Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
Inadaptation de mesures nationales aux exploitations de polyculture élevage
M. Raphaël Daubet . - De nombreuses mesures nationales sont inadaptées aux exploitations de polyculture-élevage. La France, mosaïque agricole exceptionnelle, est façonnée par la diversité de ses sols, de ses reliefs et de ses terroirs, qui s'exprime au travers de modèles agricoles variés et complexes. Le modèle de polyculture-élevage, qui combine différentes productions au sein d'une même exploitation, est une réponse concrète aux enjeux de l'agroécologie et réduit significativement l'usage d'intrants. Dans le Lot, des exploitations associent ainsi production de noix, asperges et élevage ovin.
Pourtant, un paradoxe persiste : ces exploitations se heurtent systématiquement à des obstacles administratifs en raison de leur non-spécialisation, situation critique lors de l'activation des fonds d'urgence et des dispositifs de crise, où leur polyvalence devient un handicap plutôt qu'un atout.
Assurons un traitement plus équitable à ces exploitations agricoles dont le modèle mérite d'être protégé plutôt que pénalisé. Comment adapterez-vous nos dispositifs de soutien à leur réalité plurielle ?
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Le secteur agricole est confronté depuis plusieurs années à diverses crises climatiques, sanitaires ou économiques. Or nous avons besoin d'une agriculture forte, productive et résiliente. La diversification, très importante, est un facteur de résilience.
L'État finance des plans d'investissement pour adapter l'agriculture au changement climatique, comme France 2030 et la planification écologique. La complémentarité des exploitations de polyculture-élevage est très importante.
Au-delà des mesures structurelles et de la réforme de l'assurance récolte, l'État apporte aussi un soutien économique, avec la compensation des pertes dues à l'influenza aviaire ou à la fièvre catarrhale ovine (FCO). Face aux crises multiples et répétitives, nous avons mis en place un soutien exceptionnel à la trésorerie de court ou long terme, sans aucun critère de spécialisation.
En revanche, pour soutenir des filières spécifiques rencontrant de sévères difficultés, il est impératif, juridiquement et budgétairement, de cibler l'intervention sur les exploitations avec des niveaux de perte minimum qui justifient l'intervention de l'État et avec un seuil de spécialisation.
Au demeurant, la diversification des productions, stratégique, permet à l'entreprise de gagner en résilience. Nous apporterons des réponses rapides parce que l'équilibre de ces exploitations est précieux pour toute notre agriculture, et les aiderons dans leurs adaptations structurelles lors de l'examen du projet de loi d'orientation agricole.
Dispositif « Rebond Industriel » et avenir des Papeteries de Condat
Mme Marie-Claude Varaillas . - Les Papeteries de Condat, au Lardin-Saint-Lazare, en Dordogne, représentent plus d'un siècle d'histoire industrielle de savoir-faire du papier couché double face. Détenues par le groupe Lecta et ayant compté jusqu'à 1 200 salariés, elles subissent la baisse de la demande et ont reçu 33 millions d'euros d'aides de la région Nouvelle-Aquitaine et de l'État, dont une aide importante de l'Ademe pour leur chaudière biomasse.
En 2023, Lecta a annoncé la fermeture d'une de ses deux lignes de production, provoquant une perte de 174 emplois sur 420 et de 1 500 emplois induits, et souhaite transférer cette ligne sur le site de Garda en Italie : en 2023, le groupe a produit 45 000 tonnes de papier, essentiellement sur ses sites espagnol et italien, et seulement 9 700 tonnes à Condat.
La production de la seconde ligne, spécialisée dans la glassine, un papier utilisé notamment pour les étiquettes, est annoncée pour 2025 à environ 80 000 tonnes, alors qu'il faudrait 140 000 tonnes pour atteindre l'équilibre financier. Pire, cette glassine de Condat est vendue à 1 400 euros la tonne contre un prix de 1 800 euros, en moyenne, sur le marché. Cela interroge sur la viabilité économique du site.
En 2023, le ministre a rencontré sur place élus et personnels afin de mettre en place le dispositif Rebond. Malgré ce dispositif, 58 salariés sur 105 sont au chômage et les 197 encore en poste s'inquiètent de leur avenir face à une activité en dents de scie, avec des arrêts fréquents et une stratégie industrielle peu lisible.
