Déclaration du Gouvernement

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la lecture d'une déclaration du Gouvernement, par Mme Élisabeth Borne, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. (Murmures à droite)

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC) « En vérité, contrairement à ce que beaucoup pensent, la situation de ce gouvernement présente un avantage considérable. (« Ah ! » à gauche ; sourires à droite) Sur ces bancs, même parmi ceux qui sont violemment hostiles à ce que nous pensons, pas un ne trouve notre position enviable. (Rires) 84 % des Français, paraît-il, jugent que le Gouvernement ne passera pas l'année. Il m'arrive même de me demander où les 16 % restants trouvent la source de leur optimisme. (Rires)

M. Mickaël Vallet.  - Nous aussi !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - « Eh bien, au risque de vous surprendre, je crois que cette situation est un atout. Quand tout va bien, on s'endort sur ses lauriers.

M. Mickaël Vallet.  - Les lauriers de Jupiter !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - « Quand tout va mal, on est contraint au courage. Il y a un deuxième atout décisif : c'est le besoin, l'exigence, l'injonction que notre pays nous assigne, retrouver de la stabilité. Tout le pays, tous les Français en ont besoin. Ils comprennent bien que nous ne sommes pas d'accord sur tout, mais ils nous enjoignent, je le crois, de joindre nos forces pour forcer les issues.

« Un grand pays, un pays digne de ce nom, est un pays capable de regarder en face ses chances -  et elles sont grandes  - et ses difficultés -  qui ne le sont pas moins. Les sujets d'inquiétude sont innombrables. Il en est un toutefois qui émerge avec une force criante : le surendettement de notre pays. Et nos compatriotes, surtout les plus fragiles, savent ce qu'est le surendettement, quelles incertitudes et difficultés cette situation suscite.

M. Michel Savin.  - Eh oui !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - « Depuis la guerre, la France n'a jamais été aussi endettée qu'elle l'est aujourd'hui. J'affirme qu'aucune politique de ressaisissement et de refondation ne pourrait être conduite si elle ne tient pas compte de notre surendettement et si elle ne se fixe pas à l'objectif de le contenir et de le réduire.

« Pourquoi cette situation de surendettement nous oblige-t-elle collectivement ? Parce que tous les courants dits de gouvernement y ont pris leur part. Quand François Mitterrand est élu, (exclamations à gauche et protestations à droite) la France est l'un des pays les moins endettés du monde -  à peine plus de 20 % de notre production nationale. À la fin de son second mandat, en 1995, c'est 52 % : plus de 30 points d'endettement supplémentaires en quatorze ans.

M. Roger Karoutchi.  - Et voilà !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - « À la fin des années 1990, la France, pour tous les critères de santé économique, est nettement au-dessus de l'Allemagne réunifiée : notre commerce extérieur est largement excédentaire et notre endettement inférieur à celui de nos voisins. Puis, en 2000 -  gouvernement de Lionel Jospin  - , brutalement les courbes se cassent et commence une descente que rien ne semble pouvoir arrêter. Entre 2007 et 2012 -  Nicolas Sarkozy  - , accélération de l'endettement, 25 points de produit intérieur. (On ironise à gauche.) Entre 2012 et 2017 -  François Hollande  - , 10 points. Depuis 2017 - Emmanuel Macron  - , 12 points. (Exclamations à droite)

« Je n'en fais pas un motif d'accusation. Je sais les raisons. François Mitterrand, c'était l'alternance ; il fallait que les Français y trouvent leur compte. Nicolas Sarkozy, la crise des subprimes. Emmanuel Macron, coup sur coup, une cascade de crises jamais vues et jamais imaginées (on se montre dubitatif à droite) : à partir de 2018, les « gilets jaunes », puis le Covid et un pays à l'arrêt, puis la guerre en Ukraine, l'inflation, l'explosion des prix de l'énergie...

M. Mickaël Vallet.  - C'est Bruno Le Maire !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - « J'affirme que tous les partis dits de gouvernement ont une responsabilité dans la situation créée ces dernières décennies. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Et j'affirme que tous les partis d'opposition, demandant sans cesse des dépenses supplémentaires, ont dansé aussi le tango fatal qui nous a conduits au bord de ce précipice. (Mme Laurence Rossignol proteste.)

« Cette dette est une épée de Damoclès au-dessus de notre pays et de notre modèle social. Et ceci est d'autant plus grave que nous sommes entrés dans un monde nouveau. Nous sommes passés de la force de la loi à la loi de la force. (Marques d'ironie à gauche)

« Le 24 février 2022, au vu et au su de la planète, une des principales puissances du monde, puissance géographique et militaire, la Russie de Vladimir Poutine, a jeté son dévolu sur un pays souverain, l'Ukraine, pour l'annexer -  un pays de la taille de la France, fait sans précédent sur le sol européen depuis 75 ans.

« Cette agression a été un signal : celui du règne de la force brutale. C'était rampant, aujourd'hui c'est affiché. Évidemment et significativement, l'Iran, la Corée du Nord sont entrés dans le soutien à l'agression de Vladimir Poutine. Autres maillons de cette chaîne de puissance décidée à ne plus se laisser arrêter par des règles dont il conteste désormais la légitimité même.

« Les dirigeants chinois ne sont pas en reste. En faisant l'éloge d'un monde multipolaire, la Chine tisse le réseau de sa domination économique, technologique, diplomatique et militaire. L'excédent commercial chinois vient de franchir le cap des 1 000 milliards de dollars. C'est une stratégie, programmée depuis dix ans, qui vise purement et simplement à remplacer notre industrie.

« Nous avions, dans la défense de ces règles bafouées, un grand allié, parfois incommode : les États-Unis. Or, ceux-ci ont choisi, par d'autres voies, la même politique de puissance et de domination : l'offensive monétaire, la captation de la recherche mondiale, la poursuite de l'application extraterritoriale de leurs droits, la domination technologique par des entreprises de taille planétaire et le pouvoir que cela donne d'intervenir dans la vie démocratique d'autres États.

« De ce nouvel ordre mondial, ou plutôt de ce nouveau désordre mondial, qui menace tous les équilibres et toutes les règles de la décence, Elon Musk n'est que le visage débridé. Mais le président réélu des États-Unis articule lui-même - fait inédit  - des menaces d'annexion de territoires souverains : le Groenland, le canal de Panama et même le Canada.

« Il est temps de regarder les choses en face. Ces grandes puissances que nous respectons, c'est à nous de leur signifier qui nous sommes, car sans notre détermination, elles l'oublieront.

« Dans le nouveau monde de la force brutale, la France a ses propres atouts. Sa diplomatie, la force de son armée et l'engagement de ses militaires, auxquels je rends ici hommage -  ils nous protègent collectivement. C'est d'ailleurs pour moi l'occasion d'évoquer le sort de nos otages retenus par le Hamas ainsi que celui de tous nos otages dont nous demandons la libération.

