Financement de la sécurité sociale pour 2025 (Suite)

Discussion des articles de la deuxième partie (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, dont le Sénat est saisi en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution.

Après l'article 6 (Suite)

M. le président.  - Amendement n°464 rectifié bis de Mme Malet et alii.

Mme Viviane Malet.  - Cet amendement place pour deux ans les entreprises ultramarines du BTP dans le barème renforcé du régime d'exonérations de charges sociales patronales.

À La Réunion, le secteur a perdu un tiers de ses salariés et la moitié de ses entreprises entre 2008 et 2017.

L'adoption de cet amendement constituerait un signal fort pour soutenir l'activité et préserver l'emploi.

M. le président.  - Amendement identique n°1093 rectifié bis de M. Lurel et alii.

M. Victorin Lurel.  - Réparons une inégalité de traitement entre les différentes filières en faisant bénéficier le BTP du régime de la Lodéom, la loi pour le développement économique des outre-mer.

Chez nous, le BTP est le moteur de la croissance. Or, depuis quelques années, les entreprises du secteur ont tout subi, et doivent tout payer. Elles s'en prennent plein la figure !

M. le président.  - Amendement identique n°1297 rectifié ter de Mme Bélim et alii.

Mme Audrey Bélim.  - Les acteurs de la filière souhaitent que leur situation critique soit prise en compte via un allègement temporaire -  j'insiste sur ce terme  - des cotisations, jusqu'à la reprise de l'activité.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales.  - Le barème Lodéom renforcé concerne les entreprises soumises à la concurrence internationale. Or les emplois du BTP ne sont pas délocalisables : ce sont des activités locales.

La commission a toujours émis un avis de sagesse sur ces amendements, déposés tous les ans, parce qu'elle partage votre constat. Mais les ministres successifs y sont défavorables, car la mesure coûterait 100 millions d'euros. Difficile d'accéder à cette demande, dans le contexte budgétaire actuel. Sagesse donc.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l'emploi.  - Retrait ou avis défavorable Ce régime de compétitivité renforcée concerne les entreprises soumises à la concurrence internationale. Par ailleurs, nous ne disposons pas de vision d'ensemble sur les effets de la Lodéom ; une mission de l'Igas et de l'IGF rendra ses conclusions dans les prochains jours.

M. Victorin Lurel.  - J'entends les avis de la commission et du Gouvernement mais ne peux les approuver. Quelle est l'ouverture à l'international des économies insulaires ? La concurrence ne se fait pas avec l'étranger, mais avec l'Hexagone.

Il n'y a plus de PTZ, la commande publique a baissé, le coût des matières premières augmente. On parle de la survie des entreprises ! Si l'on ne tient pas compte du moteur de la croissance qu'est le BTP, on aura des problèmes. Faut-il attendre des émeutes pour agir ? Quand le BTP va, tout va. Or, pour le moment, cela ne va pas. Donnons ce coup de pouce aux entreprises et tirons le bilan dans deux ans.

Mme Catherine Conconne.  - Merci à la rapporteure générale pour son avis de sagesse. Je sens bien que la ministre aurait envie de dire oui, mais elle est malheureusement contrainte par le royaume de Bercy. Je compatis ! (Sourires)

Les constats de M. Lurel et Mme Bélim sont réalistes.

Mon pays compte 340 000 âmes. Nous n'allons pas attirer toutes les multinationales du monde ! Notre concurrence se fait contre le chômage, le mal-être et les difficultés des entreprises à survivre dans des marchés microscopiques.

Il faut certainement renouveler le concept de concurrence internationale. Nous serons les premiers à vos côtés pour vous y aider.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre.  - Les secteurs à compétitivité renforcée sont par exemple les centres d'appels, qui peuvent être localisés n'importe où, en fonction de la langue parlée. Cela justifie ce régime. Le BTP, en revanche, est une activité locale.

J'entends vos propos. N'attendons pas les émeutes. Mais en l'état du droit, le BTP n'est pas soumis à une forte exposition internationale.

La remise en état de la Lodéom sera l'occasion de corriger les erreurs. C'est vrai : quand le BTP va, tout va, tant il a un impact sur toute la filière.

M. le président.  - Retirez-vous l'amendement ?

M. Victorin Lurel.  - Certainement pas ! Il y a des émeutes chez moi !

Les amendements identiques nos464 rectifié bis, 1093 rectifié bis et 1297 rectifié ter sont adoptés et deviennent un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°221 rectifié ter de Mme Malet et alii.

Mme Viviane Malet.  - Nous ouvrons une période d'exception pour les entreprises ultramarines en nous inspirant des plans instaurés après l'ouragan Irma : ainsi, celles-ci pourront régulariser leur situation sans augmenter de manière exponentielle leur dette sociale.

Durant deux ans, les cotisants ultramarins auraient la possibilité de négocier avec les caisses compétentes des plans d'étalement de la dette en fonction de leur situation.

M. le président.  - Amendement identique n°289 rectifié bis de Mme Petrus et alii.

Mme Annick Petrus.  - Nous offrons aux entreprises ultramarines en difficulté la possibilité de négocier des plans d'apurement des dettes sociales de 6 à 60 mois, en nous inspirant des plans créés après Irma et le covid-19. En cas de non-respect des engagements des entreprises, le plan serait annulé et le paiement rétroactif s'enclencherait.

Ainsi, nous lutterions contre les cessations de paiement, aux conséquences sociales majeures. Mieux vaut des paiements différés que des entreprises qui ferment ou qui se délocalisent.

M. le président.  - Amendement identique n°337 rectifié de M. Lurel et alii.

M. Victorin Lurel.  - Offrons un sursis aux entreprises pour l'apurement de leurs dettes sociales.

En Guadeloupe, mais aussi dans l'ensemble des outre-mer, celles qui bénéficient d'un moratoire font l'objet de poursuites avec dépôt de bilan.

Alors ministre, j'avais signé une circulaire avec Jean-Marc Ayrault : le recouvrement des cotisations sociales pouvait être étalé durant six mois, même lorsque les infractions relevaient du code pénal.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Ces dernières années, nous avions émis des avis de sagesse sur ces amendements, mais ils n'avaient pas prospéré lors de la navette.

Des mesures d'accompagnement existent déjà. Créer un dispositif législatif est sans doute hasardeux : comment distinguer les bonnes et les mauvaises raisons ? Adoptons un point de vue juridique.

Avis défavorable. Les services de recouvrement sont attentifs aux situations particulières des entreprises qui sont en difficulté pour de bonnes raisons.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre.  - Même avis.

M. Victorin Lurel.  - Je remercie l'assemblée pour le vote précédent.

Je ne demande pas une dérogation ou une exception, mais la suspension des poursuites pendant un temps : il y a urgence. Certes, la sécurité sociale est devenue le banquier des entreprises, mais les moratoires se multiplient depuis quelques années, face aux difficultés.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales.  - Sans revenir sur le fond, des mesures équivalentes ont été mises en place lors de la crise du covid. Malgré la crise en outre-mer, une telle mesure ne franchirait pas la barrière du Conseil constitutionnel.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Ces dettes sont liées aux cotisations des employeurs ; les cotisations salariales, elles, ont bien été collectées. M. Mouiller a raison : il n'est pas possible de différer ce qui a été collecté, comme les cotisations salariales. Quand vous êtes en difficulté, vous pouvez négocier des échéanciers sur les cotisations patronales. L'Urssaf n'a aucun intérêt à voir une entreprise disparaître.

Les amendements nos221 rectifié ter, 289 rectifié bis et 337 rectifié ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°833 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Selon une étude de 2019 du Conseil d'analyse économique (CAE), les baisses de cotisations sociales sur les salaires les plus élevés n'ont pas encore fait la preuve de leur efficacité sur l'emploi. De même, un rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) préconise de supprimer les exonérations de cotisations familiales. Même les économistes missionnés par le Gouvernement, MM. Bozio et Wasmer, ne parviennent pas à démontrer un effet sur l'emploi des exonérations de cotisations au-delà d'un certain seuil.

Pourtant, les gouvernements successifs s'obstinent à ne pas remettre en cause cette politique, malgré son coût.

Cet amendement demande un rapport afin d'évaluer la perte de recettes qui aurait été évitée par la suppression des allégements généraux au-delà de deux Smic.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis défavorable.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre.  - Même avis.

Le comité de suivi créé après l'adoption de l'amendement n° 123 rectifié de la rapporteure générale répond à votre demande.

