Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.
Avenir du modèle départemental
Mme Maryse Carrère . - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe SER) Fidèle à la Constitution, le Sénat est la maison des collectivités locales, ouverte toute l'année à tous les élus qui maillent le territoire, en métropole, en outre-mer, ou à l'étranger. En cette semaine du Congrès des maires, ils garnissent nos tribunes, et c'est un honneur de les recevoir. Je vous salue tous autant que vous êtes.
Sur les bancs du Sénat, nous défendons les communes, les intercommunalités, les départements, les régions. Nous travaillons pour répondre à leurs besoins : un statut, un cadre simplifié pour l'exercice de leurs compétences, une clarification des règles d'autonomie financière.
Monsieur le Premier ministre, vous avez déclaré à Angers que « le modèle départemental est arrivé jusqu'à ses limites ». Pouvez-vous en dire plus sur votre « projet d'instance de pilotage partagée » ?
Les départements jouent un rôle de bouclier social. Ils investissent de plus en plus pour aider nos concitoyens - y compris les agriculteurs qui lancent en ce moment un appel de détresse.
Pour le RDSE, le département ne doit pas être la variable d'ajustement des défaillances de l'État. Si partenariat il y a, il devra s'inscrire dans un contrat de confiance. Idem pour les relations entre l'État déconcentré et les communes, garantes de la cohésion des territoires. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)
M. Michel Barnier, Premier ministre . - Je m'associe à l'hommage rendu aux élus locaux, acteurs et sentinelles de la République. Je me réjouis que le Président Larcher porte ce même message de soutien au Congrès des maires.
Je n'ai rien oublié de ce que j'ai appris pendant les dix-sept années où j'ai présidé le conseil général de la Savoie, à travailler au quotidien avec les maires. Je l'ai dit à Angers, je pense que le modèle départemental est à bout : les conseils départementaux se sont transformés en distributeur de subventions obligatoires - collèges, action sociale - et sont devenus malgré eux des opérateurs de l'État. Or le destin des départements n'est pas d'être sous-traitant de l'État. Ils assurent la cohésion sociale et territoriale.
C'est pourquoi nous bâtirons, avec Catherine Vautrin, un contrat de confiance partagé, coconstruit, et non imposé d'en haut - qui offre de la visibilité sur plusieurs années aux départements et aux communes.
Nous améliorerons la copie, avec les maires et avec le Sénat.
Vous avez évoqué d'un mot le monde agricole, qui souffre. Annie Genevard s'attache à répondre à la colère et aux inquiétudes des agriculteurs. Nous tenons tous les engagements pris par Marc Fesneau. Au-delà, nous complétons les fonds pour faire face à la fièvre catarrhale ovine (FCO) ainsi que les dispositifs de prêts bonifiés, car les agriculteurs ont besoin de trésorerie.
Nous irons très loin en matière de simplification et de déconcentration. À raison, les agriculteurs nous demandent de regarder une par une l'application des normes européennes en France. Preuve est faite que, depuis vingt ans, nous avons surtransposé. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDSE ; M. Yannick Jadot lève les bras au ciel.) Cela crée une concurrence déloyale pour nos propres entreprises. Le Parlement devra se saisir de cette question, de manière « bicamérale » ; il faudra tout expertiser et mettre fin aux surtranspositions injustifiées. Nous nous y engageons. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDSE)
Effort budgétaire demandé aux collectivités territoriales (I)
M. Patrick Kanner . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les maires de France devront-ils demain augmenter le prix de la cantine, ou réduire le grammage des repas distribués aux enfants ? (Soupirs exaspérés sur les travées du groupe Les Républicains)
En les privant des moyens nécessaires à l'exercice de leurs missions, les gouvernements successifs d'Emmanuel Macron ont détricoté, maille par maille, le contrat constitutionnel entre l'État et les collectivités. Votre Gouvernement s'inscrit dans cet engrenage, et l'aggrave avec une austérité budgétaire sans précédent qui ferait presque passer les contrats de Cahors pour acceptables ! On passe de l'illusion du ruissellement à l'assèchement total.
Les élus locaux ne sont pas dupes de vos astuces politiciennes. Ce n'est pas parce que les coupes budgétaires seront moins élevées qu'annoncées que nous les accepterons. Non à la baisse des moyens des collectivités, non à la fin de leur autonomie financière.
Affaiblir les communes est une faute politique. Ce sont des amortisseurs de crise, des investisseurs essentiels. Nous ne vous laisserons pas fracasser l'avenir de nos communes sur le mur de votre incurie budgétaire. (Exclamations indignées à droite)
Votre casse de la décentralisation risque de conduire à une crise non des gilets jaunes mais des écharpes tricolores ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du GEST ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. Michel Barnier, Premier ministre . - Monsieur le président Kanner, je vous ai connu plus mesuré. (Rires et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI) Lors du 80e anniversaire de l'Assemblée consultative provisoire, ici même, j'ai émis l'espoir - utopique ? - que nous puissions, à son image, renouer avec le sens du respect (protestations à gauche), de la justesse, de la nuance - nuance hélas absente de votre question. (Exclamations indignées à gauche)
Je ne vous renverrai pas aux baisses de crédits pour les collectivités territoriales durant le quinquennat de François Hollande. (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI) Ni au devoir d'humilité que doit nous inspirer cette dette que j'ai trouvée, et que j'essaye de gérer.
