SÉANCE

du mercredi 4 décembre 2024

34e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Dominique Théophile, vice-président

Secrétaires : Mme Catherine Di Folco, Mme Patricia Schillinger.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour 2024.

M. Jean-François Husson, rapporteur pour le Sénat de la CMP, rapporteur général de la commission des finances .  - En ces temps troublés, la lecture de ces conclusions de CMP est une satisfaction, quoique légère. Passé sous les radars politiques et médiatiques, ce texte est pourtant l'une des plus importants de la fin d'année. Il doit être absolument adopté avant la mi-décembre, pour payer les fonctionnaires de notre pays : policiers, gendarmes, militaires en Opex, professeurs.

En CMP, le texte a été adopté par 8 voix pour, 4 contre, et 2 abstentions. Le Sénat devrait l'adopter ; puisse l'Assemblée nationale faire de même, malgré un rejet en première lecture. Il y va de notre responsabilité collective.

En plus des ouvertures de crédits, le PLFG propose des annulations ouvrant la voie au redressement de nos finances publiques. Le déficit -  6,1 points de PIB  - est à un niveau jamais atteint hors période de crise. Depuis trois ans, notre pays connaît une longue dégradation de la situation financière, le déficit passant, en points de PIB, de 4,7 en 2022 à 5,5 en 2023 et 6,1 en 2024 -  qu'en sera-t-il en 2025 ?

Nous avançons vers l'inconnu : peut-être est-ce le dernier texte que le Gouvernement actuel parviendra à faire voter devant l'Assemblée nationale - et peut-être en réalité le premier. Nul ne sait ce qui se passera après. Un autre gouvernement pourra-t-il rassembler davantage que celui de Michel Barnier ? Sommes-nous capables de surmonter nos désaccords pour former, comme tant d'autres pays le font, une coalition capable de gouverner ?

Comment assurer les services publics en 2025, sans budget ? L'article 45 de la Lolf, qui reprend l'article 47 de la Constitution, dispose que « le Gouvernement dépose immédiatement devant l'Assemblée nationale un projet de loi spéciale l'autorisant à continuer à percevoir les impôts existants jusqu'au vote de la loi de finances de l'année. » Ensuite, « le Gouvernement prend des décrets ouvrant les crédits applicables aux seuls services votés. »

Mais au-delà de ces dispositions générales, de nombreuses zones d'ombre subsistent. La loi spéciale n'a été utilisée qu'une seule fois, voilà quarante-cinq ans, au moment où la Lolf n'existait pas. Les précédents ne nous aideront pas. Personne ne sait ce que devrait ou ne devrait pas contenir ce projet de loi spéciale et nous sommes à un mois de la fin de l'année.

Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, « en l'absence de disposition constitutionnelle ou organique directement applicable, il appartient de toute évidence au Parlement et au Gouvernement, dans la sphère de leurs compétences respectives, de prendre toutes les mesures d'ordre financier nécessaire pour assurer la continuité de la vie nationale. »

Notre pays n'avait pas besoin d'une crise institutionnelle, après les crises sanitaires et énergétiques. Cette crise résulte du choix, dont je cherche toujours à comprendre le sens, de dissoudre l'Assemblée nationale, et du choix, tout aussi irresponsable, qui sera peut-être fait aujourd'hui de plonger notre pays dans l'inconnu.

À rebours de l'incertitude actuelle, je vous invite à voter ce PLFG. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Laurent Saint-Martin, ministre chargé du budget et des comptes publics .  - Une CMP conclusive, ce n'est pas anodin sur un texte budgétaire. Il existe donc une volonté majoritaire au sein du Parlement en faveur du dialogue, du compromis et de la responsabilité. Les Français le savent et l'attendent. (M. Pascal Savoldelli affiche une moue dubitative.) Il y a une volonté des députés et des sénateurs de remettre la France sur le chemin de la réduction du déficit. Il y a une volonté parlementaire pour autoriser le Gouvernement à engager dans des délais très courts les dépenses indispensables pour la fin de cette gestion.

Ce compromis trouvé en CMP permet des avancées que je salue : 20 millions d'euros en plus pour protéger nos vignes contre le mildiou, 70 millions pour l'entretien du réseau routier des collectivités territoriales, grâce à un amendement sénatorial...