L'amendement n°833 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°823 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - J'espère que le travail du comité de suivi sera meilleur que le vôtre pour le suivi des rapports du Sénat ! (M. Philippe Mouiller et Mme Astrid Panosyan-Bouvet s'en amusent.)

Nous voulons fixer le plafond de l'abattement de 1,75 % sur l'assiette de la CSG-CRDS au titre des frais professionnels à deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale (Pass), contre quatre actuellement. Cet abattement doit être ciblé sur les revenus bas et moyens, et non profiter mécaniquement aux revenus aisés ; cette injustice avait été soulignée dans le rapport Vachey.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - L'enjeu du financement de la branche autonomie à long terme est crucial.

L'abattement pour frais professionnels est partiellement conventionnel et est censé représenter les frais engagés par les intéressés. Lors du précédent PLFSS, il était proposé de le plafonner à une fois le Pass, mais cette solution a été rejetée, tant par la commission que par le Gouvernement. Avis défavorable.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°823 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°586 rectifié de M. Cabanel et alii.

M. Henri Cabanel.  - Actuellement, les exploitants agricoles ont le choix pour calculer l'assiette de leurs cotisations sociales : se référer à l'année N-1 ou à la moyenne des trois dernières années. Or les aléas climatiques, de plus en plus nombreux, affectent la trésorerie des exploitations, par exemple lorsque les cotisations sont collectées une année de mauvaise récolte alors que leur montant a été calculé une année de bonne récolte.

Dans un souci d'équité, il faudrait revenir sur ce point, comme nous l'avions fait dans la LFSS 2022 pour les travailleurs indépendants et les non-salariés.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - La troisième voie que vous proposez semble recueillir l'approbation de nombre d'agriculteurs. La commission des affaires sociales a émis un avis défavorable. Toutefois, à titre personnel, je trouve votre proposition d'expérimentation très intéressante, d'autant qu'elle a été testée auprès de beaucoup d'agriculteurs.

La commission a estimé que le secteur agricole vivait actuellement de nombreuses transformations. En ajouter une nouvelle nuirait à la lisibilité de l'ensemble du système.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre.  - Lors des précédents PLFSS, le Gouvernement s'était engagé à faire évoluer l'assiette des cotisations pour les exploitants agricoles, pour plus de contemporanéité.

Mais l'intérêt de cette mesure semble avoir été mis en doute par les exploitants eux-mêmes.

Il ne semble pas raisonnable d'engager une telle expérimentation dans le contexte de la réforme de l'assiette dite « super-brute ». Retrait, sinon avis défavorable.

M. Philippe Mouiller, président de la commission.  - La commission a émis un avis défavorable, non sur le fond, mais sur la forme : au vu de l'ensemble des réformes en cours, le calendrier semblait difficile à tenir. Mais cette expérimentation constituerait un test en grandeur réelle. L'amendement renvoie en outre à un décret.

Même si je comprends l'avis de la commission, que j'ai d'ailleurs voté, nous pourrions garder notre avis défavorable, mais en tout état de cause, le résultat sera parfait... (Sourires)

M. Laurent Duplomb.  - Une expérimentation ne coûterait rien ! On ne demande pas une diminution des cotisations, mais la possibilité de les payer l'année des revenus.

Les bonnes années de récolte peuvent se solder par des cotisations très élevées au moment où les revenus sont les plus bas. Les exploitants disposeraient ainsi de plus de souplesse.

Le président de la Mutualité sociale agricole (MSA) et les représentants des syndicats agricoles sont d'accord pour expérimenter. À l'issue de l'expérimentation, nous pourrons choisir de le garder ou non. Mais il faut expérimenter pour se faire une opinion ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Nathalie Goulet.  - Je vois que les Deux-Sèvres se rapprochent de la Normandie : « P'têt ben qu'oui, p'têt ben qu'non »... (Sourires)

Je voterai cet amendement de bon sens. Notre assemblée doit se montrer sensible aux problèmes des agriculteurs.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre.  - Je ne conteste pas l'intérêt de l'expérimentation, mais je m'interroge sur la possibilité de la mettre en oeuvre en même temps que la révision de l'assiette sociale par la MSA, et que la réforme des retraites des exploitants agricoles. Ce sont les mêmes équipes qui sont sollicitées pour ces différents dossiers. Nous devons tenir compte de ces difficultés de mise en oeuvre. (MM. Laurent Burgoa et Laurent Duplomb le contestent.)

Il ne serait pas raisonnable de demander à la MSA...

MM. Laurent Burgoa, Laurent Duplomb et Daniel Laurent.  - Ils sont d'accord !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre.  - ... une expérimentation supplémentaire.

Mme Pascale Gruny.  - Je voterai cet amendement. La MSA s'est dite prête à faire cette expérimentation, qui n'aurait aucun caractère obligatoire.

Les agriculteurs en ont assez d'attendre ! Ils ne comprennent pas pourquoi ils seraient toujours traités différemment. C'était la même chose avec le calcul de leur retraite sur les 25 meilleures années.

En agriculture, les récoltes ne sont plus linéaires, compte tenu des aléas climatiques. D'où la pertinence d'une assiette contemporaine, tenant compte des moyens financiers des agriculteurs à l'instant T. Ils en ont besoin, ce n'est pas le moment de les énerver davantage !

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Laurent Burgoa.  - Je voterai également cet amendement.

Henri Cabanel est un élu de bon sens. Il parle peu, mais toujours dans le sens de l'intérêt général... (Mme Pascale Gruny renchérit.)

Madame la ministre, si le Parlement décide, l'administration n'a pas à dire qu'elle ne peut pas mettre en oeuvre ! (Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Anne-Sophie Romagny, MM. Joshua Hochart et Christopher Szczurek applaudissent également.)

Alors que nos viticulteurs souffrent, les élus doivent pouvoir décider pour eux.

M. Henri Cabanel.  - C'est la quatrième fois que je présente cet amendement. Chaque fois, on me répond qu'on réfléchit.

Des élus et des agents de la MSA sont prêts à mener cette expérimentation. Pourquoi ne pas les laisser faire ?

Comme l'a dit Laurent Burgoa, je ne m'exprime pas beaucoup, mais j'ai mon BSP, mon bon sens paysan ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Maryse Carrère applaudit également.)

À la demande du RDSE, l'amendement n°586 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n 53 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 341
Contre    0

L'amendement n°586 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; MM. Jean-Luc Brault, Daniel Chasseing, Henri Cabanel et Mme Émilienne Poumirol applaudissent également.)

Article 7

Mme Céline Brulin .  - Le montant des exonérations de cotisations pour les contrats d'apprentissage a explosé : de 6 milliards d'euros en 2018 à 14 milliards d'euros en 2022, contre 11 milliards consentis par les entreprises pour le recrutement d'apprentis. Les exonérations pèsent pour 1,5 milliard d'euros en 2023 et les pertes de CSG et de CRDS pour 1,2 milliard.

Réduire la voilure, comme le prévoit cet article, oui ! Mais, au passage, vous assujettissez les apprentis à la CSG et à la CRDS au-dessus d'un demi-Smic, ce qui leur ferait perdre entre 50 et 100 euros, soit 10 % de leur rémunération ! C'est d'autant plus injuste qu'il s'agit souvent de jeunes de familles populaires, qui pourraient difficilement poursuivre leurs études autrement.

M. Daniel Chasseing .  - Cet article supprime l'exonération de cotisations employeur dont bénéficient les Jeunes entreprises innovantes (JEI) et les Jeunes entreprises de croissance (JEC), réduit le seuil d'exonérations des cotisations pour les apprentis et applique la CSG et la CRDS sur les rémunérations des apprentis. On compte un million d'apprentis, deux fois plus qu'il y a cinq ans. C'est un succès pour l'emploi et les jeunes !

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Exact !

M. Daniel Chasseing.  - L'apprentissage est un ascenseur social qui fonctionne et favorise l'accès à l'emploi. Un tiers des apprentis viennent de familles modestes et n'auraient pu être diplômés sans alternance.

J'ai cosigné les amendements de suppression, mais soutiens néanmoins la position de la commission, en espérant que l'apprentissage n'en perdra pas en attractivité.

M. Jean-Marie Mizzon .  - Je dénonce l'inégalité de traitement entre un salarié frontalier et un salarié frontalier qui est par ailleurs élu. Le premier bénéfice totalement des services de santé du pays voisin, puisqu'il y paye ses cotisations, quand le second n'en bénéficie que dès lors que son indemnité d'élu, doublée de sa rémunération, est inférieure à un certain seuil. C'est injuste, et n'encouragera pas les candidatures. Madame la ministre, êtes-vous sensibilisée à ce problème ?