M. Hussein Bourgi. - La faute à qui ?
M. Michel Barnier, Premier ministre. - La faute à qui, précisément ? Une partie peut s'expliquer par la crise covid, mais, on le sait, cette dette s'accumule depuis au moins vingt ans. (On le conteste vivement à gauche) Elle coûte aujourd'hui près de 870 euros d'intérêts à chaque Français. Cela ne peut pas durer !
C'est un devoir de responsabilité que de l'assumer ensemble, un sujet d'intelligence nationale que de réduire la dette. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI)
Vous croyez que cela me fait plaisir de proposer ce budget de freinage et de réductions ? Mais nous y sommes obligés, dans l'intérêt national ! (Clameurs à gauche)
M. Hussein Bourgi. - Cherchez les recettes là où elles sont !
M. Pascal Savoldelli. - Ce n'est pas un Premier ministre mais un président de groupe !
M. Michel Barnier, Premier ministre. - Nous devrions tous être un peu plus solidaires. (Murmures appuyés à gauche)
Ce budget n'est pas parfait - j'ai eu quinze jours pour le fabriquer ! J'ai dit dès le premier jour qu'il était améliorable. C'est ce que nous faisons. Avec le Sénat, nous allons réduire l'effort demandé aux communes et départements, car il n'était pas toujours juste.
M. Akli Mellouli. - Quelles recettes ?
M. Michel Barnier, Premier ministre. - Nous gérons ce budget dans l'urgence, dos au mur. Puis nous repartirons d'un nouveau pied, nous relèverons la ligne d'horizon, ensemble, pour les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI ainsi que sur quelques travées du RDSE)
M. Patrick Kanner. - Sous François Hollande, inflation zéro, équilibre des comptes, aucune atteinte à l'autonomie financière des collectivités. (Huées à droite, applaudissements sur les travées du groupe SER) Vous mettez à genoux les élus locaux... (Le brouhaha à droite couvre la voix de l'orateur, qui a épuisé son temps de parole ; applaudissements sur les travées du groupe SER)
Effort budgétaire demandé aux collectivités territoriales (II)
Mme Cécile Cukierman . - La baisse des dotations aux collectivités a toujours eu des conséquences sur l'investissement local. Au-delà des chiffres - l'effort de 5 milliards d'euros serait plutôt, selon certaines estimations, de 8,5 ou 9 milliards - que d'inquiétudes et d'incertitudes ! Les élus locaux qui, dans leur diversité, arpentent les allées du Congrès des maires, sont profondément inquiets : réduction du fonds vert, fragilité du financement des différentes strates de collectivités, équilibre des budgets communaux. Les entreprises, présentes au Congrès, s'inquiètent, elles aussi, des conséquences sur l'investissement local.
L'annonce de la réduction du taux et de l'assiette du FCTVA pénalisera toutes les collectivités qui investissent, des plus fragiles aux plus riches, à rebours de votre philosophie du partage de l'effort par tous. Cette mesure drastique est d'autant plus injuste qu'elle serait rétroactive. Quid des communes qui ont décidé un plan d'investissement il y a trois ou cinq ans ? Monsieur le Premier ministre, y renoncerez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)
M. Michel Barnier, Premier ministre . - Je vous remercie du fond, et du ton, de votre question. (On ironise sur les travées du groupe SER.) Je dis ce que je pense !
Je ne reviens pas sur les conditions dans lesquelles nous avons appelé tous les partenaires, en essayant d'être juste. Nous tenterons ici d'atteindre l'objectif, en intégrant les bonnes idées de l'Assemblée nationale, et d'améliorer l'équilibre final de ce budget. Mais nous devons réduire le déficit à 5 % du PIB l'année prochaine, c'est l'intérêt national.
Jamais je ne montrerai du doigt les collectivités territoriales, car elles sont nos partenaires. Je sais leurs efforts d'investissement, leur rôle vital pour la cohésion sociale et territoriale, en ce moment où la République est fragile. Voilà qui justifie l'effort sur le fonds de réserve.
Comme le demande également la majorité sénatoriale, nous reviendrons sur la rétroactivité de la mesure concernant le FCTVA, tout comme nous étalerons sur quatre ans au lieu de trois la hausse des cotisations employeurs à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.
Puis viendra le moment où il faudra relever la ligne d'horizon, dans un contrat de confiance avec les collectivités territoriales : le contrat, plutôt que la contrainte. Eau et assainissement, ZAN, statut de l'élu, prévention des risques ou sécurité au quotidien - sujet qui a fait l'objet d'une circulaire de MM. Retailleau et Daragon aujourd'hui même - les chantiers sont nombreux.
Nous relèverons ces défis ensemble, avec les collectivités territoriales. Il y a tant de choses à faire pour améliorer la vie au quotidien ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ainsi que sur quelques travées du groupe UC)
Insécurité dans les petites villes
M. Loïc Hervé . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Connaissez-vous Rumilly, en Haute-Savoie ? Dimanche, cette commune de 16 000 habitants a été le théâtre d'un nouveau drame. En plein après-midi, une bagarre générale entre deux bandes se solde par la mort d'un jeune de 17 ans, tué d'une balle ; un autre jeune est entre la vie et la mort. Je pense à leurs familles et au traumatisme pour les habitants et les élus de Rumilly.
L'enquête dira si l'affaire est liée aux trafics de stupéfiant. En tout état de cause, ce drame prouve que même nos petites villes n'échappent pas à l'hyperviolence. Les Français aspirent à la paix dans l'espace public.
En cette période de Congrès des maires, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour les soutenir dans leurs actions visant à préserver la sécurité et à prévenir les violences ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur . - Le constat est tragique : violence de plus en plus désinhibée, auteurs et victimes de plus en plus jeunes. Plus aucun territoire n'est épargné. Un jeune homme de 17 ans est décédé ; un autre, de 19 ans, est entre la vie et la mort. Je pense à leurs proches et à leurs familles.
Nous ne réglerons pas la question de l'hyperviolence avec des coups de menton, ou en un claquement de doigts. L'État ne pourra y répondre seul. J'ai demandé aux acteurs de la sécurité - préfets, police, gendarmerie - d'élaborer localement des plans d'action pour restaurer la sécurité publique. C'est un contrat : plus de liberté, contre des résultats. J'ai demandé qu'ils travaillent avec les élus locaux, dans un continuum de sécurité.
À Meaux ou à Metz, j'ai pu constater que, lorsque les élus se sentent concernés, qu'ils réunissent tous les acteurs dans des comités locaux de sécurité, qu'il y a de la vidéoprotection, une police municipale armée, il y a des résultats !
Paris ne sait pas tout. Il y aura autant de plans départementaux que de départements.
Mais la réponse devra être plus large : il faut restaurer l'autorité parentale et éducative, restaurer la discipline, le respect de l'autre et de la règle, le respect de la hiérarchie entre le jeune et l'adulte, entre l'élève et le maître. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Laure Darcos applaudit également.)
M. Loïc Hervé. - Les maires sont très actifs dans la prévention, en matière d'éducation ou de politique de la ville, mais aussi dans l'autorité publique, au travers de leur police municipale. L'État doit se tenir à leurs côtés : la police et la gendarmerie, mais aussi la justice. Merci d'aider Rumilly et toutes les communes de France face au défi de l'insécurité ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées des groupes Les Républicains et INDEP)
Effort budgétaire demandé aux collectivités territoriales (III)
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST) La responsabilité de la dette ne peut être imputée aux collectivités. Le PLF 2025 demandait initialement un effort de 5 milliards d'euros des collectivités territoriales. Ce chiffrage est contesté par tous : Charles de Courson l'évalue à 7,8 milliards d'euros, France Urbaine à entre 8,5 et 9 milliards, l'AMF à 8,7 milliards - 10,9 milliards si l'on ajoute le désengagement de l'État sur les programmes destinés aux territoires.
Tous craignent de voir disparaître des actions essentielles : prise en charge du RSA et des mineurs non accompagnés par les départements, services de la petite enfance pour les communes, transition écologique...
Même après les dernières annonces, le compte n'y est pas. Amateurisme ou insincérité, le résultat sera néfaste.
Ce Gouvernement sera-t-il celui de l'abandon des collectivités et des services au public ? Assumez-vous de mettre en péril les communes, piliers de la République, pour laver les péchés d'une politique budgétaire nationale coupable ? (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation . - À mon tour de saluer les maires qui assistent à cette séance de questions au Gouvernement.
Le Gouvernement est mobilisé pour travailler avec l'ensemble des collectivités : régions, départements et bloc communal. Le Premier ministre vous a répondu sur les départements, j'axerai ma réponse sur les communes.
Ce budget, dont on sait les conditions d'élaboration, et sur lequel travaille actuellement le Sénat - je remercie Jean-François Husson et Stéphane Sautarel - demandait initialement un effort aux communes dont le budget est supérieur ou égal à 40 millions d'euros, non bénéficiaires de la dotation de solidarité urbaine, et non concernées par la péréquation. Toutes les communes de France n'étaient donc pas concernées, sauf par le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), sur lequel le Premier ministre vous a répondu : il n'y aura pas de rétroactivité sur le FCTVA.
Nous répondons point par point, de façon à préserver la capacité d'investissement des collectivités. Les maires sont les premiers visages de la République. L'honneur du Gouvernement est d'être à leurs côtés pour répondre aux attentes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Jacques Panunzi. - Bravo !
M. Guy Benarroche. - Le dialogue entre État et collectivités prend des allures de rupture. Il s'agit de faire payer aux collectivités la politique fiscale à crédit d'Emmanuel Macron. La majorité sénatoriale est prête à lâcher les collectivités territoriales (« Oh ! » à droite ; applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER) au nom de la « responsabilité » et en prétextant des petites avancées que vous appellerez victoires. Le caractère récessif de ce coup de rabot condamnera nos collectivités à la décroissance.
M. Jacques Grosperrin. - Ça, c'est plutôt chez vous !
M. Guy Benarroche. - Ce serait déplacé, pour un Gouvernement mal né et qui mourra vite. (Huées à droite et au centre, l'orateur ayant dépassé son temps de parole ; le brouhaha couvre la fin du propos ; applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER.)
Zéro artificialisation nette
M. Mathieu Darnaud . - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, depuis votre nomination, vous n'avez cessé de faire preuve de courage et d'audace (applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; marques d'ironie à gauche) : caractère facultatif du transfert des compétences eau et assainissement, statut de l'élu, baisse de la participation des collectivités territoriales à la maîtrise des finances publiques - mais aussi zéro artificialisation nette (ZAN). Celui-ci se heurte à une crise sans précédent du logement, à la volonté des élus d'accueillir de l'activité économique sur leurs territoires et à leur désespérance de ne plus pouvoir être des maires bâtisseurs.
Un travail collégial du Sénat, grâce à Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier, a produit une proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux, dite Trace (applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC), qui propose des dispositions opérationnelles (M. Akli Mellouli proteste) tout en respectant les efforts de sobriété foncière et les mesures climatiques.
Êtes-vous prêt à la soutenir ? Peut-on espérer une pause dans la mise en application du ZAN ? Au chemin tortueux du ZAN, préférons la trace sénatoriale ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, UC et INDEP)
M. Michel Barnier, Premier ministre . - J'aime bien les mots de chemin, de trace... Dans mon pays de Savoie, nous savons ce qu'est une trace durable, et nous aimons les chemins, même escarpés - et je ne parle pas du rôle de Premier ministre. (Sourires)
Dans le long parcours qui est le mien, dont attestent mes cheveux blancs, j'ai été président de département et ministre de l'environnement et de la prévention des risques. Nous ne renoncerons pas à l'objectif de sobriété foncière ni de maîtrise des risques liés à l'excessive artificialisation des sols. (Marques de satisfaction à gauche) Je n'oublie pas les catastrophes auxquelles nous avons dû faire face et qui se répètent chez nos voisins et amis. N'ayons pas la mémoire courte ! Les maires sont toujours en première ligne.
Ni les espaces ni les ressources naturelles ne sont inépuisables ou gratuits. Je sais que vous avez le même état d'esprit dans votre région. (On en doute sur les travées du GEST.)
Mais il est vrai que la réglementation enserre les maires dans un carcan qui les empêche d'être des bâtisseurs.
Il est possible de trouver un chemin, une trace, entre ces deux objectifs qui ne sont pas contradictoires. Je remercie Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc de leur proposition de loi : nous la soutiendrons. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP) Nous devons nous assurer que l'objectif reste effectif, mais aussi partir davantage de la réalité des besoins et du dialogue avec chaque territoire. (Marques d'ironie sur les travées du GEST)
Avec Catherine Vautrin, nous prendrons avant cela plusieurs dispositions pour gagner en souplesse ; les préfets se saisiront de la circulaire dite des 20 % qui donne des marges supplémentaires aux collectivités territoriales. (M. Guillaume Gontard s'exclame) ; nous modifierons les décrets pour que les jardins pavillonnaires ne soient plus considérés comme des surfaces artificialisées (applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) ; nous prendrons enfin en compte les projets d'envergure nationale et européenne. Je veillerai à ce que les préfets soient informés d'un changement prochain de la loi pour que les décisions futures soient prises en bonne intelligence avec les maires...
M. Guy Benarroche. - Elle sera rétroactive ?
M. Michel Barnier, Premier ministre. - Je me réserve la possibilité de prendre toutes les mesures réglementaires en ce sens.
Nous pourrions enfin changer le nom du dispositif - ce serait la trace du Sénat, le symbole d'un nouvel état d'esprit. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; M. Bernard Buis applaudit également ; M. Guillaume Gontard proteste.)
M. Mathieu Darnaud. - Merci de ces réponses qui sont autant d'encouragements. Suivre cette trace, c'est redonner à la France communale un souffle dont elle a grand besoin ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP.)
Scolarisation des enfants à Mayotte
M. Saïd Omar Oili . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Les chiffres de l'enseignement scolaire à Mayotte parlent d'eux-mêmes : 20 % d'élèves en plus inscrits dans le primaire entre 2019 et 2023 ; déficit de 1 200 places à ce jour ; 55 % des élèves ne disposant que de deux jours d'enseignement par semaine, l'école étant par rotation ; 92 % des élèves privés de repas chaud le midi ; entre 6 000 et 10 000 enfants non scolarisés, soit 9 % de la tranche d'âge. Cela pourrait bien expliquer la progression de la délinquance juvénile, notamment les caillassages de bus scolaires ou les tentatives d'incendie d'établissements qui forment le quotidien des Mahorais. Hier matin encore, un bus de 37 élèves a été caillassé à Mamoudzou !
Quelles mesures d'urgence prendrez-vous pour lutter contre cette situation intolérable ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe SER)
Mme Anne Genetet, ministre de l'éducation nationale . - En cette période budgétaire, rappelons que notre école républicaine n'est jamais une dépense, mais un investissement pour l'avenir, à Mayotte comme ailleurs. Ce matin, au congrès des maires, M. Soumaila, maire de Mamoudzou, m'a expliqué qu'avec 10 000 naissances par an sur l'île, il faudrait construire à terme une nouvelle salle de classe par jour, et qu'il en manquait 300 pour que chaque enfant mahorais puisse aller à l'école !
La réponse de l'État est claire : il faut construire. Plus de 500 millions d'euros seront mis sur la table pour Mayotte d'ici à 2027 pour le bâti scolaire, dont 138 millions dès 2025. Cela permettra d'accueillir 14 000 élèves en plus.
Il faut aussi des professeurs devant chaque élève - ils sont actuellement 15 000, sur 19 000 agents de l'éducation nationale - avec des moyens de formation.
Mais il faut aller plus loin, et nous serons à vos côtés. Personne ne doit être laissé au bord de la route. Les jeunes Mahorais ont droit comme les autres à la promesse républicaine. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Effort budgétaire demandé aux collectivités territoriales (IV)
Mme Laure Darcos . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Les élus locaux sont très inquiets : 2 000 maires ont démissionné depuis 2020, dont beaucoup n'ont pas achevé leur premier mandat. Les autres hésitent à se représenter. Avec l'inflation normative, la compensation à l'euro près, la baisse de l'autonomie financière, ils ont des raisons. Alors qu'ils doivent présenter des budgets à l'équilibre, ils ont été désignés, l'été dernier, comme responsables du déficit catastrophique de notre pays.
L'évolution de la DGF et les conditions d'attribution du FCTVA les inquiètent, comme le fonds de réserve abondé par les prélèvements sur leurs recettes.
Or les élus, premiers investisseurs publics, portent à bout de bras notre économie et font face à la transition écologique. Les sommes prélevées seront-elles bien restituées aux mêmes collectivités au 1er janvier 2026 ? Ne s'agit-il pas d'un fonds de péréquation déguisé ?
Ce mécanisme ne sera-t-il pas étendu à d'autres collectivités territoriales en cas de dégradation supplémentaire des finances publiques ?
Chacun doit contribuer aux efforts, mais il ne faut pas pénaliser les plus vertueux. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Laurent Saint-Martin, ministre chargé du budget et des comptes publics . - Le Premier ministre et Mme Vautrin ont déjà largement répondu. Pourquoi demandons-nous une contribution aux collectivités territoriales ? Parce que l'état des finances publiques exige une participation de toutes les personnes publiques. D'abord par la baisse de la dépense publique...
M. Jean-François Husson. - Très bien !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - ... mais l'effort doit être juste et proportionné. Il est de 20 milliards d'euros pour l'État, de 15 milliards d'euros pour la sécurité sociale, et nous demandions initialement 5 milliards d'euros aux collectivités territoriales - mais nous allons retravailler le texte.
La contribution des départements sera considérablement réduite, avec une annulation du caractère rétroactif de leur FCTVA.
Les mécanismes du fonds de précaution seront revus et aucune nouvelle collectivité ne sera concernée. Quant au retour des fonds aux collectivités, il aura lieu, car il s'agit bien d'un fonds qui leur est destiné. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Mme Laure Darcos. - J'espère que c'est bien à chaque collectivité que l'argent reviendra. En cette semaine de Congrès des maires, il faut être à l'écoute de leur détresse. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
Violences faites aux élus (I)
M. Antoine Lefèvre . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Saint-Brevin-les-Pins, Pibrac, La Chapelle-Neuve, Saint-Pierre-des-Corps, Châtenois-les-Forges, Dizimieu, Chéry-Chartreuve : sept communes parmi les 1 300 dont les maires ont démissionné, usés par les menaces, les insultes, les attaques physiques.
Dans la Creuse, un homme a été condamné en juin dernier après avoir déclaré à son maire : « une mairie, ça brûle bien. » Le mois dernier, un député a reçu des injures et un coup de poing dans le ventre alors qu'il faisait les courses avec sa fille.
Selon une récente étude sur la santé mentale des maires, 83 % d'entre eux estiment que leur mandat est usant pour leur santé et près de la moitié songe à démissionner. Leur santé mentale est alarmante.
Vous avez annoncé une nouvelle circulaire à l'attention des procureurs afin de lutter contre ces violences.
La loi de mars dernier a renforcé le dialogue entre les collectivités territoriales et les parquets. Mais les résultats ne sont pas à la hauteur.
Quelles sont vos pistes pour assurer la sécurité de nos élus ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. M. Olivier Cigolotti applaudit également.)
M. Jacques Grosperrin. - Très bien !
M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice . - La lutte contre les atteintes aux élus est une priorité et le restera. Attaquer des élus, c'est attaquer la République. C'est insupportable et cela mérite une réponse extrêmement ferme.
Un certain nombre de circulaires ont été publiées par mon prédécesseur. J'entends poursuivre son action.
La loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la proximité des maires et élus locaux a élargi le spectre des atteintes aux élus en incluant les candidats, en aggravant certaines durées de peines et en parachevant les mécanismes juridiques d'information des élus.
Les procureurs s'emparent du sujet, comme les juridictions. La réponse pénale doit être ferme.
Nous avons adressé aux procureurs généraux un modèle de protocole relatif aux relations entre parquets et maires. Je souhaite évaluer les mesures prises avant de renforcer notre action, en me nourrissant des remontées de terrain.
Soyez assuré de ma pleine mobilisation et de celle de la justice pour que les menaces contre les élus soient sanctionnées avec la plus grande fermeté. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI et du groupe Les Républicains)
M. Antoine Lefèvre. - Il est indispensable que chaque tribunal soit doté d'un référent. Les élus ne veulent plus être des gladiateurs prêts à descendre dans la fosse aux lions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)
CNRACL
M. Hervé Gillé . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) C'est la double peine pour les communes et les employeurs territoriaux et hospitaliers. Monsieur le Premier ministre, vous avez affirmé vouloir redonner de l'oxygène aux collectivités, mais avec la hausse brutale de 12 points, sur trois ans, du taux de cotisation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), vous faites l'inverse : vous les asphyxiez ! Comment justifiez-vous une telle contradiction ? Toutes les collectivités et leurs groupements seront touchés. Aucune compensation par l'État. Aucune concertation : c'est une décision unilatérale du Gouvernement.
Les Sdis risquent de se trouver privés des moyens nécessaires à l'exercice de leurs missions - plus de 9 millions d'euros, sur trois ans, pour le Sdis de la Gironde.
Rétablissez un véritable dialogue avec les collectivités territoriales avant qu'il ne soit trop tard ! (Applaudissements à gauche)
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l'emploi . - Nous préemptons le débat sur l'article 40 du PLFSS. J'en profite pour saluer le travail de concertation mené par la rapporteure générale Élisabeth Doineau et le président Philippe Mouiller.
La CNRACL est très gravement déficitaire : 2,8 milliards d'euros en 2024 ; 10 milliards d'euros en 2030 - sur les 14 milliards d'euros de déficit de toute la branche vieillesse. Son redressement est impératif.
En septembre, une mission a émis des recommandations beaucoup plus dures que nos propositions. Le Premier ministre a choisi de lisser l'augmentation sur quatre ans plutôt que trois ; d'où l'amendement de la rapporteure générale. Nous discuterons des autres recommandations de la mission avec les collectivités.
C'est ensemble que nous devons relever ce défi.
M. Hervé Gillé. - Le lissage ne répond pas aux attentes des associations d'élus : abandon de la réforme et concertation, voilà ce qu'elles réclament ! Pourquoi en sommes-nous là ? Parce que la CNRACL a versé au total plus de 100 milliards d'euros à d'autres caisses ! Ce n'est pas aux collectivités de payer. Monsieur le Premier ministre, soyez équitable. (Applaudissements à gauche)
Finances des collectivités territoriales
M. Stéphane Sautarel . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Cigolotti applaudit également.) Les communes, heureusement ! C'est le thème du 106e Congrès des maires. Je dirais : le bloc territorial, heureusement !
Les collectivités territoriales ne représentent que 19 % de la dépense publique totale - contre 34 % en Europe - , alors qu'elles réalisent 70 % de l'investissement public et ne portent que 8 % de la dette publique.
Certes, chacun doit contribuer à l'effort de redressement des comptes publics, mais cet effort doit être juste et soutenable. La priorité est de garantir l'épargne des collectivités.
Avant d'engager les réformes structurelles de la fiscalité locale, de la DGF et du desserrement bureaucratique, voilà trois engagements que vous pourriez prendre sur-le-champ pour rassurer les collectivités.
D'abord, réduire de 5 à 2 milliards d'euros l'effort demandé aux collectivités, l'alléger pour les départements et les communes, et le supprimer pour les communes rurales.
Ensuite, supprimer toute mesure rétroactive - je pense notamment au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).
Enfin, et surtout, renoncer à capter l'épargne des collectivités territoriales, tout en la gelant pour partie dans leurs comptes. Il faut revoir le fonds de précaution, en faisant confiance aux collectivités.
Des amendements en ce sens au PLF pourraient éviter un black-out territorial et amorcer le contrat de confiance souhaité par le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC)
M. Jean-François Husson. - Bravo !
M. Laurent Saint-Martin, ministre chargé du budget et des comptes publics . - Merci pour votre engagement depuis plusieurs semaines afin que nous trouvions ensemble un compromis sur la juste contribution des collectivités territoriales.
Nous allons réduire l'effort des collectivités, conformément aux engagements pris par le Premier ministre auprès des départements et pour tenir compte du lissage annoncé concernant la CNRACL.
Je vous confirme une nouvelle fois que nous reviendrons sur la rétroactivité concernant le FCTVA. Nous débattrons aussi de son recentrage sur l'investissement.
Le Gouvernement est ouvert aux propositions pour revoir la gouvernance et la finalité du fonds de précaution. Vous proposez un gel au sein des collectivités, et non d'un fonds ad hoc ; nous l'expertiserons.
Oui, il faut de la confiance entre l'État et les collectivités. Notre débat sur le PLF au Sénat y contribuera. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. François Patriat applaudit également.)
M. Stéphane Sautarel. - Je vous remercie pour le dialogue engagé, également avec Mme Vautrin. Le meilleur acte de confiance serait de laisser l'épargne dans les comptes des collectivités. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)
Retraite des sapeurs-pompiers volontaires
M. Olivier Cigolotti . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le modèle de notre sécurité civile, qui associe sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, démontre chaque jour sa pertinence et son efficacité pour protéger la population, les biens et l'environnement.
Ce modèle nous permet de faire face aux accidents du quotidien comme aux crises exceptionnelles - on l'a vu encore récemment en Haute-Loire, hélas. Le volontariat est une ressource précieuse.
Dans le cadre de la réforme des retraites, le Sénat a souhaité, à l'unanimité, octroyer une bonification de trimestres de retraite aux sapeurs-pompiers volontaires. Mais vingt mois plus tard, le décret d'application n'est toujours pas paru !
Le 13 décembre 2023, l'ancien ministre de l'intérieur nous disait sa volonté d'avancer. Fin septembre 2024, le Premier ministre a rappelé sa volonté de mener ce travail interministériel à son terme.
Quand pourrons-nous exprimer à nos sapeurs-pompiers la reconnaissance qui leur est due ? (Applaudissements)
M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur . - La force de notre modèle, c'est la mixité des statuts - civil et militaire, professionnel et volontaire. Sans nos 200 000 sapeurs-pompiers volontaires, notre modèle s'effondrerait.
Je me souviens très bien de notre unanimité. Le vote des parlementaires et l'engagement du Premier ministre doivent être respectés. Ce décret interministériel devrait être publié tout début 2025. Il devra respecter l'esprit de la loi, dans un cadre budgétaire raisonnable. J'y tiens comme à la prunelle de mes yeux !
Cette reconnaissance est due à nos sapeurs-pompiers volontaires pour les vies sauvées, mais aussi pour une raison plus symbolique. Vous connaissez les paroles de la très belle chanson que Bruce Springsteen a écrite pour rendre hommage aux pompiers de New York : « Que votre force nous donne de la force, (...) que votre espoir nous donne de l'espoir. » J'y entends la force de l'engagement, mais aussi l'espoir que les sapeurs-pompiers nous donnent d'une cité fraternelle, où les devoirs viennent avant les droits, où le don de soi prévaut sur le chacun pour soi.
Vive les sapeurs-pompiers et honneur à eux ! (Bravos sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDSE et du RDPI ; M. Hussein Bourgi applaudit également.)
M. Olivier Cigolotti. - Nous ne manquerons pas de relayer votre message aux fêtes de la Sainte-Barbe. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Fret aérien
M. Christian Bruyen . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'embolie grandissante des plateformes aéroportuaires franciliennes doit nous pousser à réagir, face aux nuisances sonores, à la saturation du réseau routier et à la pollution de l'air dont le fret est l'un des responsables.
Pourtant, à Vatry, dans la Marne, à moins de deux heures de Paris, une infrastructure remarquable pourrait accueillir une partie de ce trafic. Il ne s'agit pas de déplacer le problème, mais d'organiser la répartition des vols, afin de ne pas dépasser le seuil d'acceptabilité des populations.
Est-il souhaitable que du fret français soit traité à l'étranger puis camionné sur nos routes, avec l'impact environnemental que l'on sait ?
Prendrez-vous enfin les décisions qui s'imposent ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Marc Laménie et Franck Menonville applaudissent également.)
M. François Durovray, ministre délégué chargé des transports . - Merci de votre engagement, ancien et constant, pour Vatry. Cet aéroport est un atout pour la France, car il offre des conditions idéales : une piste très longue - près de 4 km - , des conditions d'exploitation assez libres, des coûts d'exploitation faibles.
C'est aussi un enjeu pour le transport de marchandises : Aéroports de Paris (ADP) étudie la complémentarité des flux entre les plateformes franciliennes et celle de Vatry et FTL Airlines y a des projets de développement.
Nous réorganiserons les flux de marchandises qui viennent trop souvent d'Europe du Nord, alors que Vatry permettrait d'en rapatrier un certain nombre. Je suis mobilisé sur ce bel enjeu pour la France. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Christian Bruyen. - Merci de cet espoir, mais il faut aller plus loin, car nos voisins - Amsterdam, Bruxelles - y travaillent déjà. La souveraineté économique tient aussi à la maîtrise des approvisionnements, le covid l'a montré.
Il faut mieux considérer les aéroports provinciaux, gages d'un aménagement équilibré du territoire, et ne pas laisser les opérateurs étrangers entrer dans la gouvernance de ces infrastructures. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Violences faites aux élus (II)
Mme Marion Canalès . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les réseaux sociaux sont le nouvel eldorado des atteintes à l'intégrité des individus. Un maire sur quatre y a été victime de violences. Un clip peut blesser plus qu'un coup. Il y a quatre jours, le visage d'un député du Puy-de-Dôme y a été découpé en deux au couteau, tandis que les têtes du maire de Clermont-Ferrand et d'un adjoint ont été écrabouillées dans une presse.
L'intelligence artificielle générative crée des contenus toujours plus extrêmes, augmentant les risques de passage à l'acte. Nous ne devons pas banaliser l'intolérable, même en ligne. Les plaintes doivent être suivies d'effets.
À 500 jours des élections municipales, la formule culte d'Astérix et Obélix « Engagez-vous, qu'ils disaient... » pourrait être celle de nombreux maires. Avec le retrait de l'État et des services publics de nos territoires, les administrés s'adressent au maire, le dernier à portée d'engueulade. Les élus locaux, vulnérables, se trouvent démunis, et, faute de moyens, accusés d'être de mauvais gestionnaires, voire inutiles, soumis aux mépris.
Pompier pyromane, allez-vous entretenir la gronde avec des plans à 5 millions d'euros ? Quid de ces crédits pour 2025 ? Le doute plane. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur . - On ne réglera pas la violence faite aux élus à coups de millions d'euros. Les premières victimes de cette violence qui se généralise, ce sont les élus locaux.
Jamais la France n'a eu autant besoin d'eux, et jamais ils n'ont été si découragés, notamment par les règles bureaucratiques...
M. Adel Ziane. - Ce n'est pas la question !
M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur. - ... et par ces violences.
Le 21 mars dernier, la proposition de loi du Sénat a donné des outils pour lutter contre les violences faites aux élus, y compris sur les réseaux sociaux. Les préfets doivent signaler systématiquement ces violences, ce qu'a fait votre préfet.
L'intelligence artificielle générative nous met face à de nouveaux défis. Internet ne peut devenir une zone de non-droit, et nous devons agir dans la sphère virtuelle aussi bien que dans la sphère réelle. C'est ce que propose le texte européen sur l'intelligence artificielle.
Nous sommes parfaitement mobilisés. Et vous avez raison : l'élu doit être systématiquement informé des suites données à sa plainte. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Loïc Hervé. - Bien sûr ! Mais ce n'est pas toujours le cas.
Mme Marion Canalès. - Nous espérons que le plan de 5 millions d'euros annoncé par Dominique Faure sera maintenu ; je le redis, le doute plane. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Fermeture de maternités
Mme Marta de Cidrac . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nos territoires sont fragilisés non seulement par les inégalités d'accès aux soins, comme l'a montré Bruno Rojouan, mais aussi par les fermetures de maternités, année après année. Plus de 40 % ont disparu. On a dit que c'était la faute de la désertification, qu'il fallait concentrer l'offre de soin. On évoque parfois le peu de rentabilité, la baisse des naissances. Les bonnes raisons ne manquent pas !
Mais la France continue de chuter dans le classement européen en matière de mortinatalité spontanée et de mortalité infantile : elle est à la 22e place sur 34 pour la prise en charge des naissances.
Les rapports, plus alarmants les uns que les autres, s'empilent. Doit-on s'y résoudre et laisser nos soeurs, filles et petites-filles redouter l'arrivée de leurs enfants ? Que répondez-vous à celles qui n'ont plus la certitude d'accoucher en toute sécurité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Michel Laugier applaudit également.)
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins . - Nous devons repenser les structures d'accueil de la santé périnatale. Il est urgent d'améliorer la prise en charge.
Les maternités ne peuvent fonctionner qu'en toute sécurité, que s'il y a suffisamment de gynécologues obstétriciens, d'anesthésistes et de sages-femmes pour assurer la sécurité des parturientes.
Quand une petite maternité ferme, par manque de personnel, il ne faut pas laisser la place vide mais créer une unité de suivi de périnatalité, afin que les femmes enceintes, les pères et les mères puissent être accompagnés.
Je salue le rapport, très argumenté, des sénatrices Annick Jacquemet et Véronique Guillotin sur la santé périnatale. Ses conclusions inspirent notre travail pour un maillage territorial sécurisant, efficace et suffisant, afin que les familles soient prises en charge dans d'excellentes conditions. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Florence Lassarade. - Et les pédiatres ?
Mme Marta de Cidrac. - À Saint-Germain-en-Laye, la maternité fermera au 1er janvier 2025. Le maire a appris cette décision brutale et unilatérale il y a quelques jours, par un coup de fil.
Il vous a écrit en apprenant ces décisions iniques, qui s'inscrivent dans les orientations de l'ARS. Il est quand même étonnant que les maires ne soient pas tenus informés en amont !
Aidez-nous à trouver une solution. Beaucoup de futures mamans ne savent pas où elles accoucheront. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Michel Laugier applaudit également.)
Surexposition des enfants aux écrans
Mme Catherine Morin-Desailly . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La ministre de la santé a annoncé que le nouveau carnet de santé comprendrait des pages sur l'exposition des enfants aux écrans. Enfin ! En 2018, j'avais déjà alerté Agnès Buzyn à ce sujet, en vain : la proposition de loi sénatoriale issue des travaux de notre commission, adoptée à l'unanimité, n'a pas prospéré. Idem pour la proposition de loi de la députée Caroline Janvier.
Il s'agit pourtant d'une urgence nationale, comme le montre le rapport commandé par le Président de la République en janvier 2024. Le phénomène s'aggrave, entraînant des retards dans l'apprentissage, des difficultés d'attention, une attitude passive de l'enfant face au monde.
À quand un plan global de prévention et d'action, associant élus, professionnels de santé, familles, enseignants et éducateurs, qui s'appuie sur nos propositions ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Mickaël Vallet applaudit également.)
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins . - Le temps d'exposition des jeunes enfants aux écrans, ainsi que les contenus qu'ils visionnent, sont un fléau qui favorise la sédentarité, l'obésité, la myopie, les troubles du développement socio-émotionnel, le mal-être, l'anxiété et la dépression.
Notre réflexion s'inscrit dans le cadre des travaux voulus par le Premier ministre sur la santé mentale, grande cause nationale pour 2025. C'est un vrai sujet de santé publique.
Dès le 1er janvier, les nouveaux carnets de santé incluront des pages de prévention à destination des parents. Nous modifions également les carnets de maternité afin de donner des indications aux futurs parents. Nous devons construire une feuille de route commune, à partir du rapport Mouton-Benyamina, remis en avril dernier au Président de la République. La prévention est clé, car la coercition sera difficile. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Catherine Morin-Desailly. - Pourquoi attendre encore et appeler à une nouvelle réflexion ? Il existe déjà un rapport du Sénat. La proposition de loi de Caroline Janvier est dans la navette, saisissez-la ! En attendant, que le Gouvernement engage une campagne de santé publique promouvant des mesures de sécurisation de l'espace numérique et l'utilisation des dispositifs de contrôle parental. Nous le devons aux enfants, dont c'est aujourd'hui la journée internationale des droits. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP et du RDPI ; Mme Guylène Pantel et M. Mickaël Vallet applaudissent également.)
M. Xavier Iacovelli. - Merci !
La séance, suspendue à 16 h 30, reprend à 16 h 35.