« Mais pour que la France fasse vivre son trésor de civilisation et continue de le partager au monde, l'Europe, notre Europe, doit devenir une communauté stratégique, une puissance politique et de défense à la dimension de la puissance économique qu'elle devrait être. Une seule condition : que nous acceptions de nous définir et de nous affirmer ensemble. La construction d'une communauté politique pour faire vivre cette communauté de civilisation, c'est la question qui domine depuis 1945.

« À cette construction ont contribué, chacun à sa manière, le général de Gaulle, Jean Monnet et Robert Schuman, Valéry Giscard d'Estaing et François Mitterrand, Jacques Delors et Emmanuel Macron. (Marques d'ironie à gauche) Tous ont partagé une conviction : l'indépendance de la France dépend de celle de l'Europe, et réciproquement. La prospérité de la France dépend de celle de l'Europe, capable, si elle le veut, de devenir le premier marché de la planète, de parler technologie, industrie et agriculture à égalité avec les États-Unis et la Chine, comme l'a récemment montré le rapport de Mario Draghi.

« Mais l'Europe est travaillée, elle aussi, par des ferments inutiles de division. Si nous ne reconstruisons pas patiemment, ce que le président de la République fait jour après jour, à la fois la place de la France en Europe et la vision française de ce que doit être l'Europe, alors nous deviendrons insignifiants et, immanquablement, nous entrerons dans la soumission.

« Je salue le fait que toutes les sensibilités rassemblées au sein de l'équipe gouvernementale soient unies par cette conviction commune. C'est dans cet esprit que j'ai constitué mon équipe gouvernementale. Elle reflète au mieux l'union des grandes sensibilités du pays, avec de l'expérience et de l'enracinement, avec de fortes personnalités.

« Cette équipe porte un message. Comme aux heures où le sort même de notre nation était en question, l'intérêt général oblige à dépasser les préférences partisanes pour que le pays se ressaisisse. Je doterai chaque ministre d'une feuille de route et chaque feuille de route sera communiquée et partagée avec les commissions compétentes du Parlement et du Conseil économique, social et environnemental. (On ironise à droite.)

« Car je tiens à ce que la société civile organisée ait pleinement voix au chapitre. J'ai confiance dans les partenaires sociaux : je crois qu'ils ont entre les mains une part décisive de l'avenir national. C'est aussi cela, la nouvelle méthode démocratique : en finir avec les injonctions du haut vers le bas ; redonner place à la vie démocratique, avec les citoyens, les élus, tous les corps intermédiaires qui constituent la nation française.

« Cette équipe de ministres reflète des choix révélateurs.

« L'éducation nationale est à sa place, la première. Elle est confiée à une personnalité, ancienne Première ministre (« ah ! » sur de nombreuses travées ; l'oratrice sourit), exemple de méritocratie républicaine et de service de l'État, assistée de l'ancien président du Centre national d'études spatiales (Cnes) et spécialiste des universités.

« Les outre-mer viennent ensuite. Cet engagement n'a jamais été porté aussi haut dans notre histoire. J'ai considéré que ce sujet et nos compatriotes, à ce moment précis de notre histoire commune, avec tous les risques et tous les dangers, devaient être promus au rang de toute première préoccupation de la nation. Manuel Valls (quelques discrètes huées sur les travées du groupe SER), ancien Premier ministre, a accepté d'en prendre la lourde et passionnante responsabilité.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Un très bon Premier ministre...

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - « Les questions de sécurité sont brûlantes pour nos concitoyens. J'ai souhaité une coopération étroite entre les ministères de la justice et de l'intérieur pour leur confier la restauration de l'autorité de l'État, qui est indissociablement celle de l'État de droit. Deux ministres d'État, chacun avec son tempérament, mais dont on sait la résolution commune, mèneront à bien cette action.

« La réponse au narcotrafic ou à la délinquance des mineurs -  sur laquelle Gabriel Attal et son groupe ont proposé un texte  - , la présence des forces de sécurité sur le terrain -  à travers par exemple de nouvelles brigades de gendarmerie  - , devront confirmer à nos concitoyens que l'État de droit n'est pas l'état de faiblesse. Et nous devrons être sans faiblesse pour lutter contre le terrorisme et tous les séparatismes.

« De même, il faudra repenser notre projet pénitentiaire à travers un plan d'urgence, se fondant sur une nouvelle approche, mieux adaptée aux différents types de détention.

« Et pour tous les pans de l'action du Gouvernement, chaque membre du Gouvernement aura à agir -  pour chacun des pôles économique, social, territorial, écologique, culturel, agricole, pour les armées, l'Europe et les affaires étrangères, la transformation publique et les sports  - avec le sens de la responsabilité, pour relever trois défis.

« D'abord, faire face à l'urgence. Il faut se ressaisir et adopter sans tarder les deux budgets, de l'État et de la sécurité sociale. Cette précarité budgétaire, nous la payons tous au prix fort -  entreprises, investisseurs, familles, contribuables, emprunteurs.

M. Mickaël Vallet.  - Rentiers...

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - « Deuxième défi, mettre en place les conditions de la stabilité qui imposent de se réconcilier -  ce dont le pays a tant besoin et que ses citoyens ne cessent de réclamer.

« Troisième grand défi de plus long terme, notre pays doit refonder son action publique, ce qui exige que nous nous attaquions sans tarder à tous les problèmes devant nous et non à certains à l'exclusion des autres. (M. Guillaume Gontard applaudit.)

« Notre situation de blocage n'est pas seulement financière, elle est aujourd'hui politique. Jugez-en : le budget de la sécurité sociale censuré ; le budget de la nation entièrement repoussé en première lecture à l'Assemblée, interrompu au Sénat ; tous les secteurs d'intervention publique entravés -  éducation, sécurité, santé, solidarité, agriculture, commerce extérieur ; des milliers de recrutements, par exemple dans la justice, suspendus ; les mesures de soutien à la Nouvelle-Calédonie empêchées ; la loi de programmation militaire enrayée ; le fonds vert des collectivités bloqué. (Vives protestations à gauche)

« Nos concitoyens se sentent glisser sur la pente du déclassement. Les investisseurs s'inquiètent. L'épée de Damoclès de la motion de censure paraît avoir installé la précarité au sommet de l'État.

« Au coeur de ce blocage, il y a quelque chose de culturel : notre incapacité à vivre avec le pluralisme, à être en désaccord sans nous menacer du pire.

M. Rachid Temal.  - Quatre Premiers ministres en un an !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - « Les réquisitoires et les invectives minent la confiance des citoyens. Il est temps de changer de logiciel démocratique et donc de méthode.

M. Hussein Bourgi.  - Proportionnelle !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - « Se confronter, mais aussi se respecter et trouver des voies de passage, sans abdiquer ce que l'on est. Et le lieu où la diversité se résout en capacité d'action, c'est le Parlement.

« La première urgence, c'est de répondre à la question des retraites, qui occupe le débat public. (« Ah ! » sur les travées du groupe SER) On voit combien cette question continue de tarauder notre pays. Le déséquilibre de notre système de retraite et la dette massive qu'il a creusée ne peuvent être ignorés ou éludés.