Alors que l'État souhaite reconquérir notre souveraineté industrielle, le nouveau ministre de l'industrie doit venir sur place. Il y va de notre responsabilité collective d'agir pour redonner un avenir à ce site et au bassin d'emplois.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire . - L'entreprise a engagé un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) fin 2023, supprimant ainsi 171 emplois.
Les services de l'État veillent au respect des obligations d'accompagnement et de reclassement prévues dans le PSE, et ont initié une mission Rebond industriel. Ils ont validé le PSE le 30 octobre 2023. Le bilan est encourageant : près d'une soixantaine de salariés ont une solution de reclassement concrétisée, 51 d'entre eux ont bénéficié des mesures d'âge prévues dans le PSE ou d'une retraite, et les autres salariés bénéficient d'un accompagnement du cabinet LHH.
De nombreux projets territoriaux ont été soutenus par la mission Rebond : 150 emplois seront créés, renforçant le tissu économique local dans le Périgord noir et prioritairement autour du Lardin-Saint-Lazare et de Terrasson. Une quarantaine d'entreprises a été accompagnée. Le comité de pilotage du 24 janvier confirmera les perspectives en matière d'emploi.
La situation de Lecta reste fragile. L'entreprise a adapté sa stratégie et procédé à une recapitalisation via l'actionnaire. Dans ce contexte, les services de l'État ont décidé de ne pas remettre en cause la subvention de 14 millions d'euros versée par l'Ademe en 2020 pour l'installation d'une chaudière biomasse opérationnelle depuis le mois de septembre. Le ministre Ferracci et ses services restent particulièrement attentifs à l'avenir de cette entreprise, ainsi qu'à l'avenir industriel du territoire.
Gestion de la taxe d'aménagement
M. Jean-Baptiste Blanc . - La loi de finances pour 2021 devait simplifier la gestion de la taxe d'aménagement, en la transférant des directions départementales des territoires (DDT) à la DGFiP. Or cette réforme a engendré de graves dysfonctionnements.
Depuis le 1er septembre 2022, aucune commune n'a perçu la taxe d'aménagement issue des nouvelles autorisations d'urbanisme, mais seulement les reliquats du système antérieur, toujours en cours de clôture. Ce décalage crée une pression budgétaire croissante qui menace les finances des collectivités. Le blocage est en partie lié au fait que la taxe n'est désormais exigible qu'à l'achèvement des travaux, sur déclaration volontaire des contribuables, ce qui impose une vérification supplémentaire.
En outre, de sérieuses inquiétudes pèsent sur la fiabilité de l'outil de gestion GMBI de la DGFiP. Au 31 décembre 2023, seulement 1 576 dossiers d'autorisation d'urbanisme postérieurs au 1er septembre 2022 avaient été traités à l'échelle nationale, alors que le nombre de constructions annuelles de logements en France est de 300 000 à 400 000.
Quelles mesures concrètes le Gouvernement envisage-t-il pour remédier aux faiblesses de ce système ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire . - Le transfert de la gestion de la taxe des DDT à la DGFiP avait pour objet d'unifier les obligations déclaratives fiscales en matière foncière et d'urbanisme. Un système d'acompte a été créé pour neutraliser les effets du décalage de l'exigibilité de la taxe.
Les délais de traitement sont optimisés par la dématérialisation.
La réforme a suscité des interrogations des usagers et abouti à des erreurs déclaratives qui ont freiné la liquidation des taxes. La vérification préalable réalisée par la DGFiP a pu ralentir les paiements. Mais le Gouvernement est conscient des difficultés et la DGFiP est pleinement mobilisée pour stabiliser, en 2025, la gestion de la liquidation de la taxe.
Je précise toutefois que les dysfonctionnements n'ont pas tari le flux des taxes perçues par les collectivités territoriales. Enfin, l'émission des acomptes a débuté en octobre 2024.