M. Jean-Luc Brault .  - En 1963, j'avais 13 ans, et j'ai passé un CAP. J'ai monté une entreprise, qui compte aujourd'hui une centaine de compagnons. Désormais, il n'y a plus de compagnons pour former les apprentis ! On en fait venir du Portugal, à 48 euros de l'heure, pour faire de la soudure qualifiée. Un bon compagnon forme de nombreux apprentis.

Il faut sans doute encadrer le dispositif et ne pas recruter d'apprentis dans les multinationales. (Mmes Anne Souyris et Raymonde Poncet Monge renchérissent.) En revanche, nos artisans, nos TPE, nos PME, en chauffage, maçonnerie, plâtrerie, ont besoin d'apprentis. Il nous faut des compagnons pour les former ! (Mme Christine Bonfanti-Dossat applaudit.)

M. Xavier Iacovelli .  - Sans surprise, nous voterons les amendements de suppression.

L'article 7 revient sur plusieurs mesures de soutien à l'emploi, notamment en faveur des plus jeunes.

Ces dernières années, nous avons déployé des mesures pour développer l'apprentissage. Nous avons passé le cap symbolique du million d'apprentis en 2023. Ils étaient 350 000 en 2017 !

L'article envoie un signal désastreux.

Idem pour les entreprises innovantes, alors que l'écosystème subit une crise de financement.

M. André Reichardt .  - Sénateur alsacien, j'appelle à ne toucher à l'apprentissage que d'une main tremblante. J'ai dirigé la chambre des métiers d'Alsace - au temps béni où c'était encore une région - et j'atteste de l'importance de l'apprentissage pour l'insertion et la qualification professionnelle. L'Alsace, pour des raisons historiques, compte beaucoup plus d'apprentis qu'ailleurs, et sa prospérité leur doit beaucoup.

Les nombreuses entreprises artisanales ont formé une main-d'oeuvre qualifiée. Puis l'apprentissage s'est ouvert à toujours plus de diplômés - jusqu'au doctorat. En quelques années, nous sommes passés de 300 000 à un million : ne cassons pas cette dynamique ! (Mme Solanges Nadille et M. Jean-Baptiste Lemoyne renchérissent.)

Mme Annie Le Houerou .  - Cet article 7 fait peser les économies sur les jeunes apprentis. Alors que le développement de l'apprentissage a été une avancée pour des jeunes souvent discriminés à l'embauche, la proposition gouvernementale est une erreur manifeste.

Pour nous, les exonérations ne doivent être conservées que lorsqu'elles sont efficaces. Or réduire l'exonération dédiée aux apprentis attaque directement leurs moyens de subsistance. Nous connaissons leur précarité. Cela dissuadera les artisans de recruter des apprentis.

Certains proposent de limiter cette mesure aux apprentis avant le bac, ou avant bac +3. Mais deux tiers des apprentis ne financent leurs études que grâce à l'apprentissage ! Supprimons cet article.

M. Pierre Jean Rochette .  - Nos concitoyens ne comprendraient pas que nous votions cet article.

De grâce, il y a assez d'économies à faire ailleurs ! Les Français nous demandent de lutter contre la fraude, de réformer, non de taxer ceux qui démarrent dans la vie active et à qui l'apprentissage offre une chance !

Mme Frédérique Puissat .  - L'article 6 était dans la même veine, et nous ne l'avons pas voté de gaieté de coeur.

Depuis 2018, la mission « Travail et emploi » est passée de 14 milliards d'euros à 22 milliards d'euros. Certes le nombre d'apprentis a augmenté, et l'on peut s'en réjouir - mais à quel prix !

En 2018, l'apprentissage a été centralisé avec la création de France Compétences.

Mme Monique Lubin.  - Quelle erreur !

Mme Frédérique Puissat.  - Nous avons créé, selon la Cour des comptes, un guichet ouvert sans limite, et, à la clé, un déficit que nous n'arrivons pas à résorber.

Certes, cet article pèse non pas sur l'aide aux employeurs, mais sur la rémunération des apprentis. Certains ont des revenus faibles, d'autres un peu moins. Il pèse 350 millions d'euros. Maintenons-le : sinon, il faudra trouver ailleurs cette somme pour résorber le déficit.

Mme Ghislaine Senée .  - Oui, une dépense qui passe de 14 à 22 milliards d'euros est un vrai sujet. Nous sommes pour les cotisations, qui sont un acte de solidarité. Un étudiant qui, pour payer ses études, travaille à McDonald's, paie la CSG. Un fils de famille qui intègre une école d'ingénieurs en tant qu'apprenti ouvre des droits à la retraite sans cotiser à la CSG. Pourtant, leurs niveaux de salaires seront différents. Voilà la réalité. Il nous faut trouver de l'équité.

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Je comprends qu'on veuille amender cet article, mais cette unanimité à vouloir le supprimer m'étonne.

Selon France Travail, 10 % de ses nouveaux inscrits sont d'anciens apprentis. Certains groupes font tourner les apprentis. Il y a une explosion du nombre d'apprentis, mais aussi des excès.

Que proposez-vous pour les 17 % de smicards ? Ce discours nourrit le mythe d'un coût du travail toujours trop élevé. Lorsque les apprentis s'inscrivent au chômage, ils bénéficient de droits contributifs, qui ont été payés par des cotisations. Ce n'est pas équitable pour les jeunes salariés. Je ne crois pas qu'il y aura moins d'apprentis s'ils doivent payer des cotisations.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale .  - Oui, l'apprentissage est une filière d'excellence.

Attention : cet article ne concerne pas que les apprentis, mais aussi les entreprises de transport maritime et les dispositifs JEI et JEC.

Peut-on financer la sécurité sociale avec toujours plus d'exonérations ? Bien sûr que non ! En théorie, quand on cotise, on ouvre des droits. Mais actuellement, les apprentis ont des droits sans cotiser, tandis que les stagiaires paient la CSG et la CRDS.

J'aurais préféré n'avoir à demander d'efforts à personne, mais la situation est grave. Cette mesure permettra de surcroît d'éviter les effets d'aubaine.

Nous aurons l'occasion de débattre de l'apprentissage lors de l'examen PLF ; ce sera plus approprié qu'en supprimant cet article.

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Bien sûr !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Je m'inquiète de la multiplication des exonérations : ce sont les cotisations sociales qui ouvrent les droits.

M. Philippe Mouiller, président de la commission.  - Initialement très sceptique, j'en ai parlé avec des chefs d'entreprise, et j'ai appris que les apprentis ne payaient ni la CSG-CRDS, ni l'impôt sur le revenu, contrairement à un jeune salarié.

Lisez bien l'amendement : nous ne supprimons les exonérations qu'au-dessus de 900 euros. Ce n'est pas la fin de l'apprentissage ! Si vous êtes contre cet article, c'est pour une autre raison. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Henno et Mme Jocelyne Guidez applaudissent également.)

M. le président.  - Amendement n°108 rectifié de MM. Bonhomme et Chaize.

M. François Bonhomme.  - L'article 7 réduirait le montant de l'aide unique à l'embauche pour toutes les entreprises, au lieu de la concentrer sur les entreprises de moins de 250 salariés.

Les efforts consentis depuis 2018 ont eu des effets très positifs : 550 000 apprentis supplémentaires.

Le Gouvernement pourrait au moins n'appliquer la CSG que progressivement, pour lisser les effets de la disposition. (M. Philippe Mouiller acquiesce.) Ne cassons pas la dynamique.

M. le président.  - Amendement identique n°112 rectifié de Mme Boyer et alii.

M. Jean-Jacques Panunzi.  - Défendu.

L'amendement identique n°214 rectifié ter n'est pas défendu

M. le président.  - Amendement identique n°247 rectifié sexies de M. Louault et alii.

M. Daniel Chasseing.  - Cet article serait un très mauvais signal pour notre économie.

M. le président.  - Amendement identique n°283 de M. Durox et alii.

M. Christopher Szczurek.  - Les sénateurs RN s'opposent également à cet article 7 qui augmente le coût d'embauche des apprentis. Cela freinerait la dynamique de l'apprentissage, qui ouvre la porte à l'insertion professionnelle.

