SÉANCE

du lundi 18 novembre 2024

19e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Guy Benarroche, Mme Marie-Pierre Richer.

La séance est ouverte à 16 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral, est adopté.

Financement de la sécurité sociale pour 2025

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, dont le Sénat est saisi en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution.

Discussion générale

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins .  - Comme vous le savez, le contexte est particulier. Malgré les nombreuses heures de débat, l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale n'a pu aller à son terme. Je le regrette, mais le débat parlementaire reprend ici, au Sénat.

Chacun le mesure, la situation de nos finances publiques exige de la responsabilité, et une recherche exigeante d'équilibre.

La situation de nos comptes sociaux est inédite : en 2024, le déficit de la sécurité sociale dépassera de 8 milliards d'euros le niveau voté en loi de financement initiale. En 2025, sans mesure nouvelle, le déficit aurait atteint 28 milliards d'euros, selon le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale. Ce n'est pas soutenable.

Nous devons donc freiner la dépense publique et toutes les administrations publiques doivent y concourir. Le PLFSS pour 2025 constitue à cet égard une étape essentielle. La pérennité de notre modèle social hérité du Conseil national de la Résistance (CNR) est en jeu. (On ironise sur les travées du groupe SER)

La santé et l'accès aux soins sont les premières préoccupations des Français. Le PLFSS contient le déficit de la sécurité sociale à hauteur de 16 milliards d'euros, tout en finançant des mesures nouvelles.

La santé des Français est une priorité pour le Gouvernement - ce budget le prouve. Il s'agit d'un budget d'action, pour l'accès aux soins et pour l'hôpital qui en a tant besoin ; (Mme Émilienne Poumirol proteste) un budget de progrès et de responsabilité.

Un budget de progrès qui permet de répondre à nos priorités de santé publique, comme la prévention, les soins palliatifs, la santé mentale ou l'accès aux médicaments.

Mme Annie Le Houerou.  - Avec quel argent ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - L'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) atteindra un peu plus de 264 milliards d'euros, soit une hausse de 63 milliards d'euros par rapport à 2019 et de 9 milliards d'euros par rapport à 2024 : cette progression traduit notre volonté de poursuivre les investissements entrepris et de financer de nouvelles mesures, attendues par les professionnels comme par les patients.

Cette trajectoire permet de renforcer l'accès aux soins et de financer nos priorités : améliorer l'organisation et assurer le financement du système de santé, renforcer nos politiques de santé mentale, travailler à l'attractivité des métiers du soin et accompagner les innovations.

Nous respecterons nos engagements conventionnels à l'égard des médecins, avec la revalorisation de la consultation à 30 euros dès décembre 2024, et poursuivrons la stratégie de « l'aller-vers » pour les publics précaires éloignés du soin, en ciblant les zones sous-denses grâce aux médicobus et à la télémédecine.

Nous continuerons, avec les élus locaux, à développer des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) - qui réduisent l'isolement des médecins et renforcent l'attractivité - et les centres départementaux de prévention et de santé (CDPS).

Nous agirons aussi en faveur des soins palliatifs : 100 millions d'euros seront mobilisés pour la stratégie décennale des soins d'accompagnement, au sein des établissements médico-sociaux et à domicile.

Dans le domaine de la santé mentale, identifiée comme grande cause nationale par le Premier ministre, le dispositif Mon soutien psy sera renforcé, afin de faciliter l'accès de chaque citoyen à un psychologue : celui-ci sera mieux rémunéré et le nombre de séances remboursées passera de huit à douze. Les équipes mobiles seront renforcées pour aller vers les personnes les plus éloignées des soins et le dispositif de prévention du suicide vigilanS sera élargi aux mineurs.

Dans le champ de la prévention, nous renforcerons aussi le repérage précoce. Il faut installer une véritable culture de la prévention : ce budget y contribuera. Le dispositif Mon bilan prévention sera généralisé.

La part des dépenses des ARS pour la prévention au sein de l'enveloppe du fonds d'intervention régionale augmentera de 10 %. Nous souhaitons faire intervenir la prévention dès le plus jeune âge, avec plus de visites obligatoires et des pages du carnet de santé consacrées aux méfaits des écrans pour sensibiliser les familles, car les inégalités de santé se creusent dès l'enfance. Quelque 75 millions d'euros seront mobilisés pour la vaccination contre le papillomavirus au collège.

La défense de nos hôpitaux est une priorité majeure. Le sous-Ondam hospitalier se situe à 3,1 %. J'ai entendu les alertes des acteurs et des parlementaires. L'évolution des cotisations pour financer la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) sera étalée sur quatre ans, au lieu des trois initialement prévus.

Nous conforterons les mesures en faveur des soins critiques issues de la réforme de 2022 et faciliterons l'allègement de la gestion des ressources humaines dans les hôpitaux, en régulant l'intérim.

Le PLFSS garantira aussi l'accès aux médicaments à tous les Français, pour qui la disponibilité des médicaments en pharmacie est une préoccupation majeure. La distribution à l'unité sera ouverte en cas de risque anticipé de pénurie. Un financement dérogatoire sera possible pour les dispositifs médicaux alternatifs utilisables en cas de rupture d'approvisionnement.

Ce budget est aussi un budget de responsabilité. Il faut accentuer la pertinence et l'efficience de nos dépenses. Nous devons tous participer à la maîtrise des dépenses publiques, dans une logique d'efforts partagés et d'équité. La lutte contre la fraude sera également un enjeu majeur...

Mme Nathalie Goulet.  - Ah !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - ... que nous porterons avec la Cnam.

Nous devons faire 5 milliards d'euros d'économies en 2025.

J'ai entendu et pris en compte les attentes des parlementaires portant sur le transfert vers les complémentaires santé.

L'assurance maladie obligatoire finance 80 % des dépenses de santé ; ce chiffre n'a jamais été aussi élevé. Il s'explique par l'effort consenti chaque année pour augmenter les dépenses de santé et prendre en charge 400 000 patients supplémentaires en longue maladie - effet du vieillissement de la population. C'est l'honneur de la République.

Mais pour garantir la soutenabilité des finances publiques, il faut veiller à l'équilibre entre assurance maladie obligatoire et prise en charge complémentaire. Le quantum a été ramené de 1,1 milliard d'euros à 900 millions. Le ticket modérateur n'évoluera que de 5 % au lieu des 10 % prévus. (Mme Émilienne Poumirol ironise ; M. Bernard Jomier s'exclame.)

La consultation médicale demeurera donc le soin de ville le mieux remboursé par la solidarité nationale. En complément, le ticket modérateur sur les médicaments n'évoluera que de 5 %.

Pour compenser le dérapage constaté fin 2024 sur les médicaments, évalué à 1,2 milliard d'euros, nous poursuivrons le dialogue engagé avec les industriels, pour que la hausse de la clause de sauvegarde ne soit activée qu'en cas d'échec des démarches.

Je souhaite avant tout laisser la place à la concertation et au débat parlementaire, comme à l'Assemblée nationale. C'est par le dialogue avec vous, sénateurs, que nous atteindrons la cible d'économies fixée. Je sais pouvoir compter sur vous.

Les amendements retenus à l'Assemblée nationale, notamment sur les sujets de prévention, ont enrichi le texte. Je pense notamment à la santé bucco-dentaire, à la suppression de l'adressage pour Mon soutien psy ou au développement de la vaccination contre le méningocoque. Autant de belles avancées pour la santé publique. L'amendement relatif à la réforme sur la taxe soda renforce par ailleurs nos actions en faveur d'une alimentation plus équilibrée. Je sais combien ce sujet tient à coeur à la rapporteure générale Doineau et à Xavier Iacovelli. (Mme Émilienne Poumirol ironise.)

Je remercie les députés qui ont participé aux débats.

Aujourd'hui s'ouvre un moment essentiel. J'ai été très attentive aux débats en commission et je répondrai à vos propositions au fur et à mesure.

Nous n'avons jamais consacré autant de moyens à la santé et devrons continuer à le faire, tout en veillant à l'équilibre de nos dépenses. Ce n'est pas simple, mais, ensemble, nous y parviendrons. C'est le seul chemin responsable.

Ce PLFSS ne comprend aucune réforme structurelle. (On le confirme avec regret sur les travées du groupe SER.) Ce n'est pas le moment...

Mme Émilienne Poumirol.  - Quand sera-ce le moment ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - Je souhaite engager un travail sur le temps long, avec vous, en confiance et en responsabilité, pour la réforme de notre système de santé en suivant ma méthode fondée sur l'écoute et le dialogue. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Marie-Do Aeschlimann et M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudissent également.)

M. Laurent Saint-Martin, ministre chargé du budget et des comptes publics .  - (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI) D'abord, un mot de méthode. Le Premier ministre a assumé, sans ambiguïté aucune, le fait que la copie du Gouvernement était perfectible, pourvu que la trajectoire de redressement des comptes soit respectée.

Le Gouvernement n'a pas choisi de revenir au texte initial comme la Constitution le lui en donnait le droit, mais de présenter un texte enrichi par des amendements issus de toutes les sensibilités politiques : je pense au cumul emploi-retraite des médecins, aux mesures en faveur du monde agricole, à la taxation des boissons sucrées, à la réforme de la radiothérapie, à l'accès à la gynécologie pour les personnes en situation de handicap, ou encore à la lutte contre la fraude aux cotisations sociales.

Mme Nathalie Goulet.  - Ah !

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Nous sommes ouverts à la concertation, mais je dirais même plus : nous en avons besoin.

Le Premier ministre l'a dit : nous avons entendu les remontées de terrains sur la CNRACL. Le relèvement du taux sera bien étalé sur quatre ans, plutôt que sur trois, conformément à votre proposition, madame la rapporteure générale.

Oui, cette copie est perfectible, pourvu que le cadre financier soit respecté. Je salue à cet égard l'esprit qui a présidé aux travaux de votre commission des affaires sociales.

La copie du Sénat s'inscrit pleinement dans l'objectif de rééquilibrage progressif des comptes sociaux.

Je vous remercie d'avoir considéré le déficit de 16 milliards d'euros comme « le premier postulat de vos travaux ». Je souscris à vos propos ayant trait à la nécessité d'une réforme structurelle à l'avenir.

M. Bernard Jomier.  - C'était déjà le cas l'an dernier !

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Le Premier ministre a ouvert la voie, dès vendredi dernier lors du congrès des Départements de France, au lancement de chantiers structurels.

La situation de nos finances publiques exige des réponses urgentes. La dette publique a déjà dépassé les 3 220 milliards d'euros : réalité comptable, mais surtout réalité concrète. Avec un choc de taux d'un point, la charge de la dette augmenterait de 3,2 milliards d'euros dès la première année et de 33 milliards d'euros en neuf ans. (Mme Émilienne Poumirol proteste.) Pour l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), ce même choc représenterait 0,4 milliard d'euros de charges en plus.

Pour les marchés, dette d'État, sociale ou locale, tout cela, c'est de la dette publique. Nous devons renouer avec une trajectoire financière soutenable, au bénéfice de l'ensemble des administrations publiques.

L'effort requis est d'une ampleur inédite. Nous devons contenir le déficit à 5 % du PIB en 2025, pour le ramener sous la barre des 3 % en 2028.

Notre capacité à consolider les droits sociaux de nos concitoyens et à en ouvrir de nouveaux est en jeu : pour les agriculteurs, par exemple, ou la petite enfance. Notre modèle est fondé sur la solidarité...

Mme Émilienne Poumirol.  - Ce n'est plus vrai.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - C'est une valeur forte, mais surtout une exigence, qui s'appuie sur l'équilibre des comptes sociaux.

Or cet équilibre est dégradé. Le déficit des comptes sociaux dépasse de 8 milliards d'euros l'estimation de la loi de finances initiale.

Mme Laurence Rossignol.  - Qui gouvernait ce pays ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Il aurait pu atteindre 28 milliards d'euros !

Mme Émilienne Poumirol.  - La faute aux exonérations !

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Ce PLFSS marque une étape importante, mais qui en appellera d'autres. L'effort devra se poursuivre sur plusieurs exercices et se prolonger par des réformes structurelles améliorant l'efficience des dépenses sociales. Le coup de frein des dépenses sociales prévu est réel, mais proportionné.

Le Gouvernement propose une progression maîtrisée de la dépense des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) à hauteur de plus de 2,8 %, soit 18 milliards d'euros de plus, après une augmentation de 5,3 % en 2024.

Sur l'année 2024, un risque a été détecté par la direction de la sécurité sociale sur les dépenses de médicaments, en raison d'un niveau de remise consenti par les laboratoires inférieur de 1,2 milliard d'euros à ce qui était prévu.

L'Ondam 2024 sera donc revu de 0,8 milliard d'euros à la hausse. Le Gouvernement en a immédiatement informé le Parlement ; nous travaillerons à des mesures avec la commission des affaires sociales, pour ramener ce dépassement à 0,2 milliard d'euros.

Nous proposerons différents leviers pour économiser 600 millions d'euros : baisse des plafonds de remise sur médicaments génériques pour 100 millions d'euros, tiers payant pour les médicaments biosimilaires et hybrides pour 50 millions d'euros, activation de la clause de sauvegarde sur les dispositifs médicaux pour 150 millions d'euros, extension des accords prix-volume aux transports sanitaires pour 100 millions d'euros...

Enfin et à plus long terme, le Gouvernement se dotera de nouveaux outils de régulation. La proposition de nouveaux plafonds de franchise pour les transports sanitaires et les dispositifs de santé recevront ainsi l'avis favorable du Gouvernement.

En 2025, nous ramènerons le déficit de la sécurité sociale à 16 milliards d'euros grâce à quatre leviers.

Premier levier, la modulation des pensions. Un compromis a été annoncé...

Mme Émilienne Poumirol.  - Par Laurent Wauquiez !

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Toutes les retraites seront revalorisées en janvier 2025 à hauteur de la moitié de l'inflation, puis les petites retraites le seront à nouveau à l'été. (Mme Émilienne Poumirol proteste.)

Deuxième levier, l'Ondam sera fixé à 2,8 %, ce qui nous laisse des marges de manoeuvre pour des mesures nouvelles : une enveloppe de 1,6 milliard d'euros en faveur des professionnels de santé libéraux, de 3 milliards en faveur de l'hôpital et de 2 milliards pour les établissements sociaux et médico-sociaux.

Troisième levier, l'efficience, avec la réforme des allègements généraux pour lutter plus efficacement contre les trappes à bas salaires - que nous sommes prêts à ajuster.

Nous lutterons contre la fraude sociale...

Mme Nathalie Goulet.  - Ah !

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Nous avons retenu dans ce domaine plusieurs amendements de l'Assemblée nationale et je relève des propositions intéressantes de votre commission des affaires sociales.

Mesdames et messieurs les sénateurs, je me réjouis de travailler avec vous sur ce texte d'urgence et de responsabilité collective. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l'emploi .  - Le travail est au coeur du PLFSS : les cotisations sociales sont encore les ressources très majoritaires de la protection sociale. Travailleurs et employeurs comptent dessus.

Le contexte est marqué par les nombreuses défaillances d'entreprises et leurs conséquences sociales. Je salue les projets d'accord trouvés vendredi par les partenaires sociaux sur l'assurance chômage et l'emploi des seniors.

Mme Émilienne Poumirol.  - On prend les mêmes et on recommence !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre.  - Je sais cette assemblée et son président très attachés au dialogue social, auquel nous faisons confiance.

Nous devons rendre notre modèle social plus efficient et assurer sa soutenabilité. Il faudra réfléchir à un mode de financement différent, mais dans l'immédiat, nous ne pouvons nous satisfaire d'un financement par l'emprunt. Il nous faut donc travailler plus et mieux, et en meilleure santé, afin de financer nos investissements d'avenir et notre protection sociale.

En tant que ministre du travail, mon but est que notre économie continue à créer des emplois, de qualité, dans de bonnes conditions.

Le PLFSS soutient le dynamisme salarial pour un travail qui paie - c'est l'objet de l'article 6, qui prévoit pour la première fois depuis longtemps de revoir à la baisse les allégements de cotisations patronales. L'Assemblée nationale ayant supprimé l'article, c'est sa version initiale qui vous est présentée. Je ne pense pas qu'il puisse y avoir de cohésion sociale sans entreprises qui fonctionnent, et inversement. La préservation de l'emploi est une priorité, mais il faut aussi limiter la dynamique d'augmentation du coût des allégements généraux. Comme l'a dit Laurent Saint-Martin, le Gouvernement est prêt à revoir le rendement de cette mesure.

L'articulation entre salaire, cotisation sociale et prestation est un des enjeux de l'allocation sociale unique, chantier que le Premier ministre a confié à Paul Christophe. Hors PLFSS, nous recevons les branches qui tardent à négocier sur les minima conventionnels et les classifications professionnelles, qui contribuent au tassement des grilles salariales.

Enfin, nous examinerons la question du temps partiel subi qui concerne à 80 % les femmes.

Les leviers sont nombreux pour faire en sorte que le travail paie.

Un effort collectif doit être consenti pour préserver notre modèle social tout en protégeant les plus vulnérables. Votre proposition d'une contribution de solidarité par le travail permettrait de financer la branche autonomie avec souplesse, laissant de la place au dialogue social.

Le Gouvernement soutient la nouvelle rédaction de l'article 25 voté par votre commission. Nous souhaitons tous garantir la soutenabilité de nos régimes de retraite par répartition, mais la dégradation de la situation économique appelle des mesures qui produisent des effets à court terme - dans un esprit de solidarité et de justice. Le précédent gouvernement a revalorisé les pensions de 5,3 % en janvier dernier. Les retraités, pas plus que les salariés, ne sont un bloc homogène ; cette rédaction préserve les plus fragiles.

La situation de la CNRACL tient à une démographie en baisse et un faible taux de cotisation des employeurs. Sans réforme, elle présenterait un déficit de 10 milliards d'euros en 2030, sur les 14 milliards de déficit de la branche vieillesse. Nous préférons une augmentation graduelle des cotisations au choc préconisé par les inspections. Nous soutiendrons l'amendement de la rapporteure générale pour un lissage plus long.

S'agissant de la branche maladie, le montant des indemnités journalières est passé de 8 milliards d'euros en 2017 à 17 milliards en 2023. Cette hausse ne s'explique qu'à 58 % par le vieillissement de la population active.

Nous avons intégré au PLFSS une mesure réglementaire de court terme qui transfère le coût vers l'employeur, au risque d'opposer encore plus les salariés protégés par de bonnes conventions collectives et les autres. Nous devrons trouver un équilibre plus juste entre responsabilité individuelle, responsabilité des entreprises et solidarité nationale.

Troisième axe : des mesures de justice sociale et d'appui aux entreprises. Pour les agriculteurs, nous pérennisons les exonérations pour les travailleurs saisonniers et pour l'installation, demandées en janvier dernier ; les députés ont neutralisé les effets de la réforme des allègements généraux sur les travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE).

L'application de cette disposition outre-mer pose des difficultés spécifiques. Un rapport Igas-IGF trace des pistes pour que cette exonération soit mieux ciblée, plus efficace et soutienne mieux l'emploi. C'est le sens de l'ordonnance prévue à l'article 6. En attendant, il paraît sage d'en neutraliser l'effet sur les TO-DE.

Nous faisons converger les modes de calcul des retraites agricoles et du régime général. Le Gouvernement proposera par amendement d'anticiper les effets de la réforme de 2026.

L'article 24 souligne l'importance du dialogue social et prévoit la transposition de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 15 mai 2023 sur l'indemnisation des accidents du travail - sur laquelle Mmes Le Houerou et Richer ont rédigé un rapport d'information. La transposition est un exercice délicat. Un travail mené cet automne par les partenaires sociaux et les parlementaires ouvre la voie à une transcription plus complète, offrant par exemple une sortie en capital pour la part majorée en cas de faute inexcusable de l'employeur. Derrière le vocabulaire juridique, il y a des situations douloureuses : des victimes ayant une faible espérance de vie préfèrent une indemnité.

Bien de discussions ont lieu depuis la présentation de ce PLFSS. Il vous appartient désormais de faire des choix responsables qui ne cèdent pas au court-termisme. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes .  - (M. Xavier Iacovelli applaudit.) L'Assemblée nationale n'a pas pu aller au bout de l'examen de ce texte. Je n'ai pu défendre les articles qui me concernaient : nous les ferons évoluer ensemble, en prenant en compte autant que possible les souhaits des députés. Ce texte est perfectible.

Dans le contexte budgétaire, les plus vulnérables seraient les premiers à souffrir d'un dérapage des finances publiques.

La fraternité, valeur républicaine, doit rester un principe général d'organisation des politiques publiques. Pour cela, il faut renforcer l'efficience, à commencer par les pratiques d'achat : mise en commun des ressources, sobriété médicamenteuse en établissement, lutte contre les mésusages.

Merci à Mme Aeschlimann pour son amendement garantissant que le complément de libre choix du mode de garde (CMG) Structure bénéficie uniquement à la qualité de la prise en charge.

Ce PLFSS conforte les moyens de la petite enfance, dont il faut mieux contrôler la qualité. Nous créerons 35 000 places en finançant les investissements nécessaires à l'horizon 2027 et revaloriserons de 150 euros nets la rémunération des professionnels en début de carrière par le bonus attractivité.

Au 1er janvier 2025, avec le service public de la petite enfance, les communes devront recenser l'offre disponible et disposeront de nouveaux outils pour assurer la qualité de l'accueil. Nous devons mettre fin à l'optimisation financière qui fait souffrir les enfants et les professionnels et attise la défiance des parents. (Mme Émilienne Poumirol et M. Xavier Iacovelli approuvent.) Avec Agnès Canayer, j'étudie vos propositions sur les modalités de financement des crèches.

Pour les familles monoparentales - le plus souvent à la charge de femmes - le CMG sera étendu des 6 aux 12 ans de l'enfant, grâce à une enveloppe de 600 millions d'euros. Au total, les dépenses de la branche famille augmenteront de 2 milliards d'euros en 2025.

Avec Agnès Canayer et Salima Saa, nous pensons nécessaire d'ajouter un nouveau droit après les congés maternité et paternité. Nous reprendrons les concertations sur les mille premiers jours de l'enfant et l'égalité entre les femmes et les hommes.

Avec Charlotte Parmentier-Lecoq, nous souhaitons conforter les mesures de la Conférence nationale du handicap (CNH) et la dynamique impulsée par les jeux Paralympiques en faveur d'une société plus inclusive. Le PLFSS prévoit une accélération du déploiement des 50 000 solutions d'accompagnement prévues : en passant de 200 à 270 millions d'euros par an, nous pourrons déployer 15 000 solutions plus individualisées. On ne peut pas tout standardiser.

Nous veillerons particulièrement à l'école pour tous. Votre camarade de classe en situation de handicap est peut-être votre futur collègue, ou compagnon. Une société est inclusive quand elle combat les préjugés dès l'école. Notre école a besoin de moyens d'accompagnement médico-social. Il faut aussi réaliser un repérage le plus tôt possible. Nous avons soutenu la proposition de loi Guidez pour un dépistage à 6 ans révolus.

Nous devons nous préparer à une augmentation du nombre de personnes de plus de 85 ans. Le vieillissement en bonne santé s'améliore enfin dans notre pays, selon la Drees. La prévention paie.

Nous garantirons la préservation des valeurs fondamentales qui font la France, mais dans l'immédiat, nous faisons face à l'urgence.

Environ 90 % des Ehpad de demain existent déjà, et nous avons besoin d'eux. J'ai examiné avec attention les amendements déposés. Les Ehpad doivent devenir des lieux du bien vivre. Certains logent des étudiants, abritent des crèches conjointes, des services publics, accueillent parfois des lieux de convivialité. Des investissements immobiliers supplémentaires sont donc prévus.

Le financement des Ehpad doit être simplifié. Le PLFSS prévoit ainsi l'expérimentation du financement de la section autonomie par la branche du même nom dans 23 départements. Nous croyons à son caractère structurant. J'ai bien noté, madame Deseyne, votre volonté de réduire la durée d'expérimentation de quatre à deux ans - souhait partagé par la députée Annie Vidal ; j'y serai favorable. Si peu de temps avant le début de l'expérimentation, nous ne pouvons plus en modifier les contours. Les ARS et départements réclament de la stabilité.

Les moyens des Ehpad seront renforcés par 6 500 emplois supplémentaires pour atteindre au plus vite les 50 000 équivalents emplois supplémentaires annoncés pour 2030. Soit une hausse de 6 % des moyens pour les personnes âgées en 2025.

Nous soutenons les aides à domicile, grâce auxquelles nombre de Français peuvent vieillir chez eux, ou en résidence adaptée.

Dans la lignée de la loi Bien vieillir, 100 millions d'euros iront aux départements en faveur de la mobilité des aides à domicile, qui ne doivent pas avoir à financer elles-mêmes leurs déplacements.

Nous préserverons intégralement les taux de compensation aux départements de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de la prestation compensatoire du handicap (PCH), pour un coût d'environ 200 millions d'euros. Il s'agit de mettre fin à un système illisible : le montant des concours de la CNSA dépend de ses recettes, non des besoins des territoires. Malgré la dynamique de hausse, le taux de compensation sera maintenu.

En lien avec Départements de France, nous négocierons des règles claires pour 2026 afin de faire converger les taux de compensation et donner de la visibilité, par rapport à des besoins en hausse.

Le PLFSS créera de nouvelles places de répit pour les onze millions d'aidants, et je veille au déploiement des droits rechargeables pour chaque nouvelle personne aidée. Je souhaite donner un nouveau souffle à la stratégie Aidants, que les récents soubresauts démocratiques ont mise à mal : un comité de suivi aura lieu avant la fin de l'année.

Dans une logique de convergence sociale et d'égalité de traitement, je serai favorable à l'extension de l'assurance vieillesse des aidants à Mayotte.

Les différents ajouts à la trajectoire initiale de la branche autonomie aboutissent à une hausse des dépenses de 2,6 milliards d'euros, au lieu de 2,4 milliards, en intégrant l'effort sur les concours. J'assume ces investissements nécessaires pour la fusion des sections et le développement de l'offre. Mais cela ne nous dispense ni de réaliser des efforts d'efficience ni de poursuivre le travail sur la combinaison de la responsabilité individuelle et de la socialisation du risque. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC, sur de nombreuses travées des groupes Les Républicains et INDEP et sur quelques travées du RDPI) Depuis un quart de siècle que les PLFSS existent, aucun probablement n'a comporté des enjeux aussi importants que celui-ci.

La situation des finances publiques, et particulièrement des finances sociales, connaît une dégradation sans précédent hors période de crise. Le déficit de la sécurité sociale était annoncé à 18 milliards d'euros il y a quelques heures, mais, désormais, il serait plutôt supérieur à 19 milliards d'euros...

Les débats budgétaires de cet automne ont lieu sous la surveillance de l'Union européenne et des marchés financiers, alors que la France est à nouveau sous procédure de déficit excessif. Les pouvoirs publics doivent envoyer un message clair de maîtrise des comptes. Pour les marchés, la situation présente n'a rien de dramatique ; mais il en irait autrement si ceux-ci avaient l'impression que nous perdons le contrôle de nos finances.

L'autorisation pour la sécurité sociale de s'endetter ne peut figurer que dans une LFSS - elle est inscrite à l'article 13 du texte qui nous est soumis. Le rejet du PLFSS relèverait donc de l'aventurisme juridique et financier.

Le Gouvernement propose des mesures de redressement d'une ampleur considérable, à hauteur de 12,4 milliards d'euros pour la seule sécurité sociale. Mais même un tel effort ne suffira pas à ramener le déficit sur la trajectoire prévue il y a un an.

Ce PLFSS, compte tenu notamment de ses conditions d'élaboration, n'a pas vocation à réaliser des réformes structurelles.

Mme Laurence Rossignol.  - C'est sûr...

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Il comporte donc des mesures essentiellement paramétriques.

La commission des affaires sociales a suivi plusieurs fils rouges : ne pas dégrader un solde déjà préoccupant, ce qui suppose des efforts de tous ; répartir cet effort de manière équitable ; préserver l'emploi et les petites retraites ; enfin, soulager les finances des établissements de santé et des collectivités territoriales.

Certaines des modifications que nous proposons dégradent le solde, d'autres l'améliorent ; l'effet global est neutre.

La plus importante mesure du texte sur le plan financier est la réforme des allégements généraux de cotisations patronales, qui doit améliorer le solde public de 4 milliards d'euros. Cette augmentation reposerait notamment sur les salariés proches du Smic. Nos calculs montrent que cette disposition détruirait 50 000 emplois. La commission a donc adopté deux amendements pour que les allégements actuels ne diminuent pas au niveau du Smic, afin de préserver l'emploi.

La deuxième mesure la plus importante est le report de la revalorisation des retraites, qui doit améliorer le solde public de 3,6 milliards d'euros. Il nous paraît nécessaire d'épargner les petites retraites : Pascale Gruny, rapporteur de la branche vieillesse, vous présentera un amendement instaurant une revalorisation différenciée - toutes les retraites seraient revalorisées au 1er janvier, les petites bénéficiant d'un coup de pouce en juillet.

Le Gouvernement prévoit d'augmenter le taux de cotisation à la CNRACL pour un gain de 2,3 milliards d'euros. Je défendrai un amendement au rapport annexé remplaçant cette augmentation de trois fois quatre points par une augmentation de quatre fois trois points, pour étaler davantage l'effort demandé aux collectivités territoriales et aux hôpitaux.

Nous comptons aussi sur un geste du Gouvernement pour aider les Ehpad et les départements en matière d'aide à domicile.

La sagesse semble également commander de ne pas baisser de dix points le ticket modérateur sur les consultations médicales.

Toutes ces mesures coûtent environ 3 milliards d'euros. Nous devons donc trouver 3 milliards d'euros de recettes ou de moindres dépenses. Plusieurs leviers sont utilisés, dont la fiscalité comportementale et un renforcement des ambitions en matière de lutte contre la fraude et les actes redondants.

Mme Nathalie Goulet.  - Bravo !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Nous proposerons enfin une contribution de solidarité par le travail, reposant sur sept heures de travail supplémentaires par an, dans une forme à définir librement par les acteurs de terrain. Il ne s'agit donc pas de supprimer un jour férié, comme on l'entend parfois. (On ironise à gauche.)

Mme Corinne Féret.  - Ça revient au même...

Mme Annie Le Houerou.  - Travailler plus pour gagner moins !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Il s'agit d'assurer le financement à long terme de la branche autonomie et, dans l'immédiat, de financer des dépenses nouvelles, comme la réforme de la prise en charge des fauteuils, annoncée par le Président de la République.

Ce PLFSS ne fait que répondre à l'urgence. Or, ce qu'il faut, c'est ramener les finances sociales à l'équilibre. La trajectoire inscrite dans le rapport annexé, qui prévoit un déficit de 20 milliards d'euros en 2028, n'est qu'une prévision sur la base des mesures connues ou prévues. Je défendrai un amendement pour préciser ce point.

Revenir à l'équilibre implique des réformes structurelles. On ne peut pas, chaque année, réduire des droits. Nous devons rendre notre système plus efficient par des réformes de fond. C'est la condition pour réaliser de nouveaux transferts de dette à la Cades. Le transfert de sommes importantes impliquera de repousser l'échéance d'amortissement au-delà de 2033, par une disposition organique.

Ce qui compte avant tout, c'est le maintien de notre protection sociale au plus haut niveau. Nous ne l'assurerons pas si nos finances publiques cessent d'être soutenables. Nous devons donc être prudents et faire preuve de courage. Ce sera certainement douloureux, mais le pire serait de ne pas avoir la volonté et le courage de faire des propositions à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du RDPI)

Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales pour la branche assurance maladie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Parlons clair : la situation de la branche maladie est franchement préoccupante, avec un déficit projeté de 13,4 milliards d'euros après une dégradation du solde pour 2024 de plus de 6 milliards d'euros par rapport à la prévision.

L'horizon d'un retour à l'équilibre s'éloigne, nous rendant vulnérables aux chocs conjoncturels et affectant notre capacité à relever les défis qui sont devant nous, alors que la santé demeure l'une des préoccupations prioritaires, sinon la préoccupation prioritaire, des Français.

Le Gouvernement nous informe que la situation pour 2024 serait plus dégradée encore que ce qui était anticipé. Au pied du mur, nous n'avons d'autre choix que de tenir compte de ces nouvelles données.

À 264 milliards d'euros, l'Ondam serait l'année prochaine en hausse de 2,6 % par rapport à l'exécution 2024. Cette projection imposera un niveau d'économies sans précédent, notamment sur les soins de ville et les produits de santé. L'exercice ne paraît toutefois pas impossible : entre 2015 et 2019, l'Ondam a progressé en moyenne de 2,4 % par an.

N'adhérant pas à plusieurs sous-jacents de cet Ondam, la commission défendra des positions fermes, qu'elle souhaite voir prises en considération par le Gouvernement pour rééquilibrer le PLFSS.

Ainsi, nous proposerons de lisser la hausse des cotisations à la CNRACL sur une durée plus longue, afin de tenir compte des besoins de financement des établissements.

Par ailleurs, nous voulons limiter autant que possible la hausse du ticket modérateur sur les consultations de médecins et de sages-femmes, qui constitue un report de charges vers les assurés.

La situation, alarmante, exige une mobilisation collective pour le redressement financier dans un horizon raisonnable, sans sacrifier les nécessités du présent. C'est à la recherche de cet équilibre délicat que nous invite ce PLFSS.

Parce qu'il réclame à tous des efforts considérables, l'inaction face à la fraude sociale et à l'inefficience de la dépense serait coupable. La commission a donc adopté deux amendements visant à sécuriser la carte Vitale et à organiser une meilleure articulation avec les complémentaires santé. Elle a également entendu limiter les actes redondants par la consultation et l'alimentation du dossier médical partagé (DMP).

La commission s'est également montrée attentive aux inquiétudes des professionnels de santé et des patients. Attachée à l'exercice conventionnel, elle proposera de supprimer les dispositions qui autorisent de façon pérenne le Gouvernement ou l'assurance maladie à décider unilatéralement de baisses de tarif. De telles mesures doivent être exceptionnelles et autorisées par le Parlement.

La commission souhaite aussi recentrer la procédure d'accompagnement à la pertinence des prescriptions sur les produits et les actes pour lesquels elle est la plus utile. Il serait inacceptable de réduire le temps médical disponible par l'ajout de formalités inutiles.

La commission formulera également des propositions pour améliorer l'anticipation et la gestion des pénuries de médicaments, qui continuent de s'aggraver deux ans après le lancement de la commission d'enquête sénatoriale.

Enfin, la régulation des dépenses d'intérim des personnels paramédicaux réinstaurera de l'équité dans les équipes soignantes. La commission souhaite que cette mesure soit appliquée de façon homogène, y compris dans le secteur privé. Il convient, en parallèle, de poursuivre le relèvement des quotas de formation des infirmiers, pour desserrer la tension sur les ressources humaines des établissements.

La définition d'une stratégie de financement à la fois crédible et soutenable est désormais impérative. Des arbitrages difficiles et des choix assumés sont nécessaires dès 2025. Le Sénat doit prendre toute sa part de ces efforts, en demeurant attentif aux besoins de santé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Solanges Nadille applaudit également.)

Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche vieillesse .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.) La branche vieillesse connaît en 2024 une aggravation brutale de son déficit, à 6,3 milliards d'euros, du fait de la revalorisation des pensions de 5,3 % - l'inflation pour 2023 - au 1er janvier.

Plus globalement, le solde de la branche vieillesse resterait fortement déficitaire dans les années à venir, en raison de l'augmentation du nombre de retraités et de la baisse de la population active. La réforme des retraites devrait rapporter 8 milliards d'euros en 2028, mais ses effets ne seront pas suffisants pour rétablir l'équilibre. Je crains donc que nous ne soyons contraints d'adopter d'autres réformes, sans quoi la survie de notre système par répartition ne sera pas acquise.

La trajectoire actuelle n'est pas tenable. Je salue donc les mesures de redressement inscrites dans ce texte, qui modifient les projections pour les années à venir. Nous devons assainir nos finances pour ne pas porter préjudice aux générations futures et préserver nos acquis sociaux.

Nous avons un effort collectif à faire, mais il doit être équitablement réparti. C'est pourquoi la commission propose que, exceptionnellement, les pensions de retraite ne soient revalorisées au 1er janvier que de la moitié de l'inflation. Mais nous voulons protéger de l'inflation les plus faibles retraites : celles qui sont inférieures au Smic bénéficieront donc d'une seconde revalorisation, au 1er juillet, sur l'intégralité de l'inflation, avec rattrapage du premier semestre. (Mme Raymonde Poncet Monge manifeste son hostilité au dispositif.)

Le ratio démographique très défavorable de la CNRACL la place dans une situation difficile. La hausse prévue des cotisations employeurs serait de quatre points par an en 2025, 2026 et 2027. Alors que les finances des collectivités et des établissements hospitaliers sont exsangues, l'effort demandé doit être tenable. Je m'associe donc à la proposition d'étalement de cette hausse, qui serait de quatre fois trois points au lieu de trois fois quatre points. Je formule également le souhait que la dette de la CNRACL soit rachetée par la Cades.

Enfin, ce PLFSS contient la réforme, très attendue, du calcul de la retraite de base des non-salariés agricoles sur les vingt-cinq meilleures années d'assurance. Adoptée par le Parlement sur l'initiative du député Julien Dive, elle doit entrer en vigueur au 1er janvier 2026. Je souhaite que cet engagement soit tenu.

Le Sénat avait adopté à l'unanimité une proposition de loi de Philippe Mouiller dont j'étais rapporteur. (Marques d'assentiment à droite) Nous proposions de maintenir le calcul selon un système de points se substituant aux revenus en fonction d'un barème redistributif. Le PLFSS prévoit une solution différente, fondée sur les vingt-cinq meilleures années ; elle nous semble satisfaire nos objectifs, quoiqu'elle soit plus complexe. Cette option exclura les mauvaises années de récolte et augmentera la retraite des polypensionnés. Les monopensionnés aux revenus les plus faibles ne seront pas perdants.

La Mutualité sociale agricole (MSA) indique qu'elle pourra appliquer la réforme aux pensions liquidées à compter du 1er janvier 2026. Je souhaite que cela soit acté.

Efforçons-nous de concilier réduction des dépenses et protection du pouvoir d'achat de nos concitoyens les plus fragiles. Il y va du maintien de notre système de retraite par répartition. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du RDPI ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit également.)

M. Olivier Henno, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche famille .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains) En quatre ans, l'excédent de la branche famille a disparu, alors même qu'aucune réforme structurelle d'ampleur n'a été menée. La branche devrait même être en déficit, de 500 millions d'euros, en 2026. Dans ces conditions, la commission s'interroge sur la capacité de la branche à répondre aux nombreux défis qui sont face à elle.

Réduit de 2 milliards d'euros par le transfert du financement des indemnités journalières des congés paternité et maternité post-naissance, le solde ne laisse pas des marges de manoeuvre suffisantes pour réaliser les réformes attendues par les professionnels et les familles. Reste que, dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, la hausse des dépenses de plus de 1,8 milliard d'euros par rapport à l'année dernière doit être soulignée. Ce dynamisme n'est toutefois pas le résultat de nouvelles mesures, mais la traduction de réformes importantes qui entreront en vigueur l'année prochaine, notamment celle du CMG « emploi direct ».

Il est aussi le résultat d'un effort appréciable sur les prestations extralégales finançant les accueils collectifs. Le fonds national d'action sociale augmenterait ainsi ses dépenses de 9,9 % en 2025, pour accompagner la mise en place du service public de la petite enfance.

Bref, pas de mesure nouvelle et pas de ponction : c'est mieux que si c'était pire, comme on dit dans le Nord... (Sourires)

Nous alertons le Gouvernement sur l'incertitude qui règne dans nos collectivités autour du financement des nouvelles compétences dévolues aux communes en la matière. Je présenterai deux amendements visant à sécuriser le paiement des salaires des assistantes maternelles et à obliger le Gouvernement à revoir chaque année par décret le plafond de tarif horaire des microcrèches.

La profession d'assistantes maternelles connaît une grave crise d'attractivité. Il est crucial de sécuriser cette profession, qui constitue le premier mode d'accueil de la petite enfance dans bien des territoires.

L'absence de mesure nouvelle ne doit pas être synonyme d'année perdue. Reprenons les travaux sur les réformes structurelles nécessaires à la relance de la natalité : création d'un véritable congé de naissance, réforme du financement des établissements d'accueil du jeune enfant, universalité des allocations familiales. Ce ne sont pas les chantiers qui manquent ! Le Sénat a avancé des propositions sur ces sujets au cours des dernières années.

En ce qui concerne la petite enfance, les récents scandales doivent nous faire réagir. Le Sénat formulera prochainement des recommandations pour améliorer le contrôle des crèches. Mais l'amélioration de la qualité de l'accueil passe aussi par une remise à plat des modalités de financement.

La politique familiale ne doit pas être une variable d'ajustement des politiques sociales. Alors que le désir d'enfants des Françaises et des Français serait de 2,4, l'indice conjoncturel de fécondité s'est établi en 2023 à 1,68, du jamais-vu ou presque depuis la Seconde Guerre mondiale. On est loin du réarmement démographique, pour reprendre une formule du Président de la République... Lisez Les Batailles de la natalité, de Julien Damon : il faut une ambition familiale refondée ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; Mme Solanges Nadille applaudit également.)

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure de la commission des affaires sociales pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce PLFSS marque la fin d'une ère pour la branche AT-MP. Abonnée aux excédents depuis plus de dix ans, elle connaîtra un exercice 2025 à l'équilibre avant de plonger dans une situation légèrement, mais durablement, déficitaire.

Cette situation résulte d'une faible dynamique des recettes conjuguée à des dépenses qui continuent de progresser, du fait du poids croissant des transferts et d'améliorations notables en matière de réparation et de prévention.

Saluons l'ébauche du virage préventif tant attendu par les partenaires sociaux et notre commission : montée en charge des mesures adoptées lors de la dernière réforme des retraites et hausse des moyens du fonds national pour la prévention des accidents du travail. Mais l'effort reste bien insuffisant pour atteindre 7 % des dépenses de la branche consacrées à la prévention, objectif fixé par la mission d'information dont Mme Le Houerou et moi-même avons été les rapporteures. C'est toutefois un premier progrès.

Des revalorisations ambitieuses sont prévues pour l'indemnisation des victimes d'incapacité permanente, conformément à l'accord national interprofessionnel (ANI) de 2023. Les partenaires sociaux ont su maintenir le dialogue pour aboutir à une politique de réparation plus juste. La rente viagère et l'indemnité en capital présenteront désormais une nature duale : une part fonctionnelle s'ajoutera à la part professionnelle, avec, à la clé, une revalorisation pour tous les futurs bénéficiaires.

La commission soutient ces dispositions mais appelle à ménager un équilibre spécifique pour les victimes de faute inexcusable de l'employeur, en renforçant leur indemnisation de court terme. Nous souhaitons également impliquer davantage les associations de victimes dans la conception des mesures d'application de la réforme. Enfin, comme l'année dernière, nous appelons le Gouvernement à retranscrire sans délai le reste de l'ANI, pour que les mesures ambitieuses prévues en matière d'aide humaine et de prévention ne soient pas mises de côté plus longtemps.

La trajectoire proposée prévoit un effort considérable pour la réparation et la prévention : je vous invite donc à adopter l'objectif de dépenses de la branche, fixé à 17 milliards d'euros.

Les transferts sont les principaux responsables de la dégradation de la situation : 1 euro sur 6 perçus par la branche est reversé à d'autres entités. Le transfert à la branche maladie sera porté à 2 milliards d'euros à l'horizon 2027, afin de suivre la hausse du coût de la sous-déclaration. Le président de la commission ad hoc m'a donné des garanties sur la sincérité de son mode de calcul, qui prend en compte la surdéclaration.

La branche s'apprête à fournir un effort inédit, tout en continuant d'agir pour la prévention et la réparation. La commission ne proposera donc pas cette année de réduire le transfert au titre de la sous-déclaration. Toutefois, la branche AT-MP n'ayant pas à servir de variable d'ajustement, la commission s'opposera, à l'avenir, à toute augmentation des cotisations AT-MP induite par la hausse de ce transfert.

La dotation au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) représentera près d'un demi-milliard d'euros, soit un doublement en deux ans. Dans ce contexte, je regrette que l'État n'ait pas augmenté sa subvention, bien que celle-ci soit loin de couvrir les dépenses qu'il est censé prendre en charge. J'appelle à nouveau solennellement le Gouvernement à rééquilibrer l'effort financier en faveur du Fiva. Faute de quoi, je déposerai des amendements en ce sens l'année prochaine. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, sur des travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Chantal Deseyne, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche autonomie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce PLFSS s'évertue à préserver la branche autonomie. L'objectif de dépenses est fixé à 42,4 milliards d'euros, en hausse de 6 % ; il intègre une hausse de 4,7 % à champ constant du sous-Ondam relatif aux établissements et services médico-sociaux.

Ce dynamisme permettra notamment de financer la montée en charge de mesures récentes. Ainsi, 6 500 recrutements sont prévus dans les Ehpad, avec un fonds de 140 millions d'euros pour la transformation des établissements et le soutien aux Ehpad ultramarins. Le fonds d'urgence de 100 millions d'euros pour les établissements et services en difficulté ne sera pas prolongé. Certes, un fonds d'urgence n'a pas vocation à perdurer, mais restons vigilants.

Dans le champ du handicap, peu d'annonces ont été faites. Quelque 15 000 nouvelles solutions médico-sociales devraient être créées dans le cadre du plan de création de 50 000 solutions à l'horizon 2030.

Par ailleurs, plusieurs mesures récentes seront mises en oeuvre dans le secteur de l'aide à domicile. En particulier, les 100 millions d'euros prévus par la loi Bien vieillir » seront déployés, permettant aux départements de soutenir la mobilité des aides à domicile.

Seul un article relève de la cinquième branche : à partir du 1er janvier, dans les départements volontaires, les sections « soins » et « dépendance » seront fusionnées. Le Gouvernement propose de porter de 20 à 23 le nombre de départements autorisés à prendre part à l'expérimentation. Compte tenu de l'engouement suscité, c'est une bonne nouvelle - même si certains départements seront malgré tout écartés. Cette simplification est très attendue et je vous proposerai de réduire la durée de l'expérimentation de quatre à deux ans.

Les perspectives financières de la branche autonomie se détériorent. La dernière LFSS prévoyait un solde positif ou équilibré jusqu'en 2027, mais les nouvelles prévisions sont plus pessimistes : la branche serait déficitaire de 400 millions d'euros dès l'année prochaine et de 2,5 milliards en 2028.

Le statu quo n'est pas envisageable, d'autant qu'un grand nombre d'établissements et services médico-sociaux sont déjà en difficulté et que les départements sont exsangues. Nous ne pouvons donc que saluer les 200 millions d'euros annoncés pour que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) couvre mieux les dépenses d'APA et de PCH.

Dans cinq ans, la génération du baby-boom aura 85 ans : cela nous laisse peu de temps pour répondre aux grands enjeux du virage domiciliaire, de la prévention et de l'attractivité des métiers.

Nous proposons une première solution, consistant à mettre en place une contribution de solidarité par le travail, pour 2,5 milliards d'euros.

Mme Pascale Gruny, rapporteur pour la branche vieillesse.  - Très bien !

Mme Chantal Deseyne, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche autonomie.  - De quoi poser les jalons d'une réforme structurelle - pourquoi pas dans le cadre de la loi Grand Âge si souvent promise ? Une partie des recettes pourraient contribuer au remboursement des aides techniques destinées aux personnes en situation de handicap ; au Gouvernement d'en décider.

Malgré l'effort consenti dans ce PLFSS, la question de l'avenir de la branche autonomie demeure entière. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes INDEP et UC ; Mme Catherine Conconne applaudit également.)

M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis de la commission des finances .  - (Mme Jocelyne Guidez applaudit.) La commission des finances a rendu un avis favorable à ce PLFSS, sous réserve des modifications en séance.

Le Gouvernement hérite d'une situation dont il ne peut être tenu responsable. (On se gausse à gauche.)

Mme Émilienne Poumirol.  - Un peu quand même...

Mme Laurence Rossignol.  - C'est le même !

M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis.  - Il propose des mesures de redressement significatives, en recettes comme en dépenses. Seront-elles suffisantes ? Probablement pas.

Depuis 2020, la situation des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du FSV s'était légèrement redressée. Or le PLFSS anticipe une forte aggravation du déficit cette année, à 18 milliards d'euros, 7,5 milliards de plus que la prévision.

D'une part, les recettes seraient inférieures de 6,6 milliards d'euros aux anticipations, fondés sur des hypothèses macroéconomiques trop optimistes - comme d'habitude...

D'autre part, les dépenses sont plus fortes qu'attendu ; l'Ondam « soins de ville » est dépassé de 1,2 milliard d'euros. La revalorisation des prestations de 5,3 %, en raison de l'inflation, a coûté 15,6 milliards.

Ce déficit est lié aussi à des hausses de dépenses non financées. Le Ségur de la santé représente un surcoût de 13 milliards d'euros par an. Décider de dépenses nouvelles sans prévoir leur financement est irresponsable !

Le Gouvernement anticipe un déficit de 16 milliards d'euros, inférieur de 2 milliards à celui de 20204. Il présente à cette fin des mesures intéressantes, tant en dépenses qu'en recettes.

Du côté des recettes, malgré une moindre progression liée au ralentissement de la croissance de la masse salariale - dont l'estimation me paraît néanmoins optimiste -, la hausse résulte notamment de la refonte des allègements généraux de cotisations sociales, dont l'effet sur l'emploi devra être minimisé.

L'augmentation du taux de cotisation employeur à la CNRACL pèsera sur les comptes des collectivités territoriales. Par ailleurs, au titre de la compensation démographique, la caisse devra verser en 2025 près de 500 millions d'euros aux autres régimes de retraite. Est-il normal de ponctionner un régime en déficit et de demander aux collectivités de cotiser plus pour d'autres régimes ? Un compromis plus acceptable doit être trouvé. Notre commission propose une piste intéressante.

Quant aux dépenses, elles ne devraient augmenter que de 2,8 %. Cet objectif est volontariste, pour ne pas dire optimiste. Des mesures d'économies sont certes proposées sur l'Ondam, pour 1,6 milliard d'euros. Le solde de la branche vieillesse devrait être contenu par rapport à cette année, grâce au report de la revalorisation des retraites.

J'ai choisi de m'intéresser plus particulièrement au poids des retraites dans la dépense publique. Dans la plupart des régimes, les cotisations ne sont pas suffisantes pour couvrir les pensions. S'agissant des fonctionnaires, l'État augmente artificiellement chaque année les taux de cotisation « employeur » pour combler les déficits. Un même système est appliqué à la CNRACL. Une présentation unifiée de ces éléments serait nécessaire, comme le recommande aussi Sylvie Vermeillet.

Mme Nathalie Goulet.  - Excellente idée !

M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis.  - On doit malheureusement anticiper la poursuite de la dégradation du déficit de la sécurité sociale, qui devrait atteindre 20 milliards d'euros en 2028, et sans doute davantage en l'absence de réformes majeures. Or, sans loi organique, aucune nouvelle reprise de dette par la Cades n'est possible. Une réflexion de fond s'impose sur la gestion de la dette sociale, afin d'en programmer la disparition : faire supporter par les générations futures le poids de la couverture sociale actuelle n'est ni normal ni moral. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC) Les députés n'ayant pu achever le débat dans le délai imparti, le Sénat sera donc la seule chambre à se prononcer en première lecture sur l'ensemble du texte. Travaillons à un PLFSS exigeant.

Le déficit prévu pour 2025 s'élève à 16 milliards d'euros. En outre, un risque de dépassement de l'Ondam pour 2024, de 1,2 milliard d'euros, a été annoncé à la fin de la semaine dernière. Convenez que c'est bien tard pour apprendre pareille nouvelle... Je salue néanmoins la transparence et la franchise de nos échanges avec le Gouvernement, qui tranchent par rapport à la période précédente.

La commission des affaires sociales s'est fixé une ligne exigeante. Nous ne souhaitons pas dégrader le solde proposé par le Gouvernement, car la crédibilité de la France est en jeu.

Avec aussi peu de temps pour préparer ce texte, tenir le budget impliquait de demander des efforts. Nous suivons les ministres sur cette ligne, mais la commission proposera de mieux répartir ces efforts. Ils doivent être l'affaire de tous : retraités, salariés, employeurs, entreprises, assurés, professionnels et, bien sûr gestionnaires de caisse. Nous devons veiller aussi à ne pas mettre l'emploi en danger.

Cette feuille de route se traduit par des choix forts.

Nous acceptons le principe d'une maîtrise du coût des allègements généraux, qui ont augmenté de 20 milliards d'euros en trois ans. La commission présentera des amendements qui, sans trop dégrader le rendement attendu, préserveront autant que possible l'emploi.

La contribution de solidarité par le travail que nous proposons, de sept heures par an, fera débat. Nous sommes conscients des difficultés, mais il nous paraît important de tracer ce chemin.

Nous souhaitons aussi l'étalement de la hausse des cotisations patronales à la CNRACL, compte tenu des tensions déjà très fortes sur les établissements de santé et les collectivités territoriales.

Je souhaite que le Sénat adopte le PLFSS et qu'il soit possible de parvenir à un accord avec les députés en commission mixte paritaire. Nous partons sur des bases plus claires, plus sincères que par le passé, et le Sénat aura sans doute une influence plus forte qu'à l'accoutumée sur le texte final.

Après le temps de l'ajustement paramétrique devra venir celui des réformes qui, seules, permettront de dépenser mieux et d'améliorer les services fournis. Je pense en particulier à la réforme de l'hôpital, à la prévention, au grand âge et à la famille. Car nous ne pouvons nous contenter de demander des efforts à nos concitoyens : nous devons aussi leur ouvrir des perspectives. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC et du RDPI)

Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président

Exception d'irrecevabilité

M. le président.  - Motion n°1264 de Mme Rossignol et du groupe SER.

Mme Laurence Rossignol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.) Le groupe SER ne pratique pas la motion de procédure systématique ; le plus souvent, nous préférons débattre. Nous vous demandons néanmoins de renvoyer ce PLFSS à l'Assemblée nationale.

Nous ne pouvons pas examiner sereinement ce texte qui nous vient de nulle part, les députés n'ayant pu en achever l'examen. La procédure retenue a abouti à enjamber purement et simplement l'Assemblée nationale. Ce n'est conforme ni à nos institutions, ni au parlementarisme ni à l'exercice de la souveraineté nationale.

Que s'est-il passé à l'Assemblée nationale ? En commission, les deux premières parties ont été rejetées, ce qui est peu banal. En séance, la deuxième a été adoptée moyennant plusieurs amendements, augmentant de 17 milliards d'euros les recettes de la sécurité sociale, soit 2,5 % de ses ressources. Nous sommes loin de la folie fiscale...

La folie, c'est de continuer à laisser filer les déficits, jusqu'à confier au privé ce qui relève des finances publiques. La folie, c'est augmenter le ticket modérateur. La folie, c'est de s'en prendre aux malades et aux retraités. La folie, c'est un Ondam hospitalier à 0,3 %, déduction faite de la hausse des cotisations à la CNRACL et de l'inflation.

La raison, c'est de garantir des ressources à notre système de protection sociale pour le ramener à l'équilibre.

À l'Assemblée nationale, la gauche a fait preuve de responsabilité en retirant de nombreux amendements pour que les débats tiennent dans le temps imparti. Mais une association de malfaisants, le fameux socle commun - dont on ne sait ni de quoi il est le socle ni ce que les gens qui le constituent ont en commun -, a multiplié les manoeuvres dilatoires pour éviter tout vote global. Le 5 novembre, à minuit, alors que, de jurisprudence constante, le Gouvernement aurait pu prolonger le débat jusque tard dans la nuit, le Gouvernement a mis fin à l'examen du texte, sans vote. (Mme Émilienne Poumirol renchérit.)

En cas de 49.3, le Gouvernement engage sa responsabilité : il prend le risque de la censure. En choisissant l'article 47-1 de la Constitution, il n'a pris aucun risque pour lui-même, mais a fait prendre tous les risques à la sécurité sociale et à la démocratie.

Une autre voie était possible : la coconstruction. (M. Laurent Burgoa s'exclame.) Le Premier ministre avait dit que le texte était perfectible, mais n'a jamais sollicité les députés pour le modifier réellement. L'apparence de main tendue n'a été qu'un coup de main au président du groupe Les Républicains, qui a annoncé que le gel des retraites serait un peu amodié - mais maintenu tout de même.

Faut-il se réjouir que seul le Sénat adopte le PLFSS ? L'Assemblée nationale ne peut être contournée sans que la souveraineté nationale le soit aussi. Le Gouvernement nous donne un rôle qui n'est pas le nôtre et qui n'est pas conforme à la Constitution.

Pensez-vous que la démocratie se porte si bien qu'on puisse la nier ? Nous devons au contraire, plus que jamais, nous montrer exemplaires ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

M. Patrick Kanner.  - Bravo !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Je ne comprends guère les arguments avancés à l'appui de cette motion...

Mme Laurence Rossignol.  - Je peux recommencer ...

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Nous entendons les arguments, mais n'y adhérons pas.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - C'est autre chose !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Les auteurs de la motion déplorent que le rapport annexé n'affiche pas de trajectoire de retour à l'équilibre. J'ai déposé un amendement, le n°137, pour préciser ce point. Ce n'est pas une programmation, mais une prévision, qui ne tient pas compte des mesures futures.

Nous aurions préféré, nous aussi, que l'Assemblée nationale aille au bout de l'examen du texte, et sans doute le Gouvernement aussi.

Mme Laurence Rossignol.  - Ce n'est pas notre sentiment...

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Le Gouvernement en avait les moyens !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Il faut que le débat ait lieu au Sénat. Que se passerait-il si la motion était votée ? Nous n'aurions pas de PLFSS. Avis défavorable.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Ce n'est pas la faute du Gouvernement si les débats ne sont pas allés à leur terme. (On le conteste vivement à gauche.)

Mme Laurence Rossignol.  - Vous n'étiez pas obligé de demander la suspension à minuit pile !

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Le nombre d'amendements restant en discussion - plus de 450 - était trop important pour achever l'examen dans les délais constitutionnels.

Mme Laurence Rossignol.  - Il en restait 240.

Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement.  - 424 !

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Le Gouvernement fait vivre le débat à l'Assemblée nationale, puis au Sénat. D'un côté, vous nous reprochez d'avoir laissé traîner les débats à l'Assemblée nationale, de l'autre vous voulez écourter le débat au Sénat : c'est baroque...

Le Gouvernement dit, depuis le début, que ce texte est perfectible. Alors, débattons-en et n'empêchez pas la discussion au Sénat. Avis défavorable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Jean-Marie Vanlerenberghe et Xavier Iacovelli applaudissent également.)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Vous ne pouvez nier qu'une sorte de coalition s'est formée pour faire durer les débats. (M. Laurent Saint-Martin le dément.) Nous étions encore dans le temps constitutionnel imparti, il suffisait de quelques heures supplémentaires de séance.

À cause de l'article 40, nous voilà contraints de commenter le « c'est bien, parce que ça aurait pu être pire » de la commission. Non, votre copie n'est pas meilleure que celle du Gouvernement. Vous vous contentez de substitutions qui font toujours contribuer le facteur travail, alors que les députés de l'Assemblée nationale avaient voté de nombreuses mesures faisant contribuer le capital...

M. Laurent Burgoa.  - Nous y voilà !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - L'économie générale du texte qui nous arrive aurait pu être différente. Et nous sommes impuissants à la modifier, car on nous sort les articles 40, 41, 45, 38...