Gare routière de Paris Bercy-Seine
M. Franck Dhersin . - En septembre 2023, sans concertation, ni étude d'impact préalable, ni alternative, la mairie de Paris a annoncé la fermeture de la gare routière de Bercy-Seine. Il s'agit pourtant de la plus importante du pays. Elle accueille chaque année plusieurs millions de passagers des fameux cars Macron, ou services librement organisés (SLO).
En juillet 2024, l'Autorité de régulation des transports (ART) a publié un rapport qui établit clairement que cette gare est une infrastructure essentielle et qu'il ne faut pas la fermer tant qu'aucune autre solution n'est opérationnelle. La ville de Saint-Denis s'est récemment portée volontaire pour construire la plus grande gare routière d'Europe, mais ce projet prendra plusieurs années et devra être soutenu par l'État. En attendant, il faut maintenir la gare routière de Bercy-Seine et utiliser enfin les millions d'euros payés chaque année par les opérateurs pour la rénover, améliorer le service et limiter les nuisances.
Une mission travaille sur les conditions d'un déménagement de la gare. Comment s'assurer que la mairie de Paris ne précipitera pas sa fermeture tant qu'aucune solution n'est trouvée ?
La France doit se doter de gares routières de qualité.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports . - J'aurais pu moi-même poser cette question il y a quelques jours.
Les SLO ont accueilli 15 millions de passagers en 2023. La gare routière de Bercy-Seine est un équipement majeur, qui reçoit chaque année 4,7 millions de passagers. Mes prédécesseurs ont porté une attention particulière au projet d'évolution du site, dont la mairie de Paris est propriétaire.
L'ART a proposé plusieurs scénarios en juillet 2024 et recommandé la mise en place d'une gouvernance locale à ce sujet.
Mon prédécesseur a créé un comité de pilotage afin de déterminer les schémas d'accueil des cars longue distance en Île-de-France en tenant compte des contraintes des collectivités et autres parties prenantes. Ce comité s'est réuni pour la première fois le 12 décembre, dans un esprit de consensus.
L'avancement des travaux devra être présenté en mars. Je propose de vous associer à cette démarche.
Train de nuit Paris - Bourg-Saint-Maurice
Mme Martine Berthet . - La disparition, en octobre 2016, du train de nuit entre Paris et Bourg-Saint-Maurice pèse sur l'accessibilité des régions de montagne. Les liaisons en TGV sont souvent saturées, notamment pendant les vacances ; en outre, les tarifs sont dissuasifs.
L'offre ferroviaire en Savoie doit être adaptée en vue de l'accueil des jeux Olympiques d'hiver en 2030. Or près de 89 % des Français privilégient la voiture pour se rendre en montagne : à l'heure de la transition écologique, les territoires de montagne ne peuvent pas rester dépendants du transport routier et aérien !
Relancer les trains de nuit est une alternative crédible, d'autant plus importante qu'elle favoriserait le tourisme. Elle répondrait également aux attentes des familles et des jeunes citadins, qui souhaitent s'évader des métropoles pour profiter d'un week-end en montagne.
Cela s'inscrirait dans la suite des ambitions présidentielles de 2020 d'ouvrir une dizaine de lignes de trains de nuit d'ici 2030, et des engagements des gouvernements successifs.
La desserte par le train de nuit de nos territoires de montagne sera-t-elle relancée dans des délais raisonnables avant les Jeux de 2030 ?
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports . - La relance des trains de nuit suppose des investissements, c'est-à-dire du temps et de l'argent. Avec cinq lignes, la France fait partie des pays qui ont le plus développé cette offre de transport en Europe.
En vue des jeux Olympiques de 2030, les lignes Paris-Briançon et Paris-Nice feront l'objet d'une attention particulière. Une procédure de renouvellement du matériel sera lancée prochainement pour 180 voitures et près de 30 locomotives ; l'extension à d'autres lignes, dont la vôtre, pourra être étudiée. À moyen terme, je souhaite débattre de la poursuite du train de nuit.
J'en profite pour vous annoncer officiellement que le chantier de la Maurienne, que vous attendez depuis longtemps, sera livré au mois de mars. (Mme Martine Berthet s'en félicite.)