Plutôt que de réduire les exonérations sociales, mieux vaudrait cibler les primes à l'embauche sur les entreprises et les secteurs qui en ont le plus besoin.

M. le président.  - Amendement identique n°855 rectifié bis de M. Chaillou et alii.

M. Christophe Chaillou.  - Cet échange est intéressant, notamment la comparaison avec des salariés dans une situation proche de celle des apprentis. Mais, Madame la rapporteure générale, est-il juste d'enlever 151 euros par mois à un apprenti en deuxième année de CAP et 180 euros à un apprenti en deuxième année de bac pro ?

La confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) du Loiret attire l'attention sur les conséquences de cette mesure sur des secteurs qui peinent à recruter, comme le BTP. Soyons prudents et reportons-la.

M. le président.  - Amendement identique n°1158 rectifié de M. Masset et alii.

M. Michel Masset.  - L'effort de formation consenti par les entreprises au profit des apprentis ne doit pas être fragilisé. Or cet article pourrait renchérit le coût de l'apprentissage de 30 %.

Le contexte est déjà tendu dans l'apprentissage, avec la baisse des soutiens de l'État : dans le Lot-et-Garonne, le centre de formation d'apprentis (CFA) du BTP estime l'impact financier à 300 000 euros en 2025, alors même que la filière accuse une décroissance de 5 %.

Les apprentis perdraient du pouvoir d'achat, les entreprises seraient lésées : tout le monde en pâtirait. Conservons le système actuel.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Faut-il exonérer certains et pas les autres ? Nous priverions la sécurité sociale de moyens, alors que ces personnes bénéficient des droits ouverts. Les 8 % d'anciens apprentis qui ne trouvent pas d'emploi bénéficient ainsi de l'assurance chômage.

Nous pourrons débattre de l'apprentissage lors de l'examen du PLF. La sécurité sociale est en péril, recentrons-nous !

Les montants en jeu sont faibles : 9,2 % au-dessus de 900 euros par mois. Pour un salaire de 1 000 euros, c'est une perte de 9 euros.

Ces jeunes rentreront dans la vie active, ils doivent apprendre à cotiser en échange de droits. Arrêtons de raboter ! Avis défavorable sur les amendements de suppression.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre.  - Le Gouvernement rejoint les propos de la rapporteure générale et du président de la commission des affaires sociales. Nous ne parlons pas des aides à l'embauche, qui relèvent du PLF ; elles sont uniformes, et pourraient être modulées selon la taille de l'entreprise et le diplôme visé.

L'exonération des apprentis pose une question d'équité par rapport aux salariés ayant un même niveau de rémunération. En effet, 60 % des apprentis suivent une formation de niveau Bac+2 ou plus ; leur rémunération est comparable avec celle des salariés. Parfois, leurs tuteurs ou des compagnons gagnent moins qu'eux ! (MM. Pierre Jean Rochette et Jean-Luc Brault le contestent.)

Nous ne prévoyons pas de les assujettir dès le premier euro, mais à partir de 900 euros. Vu la typologie des apprentis, cela aura un faible impact. Si vous êtes réticents, choisissez plutôt un amendement qui n'applique les nouvelles règles qu'aux nouveaux entrants.

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - La vraie vie, ce sont des jeunes en déshérence sauvés par l'apprentissage, des CFA, des chambres de métiers qui pratiquent d'excellence, des Capeb, que vous avez reçus ! (Mme Marie-Claude Lermytte applaudit.)

M. Pierre Jean Rochette.  - Très bien !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Allons !

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - Vous n'envoyez pas le bon message. Je voterai l'amendement.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - On comprend pourquoi 10 % des apprentis s'inscrivent au chômage : ils ont du mal à revenir au régime général, sans exonération.

Cet article maintient la spécificité des apprentis. (Mme Astrid Panosyan-Bouvet le confirme.) Le nombre d'apprentis a explosé, mais le nombre de ruptures aussi. En considérant que le régime général n'est pas tenable, vous alimentez le mythe du « coût du travail », selon lequel le jeune ne serait pas employable au salaire normal. Je m'y refuse et vous invite à étudier les causes du chômage des apprentis.

M. Olivier Henno.  - Lionel Stoléru - je vous parle d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître- vantait déjà les bienfaits de l'apprentissage. Son succès est indéniable. Mais je suis sensible aux arguments de la commission : à chaque baisse de recettes, on endette un peu plus la sécurité sociale. Cette année n'est pas une année comme les autres : notre responsabilité est accrue. Ce n'est pas facile. (M. Bernard Jomier apprécie.) Je ne voterai pas ces amendements. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC)

Mme Céline Brulin.  - Nous non plus. Je suis favorable à l'apprentissage, mais lorsqu'il est financé à hauteur de 14 milliards d'euros par de l'argent public, contre seulement 11 milliards par les entreprises, cela pose un petit problème.

Hier, nous proposions de conditionner les exonérations. Distinguons le cas d'un artisan qui recrute un apprenti susceptible de lui succéder, de celui d'une grande entreprise qui emploie un futur ingénieur en alternance ; ils ne doivent pas être soutenus de la même manière.

Nous proposerons également de supprimer l'assujettissement des stagiaires et apprentis à la CSG-CRDS. Les étudiants qui travaillent y sont assujettis, eux - c'est pourquoi nous avions voté la proposition de loi écologiste créant une allocation d'autonomie.

Mais ce n'est pas en rémunérant moins les apprentis que nous augmenterons les revenus des autres jeunes.

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Ne nous trompons pas de texte. Moi aussi je suis favorable à l'apprentissage, mais nous en parlerons lors de l'examen du PLF. Pensez-vous qu'il ait été boosté par cette exonération de 9 euros sur une rémunération de 1 000 euros ? J'en doute. (M. Pierre Jean Rochette le conteste.)

M. Philippe Mouiller, président de la commission.  - Les documents que nous avons tous reçus dans nos permanences indiquent des chiffres erronés. Pour 1 000 euros de revenus, la cotisation serait en réalité de 9 euros. Les auteurs de ces documents ont fait leur calcul sur la totalité de la rémunération alors qu'il faut calculer à partir de 900 euros.

L'article que suppriment ces amendements concerne aussi d'autres sujets : vous ne creuseriez pas le budget de 360 millions d'euros, mais de 700 millions ! D'autres amendements ultérieurs sont plus ciblés.

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos108 rectifié, 112 rectifié, 247 rectifié sexies, 283, 855 rectifié bis et 1158 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°54 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 331
Pour l'adoption  60
Contre 271

Les amendements identiques nos108 rectifié, 112 rectifié, 247 rectifié sexies, 283, 855 rectifié bis et 1158 rectifié ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°198 de M. Hochart et alii.

M. Joshua Hochart.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°215 rectifié bis de M. Pellevat et alii.

M. Jean-Jacques Panunzi.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°248 rectifié sexies de M. Louault et alii.

M. Daniel Chasseing.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°278 rectifié bis de Mme Billon et alii.

Mme Annick Billon.  - Le nombre d'apprentis a dépassé le seuil du million en 2023, ce dont nous pouvons nous féliciter. Mais leur assujettissement à la CSG et à la CRDS affecterait leur pouvoir d'achat. Les apprentis ne sont pas des stagiaires comme les autres. Ils s'engagent dans cette voie pour financer leurs études. J'ai reçu la Capeb de Vendée à la Roche-sur-Yon, je ne le cache pas. Il faut soutenir les filières d'apprentissage dans nos territoires. Les mesures en faveur de l'apprentissage ont été bien accueillies par les TPE-PME. Soutenons-les.

M. le président.  - Amendement identique n°415 rectifié bis de M. Menonville et alii.

M. Olivier Henno.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°664 de Mme Lubin et du groupe SER.

Mme Monique Lubin.  - Supprimer l'assujettissement à la CSG et à la CRDS de la rémunération des apprentis au-dessus de 0,5 Smic me semble être un bon compromis. Madame la ministre, en audition, vous n'aviez pas l'air très à l'aise avec cette disposition.

Clin d'oeil amical à la rapporteure générale qui ne supporte plus les exonérations : nous avons beaucoup de propositions pour remplir les caisses de la sécurité sociale - mais vous nous dites toujours non ! (Mme Élisabeth Doineau s'en amuse.)

M. le président.  - Amendement identique n°939 de Mme Silvani et du groupe CRCE-K.

Mme Silvana Silvani.  - C'est le même : nous parlons de rémunérations situées entre 694 et 1 389 euros ! Les apprentis sont des jeunes qui démarrent dans la vie active, avec, souvent, un statut précaire. Sans doute, par équité, il faudrait aligner les stagiaires sur un tel régime - je ne parle pas ici des professionnels en formation continue, mais des jeunes en situation d'insertion.

