaux à la chaîne, y compris dans les grands groupes, la réindustrialisation que nous appelons tous de nos voeux doit marcher sur deux jambes : l'approche territoriale doit compléter le soutien aux filières et à l'innovation de rupture pour dynamiser ce tissu de PME et d'ETI qui fait la force de nos voisins italiens et allemands.
J'invite vos services à examiner les milliers de fiches-projets élaborées par Territoires d'industrie depuis six ans, pour en tirer des propositions de simplification répondant aux besoins de nos entreprises.
Ce que je dis à propos des territoires d'accélération pour le logement vaut aussi pour l'industrie : à partir du retour d'expérience de quelques pionniers, c'est tout le territoire français qui doit devenir un territoire d'industrie.
Je retiens aussi les bénéfices d'une organisation agile, travaillant en interministériel, en mode projet.
Si nous recommandons la nomination d'un délégué interministériel à la réindustrialisation, c'est non pas pour créer un nouveau comité Théodule, mais pour mobiliser dans un même élan tous les leviers de réindustrialisation, du foncier à la formation, en passant par le logement et la recherche.
Au moment où nous reprenons l'examen du projet de loi de finances, je rappelle combien les politiques publiques de soutien de l'offre sont primordiales pour la compétitivité de nos entreprises.
Notre commission soutient les efforts de consolidation budgétaire, mais sur les allègements de charges, sur la fiscalité ou sur les aides aux entreprises, gardons-nous de la tentation de faire payer un prix disproportionné à l'industrie, au risque de casser la fragile dynamique industrielle et d'assécher les sources de la croissance future. Il est plus facile de fermer des usines que d'en ouvrir...
Je vous remercie et espère que nous continuerons à faire avancer ce programme et la réindustrialisation en général. (Applaudissements)
Prochaine séance demain, mercredi 15 janvier 2025, à 15 heures.
La séance est levée à 23 h 10.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mercredi 15 janvier 2025
Séance publique
À 15 heures, à 17 h 45, le soir et la nuit
Présidence : M. Gérard Larcher, président, Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente, M. Didier Mandelli, vice-président
Secrétaires : Mme Catherine Di Folco, Mme Patricia Schillinger
1. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution
2. Désignation des dix-neuf membres de la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants (droit de tirage du groupe CRCE-K) et des vingt-trois membres de la commission d'enquête aux fins d'évaluer les outils de la lutte contre la délinquance financière, la criminalité organisée et le contournement des sanctions internationales, en France et en Europe, et de proposer des mesures face aux nouveaux défis (droit de tirage du groupe UC)
3. Suite du projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025 (n°143, 2024-2025)
=> Outre-mer