« Je résume les chiffres établis par le Commissariat au plan en 2021 (on ironise sur de nombreuses travées) et probablement aggravés depuis. Notre système de retraite verse chaque année quelque 380 milliards d'euros de pensions. Le système par répartition que nous affichons voudrait que, chaque année, les actifs assument le versement de ces pensions. Or, les employeurs et les salariés privés et publics versent à peu près 325 milliards par an -  cette somme s'obtient en additionnant les cotisations salariales et patronales du privé et du public, estimées au même taux, et les impôts versés par les contribuables et affectés aux retraites. 380 moins 325 : reste 55 milliards versés par le budget des collectivités publiques et de l'État au premier chef, à hauteur de 40 ou 45 milliards.

« Or, ces 40 ou 45 milliards annuels, nous n'en avons pas le premier sou. Chaque année, cette somme, le pays l'emprunte. C'est-à-dire qu'il la met à la charge des générations qui viennent ou qui viendront. Sur les plus de 1 000 milliards de dette supplémentaire accumulée par notre pays ces dix dernières années, les retraites représentent 50 % de ce total. (Mme Monique Lubin s'exclame.)

« Jamais nous n'avons fait l'effort de partager avec les Français cette évidence que la dette contractée par notre pays concerne leurs propres enfants, nos propres enfants, que la charge que nous leur laissons sera trop lourde pour être supportée.

« Entendez-moi bien, je ne dis pas que la dette soit toujours immorale. Si nous construisons des infrastructures ou finançons la recherche, il est légitime que nous partagions la charge avec ceux qui utiliseront ces équipements ou profiteront de ces connaissances. S'endetter pour construire une université ou un hôpital dont l'usage par les générations qui viennent durera 50 ou 80 ans, c'est légitime.

M. Pascal Savoldelli.  - C'est le discours de 2023 ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - « Mais la dette est injuste si elle met à la charge de nos enfants nos dépenses courantes d'aujourd'hui.

« Loin d'être seulement un problème financier ou social, cette dette est d'abord un problème moral. Quand on est héritier dans une famille, on peut toujours refuser l'héritage qui comporte trop de dettes. Mais quand on est citoyen d'un État, on ne le peut pas. Ce problème social et moral, le Gouvernement n'entend pas le laisser sans réponse.

« La réforme des retraites est vitale pour notre pays et notre modèle social. Bien des gouvernements successifs s'y sont engagés, depuis Michel Rocard jusqu'aux efforts courageux du gouvernement d'Élisabeth Borne. (Rires et quelques applaudissements)

« Je note, dans ce débat passionnel, un progrès considérable : plus personne ne nie qu'il existe un lourd problème de financement de notre système de retraite. Et en même temps, nombre des participants aux discussions ont affirmé qu'il existait des voies de progrès, qu'on pouvait obtenir le même résultat par une réforme plus juste.

« Je choisis donc de remettre ce sujet en chantier avec les partenaires sociaux, pour un temps bref et dans des conditions transparentes, selon une méthode inédite et quelque peu radicale. La démarche s'appuiera sur un constat et des chiffres indiscutables. Je vais demander une mission flash à la Cour des comptes, de quelques semaines et ce résultat, je le communiquerai à tous les Français.

« La loi de 2023 a prévu que l'âge légal de départ passerait à 63 ans fin 2026 : une fenêtre de tir s'ouvre donc. Je souhaite fixer une échéance à plus court terme : celle de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale. Nous pouvons rechercher une voie de réforme nouvelle sans aucun totem et sans aucun tabou, pas même l'âge de la retraite -  les fameux 64 ans  - , à condition qu'elle réponde à l'exigence fixée. Nous ne pouvons pas dégrader l'équilibre financier que nous cherchons et sur lequel presque tout le monde s'accorde. Ce serait une faute impardonnable contre notre pays.

« Plusieurs des partenaires sociaux ont indiqué qu'ils avaient identifié des pistes pour que la réforme soit socialement plus juste et cependant équilibrée. (M. Laurent Somon ironise.) Elles méritent toutes d'être explorées. Chacun des partenaires sociaux aura le droit de faire inscrire à l'ordre du jour de ces discussions et négociations les questions qui le préoccupent. Rien n'est fermé. (M. Michel Savin proteste.)

« Une délégation permanente sera donc créée. Je la réunirai dès vendredi. Je proposerai aux représentants de chaque organisation de travailler autour de la même table, de s'installer dans les mêmes bureaux, ensemble, pendant trois mois, à compter du rapport de la Cour des comptes.

« Si au cours de ce conclave, cette délégation trouve un accord d'équilibre et de meilleure justice, nous l'adopterons. Le Parlement sera saisi lors du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale ou si nécessaire par une loi. (M. Roger Karoutchi soupire.)

M. Mickaël Vallet.  - S'il n'y a pas de censure avant...

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - « Je souhaite que cet accord soit trouvé. Mais si les partenaires ne s'accordaient pas, c'est la réforme actuelle qui continuerait à s'appliquer.

« L'adoption d'un budget est indispensable pour les Français, pour l'action de la France, pour son image et pour son crédit. Cette orientation vers un retour à l'équilibre, qui sera nécessairement pluriannuelle et respectueuse de nos engagements européens, passera nécessairement par des efforts de l'État lui-même. L'objectif est bien 3 % de déficit public en 2029. Cette contrainte se présente dès à présent.

« Les prévisions de croissance, à la suite en particulier de la crise née du vote de la motion de censure, ont toutes été revues à la baisse. Nous ne voulons pas ignorer ces avertissements. Le Gouvernement a donc décidé de revoir sa prévision de croissance pour 2025. Elle était de 1,1 % avant la censure, nous la fixons à 0,9 %, conformément aux prévisions de la Banque de France.

« Il sera proposé de fixer l'objectif de déficit public pour 2025 à 5,4 % du PIB. Des économies importantes seront proposées et pour la suite : c'est bien un puissant mouvement de réforme de l'action publique qu'il faut conduire. Il faudra trouver des méthodes d'organisation de l'État qui ne requerront pas d'augmentation de nos dépenses publiques.

« Il nous faut repenser tous nos budgets, à partir non pas du prolongement de ce qui se faisait l'année précédente, augmenté d'un pourcentage d'inflation, mais de ce qu'exige le service ou l'action à conduire. Ces budgets redéfinis, repensés, je demanderai à tous les ministres de les préparer dès le printemps. C'est un effort dont personne ne pourra s'exclure, chacun à sa manière, dans l'exercice quotidien de ses missions. Cet exercice devra interroger notre organisation. Est-il nécessaire que plus de mille agences, organes ou opérateurs exercent l'action publique ? (M. Emmanuel Capus s'exclame.) Nous connaissons le rôle précieux de plusieurs d'entre eux, comme France Travail, mais ces mille agences ou organes, sans contrôle démocratique réel, constituent un labyrinthe dont un pays rigoureux peut difficilement se satisfaire.

« Les parlementaires seront pleinement associés à cet effort d'organisation et de rationalisation. C'est la fonction du Parlement : contrôler et évaluer.

« Cet effort devrait être prolongé et inventif. Cet effort devrait être soutenu parce que, souvent, la réforme, au début, coûte.