Vous avez sciemment empêché l'Assemblée nationale de conclure. Nous demandons donc que le texte lui soit renvoyé. (MmeÉmilienne Poumirol et Cathy Apourceau-Poly applaudissent.)

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - On ne peut pas laisser dire n'importe quoi ! Affirmer que le Gouvernement aurait empêché la tenue des débats à l'Assemblée nationale est mensonger. Le député Jérôme Guedj a déposé une motion dont nous avons débattu durant des dizaines de minutes et l'a retirée juste avant le vote. Voilà une perte de temps ! (Mme Émilienne Poumirol proteste.) À aucun moment, le Gouvernement n'a ralenti ou empêché les débats à l'Assemblée nationale.

Mme Laurence Rossignol.  - Et sa majorité ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Le Gouvernement n'est pas d'accord avec tout ce qui a été adopté à l'Assemblée nationale, mais il est faux de dire que le texte présenté ici est le même qu'à l'Assemblée nationale : des amendements émanant de l'ensemble des groupes politiques, dont le vôtre, ont été repris. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Bernard Jomier.  - Les conditions d'examen de ce texte sont instables : les données financières continuent d'être modifiées par amendement du Gouvernement, alors que la commission a démarré ses travaux ; nous démarrons nos débats, alors qu'il n'a pas encore été statué sur toutes les irrecevabilités. C'est votre droit, mais ce n'est pas bon pour la démocratie, comme l'a souligné Laurence Rossignol.

La chambre des territoires est très importante, mais ce n'est pas la chambre du peuple et nous ne nous substituerons pas à celle-ci, car je respecte l'assemblée issue du suffrage universel. Vous ne l'avez pas respectée, parce que le socle commun qui vous soutient a habilement manoeuvré.

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Qui a déposé des amendements ?

M. Bernard Jomier.  - C'est en étant clair et honnête que l'on renforce la démocratie ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Silvana Silvani applaudit également.)

Mme Céline Brulin.  - Les citoyens peuvent juger de la manière dont les débats ont été conduits. La majorité sénatoriale piaffe d'impatience à l'idée de débattre de ce texte, pensant qu'il sera le sien -  puisque le Gouvernement est en grande partie le sien.

Le Premier ministre a laissé entendre qu'il utiliserait le 49.3 pour le PLF ; qu'en sera-t-il du PLFSS ? Quelles garanties avons-nous que nos votes figureront dans le texte final ?

Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée.  - Il faut attendre la CMP pour le savoir.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - Je suis troublée d'entendre qu'il y aurait eu un complot pour écourter les débats à l'Assemblée. Les débats ont été nourris et de nombreux amendements ont été repris dans le texte. (Mme Émilienne Poumirol s'exclame.)

Je suis navrée d'entendre que les chiffres ont changé. (Mme Annie Le Houerou s'exclame.) Nous avons été alertés, à la fin de la semaine dernière, sur une minoration de 1,2 milliard d'euros des recettes et avons choisi de l'intégrer immédiatement, par souci de sincérité -  cela fait partie de mes valeurs.

Et je suis meurtrie par l'expression « association de malfaisants » : certains mots ne devraient pas être prononcés ici. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI)

M. Daniel Chasseing.  - Il est curieux de contester ce PLFSS au regard de la situation très difficile de notre pays.

M. Laurent Burgoa.  - Bravo !

M. Daniel Chasseing.  - Nous devons, chaque année, débourser 55 milliards d'euros pour rembourser la dette ! Il faut changer de trajectoire. Le déficit de la sécurité sociale sera de 16 milliards d'euros, mais la santé sera financée, les petites retraites revalorisées et tous les engagements pris, honorés. Les propositions des rapporteurs sont constructives : soutenons-les.

Nous devons sauver la sécurité sociale créée par le Conseil national de la Résistance et ne pas laisser une dette ingérable à nos enfants. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

La motion n°1264 est mise aux voix par scrutin public ordinaire de droit.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°40 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption   98
Contre 242

La motion n°1264 n'est pas adoptée.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°922 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER) Le Gouvernement a fait un usage détourné de l'article 47-1 pour empêcher l'examen du texte à l'Assemblée nationale, car il sait que les Français sont hostiles au 49.3.

Il a aussi favorisé une obstruction systématique : les députés du socle commun ont déposé 1 200 des 2 300 amendements, rendant impossible un examen en vingt jours. Les rappels au règlement et les secondes délibérations se sont multipliés. Le Gouvernement, minoritaire, a donc pu transmettre au Sénat sa version initiale du texte, en intégrant les seuls amendements qui lui convenaient.

L'examen du texte à l'Assemblée nationale a été une véritable déroute pour le Gouvernement qui a accumulé défaites et défections. Les députés de gauche ont réussi à faire adopter près de 20 milliards d'euros de recettes nouvelles. Le Gouvernement a été battu sur les amendements portés par la gauche, mais aussi sur des amendements de ses propres troupes. Heureusement, vous pouvez compter sur vos soutiens au Sénat pour faire le sale boulot ! (Marques de désapprobation sur les travées du groupe Les Républicains) Tout est fait pour nous priver d'un débat démocratique sur un budget de 662 milliards d'euros.

Ce PLFSS est un budget d'austérité, dont deux tiers des économies reposent sur les assurés sociaux : baisse des retraites, des indemnités journalières, hausse des franchises.

Ce texte austère ne répond pas aux préoccupations de nos concitoyens : rien sur l'accès aux soins, rien sur la formation des professionnels, rien sur les urgences, rien sur les déserts médicaux, rien sur le contrôle des crèches privées lucratives, rien sur les morts au travail... C'est un texte déshumanisé : que des chiffres et des tableaux !

Le Gouvernement invisibilise les professionnels qui se donnent pourtant sans compter -  médecins, aides à domicile, infirmières, etc.

Vous invoquez le manque de temps, mais ces mesures ont été élaborées par Bercy depuis le printemps et figurent dans votre plan budgétaire et structurel à moyen terme transmis à Bruxelles.

Ce PLFSS 2025 ne dit rien des mauvais coups que prépare le Gouvernement : l'augmentation de plus de 12 points sur quatre ans du taux de cotisation employeur à la CNRACL, celle du ticket modérateur et la baisse des indemnités journalières. On l'apprendra par décret en janvier, en guise de voeux de bonne santé !

Comme chaque année, notre groupe défend une motion tendant à opposer la question préalable, car ce PLFSS est injuste, insuffisant et inefficace. Il ne reprend pas les amendements adoptés majoritairement à l'Assemblée nationale. Quel déni de démocratie !

Le Gouvernement prévoit une augmentation des dépenses de santé de 2,8 %. Hors inflation et hors CNRACL, la hausse n'est que de 0,6 %, à des années-lumière des besoins. La Cour des comptes estime ainsi que l'évolution naturelle devrait être de 4,5 % par an et pour la Fédération hospitalière de France (FHF) -  dont le président, Arnaud Robinet, n'est pas membre du Parti communiste, mais d'Horizons  - , il faudrait un Ondam à 4,2 %.

Le Gouvernement refuse d'entendre la souffrance des personnels et celle des patients -  dont 6 millions n'ont pas de médecin traitant et combien attendent des heures sur des brancards dans les couloirs des hôpitaux ? Le Gouvernement et sa majorité sénatoriale seront comptables de la destruction du service public de la sécurité sociale.

Les professionnels de santé désertent le secteur. Peut-on accepter qu'à Langres, les patients des urgences attendent sur le parking des ambulances ? (Mme Anne-Marie Nédélec s'exclame.) Et quid de la suppression de 45 000 lits d'hospitalisation en dix ans et de la fermeture de 42 % des maternités depuis 1995 ?

Le Gouvernement est sourd aux revendications des organisations syndicales, alors que les hôpitaux sont au bord de l'implosion, que la France est un désert médical à 85 % et que 66 % des Ehpad sont en déficit.

En revanche, le Gouvernement est à l'écoute des doléances du patronat. Le Medef refuse qu'on réduise les 80 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales, ni même qu'on les conditionne. La part des employeurs dans le financement du régime général est passée de 70 % en 1980 à 28 % en 2022, compensée par une part de CSG et un transfert de TVA. Les Français financeront la sécurité sociale à la place des entreprises en faisant leurs courses via la TVA et seront moins bien remboursés. Les trois quarts des efforts reposent sur les assurés sociaux !

Vous qui avez combattu une hausse de la CSG sur les retraites et voté une réforme des retraites qui ôte deux années de vie aux salariés (protestations sur les travées du groupe Les Républicains), que dites-vous aujourd'hui ? Qu'il faut baisser les retraites grâce à votre amendement à l'article 23 !

Le groupe CRCE-K vous appelle à voter sa motion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; MmeAnnie Le Houerou et Émilienne Poumirol applaudissent également.)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Nous ne sommes pas toujours d'accord, mais nous pourrons parfois nous rejoindre sur certains de vos amendements.

Certes, tout ne fonctionne pas bien, mais notre système de protection sociale est quand même exemplaire. Arrêtons de faire croire que tout va mal. Essayons plutôt de trouver des solutions, de faire le boulot -  et pas le « sale boulot » !

Ce PLFSS a été rédigé rapidement. La commission y apporte de la pondération : préservation des petites retraites, préservation des allègements au niveau du Smic...

Avis défavorable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Stéphane Fouassin applaudit également.)

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - J'entends votre opposition, mais l'Ondam hospitalier est en hausse de 3,1 %, ce n'est pas rien ! De 80 milliards d'euros en 2018, il est passé à 109 milliards. C'est un bond considérable, qui a permis la transformation de nos hôpitaux, avec le Ségur notamment. (Mme Émilienne Poumirol proteste.)

Oui, il y a des difficultés auxquelles on doit s'attaquer, mais beaucoup de choses fonctionnent très bien dans nos hôpitaux. Il faut le dire, car ces discours déclinistes désespèrent les soignants. Nos patients sont bien pris en charge.

La destruction de lits doit être mise en perspective avec l'essor de l'ambulatoire. Désormais, on ne parle plus en lits, mais en places.

Nous tenons à l'hôpital et voulons le conforter.

Mme Annie Le Houerou.  - Il n'est pas dans les habitudes du groupe SER de voter les questions préalables, car nous aimons le débat. Mais pour toutes les raisons développées par Laurence Rossignol et Cathy Apourceau-Poly et compte tenu de l'absence de toute mesure structurante sur l'accès aux soins, les déserts médicaux, la qualité des soins, le grand âge, la santé mentale et la prévention, ce texte comptable est loin de la justice sociale que nous défendons et nous voterons la motion du groupe CRCE-K.

Mme Silvana Silvani.  - Entendons-nous : nous ne refusons pas de débattre du budget de la sécurité sociale (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains), mais nous refusons de débattre d'un texte dont la moitié des amendements ont été censurés, car déclarés irrecevables. Nous refusons cette parodie de démocratie. Le principe de l'austérité n'est jamais remis en cause.

Le Gouvernement a adopté une interprétation extensive de l'article 47-1 de la Constitution, pour jouer la montre, faute de majorité à l'Assemblée nationale. En déposant plus de 1 300 amendements, les députés du bloc de la majorité ont empêché que l'examen du texte soit mené à terme. Lors de la réforme des retraites, vous aviez dénoncé « l'obstruction de la gauche »... La démocratie à géographie variable, ce n'est pas possible ! Surtout que nous savons tous que cela se terminera par un 49.3 pour un texte sur mesure et à votre convenance.

Sachez que nous sommes prêts à démontrer que votre PLFSS est injuste. (MmeCéline Brulin, Émilienne Poumirol et Annie Le Houerou applaudissent.)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Le PLFSS ne peut pas être un simple texte budgétaire -  ce qu'il est actuellement, un texte quasiment vide de mesures.

Pour répondre aux besoins, il faut d'abord les analyser, puis chercher des recettes -  et nous avons des idées ! Il faut savoir investir, notamment dans la prévention, pour maîtriser les dépenses à moyen terme. Voilà ce que devrait être un PLFSS. Mais cette année, on ne part plus du tout des besoins : on met en avant le problème budgétaire.

Rien n'est prévu pour la famille, alors qu'un rapport accablant sur les crèches a été publié et que les enfants pauvres deviendront des adultes pauvres.

Rien pour l'autonomie, a fortiori à domicile, et ce ne sont pas le coup de pouce de 100 millions d'euros qui résoudra les problèmes.

Rien pour la branche AT-MP, sauf la transposition de l'accord national interprofessionnel (ANI), alors que la France fait partie des pires élèves de la classe européenne en matière de mortalité au travail.

Ce PLFSS est vide : le GEST votera la question préalable.

La motion n°922 est mise aux voix par scrutin public ordinaire de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°41 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption   98
Contre 242

La motion n°922 n'est pas adoptée.

Discussion générale (Suite)

M. Xavier Iacovelli .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Dans ce contexte d'effort budgétaire, les yeux sont désormais rivés sur le Sénat.

Ce PLFSS 2025 inédit exige les meilleures mesures, les plus justes et les plus équilibrées. Il y va de l'avenir de notre système de santé, de notre modèle social, de nos enfants.

L'Ondam augmentera de 2,8 % -  ce n'est pas ce que j'appelle un budget d'austérité !  - , pour un système de santé performant et accessible à tous. Nadège Havet défendra un amendement pour accorder des crédits d'urgence aux centres de santé non lucratifs. C'est vital pour nos territoires !

Il faut aussi agir contre l'obésité chez les enfants. La taxe soda a été adoptée à l'Assemblée nationale -  comme quoi, les débats y ont été utiles -, mais c'est insuffisant, car cela ne représente que 4 % de la consommation totale de sucre. C'est donc un peu hypocrite... Les industriels de l'agroalimentaire doivent réduire le sucre dans les produits transformés. Nous défendrons des amendements en ce sens, comme nous l'avions fait l'an dernier avec le soutien de la majorité sénatoriale.

Je me réjouis que les moyens alloués à la branche famille et au secteur de la petite enfance soient maintenus et je salue l'accent mis sur le service public de la petite enfance et le maintien du CMG, même si beaucoup reste à faire en direction des familles les plus vulnérables.

Ce PLFSS n'est pas un simple exercice comptable ni une guerre entre les branches ; c'est un contrat social qui nous engage collectivement. Nous devons garantir l'équilibre et l'équité en matière médico-sociale, y compris outre-mer.

Il faut plus de fluidité entre la sécurité sociale et les complémentaires santé, notamment pour lutter plus efficacement contre la fraude et mieux cibler les besoins de prévention, parent pauvre de notre système de santé.

Nous devrons surmonter le carcan parfois hypocrite de nos appartenances politiques pour penser à l'avenir de la France et des Français. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Guylène Pantel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Grâce au président de la commission des affaires sociales et aux rapporteurs, nous entamons ces débats dans la clarté. En effet, mardi 5 novembre à minuit, l'examen du PLFSS a été stoppé net à l'Assemblée nationale, le délai de vingt jours prévu par la Constitution ayant expiré.

Pas moins de quatorze articles -  dont des articles fondamentaux pour les retraites  - n'ont pu être examinés. Sur les 213 amendements adoptés à l'Assemblée nationale, 71 ont été repris, dont 20 du Gouvernement.

Nous avons besoin de plus de temps pour examiner un budget de 662 milliards d'euros. Aussi, sommes-nous favorables à une réforme structurelle pour nous projeter à moyen et long termes et conduire des politiques publiques d'ampleur, sur plusieurs exercices, plutôt que d'agir au coup par coup.

En 2024, le déficit de la sécurité sociale atteindra 18 milliards d'euros, soit 7,5 milliards de plus que prévu, en raison notamment d'une surestimation des recettes de TVA. L'absence de stabilisation des recettes fait peser un risque sur la pérennité de notre système obligatoire et universel issu du CNR.

Mais la crise du financement de la sécurité sociale est liée avant tout à des exonérations de cotisations patronales déraisonnables et indifférenciées. Même le rapport Bozio-Wasmer le reconnaît à demi-mot. Les baisses de cotisations sociales -  qui atteignent 75 milliards d'euros, après un bond spectaculaire de 13 % en 2022  - ne sont pas toujours efficaces sur l'emploi et les salaires ; or elles dégradent les comptes sociaux. En outre, ces allègements ne sont plus suffisamment conditionnés à des critères de justice sociale ou territoriale.

Nous saluons donc la réforme progressive des allègements de cotisations sociales sur les bas salaires. Malheureusement, aucune différenciation selon la nature de l'entreprise n'est prévue : pourquoi un artisan plombier est-il logé à la même enseigne qu'un géant pétrolier ?

Afin de réduire le déficit de la CNRACL, le Gouvernement a prévu d'augmenter de 4 % le taux de la cotisation employeur. L'étalement sur quatre ans proposé par la commission nous semble plus sage. Mais le RDSE demeure très réservé sur cette augmentation, qui coûterait à la ville de Mende quelque 136 000 euros, par exemple.

Le RDSE aborde cette période budgétaire de façon constructive et salue les mesures de lutte contre les pénuries de produits de santé, ainsi que les crédits supplémentaires en faveur de la santé mentale, notamment celle des jeunes, dans le droit fil de la proposition de résolution de Nathalie Delattre, votée l'an dernier.

Nous formulerons d'autres propositions, notamment sur les sucres ajoutés dans les produits alimentaires transformés, sur les donations et les successions, ainsi que sur les jeux d'argent et de hasard.

Il y va de l'avenir de notre système de protection sociale. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Solanges Nadille et M. Daniel Chasseing applaudissent également.)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La situation financière de l'État et de la sécurité sociale est préoccupante. Le « trou » de la sécurité sociale continue de se creuser, sans espoir d'un retour à l'équilibre. Malgré les 15 milliards d'euros économies envisagées, le déficit s'élèvera à 16 milliards d'euros et viendra grossir la dette sociale qui atteint déjà les 145 milliards d'euros.

Ce constat n'appelle ni à la fatalité ni à la résignation, mais à la lucidité, car nous connaissons les causes du déficit : vieillissement de la population et baisse de la natalité, en premier lieu. Les dépenses de santé et de retraites augmentent, alors que les recettes de la croissance sont en berne.

Le déséquilibre des comptes de la sécurité sociale n'est pas conjoncturel : il est lié à l'absence de réforme structurelle. Nous ne résoudrons pas le problème en transférant les remboursements sur les mutuelles et les complémentaires santé. Les remboursements croisés doivent cesser -  sauf éventuellement pour le confort optique et dentaire qui relève d'un choix personnel. Confions plutôt aux mutuelles la prévoyance et la prévention. La transparence doit être la règle.

Comment tolérer que 110 millions d'euros de dépenses échappent à une estimation rigoureuse pour lutter contre les 13 milliards d'euros de fraude sociale ?

J'ai souvent dénoncé les actes médicaux redondants -  20 % selon l'OCDE. L'inscription dans le dossier médical partagé (DMP) de tous les actes doit devenir obligatoire. C'est une question d'économies, mais aussi de qualité des soins.

La fracture entre l'hôpital et la médecine de ville persiste. Nous devons encourager les parcours de soins, et tisser des liens entre tous les professionnels de santé.

L'autonomie et la dépendance sont aussi des sujets cruciaux. Je salue le 0,15 point de CSG versé cette année, mais le chemin est encore long, et je suis très préoccupé de la situation des services d'aide à domicile et des Ehpad -  je me réjouis de l'enveloppe de 2 milliards d'euros proposée par notre commission des affaires sociales. Il n'est cependant pas interdit d'innover, avec une assurance dépendance obligatoire.

La persistance du déficit des retraites malgré la réforme de 2023 est le signe qu'il faut repenser le système. Les trois régimes par répartition -  public, privé et libéral  - doivent être traités séparément et aucune solution ne doit être écartée a priori : système à points, capitalisation, augmentation de la durée du travail, augmentation du nombre d'actifs...

Le lissage des exonérations de charges est justifié pour éviter les pièges à bas salaires et les pertes d'emploi. Le groupe UC propose l'augmentation d'un point de TVA, hors biens de première nécessité, pour que les consommateurs partagent l'effort de justice sociale.

Si nous ne voulons pas laisser un modèle exsangue aux générations futures, il est temps de faire preuve de plus d'audace. Le groupe UC votera ce PLFSS. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Céline Brulin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; MmeÉmilienne Poumirol et Annie Le Houerou applaudissent également.) Nous abordons l'examen de ce texte en pensant aux plus de 6 millions de nos concitoyens sans médecin traitant et à tous ceux qui passent des heures aux urgences ; aux soignants, dont les conditions de travail sont de plus en plus difficiles et dont la rémunération leur fait tourner le dos à leur vocation, la mort dans l'âme ; aux gestionnaires d'établissements publics de santé, qui ne parviennent pas à résorber les déficits, malgré leur gestion rigoureuse ; aux retraités, qui ont du mal à joindre les deux bouts et que l'on veut faire passer pour des nantis.

Ce PLFSS aggravera ces situations sans même réduire le déficit, annoncé à 16 milliards d'euros. Les mêmes causes produiront les mêmes effets.

Plutôt que de faire contribuer davantage les revenus financiers, plutôt que d'examiner sérieusement les exonérations de cotisations, les niches sociales, plutôt que de responsabiliser l'industrie pharmaceutique, guidée davantage par la rentabilité que par la santé publique, vous faites porter quasi exclusivement les efforts sur nos concitoyens !

Vous faites peser l'effort sur les retraités, en reculant de six mois la revalorisation de leurs pensions. Vous êtes en partie revenus sur votre décision, mais plus de 9,5 millions d'entre eux perdront en pouvoir d'achat, car ils ne toucheront pas l'entièreté de la revalorisation prévue. Ils subiront en outre des hausses de tarifs de complémentaires santé si vous persistez à vouloir augmenter le ticket modérateur.

Tant pis pour les salariés qui seront malades en 2025 ! En cas d'arrêt maladie de plus de quatre jours, ils ne seront indemnisés qu'à 50 % des indemnités journalières, dans la limite de 1,4 Smic, contre 1,8 actuellement.

Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous voulez également leur prendre 2,5 milliards d'euros de revenus avec une journée que vous n'osez plus appeler de solidarité, et pour cause ! La moindre diminution d'exonérations de cotisations est battue en brèche : 4 milliards d'euros de moins, sur les 80 au total, c'est encore trop !

Qui peut croire qu'un Ondam en augmentation de 2,8 % en 2025 est tenable ? La Commission européenne, peut-être, mais ni nous ni nos concitoyens !

Les hôpitaux sont à l'os, et l'Ondam hospitalier n'augmente que de 0,3 %, si on tient compte de l'augmentation du taux de cotisation à la CNRACL et de l'inflation ! Étaler la hausse de ces cotisations ne changera rien à l'affaire : des hôpitaux exsangues, des salariés épuisés.

Selon le rapport sur les déserts médicaux de Bruno Rojouan, la France a perdu plus de 2 500 médecins en deux ans et entre dans une décennie noire médicale.

Vous proposez des mesures timides, alors qu'une thérapie de choc est nécessaire. Or rien n'est prévu pour la formation des médecins dans le PLFSS 2025. C'est pourquoi nous présenterons des amendements pour réguler leur installation ; l'idée est devenue majoritaire dans le pays.

Le PLFSS devrait aussi être l'occasion d'un plan pluriannuel de financement du grand âge. Il n'en est rien ! Nouvelle marotte de la majorité sénatoriale : les salariés devront travailler plus pour gagner moins. Les crédits du PLFSS ne sortiront pas les 85 % d'Ehpad publics du déficit. Que dire des 6 500 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires : même pas un de plus par Ehpad ! Nombre d'entre eux ont pourtant témoigné de leurs difficultés à faire face à l'inflation et à l'insuffisante compensation des mesures de revalorisation salariale.

Les pénuries de médicaments s'aggravent. Les décisions récentes de Sanofi, avec la vente de sa branche Opella, risquent de faire perdre à la France un peu plus de sa souveraineté sanitaire et industrielle.

Nous proposons de mettre davantage à contribution l'industrie pharmaceutique, largement bénéficiaire de fonds publics, notamment via le crédit d'impôt recherche (CIR).

Nous ferons des propositions pour la branche famille. Le livre Les Ogres de Victor Castanet a montré les dérives des crèches privées lucratives. Il faut aussi des moyens pour les collectivités, qui devront assurer le service public de la petite enfance.

Vous avez dit que ce PLFSS était perfectible. Ô combien !

Il ne fera, en définitive, que des mécontents. Il y en a pourtant déjà tant dans le pays. Une autre voie est possible. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Anne Souyris .  - (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER) L'année dernière, le GEST alertait déjà le Gouvernement : le navire Sécurité sociale poursuivait sa navigation, business as usual, sans voir l'iceberg vers lequel il fonçait. Désormais, le naufrage est annoncé.

Il n'y a plus de capitaine pour orienter les finances sociales. Le PLFSS pour 2024 était manifestement insincère : le Gouvernement avait surestimé les recettes de 5 milliards d'euros et sous-estimé les dépenses de 2 milliards d'euros.

Aucune surprise pour le Sénat, ni pour nous, écologistes, qui défendons avec nos alliés l'esprit de la sécurité sociale de 1945.

La droite a désuni les caisses, opposé les assurés entre retraités et actifs, entre malades supposément fraudeurs et cotisants, entre travail et travailleurs. (M. Laurent Burgoa le conteste.)

Et elle a eu la bonne idée de créer les LFSS. Le Parlement examine désormais les comptes de la sécurité sociale à la place des travailleurs et des travailleuses, pour constater les déficits successifs, sans aucun cadrage pluriannuel. Planifier sur un an, c'est déjà trop peu pour gouverner, mais ça l'est encore moins pour garantir le fonctionnement de l'hôpital, de nos retraites et de nos prestations sociales !

Pourtant, si l'on réunit artificiellement les branches de la sécurité sociale, le système est à l'équilibre en 2024 ; il est même excédentaire en 2025.

De ce chiffre monstrueux de 18 milliards d'euros découle une revalorisation insuffisante des retraités, un flicage inédit des dépenses de santé... Le budget pour l'hôpital cache une diminution derrière une hausse apparente. Enfin, une proposition de la droite sénatoriale : une nouvelle corvée d'ancien régime ! (Protestations à droite) Nous nous opposerons à ces mesures.

Mais tout n'est pas à jeter dans ce budget. (« Ah ! » à droite) Pour la première fois depuis trente ans, le texte revient sur les exonérations de charges patronales, qui ont smicardisé les travailleurs. La réforme de la taxe soda, proposée par le Nouveau Front populaire, est une avancée réelle. La fin de la consultation médicale pour accéder aux séances de Mon soutien psy va aussi dans le bon sens, ainsi que la généralisation de la vaccination contre la méningite et l'annualisation de l'examen bucco-dentaire.

Madame la ministre, aucun enfant ne doit être laissé au bord du chemin. Sans remboursement par les complémentaires de santé, sera-t-il possible d'accéder à cet examen ?

Vous auriez pu choisir d'autres mesures pour rétablir l'équilibre du système. Nous proposons de taxer les superprofits des entreprises et d'augmenter de 1 % les droits sur les successions et les donations. Nous voulons aussi faire entrer la sécurité sociale dans le nouveau régime climatique, en mettant à contribution les empoisonneurs, avec une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés pétrolières. Nous aurions souhaité taxer également les sociétés responsables de la maladie de Parkinson chez les agriculteurs.

En 1861, le chansonnier Gustave Nadeau proposait déjà de frapper le vin, la bière et le tabac : nous souhaitons faire passer le prix du paquet de 20 cigarettes à 16 euros en 2027.

Il faut aussi réformer la fiscalité sur les alcools.

Nous proposons de taxer les publicités pour les jeux d'argent et de hasard, comme nous l'avions fait l'année dernière. J'espère que, cette fois, notre vote sera respecté.

Nous proposons aussi de taxer les sucres ajoutés et les produits sans Nutriscore.

Nous appelons à soutenir les établissements médico-sociaux, l'hôpital public et les Ehpad. La loi Grand Âge se fait toujours attendre. Quand arrivera-t-elle ?

Face aux attaques feutrées du socle commun, le GEST défendra le patrimoine de ceux qui n'en ont pas. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; Mme Solanges Nadille applaudit également.)

Mme Annie Le Houerou .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce PLFSS nous inquiète comme aucun autre auparavant, car il met à mal les fondements mêmes de notre protection sociale.

Il nous parvient dans des conditions inédites. Loin des attentes de nos concitoyens, il ne répond pas aux enjeux budgétaires, ne résout pas les déficits, ne propose aucune trajectoire de retour à l'équilibre. Il augmente timidement les recettes tout en réduisant drastiquement les dépenses.

Nous refusons de laisser filer les déficits pour laisser accroire à l'inefficacité de la sécurité sociale. Nous nous éloignons toujours plus du principe selon lequel chacun participe selon ses moyens et bénéficie selon ses besoins. Nous atteignons un point de bascule.

Le Sénat a rendu un rapport sur la financiarisation de l'offre de soins et la hausse des tarifs des complémentaires santé. L'ultralibéralisme macroniste a privilégié la financiarisation de l'offre de soins !

M. Xavier Iacovelli.  - Ultralibéralisme ? On est dans un pays libéral !

Mme Annie Le Houerou.  - Laisser plus de dépenses à la charge des patients rompt avec le principe de l'égalité d'accès aux soins. Je m'étonne de voir la droite sénatoriale s'associer à ce budget insincère. Mme la rapporteure générale dit son attachement à la sécurité sociale, elle pourra s'associer à nos amendements. (Mme Élisabeth Doineau sourit.)

Le Gouvernement est fier d'annoncer une hausse de l'Ondam de 2,8 %. Mais celle-ci couvre l'inflation à 1,8 % et quatre points de plus de cotisations à la CNRACL.

L'hôpital public a besoin de notre soutien et de moyens, tout comme les collectivités territoriales, qui promeuvent au quotidien la solidarité auprès des plus âgés. Or votre méthode les asphyxie.

Il faut rééquilibrer les branches de la sécurité sociale, qui ne peuvent fonctionner sur un déficit permanent. Je m'étonne de voir la majorité sénatoriale soutenir cette course au déficit !

La réduction des allégements va dans le bon sens ; nous proposons d'aller plus loin, pour dégager 8 milliards d'euros de recettes. Nous traquerons les exonérations qui ont prouvé leur inefficacité, pour l'emploi et pour les entreprises. Nous les compléterons par une fiscalité comportementale.

L'idée de Chantal Deseyne -  faire travailler les salariés une journée de plus  - n'est respectueuse ni de la justice sociale ni du travail. (Mme Chantal Deseyne et M. Laurent Burgoa ironisent.)

L'annonce du report de la revalorisation des retraites au 1er juillet, finalement annoncée à 1 % par Laurent Wauquiez - à quel titre, d'ailleurs ? - est également contestable.

Nous sommes opposés au reste à charge qui pèsera sur les plus vulnérables. Même chose pour l'augmentation du ticket modérateur ou la diminution des indemnités journalières.

Nous proposerons une réelle politique de prévention santé, le levier le plus efficace pour réduire les dépenses.

Invisibilisée dans le budget, la santé mentale est pourtant censée être l'une de vos priorités. Invisibilisée aussi, la politique familiale. Invisibilisé aussi, l'accès aux soins.

Nous nous battrons pour préserver l'accès aux services publics et aux soins, de la crèche à l'Ehpad.

J'espère que le Gouvernement et la majorité sénatoriale se saisiront du sérieux de nos propositions et présenteront un projet structurant, répondant à la promesse de fraternité de notre République. (Applaudissements à gauche)

M. Christopher Szczurek .  - La sécurité sociale est le premier budget de la nation. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la France fit le choix historique de confier à la solidarité nationale le financement des politiques de santé. D'autres pays n'ont pas fait ce choix, avec souvent comme conséquences l'inégalité et l'exclusion.

Des dépenses solidaires et justes permettent à nos concitoyens d'être pris en charge de la meilleure des façons, partout où ils se trouvent.

Mais la justice n'exclut pas la responsabilité ; la dette sociale participe de la dette de l'État, qui a continué à se creuser sous le septennat douloureux d'Emmanuel Macron. Et ce malgré la réforme des retraites qui a brutalisé les travailleurs les plus modestes.

Comme chaque année, un même questionnement nous saisit : près d'un quart de notre dépense nationale est mobilisé pour la sécurité sociale. Nos hôpitaux devraient être les meilleurs du monde, et notre espérance de vie devrait progresser ! Pourtant, les soignants souffrent. Les proches aidants apportent à nos concitoyens les soins qui leur sont nécessaires et font économiser des centaines de milliards d'euros. Notre natalité, ciment de l'équilibre de notre système social, est en baisse structurelle. Le manque de médecins, voire de pharmacies, est criant.

Le constat est sombre, mais malheureusement juste : la question n'est pas de savoir si on dépense trop, mais pourquoi aucun paramètre ne s'améliore.

Le Gouvernement souhaite rogner les droits sociaux des Français. Les économies ne doivent pas toucher la France laborieuse, alors même que la récession arrive !

Notre système de sécurité sociale ne peut continuer à être ouvert à tous les vents d'une immigration anarchique. (On s'exclame à gauche.)

M. Xavier Iacovelli.  - Trois minutes pour le dire !

M. Christopher Szczurek.  - Il faut une rupture pour améliorer le coût du travail, pour organiser un système de retraites plus juste. Le problème de la classe politique française n'est pas sa compétence, mais son conformisme. Si rupture il doit y avoir, elle doit être politique ! (M. Aymeric Durox applaudit.)

M. Jérôme Durain.  - Montrez l'exemple !

M. Daniel Chasseing .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Nous paierons 55 milliards d'euros au titre des intérêts de la dette en 2025. Le budget de la sécurité sociale enregistrera 18 milliards d'euros de déficit en 2024. Il y a urgence : laisser filer la dette serait suicidaire.

Le Premier ministre souhaite ramener le déficit de 6,1 à 5 % en 2025.

Contrairement à ce que j'ai entendu, ce n'est pas un PLFSS d'austérité, car les dépenses augmentent de 2,8 %. L'Ondam a augmenté de plus de 60 milliards d'euros depuis 2019. Les budgets des branches maladie, vieillesse et accidents du travail augmentent aussi.

Il n'est pas question de diminuer les soins pour nos compatriotes : 4 milliards d'euros proviendront de l'allégement des cotisations patronales. Je soutiens la proposition de la rapporteure à cet égard. Près de 4 milliards d'euros sont liés à un report au 1er juillet de l'indexation des retraites sur l'inflation, hormis les bénéficiaires du minimum vieillesse. J'ai déposé un amendement pour que toutes les retraites inférieures au Smic soient revalorisées au 1er janvier.

Avec la hausse du ticket modérateur, il faudra tenir compte de nos concitoyens qui n'ont pas de mutuelle.

Le taux de cotisation des employeurs publics à la CNRACL augmentera sur quatre ans et non sur trois, j'y souscris.

Les dépenses inscrites au PLFSS confirmeront en outre les engagements pris pour les professionnels de santé, les retraites modestes, la petite enfance, ainsi que les engagements en faveur de l'installation des jeunes agriculteurs.

Le développement des soins palliatifs et des équipes mobiles à domicile en Ehpad sera également soutenu.

Il faudra un meilleur suivi des malades psychotiques après leur sortie de l'hôpital en signalant mieux le non-retour à la consultation.

Je souscris à l'idée de lutter plus efficacement contre la fraude, via la carte Vitale numérisée, et de lutter contre les actes redondants par le recours au DMP.

Je me félicite que l'amendement relatif à l'exonération de cotisations des cotisations vieillesse des médecins retraités soit présenté par le Gouvernement.

Pour l'autonomie, 6 500 postes sont prévus, il faut les inscrire dans une trajectoire de 50 000 emplois d'ici à 2029 pour prendre en charge la dépendance. Le nombre de personnes de plus de 85 ans doublera entre 2020 et 2050 : il faudra 2,5 milliards d'euros par an. Affronter la situation aurait été plus simple avec les 25 milliards d'euros de la redevance et de la taxe d'habitation, ...

Mme Annie Le Houerou.  - C'est sûr !

M. Daniel Chasseing.  - ... mais leur suppression a redonné du pouvoir d'achat à nos concitoyens.

Je présenterai un amendement pour créer une journée de solidarité supplémentaire, qui rapporterait 2,4 milliards d'euros. La France compte parmi les pays de l'OCDE qui travaillent le moins : cela ferait dix minutes de plus de travail par semaine ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa.  - Bravo !

M. Daniel Chasseing.  - Les aides à l'apprentissage doivent être maintenues : c'est un investissement durable et un ascenseur social.

Nous devons rendre de la valeur au travail. Pour cela, il faut pérenniser la loi Plein emploi qui prévoit un accompagnement personnalisé pour les bénéficiaires du RSA.

La réforme de la retraite à 64 ans et les 43 années de cotisations prévues par la loi Hollande-Touraine sont indispensables au maintien du régime par répartition. Revenir sur ces mesures serait une folie financière et un mauvais message envoyé aux créanciers ; cela nous contraindrait à un programme d'économies.

Nous sommes favorables à une réduction du déficit de l'État à 5 % du PIB. Les efforts sont modérés et proportionnés.

Prévoyant des économies nécessaires, ce PLFSS responsable, juste et équilibré. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Solanges Nadille et Élisabeth Doineau applaudissent également.)

M. Alain Milon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La LFSS est une prison pour les parlementaires, qui sont sous la menace des canons Caesar de l'article 40 de la Constitution ou des HK416 de l'article 45. (Sourires)

La crise sanitaire fut un révélateur de la désintégration du système de santé due à des décennies de renoncements.

Notre système est fondé sur des valeurs d'universalité, d'égalité, d'accessibilité et de qualité. Menacé d'effondrement, il a besoin d'une réforme structurelle qui ne peut venir d'un PLFSS trop restreint, tendu vers le dogme de la gratuité de tout pour tous, ni d'un Ondam déconnecté des besoins de nos concitoyens.

L'augmentation et le vieillissement de la population, les progrès de la médecine engendrent une hausse des coûts de 4 % par an alors que la croissance est de 1 %. Résultat : l'ajustement se fait par la dette et par une diminution de la qualité des soins. Financièrement, cela passe par l'Ondam, et administrativement, par la bureaucratisation.

Nous devons nous débarrasser de ce carcan financier. Une profonde transformation est nécessaire.

Le premier principe hérité de 1945 est l'universalité. À quand une loi spécifiant qui fait quoi entre l'assurance maladie obligatoire (AMO) et l'assurance maladie complémentaire (AMC) ? À quand une visibilité de long terme pour tous les profils de santé sur tout le territoire ? À quand la fin du rôle de payeur aveugle pour l'AMC ? À quand une vraie décentralisation et non une simple déconcentration ? À quand un investissement significatif dans la prévention à partir des données de santé disponibles ?

Le deuxième principe est l'égalité. À quand une véritable politique territoriale de santé ? À quand une politique volontaire de lutte contre la financiarisation de notre système de santé ? Le rapport du Sénat peut nous y aider.

Le troisième principe est l'accessibilité. On entend que les hôpitaux ont reçu beaucoup d'argent ces dernières années. Les agents ont bénéficié de revalorisations salariales, mais les établissements n'ont pas vu leurs effectifs augmenter. Les crédits afférents n'ont pas été entièrement alloués en raison du déficit de la sécurité sociale.

Face aux critiques liées à la dégradation des conditions de travail due au manque d'agents, voici le message : ne pas toucher à l'emploi. La variable d'ajustement consiste à geler des emplois et à réduire des investissements. Alors on ferme des lits par manque de personnel. À quand une politique volontaire de réorganisation du système hospitalier comme en 1958, en transformant par exemple les centres hospitaliers universitaires (CHU) en fondations ?

Le quatrième principe est la qualité. Celle-ci se dégrade avec des retards ou des défauts de prise en charge, sans parler des déserts médicaux. Des spécialités sont sinistrées. Les soignants fuient l'hôpital et les professionnels de ville, acculés de tâches administratives, se désengagent.

Il y aurait tant de choses à dire sur notre système de santé, mais les sept minutes qui me sont allouées ne sont pas suffisantes.

La prévention doit être centrale. Le vieillissement est une chance, mais il peut se transformer en menace si ce n'est pas en bonne santé.

La sécurité sociale doit être gérée démocratiquement, avec des représentants des usagers, à partir de leurs besoins et de leurs lieux de vie.

Faisons confiance aux professionnels de santé.

Une politique de soutien à l'innovation s'impose ; l'intelligence artificielle serait à l'origine d'avancées considérables pour détecter les pathologies, notamment cancéreuses. Certes, ce soutien est coûteux, mais si la France souhaite rester performante en matière de santé, l'investissement n'en vaut-il pas la peine ?

J'encourage le Gouvernement à faire des économies substantielles et à les réinjecter dans l'optimisation de notre système santé, au bénéfice des salariés et des patients. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du GEST ; MmeÉmilienne Poumirol et Annie Le Houerou applaudissent également.)

Mme Solanges Nadille .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Guylène Pantel applaudit également.) Le PLFSS 2025 est marqué par un effort inédit de redressement des comptes sociaux. La crise sanitaire a entraîné une hausse importante des dépenses des administrations publiques. Face à un déficit de 18 milliards d'euros des comptes de la sécurité sociale en 2024 et face aux perspectives négatives à venir, il nous faut faire des efforts importants.

Ce PLFSS prévoit un budget de 662 milliards d'euros. Quelque 263,9 milliards d'euros sont réservés à l'Ondam, en augmentation de 2,8 % par rapport à 2024. Ce PLFSS ne rime pas avec austérité, mais avec responsabilité. Le RDPI soutient cette trajectoire.

Nous considérons avec prudence toute mesure qui affecterait la politique de soutien à l'emploi que nous menons depuis sept ans. (Mme Annie Le Houerou ironise.)

Favoriser le travail et la compétitivité de nos entreprises, c'est améliorer nos comptes sociaux.

M. Xavier Iacovelli.  - Très bien !

Mme Solanges Nadille.  - Nous avons un point de divergence et nous y reviendrons lors de l'examen de l'article 6.

La politique ambitieuse de l'apprentissage menée par les précédents gouvernements a permis de passer de 300 000 à 850 000 en sept ans. Ne dilapidons pas cette réussite.

Nous sommes également satisfaits des mesures en faveur des agriculteurs.

L'autonomie des personnes âgées et handicapées est aussi une priorité pour notre groupe ; nous apprécions les efforts en ce sens.

J'invite le Gouvernement à reprendre les propos du rapport sur la situation des Ehpad, dont j'étais co-rapporteure.

Nous devons faire plus pour les outre-mer, confrontés à des difficultés structurelles. Il faut préserver les acquis de la loi pour le développement économique des outre-mer (Lodéom) et il faut renforcer la continuité territoriale en matière d'accès aux soins. Il faut décliner un plan de rattrapage pour les outre-mer.

Notre groupe sera un soutien exigeant de ce texte, tout en cherchant à l'améliorer. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

Mme Jocelyne Guidez .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le PLFSS 2025 répond aux impératifs budgétaires immédiats. Mais les ajustements prévus demeurent insuffisants. Il faut s'interroger sur les dépenses parfois surprenantes.

La branche autonomie, préservée, voit son budget augmenter de 6 %.

Le sous-Ondam médico-social augmente de 4,7 %.

Le budget pour l'aide à domicile inclut une subvention exceptionnelle de 100 millions d'euros, en deçà des besoins des départements. Il s'agit d'offrir aux personnes âgées la possibilité de rester chez elles.

Le recrutement de 6 500 professionnels en Ehpad, pour 380 millions d'euros, marque aussi un pas en avant.

Pas un seul secteur d'activité qui ne connaisse des difficultés de recrutement. Le Ségur de la santé a apporté des premières réponses ; le lancement d'une campagne de promotion de ces métiers est bienvenu.

Nous saluons l'effort visant à créer 50 000 places d'accueil pour les enfants en situation de handicap.

Je me réjouis du pas supplémentaire fait envers les proches aidants. Cela va dans le sens de la stratégie nationale 2023-2027. Toutefois, le congé proche aidant n'est toujours pas adapté et donc pas effectif.

L'augmentation de l'Ondam de 63 milliards d'euros depuis 2019 impose une gestion rigoureuse. La crise sanitaire a exigé des financements d'urgence que personne ne remet en cause. Désormais, il est temps de revenir à un cadre plus équilibré et de réfléchir à des financements complémentaires, pour l'autonomie, notamment.

Le temps n'est pas aux nouvelles dépenses. Pourtant, j'aurais voulu que s'ouvre la réflexion sur l'abaissement à 45 ans du dépistage de cancer colorectal, entre autres. L'évolution de nos modes de vie doit nous conduire à réviser nos stratégies de prévention.

Le temps de nouvelles économies est venu. Je soutiens pleinement l'instauration d'une nouvelle journée de solidarité en faveur de la branche autonomie, au profit des Ehpad menacés de fermeture -  86 %  - ou de la prise en charge intégrale des fauteuils roulants.

À quand une grande réforme de notre système de santé ? Nous nous contentons d'aménagements.

L'hôpital public est en difficulté. Le texte prévoit 3 milliards d'euros supplémentaires pour un service public qui ne satisfait pas la population. Je salue toutefois l'ouverture d'unités de soins palliatifs (USP) dans 24 départements qui n'en disposaient pas.

Monsieur le ministre, pourquoi ne pas faire passer la périodicité de remboursement de deux à trois ans en matière d'optique et d'audition ?

Le groupe UC votera ce texte, tout en appelant à des réformes courageuses. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Bernard Jomier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis deux ans, alors que les coûts liés à la pandémie s'estompaient, la majorité sénatoriale n'avait pas de mots assez durs pour désigner la trajectoire des dépenses de sécurité sociale.

Mais, aujourd'hui, elle est prête à voter ce texte ! Vous qui n'avez pas la légitimité des urnes, ayez au moins celle de l'action.

Il faut ramener la sécurité sociale à l'équilibre en trois ans, avec 9 milliards de déficit en 2025 et 5 milliards en 2026 pour parvenir à l'équilibre en 2027. Comment ? En renonçant aux exonérations inefficaces, soit 4 milliards d'euros en 2025, en sus des propositions du Premier ministre.

Plutôt que de supprimer 1 milliard d'euros de remboursements aux assurés sociaux, nous souhaitons mettre à contribution les produits qui engendrent des coûts directs, comme le tabac, l'alcool ou les aliments ultratransformés.

Dans cet hémicycle, certains veulent infliger une hausse de deux points de TVA à tous les Français. Nous, nous faisons passer la CSG sur les revenus du capital de 9,2 à 10,6 % : nous défendons la valeur travail.

Nous soutenons les mesures renforçant la pertinence des soins : notre système de santé n'est pas un open bar. La gabegie est insupportable en ces temps de pénurie.

Il faut allouer 2 milliards de plus aux hôpitaux et 1 milliard à la branche autonomie, tout en évitant les déremboursements.

Nous proposons de renverser la logique actuelle, centralisée, court-termiste et déconnectée des besoins, sans quoi le pays ne pourra jamais prendre le virage de la prévention, pourtant nécessaire.

C'est au niveau départemental qu'il faut déterminer les priorités au printemps. Au Parlement d'adopter un cadrage national au début de l'été.

Continuer ainsi, comme ce PLFSS le propose, est impossible. La promesse de tout changer après la pandémie s'est évanouie. Vous ne changez rien. Notre sécurité sociale mérite d'être mieux gérée que ne l'est l'État. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Solanges Nadille applaudit également.)

Mme Florence Lassarade .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Notre modèle social, fierté de notre pays, est confronté à une situation critique. Le déficit de 18 milliards d'euros dépasse les prévisions et pourrait atteindre 28 milliards d'euros en 2025.

C'est notre responsabilité collective que de préserver ce pilier de notre société. Derrière ces chiffres, c'est l'avenir de notre système de santé qui se joue.

Ce défi est une occasion à saisir pour transformer le système. Notre ambition doit être claire : construire un système de santé plus efficace.

Il faut non seulement protéger la santé de nos concitoyens, mais aussi réduire les coûts.

La vaccination, par exemple, est un outil puissant qui sauve des vies et s'avère économiquement judicieuse. J'ai déposé un amendement visant à sa promotion lors des rendez-vous de prévention. Une politique de vaccination locale améliorerait l'accès aux vaccins, y compris dans les territoires isolés.

La fiscalité comportementale est l'une des solutions audacieuses et innovantes, en protégeant nos concitoyens tout en engendrant des économies substantielles. Ainsi, une hausse massive du prix du tabac pourrait sauver des milliers de vies. Les hausses fiscales de 2017 à 2020, entre autres, ont montré leur efficacité en diminuant les coûts pour la sécurité sociale.

Les fractures médicales et numériques privent encore trop les Français d'un accès équitable à la santé. Je propose la création de tiers lieux d'accès aux soins. En combinant innovation sociale et mobilisation locale, nous pourrons reconnecter ces territoires au coeur de notre système de santé.

La diminution du nombre de spécialistes, notamment en pédiatrie et psychiatrie, est un défi majeur.

L'excellence médicale française bâtie sur des décennies de formation rigoureuse s'érodera si nous n'agissons pas. Il est illusoire de penser maintenir ce niveau de soins avec moins de médecins.

Investir dans la formation et l'attractivité de ces métiers, c'est investir dans la santé et dans l'avenir de la nation.

Prévention, innovation, accès pour tous, ces priorités doivent guider nos choix.

Il faut aussi envisager des réformes structurelles.

L'examen de ce PLFSS est une occasion précieuse de poser les bases d'un système plus juste, plus efficace et tourné vers l'avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

Mme Corinne Féret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'objectif de dépenses de la branche autonomie est de 42,4 milliards d'euros.

Du fait du vieillissement de la population, les besoins d'investissement dans les Ehpad sont estimés à plus de 7 milliards d'euros à horizon 2030, auxquels il faut ajouter le domiciliaire, soit plus de 10 milliards au total. Ce texte n'offre aucune marge de manoeuvre.

Le conseil de la CNSA a rendu un avis défavorable à ce PLFSS en raison de l'insuffisance des moyens déployés. Cela fait plus de six ans que nous attendons que le Président de la République tienne sa promesse de déposer un projet de loi Grand Âge. Six ans que les gouvernements successifs nous présentent des écrans de fumée, engendrant frustration et colère...

L'article 10 de la loi Bien vieillir appelait à une loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge d'ici le 31 décembre 2024. Élisabeth Borne s'était engagée à la déposer au plus tard à l'été - énième promesse non tenue qui bafoue la volonté de la représentation nationale.

Il est pourtant urgent de nous préparer à la massification du vieillissement. Certes, 6 500 postes sont créés, mais c'est à peine un poste par Ehpad. Il est urgent de mettre un terme à la crise des Ehpad publics, dont huit sur dix sont en déficit. Le fonds de 140 millions d'euros pour la rénovation des établissements ne suffira certainement pas.

Il faudrait rétablir un équilibre entre les différents types d'Ehpad, en taxant les superprofits des Ehpad à but lucratif, comme le prévoyait la proposition de loi de Jean-Luc Fichet.

Le défi majeur du vieillissement, de la perte d'autonomie et de l'isolement appelle des moyens d'ampleur.

La facilité serait de penser, comme le Gouvernement, qu'une deuxième journée de solidarité résoudrait les problèmes de financement. Vous l'appelez « contribution de solidarité par le travail » ; ayez donc le courage d'assumer demander aux salariés de travailler gratuitement une journée ! (Marques d'approbation sur les travées du groupe SER) Certains promettaient de travailler plus pour gagner plus ; là, c'est travailler plus pour gagner moins ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Travailler sans être payé, c'est du bénévolat ; (marques d'approbation sur les travées du groupe SER) or tout travail mérite salaire. (Applaudissements à gauche)

Mme Micheline Jacques .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les amendements à l'article 6 du PLFSS témoignent des inquiétudes des outre-mer relatives à la hausse des cotisations patronales. L'instabilité fiscale freine leur développement ; augmenter le coût du travail frappe de plein fouet la timide reprise de l'emploi. Le recentrage des exonérations sur les bas salaires a smicardisé de leur économie, freinant les évolutions salariales et l'attractivité. Or la progression des salaires est une réponse au coût de la vie structurellement plus élevé. Réduire les seuils d'exonération serait faire des économies en trompe-l'oeil. (Mme Émilienne Poumirol proteste).

La hausse des cotisations se traduirait par des suppressions d'emploi, augmentant les dépenses sociales pesant notamment sur les départements, entraînant le cercle vicieux du chômage - sans parler des emplois qui basculeraient dans le secteur informel. Il faut cesser de décider par à-coups.

Je sais que le Gouvernement a préparé son budget dans un temps contraint, mais une fois de plus, les conclusions des rapports d'inspection sont publiées la veille de l'examen du PLFSS, et ne portent que sur un seul thème.

En recourant à l'ordonnance, le Gouvernement prive le Parlement de l'examen des dispositions applicables outre-mer. Il présente la concertation comme une contrepartie, mais nous pouvons faire les deux !

L'article 6 laisse très peu de temps à la concertation. Enfin, la rétroactivité de l'ordonnance paralyse les employeurs.

À l'heure où notre délégation aux outre-mer conduit une étude sur la coopération régionale, renchérir le coût du travail porterait un coup à la régionalisation qui est pourtant une piste pour répondre à la vie chère.

Malgré son succès touristique, Saint-Barthélemy affronte en effet la concurrence des autres îles des Caraïbes, qui se développent sur le même segment. L'exonération différenciée a contribué à y maintenir le taux de chômage en dessous de 4 %.

En outre-mer, on paie cher à long terme les économies de court terme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Elisabeth Doineau, Jocelyne Guidez et Solanges Nadille applaudissent également.)

Mme Patricia Demas .  - Je salue le travail colossal des rapporteurs. Le déficit inédit de 18 milliards impose une trajectoire de redressement sur plusieurs exercices pour espérer un retour à l'équilibre. Il faut stopper la vertigineuse descente depuis le covid. Le temps ayant manqué à l'Assemblée nationale, cette tâche incombe au Sénat.

Résorber le déficit n'est pas qu'une opération technique. Chaque décision aura une conséquence sur la vie des Français. Nous voulons protéger l'emploi et les retraites modestes, soutenir nos hôpitaux et défendre les personnes âgées et les personnes en situation de handicap. Nous voulons maintenir notre modèle français, que l'on nous envie.

Nous ne devons pas délaisser les réformes sectorielles. Je souscris à la perspective d'une approche pluriannuelle en matière de grand âge ou de prévention et de dépistage.

Il nous faut dépenser moins, mais aussi mieux. Il faut chercher la justice sociale : chacun doit participer à l'effort collectif. Il faut remettre à plat les dispositifs qui n'ont pas été revus depuis longtemps.

Il faut lutter contre la fraude, rationaliser le panier de soins, optimiser l'usage des médicaments en réduisant le gaspillage.

Il faut se demander jusqu'où le 100 % de remboursement des affections de longue durée (ALD) doit être appliqué - un régime qui a peu évolué depuis 1986. (Mme Émilienne Poumirol proteste.)

Élue de la ruralité, je suis guidée par le souci de l'humain et de l'intérêt général. L'innovation, utilisée à bon escient, génère des gains de temps, d'énergie et d'argent. Généraliser l'IA pour les tâches administratives aiderait les soignants à se consacrer davantage à leurs patients - cela représente jusqu'à 30 % de leur temps !

Mme Émilienne Poumirol.  - Jusqu'à 50 %, tant qu'on y est !

Mme Patricia Demas.  - Nous devons revoir le statut infirmier. J'attends, comme beaucoup, le décret d'application de la loi Rist sur les infirmiers en pratique avancée (IPA).

Identifions les freins administratifs non justifiés. L'administration doit participer à l'effort de rigueur en arrêtant de produire des règles compliquées et superflues.

Les Français n'ont jamais manqué de courage et de solidarité face aux crises. Faisons de même ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Jocelyne Guidez et Élisabeth Doineau applaudissent également.)

M. Laurent Burgoa .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Henno applaudit également.) « Les hommes n'acceptent le changement que dans la nécessité et ne voient la nécessité que dans la crise. » Ainsi parlait Jean Monnet.

Dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, avec un déficit de la sécurité sociale bien supérieur aux prévisions, il est temps de changer la gestion financière de notre pays.

Ce PLFSS a pour ambition d'organiser le redressement de nos comptes tout en préservant notre modèle social. Nous la partageons.

La France est en tête des pays qui taxent le plus, avec un taux de prélèvements obligatoires de 46 % du PIB. Pourtant, notre système de soins est à bout de souffle, notre contrat social n'est pas honoré.

Au Gouvernement d'engager des réformes structurelles pour renouer avec une trajectoire soutenable. La prise en charge de l'autonomie, la réorganisation de notre système de santé ou le développement des services à la petite enfance ne peuvent plus attendre. Ces chantiers sont immenses, mais cruciaux.

Si notre commission partage l'ambition affichée, elle propose une répartition plus équitable des efforts. C'est un choix politique assumé, qui ne dégrade pas le solde tout en protégeant les emplois des salariés modestes et les petites retraites et en répondant aux besoins des hôpitaux, des établissements médico-sociaux et des départements.

Par ailleurs, le renforcement du financement de la branche autonomie est essentiel pour répondre aux défis du vieillissement. Coauteur d'un rapport d'information sur le sujet, je rappelle qu'en 2030, la France comptera plus de six millions de personnes de plus de 75 ans, 50 % de plus qu'en 2020. La contribution de solidarité par le travail dégagerait des ressources pérennes, sans supprimer un jour férié. (M. Bernard Jomier ironise.) Elle financerait un fonds d'urgence pour les Ehpad, soutiendrait l'aide à domicile et garantirait la gratuité des fauteuils roulants, que le Président de la République avait annoncée sans en prévoir le financement.

Enfin, la commission a souahité responsabiliser patients et soignants et mieux lutter contre la fraude. Il s'agit en particulier d'inciter les soignants à consulter et alimenter davantage le dossier médical partagé, pour réduire les actes redondants. Une coopération renforcée entre assurance maladie et complémentaires santé en matière de lutte contre la fraude est également prévu, ainsi qu'une « taxe lapin » à la charge des patients en cas de rendez-vous non honoré.

En responsabilité, le groupe Les Républicains votera ce PLFSS, dans l'attente des nécessaires réformes structurelles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - Merci pour la qualité de cette discussion générale et pour vos propositions, en dépenses comme en recettes. Une tendance se dégage en faveur de la restructuration de notre système de santé. Au reste, celle-ci se fait à bas bruit depuis des années, notamment dans l'accès aux soins à travers, par exemple, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Nous devons travailler aussi à une grande loi de prévention et garantir le financement de notre système de santé, en gardant la solidarité comme objectif. Les discussions à venir promettent d'être riches. Comme le dit régulièrement le Premier ministre, tout est améliorable. Avançons ensemble.

M. Paul Christophe, ministre.  - Je me réjouis du rejet des motions, car le débat aura lieu.

S'agissant du grand âge, nous avons prévu 4,2 milliards d'euros pour la santé et 5,8 milliards pour l'autonomie. Les 0,15 point de CSG sont fléchés vers la santé. Nous devons trouver ensemble les financements complémentaires. Je m'inspirerai des travaux de votre commission.

La trajectoire prévoit 50 000 emplois dans les Ehpad d'ici à 2030. Ce n'est donc pas un emploi par établissement : il faut considérer l'effort dans sa globalité. En outre, il ne suffit pas de créer un poste, il faut aussi attirer les candidats. Une campagne de communication sera lancée en fin d'année pour valoriser les métiers du soin.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre.  - Je me réjouis du débat à venir. Allègements généraux, retraites agricoles, CNRACL : sur tous ces points, travaillons ensemble à améliorer le texte.

M. Philippe Mouiller, président de la commission.  - La commission se réunira pendant la suspension.

La séance est suspendue à 20 h 25.

Présidence de M. Dominique Théophile, vice-président

La séance est reprise à 21 h 55.