Lignes ferroviaires des Pyrénées-Atlantiques
Mme Denise Saint-Pé . - Entre le 22 et le 23 novembre 2024, deux trains, un TER reliant Hendaye à Bordeaux et un TGV reliant Tarbes à Paris, ont été immobilisés dans les Landes pendant plus de neuf heures en raison d'une rupture de caténaire. Près d'un millier de passagers ont été bloqués dans la nuit et le froid. Cela illustre la vulnérabilité d'une infrastructure ferroviaire largement dépassée, notamment au sud de Dax.
Depuis plusieurs années, je dénonce cette dégradation préoccupante. La croissance continue du nombre de passagers rend une modernisation incontournable. Il est inopportun de reporter ces travaux en attendant la concrétisation de projets à plus long terme, tels que le RER basco-landais. Ces projets ne verront pas le jour avant plusieurs années ; or moderniser les lignes actuelles aurait des bénéfices tangibles et rapides. Pouvez-vous clarifier les intentions du Gouvernement en la matière, afin de donner aux Béarnais et aux Basques l'espoir qu'ils ne seront plus enclavés ?
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports . - Je me bats depuis des années en faveur de la modernisation des lignes ferroviaires.
En dix ans, SNCF Réseau a investi plus de 300 millions d'euros dans la régénération des voies dans votre région. Au printemps dernier, le président de SNCF Réseau a annoncé un effort de 200 millions d'euros sur la ligne Pau-Dax-Bordeaux d'ici 2030, afin de parachever le programme de régénération, notamment en complétant le renouvellement de la ligne Ychoux-Puyoô. D'autres chantiers seront engagés, tel le renouvellement, prévu entre 2025 et 2031, de la caténaire historique « Midi » par une autre, plus moderne, entre Dax et Bayonne, pour 190 millions d'euros.
Le financement des mobilités sera au coeur de la prochaine conférence des mobilités.
La qualité du service des usagers sera l'une de mes priorités.
Difficultés des maires en matière d'assurance
Mme Nadège Havet . - « C'est de plus en plus difficile » : dans le Finistère, les communes ont du mal à s'assurer.
Ce titre d'un article de jeudi dernier d'Ici, anciennement France Bleu, résume parfaitement la situation. C'est un sujet central pour toutes les communes de France, qui subissent une hausse des sinistres en raison des aléas climatiques. Les compagnies d'assurance qui répondent aux appels d'offres des collectivités se font de plus en plus rares et ont pris des mesures pénalisantes : augmentation des primes, réduction du périmètre de couverture, non-reconduction des contrats.
À Pleuven, l'assureur a rompu son contrat après la tempête Ciaran. À Plouzané, les primes ont augmenté de 462 % en deux ans. Pour la communauté d'agglomération du Pays de Landerneau-Daoulas, la franchise a explosé, passant de 1 500 euros à 100 000 euros, et 5 des 22 communes n'ont pas trouvé d'assureur.
Une mission a été confiée au maire de Vesoul, Alain Chrétien, et à l'ancien président de Groupama, Jean-Yves Dagès, qui ont proposé un dispositif de mutualisation du risque social exceptionnel. Que compte faire le Gouvernement ?
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports . - Je connais bien cette problématique, prégnante dans la vallée de la Roya.
Le Gouvernement est attentif à ce que chaque collectivité puisse trouver une solution. Certains assureurs se sont retirés, tandis que la sinistralité augmente. Les dispositifs de l'État ont fait leurs preuves, comme le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM).
En septembre 2023, un accord a été conclu avec les assureurs, pour qu'ils mettent en place un système de médiation. Plusieurs propositions de la mission de MM. Chrétien et Dagès rejoignent les recommandations du rapport de M. Husson. Il convient de dynamiser le marché assurantiel tout en veillant à sa bonne régulation. Nous avons lancé des travaux avec les assureurs pour faciliter la passation de marchés publics, et le Gouvernement annoncera très prochainement des actions concrètes. Chaque collectivité pourra ainsi trouver une solution d'assurance adaptée.
Évaluation de l'expérimentation de l'entreprise d'insertion par le travail indépendant (EITI)
Mme Antoinette Guhl . - En 2018, les entreprises d'insertion par le travail indépendant (EITI) ont acquis à titre expérimental le statut de structure d'insertion ; depuis, aucune évaluation. Or ce statut a été validé par un arrêté du 2 janvier 2025 : c'est un scandale !
Les EITI proposent à des personnes en grande précarité de travailler sous le statut d'autoentrepreneur, au même titre que les plateformes, les privant de droits essentiels : pas de protection en cas d'accident, pas d'indemnisation chômage ni de droits à la retraite décents. En revanche, il existe bel et bien un prélèvement de 25 % sur les prestations rendues par des personnes en insertion, comme pour Uber !
Depuis 2020, 100 millions d'euros ont été dépensés dans ce modèle économique qui précarise, sans aucune évaluation : ce n'est pas digne de l'État en cette période de crise budgétaire. Ces entreprises n'assurent pas une insertion professionnelle durable, mais encouragent l'ubérisation. Priorisons les dispositifs qui fonctionnent réellement.
Quand allez-vous fournir le rapport d'évaluation prévu par la loi de 2018 ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap . - L'article 83 de loi du 5 septembre 2018 prévoit bien la remise d'un rapport d'évaluation, six mois avant le terme de l'expérimentation, déjà prolongée deux fois.
En 2023, l'Igas a remis un rapport proposant une prolongation de deux ans, un meilleur encadrement et des ajustements pour rendre les aides financières plus cohérentes. Il y a un an, la loi de finances pour 2024 a prolongé l'expérimentation jusqu'à fin 2026, soit un an de plus que la proposition de l'Igas, pour déployer ce nouveau cadre.
Ce n'est pas une simple prolongation ! En 2024, une concertation approfondie a été engagée pour rénover le cadre dès janvier 2025. Un cahier des charges sera publié, pour préciser, entre autres, les obligations des EITI et les indicateurs de suivi et de performance.
Le dispositif rénové fera l'objet d'une évaluation indépendante, six mois avant le terme de l'expérimentation.
Transport scolaire des élèves en situation de handicap
Mme Annie Le Houerou . - Depuis 2017, les régions sont seules compétentes pour organiser les transports scolaires. Les départements assurent le financement et peuvent organiser le transport scolaire des élèves en situation de handicap s'ils sont reconnus médicalement inaptes à utiliser les transports en commun.
Toutefois, certains élèves, sans être reconnus médicalement inaptes à utiliser les transports en commun, ne disposent pas de l'autonomie nécessaire pour les emprunter quotidiennement. Dès lors, c'est l'impasse. Les départements refusent de financer un transport adapté, et il n'existe pas de transport scolaire classique entre le domicile de l'enfant et l'établissement spécialisé qu'il fréquente.
Certains enfants doivent être scolarisés à la maison ou même se déscolariser. Au mieux, la maman abandonne son emploi pour accompagner son enfant.
Le ministère a-t-il identifié le problème ? Quelles mesures prévoyez-vous ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap . - Ce sujet est majeur. Je partage pleinement votre diagnostic de dysfonctionnement.
L'organisation et le financement du transport scolaire relèvent des collectivités territoriales, depuis la loi NOTRe.
Les frais de déplacement pour les élèves en situation de handicap sont pris en charge par le conseil départemental si l'enfant est déclaré inapte à emprunter les transports en commun. Dès lors, le département doit organiser leur transport.
Or les départements eux-mêmes sont responsables de l'évaluation de la capacité d'un élève à prendre un transport en commun, en s'appuyant sur l'expertise des équipes pluridisciplinaires de la MDPH.
Nous ne pouvons accepter que des élèves se déscolarisent car ils n'ont pas accès à des transports adaptés. Pour préciser les critères d'éligibilité, j'ai demandé aux administrations concernées qu'un travail soit engagé avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et les conseils départementaux dans les prochaines semaines. Je suivrai ce travail avec attention.
Situation financière des Ehpad publics
Mme Anne Ventalon . - Les Ehpad publics, qui prennent en charge plus de 600 000 résidents, affrontent depuis des années une crise économique structurelle qui s'intensifie. Selon le rapport d'information de la commission des affaires sociales du Sénat, la part des Ehpad déficitaires est passée de 27 % à 66 % entre 2020 et 2023.