« J'annonce la création d'un fonds spécial entièrement dédié à la réforme de l'État, financé en réalisant une partie des actifs, en particulier immobiliers, qui appartiennent à la puissance publique, de façon à pouvoir investir, par exemple, dans le déploiement de l'intelligence artificielle dans nos services publics. Ces sommes ne pourront pas être utilisées pour des dépenses courantes, pour abonder tel ou tel budget. Elles resteront donc uniquement consacrées à ces efforts de réorganisation. Cette manière de rendre actif un patrimoine aujourd'hui inactif nous permettra peut-être un jour d'initier un scénario de réduction de notre endettement.

« Je l'ai dit le jour de ma prise de fonctions, nous avons devant nous une grande oeuvre de réconciliation : réconcilier les Français entre eux, réconcilier les Français avec l'État et leurs élus, réconcilier les Français avec les entreprises.

« L'unité du pays, nous ne la ferons pas à coups d'incantations. Elle passe par l'association effective de tous, de manière continue, aux affaires qui les concernent. Cette association porte un nom qu'on utilise souvent sans lui donner sa vraie portée, c'est la démocratie. Pas seulement la démocratie électorale, avec ses surenchères, sa communication tarifée et ses éléments de langage.

M. Mickaël Vallet.  - Et le résultat des élections législatives ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - « Un philosophe qui siégea sur les bancs de l'Assemblée nationale, Marc Sangnier, a défini la démocratie comme l'organisation sociale qui porte à son plus haut la conscience et la responsabilité du citoyen. Or, il n'y a pas de citoyens conscients et responsables si l'on ne partage pas avec eux les vérités les plus fondées, même les plus brutales.

« Comme l'écrivait Charles Péguy, ...

M. Hervé Gillé.  - Ah, je l'attendais !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - « ... ?il faut dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, dire bêtement la vérité bête, ennuyeusement la vérité ennuyeuse, tristement la vérité triste? -  j'ai seulement une nuance sur le tristement. La politique du Gouvernement, c'est la vérité partagée.

« Le Gouvernement considérera les Français comme des partenaires des décisions à prendre, non comme les sujets d'une monarchie, ...

M. Jean-François Husson.  - À quoi fait-il allusion ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - « ... qui n'auraient d'autres choix que d'obéir ou de se révolter. Nous ne laisserons aucun problème hors de notre champ. Pour chacun d'eux, je partagerai des diagnostics avec les Français afin d'établir la délibération sur des bases indiscutables.

« La démocratie, c'est aussi la question de cette promesse de la Ve République : concilier la capacité d'action de l'État et le pluralisme. Cette capacité d'action de l'État passe par une coopération entre les pouvoirs. Le Parlement a, de ce point de vue, des prérogatives qui doivent être pleinement respectées. Je pense en particulier à son pouvoir d'initiative, qu'il ne manquera pas d'exercer sur des sujets importants de notre société, comme la fin de vie.

« Notre société n'est plus enfermée dans l'impasse de la bipolarisation -  c'est heureux. On sait à présent que sur un sujet donné, il n'y a pas que deux options prédéfinies ; il y a plusieurs sensibilités, en contraste, mais qui ne s'excluent pas. Et le but de la démocratie, à mes yeux, n'est pas qu'une idée triomphe sur l'autre, c'est que les différentes sensibilités vivent ensemble.

« Pratiquement, la question est celle de la reconnaissance du pluralisme. Il y a dans la vie politique française aujourd'hui une pluralité de courants, peut-être cinq ou six principaux. Je respecte la réflexion de ceux qui estiment qu'il faut tout conflictualiser. Je connais bien Jean-Luc Mélenchon (Mme Cécile Cukierman s'en amuse ; exclamations à droite), mais je ne me dis qu'à voir nos divisions, ceux qui veulent nous assujettir se frottent les mains.

« Il y a longtemps, et c'est une valeur française depuis Henri IV... (exclamations sur les travées du groupe SER)

Mme Émilienne Poumirol.  - Enfin !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - « ... au XVIe siècle et les grands républicains au XIXe, que nous avons abandonné l'idée en matière religieuse et philosophique qu'on doit faire triompher sa conception sur celle des autres -  c'est ce qu'on appelle la laïcité. Je crois à la laïcité en matière religieuse comme en politique. Laïcité, dont la racine grecque veut dire "faire un seul peuple". Faire un seul peuple, c'est reconnaître que le pluralisme est légitime.

« Je souhaite proposer que les partis politiques comme les syndicats puissent être reconnus comme des mouvements d'utilité publique. Je souhaite aussi la création de la banque de la démocratie, pour que le financement des partis politiques et des campagnes ne dépende plus de choix de banques privées, mais d'organismes publics placés sous le contrôle du Parlement, pour que ce financement échappe à des financements privés ou étrangers.

« En 1993, je me suis battu pour exclure les entreprises du financement des partis politiques. Quand je porte mes yeux vers les États-Unis et l'emprise qu'y exerce l'argent sur la formation des consciences, j'en suis fier.

« Mais le pluralisme suppose aussi que chacun trouve une place au sein de la représentation nationale à proportion des votes qu'il a reçus. C'est la seule règle qui permette à chacun d'être lui-même, authentiquement, sans s'engoncer dans des alliances insincères.

« Je propose que nous avancions sur la réforme du mode de scrutin législatif. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) Chacun exprimera alors sa position. Il y a une option à prendre sur ce principe et une discussion à avoir sur ses modalités. On voit bien quels sont les principaux choix. C'est mon opinion que ce mode de scrutin doit être enraciné dans les territoires. Il faut qu'il ne crée pas plusieurs catégories de citoyens. Et peut-être oblige-t-il, comme le dit le président du Sénat, à reposer en même temps la question de l'exercice simultané d'une responsabilité locale et nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

« Enfin, la démocratie suppose un accès à une information fiable. Les conclusions des États généraux de l'information lancés par le président de la République devront être traduites. De même, la réforme de l'audiovisuel public, bien commun des Français, devrait être conduite à son terme.

« Je suis le premier à mesurer la qualité de notre fonction publique : nos agents sont engagés ; ils ont un grand sens du service public ; ils méritent notre considération. Ce que j'ai vu par exemple à Mayotte force le respect. Mais notre bureaucratie est trop lourde, incroyablement lourde. Une étude récente montre que chez nos voisins, le poids des normes est en moyenne de 0,5 % du PIB annuel -  de 0,8 % en Italie à 0,3 % en Espagne et 0,17 % en Allemagne. Chez nous, c'est tout près de 4 % et c'est insupportable. La lourdeur administrative, ce sont ces normes dont chacun sait combien elles peuvent le brider, parfois le rendre fou.

« Le Gouvernement s'engagera donc dans un puissant mouvement de débureaucratisation. Le projet de loi de simplification de la vie économique qui a commencé à être examiné doit être adopté rapidement.

« Mais il faut agir plus en profondeur et dans le temps. Selon quelle méthode ? Je n'en connais qu'une : rendre du pouvoir au terrain. Grâce à France Expérimentation, les acteurs de terrain devront redéfinir eux-mêmes, en partenariat avec l'État, les simplifications, suppressions ou allègements d'obligations utiles.