Oui, tout le monde doit contribuer, mais, dans le cas présent, le message serait plutôt négatif.

M. le président.  - Amendement identique n°1159 rectifié de M. Masset et alii.

M. Michel Masset.  - Ne diminuons pas la rémunération des apprentis ; selon les organisations consultées, la perte serait de 150 à 180 euros...

Mme Frédérique Puissat.  - Non !

M. Michel Masset.  - Ne frappons pas au portefeuille des jeunes en insertion.

M. le président.  - Amendement identique n°1227 rectifié de M. Théophile et du RDPI.

M. Xavier Iacovelli.  - La politique en faveur de l'apprentissage a fait ses preuves : nous sommes passés de 350 000 à 1 million de contrats. Ne pénalisons pas leur pouvoir d'achat. Pour une fois qu'une politique fonctionne bien, préférons le statu quo ! (Mme Patricia Schillinger renchérit.)

M. le président.  - Amendement n°376 de M. Szczurek et alii.

M. Christopher Szczurek.  - Nous saluons les effets de la politique gouvernementale en faveur de l'apprentissage. Toutefois, dans ce contexte de dégradation budgétaire, résultat d'une politique inefficace depuis sept ans, le Gouvernement veut le mettre à contribution. Ce n'est pas concevable : préservons au moins le dispositif pour les entreprises de moins de 50 salariés.

M. le président.  - Amendement n°440 rectifié bis de Mme Paoli-Gagin et alii.

Mme Marie-Claude Lermytte.  - Dans sa logique de rationalisation des dépenses publiques, le Gouvernement veut restreindre le soutien à l'apprentissage. Mais si la hausse du coût du travail représentée par l'assujettissement des apprentis à la CSG et à la CRDS pourrait être absorbée par les grandes entreprises, elle le serait difficilement par les TPE-PME. Exonérons-les.

M. le président.  - Amendement n°573 rectifié de Mme Le Houerou et alii.

Mme Annie Le Houerou.  - Nous limitons la mesure aux entreprises de plus de 250 salariés. L'apprentissage est important pour la transmission des savoir-faire dans les TPE-PME.

M. le président.  - Amendement n°439 rectifié bis de Mme Paoli-Gagin et alii.

M. Daniel Chasseing.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°280 rectifié bis de Mme Billon et alii.

Mme Annick Billon.  - Cet amendement exonère de CSG et de CRDS la rémunération des apprentis dans les métiers en tension : bâtiment, restauration, services à la personne... D'autres pays européens ont pris ce genre de mesures pour sauvegarder leur compétitivité industrielle. Si mon précédent amendement n'était pas adopté, cela pourrait être une voie médiane.

M. le président.  - Sous-amendement n°565 de M. Pillefer.

M. Bernard Pillefer.  - Le BTP, la restauration et les soins à la personne sont des métiers exigeants : 40 % des jeunes hésitent à s'y consacrer en raison des conditions de travail difficiles. En Allemagne, le déficit de main-d'oeuvre qualifiée dans l'industrie a été réduit de 25 % entre 2010 et 2020, grâce à la fiscalité.

Mon sous-amendement introduit les métiers du soin et de l'aide à domicile parmi les métiers en tension. Il manque 50 000 postes d'aides-soignants et d'aides à domicile en 2024, alors qu'il y aura 20 millions de personnes âgées en 2030 contre 13,5 millions aujourd'hui. Cela est particulièrement vrai en milieu rural, où il manquait 15 000 professionnels de santé en 2023.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Les amendements identiques, du n°198 au n°1227 rectifié, visent à maintenir l'exonération intégrale de CSG et CRDS dont bénéficient les apprentis ; cela serait inéquitable au regard des publics similaires ! Bien sûr, il ne faut pas comparer stagiaires et apprentis, mais ils sont dans les mêmes entreprises. Pourquoi certains cotiseraient et d'autres non ? L'article 7 ne concerne que les seuils au-delà de 883 euros par an, soit 9,20 euros pour un salaire de 1 000 euros. Avis défavorable.

Les amendements nos376, 440 rectifié bis, 573 rectifié et 439 rectifié bis excluent de l'assujettissement les apprentis des TPE-PME. Bien sûr, il faut les soutenir, car les TPE et PME sont les premiers employeurs dans nos territoires. Mais l'exonération de CSG concerne l'apprenti et non l'employeur : comment justifier qu'au sein d'une même classe d'un CFA, deux apprentis dans deux entreprises différentes ne soient pas assujettis au même taux ?

L'amendement n°280 rectifié bis et le sous-amendement n°565 excluent les apprentis qui travaillent dans un secteur en tension. Là encore, il faut soutenir ces secteurs, mais, on le sait, cela change rapidement, et il y en a beaucoup : M. Brault parlait ainsi des soudeurs, que l'on doit recruter à l'étranger. Une telle inégalité de traitement n'est pas acceptable. Avis défavorable.

Croyez-vous vraiment que pour 9 euros, un jeune ne choisira pas la voie de l'apprentissage ? Non. Nous pourrons soutenir l'apprentissage dans le cadre du PLF.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre.  - Madame Poncet-Monge, si vous affirmez que 10 % des apprentis sont inscrits à France Travail, c'est donc que 90 % sont insérés ou en poursuite de formation. (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.)

M. André Reichardt.  - Bien sûr !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre.  - Célébrons quand même le succès de la révolution culturelle de l'apprentissage, voie royale vers l'emploi, quel que soit le niveau de qualification.

Madame Billon, je ne compare pas les apprentis et les salariés, mais les niveaux de rémunération. À rémunération égale, on constate des distorsions entre ceux qui bénéficient d'exonérations et les autres, parfois entre un apprenti et son tuteur.

Monsieur Iacovelli, notre mesure ne concerne que les apprentis qui gagnent au moins 50 % du Smic. Les apprentis de moins de 21 ans, même post-bac, s'ils perçoivent des rémunérations minimales, ne seront donc pas assujettis.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Exactement !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre.  - Madame Lubin, vous avez eu raison de rappeler que j'étais mal à l'aise avec la proposition initiale, mais mes réserves ont été largement levées par les amendements qui réservent la mesure aux seuls futurs apprentis.

Sur les métiers en tension, je suis d'accord avec la rapporteure générale : on ne peut pas assujettir différemment deux apprentis qui perçoivent le même salaire. L'enjeu est de mieux flécher les financements publics de la formation professionnelle vers les besoins des entreprises et de travailler avec les branches sur la différenciation autour des coûts contrats. Nous devons aussi mieux informer en amont les jeunes et les familles sur le taux d'insertion professionnelle et les rémunérations attendues.

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - Michel Masset parle de 150 euros, quand la rapporteure générale et le président évoquent 9 euros... Difficile de prendre parti. Je voterai les amendements.

M. Philippe Mouiller, président de la commission.  - Je confirme les 9 euros !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - J'aurais aimé avoir plus de deux minutes pour évoquer tous ces amendements aux objets différents : pourquoi une discussion commune ? (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

J'ai dit que 8 % des inscrits à France Travail étaient d'anciens apprentis. Ce n'est pas 8 % des apprentis ! Erreur courante... J'espère que vous comprenez la nuance, madame la ministre.

J'admire l'intérêt du Sénat pour le pouvoir d'achat. J'espère que vous vous en souviendrez en temps utile.

La sécurité sociale n'est pas là pour améliorer le pouvoir d'achat des salariés, mais pour soigner et garantir une retraite et des conditions de travail dignes.

Il serait bon de revenir au consentement à la cotisation, qui, je le rappelle, est un droit socialisé.

Mme Silvana Silvani.  - On ne sait plus où donner de la tête !

Je ne voudrais pas que cette mesure soit noyée dans un débat sur l'apprentissage.

Ces 9 euros peuvent paraître dérisoires vus d'ici, mais pour certains, c'est important.

Même s'ils apprennent en faisant, les apprentis ne sont pas encore des salariés. (Mme Christine Bonfanti-Dossat renchérit.)

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Les stagiaires non plus !

Mme Silvana Silvani.  - C'est comme si on voulait assujettir les bourses étudiantes !