Le fonds d'urgence de 100 millions d'euros créé en 2023 pour les établissements et services médicaux sociaux (ESMS) en difficulté a beau avoir été alloué à 80 % aux Ehpad, ce n'est pas suffisant.
Les 64 Ehpad de l'Ardèche subissent, comme d'autres, le contexte inflationniste et les revalorisations salariales promises lors du Ségur de la Santé.
Qu'envisagez-vous pour garantir le financement intégral de ces revalorisations salariales et soutenir durablement les Ehpad face aux défis démographiques et économiques à venir ? Des mesures pérennes s'imposent pour sécuriser leur avenir et garantir une prise en charge digne de nos aînés. Quand sera présentée la loi Grand Âge ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap . - Je mesure les enjeux qui traversent le secteur du grand âge. Une commission dédiée au suivi de la situation financière des structures médico-sociales en difficulté a été mise en place dans chaque département, avec un soutien exceptionnel de 100 millions d'euros. Deux enveloppes complémentaires de 100 millions d'euros chacune ont été débloquées en 2024 pour les Ehpad en difficulté.
D'autres travaux sur les modalités de financement, sur l'organisation territoriale et sur la transformation de l'offre ont été ouverts. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a autorisé les départements volontaires à fusionner les sections soins et dépendance, au profit d'un forfait global. Cette simplification est attendue : le PLFSS pour 2025 devait permettre de lancer l'expérimentation dans les 23 premiers départements. Je souhaite que nous puissions enclencher cette réforme dès l'adoption du prochain PLFSS.
En outre, depuis le 1er janvier 2025, les Ehpad habilités à l'aide sociale à l'hébergement peuvent différencier les tarifs hébergements opposables aux bénéficiaires de l'aide sociale à l'hébergement (ASH).
Le principe d'une loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge a été posé dans la loi Bien vieillir. Ce travail doit se poursuivre pour préparer l'accélération du vieillissement à partir de 2030. Cet enjeu sera porté avec détermination par le Gouvernement, comme vient de l'indiquer le Premier ministre dans son discours de politique générale.
Mme Anne Ventalon. - Les aides ont soulagé ponctuellement certains Ehpad en situation d'urgence financière, mais ces établissements, au bord de la rupture, ne peuvent plus se contenter de pansements. La loi Grand Âge ne doit plus se faire attendre.
Protection des enfants en Seine-Maritime
M. Didier Marie . - La situation de la protection de l'enfance en Seine-Maritime est alarmante. Le manque de moyens engendre de nombreux dysfonctionnements qui pénalisent les 7 000 enfants et adolescents censés être placés.
Ces mineurs sont fragiles. Prostitution, fugues, disparitions, violences sont monnaie courante. Dernièrement, une adolescente accompagnée par la protection de l'enfance a été victime d'un féminicide.
Les professionnels doivent gérer des situations toujours plus compliquées, alors que le système judiciaire et administratif se dégrade : les audiences et les rendez-vous de fin de mesure ne sont plus systématiques, les ordonnances sont envoyées tardivement, le nombre de mesure judiciaire d'investigation explose et les délais de mise en oeuvre s'allongent. Tout le système dysfonctionne. La suppression de 500 postes de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) en septembre 2024 a eu un impact désastreux et les professionnels ne s'en sortent plus.
Allez-vous assurer aux acteurs de la protection de l'enfance les moyens d'exercer dans de bonnes conditions, afin que les enfants soient accompagnés dignement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap . - Je vous livre la réponse de M. le garde des sceaux.
La politique de la protection de l'enfance relève de la compétence des départements. Pour autant, l'autorité judiciaire y joue un rôle central puisque 80 % des mesures de protection des enfants en danger sont judiciarisées. La mise en oeuvre et le financement des mesures judiciaires d'investigation éducative sont à la charge de la direction de la PJJ, qui relève du ministère de la justice.
La Seine-Maritime compte trois juridictions pour mineurs : Rouen, Le Havre et Dieppe. L'augmentation du nombre de mesures d'investigation éducative prononcées et des délais de mise en oeuvre s'inscrit dans un contexte global de difficultés croissantes à mettre en oeuvre des décisions judiciaires d'assistance éducative relevant de la responsabilité du département.
À ce jour, les unités de la PJJ ne sont pas sous tension. Seul le service du Havre a placé des mesures judiciaires d'investigation en attente pendant quelques semaines en 2024. La saturation du dispositif de prise en charge concerne essentiellement la juridiction de Rouen et le secteur associatif habilité. Cela impose de renforcer le dialogue entre le département, l'autorité judiciaire et la direction territoriale de la PJJ pour analyser les difficultés et identifier les solutions. Le ministre de la justice a demandé à ses services de s'y atteler.
M. Didier Marie. - Il y a 600 dossiers en attente de jugement au palais de justice de Rouen, contre 350 en moyenne en France. Du fait de ces dysfonctionnements, les associations de la protection de l'enfance peinent à recruter et sont contraintes de réduire la qualité des services qu'elles procurent. L'État doit prendre toute sa place dans la politique de protection de l'enfance.
Occupations illégales de terrains par les gens du voyage
Mme Laure Darcos . - Dans l'Essonne, les occupations illégales de terrains par les gens du voyage sont un problème récurrent qui exaspère élus locaux et propriétaires privés.
Les élus qui tentent de protéger les biens et les terrains de leur commune sont parfois menacés, voire agressés. Il nous faut opposer la plus grande fermeté à ces incivilités, qui entraînent en outre des préjudices souvent élevés. Vols, dégradations, branchements sauvages sur les installations d'eau ou d'électricité, pollutions des terrains ont un coût, supporté par le contribuable local.
Si les forces de l'ordre sont souvent aux côtés des élus, ceux-ci déplorent la lenteur de la réponse judiciaire.
Il faut inciter les préfectures à agir rapidement pour réaliser les procédures administratives d'évacuation forcée, et les parquets à instruire systématiquement les procédures pour installation en réunion sans autorisation sur le terrain d'autrui, prévues par l'article 322-4-1 du code pénal. Ces procédures sont trop souvent classées sans suite.
Le Gouvernement entend-il prendre des mesures, y compris législatives, pour réprimer plus efficacement et plus rapidement les atteintes aux biens et rendre ainsi au droit de propriété sa pleine valeur constitutionnelle ?
Les gens du voyage ont les mêmes droits et les mêmes devoirs que tous les autres citoyens. Le respect des lois est primordial. Il y va de la concorde publique.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - C'est un sujet majeur, récurrent, dont la Haute Assemblée a souvent débattu.
Le cadre juridique est celui de la loi du 5 juillet 2000, qui consacre la liberté d'aller et venir des gens du voyage et impose le respect des installations mises à leur disposition. L'article 9, sur le stationnement illégal, permet au maire ou au président d'EPCI de demander au préfet de prononcer une mise en demeure de quitter les lieux. Nous en connaissons le principe - mais aussi les limites.
J'ajoute que les actes de destruction, de dégradation ou de détérioration des biens appartenant à autrui commis par les gens du voyage peuvent faire l'objet de procédures pénales ; les actions en responsabilité civile sont également possibles.
Mais nous le savons tous, l'enjeu, en cas d'installation illégale, est d'obtenir le départ immédiat. Or la législation actuelle n'est pas suffisamment efficace. Bruno Retailleau a donc lancé une réflexion pour renforcer d'une part l'efficacité de la procédure d'évacuation, et d'autre part, le poids des sanctions judiciaires. Je présiderai dans les prochains jours un groupe de travail, confié au préfet Philip Alloncle, chargé de recenser les difficultés et de faire des propositions pour accélérer les procédures d'expulsion et simplifier la vie des élus locaux et de nos concitoyens victimes des dégradations occasionnées par ces occupations illégales.
Mme Laure Darcos. - Merci. Je serais ravie de contribuer à ces réflexions, car il y a des trous dans la raquette. Les élus de l'Essonne sont régulièrement « visités ».
Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président
La séance reprend à 21 h 30.