« Mais il faut aller plus loin et changer de paradigme. Partout où cela sera possible, nous inverserons la charge de la preuve. À l'administration de remplir les papiers, à l'usager de les vérifier. Les collectivités locales doivent être soutenues dans leur action. Ce sont elles qui portent une grande part de l'investissement de notre pays, beaucoup plus que l'État. Quand l'activité fléchit, c'est cet effort d'investissement qui soutient le bâtiment, les travaux publics, l'équipement de nos villes. Ce sont elles qui soutiennent l'implantation d'entreprises, sont aux côtés des associations et maintiennent le tissu social dans ses dernières mailles. Cet effort d'investissement est précieux pour le pays.

« Pour cela, je souhaite des rapports d'ouverture et de confiance dans la continuité. Mon gouvernement confortera les avancées sur des sujets très attendus comme l'eau, l'assainissement et le statut et la protection des élus. Les initiatives parlementaires devront aboutir.

« Sur le plan financier, l'effort demandé aux collectivités sera ramené, comme les débats parlementaires l'ont confirmé, de 5 milliards initialement à 2,2 milliards en 2025. J'ai toute confiance dans la capacité des élus à mener ces efforts.

« Je souhaite aussi que nous fassions avancer notre pays par grands projets. Certains projets, souvent engagés par des collectivités, sont bloqués aujourd'hui. Je souhaite que, sur le modèle de Notre-Dame, qui doit nous inspirer, des opérations commandos...

M. Mickaël Vallet.  - On est à deux doigts du choc...

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - « ... soient organisées en lien avec les collectivités, pour débloquer 100 projets sur tout le territoire. Ils seront une vitrine de la France qui avance et qui construit.

« Avoir confiance dans la responsabilité des collectivités, c'est aussi, pour certaines, tenir compte de leurs spécificités. C'est le cas, qui me tient à coeur, de la Corse. Conformément aux orientations du Président de la République, un calendrier a été fixé pour aboutir à une évolution constitutionnelle fin 2025. Il sera respecté.

« Il existe chez nous un vieux réflexe : cibler les entreprises et plus spécialement les entreprises françaises, en particulier celles qui réussissent le mieux à l'exportation. Les entreprises que l'on dit multinationales sont celles qui ont réussi, par leur savoir-faire, leur recherche, leur esprit de conquête, à être sélectionnées pour la compétition mondiale. (M. Jean-François Husson renchérit.) Elles font honneur à la France et contribuent à sa richesse, comme le formidable tissu de PME françaises.

« Ma conviction est que nos entreprises, nous devons leur faciliter la tâche dans des conditions fixées par la démocratie sociale. Elles doivent être prémunies contre des augmentations exponentielles d'impôts et de charges. Sans quoi nous nous retrouverions dans la même situation que celui qui, selon la fable, fit un sort à la poule aux oeufs d'or et s'était "lui-même ôté le plus beau de son bien".

M. Mickaël Vallet.  - La poule au pot !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - « L'entreprise produit les richesses et l'emploi pour tout le pays grâce à ses dirigeants, ses chercheurs, ses cadres, ses salariés. Mais si elle se voit surchargée de prélèvements et de normes, alors elle cesse de produire. Le trésor est dans l'activité, la créativité, la souplesse.

« Cette oeuvre de réconciliation à laquelle mon gouvernement et nous tous devons nous atteler, ne sera possible que si nous offrons une perspective à notre pays. Nos efforts doivent être tendus vers un but qui suppose lucidité, courage et espérance, celle d'une nouvelle promesse française. C'est là une oeuvre de refondation républicaine que nous vous proposons.

« Cette promesse française, c'est elle qui offre à chacun les conditions de sa dignité en tant que citoyen et en tant que personne. La France ne s'en remet pas à la seule loi du marché pour cela. La France a toujours porté en elle l'idée de fraternité et de solidarité -  la solidarité envers chacun, quel que soit son milieu de naissance, son accent, sa couleur de peau, sa condition. C'est pour tous la possibilité de s'affirmer, d'avoir parfois une deuxième, une troisième chance de le faire quand les difficultés de la vie donnent l'impression que l'échec est définitif. C'est l'intuition fondatrice que le Président de la République a défendue en 2017 et je veux la réaffirmer ici.

« La promesse française, c'est aussi l'attention portée à l'égalité entre les femmes et les hommes. C'est un combat de civilisation que nous devons porter ici et ailleurs. Partout, les femmes subissent l'intolérable. Je pense en particulier au sort des femmes afghanes. Cette égalité suppose une lutte sans merci contre les violences sexuelles ou sexistes, mais aussi pour l'égalité salariale ou professionnelle.

« La promesse française, c'est également répondre aux cris qu'ont fait entendre les ?gilets jaunes? sur nos ronds-points il y a six ans. Je m'adresse à eux aujourd'hui : qu'ils ne pensent pas que nous les avons oubliés. Le rejet de cette division du pays entre ceux qui comptent et ceux qui ne comptent pas, ceux qui passent à la télévision et ceux qui la regardent, ceux des arrondissements centraux de Paris et les autres, qu'ils sachent que nous en faisons le coeur de notre politique. La promesse française suppose que notre société puisse trouver une forme d'harmonie.

« Puisqu'il faut dire les choses telles qu'elles sont, nous devons évoquer les craintes que suscite l'immigration. Cela ne date pas d'hier. La misère, les conflits, les bouleversements climatiques se conjuguant, l'immigration est devenue une question brûlante sur toute la planète. Elle l'est pour ceux qui supportent les vagues migratoires et ceux qui se sentent menacés par les prochaines. Et les réseaux sociaux attisent cette crainte tous les jours.

« J'ai la conviction profonde que l'immigration est une question de proportion. L'installation d'une famille étrangère dans un village pyrénéen ou cévenol, c'est un mouvement de générosité qui se déploie, des enfants fêtés et entourés à l'école, des parents qui reçoivent tous les signes de l'entraide. Mais que trente familles s'installent et le village se sent menacé. Le désir, après tout respectable, de se sentir chez soi est mis à mal. Tout cela est humblement humain et affaire de bon sens, que je revendique.

« Les bidonvilles et la misère qui y est recluse provoquent le même rejet partout, à Calais comme à Mayotte. Et si les Parisiens devaient connaître cette situation dans les mêmes proportions que les Mahorais, il y aurait 500 000 illégaux en bidonville à Paris et c'est toute la population parisienne qui se révolterait.

« Voilà pourquoi l'ordre, ce premier besoin de l'âme, comme disait la philosophe Simone Weil, est aussi un devoir. Cela n'empêche pas de comprendre, dans notre commune humanité, que c'est la misère qui pousse à fuir son pays. Nous le savons bien, nous, les Basques, les Béarnais, les Bretons, qui avons, au XIXe siècle, fourni tant de contingents d'émigrés. (Murmures à droite)

« La volonté de protéger et d'appliquer nos lois doit être sans faille, mais respectueuse de ceux que les vagues de la vie ont conduits jusqu'à nous. Et respecter ces personnes, c'est les intégrer dans un ordre où tous peuvent se reconnaître.