Mme Nathalie Goulet.  - Tout cela montre que l'on a besoin d'un grand débat sur l'apprentissage, hors PLF et PLFSS. La dernière loi sur l'apprentissage date de 2018. Madame la ministre, inscrivez un tel débat à l'ordre du jour. (Approbations sur quelques travées du groupe UC)

M. Philippe Mouiller, président de la commission.  - Très bien !

Mme Annick Billon.  - Nous défendons tous l'apprentissage. Les différents dispositifs mériteraient d'être débattus, notamment la certification Qualiopi et l'enseignement à distance.

Ces mesures auront des répercussions. Nous avons fait beaucoup pour renforcer l'attrait de l'apprentissage, or on risque d'y mettre un coup d'arrêt. Je regrette que nous débattions autour de chiffres contestés. L'apprentissage se porte bien, préservons-le ! Et oui à un grand débat !

M. Jean-Luc Fichet.  - On parle d'équité, en assujettissant des apprentis qui gagnent 800 euros par mois...

Je rappelle que de grands groupes font des superprofits, avec une imposition cinquante fois moindre que celle des TPE PME qui embauchent des apprentis. (Murmures désapprobateurs sur les travées du groupe Les Républicains) Et l'on débat pendant plus d'une heure sur 9 ou 150 euros prélevés sur des jeunes qui commencent leur vie professionnelle ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; marques de désapprobation au banc des commissions)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Je ne peux pas vous laisser dire cela. À 800 euros par mois, l'apprenti ne sera pas assujetti, puisque le seuil est à 50 % du Smic. Et à 1 000 euros, il ne s'agira que de 9 euros. En outre, ces cotisations ouvrent des droits, notamment à la retraite. Ne mélangeons pas tous les sujets.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre.  - La mesure vise à assujettir à la CSG et à la CRDS la rémunération des apprentis au-delà de 50 % du Smic : un apprenti à 800 euros ne sera donc pas assujetti. Il s'agit de prélever 9 euros par tranche de 100 euros, au-delà de 900 euros de rémunération. Un apprenti à 1 000 euros se verra prélever 9 euros ; un apprenti à 1 100 euros se verra prélever 18 euros.

La question de l'équité se pose, non pas au regard du statut, mais du niveau de rémunération, entre un salarié et un apprenti. Je maintiens qu'un apprenti est en formation.

M. Olivier Rietmann.  - Ce débat ne porte pas sur l'apprentissage, mais sur le PLFSS : comment utiliser au mieux l'argent public ?

Je considère que l'argent public a permis d'amorcer le mouvement et de développer l'apprentissage : on a doublé le nombre d'apprentis et convaincu de son utilité.

Mais si nous avons besoin d'amorcer une nouvelle politique publique, il faut pouvoir reprendre cet argent, car la bourse de l'État n'est pas illimitée. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)

M. Simon Uzenat.  - Je souscris aux propos de mon collègue Fichet.

Hier soir, nous défendions la suppression des exonérations de cotisations sociales au-delà de 4 Smic. Mme la ministre et Mme la rapporteure générale étaient là. La nuit porte manifestement conseil, car quel incroyable renversement de raisonnement ! Mon groupe combat pour la justice, mais on n'y est vraiment pas ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER)

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos198, 215 rectifié bis, 248 rectifié sexies, 278 rectifié bis, 415 rectifié bis, 664, 939, 1159 rectifié, 1227 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°55 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 335
Pour l'adoption 133
Contre 202

Les amendements identiques nos198, 215 rectifié bis, 248 rectifié sexies, 278 rectifié bis, 415 rectifié bis, 664, 939, 1159 rectifié et 1227 rectifié ne sont pas adoptés.

L'amendement n°376 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos440 rectifié bis, 573 rectifié, 439 rectifié bis, le sous-amendement n°565 et l'amendement n°280 rectifié bis.

M. le président.  - Amendement n°357 rectifié ter de Mme Devésa et alii.

Mme Jocelyne Guidez.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°383 rectifié bis de M. Dhersin et alii.

M. Franck Dhersin.  - La loi pour l'économie bleue de 2016 a étendu les exonérations dont bénéficiaient les entreprises d'armement maritime de transport de passagers à toutes les entreprises d'armement maritime, dans un souci d'attractivité du pavillon français face à la concurrence européenne - notamment italienne et danoise.

Maintenons cette exonération de charges afin de ne pas désavantager nos entreprises françaises.

M. le président.  - Amendement n°281 rectifié bis de Mme Lavarde et alii.

Mme Frédérique Puissat.  - Cet amendement de Christine Lavarde vise à rétablir l'équité fiscale entre les résidents fiscaux français selon qu'ils travaillent en Europe ou sur le territoire français.

Quand on est Français et que l'on travaille en France, on cotise à 17,2 % sur ses revenus de placement. Si on est Français et que l'on travaille dans l'Union européenne, on cotise à 7,5 % seulement, en raison d'une jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Cet amendement et son miroir dans le PLF visent à rapprocher ces deux taux, pour un rendement de 2 milliards d'euros.

M. le président.  - Amendement n°783 rectifié ter de Mme Havet et alii.

Mme Nadège Havet.  - Maintenons les exonérations pour les navires qui exercent dans le secteur des énergies marines renouvelables et dans celui des câbles sous-marins. Le coût brut est estimé à 4 millions d'euros, mais le coût net est bien moindre.

M. le président.  - Amendement n°360 rectifié de M. Dhersin et alii.

M. Franck Dhersin.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°1228 rectifié de M. Iacovelli et du RDPI.

M. Xavier Iacovelli.  - La suppression de la partie sociale du dispositif JEI serait néfaste pour l'emploi et l'innovation. Ce dispositif a pourtant fait l'objet de nombreuses évaluations positives depuis sa création en 2004 et la Commission européenne l'a même classé en tête des dispositifs européens de soutien à l'innovation.

Alors que l'écosystème subit une vraie crise de financement, ne créons pas de la confusion et n'envoyons pas un mauvais signal.

M. le président.  - Amendement n°1345 de Mme Doineau au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Il s'agit d'un amendement de coordination pour l'outre-mer.

L'avis de la commission est défavorable sur l'ensemble des amendements qui viennent d'être présentés.

Concernant les amendements nos357 rectifié ter et 383 rectifié bis, les exonérations de cotisations ciblent les entreprises soumises à la concurrence internationale, c'est-à-dire celles dont les salariés sont les moins qualifiés. Or dans les navires de fret hors passagers et dans les navires de service, les salaires sont compris entre 2,5 et 4 Smic. Quant aux entreprises de transport fluvial, leur exposition à la concurrence internationale est plus que limitée. Avis défavorable.

Les amendements nos281 rectifié bis, 783 rectifié ter et 360 rectifié ciblent les navires câbliers et ceux du secteur des énergies renouvelables, peu concernés par la concurrence internationale. Leur importance est stratégique, mais un soutien à l'investissement ou à la R&D semblerait plus approprié. Avis défavorable.

L'amendement n°1228 rectifié ne vise pas le bon alinéa. Retrait ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre.  - La mesure que nous portons vise à restreindre l'exonération de cotisations famille et chômage aux seuls marins opérant sur des navires de transport de plus de douze passagers. La Cour des comptes a en effet souligné des effets d'aubaine, pour les marins les mieux rémunérés. Avis défavorable, donc, aux amendements identiques nos357 rectifié ter et 383 rectifié bis.

Le Gouvernement est en revanche favorable aux amendements nos281 rectifié bis, 783 rectifié ter et 360 rectifié.

Avis défavorable sur l'amendement n°1345, qui concerne Wallis-et-Futuna, mais qui risque de créer une ambiguïté juridique au profit des croisiéristes.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Demande de retrait de l'ensemble des amendements relatifs aux JEI au profit de l'amendement n°1237 du Gouvernement, qui modifie le critère d'intensité de la R&D.

La volonté du Gouvernement est bien de protéger ce secteur. Nous avons eu un débat à l'Assemblée nationale et je salue les travaux de Paul Midy.

Les amendements identiques nos357 rectifié ter et 383 rectifié bis ne sont pas adoptés, non plus que les amendements nos281 rectifié bis, 783 rectifié ter, 360 rectifié et 1228 rectifié.

L'amendement n°1345 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°218 rectifié octies de M. Louault et alii.

M. Daniel Chasseing.  - Cet amendement de Vincent Louault vise à revenir sur la réforme du dispositif JEI souhaitée par le Gouvernement. L'exonération de cotisations sociales était le seul avantage restant, après la suppression de l'exonération d'impôt sur les sociétés décidée par la loi de finances pour 2024 pour les nouvelles entreprises.

M. le président.  - Amendement identique n°254 rectifié ter de M. Pillefer et alii.

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°441 rectifié ter de Mme Paoli-Gagin et alii.

M. Daniel Chasseing.  - La suppression de la partie sociale du dispositif JEI serait délétère pour l'emploi et freinerait l'innovation française. Ce dispositif a pourtant fait l'objet de nombreuses évaluations positives.

Ne pénalisons pas les start-up, qui connaissent déjà des difficultés de financement, et rétablissons le volet social du régime JEI, sans oublier les crédits de compensation dans le PLF.

M. le président.  - Amendement identique n°529 rectifié sexies de M. Ros et alii.

Mme Audrey Linkenheld.  - Nous voulons aussi rétablir le volet social du dispositif JEI -  avec une compensation en PLF pour un impact nul sur le budget de la sécurité sociale  - , pour accompagner la création et la croissance de milliers de PME innovantes, essentielles à notre souveraineté et à notre réindustrialisation. Ce sont souvent les premières à souffrir des difficultés économiques. Ne leur envoyons pas de mauvais signal.

Le Gouvernement semble de nouveau favorable au dispositif JEI. Puisse-t-il revenir sur l'augmentation de la contribution demandée en matière de R&D -  c'est toujours plus difficile pour une petite entreprise.

M. le président.  - Amendement identique n°849 rectifié bis de M. Daubet et alii.

Mme Véronique Guillotin.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°1081 rectifié de M. Haye.

M. Ludovic Haye.  - Nous parlons d'entreprises créées ex nihilo depuis moins de huit ans et qui respectent un taux minimum d'investissement en R&D. Dans plus de 80 % des cas, elles emploient moins de 20 salariés. Pourquoi décourager ceux qui ont de grandes idées et de petits moyens ?

Le dispositif JEI est le seul outil horizontal de soutien à la R&D des jeunes entreprises. En région Grand Est, on compte plus de 800 JEI. La nécessaire réduction des dépenses ne doit pas se faire au détriment de la R&D, qui est toujours du côté des solutions, jamais des problèmes !

M. le président.  - Amendement n°1234 de M. Iacovelli et du groupe RPDI.

M. Xavier Iacovelli.  - C'est un amendement de repli par rapport au n°1228 rectifié. Il s'agit de relever le seuil d'intensité en R&D, dans la lignée du rapport Midy, pour une économie budgétaire de 50 millions d'euros.

M. le président.  - Amendement identique n°1237 du Gouvernement.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Nous souhaitons maintenir le régime d'exonération des JEI, tout en augmentant le taux d'intensité de R&D de 15 % à 20 %.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis favorable aux amendements identiques nos1237 et 1234 ; avis défavorable à tous les autres.

Mme Audrey Linkenheld.  - Dommage.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Avis favorable à l'amendement n°1234 ; avis défavorable aux autres amendements.

Les amendements identiques nos218 rectifié octies, 254 rectifié ter, 441 rectifié ter, 529 rectifié sexies, 849 rectifié bis et 1081 rectifié ne sont pas adoptés.

(On le déplore à gauche.)

Les amendements identiques nos1234 et 1237 sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°279 rectifié bis de Mme Billon et alii.

Mme Annick Billon.  - Cet amendement vise à restreindre l'assujettissement des rémunérations des apprentis à la CSG et à la CRDS aux seuls contrats d'apprentissage conclus à partir du 1er janvier 2025, afin de ne pas modifier les conditions de rémunération en cours de contrat. Ménageons une période de transition.

M. le président.  - Amendement identique n°1238 rectifié bis de M. Capus et alii.

Mme Laure Darcos.  - C'est le même. Je rappelle que le Gouvernement a fixé le seuil d'assujettissement à 50 % du Smic pour préserver les apprentis les plus jeunes et en début de formation.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - La commission a émis un avis défavorable. Il nous a semblé plutôt équitable que tous les apprentis soient assujettis aux cotisations sociales, quelle que soit leur date de début de contrat.

Nous avions pensé à la solution que vous proposez. Mais selon leur date d'entrée dans une même entreprise, deux apprentis se trouveraient logés à deux enseignes différentes.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Avis favorable aux amendements nos279 rectifié bis et 1238 rectifié bis. Il s'agit d'une question de stock et de flux et la rétroactivité serait effectivement assez injuste.

M. Claude Kern.  - Très bien !

M. Philippe Mouiller, président de la commission.  - Lors de l'examen en commission, nous n'avions pas encore eu les éclairages de la commission des finances sur l'attractivité des métiers. Disons, pour ne pas nous déjuger, que notre avis est bienveillant.

M. Michel Savin.  - Très bien !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Je note votre adhésion à la clause du grand-père !

Nous verrons bien si le nombre d'apprentis s'effondre parce qu'une partie d'entre eux sera assujettie à la CSG et à la CRDS. Je ne le crois pas.

Les amendements identiques nos279 rectifié bis et 1238 rectifié bis sont adoptés.

L'article 7, modifié, est adopté.

Après l'article 7

M. le président.  - Amendement n°1213 de Mme Puissat.

Mme Frédérique Puissat.  - Cet amendement vise à restreindre l'exonération de cotisations sociales salariales dont les apprentis bénéficient, en la limitant à 50 % du Smic. Le Gouvernement avait annoncé que cette mesure serait prise par voie réglementaire. Je préfère la voie législative.

M. Michel Savin.  - Très bien !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis favorable.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Retrait, sinon avis défavorable, car ce plafond doit bien être fixé par décret.

L'amendement n°1213 est adoptéet devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°942 rectifié de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Le président du Medef a annoncé qu'il préférait une augmentation de TVA à une diminution des exonérations de cotisations. Le groupe centriste du Sénat a immédiatement cédé aux sirènes du grand capital et proposé une augmentation de deux points du taux normal de la TVA, pour un gain de 13 milliards d'euros. Faire ce choix, c'est s'attaquer aux travailleurs et aux familles, pour défendre les intérêts des grandes entreprises !

Mettons plutôt le capital à contribution, en augmentant la CSG de 9,2 % à 19,2 % sur les produits de patrimoine et de placement, pour un gain de 15 milliards d'euros.

M. le président.  - Amendement n°1107 de Mme Souyris et alii.

Mme Anne Souyris.  - De l'argent, il y en a, il suffit d'aller le chercher. Ce ne sont pas les moyens qui manquent pour financer notre modèle social, mais la volonté de mieux répartir l'effort !

Les revenus du capital progressent plus vite que ceux du travail, mais ce sont toujours les travailleurs les premiers mis à contribution. Nous proposons d'inverser cette logique, pour un gain de 3 milliards d'euros supplémentaires.

Cet argent viendra de là où les marges sont les plus confortables, plutôt que d'imposer sans cesse de nouveaux sacrifices aux actifs, comme cette nouvelle corvée d'Ancien régime.

Cet amendement est une réponse pragmatique et réaliste, ainsi qu'un acte de justice. Refuser cette mesure, c'est refuser d'admettre que l'effort est trop souvent porté par les mêmes.

M. le président.  - Amendement n°368 rectifié bis de M. Michau et alii.

Mme Monique Lubin.  - Augmentons de deux points la CSG assise sur le capital afin de financer la branche autonomie de la sécurité sociale. L'abandon d'un projet de loi Grand Âge et le renoncement à trouver des financements supplémentaires sont incompréhensibles. Le rapport Libault évalue à 9 milliards d'euros les besoins d'ici à 2030 pour prendre en charge le vieillissement de la population.

M. le président.  - Amendement n°1221 rectifié ter de M. Mérillou et alii.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Renforçons le financement des organismes de sécurité sociale par une hausse exceptionnelle de la taxation des revenus du capital pour le seul exercice 2024. Nous proposons une augmentation d'1,4 point de la CSG, ce qui équivaut à 1,5 milliard d'euros de recettes.

M. le président.  - Amendement n°1068 rectifié bis de Mme Lavarde et alii.

Mme Frédérique Puissat.  - Cet amendement, couplé à un autre présenté dans le cadre du PLF, rapporterait à terme 2 milliards d'euros. C'est une mesure d'équité fiscale.