M. Jean-François Husson, rapporteur.  - Il faudra tenir la promesse, monsieur le ministre !

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Ces ouvertures sont gagées sur une minoration d'autant du programme France 2030.

Trouvons un chemin pour adopter ce texte dont nous avons besoin. Son objectif premier est de contenir le déficit de 2024 : c'est le préalable nécessaire pour revenir sous les 3 % de PIB d'ici à 2027. Il présente un écart sensible, de 50 milliards d'euros, soit 4,4 % par rapport à la loi de finances initiale résultant d'une baisse des prélèvements obligatoires, à hauteur de 40 milliards d'euros - ce chiffre s'expliquant pour moitié par l'exécution constatée en 2023 -, et du dynamisme des dépenses publiques en 2024, en dépit des freins enclenchés depuis février dernier.

Dans ce contexte, nous devons faire preuve de la plus grande transparence. Au vu des derniers chiffres dont nous disposons, les recettes de TVA seraient révisées à la baisse de 1,4 milliard d'euros en comptabilité budgétaire et de 1 milliard d'euros en comptabilité nationale. Le produit des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) serait révisé à la hausse de 400 millions d'euros, celui de l'impôt sur le revenu de 100 millions d'euros. La prévision de déficit public resterait à 6,1 %.

État, collectivités territoriales, associations, nous sommes tous sujets aux erreurs de prévisions en ces périodes de crise et de rebond ; c'est pourquoi nous limitons la dépense de l'État au strict nécessaire. La dépense de l'État est inférieure de 6 milliards d'euros au niveau prévu en loi de finances initiale. Cela tient à la fois au décret d'annulation de crédits de 10 milliards de février et au surgel de 16 milliards d'euros en juillet.

Le PLFG prévoit des annulations de 5,6 milliards d'euros, notamment sur la réserve de précaution. Elles ont fait l'objet de discussion avec les ministères. Trois quarts des 16 milliards d'euros de crédits mis en réserve ne sont pas consommés en 2024. On sait freiner les dépenses de l'État ! C'est inédit !

Par ailleurs, nous ouvrons 4,2 milliards d'euros de crédits, pour financer des besoins impératifs : soutien à la Nouvelle-Calédonie, qui relève de la responsabilité de la nation, avec la prise en charge des forces de l'ordre assurant la sécurité sur place et des mesures de soutien aux entreprises, salariés, collectivités, hôpitaux, le tout pour 1 milliard d'euros ; sécurisation des Opex et renouvellement des équipements transmis à l'Ukraine ; paiement des primes des agents ayant contribué à la sécurisation des jeux Olympiques ainsi que des fonctionnaires de l'éducation nationale ; dépenses de guichet au bénéfice des plus vulnérables telles que les bourses sur critères sociaux, l'allocation aux adultes handicapés, l'hébergement d'urgence, l'aide aux réfugiés ukrainiens.

Il était essentiel que le Parlement sache trouver une majorité, et je vous en remercie : il y va de la continuité de la nation. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes INDEP, UC, et Les Républicains)

Discussion du texte élaboré par la CMP

M. le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement, puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.

Article 3

M. le président.  - Amendement n°2 du Gouvernement.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - À l'issue de la CMP, il faut tenir compte d'une levée de gage de 20 millions d'euros sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et actualiser les recettes de l'État, compte tenu des dernières remontées comptables. Le déficit s'élève à moins 162,4 milliards d'euros.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Favorable.

M. Pascal Savoldelli.  - Le Gouvernement nous explique que le déficit est de 162,4 milliards d'euros et que l'écart avec la loi de finances initiale est de 21,9 milliards d'euros - c'est beaucoup ! Pour la dernière fois avant le vote de la motion de censure, nous débattons de politiques budgétaires qui reposent entièrement - je l'avais dit - sur de la godille financière insincère. Tous les discours sur la dette étaient donc faussés.

Le Parlement est contourné par les 49.3 et par la surdité face aux alertes de la commission des finances. Les crises sont là : dans les entreprises qui délocalisent, dans les porte-monnaie des Français qui n'ont pas assez pour la fin du mois... Cette crise a deux responsables : le Président de la République et son Gouvernement, incarné par Michel Barnier. Nous voterons contre. (M. Guy Benarroche applaudit.)

L'amendement n°2 est adopté.

Le vote sur l'article 3 est réservé.

Article 4

M. le président.  - Amendement n°3 du Gouvernement.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Il s'agit de lever le gage sur l'amendement augmentant les crédits pour aider les viticulteurs à lutter contre le mildiou.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis favorable.

L'amendement n°3 est adopté.

Le vote sur l'article 4 est réservé.

Explications de vote

Mme Ghislaine Senée .  - (Applaudissements à gauche) Dans quelques heures, l'Assemblée nationale fera peut-être tomber le Gouvernement, une première en soixante ans. La crise résulte du refus du Président de la République d'accepter les résultats des législatives et de l'incapacité du Gouvernement à trouver un compromis avec d'autres forces que l'extrême droite.

Deuxième du genre, ce texte présente des ajustements. Vu le contexte, il a semblé nécessaire de rendre la CMP conclusive, pour débloquer les derniers financements de 2024 avant que la tempête ne s'abatte sur le Gouvernement.

En tant que groupe d'opposition, nous avons le devoir de dire qui porte la responsabilité d'une telle gabegie : pendant sept ans, Emmanuel Macron et Bruno Le Maire n'ont eu de cesse de supprimer des recettes fiscales. Le résultat est sans appel : la puissance publique est amoindrie, les services publics sont au bord de l'implosion, la dette nationale a augmenté de 1 000 milliards d'euros, notre déficit, à 6,1 %, atteint des records.

Nous payons cher les dépenses fiscales imposées sans compensation, qui représentent entre 60 et 100 milliards d'euros par an. Tous les trois mois, des coupes nouvelles ont été annoncées dans le budget. À gauche, nous défendions l'idée d'un projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour rétablir la justice fiscale, restaurer les services publics, répondre au défi du changement climatique, pour contenir, enfin, le déficit public - mais aucune de nos propositions n'a été acceptée.

Ce PLFG, qui n'est pas un texte technique, confirme notre analyse : ignorer les recettes comme levier d'action pour réduire le déficit ne suffit pas. Au contraire, cela fait souffrir davantage ceux qui possèdent le moins. Vous nous expliquez que ce texte est indispensable pour verser les salaires des fonctionnaires... Comme si on ne pouvait pas anticiper la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) ou les conséquences de la mauvaise gestion du processus de décolonisation en Kanaky-Nouvelle-Calédonie !

Les collectivités territoriales ont dû, une nouvelle fois, payer l'addition des décisions gouvernementales non financées, comme la revalorisation du RSA ou l'extension du Ségur. Ardoise pour les départements : 515 millions d'euros !

Pour les écologistes, un tel jeu de transfert de dettes de l'État vers les collectivités territoriales est irrationnel, puisque tout est pris en compte dans le calcul du déficit au sens du traité de Maastricht.

Nous saluons les 20 millions d'euros pour les agriculteurs, les 70 millions d'euros pour l'entretien des routes - même si cette dépense aurait pu être anticipée... Le remboursement anticipé de son emprunt de 1,7 milliard d'euros par la Grèce est une belle leçon.

L'an dernier, le GEST s'était abstenu. Cette année, compte tenu du refus de présenter un PLFR et de l'insincérité budgétaire du Gouvernement, nous voterons contre. (Applaudissements à gauche)

Mme Isabelle Briquet .  - (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K) La gestion des finances publiques mérite rigueur, responsabilité, et vision à long terme. Or, le constat de la mission d'information sur la dégradation des finances publiques est sans appel : le Gouvernement a failli. Il aurait dû présenter à la représentation nationale un PLFR dès le premier semestre 2024. Il a choisi la fuite en avant, et préféré l'inaction à la responsabilité, au mépris des avertissements dès décembre 2023 ! Le déficit atteint 163,2 milliards d'euros, soit une dégradation de 16,3 milliards d'euros par rapport aux prévisions initiales. Les recettes fiscales baissent de 24,3 milliards d'euros. Ces chiffres ne sont pas des statistiques : ce sont les chiffres accablants d'un Gouvernement sans ambition fiscale.

Rappelons quelques évidences ignorées par le Gouvernement : ce n'est pas en supprimant des impôts que les recettes fiscales augmentent miraculeusement. Le ruissellement n'existe pas ! Cette situation n'est pas qu'un échec technique ; elle est la conséquence d'un mépris des propositions des parlementaires, de gauche comme de droite.

Un PLFR aurait permis de corriger les prévisions et la trajectoire budgétaires. Le décret du 21 février dernier n'était pas la réponse adaptée. Les gels de crédits plongent collectivités, associations, ministères dans l'incertitude. Comment planifier une politique quand les finances arrivent au compte-gouttes et de manière aléatoire ?

La dissolution précipitée de l'Assemblée nationale, motivée par des calculs politiciens après un échec électoral cuisant, aura des conséquences dramatiques. Selon Goldman Sachs, cette décision a entraîné une augmentation de la dette de 10 points de PIB, soit une hausse de la charge de la dette de 10 milliards d'euros par an !

Ce PLFG est la conséquence de cette dérive budgétaire. Notre chambre avait corrigé certaines lacunes du texte, mais peu de choses ont subsisté. Mais au moins, nous avons trouvé un compromis -  bien loin de la méthode de la seconde délibération que vous avez utilisée pour l'adoption de la première partie du PLF.

Sans nier l'importance de ce texte, je déplore le rejet systématique par le Gouvernement et la majorité sénatoriale des amendements des socialistes visant à soutenir financièrement les départements et les régions, socle de l'action publique. Comment justifier que les collectivités territoriales, en première ligne, soient jugées responsables de la dégradation des comptes publics ?

Nous ne pouvons cautionner cette dérive. Comme en première lecture, le groupe SER ne votera pas ce PLFG. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Le Premier ministre l'a dit : notre pays s'apprête à entrer en terra incognita. Alors que les dés de la censure semblent jetés, l'avenir de la nation est hypothéqué par la sédition. (MM. Thomas Dossus et Éric Kerrouche ne peuvent retenir un éclat de rire.)

À l'extrême gauche...

M. Pascal Savoldelli.  - Je n'en vois pas ici.

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - ..., rien de nouveau sous le soleil noir : la Nupes puis le NFP nous ont habitués à leur dépôt frénétique de motions de censure.

À l'extrême droite, les cravates sont tombées : les populistes montrent leur vrai visage. Ils misent sur le chaos !

Le Premier ministre a tendu la main à tous les groupes (M. Éric Kerrouche ironise), il a fait des concessions concernant la surtaxe sur l'électricité ou le remboursement des médicaments. Mais rien n'y a fait. Au bout du bout, le RN a déclaré qu'il voterait la censure.

Plus personne n'est dupe : les populistes cherchent non pas à préserver le pouvoir d'achat des Français, mais à faire tomber le Gouvernement.

M. Emmanuel Capus.  - Ça c'est sûr.

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - La reconduction des mesures fiscales actuellement en vigueur pénaliserait en effet surtout nos entreprises et nos concitoyens, notamment les classes moyennes. L'instabilité politique brise sévèrement la consommation et l'investissement ; on peut le constater : elle inquiète déjà les marchés financiers.

Le dérapage financier qui en résulterait, par l'aggravation de notre situation économique, risque de précipiter notre pays dans une crise sociale et politique dont nous ne mesurons pas la gravité.

Les bonnes nouvelles concernant les DMTG et l'impôt sur le revenu ne suffisent pas à compenser les mauvaises sur la TVA. Les agents économiques réagissent à nos décisions, il ne faut pas l'oublier. Nous pouvons voter tous les impôts que nous voulons, les Français consomment moins, pour épargner plus ; les entreprises ne votent pas leur chiffre d'affaires. Le réel ne se décrète pas, il s'impose à nous !

Le groupe Les Indépendants se réjouit que le PLFG soit adopté par le Sénat ; j'espère qu'il le sera aussi par l'Assemblée nationale. Ce texte est loin d'être anecdotique : il ouvre des crédits pour payer les reconstructions suivant les émeutes de Nouvelle-Calédonie et payer les agents ayant sécurisé les JOP, qui ont fait notre fierté. Surtout, il ouvre des crédits pour payer nos forces armées.

Ne soyons pas sourds aux alertes des pays européens, non seulement la Finlande et l'Estonie, mais aussi l'Allemagne qui prépare sa population à l'hypothèse d'un conflit armé.

Notre sécurité d'aujourd'hui se joue aujourd'hui sur le sol de l'Ukraine, mais elle pourrait se jouer demain sur le territoire de l'Union européenne. J'espère que tous les groupes voteront ce texte par respect pour nos fonctionnaires et militaires. (M. Thomas Dossus proteste.)

J'espère qu'une partie de la gauche refusera de rejoindre l'équipe des « ingénieurs du chaos ». En ce jour de Sainte-Barbe, je rends hommage à nos soldats du feu, exact inverse des pompiers pyromanes de l'Assemblée nationale. (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Emmanuel Capus.  - Excellent !

M. Jean-Jacques Panunzi.  - Bravo !

M. Laurent Somon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Jamais un texte budgétaire n'aura été examiné dans un tel contexte, à quelques heures d'une possible censure du Gouvernement. Il pourrait s'agir du dernier texte du Gouvernement actuel voté par le Parlement.

Le groupe Les Républicains appelle à la responsabilité des députés, au-delà du socle commun.

M. Emmanuel Capus.  - Très bien !

M. Laurent Somon.  - Le texte comporte des mesures très attendues, comme les 500 millions d'euros pour payer les heures supplémentaires des policiers et gendarmes mobilisés pendant tout l'été pour les JOP. Si le RN vote contre, Marine Le Pen devra l'expliquer à ces derniers, qui les attendent pour Noël...

Même chose pour les 200 millions d'euros prévus pour la Nouvelle-Calédonie, où les émeutes ont provoqué la faillite de nombreuses entreprises, la perte de 6 000 emplois et la mise au chômage partiel de 29 % des salariés du privé, soit plus de 16 000 personnes. Si ce texte est refusé, M. Mélenchon et Mme Le Pen pourront voyager ensemble sur Aircalin pour expliquer la fin du chômage partiel sur une île où 28 % des dépenses des plus modestes sont consacrées à l'alimentation.

Le PLFG prévoit 200 millions d'euros pour l'AAH, 100 millions pour les bourses sur critères sociaux et 20 millions pour la lutte contre le mildiou. Qu'ils expliquent de même à toutes les personnes concernées pourquoi ils ne toucheront pas ce qu'elles attendent !

Au Sénat, nous avons aussi voté 70 millions d'euros pour le réseau routier des collectivités territoriales, reprenant plusieurs mesures votées dans le collectif budgétaire de 2022 et la loi de fin de gestion de 2023, dont les crédits avaient été gelés ou détournés de leur objet initial par le précédent gouvernement. Nous nous félicitons que la CMP ait retenu cette mesure, tout en espérant qu'elle sera bien suivie d'effet.

La Grèce rend par ailleurs 1,7 milliard d'euros à la France ; c'est qu'elle a fait, elle, les efforts nécessaires pour ramener son déficit de 9,6 à 0,9 % entre 2020 et 2024 !

Ce PLFG prévoit enfin l'annulation de 6 milliards d'euros de crédits sur les 16 milliards d'euros gelés, en plus de l'annulation de 10 milliards en février. C'est indispensable pour tenir notre trajectoire budgétaire de moins 6,1 % et moins 5 % en 2025.

En responsabilité et par nécessité, le groupe Les Républicains votera en faveur de ce PLFG. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; MM. Bruno Belin et Jean-Raymond Hugonet se lèvent pour applaudir ; M. Stéphane Fouassin applaudit également.)

M. Stéphane Fouassin .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Je souligne l'importance du consensus obtenu en CMP.

Cet accord était indispensable pour adapter la trajectoire budgétaire de notre pays à la situation macroéconomique, tout en préservant les politiques publiques prioritaires.

Alors que la loi de finances initiale pour 2024 avait été conçue sur des projections de sortie de crise, l'évolution a été atypique. L'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB a atteint 0,42, soit un niveau largement inférieur à sa moyenne de longue période, proche de 1. La croissance a été révisée à 1 % dès février, et le déficit public pour 2024 a à 6,1 % du PIB.

Un décret d'annulation de crédits a été pris dès février, pour geler 10 milliards d'euros ; la réserve de précaution a été relevée à 16 milliards d'euros, afin de limiter l'impact immédiat de cette dégradation sur les finances publiques.

Le PLFG ouvre des annulations de crédits, principalement sur le fonds mis en réserve cet été. Je salue le travail de la CMP, et de ses rapporteurs, qui sont parvenus à un texte encore plus responsable.

Ce texte soutient aussi les secteurs en besoin. Des crédits supplémentaires sont ainsi alloués à des secteurs stratégiques : 677 millions d'euros pour la défense, afin de couvrir les surcoûts opérationnels, 350 millions d'euros pour l'enseignement scolaire, 231 millions d'euros pour la Nouvelle-Calédonie.

Notre dette publique illustre le défi majeur de notre époque : rétablir la soutenabilité de nos finances publiques tout en préservant notre capacité à investir dans l'avenir.

Nous devons dégager des marges de manoeuvre nécessaires à la poursuite des chantiers prioritaires et répondre aux attentes de nos partenaires européens, de nos concitoyens et des générations futures.

Le RDPI votera de nouveau ce texte. Redressons nos finances pour garantir la pérennité et la souveraineté de la France ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC et du RDSE ; M. Jean-François Husson applaudit également.)

M. Raphaël Daubet .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC) Ne pas s'opposer à ce texte, mais dénoncer la gestion passée, tout en restant vigilants sur la situation budgétaire : c'était la position du RDSE lors de la première lecture.

Les travaux de la CMP confirment la pertinence de cette approche. Ce PLFG prend une dimension particulière, et pourrait devenir le garant de la continuité de nos engagements les plus essentiels.

Face au risque d'une France sans budget en 2025, ce texte, supposément technique, est sur le point de se transformer en une garantie de la continuité de l'action publique. Il sécurise provisoirement des missions vitales, avant une possible période de turbulences politiques.

Les ajustements budgétaires qu'il contient, bien que modestes, offrent des marges de manoeuvre précieuses aux personnes concernées.

Ce texte rappelle qu'il est important, pour certaines dépenses de l'État, d'avoir un cadre budgétaire stabilisé.

Je pense aux 20 millions d'euros destinés à soutenir les viticulteurs, aux 70 millions pour le réseau routier des collectivités territoriales, au versement des primes liées à la sécurisation des JOP, aux sommes destinées à l'Ukraine et à la Nouvelle-Calédonie.

Ce texte montre la plus-value des travaux parlementaires lorsqu'ils s'appuient, dans un esprit constructif, sur le consensus et l'intelligence collective.

La révision à la baisse de certaines recettes traduit également une approche plus réaliste des prévisions. C'est un premier pas utile, mais ces ajustements ne répondent pas à notre préoccupation fondamentale : nous continuons à naviguer avec des instruments imprécis.

Pas de triomphalisme, donc. Ces ajustements ne sont qu'une première étape vers l'assainissement de nos finances publiques. L'amélioration du solde général ne doit pas se faire au détriment de l'investissement et de la cohésion sociale.

Notre responsabilité collective exige une vision plus ambitieuse, conjuguant rigueur budgétaire et préservation de notre modèle social. C'est dans cet esprit que nous devons poursuivre notre travail.

Le RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe UC ; MM. Stéphane Fouassin et Jean-François Husson applaudissent également.)

M. Michel Canévet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Nous voudrions exprimer certaines inquiétudes, d'abord par rapport à la séquence politique que nous vivons. Les membres du groupe UC appellent les députés à la responsabilité.

Le Gouvernement n'a pas eu le temps d'exercer la plénitude de sa capacité à agir pour le pays et à redresser les comptes publics. Abréger son action ne peut conduire qu'au chaos ! Il doit pouvoir poursuivre son travail, nous devons aussi pouvoir examiner jusqu'au bout le PLF, pour que notre pays soit dirigé.

Si la motion de censure était adoptée, que se passerait-il ? Personne ne sait le dire ! Il nous faut un cap, clairement déterminé, notamment pour les jeunes qui nous regardent en tribune. Laissons à ce gouvernement la capacité d'aller de l'avant.

Ce PLFG est aussi une source d'inquiétude. Le déficit prévu en loi de finances initiale, à 146,9 milliards d'euros, était déjà considérable. Cette loi de finances initiale avait été adoptée après activation du 49.3, sans tenir compte des propositions visant à redresser les comptes.

Un an après, le constat est accablant : 162,4 milliards d'euros de déficit. Cette situation dure depuis cinq ans : depuis cinq ans, le déficit dépasse les 160 milliards d'euros. C'est dire l'impact sur les comptes publics, et sur le futur, car les intérêts de la dette croissent au fil du temps !

On enregistre une baisse significative des recettes de TVA, pourtant l'un des impôts susceptibles d'aider au rétablissement des comptes publics. Le groupe UC appelle le Gouvernement à réfléchir à une hausse de son taux.

La volatilité de l'impôt sur les sociétés nous préoccupe également. Le Gouvernement travaille à éviter les reports.

Nous nous satisfaisons de l'accord trouvé en CMP et voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et du RDSE, MM. Stéphane Fouassin et Jean-François Husson applaudissent également.)

M. Pierre Barros .  - Nous nous trouvons dans une confusion politique et budgétaire dont le présent texte est la triste illustration. La majorité gouvernementale nous qualifie, nous parlementaires de gauche, d'incohérents et irresponsables. C'est la plus incroyable des fake news du moment ! En réalité c'est la gestion du Gouvernement qui est incohérente et irresponsable.

Quelques faits. Il y a un an, le 27 novembre 2023, tout commence : les recettes de TVA sont annoncées en baisse par rapport aux prévisions. Bruno Le Maire cache cette information aux parlementaires et ne fait rien, mais Élisabeth Borne est, en revanche, bien informée, comme la mission flash sur la dégradation des finances publiques l'a montré.

S'ajoute à cela une pseudo-taxe sur les superprofits des énergéticiens qui rapporte 11,7 milliards d'euros de moins que prévu. Les vrais superprofits, eux, ne sont jamais taxés !

En février, Bruno Le Maire annule 10 milliards d'euros de crédits, rabot inédit sur les investissements essentiels à la nation, notamment la transition énergétique, amputée de 2,2 milliards d'euros.

Poursuivant son chemin vers un déficit abyssal, il reporte 16,1 milliards d'euros de 2023 vers 2024. Les sénateurs ont été alors nombreux à demander un PLFR, pour qu'un débat ait lieu au Parlement sur les moyens de résorber le déficit. Refus de l'Élysée : pas de budget rectificatif avant les élections européennes - confusion budgétaire, politicienne, électoraliste.

Le Gouvernement a continué à mettre de côté des crédits, mettant en difficulté les services publics.

Les urnes ont parlé, mais le chef de l'État n'en tient pas compte, et il met 60 jours à nommer Michel Barnier, qui avait encore un gouvernement à constituer.

En définitive, 6 milliards d'euros sont annulés dans le PLFG après le gel de 16 milliards d'euros, pour atteindre 6,1 % de déficit.

La gestion budgétaire opaque et passive du Gouvernement aura eu raison de la crédibilité budgétaire de notre pays.

La CMP, cet élément antidémocratique de la Ve République, est une nouvelle fois parvenue à un accord sur un texte rejeté à l'Assemblée nationale. Le Parlement est décidément peu considéré...

Dimanche dernier, 1er décembre, avec le soutien de la majorité sénatoriale, le ministre du budget fait revoter le Sénat sur des recettes qui sont dès lors abandonnées : 2 milliards d'euros sur les actifs financiers, 550 millions d'euros sur les transactions financières, 1,5 milliard d'euros sur les Gafam.

Qui est incohérent ? La gauche ? Le chaos politique a pour seuls responsables les locataires de l'Élysée et de Matignon !

Nous ne voterons pas ce PLFG. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Éric Kerrouche applaudit également.)

L'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°147 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 243
Contre   97

Le projet de loi est adopté.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI)

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Très bien !

La séance est suspendue quelques instants.