« Il est donc de notre devoir de conduire une politique de contrôle, de régulation et de renvoi dans leur pays de ceux dont la présence met en péril la cohésion nationale. Mais comment faire alors que 93 % des OQTF (obligations de quitter le territoire français) ne sont pas exécutées ? Et que dire du comportement de certains pays qui devraient pourtant accueillir leurs propres ressortissants ? Si nous ne résolvons pas cette question, toutes nos déclarations d'intention seront vaines.

« Cette politique que mène fermement le ministre de l'intérieur suppose aussi l'action de tous les ministères. C'est pourquoi je réactiverai le comité interministériel de contrôle de l'immigration. Je sais que les parlementaires ne manqueront pas de prendre des initiatives également. Il nous appartiendra, ensemble, de les articuler avec la nécessaire transcription du pacte européen sur la migration et l'asile. Il nous appartiendra aussi de mieux user de notre aide au développement en retrouvant en 2026 une trajectoire dynamique.

M. Rachid Temal.  - Moins 2 milliards d'euros !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - « Notre cap, c'est l'intégration. Nous ne demanderons à personne de renoncer à ce qu'il est. Notre cap, c'est l'incorporation à la nation de ceux qui sont amenés à la rejoindre, par le travail qui crée des liens et donne la reconnaissance, par la langue qui est une patrie, par l'apprentissage des façons de vivre et des valeurs qui les guident, par le respect aussi de la liberté des femmes et de ceux qui croient différemment ou qui ne croient pas.

« En revanche, contre tous ceux qui prônent l'inverse, nous serons sans faiblesse. La République n'existe que si elle se fait respecter.

« Je ne me lancerai pas dans un catalogue de mesures. Chaque ministre aura la responsabilité de conduire son action sous mon autorité, dans un dialogue constant avec le Parlement et les forces sociales. Mais je souhaite fixer quelques lignes de force pour l'action de mon gouvernement.

« Ces grandes politiques doivent être inspirées par le long terme, par l'esprit du plan que j'ai souhaité restaurer en 2020. Il ne peut y avoir ni partage des grands choix avec les citoyens ni débat sérieux au Parlement, sans vision de long terme. Il y a une maxime française qui, en quatre mots, dit tout : "Gouverner, c'est prévoir". La citation se poursuit d'ailleurs par : "et ne rien prévoir, c'est courir à sa perte." C'est particulièrement évident pour des questions comme la démographie ou l'écologie, qui engagent des orientations sur plusieurs décennies.

M. Yannick Jadot.  - Quarante-cinq minutes avant d'entendre le mot « écologie » !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - « L'écologie n'est pas le problème, c'est la solution. ("Ah !" à gauche) L'effort à mener sur ce sujet crucial, cette adaptation, la France l'a commencé mieux qu'aucun autre pays au monde. C'est pour moi une priorité, une ardente obligation qui doit être poursuivie et amplifiée. Planifier la transition en finalisant notre stratégie bas-carbone ; préserver notre biodiversité ; produire, mais de façon décarbonée, grâce à des technologies nouvelles.

« Je pense en particulier à notre politique énergétique. Cette politique a un but : l'énergie décarbonée, accessible à tous. Pour y parvenir, le nucléaire est un axe essentiel et la géothermie, réservoir inépuisable de calories gratuites sous nos pieds, l'est aussi.

« La question de l'eau, sur laquelle je reviendrai, est essentielle. Nous devons la saisir à bras-le-corps à travers une grande conférence nationale déclinée dans les régions.

« La transition écologique, c'est aussi favoriser les mobilités les plus adaptées, de l'hydrogène au plan vélo qui doit être poursuivi avec les moyens qui lui sont nécessaires.

« Proposer aux Français une voie d'espérance qui donne sens à ces efforts, c'est aussi refonder notre éducation nationale. Une des fiertés de ma vie est d'avoir été un enseignant de l'éducation nationale, d'avoir des enfants enseignants. Une des fiertés de ce gouvernement est d'avoir placé en premier le ministère de l'éducation nationale et de l'avoir confié à une femme au parcours exemplaire. (L'oratrice sourit ; applaudissements amusés sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC)

« Mais comment accepter que l'école française, qui était la première du monde, se voie classée au rang qui est le sien aujourd'hui en mathématiques comme en lecture ? Les enseignants de notre université dépeignent des étudiants de première année après treize, quatorze, ou quinze années d'école qui ne parviennent pas à écrire un texte simple, compréhensible, avec une orthographe acceptable. C'est le plus grand de nos échecs.

« Nous ne pouvons pas accepter qu'on oublie ceux qui viennent des milieux qui n'ont pas les codes, qui ne connaissent personne -  comme on dit  - et n'ont accès ni à l'influence ni au pouvoir. Tous ceux-là, l'obligation d'orientation précoce les perturbe et les met en danger.

« Ma conviction est que les gisements de progrès sont du côté des enseignants. Tous ici, nous avons devant les yeux les visages, les voix d'enseignants qui nous ont révélés à nous-mêmes. Les destins qui basculent, parce que le regard d'un enseignant s'est posé sur un enfant, souvent sur un enfant qui ne savait pas qui il était et qui était promis à l'échec. Ces enseignants magnifiques existent, nombreux. Mais notre organisation de l'éducation nationale ne parvient pas à les repérer, ou les repère si peu -  et les trésors de pédagogie qu'ils ont élaborés sont perdus.

« Je veux rappeler ici l'intuition fondatrice du Président de la République : combattre l'assignation de la naissance, du quartier, du nom, de la religion, de la campagne, de l'accent, des familles éclatées, de l'adolescence solitaire ; offrir à tous ceux-là, tout au long de la vie, de nouvelles chances. Combat à mener pour l'individu comme pour la nation. Tous les enseignants de l'université savent combien les lacunes accumulées au fil des années pèsent, combien elles handicapent les étudiants dans leur apprentissage. J'affirme ici que l'urgence pour l'université, c'est d'agir en amont pour les enseignements fondamentaux. Parmi les combats à mener, la promotion de la lecture, contre les écrans. En cela, la pause numérique doit être généralisée.

« Je sais qu'un chemin est possible en formant mieux nos professeurs afin de mieux les préparer et les faire progresser dans l'exercice de leur métier. C'est l'une des réformes les plus importantes à mener, celle de la formation initiale et surtout continue. En engageant aussi une grande consultation sur le temps scolaire. Enfin, en poursuivant la grande réforme de l'enseignement professionnel engagée par le Président de la République.

« Pour moi, la culture joue aussi un rôle de premier plan dans la promesse française. La défense et l'affirmation d'une politique culturelle sont une politique sociale. C'est ma conviction. L'émerveillement partagé devant la beauté d'un monument, d'une ville que l'on restaure, d'une pièce de théâtre, d'un concert que l'on partage, tout cela élève, rend fier, rassemble. C'est pourquoi le beau est un devoir d'État. Cela passe par une politique du patrimoine ambitieuse -  ce patrimoine qui est l'une de nos principales fiertés. Cela passe aussi par un soutien à la création.