Un Français qui travaille à l'étranger, notamment dans un pays européen, devrait cotiser quasiment au même niveau que les résidents français.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis défavorable à tous les amendements, sauf à l'amendement n°1068 rectifié bis sur lequel nous demandons l'avis du Gouvernement. Il rapporterait jusqu'à 1 milliard d'euros à la sécurité sociale, selon nos calculs. C'est tentant ! Le Gouvernement pense-t-il pouvoir mettre en place un tel mécanisme ? Les enjeux sont énormes. Quoi qu'il en soit, nous devons nous assurer de ce qui sera voté dans le PLF.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Avis défavorable à l'amendement n°1068 rectifié bis, qui souffre de fragilités juridiques au regard du droit européen. Toutefois votre proposition est intéressante. Il ne rapporterait que 250 millions d'euros, selon les estimations de mes services.

M. Michel Savin.  - Ce n'est pas pareil !

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Je demanderai donc son retrait.

Les autres amendements augmentant la CSG sur les revenus du capital annulent la réforme de la flat tax. Or le succès de l'attractivité des investissements en France en dépend, puisque nous sommes en économie ouverte. Ne cassons pas cette dynamique.

Augmenter à ce point-là la fiscalité des revenus du capital, ce serait un repoussoir, mais l'on peut débattre du bon niveau.

M. Olivier Henno.  - Mme Apourceau-Poly a interpellé le groupe UC sur l'augmentation de la TVA. Faut-il continuer éternellement à faire reposer la protection sociale sur le travail ? Ne serait-il pas pertinent de la faire reposer sur la consommation, par une hausse de la TVA ? Les idées n'ont pas de couleur, mais une valeur. Cette proposition d'Hervé Marseille est essentielle.

J'y vois un autre intérêt : la TVA est supportée par tous les produits vendus, y compris chinois. C'est une question de dynamisme économique. À l'heure où les États-Unis vont augmenter leurs droits de douane, il faut voir le monde avec les lunettes d'aujourd'hui et de demain : financer notre protection sociale par la TVA est une bonne solution.

Mme Olivia Richard.  - En 2012, François Hollande a soumis les revenus du patrimoine immobilier des Français établis à l'étranger à la CSG-CRDS, en contradiction avec la liberté de circulation des travailleurs. La France a dû leur rembourser des sommes astronomiques.

Je ne suis pas d'accord avec l'idée de faire porter sur les ressortissants français résidant en Europe l'effort de protection sociale, alors qu'ils le paient déjà dans leur pays de résidence.

Mme Frédérique Puissat.  - Conformément à la jurisprudence Mouiller, tout ce qui est dans le texte sera discuté en CMP. Si ce n'est pas dans le texte, cela ne sera pas discuté : je maintiens l'amendement. Mme Lavarde estime qu'il en ressortira 2 milliards d'euros - et je crois qu'elle sait compter...

Mme Évelyne Renaud-Garabedian.  - Il y a effectivement une situation inéquitable entre les Français qui habitent dans l'Union européenne et ceux qui vivent en dehors. Mais on ne peut pas régler cette question en augmentant la fiscalité uniquement d'une de ces catégories. Ce serait contraire au droit européen. La France risquerait d'être condamnée.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - La TVA est un impôt dégressif, alors que nous sommes pour les impôts progressifs. Les premiers déciles seront les plus touchés ; ils ont pour mauvaise habitude de consommer plutôt que d'épargner, n'est-ce pas...

Monsieur le ministre, comment pouvez-vous être fier de votre politique ? Une politique de cadeaux fiscaux, concomitante à la survenue des déficits de la sécurité sociale ? Une politique qui a conduit à ces 90 milliards d'euros qui pèsent sur l'État et qui sont financés par la dette ?

Certes il nous faut une politique économique, mais aussi de la justice sociale !

M. Bernard Jomier.  - L'objet principal du débat est la fiscalité du capital, qui est insuffisante par rapport à la contribution du travail, ce qui est injuste. Or l'injustice perdure, car ceux qui ont le plus de capitaux et de moyens sont aussi ceux qui savent le mieux se défendre !

Tout aussi injuste, la concentration du patrimoine vers les plus âgés, même si certains retraités sont pauvres, bien sûr. Mais cela n'ouvre aucune piste de recettes, car cela nécessiterait de réformer la fiscalité des successions.

Faire financer la protection sociale par la TVA est particulièrement injuste, car elle représente 10 % des revenus des déciles les plus bas et 3 ou 4 % de ceux des déciles les plus élevés. C'est contraire au principe même de la sécurité sociale, qui veut que l'on contribue selon ses moyens.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - La TVA est l'impôt le plus injuste, car il s'applique à chacun, peu importent ses revenus. Être assujetti à une TVA de 5,5 % sur les produits alimentaires n'a pas le même poids si l'on gagne 1 500 ou 4 000 euros ! Cette taxe pèse lourdement sur le pouvoir d'achat des familles les plus modestes.

Votons notre amendement.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Ce n'est pas une question de fierté, madame Poncet Monge. Force est de constater qu'avec la flat tax, l'assiette d'imposition a augmenté. Dès 2018, le produit fiscal a été supérieur. C'est gagnant-gagnant : plus d'investissements et plus de recettes. Il ne s'agit pas de fierté idéologique, mais d'efficacité.

Il existe une différence objective entre la fiscalité du capital et celle du travail, mais l'un est plus mobile que l'autre et se retrouvera rapidement hors de nos frontières si l'on augmente les taux. Il faut davantage favoriser les investissements dans notre pays et non les faire fuir. La politique économique menée depuis 2017 a donné raison à l'abaissement des taux.

M. Daniel Chasseing.  - Grâce au CICE, voté par les communistes et les socialistes, nos entreprises sont devenues compétitives. Avant, le coût du travail était plus élevé en France qu'en Allemagne. En baissant ce coût, nous mettons aussi en avant la valeur travail, qui est une source de fierté, de développement personnel et familial.

Entre 2018 et 2023, il y a eu 600 créations nettes d'entreprises ; entre 2012 et 2018, 600 entreprises en moins. C'est autant de cotisations en plus d'un côté, en moins de l'autre ! Nous devons continuer la politique de l'offre : il nous faut plus de cotisants et plus d'entreprises.

En revanche, pourquoi avoir dépensé 22 milliards d'euros en supprimant la taxe d'habitation ? Nous n'avions pas les moyens de cette politique, pas plus que pour la suppression de la redevance audiovisuelle, qui nous a coûté 3 milliards d'euros.

L'amendement n°942 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos1107, 368 rectifié bis et 1221 rectifié ter.

Mme Frédérique Puissat.  - Je retire l'amendement n°1068 rectifié bis, mais, en échange, je demande un engagement du ministre à demander un rapport Igas-IGF sur ce sujet. (On ironise à gauche.)

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Sans m'engager sur un rapport, je m'engage à travailler le sujet avec mes services.

L'amendement n°1068 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°945 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.

Mme Céline Brulin.  - Cet amendement fait contribuer les plateformes au financement des caisses de retraite. Depuis dix ans, elles ont vendu aux travailleurs l'illusion de la liberté et de l'autonomie. Or Uber et autres ont imposé un mode d'entrepreneuriat précaire qui permet de s'affranchir des cotisations sociales : selon l'Urssaf, près de 2 milliards d'euros de recettes sont passés à la trappe en trois ans. Si les 300 000 travailleurs des plateformes étaient requalifiés en salariés et rémunérés au niveau du Smic, ils contribueraient à hauteur de 1,5 milliard d'euros à notre système de solidarité.

Les travailleurs ne sont pas indépendants. Ils subissent une subordination algorithmique, prouvée par de nombreuses décisions de justice. Il est urgent d'instaurer une présomption légale de salariat. À défaut d'une telle requalification, nous souhaitons que les plateformes contribuent.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Sous couvert de créer une nouvelle contribution sur les plateformes, vous revenez sur la réforme des retraites.

Cela reviendrait à fiscaliser davantage le mode de financement de la protection sociale, en renforçant le rôle de l'État au détriment de celui des partenaires sociaux. Est-ce bien ce que vous souhaitez ?

Avis défavorable.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Même avis.

Mme Monique Lubin.  - Quand prendrez-vous à bras-le-corps la question des plateformes ? Par ailleurs, je ne vois pas en quoi l'amendement reviendrait sur la réforme des retraites.

Malgré quelques avancées au niveau européen, les travailleurs des plateformes sont exploités. (Mmes Frédérique Puissat et Pascale Gruny le contestent.) Pardon ? C'est incontestable ! (Mme Frédérique Puissat maintient sa position.)

L'amendement n°945 n'est pas adopté.

La séance est suspendue à 20 heures.

Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président

La séance reprend à 21 h 30