« Je pense à nos concitoyens mahorais qui viennent de subir une épreuve dramatique, s'ajoutant à celle déjà si lourde. J'ai présenté le plan Mayotte debout lors de ma venue sur l'île. C'est un plan ambitieux, non seulement pour traiter de l'urgence, mais aussi refonder Mayotte. La crise migratoire que connaît ce département ne peut d'ailleurs plus être ignorée, sauf à faire des Mahorais des Français de seconde zone. Aucun débat n'est tabou sur ce sujet, notamment celui sur les conditions d'exercice du droit du sol.

« Je pense à la Nouvelle-Calédonie, qui doit construire son avenir. Les événements de mai 2024 ont plongé ce territoire dans un profond marasme. Je souhaite que le processus politique reprenne, avec des négociations qui devront aboutir à la fin du trimestre. J'inviterai fin janvier les forces politiques à venir à Paris pour ouvrir ces négociations en demandant au ministre des outre-mer de suivre particulièrement ce dossier. Je crois, là encore, que les femmes et les hommes de bonne volonté sauront trouver des voies novatrices pour le bien de tous les Calédoniens.

« Mais c'est à chacun de nos outre-mer que je pense aujourd'hui, eux qui sont une fenêtre ouverte sur le monde et nous enrichissent par leur identité propre. Chacun a sa situation, ses chances et ses difficultés. Pour chacun, nous définirons un plan de développement et de financement dans le cadre d'un nouveau comité interministériel des outre-mer, que le ministre d'État préparera avec les élus de ces territoires. Dans les outre-mer comme dans l'Hexagone, l'espoir renaîtra par le volontarisme économique. Nous devons retrouver les conditions de la production, avec au premier chef la technologie, nouvelle mère des batailles.

« On voudrait nous condamner au déclassement, alors que la Silicon Valley déroule ses tapis rouges à nos ingénieurs du numérique et de l'intelligence artificielle. Nous sommes des géants de la recherche informatique. Ne nous laissons pas devenir des nains de la nouvelle économie, précisément fondée sur le numérique. Et il en est de même pour l'espace et les énergies décarbonées.

« Le Gouvernement reste attaché à la trajectoire ambitieuse d'investissement dans la science, définie dans la loi de programmation de la recherche. La recherche se fait dans les universités et les laboratoires, mais aussi ailleurs : il faut mieux mobiliser nos entreprises dans cet effort collectif.

« Sur l'intelligence artificielle, dont je ne sais si elle est intelligence ni si elle est artificielle, mais dont je sais qu'elle est un changement d'être pour notre humanité, la stratégie nationale doit entrer dans sa troisième phase. Elle doit être ambitieuse pour la diffusion de l'IA dans l'industrie, dans l'action publique, la formation et la recherche, appuyée sur un programme d'investissements dans les infrastructures. Le sommet de l'IA qui se tiendra à Paris en février traduira cette ambition.

« Dans ce domaine, comme dans ceux de l'industrie et de l'agriculture, il nous faut définir des politiques de filières, produit par produit, en partant des faiblesses de notre balance commerciale. Chaque filière unira grandes entreprises, sous-traitants, l'État et les régions, autour d'un enjeu de production. Des géants mondiaux comme Dassault Systèmes ou Safran, Total ou Airbus, Saint-Gobain ou Danone ont un potentiel de partage des capacités de mise au point et de soutien à des entreprises nouvelles, notamment sur des produits et secteurs où nous sommes absents.

« Je veux avoir un mot particulier pour la filière agricole, pour les filières agricoles. (" Ah !" sur les travées du groupe Les Républicains) Quand nous évoquons leur crise, nous voyons ce qui saute aux yeux : la crise des revenus, le sentiment qu'ont nos agriculteurs de n'être pas respectés. À l'origine de cette situation, il y a une crise morale. Les paysans - le monde dont je viens - avaient jusqu'à il y a peu la certitude d'être les meilleurs défenseurs de la nature. Aujourd'hui, on les accuse de nuire à la nature. C'est une atteinte profonde. Et quand les inspecteurs de la biodiversité viennent inspecter les fossés ou les points d'eau avec une arme à la ceinture, dans une ferme déjà mise à cran par la crise, c'est une humiliation, donc une faute. (Vives protestations sur les travées du GEST)

M. Yannick Jadot.  - Ce sont des agents d'État !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - « Le principal enjeu est aujourd'hui l'égalité des armes. L'accord avec le Mercosur impose aux agriculteurs de chez nous des normes de production qui ne sont pas imposées à leurs concurrents. Cela est inacceptable.

« De très grandes injustices risquent également d'être commises dans la gestion des ressources en eau. Assimiler la gestion de l'eau de surface au pompage des nappes profondes, comme si c'était la même chose, est absurde.

M. Yannick Jadot.  - Et les mégabassines ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - « Nos agriculteurs le vivent comme une injustice. Sur le sujet de l'eau, je souhaite que des conférences soient organisées aux plans national et régional pour définir une stratégie à long terme.

« Ce métier, qui était un métier de communauté, de village, de collègues, d'amis, de connaissance des gestes et des techniques, est devenu solitaire, ce qui pose le problème de nouvelles vocations.

« Toutes ces questions seront traitées dans la loi d'orientation agricole. Je m'engage à ceci : comme pour les entreprises et les familles, nous allons remettre en question nos pyramides de normes en donnant l'initiative aux usagers. Ceux que l'on contrôle doivent avoir leur mot à dire sur les contrôles ; et s'il faut des remises en cause, nous les conduirons avec eux dans un temps bref.

« Cette politique ne trouvera sa pleine dimension que si le travail trouve également toute sa place dans notre société.

« Je souhaite l'ouverture d'une concertation sur le travail et les salaires, qui reviendra sur la qualité de la vie au travail, sa rémunération et son sens. Devront être abordées la santé au travail, la prévention et la prise en charge des arrêts de travail, ainsi que la situation des travailleurs pauvres et l'égalité salariale femmes-hommes.

« Il faudra aussi poursuivre les efforts de revalorisation salariale et de mise en place de dispositifs d'épargne salariale, d'intéressement et de participation dans tous les secteurs.

« En 1947, paraissait Paris et le désert français. Aujourd'hui, il y a Paris, les grandes métropoles et le désert français, avec un gouffre à chaque étape. Le reste du tissu national, éloigné géographiquement, disparaît médiatiquement et politiquement.

« L'aménagement du territoire est l'une des grandes questions devant nous. Elle touche aux conditions de vie de nos concitoyens, à l'accès aux services publics, aux transports ou encore au logement.

« Nous avons mis en place un grand ministère autour de François Rebsamen. Ce ministère incarne l'objectif qui est le nôtre : que chaque personne ait sa chance, que chaque territoire ait sa reconnaissance et sa chance. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Tant d'esprits, de volontés et de capacités provinciales et des quartiers périphériques ont le sentiment d'être écartés, oubliés.

« Je veux m'arrêter sur le logement, une mission centrale. Si l'on ne peut pas se loger, on ne peut pas se faire reconnaître. Nous avons besoin d'une politique de logement repensée et de grande ampleur, pour que chacun ait accès à un logement abordable.

« Je salue les efforts menés par les précédents gouvernements pour lever les contraintes en matière de construction. Nous pouvons aller plus loin en réduisant encore les délais, en allégeant les demandes d'autorisation, en favorisant la densification et en facilitant les changements d'usage. Cela suppose aussi de relancer l'investissement locatif et l'accession à la propriété et de soutenir les maires bâtisseurs par un système d'encouragement à l'investissement, y compris privé.

« Quant au transport, condition même de l'égalité des droits sur le territoire, nous avons devant nous des défis en matière de financement des infrastructures et des équipements nouveaux. Une conférence sur le financement durable du transport sera organisée avec les collectivités locales et les professionnels. (Marques de scepticisme sur plusieurs travées à droite)

« La santé est l'une des toutes premières préoccupations des Français, et l'organisation de notre système est au coeur du modèle social français.

« Nous avons tous été confrontés, pour nous ou un proche, à l'impossibilité de trouver un médecin généraliste, un spécialiste, un dentiste. Quant à l'hôpital, il connaît aussi une crise, en particulier financière, plus que préoccupante.

« L'absence de vision pluriannuelle des ressources consacrées à notre système de santé le prive de facto de la capacité à se doter de projets à moyen et long terme et complique ainsi sa capacité à anticiper les besoins de santé futurs des Français. Il faut passer d'une logique budgétaire annuelle à une logique de financement pluriannuel. (Mme Céline Brulin s'exclame.)

« Il faut aussi travailler sur l'enjeu clé de la démographie médicale, en impliquant notamment les élus territoriaux et en menant de front la question de la formation des soignants.

« Je confirme que la santé mentale sera la grande cause nationale de 2025, comme l'avait décidé mon prédécesseur, Michel Barnier.

« Dans ce cadre, pour faire face à l'enjeu de la soutenabilité de l'hôpital, le Gouvernement proposera une hausse notable de l'Ondam, ce qui permettra d'améliorer les conditions de travail des soignants et de protéger les plus fragiles. À cette fin, la mesure de déremboursement de certains médicaments et des consultations ne sera pas reprise.

« Le sport est, comme la culture, un puissant facteur de cohésion, d'épanouissement et de fierté. (M. Michel Savin approuve.) Après une année olympique historique et avec devant nous le projet Alpes 2030, nous devons encourager le sport dès l'école. Dans le cadre des parcours de soins pour les malades chroniques, nous devons par exemple proposer une nouvelle offre dans les maisons sport-santé ; 100 000 bilans d'activité physique seront proposés aux personnes atteintes de telles maladies.

« La promesse française est fondée aussi sur l'attention aux plus fragiles et aux plus vulnérables.

« Il faut poursuivre la mobilisation de l'ensemble du Gouvernement autour de la politique du handicap, alors que nous allons fêter le vingtième anniversaire de la loi de 2005. C'est l'objet de l'École pour tous, qu'il faut améliorer au moment où cette politique de l'école inclusive a atteint une masse critique. Un comité interministériel du handicap sera organisé dans les meilleurs délais, et je tiens au remboursement intégral des fauteuils roulants dès 2025.

« Dans le cadre de la grande politique démographique que j'appelle de mes voeux, après les travaux du commissariat au Plan, il nous faut avancer sur la question du grand âge. L'objectif est de permettre aux personnes de bien vieillir et d'avoir le choix de leur domicile. Cela suppose l'ouverture d'un dialogue avec le Parlement et les départements.

« Je réaffirme la priorité qui s'attache, pour moi, à la protection de l'enfance. La création du haut-commissariat à l'enfance inscrira dans la continuité cette politique.

M. Guy Benarroche. - Paroles, paroles...

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - « Parmi les personnes qui souffrent dans notre pays aujourd'hui, il y a trop souvent des étudiants en situation de précarité, en particulier lorsqu'il faut se loger dans les grandes villes où les loyers dépassent les moyens de leurs familles. C'est pourquoi la carte universitaire et le réseau des universités sont une grande question académique et sociale. Nous lancerons la construction de 15 000 logements par an pendant trois ans, en mobilisant le foncier disponible de l'État.

« En m'adressant à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai conscience de m'adresser à la nation tout entière, aux Françaises et aux Français qui nous regardent, à tous ceux qui ont les yeux tournés vers la France, que la vision de nos désunions décourage et que nos paroles ont fini par lasser.

Mme Pascale Gruny.  - Ça c'est vrai...

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - « Pour eux, ce n'est pas un mandat qui est en jeu ; c'est la journée qui vient, c'est ce jour même, avec l'angoisse du chômage, celle du prix de la vie, l'inquiétude pour un conjoint, des parents âgés, des enfants dont l'avenir semble obstrué.

« Nous n'avons pas le droit, surtout au nom de nos passions politiques, d'hypothéquer la vie de nos concitoyens. Ils attendent des actes, et c'est sur nos actes qu'ils jugeront de nos paroles, de nos promesses et de nos indignations. C'est sur nos actes qu'ils nous jugeront, tout simplement.

« Le but de cette déclaration de politique générale est de permettre à ces concitoyens de passer de la plus extrême inquiétude à la conviction que, même si nous ne sommes pas certains de tous les résoudre, nous traiterons les problèmes qui se posent avec toutes nos forces et tous nos moyens.

« Nous n'allons pas d'un seul coup passer de l'ombre à la lumière. Nous n'allons pas vivre le grand soir. Mais si je parviens à me faire entendre de vous, élus de la nation, et de nos concitoyens, alors nous pourrons passer du découragement à un espoir ténu, mais raisonnable. C'est ce projet que j'ai voulu présenter devant vous.

« Je connais tous les risques. Si nous nous trompons, nous corrigerons. Mais le risque, c'est la vie. Pierre Mendès France - la référence n'est pas ici par hasard - aurait dit : "Il n'y a pas de politique sans risque, il n'y a que des politiques sans chance".

« J'ai foi dans le peuple français, foi dans ses représentants. Je sais les ressources d'intelligence, de bravoure, de droiture de notre nation lorsqu'elle choisit de surmonter l'épreuve. Notre peuple, notre pays avec son histoire ont la capacité de se ressaisir.

« Je n'en veux que deux preuves : nous sommes aujourd'hui le plus jeune des pays européens...

M. Guy Benarroche.  - Grâce à l'immigration !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - ... et, sur le plan de la croissance, nous devançons l'Allemagne sur les quarante dernières années, en particulier ces sept dernières.

« Nous sommes un peuple de ressources, à la condition qu'il trouve l'unité qui si souvent lui manque. Il l'a fait bien des fois au cours de son histoire. C'est à nous aujourd'hui que cette mission, cette charge et cette chance reviennent. » (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes UC et INDEP, ainsi que sur de nombreuses travées du groupe RDSE ; M. Jean-François Husson applaudit également.)

M. le président.  - Acte est donné de la déclaration de politique générale dont il vient d'être donné lecture au Sénat.

La séance est suspendue quelques instants.

Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente