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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Interdire le démarchage téléphonique

Discussion générale

M. Pierre-Jean Verzelen, auteur de la proposition de loi

Mme Olivia Richard, rapporteure de la commission des lois

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation

Mme Audrey Linkenheld

Mme Vanina Paoli-Gagin

M. François Bonhomme

Mme Patricia Schillinger

M. Michel Masset

M. Olivier Bitz

Mme Marianne Margaté

Mme Mélanie Vogel

Discussion des articles

Article unique

Après l'article unique

Intitulé de la proposition de loi

Vote sur l'ensemble

M. Pierre-Jean Verzelen

Accélérer le redressement des finances publiques

Discussion générale

Mme Vanina Paoli-Gagin, auteur de la proposition de loi constitutionnelle

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur de la commission des lois

M. Stéphane Sautarel, rapporteur pour avis de la commission des finances

M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice

M. Marc Laménie

M. Jean-François Husson

Mme Patricia Schillinger

M. Bernard Fialaire

M. Vincent Delahaye

M. Pascal Savoldelli

M. Thomas Dossus

M. Thierry Cozic

Discussion des articles

Article 1er

Après l'article 1er

Article 5

Article 6

Protection du commerce maritime en mer Rouge

Discussion générale

Mme Nicole Duranton, auteur de la proposition de résolution

M. Jean-Pierre Grand

M. Roger Karoutchi

M. Jean-Baptiste Lemoyne

Mme Sophie Briante Guillemont

M. François Bonneau

M. Fabien Gay

M. Akli Mellouli

Mme Hélène Conway-Mouret

Mme Valérie Boyer

Mme Nathalie Goulet

M. Thani Mohamed Soilihi, secrétaire d'État chargé de la francophonie et des partenariats internationaux

Corrida et combats de coqs

Discussion générale

Mme Samantha Cazebonne, auteure de la proposition de loi

M. Louis Vogel, rapporteur de la commission des lois

M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice

M. Laurent Burgoa

Mme Nicole Duranton

Mme Sophie Briante Guillemont

Mme Isabelle Florennes

Mme Cécile Cukierman

Mme Raymonde Poncet Monge

Mme Marie-Pierre de La Gontrie

M. Christopher Szczurek

M. Jean-Pierre Grand

M. Arnaud Bazin

Discussion des articles

Article 1er

M. Arnaud Bazin

M. Max Brisson

M. Pierre Ouzoulias

M. Henri Cabanel

M. Thomas Dossus

Mme Laurence Rossignol

Mme Samantha Cazebonne

M. Guillaume Gontard

Mme Monique Lubin

M. Éric Kerrouche

Mme Cécile Cukierman

M. Laurent Burgoa

Mme Raymonde Poncet Monge

Après l'article 1er

Article 2

Ordre du jour du lundi 18 novembre 2024




SÉANCE

du jeudi 14 novembre 2024

18e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente

Secrétaires : M. François Bonhomme, Mme Catherine Conconne.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Interdire le démarchage téléphonique

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à interdire le démarchage téléphonique, présentée par M. Pierre-Jean Verzelen et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe INDEP.

Discussion générale

M. Pierre-Jean Verzelen, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC) Comme moi, vous avez un téléphone ; vous avez de la famille, des connaissances qui subissent des démarchages téléphoniques ; et vous avez rencontré dans vos permanences des personnes âgées ou isolées victimes de fraude ou d'escroquerie par téléphone.

En matière de définitions, je ne connais pas mieux que le Petit Larousse : le démarchage téléphonique est « une technique qui consiste, pour un commercial, à solliciter par téléphone quelqu'un qui n'a pas manifesté d'intérêt pour les produits ou services qu'il vend ». Mais je sais, madame la rapporteure, que la définition du dictionnaire n'est pas la même que celle du droit commercial ou celle du droit de la concurrence...

Ce sujet traverse nos sociétés modernes : il a trait à la gestion des données personnelles, captées -  légalement ou non  - , échangées et stockées. Mais ce sont aussi des robots qui tournent toute la journée pour générer automatiquement des numéros -  quand le numéro existe, l'appel part et un téléconseiller essaie alors d'engager la conversation.

Les spécialistes parlent d'opt-out et opt-in. En clair, nous vivons, j'espère pour peu de temps encore, dans un régime où chaque Français est considéré comme consentant au démarchage, s'il n'a pas manifesté son opposition -  c'est l'opt-out.

Des mesures législatives ont été tentées, comme la mise en place de Bloctel, dispositif qui s'est révélé inefficace. Des plages d'appel ont été fixées, des secteurs d'activité exclus, mais sans plus de succès.

Il est temps de changer de cadre, sans quoi nous continuerons à verser de l'eau dans du sable. Cette proposition de loi vise ainsi à inverser le principe : le consommateur serait considéré comme non consentant -  c'est l'opt-in.

Les chiffres avancés sur l'impact économique sont farfelus. Les plateformes téléphoniques installées en France proposent des services de relations clients très avancés, pas du démarchage. Le démarchage téléphonique représente 0,01 % du chiffre d'affaires d'un secteur comme l'assurance.

Surtout, le démarchage est devenu inefficace, car trop de démarchage tue le démarchage. Nombre d'entreprises nous le disent : assainissez le secteur, car nous ne parvenons même plus à joindre nos clients, qui ne décrochent plus !

Désormais, on ne pourrait plus être appelé sans avoir donné son consentement éclairé. Je remercie l'ensemble des collègues qui se sont associés à ma démarche et la rapporteure Olivia Richard pour son implication. Son savoir-faire politique devrait permettre l'adoption d'un texte retravaillé, qui rendra le dispositif applicable.

Nous devons être honnêtes : les appels intempestifs ne cesseront pas demain matin, même si ce texte est adopté. Je me félicite de l'adoption par l'Assemblée nationale d'une proposition de résolution de Louise Morel en faveur d'une harmonisation européenne des règles de démarchage, ainsi que du dépôt d'une proposition de loi par le député Pierre Cordier.

Je me suis inspiré de pays voisins, notamment le Portugal et l'Allemagne, qui a inscrit dans son droit l'opt-in il y a dix ans et où le gouvernement a tapé vite et fort au porte-monnaie de ceux qui enfreignent la règle. De même, il appartiendra au Gouvernement de faire vivre cette loi pour qu'elle soit utile.

Les opérateurs téléphoniques joueront un rôle essentiel dans le succès de la loi. Ils seront désormais tenus d'assurer l'authentification des numéros pour que les appels abusifs ou frauduleux puissent être identifiés.

Le démarchage est un fléau qui prospère à bas bruit, exaspérant à peu près 65 millions de nos concitoyens. Changeons de braquet ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC ; M. Antoine Lefèvre applaudit également.)

Mme Olivia Richard, rapporteure de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Au moins une fois par semaine, sept Français sur dix sont contactés sur leur téléphone pour un démarchage. Pour presque quatre sur dix, les appels sont même quotidiens. Ils n'ont rien demandé et ne supportent plus d'être dérangés. Nous devons faire respecter leur tranquillité.

Selon l'UFC-Que Choisir, 97 % des Français sont exaspérés par ces pratiques qui leur empoisonnent la vie.

La proposition de loi de M. Verzelen vise à interdire ce fléau ou du moins à en resserrer drastiquement l'encadrement. Elle intervient quatre ans après la loi Naegelen et dix ans après la loi Hamon. Nous bénéficions d'un recul suffisant pour apprécier les effets des mesures prises alors.

Le régime actuel repose sur l'opt-out, le consommateur pouvant s'inscrire sur Bloctel. Les entreprises doivent expurger leurs listes téléphoniques de ces numéros. Des exceptions sont prévues : les associations, la presse et s'il existe une relation contractuelle. Le démarchage est totalement interdit dans deux secteurs : la rénovation énergétique et le compte personnel de formation (CPF).

De plus, les horaires sont encadrés : du lundi au vendredi de 10 à 13 heures et de 14 à 20 heures. Il est aussi interdit de recontacter un consommateur plus de quatre fois en trente jours, et avant soixante jours s'il a exprimé son refus.

En complément, le règlement général sur la protection des données (RGPD) s'applique pleinement : les consommateurs doivent être informés de l'usage des données et peuvent faire valoir à tout moment leur droit d'opposition.

Deux phénomènes connexes doivent également être abordés. Le démarchage électronique, par mail ou SMS, est soumis à un régime juridique distinct et repose déjà sur l'opt-in. Quant au démarchage illégal, il recouvre des pratiques qui relèvent de la fraude.

Hélas, la loi Naegelen, malgré les apports de notre collègue André Reichardt, n'a pas produit les résultats espérés. Quant à Bloctel, il est méconnu et sous-utilisé : seuls 9 % des Français y sont inscrits, pour 10 % des lignes. Certes, le nombre de signalements baisse, mais c'est surtout par lassitude des consommateurs, qui se reportent aussi vers la plateforme SignalConso.

Si certains acteurs sont vertueux, 60 % des 5 300 établissements contrôlés en 2023 étaient en infraction. Quelque 200 amendes administratives, pour 4,4 millions d'euros, ont été prononcées. Les mailles du filet sont larges...

Des acteurs voyous, à l'étranger, font peu de cas des obligations légales. La loi Naegelen impose un mécanisme d'authentification des appels pour éviter l'usurpation de numéro, mais ce dispositif tarde à être complètement appliqué par les opérateurs.

Pierre-Jean Verzelen propose un changement de paradigme : avec l'opt-in, seuls les consommateurs consentants pourraient être démarchés, les exceptions pour la presse et l'exécution d'un contrat en cours étant conservées.

Conformément à la volonté de son auteur, la commission des lois n'a pas adopté le texte, pour permettre son examen dans sa version initiale. Les dernières chances données à l'opt-out ayant échoué, il n'y a plus d'autre option que l'opt-in pour répondre à l'exaspération légitime de nos compatriotes.

Les centres d'appels emploieraient entre 29 000 et 40 000 personnes pour les appels sortants, mais ces chiffres incluent toute la relation client. C'est dire s'ils sont imprécis.

Nous rejoignons pleinement la démarche de M. Verzelen, mais la liste universelle qu'il propose n'est pas adaptée : on ne consent pas en général, mais en particulier. Mon amendement de réécriture de l'article unique vise donc à aligner le démarchage téléphonique sur le démarchage électronique, avec des effets maîtrisés sur l'emploi. Nous pourrions prévoir une application en août 2026, alignée sur la fin de la concession accordée pour Bloctel.

Plus largement, je proposerai des mesures pour limiter les désagréments rencontrés par la réduction de la fréquence et des plages d'appel et l'interdiction du rappel lorsque le consommateur exprime son refus du démarchage. Je proposerai aussi une meilleure protection des personnes vulnérables, avec un délai de carence de 24 heures pour l'acceptation d'une offre commerciale proposée par téléphone, et de renforcer les sanctions en cas d'abus de faiblesse.

Enfin, je proposerai de modifier le titre de la proposition de loi pour éviter tout risque de déception.

Nous nous associons ainsi pleinement à l'objectif de notre collègue. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ; Mme Elsa Schalck et M. Laurent Burgoa applaudissent également.)

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP et sur des travées du groupe UC ; M. Michel Masset applaudit également.) Le démarchage téléphonique est un irritant du quotidien qui excède nombre de nos concitoyens. Il soulève aussi des enjeux d'information de la population : des maires de communes rurales n'arrivent plus à joindre certains administrés en cas de difficultés, par exemple météorologiques. Las du harcèlement, nos concitoyens ne répondent plus au téléphone.

Le démarchage téléphonique est actuellement légal, interdit seulement par exception, notamment quand les personnes sont inscrites sur Bloctel. J'encourage tous les Français ne souhaitant pas être appelés à s'y inscrire. Le dispositif commence à être connu.

Le démarchage est par ailleurs interdit dans les domaines de la rénovation énergétique et de la formation. Les jours, fréquences et horaires des appels sont aussi encadrés : de 10 heures à 13 heures et de 14 heures à 20 heures, hors week-ends et jours fériés.

La loi prévoit des sanctions et la responsabilité du donneur d'ordres. Un mécanisme d'authentification des numéros est également prévu. Si le numéro ne correspond pas à l'identité de celui à qui il a été attribué, donc qu'il y a usurpation, les opérateurs doivent bloquer l'appel. Ce dispositif, unique au monde, représente une partie de la solution.

Mais soyons honnêtes : le bilan de ces mesures est en demi-teinte.

Bloctel permet à 5,7 millions de Français, pour 11 millions de numéros, d'être moins démarchés. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) mène de nombreux contrôles contre les appels frauduleux. Bloctel et SignalConso permettent de bloquer les appels. Les services de l'État se mobilisent : 8 000 contrôles ont été réalisés en 2023 et 2024, et ils seront renforcés en 2025 à ma demande.

Malgré cela, de nombreuses pratiques illégales perdurent. Il faut d'abord mieux les connaître dans leur diversité : des numéros peuvent être usurpés ; des acteurs situés à l'étranger utilisent des numéros de téléphone français ; à l'étranger toujours, des acteurs appellent sans donneur d'ordres français.

Le mécanisme d'authentification des appels accuse un retard important, en raison de difficultés techniques. Il n'est appliqué que depuis le mois dernier, mais les opérateurs réussissent à bloquer les appels seulement vers les téléphones fixes. C'est évidemment un problème, compte tenu de l'équipement de nos concitoyens en téléphones mobiles.

Pierre-Jean Verzelen propose un changement majeur : basculer vers un système d'opt-in. Cela présenterait l'avantage d'un message clair au consommateur. Pour autant, le schéma envisagé soulève des difficultés.

D'abord, les fraudeurs violent déjà la loi ; il y a fort à parier qu'ils continueront, d'autant qu'ils sont difficilement détectables parmi des millions d'appels. Il y a aussi un risque important de déception. Dans un premier temps, il paraît plus efficace de renforcer les contrôles, fondés sur des moyens techniques pertinents.

Ensuite, la proposition de loi présente des fragilités juridiques : elle interdit le démarchage téléphonique, y compris lorsqu'il est réalisé dans de bonnes conditions. En outre, selon le RGPD, le consentement doit être spécifique et univoque, alors que le texte prévoit un consentement global.

Enfin, la proposition de loi fait planer un risque sur des milliers d'emplois, dont certes le chiffrage précis est malaisé, sans permettre la fin du démarchage abusif.

Je remercie la rapporteure pour son travail. Son amendement privilégie un consentement au cas par cas, avec un opt-in décentralisé, plus conforme au RGPD. Ce dispositif permettrait de surmonter les difficultés pratiques et juridiques du texte initial. Un travail complémentaire resterait toutefois nécessaire pour son application. Le Gouvernement s'en remettra à la sagesse du Sénat sur cet amendement de réécriture.

Sur le mécanisme d'authentification des numéros (MAN), partiellement déployé, des progrès restent à faire. Les opérateurs sont confrontés à des problèmes techniques. Avec Antoine Armand, nous les réunirons pour comprendre les difficultés rencontrées et rappeler l'urgence d'un déploiement total.

Le Gouvernement est très attaché au respect des obligations de la loi actuelle et renforcera les contrôles. Nous partageons pleinement l'objectif visé par le texte. Nous donnerons un avis favorable à certains amendements de la rapporteure, bienvenus pour renforcer les contrôles et les sanctions. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et sur les travées des groupes UC et INDEP)

Mme Audrey Linkenheld .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En juillet dernier, dans le Nord, un retraité a été dépouillé de 70 000 euros à la suite d'une escroquerie téléphonique bien montée. Ce fait divers n'est pas un cas isolé.

L'article L. 221-16 du code de la consommation définit le démarchage téléphonique, par lequel 92 % des Français se disent dérangés. À l'évidence, la réglementation en vigueur ne suffit pas.

En 2014, la loi Hamon a créé la liste Bloctel. Dans les faits, 2 400 entreprises, 6 millions de consommateurs et 12 millions de numéros de téléphone sont inscrits.

En 2020, la loi Naegelen a instauré des restrictions nouvelles : plages horaires, obligations relatives au contenu de l'appel, mécanisme d'authentification des numéros.

La DGCCRF, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) et la Cnil sont sollicitées régulièrement pour des plaintes et signalements, mais il est rare que des sanctions soient prononcées. L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) alerte aussi sur l'accentuation des risques de cyberattaque.

La proposition de loi de M. Verzelen est bienvenue : elle pose le principe général de l'interdiction du démarchage téléphonique. Le démarchage téléphonique est déjà interdit sans consentement pour la rénovation énergétique et le CPF. En Allemagne, l'opt-in est la règle et les amendes peuvent aller jusqu'à 300 000 euros.

Comme le renforcement de l'opt-out est un échec, nous devons aller vers l'opt-in. C'est la position constante de notre groupe. Face à l'épuisement des autres options, elle s'impose.

Reste que le consentement préalable doit se faire dans le respect des règles du RGPD. Aussi souscrivons-nous aux modifications proposées par la rapporteure, les modalités initialement proposées n'étant pas assez robustes. Les règles seront alignées sur celles encadrant le démarchage électronique et les sanctions seront aggravées en cas d'abus de faiblesse.

En encadrant mieux le démarchage officiel, nous ne supprimerons pas le démarchage téléphonique frauduleux, mais nous pourrons plus facilement l'identifier. J'ai déposé un amendement sur le sujet.

Seuls 17 % des appels des opérateurs téléphoniques relèvent du démarchage téléphonique. De même, nombre d'appels sont effectués par des machines. L'emploi local n'est donc nullement menacé.

Le groupe SER soutient le passage à un démarchage téléphonique consenti, qui soulagera nos concitoyens confrontés dans leur quotidien aux dérangements, voire aux fraudes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Jean-François Longeot applaudit également.) Face au démarchage téléphonique intempestif qui empoissonne le quotidien de nos concitoyens, le législateur a tenté d'encadrer les pratiques.

Nous vivons sous un régime d'opt-out, avec Bloctel, depuis la loi Hamon, mais seuls 9 % des Français y sont inscrits.

En 2020, les règles relatives au démarchage téléphonique ont été renforcées ; il est notamment interdit pour la rénovation énergétique et le CPF. En 2023, un décret a fixé les jours et horaires où le démarchage est possible.

Mais le problème demeure et le législateur semble impuissant. L'angle adopté était-il le bon ? Sans changement de paradigme, les Français continueront à être harcelés.

La proposition de loi de Pierre-Jean Verzelen inverse le principe, interdisant le démarchage téléphonique par principe. C'est déjà le cas en Autriche, en République tchèque et en Allemagne. Le démarchage resterait possible si le consommateur est inscrit sur une liste de consentement, dans le cadre d'un contrat en cours et pour une sollicitation liée à la presse.

La rapporteure a déposé neuf amendements, pour que la proposition de loi ne porte pas atteinte aux entreprises dont l'activité économique repose sur la relation clients et pour adapter l'opt-in au RGPD, renforcer les sanctions en cas d'abus de faiblesse et améliorer les filtres antispams.

Les Français ne font plus la distinction entre le démarchage téléphonique autorisé et la fraude. Il est temps de changer d'approche, il s'agira d'une vraie simplification. Le groupe INDEP votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. François Bonhomme .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le démarchage téléphonique non consenti est une nuisance majeure du quotidien. Qui n'a jamais été agacé par ces appels non sollicités ? Les personnes âgées ou vulnérables sont particulièrement exposées.

Depuis dix ans, le législateur a tenté d'agir. Mais Bloctel a montré ses limites et reste peu connu. Les opérateurs omettent souvent de consulter la liste des numéros autorisés pour le démarchage.

La DGCCRF constate de nombreuses infractions, et des amendes sont prononcées - par exemple contre une société de conseil, visée par une amende administrative de 300 000 euros pour avoir méconnu l'interdiction de démarchage sur la rénovation énergétique.

Selon l'UFC-Que Choisir, 72 % des Français sont démarchés une fois par semaine sur leur portable. Plus d'un tiers le sont même au quotidien ! Les secteurs les plus concernés sont l'assurance, les placements et la rénovation énergétique - malgré l'interdiction.

Les règles actuelles sont facilement contournées. Il est nécessaire pour les particuliers d'enregistrer tous leurs numéros de téléphone. Deux personnes sur trois ne signalent pas à la plateforme avoir été victimes de démarchage téléphonique abusif. Bloctel traite près de 10 milliards d'appels par mois : c'est le tonneau des Danaïdes !

En adoptant la loi du 24 juillet 2020, le législateur n'avait pas remis en cause l'opt-in, estimant que cela reviendrait à faire disparaître le secteur économique du démarchage téléphonique. Toutefois, face à ce constat d'échec, il faut se tourner vers le consentement préalable.

Une liste nationale de consentement semble incompatible avec le droit européen. En Allemagne, ce consentement revêt plusieurs formes : formulaire en ligne, inscription sur site, accord explicite lors de contrats commerciaux. Cela n'a pas entraîné de séisme dans le secteur du marketing commercial. Nous avons déjà imposé cette logique d'un consentement explicite pour le démarchage dans les boîtes aux lettres, avec succès.

L'opt-in ne sera efficace que si les sanctions sont dissuasives. La DGCCRF doit avoir les moyens de réaliser les contrôles nécessaires ; nous devons être particulièrement vigilants sur ce point.

Il faut aussi toucher les centres d'appels basés à l'étranger, qui échappent à notre réglementation, et faire en sorte que les entreprises de vente directe informent mieux les consommateurs sur leur droit de rétractation.

Ce texte sera une avancée pour les droits des consommateurs, à condition que les entreprises jouent le jeu et que les sanctions soient plus rapides et efficaces. Espérons que le législateur n'ait pas à revenir sur ce sujet, qui empoisonne nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme Patricia Schillinger .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le démarchage téléphonique touche des millions de nos concitoyens et suscite une exaspération légitime : 38 % des Français subissent des appels quotidiens ; c'est 58 % sur les lignes fixes.

La loi Hamon a créé la liste Bloctel, mais celle-ci ne couvre que 10 % des lignes. Les signalements à la DGCCRF montrent que les professionnels, notamment ceux qui opèrent depuis l'étranger, contournent ces règles.

La loi Naegelen encadre les horaires et la fréquence des appels. Elle a durci les sanctions, qui restent encore trop faibles : 200 amendes prononcées en 2023, pour un total de 4,4 millions d'euros, c'est bien peu face aux millions d'appels illégaux.

Cette proposition de loi, qui propose de passer à l'opt-in, est donc légitime. Il s'agit de faire respecter un droit fondamental des consommateurs : le respect de leur tranquillité et de leur vie privée.

Des objections sur la faisabilité juridique de ce changement ont été soulevées en commission, comme le consentement universel, incompatible avec le RGPD, de même que les risques pesant sur l'emploi - 29 000 à 40 000 emplois seraient concernés.

Le RDPI reste donc prudent. Toutefois, nous saluons l'amendement d'Olivia Richard qui aligne le dispositif sur la prospection électronique et impose de recueillir le consentement au cas par cas. L'amendement prévoit une entrée en vigueur au 11 août 2026, coïncidant avec la fin de la concession de Bloctel.

Si les ajustements proposés sont adoptés, nous soutiendrons ce texte. Ainsi nous protégerons la vie privée des consommateurs tout en assurant la viabilité des entreprises de démarchage responsables. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le constat est simple : la grande majorité des Français ne répondent plus lorsqu'on les démarche au téléphone ; un demi-million de personnes sont arnaquées chaque année par téléphone. Cette proposition de loi a le mérite de mettre sur la table un problème du quotidien.

Bloctel a permis aux consommateurs de s'inscrire sur une liste s'ils ne souhaitent pas être démarchés, mais le dispositif est méconnu et peu efficace. Il faut donc un changement de paradigme : la proposition de loi propose de passer à l'opt-in.

Les évolutions législatives de 2016 et 2020 présumaient le consentement du consommateur. Mais les abus nous imposent de changer de braquet. Ce changement devra être législatif, mais pas exclusivement.

Le démarchage téléphonique représente des emplois. Le législateur ne l'a jamais ignoré, c'est pourquoi il a toujours ménagé des exceptions : existence d'une relation contractuelle, prospection pour la presse, appels d'instituts de sondages, d'associations à but non lucratif ou d'un service public. Mais ces appels sont noyés dans la masse.

La version initiale du texte avait la grande qualité de poser le problème clairement. Je salue le travail d'Olivia Richard et de la commission des lois, qui ont mis en musique le dispositif pour une plus grande efficacité.

Le groupe RDSE est favorable à ce texte qui sert les intérêts des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Olivier Bitz .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je remercie M. Pierre-Jean Verzelen pour son initiative, car le démarchage téléphonique est une source d'exaspération réelle pour nos concitoyens et une menace pour les publics fragiles. Je salue aussi le travail constructif d'Olivia Richard.

Le développement des moyens de communication est un vecteur de développement économique. Mais il n'a pas que des avantages. Le démarchage téléphonique à finalité commerciale, ancien, s'est considérablement développé ces dernières années. Les données personnelles sont autant de renseignements marchands pour les opérateurs, sans que les consommateurs aient donné leur accord.

Les appels de numéros masqués se multiplient. Gênants et intrusifs, ils constituent parfois un piège - les associations de défense des consommateurs et des usagers sont unanimes et interpellent régulièrement les pouvoirs publics. De plus en plus de personnes refusent de décrocher, redoutant un démarchage.

Des mécanismes législatifs ont été introduits, mais ils sont largement inefficaces. La liste Bloctel demeure confidentielle et peu efficace. Les services de la DGCCRF sont mobilisés, mais les contrôles restent trop peu fréquents.

Il est indispensable de changer de braquet. L'Allemagne est passée à l'opt-in, avec le consentement préalable des usagers. Ce cadre respecte mieux la vie privée et constitue un bouclier efficace.

Nous recherchons un juste équilibre entre la vie économique du secteur des télécommunications et la protection de la vie privée. Cette proposition de loi est fondée. Il s'agit de passer d'une logique générale d'acceptation tacite, avec possibilité d'opposition, à une logique générale d'opposition, avec possibilité de consentement explicite.

La plupart des appels sont passés depuis l'étranger, grâce à des robots et à l'intelligence artificielle.

Ce texte entraînera sans doute des recompositions pour les organismes de démarchage. Ils disposeront d'autres relais : télévision, réseaux sociaux ou messageries électroniques.

Un consensus a émergé au sein de la commission des lois, améliorant les modalités de recueil du consentement prévu par le texte. Le groupe UC votera cette proposition de loi, sous réserve de l'adoption d'un certain nombre d'amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, du RDSE, du RDPI et du groupe UC)

Mme Marianne Margaté .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Alors que plusieurs lois et décrets ont tenté d'encadrer le démarchage téléphonique, les pratiques n'ont pas changé, et celui-ci exaspère 97 % des Français. Quant à Bloctel, ce mécanisme reste insuffisamment protecteur, et seuls 6 millions de Français y sont inscrits. Bloctel ne décourage pas les démarcheurs harceleurs. La moitié des entreprises n'expurgent pas leurs listes des numéros inscrits sur Bloctel, et les sanctions sont insuffisantes.

Le démarchage téléphonique est aussi dangereux pour les plus vulnérables. Les centres d'appels visent les 18 % de la population en situation d'illectronisme. En Europe, en 2023, 16 % des consommateurs ont été victimes d'escroqueries téléphoniques.

Dès lors, pourquoi ne pas interdire par défaut le démarchage téléphonique ? C'est ce que demande l'UFC-Que Choisir depuis plusieurs années, pour le droit à la tranquillité. Une dizaine de pays européens l'ont fait, comme l'Allemagne, l'Autriche, la Lituanie ou la République tchèque. C'est le rôle du droit que de protéger les personnes les plus vulnérables.

Avec cette proposition de loi, les entreprises ne pourront contacter que des personnes ayant consenti au démarchage. Si les entreprises ont des droits, les citoyens aussi. Nous devons défendre les plus vulnérables.

Si la proposition de loi garde cet aspect protecteur, le groupe CRCE-K la votera. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du RDSE)

Mme Mélanie Vogel .  - Je remercie Pierre-Jean Verzelen pour sa proposition de loi et la rapporteure pour son travail de grande qualité.

Le démarchage téléphonique est une nuisance. Les appels non sollicités dérangent. Hors de l'espace économique européen, la frustration est plus grande, car vous devez payer l'appel dès la première seconde !

Plusieurs lois et décrets ont tenté de limiter le démarchage, mais ce dernier se poursuit. Pourquoi cet échec ?

Est-il impossible d'interdire le démarchage téléphonique ? Non, le Portugal et l'Allemagne l'ont fait depuis longtemps.

Manque-t-il une volonté politique ? Pas tout à fait. De nombreuses propositions de loi, parfois transpartisanes, ont demandé cette interdiction.

L'argument principal qui a été opposé était la suppression de milliers d'emplois. Curieusement, ce n'est arrivé ni au Portugal ni en Allemagne. Il faudrait analyser le phénomène, mais ceux qui avancent un tel argument ne fournissent jamais d'études.

Or les salariés des centres d'appels sont mal payés, souffrent de l'absence de sens au travail et de mal-être, voire de dépression. Ils sont souvent insultés et dénigrés et sont soumis à une grande précarité. Interdire le démarchage téléphonique ne détruira pas l'emploi : notre économie a bien mieux à offrir.

Ces personnes pourraient par exemple travailler davantage dans les services après-vente, pour augmenter la réparabilité des produits, plutôt que d'ennuyer les gens pour tenter de vendre péniblement des produits dont ils n'ont pas besoin.

Le GEST votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe INDEP ; Mme Isabelle Florennes applaudit également.)

Discussion des articles

Article unique

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié bis de M. Reichardt et alii.

Mme Elsa Schalck.  - Je précise qu'André Reichardt était le rapporteur de la loi Naegelen en 2020.

Certes il faut passer à l'opt-in, mais qui accepterait de s'inscrire sur une liste de consentement pour être démarché ? Cela entraînerait la mort du démarchage et la suppression de milliers d'emplois.

Une telle liste est également coûteuse à mettre en place, et risque d'être aussi inopérante que la liste Bloctel.

Enfin, j'y vois un problème de conformité avec la directive « vie privée et communications électroniques ».

Un meilleur encadrement du dispositif est donc nécessaire.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°6 de Mme Richard, au nom de la commission des lois.

Mme Olivia Richard, rapporteure.  - Nous voulons supprimer la liste de consentement proposée par l'auteur de la proposition de loi, au profit d'un consentement au cas par cas.

Il faut préserver l'équilibre entre préservation des emplois et respect de la vie privée, et proposer des dispositions juridiques solides conformes au consentement spécifique prévu par le RGPD.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°16 de Mme Linkenheld et du groupe SER à l'amendement n°6.

Mme Audrey Linkenheld.  - Notre sous-amendement répond à vos attentes, pour rendre le consentement préalable opérant.

Nous proposons d'abord, concernant le consentement, d'intégrer tous les termes relatifs à la protection des données inclus dans le RGPD.

Ensuite, - je sais que notre proposition fait débat - l'exception client reste trop large, expliquant l'inefficacité de la liste Bloctel. Il en faut une définition plus précise.

Mme Olivia Richard, rapporteure.  - Ce sous-amendement a été déposé très tardivement, la commission n'a pu l'examiner. Nous ne sommes pas hostiles à évoluer sur le consentement, nous pourrons voir cela au cours de la navette. En revanche, je ne suis pas très favorable à votre proposition sur l'exception client : le problème vient surtout des fraudeurs qui ne respectent pas la réglementation. Avis défavorable au sous-amendement n°16.

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État.  - En passant à un opt-in décentralisé, chaque professionnel devra recueillir préalablement le consentement du consommateur, au cas par cas. Ce régime est plus conforme au RGPD et pénalisera moins les acteurs vertueux.

Toutefois, la véritable solution est avant tout technique. Nous relancerons le travail sur le MAN avec le ministre de l'économie. Nous rassemblerons tous les opérateurs téléphoniques sur ce sujet.

Sagesse sur les amendements nos2 rectifié bis et 6.

Nous n'avons pas eu le temps d'expertiser en détail le sous-amendement n°16, qui semble trop restreindre les termes de l'exception client. Avis défavorable.

Le sous-amendement n°16 n'est pas adopté.

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos2 rectifié bis et 6 sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°32 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 322
Contre   18

Les amendements identiques nos2 rectifié bis et 6 sont adoptés.

Les amendements nos4 rectifié bis et 5 rectifié bis n'ont plus d'objet.

L'article 1, modifié, est adopté.

Après l'article unique

Mme la présidente.  - Amendement n°3 de Mme Vogel et alii.

Mme Mélanie Vogel.  - Le démarchage téléphonique ne sera permis qu'en cas de consentement du consommateur, certes. Dès lors, certaines entreprises tenteront d'obtenir que leur clientèle consente au démarchage téléphonique, et pourraient faire de ce consentement une condition préalable à la vente, et donc l'intégrer aux conditions générales de vente (CGV).

Nous proposons d'interdire le conditionnement de l'achat d'un bien ou service au consentement au démarchage téléphonique.

Mme Olivia Richard, rapporteure.  - Même si cette disposition semble déjà couverte par l'article 4 du RGPD, l'opt-in est un changement important. Vous faites oeuvre de clarté. Avis favorable.

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État.  - Si je comprends l'intention de votre amendement, il est déjà satisfait par le RGPD. Retrait ? À défaut, sagesse.

L'amendement n°3 est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°9 de Mme Richard, au nom de la commission des lois.

Mme Olivia Richard, rapporteure.  - Nous voulons sanctionner plus fortement l'abus de faiblesse commis par voie téléphonique : jusqu'à 500 000 euros d'amende et cinq ans de prison ; pour les entreprises, l'amende pourrait atteindre 20 % du chiffre d'affaires.

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État.  - Les sanctions excèdent les quantum du code de la consommation, au détriment de sa cohérence générale.

Ensuite, l'abus de faiblesse n'est jamais réellement constaté durant les démarchages téléphoniques : on peut mettre fin à l'échange à tout moment en raccrochant, contrairement au démarchage à domicile. Sagesse.

Mme Olivia Richard, rapporteure.  - Lors des auditions, nous avons compris que les 18 % de personnes en situation d'illectronisme, dont de nombreuses personnes âgées, sont la cible principale des centres d'appels. Il n'est pas acceptable que ces personnes plus vulnérables soient la cible privilégiée du démarchage. Nous avons voulu donc taper un grand coup et sanctionner plus durement ce type de démarchage.

L'amendement n°9 est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°7 de Mme Richard, au nom de la commission des lois.

Mme Olivia Richard, rapporteure.  - Nous voulons renforcer la prise en compte du droit d'opposition lors de conversations téléphoniques.

Actuellement, il faut attendre 60 jours avant de recontacter une personne qui s'est opposée au démarchage téléphonique. Pourquoi seulement 60 jours ?

Nous voulons aussi restreindre la fréquence des appels - deux tentatives en 60 jours contre quatre actuellement - et les horaires d'appels.

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État.  - C'est un amendement de bon sens. Avis favorable.

L'amendement n°7 est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°8 de Mme Richard, au nom de la commission des lois.

Mme Olivia Richard, rapporteure.  - Cet amendement prévoit un délai de carence de 24 heures après acceptation d'une offre commerciale par téléphone ; cela existe déjà en matière d'assurances.

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État.  - Cet amendement, s'il renforce la protection des consommateurs, pose un problème de conformité au droit européen, en l'occurrence l'article 8 de la directive relative aux droits des consommateurs. Il est plus prudent de ne pas l'adopter. Toutefois, sagesse.

L'amendement n°8 est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°10 de Mme Richard, au nom de la commission des lois.

Mme Olivia Richard, rapporteure.  - Cet amendement autorise les opérateurs de téléphonie à mettre en place des filtres antispams, qui existent déjà pour les SMS ; l'Arcep et les opérateurs téléphoniques trouvent la rédaction actuelle du code de la consommation trop restrictive pour étendre ce filtrage automatisé aux SMS.

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État.  - Nous partageons l'objectif.

Toutefois, la rédaction actuelle de l'amendement empêcherait -  sans le vouloir  - les boucliers antispam pour des contenus non textuels, des messages vidéo par exemple. Avis favorable si l'amendement est rectifié en ce sens.

Mme Olivia Richard, rapporteure.  - Je suis d'accord.

Mme la présidente.  - L'amendement devient l'amendement n°10 rectifié.

L'amendement n°10 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°11 de Mme Richard, au nom de la commission des lois.

Mme Olivia Richard, rapporteure.  - Cet amendement bascule vers un régime d'opt-in l'inscription à l'annuaire des numéros de lignes fixes alors que seuls les numéros mobiles sont aujourd'hui concernés. Cette évolution est requise par un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de 2022.

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État.  - Cela nous semble utile. Cela évitera aux consommateurs de recevoir des appels non sollicités. Avis favorable.

L'amendement n°11 est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°12 de Mme Richard, au nom de la commission des lois.

Mme Olivia Richard, rapporteure.  - Cet amendement renforce les moyens des principaux acteurs de lutte contre la fraude, l'Arcep, la DGCCRF et la Cnil. Le secret de l'instruction leur interdit de transmettre des informations pourtant cruciales.

J'en profite pour attirer votre attention, madame la ministre, sur le site internet de la DGCCRF : la procédure de signalement ne me semble pas être à la hauteur des enjeux.

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État.  - Je prends note de votre remarque. J'invite toutefois les concitoyens à signaler les dysfonctionnements sur l'application SignalConso, accessible sur téléphone mobile.

Le secret de l'instruction empêche en effet la bonne communication entre l'Arcep, la Cnil et la DGCCRF. Avis favorable.

L'amendement n°12 est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°13 de Mme Richard, au nom de la commission des lois.

Mme Olivia Richard, rapporteure.  - Cet amendement restaure une exception à l'opt-in pour les sondages, à la demande de l'Insee. Une disposition de la loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique (Reen) a placé les sondeurs en difficulté.

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État.  - Je comprends l'objectif, mais si on ouvre la dérogation pour le secteur des sondages, les opérateurs ne pourront plus effectuer les contrôles nécessaires. Cela ajoutera de la complexité et desservira l'ensemble du dispositif.

Avis défavorable.

Mme Olivia Richard, rapporteure.  - Je prends note de vos arguments ; je propose de trancher ce débat durant la navette.

Toutefois, aux dires des sondeurs, nos concitoyens sont très heureux qu'on leur demande leur avis ; ce n'est pas une démarche commerciale.

Lorsqu'une personne exprime sa volonté de ne plus jamais être rappelée par un sondeur, la société l'inscrit sur une liste spécifique ; le dispositif, respectueux des attentes des personnes, fonctionne bien.

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État.  - Je suis d'accord, les sondeurs ne sont pas en cause.

Toutefois, les opérateurs ne pourront pas faire la distinction entre un sondage et une opération de démarchage. Résultat : soit les personnes bloqueront tous les appels, ce qui nuira aux sondeurs, soit ils n'en bloqueront aucun, ce qui ne correspond pas à l'objectif du texte qui nous réunit ce matin.

M. Patrick Chaize.  - J'étais rapporteur de la loi Reen : à l'époque, le problème avait été identifié.

Cet amendement est dangereux, car il ouvre une faille, qui sera utilisée par les acteurs du démarchage. Je voterai contre.

L'amendement n°13 est adopté et devient un article additionnel.

Intitulé de la proposition de loi

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié bis de M. Reichardt et alii.

Mme Elsa Schalck.  - Il s'agit d'adapter l'intitulé de la proposition de loi aux modifications que nous avons votées.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°14 de Mme Richard, au nom de la commission des lois.

Mme Olivia Richard, rapporteure.  - C'est le même amendement. Nous voulons tout à la fois conserver l'esprit souhaité par M. Verzelen et éviter un effet déceptif.

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

Les amendements identiques nos1 rectifié bis et 14 sont adoptés et l'intitulé est ainsi rédigé.

Vote sur l'ensemble

M. Pierre-Jean Verzelen .  - Je remercie l'ensemble des collègues. Un pas a été franchi. Je salue le travail de la rapporteure, qui a amélioré le texte.

En revanche, je suis un peu déçu par les propos du Gouvernement. J'ai été étonné de ne pas avoir été sollicité par les trois grands opérateurs téléphoniques et les énergéticiens.

M. Laurent Somon.  - Vous êtes sur liste rouge... (Sourires)

M. Pierre-Jean Verzelen.  - En revanche, ils ont trouvé le numéro de téléphone de Bercy ; le Gouvernement a été sensible à leur démarchage.

Je conteste leurs arguments sur l'emploi : la plupart des plateformes téléphoniques sont basées à l'étranger.

Comme je suis optimiste, je ne doute pas que votre position évolue, madame la ministre. J'espère que ce texte sera inscrit rapidement à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

À la demande du groupe INDEP, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°33 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 340
Contre    0

La proposition de loi est adoptée.

Mme la présidente.  - À l'unanimité !

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État.  - Je salue le travail de la rapporteure sur ce texte. C'est un enjeu complexe ; nos concitoyens nous attendaient sur ce sujet.

Monsieur Verzelen, Bercy n'a été démarché ni par les énergéticiens ni par les opérateurs téléphoniques. (M. Pierre-Jean Verzelen en doute.)

Avec le ministre des finances, nous recevrons prochainement les opérateurs téléphoniques pour vérifier que les choses avancent dans le sens attendu par les Français.

Mme Olivia Richard, rapporteure.  - Je remercie l'ensemble des collègues d'avoir adapté ce texte. Si le problème était simple, il aurait été résolu depuis longtemps.

Madame la ministre, merci ; nous comptons sur vous.

Je remercie M. Chaize pour son intervention pertinente : nous suivrons cette question au cours de la navette parlementaire. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

Accélérer le redressement des finances publiques

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi constitutionnelle visant à accélérer le redressement des finances publiques, présentée par Mme Vanina Paoli-Gagin et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe INDEP.

Discussion générale

Mme Vanina Paoli-Gagin, auteur de la proposition de loi constitutionnelle .  - On ne peut résoudre un problème avec le même mode de pensée que celui qui l'a généré, selon la maxime d'Einstein. Or, cette année encore, comme depuis plus d'un demi-siècle, nous voterons un budget en déficit. Cette année encore, nous alerterons sur la dérive de nos finances, mais rien ne sera fait pour inverser la donne.

À tout le mieux, le projet de loi de finances évitera peut-être la crise à court terme, mais, sans changement systémique, celle-ci surviendra inévitablement. Je suis désolée de jouer les Cassandre, mais on ne peut se réjouir de cette triste pantomime qui se répète.

Nous faisons face à une triple impasse : financière, économique et démocratique.

D'abord, l'impasse financière : la dette publique dépasse les 110 % du PIB et le déficit atteint plus de 5 %, nous avons rogné nos engagements européens.

La succession des crises survenues depuis 2020 n'explique qu'en partie cette dérive : les dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire, au plan de relance et à la crise énergétique dépassent à peine les 250 milliards d'euros, soit un quart de l'augmentation de notre dette depuis 2017.

Désormais, nous empruntons à un taux supérieur au Portugal.

Cette impasse financière mène à une impasse économique. Le Gouvernement est tenu de défendre un budget de crise qui ne satisfait personne -  ne lui en tenons pas rigueur, il a dû composer avec le réel. Mais cette réalité déçoit tout le monde ; augmenter les impôts pour tenir un déficit à 5 % tout en rognant sur le soutien à l'innovation, cela met à mal le moral des troupes. Résultat : les investissements et les recrutements sont gelés.

Les entreprises dénoncent les hausses d'impôts imprévues.

La dernière impasse est d'une autre nature, démocratique. Nous ignorons si nous pourrons examiner le PLF en entier, alors que l'Assemblée nationale n'a même pas adopté la première partie du texte. En cause : l'inflation du nombre d'amendements dans un calendrier contraint par la Lolf. La seule manière d'y échapper, c'est de renoncer à notre droit le plus souverain, le droit d'amendement.

Le Parlement pourrait ne pas voter le budget, pourtant l'une de ses prérogatives essentielles. Autrement dit, il devrait renoncer à exercer son pouvoir. (M. Didier Migaud le conteste.)

Monsieur le garde des sceaux, vous avez oeuvré à améliorer le pilotage des finances publiques et vous oeuvrez aujourd'hui au bon fonctionnement de nos institutions. Face à cette triple impasse, il serait irresponsable de ne rien faire.

Il faut changer la méthode d'élaboration du budget ; avec ce texte, je souhaite renforcer la programmation de nos finances publiques dans la Constitution.

Actuellement, les lois de programmation des finances publiques (LPFP) fixent une trajectoire que le Gouvernement et le Parlement ont tout loisir de ne pas respecter chaque année. Inversons la logique en interdisant l'adoption d'une loi de finances annuelle qui ne respecterait pas les lois de programmation. Ces dernières seraient renommées lois portant cadre financier pluriannuel, à l'instar du cadre européen, qui prévoit des plafonds de dépenses et fixe des mécanismes de recettes annuels.

C'est une mesure de bon sens. Et nos concitoyens ont besoin de beaucoup de bon sens.

L'adoption de cette loi portant cadre financier pluriannuel contraindrait les écarts par rapport aux objectifs, restreindrait les débats annuels au périmètre de la loi-cadre, et améliorerait les prévisions macroéconomiques.

En commission, des critiques ont été émises. Voici quelques réponses.

Nous assumons d'appeler à davantage de rigidité en la matière. Bien sûr, il faut pouvoir ajuster les choses en cas d'événement exceptionnel. Mais à qui confier le soin de qualifier une situation d'exceptionnelle ? Des experts ? Des organismes indépendants tels que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) ? L'hypothèse est séduisante, mais elle manque de légitimité démocratique ; c'est pourquoi j'ai privilégié le mécanisme de vote à la majorité qualifiée.

Ce texte renforcerait un prétendu gouvernement des juges en confiant au Conseil constitutionnel la conformité de la loi de finances annuelle à la loi-cadre ? En réalité, le Conseil contrôle déjà la constitutionnalité des lois de finances : son rôle ne changerait donc pas.

Les rapporteurs ont relevé des points d'indétermination du texte qui n'avaient pas été soulevés auparavant, et je les en remercie. Mais je regrette vivement que vous n'ayez pas amendé la proposition de loi. En réalité, vous rejetez le principe même de ce texte. Car sinon, là où il y a une volonté, il y a un chemin.

Par ailleurs, ma proposition reprend l'architecture du projet de loi constitutionnelle de 2011 qui n'est pas allé à son terme.

Renoncer à un pilotage de long terme, c'est accepter d'être gouverné par le court terme. Si nous n'inversons pas ce rapport entre annualité et pluriannualité, nous serons toujours rattrapés par nos propres démons. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La révision constitutionnelle est-elle un outil indispensable au redressement des finances publiques ? On ne peut que s'alarmer de la situation extrêmement dégradée de nos finances : déficit de 6,1 % du PIB, dette cumulée de 113 %.

C'est le résultat d'un double échec : politique d'abord, faute de volonté de prendre les mesures concrètes de redressement ; juridique ensuite, car cette proposition de loi constitutionnelle s'inspire du projet de loi constitutionnelle de 2011, adopté dans le contexte de crise des dettes souveraines puis abandonné, le Conseil constitutionnel estimant inutile de modifier la Constitution pour transposer le pacte européen de 2010.

Est-il pertinent de modifier la Constitution ?

Cette proposition de loi constitutionnelle vise trois objectifs. D'abord, elle crée une nouvelle catégorie de loi : les lois portant cadre financier pluriannuel, qui se substitueraient aux lois de programmation des finances publiques et s'imposeraient aux lois de finance et de financement de la sécurité sociale.

Ensuite, elle prévoit un monopole des lois de finances sur les dispositions fiscales.

Enfin, elle consacre le rôle du HCFP dans la Constitution tout en élargissant ses prérogatives.

Première observation, la loi portant cadre financier pluriannuel durerait toute la législature, et comporte un degré de précision important. La terminologie employée reprend la notion de cadre financier pluriannuel (CFP), inspirée du droit européen. Mais la comparaison a ses limites : l'Union européenne n'est pas un État souverain garant du fonctionnement des services publics.

Deuxième observation, la proposition de loi remet en cause le principe de l'annualité budgétaire, acquis par le parlementarisme et consacré dès 1791. Derrière, il y a la notion de consentement à l'impôt et de contrôle régulier de la dépense. La proposition de loi remet en cause la garantie des droits budgétaires du Parlement.

Troisième observation, la loi portant cadre financier pluriannuel pourrait être adoptée par 49.3, s'agissant d'une loi ordinaire. Comment imaginer fixer la trajectoire budgétaire pour cinq ans sans vote de l'Assemblée nationale ? La procédure proposée pour la modification de la trajectoire budgétaire serait, elle, très rigide, requérant la majorité des trois cinquièmes au Congrès. Une rupture du parallélisme des formes... La majorité qualifiée sert à imposer des exigences au-delà des engagements partisans, or le budget, par essence, est un acte politique.

Quatrième observation, cette proposition de loi risquerait de remettre en cause la libre administration des collectivités territoriales et leur autonomie financière. En effet, la trajectoire des prélèvements obligatoires intègre les impôts locaux, tandis que les investissements publics sont portés à 45 % par les collectivités.

Cinquième observation, le cadre budgétaire européen est mouvant sur la définition des critères, tandis que notre Constitution a vocation à rester stable. Si l'on grave dans le marbre certains critères, il faudrait une révision constitutionnelle à chaque fois que le cadre européen bouge !

Sixième observation, comment le Conseil constitutionnel pourrait-il sanctionner une loi de finances sur la base d'un indicateur prévisionnel ? Se pose également un problème de périmètre, car la proposition de loi prévoit des critères portant sur l'ensemble de la sphère publique.

Le texte vise également à instaurer un monopole des lois de finances sur les dispositions fiscales. Solution pertinente d'un point de vue doctrinal, mais qui priverait le législateur d'une souplesse utile. De fait, seules deux ou trois mesures fiscales par an échappent aux textes financiers. Ne portons pas atteinte à l'initiative parlementaire, déjà fortement contrainte par l'article 40 de la Constitution.

Enfin, la constitutionnalisation des prérogatives du HCFP, créé en 2013, n'apparaît pas nécessaire - d'autant que celui-ci est une émanation de la Cour des comptes, déjà constitutionnalisée. Il n'a en outre pas les moyens financiers ou humains d'assumer un tel élargissement de ses prérogatives. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Stéphane Sautarel, rapporteur pour avis de la commission des finances .  - J'ai conduit des auditions communes avec le rapporteur Le Rudulier. Nos conclusions se rejoignent.

Depuis 1975, pas un seul budget n'a été exécuté à l'équilibre. La dégradation des comptes s'accélère et se banalise. Depuis vingt ans, le déficit n'a été inférieur à 3 % qu'à trois reprises. L'endettement s'est envolé à chaque crise : de 20 à 40 % du PIB dans les années 1980, 60 % après la récession de 1993, 80 % après la crise financière de 2009, plus de 100 % depuis la crise de 2020. Preuve d'un manque de volonté politique, surtout en sortie de crise.

Les lois de programmation des finances publiques, instituées en 2008, n'ont pas été suivies.

La charge de la dette ampute l'action de l'État, et sera bientôt le premier poste de dépenses. Face à l'échec des outils existants, Mme Paoli-Gagin propose d'instituer, pour la durée d'une législature, une loi portant cadre financier pluriannuel visant l'équilibre, qui s'imposerait aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

Notre pays dispose déjà d'une constitution financière : la loi organique relative aux lois de finance (Lolf), issue d'une initiative parlementaire. En vingt ans, elle a su s'adapter aux crises successives comme aux évolutions des règles européennes. Ne cassons pas cet outil. La Constitution, par sa rigidité, serait moins adaptable.

En outre, en faisant statuer le Conseil constitutionnel sur le respect de trajectoires fixées par la loi-cadre, on risque de donner au juge de la Constitution un rôle de juge financier, voire de juge d'opportunité de la politique budgétaire. Ce n'est pas son rôle.

Il est parfois nécessaire de changer de cap budgétaire en urgence. La procédure proposée ici aurait-elle permis d'ouvrir des crédits en moins d'une semaine en mars 2020 ? À l'inverse, une loi-cadre votée en période d'euphorie pourrait acter des plafonds de dépenses excessifs : c'est le cas de la dernière loi de programmation des finances publiques.

Les règles juridiques ne peuvent remplacer la volonté politique. La commission des finances réaffirme sa volonté de résorber nos déficits, mais vous propose de ne pas adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Nous traversons un épisode budgétaire préoccupant. La réduction du déficit public constitue une priorité absolue du Gouvernement ; c'est l'objectif que poursuit le PLF 2025.

Cette proposition de loi constitutionnelle, ambitieuse, modifie en profondeur les bases constitutionnelles de notre droit financier. Elle propose de remplacer les lois de programmation des finances publiques par des lois portant cadre financier pluriannuel, à caractère contraignant, s'imposant aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Ces lois-cadres ne pourraient être modifiées qu'à la majorité des trois cinquièmes du Parlement, réuni en Congrès.

La proposition de loi réserve aux lois de finances le monopole des dispositions fiscales, constitutionnalise les prérogatives du HCFP et impose un contrôle du juge constitutionnel sur tous les textes financiers.

Mme Paoli-Gagin souhaite donner la primauté à la pluriannualité en matière budgétaire. L'idée n'est pas nouvelle : elle s'inscrit dans de nombreuses réflexions -  auxquelles j'ai moi-même participé, dans d'autres fonctions  - sur les moyens de concilier le principe d'annualité budgétaire avec la nécessaire prise en compte du temps long.

Les débats d'orientation budgétaire offrent déjà au Parlement l'occasion de débattre des perspectives économiques et budgétaires sur trois ans, et de fixer des objectifs d'évolution des dépenses. Avec Alain Lambert, nous avons souhaité les consacrer à l'article 48 de la Lolf.

Le pacte de stabilité et de croissance (PSC), adopté en 1997, inscrit également les prévisions dans un cadre pluriannuel, via le programme de stabilité transmis chaque année à la Commission européenne.

Surtout, la révision constitutionnelle de 2008 a introduit à l'article 34 les lois de programmation des finances publiques, qui poursuivent « l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques » - formulation de compromis trouvée après de longs échanges, croyez-moi.

Les LPFP définissent une trajectoire pluriannuelle, fixent des objectifs de solde et de dette publics, décrivent les perspectives de recettes et de dépenses, avec des plafonds de crédits par mission du budget de l'État.

La loi organique du 17 décembre 2012 leur a confié le soin de fixer une trajectoire pluriannuelle et a créé le HCFP, que j'ai eu l'honneur de présider et qui participe au respect du principe de sincérité budgétaire. Placé auprès de la Cour des comptes, sans en être une émanation, il se prononce sur les prévisions macroéconomiques et alerte en cas d'écart avec la trajectoire.

Les LPFP sont donc des instruments utiles et nécessaires, mais elles ont montré certaines limites : elles sont rapidement dépassées, et les objectifs de déficit publics qui y sont inscrits sont rarement atteints.

Pourtant, pour citer le rapport public de novembre 2020 de la Cour des comptes, l'affirmation du temps long comme horizon est indispensable à la conduite des politiques publiques et à la bonne gouvernance des finances publiques. Mais cela doit être concilié avec le principe d'annualité budgétaire, ancré dans notre tradition politique depuis la Révolution. Le vote annuel de la loi de finances garantit le respect des prérogatives du Parlement et l'effectivité de son contrôle ; l'annualité permet d'ajuster les finances publiques à la croissance. Le Conseil constitutionnel en a fait un principe constitutionnel.

Le constituant a préféré faire des LPFP des instruments de pilotage, sans contraindre le Parlement dans le vote des lois de finances. Les trajectoires fixées en loi de programmation subissent des contingences qui ne sont pas toujours connues au moment de leur élaboration. Autant dire que la trajectoire adoptée est davantage une information sur la stratégie qu'une prévision solide -  mais elle lie politiquement le Gouvernement, notamment aux yeux de nos partenaires européens.

Faut-il donner aux LPFP un caractère contraignant ? C'est ce que prévoyait le projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques, proposé en 2011 par le président Sarkozy, voté dans les mêmes termes par les deux chambres, mais jamais soumis au Congrès.

L'idée est séduisante en apparence, au vu de l'état des comptes publics, mais contraindrait juridiquement le Gouvernement et le Parlement dans leurs choix politiques. En dépit des prévisions et des engagements, la politique financière reste tributaire des soubresauts de notre époque : crises financières, pandémies, catastrophes naturelles, guerres... Le caractère non contraignant des LPFP offre la souplesse nécessaire pour répondre rapidement à des situations d'urgence ou mettre en oeuvre des politiques contracycliques.

Gare à ne pas brider la capacité d'adaptation des pouvoirs publics. En définissant des indicateurs pour la durée de la législature, la loi-cadre contraindrait la politique budgétaire en cas de ralentissement économique : aucune réorientation ne serait possible sauf à convoquer le Congrès. Fixer un objectif de solde sur une législature pourrait avoir un impact récessif, car celui-ci dépend de la croissance.

Il ne serait pas acceptable que la représentation nationale soit dans l'incapacité de réagir à des situations d'urgence en raison d'un texte programmatique voté des années auparavant. Comment aurait-on fait en mars 2020 ?

La procédure de révision à la majorité des trois cinquièmes est très contraignante, sans être pour autant une garantie de sérieux budgétaire.

Je souscris pleinement à l'objectif d'une plus grande maîtrise des finances publiques -  j'ai même une appréciation sévère sur notre gestion. Mais le dispositif juridique ne doit pas être un carcan. Le pouvoir politique doit pouvoir réagir rapidement si la situation l'impose. Les choix budgétaires sont avant tout des choix politiques, qui ne doivent pas être contraints par des outils juridiques trop rigides.

Je suis convaincu qu'une norme, quelle qu'elle soit, restera inefficace sans réelle volonté politique. La Lolf en est le meilleur exemple ! Il ne suffit pas de changer les textes pour changer la réalité. Ainsi, l'Allemagne n'a pas attendu l'interdiction constitutionnelle de voter un budget en déséquilibre en 2016 pour redresser ses comptes publics ; de même, malgré l'adoption de la règle d'or budgétaire en 2012, la dette de l'Italie atteint 140 % du PIB. Cherchez l'erreur !

Je plaidais déjà dans mes précédentes fonctions pour une culture de la pluriannualité. La loi organique du 28 décembre 2021 va dans ce sens. Depuis 2023, les projets annuels de performances doivent s'accompagner d'une trajectoire triennale. Je connais la qualité des travaux du HCFP, que j'ai présidé : il a su faire converger les prévisions du Gouvernement et celles du consensus économique, mais je doute que sa constitutionnalisation ait le moindre effet sur le rétablissement de nos finances publiques, même si son rôle pourrait être renforcé.

Le redressement des finances publiques doit procéder de la volonté des acteurs politiques, Gouvernement et Parlement. Les outils sont là, il suffit de s'en saisir pour insuffler une culture de la performance et de la responsabilisation des gestionnaires publics.

Plutôt qu'un nouveau big bang budgétaire, poursuivons les efforts déployés dans le sillage de la Lolf. Renouons avec son esprit, afin de viser l'efficacité de l'action publique, et que chaque euro dépensé soit bien employé. Il reste des marges de progrès...

Je reste attaché au renforcement des prérogatives du Parlement en matière budgétaire : il bénéficie de moyens d'information et de contrôle qui ne demandent qu'à être davantage utilisés.

Je suis convaincu que nous pouvons améliorer notre procédure d'adoption des lois de finances. Nous passons plus de temps qu'aucun autre pays sur la loi de finances initiale, mais très peu à en contrôler l'exécution. Or entre gels, surgels et rabots, la réalité d'une politique budgétaire s'apprécie davantage dans l'exécution que dans l'affichage d'une loi de finances !

Tout en saluant le travail ambitieux de Mme Paoli-Gagin, j'émettrai sur sa proposition de loi constitutionnelle un avis défavorable.

La séance est suspendue à 13 h 05.

Présidence de M. Dominique Théophile, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.

M. Marc Laménie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Rien de grand ne se fait sans l'intuition du temps long. C'est le cas dans le domaine ferroviaire, cher à mon coeur, mais aussi pour l'industrie, le nucléaire ou la sauvegarde du patrimoine

Nous sommes nombreux à vouloir renforcer la planification, non pas dans un esprit soviétique, mais pour renouer avec le temps long et bâtir des consensus politiques au-delà des cycles électoraux.

L'inversion du rapport entre pluriannualité et annualité constitue une révolution nécessaire. Cette proposition de loi constitutionnelle s'inspire largement du projet de loi constitutionnel de 2011, adopté par le Sénat. Je l'avais voté, comme nombre d'entre vous. J'espère que ceux qui siègent toujours dans notre assemblée confirmeront leur vote.

Ce qui était alors salutaire serait devenu superfétatoire, voire contreproductif ? Bien sûr, il y a eu le TSCG, puis la création du HCFP. Mais qui peut dire que la situation s'est améliorée depuis lors ? Êtes-vous certains qu'elle ne serait pas meilleure avec un renforcement de la programmation pluriannuelle ?

Nous souhaitons tous le rétablissement des comptes publics et en débattrons longuement ces prochaines semaines. Mais il faut aussi changer la méthode par laquelle nous votons le budget. Ce texte nous en offre l'opportunité, saisissons-la ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Vincent Delahaye applaudit également.)

M. Jean-François Husson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le redressement des finances publiques est une priorité unanimement partagée dans cet hémicycle. Nous sommes confrontés à un état d'urgence budgétaire qui impose d'agir pour prévenir le décrochage de la France et garantir la soutenabilité de notre dette publique.

Certes, des mesures budgétaires fortes ont déjà été prises pour réduire notre déficit primaire, en recettes comme en dépenses. Mais cet effort n'est pas suffisant : nous devons mener des réformes de structure.

Alors que nos grands principes budgétaires sont mis à l'épreuve, nous devons proposer un cadre à la fois plus performant et plus lisible. D'abord, il convient de réduire la fragmentation budgétaire qui empêche une vision intégrée des finances publiques. Ensuite, il faut renforcer le rôle du Parlement, qui doit davantage contrôler l'exécution pour redonner tout son sens au chaînage vertueux. Enfin, il faut introduire une logique de pluriannualité transversale pour mieux contrôler nos trajectoires et avoir une vision de long terme.

Cette proposition de loi constitutionnelle vise à créer une nouvelle catégorie de texte financier, la loi portant cadre financier pluriannuel. Ce dispositif se rapproche du projet de loi constitutionnelle adopté par notre assemblée en 2011 pour moderniser notre cadre financier.

Si l'objectif est pertinent, cette solution se heurte à des obstacles juridiques et pratiques de taille.

D'abord, elle rigidifierait à l'excès le pilotage budgétaire, notamment l'action du Parlement. Le cadre proposé s'imposerait systématiquement aux PLF et aux PLFSS pendant toute la législature, remettant en cause le principe d'annualité budgétaire. Les droits du Parlement en seraient fatalement endommagés.

Ensuite, ce cadre ne pourrait être révisé que par un accord des trois cinquièmes des membres du Congrès. En cas de crise, tout ajustement budgétaire serait probablement rendu impossible. Nous risquerions la paralysie institutionnelle.

Enfin, le basculement de la fiscalité dans le domaine réservé des lois de finances amoindrirait la capacité d'initiative des parlementaires.

Cette proposition de loi entrave aussi la libre administration des collectivités territoriales.

Le renforcement du rôle du Conseil constitutionnel et la constitutionnalisation du HCFP interrogent. Il s'agirait d'une transformation de l'office du juge constitutionnel, qui deviendrait un juge financier, réalisant un quasi-contrôle d'opportunité sur la base de calculs chiffrés complexes. Cela dénaturerait le rôle de cette institution. La décision budgétaire est d'abord une décision de nature politique, qui relève du Parlement et du Gouvernement. En outre, la Cour des comptes étant inscrite dans la Constitution, nul besoin d'y introduire le HCFP.

La rigidité de la procédure n'est pas synonyme de rigueur de gestion. Nous pouvons faire des choix tout en évitant les obstacles auquel se heurte ce texte. Poursuivons notre réflexion sur ce sujet. Les travaux de la mission Arthuis sont opportuns, à cadre constitutionnel constant.

Le groupe Les Républicains votera contre cette proposition de loi.

Mme Patricia Schillinger .  - Cette proposition de loi constitutionnelle soulève des questions fondamentales sur la gestion des finances publiques, alors que notre déficit est alarmant.

Elle vise à inscrire dans la Constitution la primauté d'un cadre budgétaire pluriannuel sur le principe d'annualité.

Depuis 1974, aucun budget n'a été voté à l'équilibre. La dette publique dépasse 113 % du PIB.

La proposition de loi constitutionnelle réserve aussi le monopole des dispositions fiscales aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale et constitutionnalise un HCFP aux missions élargies.

En commission, des réticences ont été formulées, notamment sur la restriction des droits du Parlement et l'atteinte à l'autonomie des collectivités territoriales. La remise en cause de l'annualité budgétaire, garante du consentement à l'impôt et du contrôle régulier des dépenses, rigidifierait notre cadre budgétaire et compromettrait notre réactivité en cas de crise. La majorité des trois cinquièmes au Congrès est normalement réservée à des réformes d'ampleur.

Par ailleurs, ce texte aurait un impact sur l'autonomie des collectivités territoriales, qui assurent la plus grande part de l'investissement public : imposer des plafonds centralisés de prélèvements obligatoires et de dépenses compromettrait leur autonomie.

Le redressement des finances publiques relève d'une volonté politique. Nous voterons contre ce texte, malgré son intention louable.

M. Bernard Fialaire .  - Cette proposition de loi constitutionnelle fait primer le principe de pluriannualité budgétaire sur le principe d'annualité.

Ses motivations sont louables : redresser les finances publiques. Je souligne que l'instabilité politique participe de la dérive actuelle et plonge le monde économique dans l'incertitude.

Une plus grande visibilité améliorerait la situation. En 2020, la Cour des comptes prônait ainsi un renforcement de la programmation pluriannuelle. Le bilan des LPFP est décevant : elles sont rarement respectées, du fait notamment de prévisions peu réalistes.

Le principe d'annualité budgétaire, s'il peut sembler désuet, garantit le contrôle parlementaire du budget, impératif démocratique issu de la Révolution française. Sanctuariser un objectif pour cinq ans est disproportionné au regard des exigences démocratiques. En outre, l'annualité n'est pas incompatible avec la programmation.

Veillons à ne pas dépolitiser les débats financiers ni dessaisir le Parlement de ses pouvoirs budgétaires. La programmation doit être un guide sérieux et réaliste dans la préparation du budget, pas un carcan.

Cette proposition de loi constitutionnelle apporte une pierre supplémentaire à un débat légitime, mais la solution viendra plus des élus de la République que des contraintes du droit. Une majorité du RDSE votera contre. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Vincent Delahaye .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP) Je salue l'initiative de Vanina Paoli-Gagin. Faut-il plus de contraintes budgétaires ? J'ai entendu beaucoup de critiques, parfois légitimes, mais, hélas, peu de propositions.

L'objectif est excellent, nous dit-on. Assurément, puisque la dette représente dix ans d'impôts. Mais la volonté politique suffirait. Vraiment ? Non, monsieur le garde des sceaux, nous ne traversons pas un « épisode ». Voilà quarante ans que cela dure !

M. Didier Migaud, garde des sceaux.  - Et même cinquante...

M. Vincent Delahaye.  - Pour ma part, j'en suis lassé. Il faut agir !

On nous oppose l'autonomie financière des collectivités territoriales, mais elle a déjà été considérablement rognée. Quant aux pouvoirs du Parlement en matière budgétaire, nos rapporteurs les considèrent-ils très importants ? Nous modifions 1 à 2 % du budget chaque année, au maximum. C'est le Gouvernement qui fait le budget - il le fera encore cette année avec le 49.3.

Ces arguments m'apparaissent donc de peu de poids. Avec M. Cadic, je ferai des propositions. Je regrette qu'il n'y en ait pas davantage dans ce débat. Je l'ai dit en commission des finances, j'aurais aimé un groupe de travail commun avec la commission des lois pour y réfléchir.

Je m'abstiendrai, avec sans doute quelques collègues. Le groupe UC dans son ensemble votera contre le texte.

Pour redresser les finances publiques, la volonté politique ne suffit pas ; il faut des contraintes. La Suède, la Finlande, le Danemark en sont passés par là. Sans contraintes, les Français seront incapables de respecter le cadre de rigueur qui sied à l'usage de l'argent public.

Nous faisons, une fois de plus, le choix du choc fiscal. Mais les exemples étrangers montrent que la réduction des dépenses a de moindres effets récessifs ! Arrêtons les zigzags financiers : nous avons baissé l'impôt sur les sociétés pour nous rapprocher des standards européens, et voilà que nous remettons en cause cette baisse. Les acteurs économiques ont besoin de stabilité.

Je le répète, menons un travail collectif sur ces enjeux. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

M. Pascal Savoldelli .  - Cette proposition de loi constitutionnelle - de droite - suggère que le 49.3 ne suffit pas : il faudrait limiter encore plus la démocratie parlementaire et dépolitiser le débat budgétaire, au moment où la droite veut imposer plus d'austérité.

Non, le Parlement n'est pas responsable de la dette publique. Nous appelons à voter contre ce texte, comme le ministre et les rapporteurs, mais, vous vous en doutez, avec un cheminement politique différent.

Ce texte porterait un coup fatal au débat démocratique, déjà bien entravé : l'article 40, l'article 47-1 cadenassent la démocratie sociale, l'article 49.3 symbolise à lui seul la crise de confiance dans les institutions.

Cette proposition de loi constitutionnelle rendrait illégitimes les écarts par rapport au carcan imposé par la loi portant cadre financier pluriannuel et interdirait toute modification fiscale hors lois de finances. Bref, il n'y aurait de débat budgétaire que tous les cinq ans et le Gouvernement aurait le monopole de la fiscalité. Ce n'est pas une règle d'or, mais de plomb !

La pluriannualité existe déjà et n'a jamais été respectée : les LPFP sont caduques dès leur adoption. La majorité sénatoriale a durci la dernière, puis vite oublié ses résolutions...

Supprimer 60 milliards d'euros de fiscalité en temps de crise n'était pas crédible. Nous prônons une planification et des orientations politiques claires, répondant aux besoins de la nation plutôt que des marchés financiers. Pourquoi ne pas abroger l'article 40, pour un renouveau de la procédure budgétaire et une respiration démocratique ?

Le peuple français n'est pas irresponsable, la représentation nationale non plus. La société a besoin non pas de limites, mais d'un nouveau souffle démocratique !

M. Thomas Dossus .  - L'initiative de Vanina Paoli-Gagin, inspirée de la tentative de 2011, vise à imposer des plafonds pour éviter les sorties de route budgétaires.

Les finances publiques de la France connaissent une détérioration phénoménale : c'est une préoccupation partagée. Mais cette situation résulte de choix politiques assumés - et souvent imposés au Parlement, par le 49.3.

La méthode proposée aurait des effets de bords budgétaires et démocratiques délétères. La pluriannualité budgétaire peut être sécurisante, mais il faut aussi de la flexibilité, notamment en cas de crise. Lors de la pandémie de covid, nous avons vu le besoin de réagir rapidement.

De plus, cette proposition de loi ne fait aucune distinction entre dépenses courantes et dépenses d'investissement. Nous proposons une règle verte, pour atteindre notre objectif de soutenabilité des finances publiques sans renoncer à notre engagement écologique.

Rigidifier les règles d'équilibre budgétaire affaiblirait la démocratie. Nous regrettons déjà les débats budgétaires au pas de charge. Cette proposition de loi dévitaliserait totalement la discussion budgétaire. Elle est, au demeurant, très éloignée des préoccupations de nos concitoyens -  se loger, payer ses factures, vivre en sécurité dans un environnement sain.

Bien que cette proposition de loi s'appuie sur un constat partagé par tous, les baisses d'impôts ou exonérations de cotisations ont largement été votées par la majorité sénatoriale. J'insiste : la dégradation des comptes est le fruit de choix politiques.

Le GEST votera contre ce texte.

M. Thierry Cozic .  - Cette proposition de loi constitutionnelle vise à créer une nouvelle catégorie de lois : les lois portant cadre financier pluriannuel, qui se substitueraient aux LPFP. Elle réserve aussi le monopole des dispositions fiscales aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale et constitutionnalise le HCFP.

Ce texte s'inspire d'un projet de loi constitutionnelle de 2011, déposé dans un contexte de crise souveraine de la zone euro et qui n'a jamais été soumis ni au référendum ni au Congrès. Face à la dégradation des comptes publics, il est légitime de s'interroger sur l'opportunité de modifier notre loi fondamentale. Mais on entend trop souvent des arguments éculés, comme l'a souligné le président Raynal en commission. Il faut cesser de citer 1974 : aucun État dans le monde ne vote plus de budget à l'équilibre ! Ce qui importe, c'est d'avoir une dette soutenable et bien orientée.

Les crises des subprimes et du covid ont pesé, mais les choix budgétaires et fiscaux des gouvernements d'hier et d'aujourd'hui aussi. Je ne suis pas convaincu que cette proposition de loi constitutionnelle aurait empêché la dégradation de nos finances publiques. La responsabilité est du côté de ceux qui écrivent le budget.

Cette proposition de loi constitutionnelle renforcerait encore le parlementarisme rationalisé. Les textes annuels devraient nécessairement s'inscrire dans le cadre pluriannuel. La loi-cadre pourrait être appliquée selon des modalités déjà en vigueur, comme le vote bloqué ou le 49.3.

Ce dispositif est inadapté aux temps de crise, qui exigent réactivité et adaptabilité. Alors qu'il est possible de faire adopter dans les meilleurs délais une loi de finances rectificative, il deviendrait nécessaire de convoquer le Congrès.

Le groupe SER n'est pas plus convaincu par cette approche qu'il ne l'était au temps du gouvernement Fillon. Les travaux de la mission d'information sur la dégradation des finances publiques de la commission des finances nous semblent bien plus prometteurs pour éclairer l'incurie budgétaire qui a parfois cours dans notre pays.

Discussion des articles

Article 1er

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié de M. Cadic et alii.

M. Vincent Delahaye.  - Cet amendement constitutionnalise un bouclier fiscal plafonnant à 50 % le taux individuel global d'impositions directes. Explicitons l'exigence du caractère non confiscatoire de l'impôt. Chaque individu doit pouvoir conserver le bénéfice de la moitié de ses revenus.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur.  - Cette proposition de loi constitutionnelle est-elle le bon véhicule pour adopter une mesure sur le niveau d'imposition ? J'en doute.

L'article XIII de la DDHC existe et le Conseil constitutionnel s'y réfère déjà. L'exigence d'égalité devant l'impôt ne serait pas respectée si l'impôt était confiscatoire. La jurisprudence est claire. Avis défavorable.

M. Didier Migaud, garde des sceaux.  - Même avis. Il faut garder de la souplesse. L'inscription dans la Constitution limiterait la capacité de décision du Parlement.

M. Thomas Dossus.  - On a connu le couperet de l'article 40 pour des motifs alambiqués... Or l'incidence financière de cet amendement n'est pas du tout évaluée. Il aurait dû être déclaré irrecevable.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur.  - S'agissant d'une proposition de loi constitutionnelle, ni l'article 40 ni l'article 45 de la Constitution ne s'appliquent.

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Je voterai évidemment cet amendement. Nous sommes le pays le plus imposé au monde. On voit le résultat : le surendettement et l'incurie budgétaire.

M. Pascal Savoldelli.  - Cet amendement justifie mes propos précédents. Vous voulez instaurer un plafond constitutionnel de prélèvements fiscaux. Il y a un loup !

L'impôt garantit l'égal accès aux services publics. Si l'on suit votre raisonnement, les ménages devront s'endetter pour pouvoir se payer des services privés. Voilà votre projet de société ; ce n'est pas le nôtre ! Vous voulez transférer une partie de l'action publique vers le secteur marchand. C'est éminemment politique !

L'amendement n°4 rectifié n'est pas adopté.

À la demande du groupe INDEP, l'article 1er est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°34 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l'adoption   18
Contre 321

L'article 1er n'est pas adopté.

Après l'article 1er

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié de M. Cadic et alii.

M. Vincent Delahaye.  - Après la pression fiscale, M. Cadic déplore l'instabilité fiscale permanente de notre pays. Aussi souhaite-t-il empêcher le législateur de modifier plus d'une fois par législature un même impôt, sauf pour le diminuer. Il souhaite également proscrire la rétroactivité de la loi fiscale, sauf -  là encore  - pour réduire un impôt. Ce serait un progrès pour les acteurs économiques.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur.  - Avis défavorable, même si l'on peut partager l'objectif. Le I de l'amendement est une atteinte au droit du Parlement d'aller chercher des recettes supplémentaires. S'agissant du II, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est claire : on ne peut porter atteinte aux situations légalement acquises.

M. Didier Migaud, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.

L'article 2 n'est pas adopté, non plus que les articles 3 et 4.

Article 5

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié de M. Delahaye et alii.

M. Vincent Delahaye.  - Pour redresser les comptes publics, nous devons nous imposer des contraintes, la volonté politique étant rarement suivie d'effet. Je propose donc un retour à l'équilibre de la section de fonctionnement du budget général de l'État, à compter de 2030 -  comme pour les collectivités.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur.  - On comprend l'objectif : les collectivités territoriales respectent en effet une double règle d'or.

Lors de la crise sanitaire, nous avons dû voter en urgence des mesures certes coûteuses, mais indispensables au maintien de l'activité économique. Nous risquerions d'être coincés au moindre retournement conjoncturel.

En outre, notre vote sur le budget ne distingue pas fonctionnement et investissement, nous votons par missions. C'est toute la philosophie de la Lolf qui serait bouleversée.

M. Didier Migaud, garde des sceaux.  - Moi aussi, je comprends l'objectif, mais les sections de fonctionnement et d'investissement ne sont pas les unités de vote du budget de l'État.

En outre, votre amendement nous conduirait à distinguer ce qui relève du fonctionnement de ce qui relève de l'investissement...

M. Vincent Delahaye.  - Je sais bien...

M. Didier Migaud, garde des sceaux.  - Et alors, que de débats ! Que feriez-vous des dépenses d'éducation ? Avis défavorable.

M. Vincent Delahaye.  - Nous sommes toujours d'accord sur les objectifs, mais jamais sur les solutions.

Le « n'importe quoi qu'il en coûte », comme dit Nicolas Baverez, était-ce du fonctionnement courant ? Non, c'étaient des dépenses exceptionnelles.

M. le ministre nous invite à un débat intéressant et pas si compliqué ; les entreprises distinguent bien leurs dépenses de fonctionnement de leurs dépenses d'investissement.

La commission des finances compte suffisamment de cerveaux, même si Roger Karoutchi nous a quittés (M. Roger Karoutchi lève les bras au ciel en souriant), pour que nous réfléchissions à la distinction entre fonctionnement et investissement.

Je reste partisan de fixer un cadre afin de montrer l'exemple.

L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté.

L'article 5 n'est pas adopté.

Article 6

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié de M. Delahaye et alii.

M. Vincent Delahaye.  - Cet amendement, similaire au précédent, porte sur les comptes de la sécurité sociale, dont les dépenses d'investissement sont limitées.

Chaque génération doit assumer ses dépenses. Pourquoi les dépenses d'aujourd'hui reposeraient-elles sur les générations futures ? Cela n'est ni sain ni moral. Il faut une règle d'or d'équilibre des comptes.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur.  - Avis défavorable. Faut-il graver cette mesure dans le marbre constitutionnel ? Pas sûr. On ferait du juge constitutionnel un juge financier. Et que ferait-on face à une baisse des recettes liée à un retournement de conjoncture ? C'est, encore une fois, essentiellement une question de volonté politique.

M. Didier Migaud, garde des sceaux.  - À titre personnel, je suis sensible à l'instauration d'une règle d'or pour les comptes de la sécurité sociale. Ce sont des dépenses de fonctionnement et tout déséquilibre est anormal. Toutefois, il n'est pas possible de fixer de règle d'or annuelle. Cela serait plus pertinent sur trois ans, pour tenir compte de la conjoncture par exemple. Aussi, avis défavorable.

M. Pascal Savoldelli.  - Il faut aligner le management public sur le privé, c'est ça ? On oublie de dire que ce management enthousiaste, performant et efficace doit tout de même 20 milliards d'euros à la sécurité sociale pour cotisations non payées !

M. Vincent Delahaye.  - Merci de votre réponse, monsieur le ministre. Je suis tenté de sous-amender pour proposer trois ans... (Sourires) En tout cas, vous ouvrez une perspective !

Monsieur Savoldelli, il ne s'agit pas de manager de la même façon ; simplement, dans le public, on oublie plus facilement les contraintes budgétaires ! Regardez ce que sont devenus les objectifs fixés en lois de programmation...

Des études d'impact dignes de ce nom -  car les actuelles sont affligeantes  - , avec évaluation du coût et précision sur le financement, seraient un progrès.

L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté.

L'article 6 n'est pas adopté, non plus que les articles 7, 8, 9, 10 et 11.

M. le président. - Je vous rappelle que si l'article 12 n'était pas adopté, il n'y aurait plus lieu de voter sur l'ensemble de la proposition de loi constitutionnelle, dans la mesure où les 12 articles qui la composent auraient été supprimés.

L'article 12 de la proposition de loi constitutionnelle est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°35 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l'adoption   34
Contre 305

L'article 12 n'est pas adopté.

La proposition de loi constitutionnelle n'est pas adoptée.

La séance est suspendue quelques instants.

Protection du commerce maritime en mer Rouge

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution visant à condamner les actions des rebelles houthis en mer Rouge et à appeler à une action internationale pour protéger le commerce maritime et l'environnement dans cette zone, présentée, en application de l'article 34-1 de la Constitution, par Mme Nicole Duranton, MM. François Patriat, Jean-Baptiste Lemoyne et plusieurs de leurs collègues, à la demande du RDPI.

Discussion générale

Mme Nicole Duranton, auteur de la proposition de résolution .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Nous voulons condamner les actions des Houthis en mer Rouge. Fondé dans les années 1990, ce mouvement politique et militaire, chiite, avait initialement des revendications religieuses et s'opposait à l'influence étrangère au Yémen, notamment de l'Arabie saoudite et des États-Unis.

En 2014, les Houthis ont pris le contrôle de la capitale Sanaa et ont contraint le gouvernement yéménite à fuir vers le sud. Soutenus par l'Iran, ils contrôlent une grande partie du pays, dont le littoral de la mer Rouge, avec des conséquences économiques, écologiques et sécuritaires majeures.

La mer Rouge voit passer 10 % du trafic maritime international, 25 % du trafic mondial de porte-conteneurs et 40 % des échanges entre l'Europe et l'Asie - c'est une voie stratégique, car 90 % du commerce international, en volume, est maritime.

Depuis octobre 2023, les Houthis ont mené plusieurs attaques, en solidarité avec les Palestiniens, mais pas uniquement. Selon une commission d'enquête de l'ONU, ils perçoivent chaque mois 180 millions de dollars de certaines agences maritimes en échange d'une non-agression. Ils utilisent drones et missiles pour cibler navires civils et militaires, y compris français. Ces exactions, qui causent de lourds dégâts, menacent l'équipage à bord, contraignant, par exemple, CMA CGM à suspendre son trafic en mer Rouge. Un navire coulé ou capturé par les Houthis, c'est 1 milliard d'euros de perdu ! En conséquence, outre CMA CGM, MSC, Maersk et BP ont modifié leurs routes commerciales, pour passer par le cap de Bonne-Espérance. Selon un cadre de CMA CGM, ces déviations représentent des milliards de dollars de coûts supplémentaires, plus de bateaux et des délais de livraison allongés de 12 à 15 jours en moyenne.

S'y ajoutent des impacts écologiques, comme en témoigne le naufrage en mars dernier du Rubymar, qui contenait 22 000 tonnes d'engrais chimiques et des centaines de tonnes de carburant. Cette pollution s'est étendue sur plusieurs kilomètres, rappelant l'Exxon Valdez. Si les attaques continuent, de telles catastrophes se répéteront, mettant en péril les écosystèmes marins de la mer Rouge.

Plus de navires, c'est aussi plus d'émissions de gaz à effet de serre et plus de pollution marine. Nos côtes de La Réunion sont concernées, tout comme celles de Mayotte.

La sécurisation du détroit de Bab el-Mandeb implique les grandes puissances dont la France, au travers de l'opération Gardien de la prospérité lancée par les États-Unis dès décembre 2023. Après avoir envoyé la frégate Languedoc, la France a rejoint l'opération européenne Aspides, afin de répondre aux agressions des Houthis contre les navires commerciaux qui transitent par la mer Rouge, mais la zone n'est toujours pas suffisamment sécurisée pour permettre la reprise du trafic maritime.

Depuis 2015, les Houthis gouvernent de facto le nord du Yémen, alors que le gouvernement officiel s'est réfugié au sud.

Soutenus par l'Iran, les rebelles houthis prétendent être les seuls acteurs au Yémen à soutenir la cause palestinienne au Yémen. En réalité, ils font le jeu de l'Iran contre Israël. Leur arsenal sophistiqué - missiles balistiques, drones... - leur permet de cibler des infrastructures stratégiques.

Début octobre, nous avons appris que l'Iran servait d'intermédiaire pour livrer des missiles antinavires supersoniques russes aux rebelles houthis : la Russie cherche à renforcer ses alliances face aux Occidentaux.

À l'Assemblée générale de l'ONU, Emmanuel Macron n'a pas évoqué la situation en mer Rouge, mais a réaffirmé sa volonté de trouver une solution diplomatique au conflit israélo-palestinien. Il est de notre responsabilité de suivre cette boussole pour désamorcer la crise en mer Rouge et éviter l'escalade.

Intolérables, les attaques des Houthis mettent en péril des vies humaines et la stabilité internationale. Trouvons une issue diplomatique à cette crise protéiforme qui n'a que trop duré.

L'incertitude qui pèse avec le retour de Donald Trump doit conduire la France à jouer un rôle moteur dans l'action internationale en mer Rouge.

J'espère que le Sénat adoptera cette proposition de résolution à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

M. Jean-Pierre Grand .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains) Par son soutien, Téhéran a vassalisé les Houthis, d'où leurs attaques contre Israël. Ils perturbent aussi le commerce international, en se livrant à des actes de piraterie, soit pour rançonner, soit pour détruire.

Ni la France ni la communauté internationale ne peuvent laisser faire. Ces attaques entraînent parfois la mort des membres d'équipage. N'oublions pas ces crimes ! Ces attaques conduisent aussi à des catastrophes écologiques.

Avant 2023, 12 % du commerce passait par la mer Rouge. Depuis, le trafic y a chuté de 20 %, avec des conséquences sur l'ensemble des économies. Les primes d'assurance ont explosé. En passant par le cap de Bonne-Espérance, on a augmenté de moitié le temps de trajet, ce qui double le prix du conteneur venu d'Asie.

Je salue l'intervention de la marine nationale, dont nous devons augmenter les moyens. Les Houthis souhaitent étendre leurs opérations dans l'océan Indien. Espérons qu'ils n'y arrivent pas, et donnons-nous les moyens de les entraver.

Les tensions en mer s'accroissent. La course aux armements s'accompagne d'une désinhibition. Il nous faut défendre la France et ses intérêts.

Nous ne pouvons que soutenir la proposition de résolution de Nicole Duranton : le groupe INDEP la votera. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, du RDPI, et des groupes UC et Les Républicains)

M. Roger Karoutchi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous voterons cette résolution, sans illusion, car aucune résolution n'a jamais arrêté de guerre.

Madame Duranton, je ne partage pas votre constat : vous prétendez que depuis le 7 octobre, les Houthis veulent arrêter les navires qui ont un lien avec Israël. Non, l'origine de ces attaques, c'est la guerre civile au Yémen, entre les rebelles, soutenus par l'Iran, et le Gouvernement légitime, soutenu par l'Égypte et l'Arabie saoudite. Les Houthis sont des pirates, comme cela se pratique depuis le 19e siècle dans le détroit de Bab el-Mandeb.

Mme Valérie Boyer.  - Exactement !

M. Roger Karoutchi.  - La boucle est bouclée : l'Iran fournit des armes, se fait payer par l'argent récolté par les actes de piratage, dissimule ces actes derrière la cause palestinienne... Nous avons donc affaire à des pirates, opposés au Gouvernement yéménite officiel et à la libre circulation.

Nous voterons cette résolution, mais si l'on veut couper la tête d'une hydre, il faut prendre plusieurs haches (Mme Nathalie Goulet renchérit) : la tête est à Téhéran et non au Yémen. L'action diplomatique de la France doit donc être tournée vers l'Iran, comme l'a rappelé le ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Que l'Iran cesse de soutenir ses proxys : le Hamas, le Hezbollah, les Houthis, les « 3 H » qui contribuent au désordre politique, militaire et diplomatique dans la zone.

Arriverons-nous à des accords assurant la paix et la solidarité dans la zone ? Je ne sais pas. La marine française est présente, Jean-Pierre Grand l'a rappelé, même si ce sont surtout les Américains et les Britanniques qui agissent, ainsi que l'aviation israélienne, sporadiquement.

Oui, il faut tout faire pour que les Houthis arrêtent de bloquer le détroit et mettent fin à leurs actes de piratage.

Oui, il faut rétablir la paix dans la zone, sans illusion : tant que nous n'aurons pas instauré un rapport de force avec Téhéran, il y aura du Hamas, du Hezbollah, des Houthis et la guerre. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - Je remercie Nicole Duranton de cette proposition de résolution, ainsi que les 42 signataires.

Ces sujets semblent -  à tort  - éloignés de notre quotidien, car il y va de la stabilité au Proche et au Moyen-Orient, de la sécurité des routes maritimes et de notre approvisionnement.

Les Houthis prennent un visage nouveau avec l'hybridation des menaces et le développement d'armes low cost.

L'horreur des massacres du 7 octobre a changé la donne. Les Houthis attaquent les navires, proies faciles. Bab el-Mandeb est bien nommé : la porte des pleurs, au point qu'une frégate militaire allemande a évité le secteur voilà quinze jours ! Cela nous rappelle que les détroits sont aussi stratégiques que vulnérables ; restons extrêmement vigilants sur le détroit de Taïwan.

Leurs dirigeants ont fait le lien avec le conflit à Gaza et au Liban. Mais ce ne sont pas de simples exécutants de l'Iran (M. Roger Karoutchi le confirme) : leurs intérêts sont alignés, mais les Houthis ont aussi leur dynamique propre.

Cette proposition de résolution rappelle que le spectre d'un embrasement nous guette.

Concernant le Yémen, les Houthis se sont mués en force politique à visée nationale dans les années 1990, après le refus des gouvernements yéménites de reconnaître la minorité zaydite. Le peuple yéménite paie tout cela, la situation humanitaire est déplorable. Seule une voie fédérale stabiliserait le pays, mais nous en sommes loin.

Sur le Proche-Orient, alors que la solution à deux États, assortie d'une garantie de sécurité pour Israël, est la seule envisageable, on s'éloigne toujours plus de l'esprit de la résolution 242 de l'ONU et de la résolution de 1947.

Dans ce monde de crises permanentes, nous devons muscler notre jeu en matière de défense et de diplomatie, notamment en renforçant notre présence dans la zone et dans les océans.

Je nous invite à nous réunir autour de cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

Mme Sophie Briante Guillemont .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Depuis novembre 2023, les attaques des Houthis contre les navires marchands se sont intensifiées. L'assaut contre le pétrolier Galaxy Leader, dont les 25 membres d'équipage sont toujours retenus en otages, en a été le point d'orgue. Le cargo Rubymar a également coulé, tandis que des attaques de missiles ont ciblé Israël, tuant une personne à Tel-Aviv.

Ce conflit en mer Rouge s'inscrit dans l'histoire plus large du Yémen et de la péninsule arabique.

En 2004, à la suite de l'assassinat de son leader, le mouvement houthi a pris les armes. En 2014, ils ont scindé le pays en deux, obligeant le Gouvernement à abandonner la capitale, Sanaa, et à se retrancher dans le nord-est du pays.

Cela a provoqué l'une des plus graves famines depuis un siècle. Les civils paient le prix du conflit. Cinq millions d'enfants de moins de 5 ans sont dénutris, ainsi que 1,3 million de femmes enceintes et allaitantes.

Pas moins de 70 % de la population a besoin d'une aide humanitaire. En outre, 11 000 enfants ont été tués ou gravement blessés et 4 000 enrôlés par les rebelles.

Les attaques contre les navires s'inscrivent dans ce contexte. Sept des dix plus grandes compagnies maritimes ont cessé d'emprunter cette route. L'Union européenne a lancé une mission de protection.

Il est nécessaire d'éviter une escalade incontrôlée, et la seule réponse militaire ne suffit pas : il faut trouver une solution politique, et cette proposition de résolution nous y invite. La France doit jouer un rôle majeur pour garantir la souveraineté des États. Cela passe par une multiplication des échanges avec les partenaires européens et régionaux, comme Djibouti.

Le RDSE votera cette résolution : seule une solution politique nous sortira de l'impasse. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RPDI)

M. François Bonneau .  - (M. Laurent Somon et Mme Valérie Boyer applaudissent.) La mer Rouge est une voie de passage stratégique pour les marchandises, notamment entre l'Asie, l'Europe et l'Afrique.

Depuis novembre 2023, la région est fortement déstabilisée par les Houthis. Ainsi, 150 incidents ont été rapportés, dont quatorze navires touchés par missile ou drone et dix-huit détournés par des pirates somaliens. Le trafic en mer Rouge représente 13 % du trafic mondial et 21 % du trafic énergétique. Il a été divisé par deux depuis 2023.

Le conseil de sécurité des Nations unies alerte sur le fait que la milice houthie devient une puissante organisation militaire ; elle compte désormais 350 000 combattants, soit dix fois plus qu'il y a dix ans.

Ces attaques mettent en péril des civils et constituent une entrave à la liberté de la navigation et du droit international. Comment la France compte-t-elle répondre ?

L'opération Aspides vise à protéger le trafic maritime et contribue à la liberté de navigation. Vingt et un États membres participent, et trois, dont la France, y engagent des bâtiments de premier rang. L'opération continuera jusqu'en février 2025. Monsieur le ministre, cette opération se poursuivra-t-elle, ainsi que les opérations Atalante et Agénor ?

Nous voterons cette résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Fabien Gay .  - Le 8 octobre 2023, au lendemain des attaques terroristes du Hamas que nous condamnons fermement, Washington a déployé en mer Rouge un puissant arsenal. Les attaques des Houthis ont commencé le même jour.

Les États-Unis ont créé une coalition internationale pour combattre les Houthis, sans mandat. L'Union européenne a lancé une opération similaire, sous l'égide des Nations unies, qui, elle, n'a pas vocation à bombarder le Yémen. Mais les Houthis peuvent lancer de nouveaux assauts.

Nous aurions dû tirer les conclusions de la sale guerre menée par l'Arabie saoudite, armée par la France : l'échec d'une approche militaire au Yémen. D'où notre première réserve : le texte invite à la désescalade, mais il encourage aussi une coalition belliciste qui fragilise encore la zone. Nous plaidons pour plus de diplomatie.

La mer Rouge voit transiter 12 % du trafic mondial et 75 % des exportations européennes. La déviation des routes maritimes rogne les marges de nos grands industriels européens.

Chaque conflit armé est un désastre humain et écologique. La sale guerre de Poutine a fait 300 000 morts de chaque côté, mais a aussi rayé de la carte des centaines de milliers de mètres carrés de forêts, ravagés par les incendies, et contaminé aux métaux lourds les terres et les nappes phréatiques.

Nous avons un désaccord important avec ce texte, qui fait l'impasse sur les crimes de guerre et le risque plausible de génocide commis à Gaza par Netanyahu et son gouvernement d'extrême droite. C'est un véritable massacre, sur un territoire qui, depuis vingt ans, vit un triple blocus contraire au droit international.

Si nous voulons la paix au Yémen, nous la voulons aussi pour les peuples israélien et palestinien.

Nous ne sommes pas naïfs vis-à-vis du soutien iranien aux groupes terroristes. Seule une solution politique restaurera la confiance et marginalisera les groupes paramilitaires.

La France doit faire entendre sa voix. Nous voulons un couloir humanitaire, la libération des otages et prisonniers politiques palestiniens et le respect du droit international, en reconnaissant enfin l'État palestinien.

Cette proposition de résolution rate sa cible : on ne peut ignorer le problème israélo-palestinien, il faut régler tous les problèmes de la zone.

Le groupe CRCE-K s'abstiendra donc.

M. Akli Mellouli .  - Le GEST partage le souhait de mettre fin aux attaques des navires dans le golfe d'Aden et en mer Rouge, tout comme nous condamnons toutes les attaques et oppressions des peuples, où qu'elles soient et d'où qu'elles viennent. Nous voterons donc cette proposition de résolution.

Vice-président du groupe d'amitié France-Yémen, je partage un regard lucide sur la situation. Depuis 2014, le Yémen est le théâtre d'une guerre civile meurtrière, alimentée par des puissances régionales : 400 000 morts et 200 000 réfugiés, avec pour toile de fond la rivalité entre l'Arabie saoudite et l'Iran.

Selon l'Unicef, 70 % de la population a besoin d'aide humanitaire, 17 millions de personnes sont en insécurité alimentaire. Les réseaux d'eau et d'électricité s'effondrent. Pas moins de 4,5 millions d'enfants, soit 40 % d'entre eux, ne vont plus à l'école. Quel désespoir ! Et quel avenir leur prépare-t-on ? Voilà le terreau de conflits futurs.

Pendant dix ans, l'Occident a répondu par un silence assourdissant aux appels du peuple yéménite. La communauté internationale a une responsabilité et doit agir davantage. Comment accepter des frappes occidentales sur le territoire yéménite ?

L'intervention israélienne au Liban pourrait accentuer l'instabilité de ces zones maritimes. Cette poudrière ne pourra se calmer que si on prend en compte l'ensemble des problèmes de la région, et notamment une résolution du conflit israélo-palestinien fondée sur le droit international.

La France doit veiller à conserver une position impartiale et juste. Son engagement pour la dignité humaine doit être inébranlable, dans le respect du droit international, pour une paix durable.

C'est pourquoi nous voterons cette résolution. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE)

Mme Hélène Conway-Mouret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du RDPI) Je remercie Nicole Duranton et ses collèges de cette proposition de résolution qui porte un message politique fort d'apaisement et de solidarité, dans un contexte politique préoccupant.

La piraterie dans le golfe d'Aden date des années 2008-2012, avec les pirates somaliens, après la déstabilisation de leur pays. L'Union européenne a lancé en 2008 l'opération Atalante, à laquelle la France participe. L'opération Ocean Shield a été menée de 2009 à 2016, éliminant les actions de piraterie. Les résultats furent concluants.

Actuellement, les Houthis ont pris fait et cause dans la guerre entre Israël et le Hamas, dans une logique politique, et non plus de prédation économique.

Les attaques de novembre 2023 ont réduit drastiquement le trafic maritime en mer Rouge. Les grandes compagnies d'armateurs comme CMA CGM et MSC ont renoncé à fréquenter cet axe.

La France s'est engagée dans deux coalitions : une coalition offensive, Gardien de la prospérité, menée par les États-Unis et vingt et un autres pays, et une coalition défensive, Aspides, sous l'égide de l'Italie, avec sept États européens. La France s'y est activement impliquée.

Cette coalition a mené à bien 300 escortes, avec la destruction de drones aériens et maritimes et de missiles balistiques. Cette mission doit être renforcée. La contribution de 8 millions d'euros de l'Union européenne est insuffisante.

J'en viens au volet économique. Par ce détroit passe 40 % du commerce maritime mondial, soit 12 % du commerce mondial. L'Italie, dont 54 % des marchandises passent par voie maritime, a perdu 9 milliards d'euros en 2024. Le port grec du Pirée a connu une baisse de 15 % de son activité. Russes et Chinois préfèrent les voies ferroviaires aux voies maritimes.

Le canal de Suez est aussi touché. Les armateurs font le tour de l'Afrique, saturant les ports d'Afrique du Sud, et faisant exploser le coût des conteneurs et des assurances.

Ne négligeons pas le coût environnemental. Heureusement, le pétrolier Sounion a pu être remorqué. Au-delà des dégâts matériels, je pense aussi aux marins, qui sont menacés. On estimait en août 2024 qu'une centaine de navires avaient été attaqués. Les 25 marins du Galaxy Leader sont toujours otages.

Je rends hommage à la marine française et à la frégate qui a évité que le Sounion ne coule. Ces bateaux font tenir l'économie mondiale. La France, avec une solidarité infaillible, continuera à répondre présent, par son action militaire et diplomatique.

Le groupe SER votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du RDPI et du RDSE)

Mme Valérie Boyer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'opération Atalante rencontre depuis plusieurs mois de nombreuses difficultés. Les rebelles houthis multiplient les attaques, tant politiques que de piraterie. Lundi, ils ont attaqué deux destroyers américains. Des navires de CMA CGM et la frégate Languedoc ont été ciblés.

Ces attaques menacent l'économie européenne, et empêchent les relations maritimes avec nos territoires de l'océan Indien, La Réunion et Mayotte.

Il faut une action internationale. Je regrette que ce texte n'insiste pas davantage sur la menace internationale que les Houthis représentent.

Alors que l'ombre du danger islamiste menace Israël, les Houthis appartiennent à « l'axe de résistance contre Israël », selon les termes de l'Iran.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien ! Absolument.

Mme Valérie Boyer.  - Ce sont les trois H de la terreur : Houthis, Hezbollah, Hamas. Leur devise, adoptée en 2003, en dit long : « Dieu est grand, mort aux États-Unis, mort à Israël, maudits soient les Juifs et victoire de l'islam. »

Cette proposition de résolution doit aller plus loin. Nous restons bien trop silencieux sur le sort réservé aux enfants et femmes yéménites, elles qui doivent porter des tenues couvrantes et être accompagnées de tuteurs masculins. Les Houthis les empêchent de travailler. Ces contraintes s'appliquent aussi aux travailleuses humanitaires yéménites.

La situation humanitaire est très préoccupante. Les femmes et enfants sont les plus menacés. Et je ne parle pas des mariages forcés et des grossesses précoces.

La France doit être la porte-parole de ces femmes, pour que la communauté internationale fasse pression sur les Houthis.

Nous voterons cette proposition de résolution, tout en regrettant qu'elle n'aille pas assez loin.

Dénoncer les actes de piraterie des Houthis est une façon de lutter contre la pieuvre iranienne, dont les tentacules s'étendent partout. Cette guerre de déstabilisation doit être dénoncée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI ; Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Roger Karoutchi applaudit également.) Je salue l'ambassadeur du Yémen, que je remercie de sa présence et de son amitié.

Je remercie l'auteure de la résolution. Roger Karoutchi et Valérie Boyer ont raison. Le Hamas et les Houthis font partie de la même internationale du terrorisme. Les Houthis pratiquent la piraterie depuis très longtemps. Ce sont des mercenaires prêts à tout qui ont mis leur pays à feu et à sang. L'Arabie saoudite n'a aucun intérêt à avoir un Hezbollah à ses frontières.

Je suis allée au Yémen à de nombreuses reprises, la dernière fois remonte à 2017 : la situation est tragique.

Il faut absolument engager des sanctions financières, avec des embargos et en luttant contre les trafics de drogue. Il faut veiller à ce que l'argent de la piraterie n'alimente pas le terrorisme. Les flux financiers doivent être interrompus.

Chère Nicole Duranton, la prochaine proposition de résolution devrait porter sur le financement du terrorisme - mon livre à ce sujet comprend un chapitre sur la piraterie -, car tout est lié.

Cette proposition de résolution nous donne la chance de parler du Yémen, pays très important pour la stabilité régionale. L'ambassadeur, en tribune, est à votre disposition, monsieur le ministre, pour échanger de façon constructive.

Le groupe UC votera évidemment cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et du RDPI)

M. Thani Mohamed Soilihi, secrétaire d'État chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - Avant tout, j'exprime ma gratitude à Mme Duranton pour cette proposition de résolution. (Mme Nicole Duranton apprécie.) Celle-ci s'inscrit dans l'action déterminée du Gouvernement contre les rebelles houthis en mer Rouge.

Ces insurgés yéménites se réclamant de la cause palestinienne multiplient les assauts contre les navires. Soutenus et armés par l'Iran, ils sont responsables de plus de 150 agressions depuis novembre 2023. Ils ont aussi visé à de nombreuses reprises le territoire israélien. Cette escalade belliqueuse est une menace croissante pour la sécurité de la région.

Dotés de moyens de plus en plus sophistiqués venus d'Iran, les Houthis ont franchi un cap supplémentaire dans la violence. Les drones sont devenus une réalité tristement ordinaire.

Si le naufrage du Rubymar a suscité de grandes inquiétudes environnementales, heureusement, aucune victime n'a toutefois été déplorée dans l'équipage. Mais l'attaque du 6 mars dernier contre le navire True Confidence a été meurtrière.

Ce climat de peur entrave le commerce international. Il porte directement atteinte à nos intérêts et à ceux de nos partenaires. Le FMI a enregistré une baisse de 30 % du trafic de containers via la mer Rouge - 22 % selon l'Union européenne. En conséquence, l'inflation pourrait s'aggraver.

Face à cet engrenage dangereux, la France appelle à la fin des exactions houthies. Nous dénonçons leurs comportements irresponsables. Nous appelons sans relâche à la libération du Galaxy Leader et de son équipage.

Avec l'appui de nos partenaires européens, nous avons adopté une posture défensive en mer Rouge. L'Union européenne a lancé l'opération maritime Aspides, dont l'objectif est de garantir la liberté de navigation au large du Yémen. Ainsi, plus de 270 navires ont pu être escortés, et drones et missiles interceptés. Cette opération est un témoignage fort de la volonté de la France et de l'Union européenne de restaurer cette voie de passage. L'escorte du pétrolier Sounion a évité une catastrophe écologique.

Là où le droit international est menacé, la France, fidèle à son héritage et ses idéaux, s'érigera toujours pour le protéger. À l'unisson des autres nations européennes, la France continuera de veiller sur ces eaux, afin qu'elles deviennent libres et sûres.

Au nom du Gouvernement, je vous remercie pour cette proposition de résolution. Avec l'appui indéfectible de nos partenaires et sous l'égide d'Hans Grundberg, envoyé spécial des Nations unies, notre pays ne reculera devant rien pour raviver la flamme de la paix au Yémen. C'est notre devoir. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC)

À la demande du RDPI, la proposition de résolution est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°36 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 322
Pour l'adoption 322
Contre    0

La proposition de résolution est adoptée.

(Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue quelques instants.

Corrida et combats de coqs

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à interdire la corrida et les combats de coqs en présence de mineurs de moins de seize ans, présentée par Mme Samantha Cazebonne et plusieurs de ses collègues, à la demande du RDPI.

Discussion générale

Mme Samantha Cazebonne, auteure de la proposition de loi .  - La protection de nos enfants contre l'exposition à la violence, en particulier les corridas et les combats de coqs, transcende les clivages politiques et les traditions. Ces pratiques sont reconnues comme des actes de cruauté par l'article 521-1 du code pénal. L'exception pénale dont elles bénéficient au titre de la tradition locale, d'ordre culturel, ne saurait atténuer leur caractère cruel et violent.

Le législateur a souhaité protéger les mineurs de l'exposition à la violence, en vertu de leur vulnérabilité. L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) encadre la diffusion de la tauromachie à la télévision « pour éviter de heurter la sensibilité des téléspectateurs », en imposant une signalétique jeunesse et en interdisant de diffuser la mise à mort.

Rappelons que 80 % des Français dans les territoires taurins et 86 % au total sont favorables à cette proposition de loi, selon un sondage Ifop. Ce soutien transcende les divisions partisanes même dans les départements taurins et témoigne d'une conscience collective qui appelle à une action législative cohérente.

Comment comprendre que l'on restreigne l'exposition des enfants à des scènes de violence et de cruauté à la télévision, mais pas in vivo ?

Je veux vous livrer le témoignage d'une petite fille, âgée de 6 ans lors de sa première et dernière corrida. Adulte, son traumatisme reste vif. « On fait courir le taureau dans tous les sens, on le pousse, on le pique, on le harcèle jusqu'à son épuisement. La foule hurle des « olé » à qui mieux mieux... C'est donc ça, une corrida ? C'est donc ça, une fête, pour certaines personnes. Le coup de grâce a mis fin à ce carnage. Tout le monde hurle de joie, l'animal meurt, et je suis dégoûtée. » Voilà ce qu'écrit Marina Ruiz Picasso, forcée, enfant, d'assister à cette cruauté.

Est-il acceptable qu'un enfant soit témoin de la souffrance infligée à un être vivant ? Nous avons le devoir de protéger son innocence.

Nous devons aussi prendre en compte le conflit de loyauté auquel est confronté l'enfant qu'un parent enthousiaste pousse à assister à de telles atrocités, qui violent les normes fondamentales de respect pour la vie.

De nombreuses études documentent l'impact négatif de l'exposition à des images de violences sur le développement moral et comportemental des jeunes. Comment alors justifier une exposition réelle ?

Le Comité des droits de l'enfant de l'ONU a, depuis 2016, recommandé à la France de redoubler d'efforts pour interdire l'accès des enfants aux spectacles de tauromachie, au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant. Nous ne pouvons plus accepter la complaisance. En ratifiant une convention, nous nous engageons. Comment ignorer en toute conscience les recommandations du Comité des droits de l'enfant ?

Pourquoi ne serions-nous pas fiers de faire respecter l'interdiction d'exposer les enfants à la violence et à la cruauté ? Pourquoi une exception en France, pays de l'égalité ?

Avec M. Bazin et l'ensemble des cosignataires transpartisans, nous ne demandons que de la cohérence pour protéger les enfants. Je rappelle le soutien de Simone Veil et d'Élisabeth Badinter à une telle interdiction.

Je salue l'engagement de toutes celles et tous ceux qui se battent pour protéger les enfants et s'élèvent contre la cruauté. Leur mobilisation est un exemple de courage et de détermination.

La commission des lois a estimé que « le dispositif proposé était inapplicable en l'état, n'apportait pas de réponse adaptée et était susceptible de poser d'importantes difficultés de droit et de fait. » On met l'accent sur la forme pour mieux éviter de parler du fond. Que de contorsions juridiques pour justifier d'exposer des enfants à une pratique que nous interdisons partout ailleurs ! J'y vois une énième stratégie pour éviter de débattre de ce texte, que 80 % des Français réclament.

Si vous jugiez les peines surdimensionnées, pourquoi ne pas avoir proposé d'alternative ? Nous avons déposé un amendement avec Arnaud Bazin en ce sens, pour que le débat ait lieu. Aussi, je vous demande de retirer vos amendements de suppression.

Ce texte serait un premier pas vers l'abolition de la corrida, voire vers l'interdiction de la chasse, prétendent certains. Mais il ne faut voir que la loi, rien que la loi. Reconnaissez, en toute bonne foi, qu'il n'est nullement fait mention de la chasse ni de l'interdiction de la corrida.

Refusons toute forme de complaisance, regardons la réalité en face. Prétexter la forme du texte serait un mauvais procès, car nous pouvons l'amender. (Marques d'impatience sur plusieurs travées, l'oratrice ayant dépassé son temps de parole.)

S'agissant d'un régime dérogatoire, ce véhicule législatif est le bon. La loi de protection des enfants ne doit faire aucune exception.

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Samantha Cazebonne.  - Cette proposition de loi n'est pas hors sujet. Protéger nos enfants n'est pas qu'une question de législation, mais un impératif moral.

M. Laurent Burgoa.  - Déjà deux minutes de dépassement !

Mme Samantha Cazebonne.  - Les droits des enfants doivent être respectés sur tout le territoire national, sans exception. (M. Laurent Burgoa manifeste son impatience grandissante.)

Le Comité des droits de l'enfant de l'ONU nous regarde. Les Français nous regardent. (Applaudissements sur les travées du GEST et du RDPI ; M. Christopher Szczurek applaudit également.)

M. Louis Vogel, rapporteur de la commission des lois .  - La commission des lois n'a pas adopté cette proposition de loi, considérant qu'elle n'est pas adaptée à l'objectif poursuivi. Ses auteurs défendront des amendements tenant compte de certaines remarques juridiques de la commission.

Les réserves de la commission sont doubles. D'abord, le texte entend couvrir des situations très différentes par un dispositif unique fondé sur les sévices faits aux animaux, ce qui est une source d'incohérence substantielle. Surtout, la loi n'a pas à se substituer aux parents, s'agissant de traditions locales avérées.

Cette proposition de loi couvre à la fois les combats de coqs et les courses de taureaux, or ce sont deux traditions différentes.

Si la tradition des combats de coqs décline en Flandres et dans le Nord-Pas-de-Calais, tel n'est pas le cas dans les outre-mer. Assimilée à la pratique des paris, c'est une activité d'adultes. L'accès est libre, sans vente de billets. Le dispositif proposé supposerait un contrôle de l'accès et donc une implication forte des pouvoirs publics, alors que le nombre de mineurs présents est faible. Outre le risque de déport vers les pratiques illégales, une telle mesure risquerait d'être perçue comme une remise en cause des cultures locales et une source de tension inutile.

S'agissant des courses de taureaux, mes observations ne sont pas de pure forme. Interdire la présence de mineurs de 16 ans, y compris lors des courses de taureaux sans mise à mort, rendrait très complexe l'organisation des courses de taureaux landaises ou camarguaises.

M. Laurent Burgoa.  - Absolument !

Mme Monique Lubin.  - N'est-ce pas !

M. Louis Vogel, rapporteur.  - La proposition de loi entend interdire les situations où le mineur de moins de 16 ans assiste à la course ou au combat, mais également celles où il y participe - mais elle ne dit rien des écoles taurines. La loi pénale est d'interprétation stricte : le texte interdirait à des mineurs de 16 ans d'assister à une corrida, mais pas à des enfants de 6 ou 8 ans de se former à la tauromachie...

Plus grave du point de vue du droit, la proposition de loi entend traiter de la protection des mineurs en modifiant deux articles du code pénal relatif au bien-être animal, et sans modifier le régime pénal. Elle fait reposer sur l'organisateur la responsabilité liée à la présence d'un mineur de 16 ans, sans rien prévoir pour les parents ni pour le mineur qui aurait bravé l'interdiction. Pour les exploitants de salles de cinéma, leur responsabilité s'exerce conjointement avec la responsabilité parentale, et est sanctionnée par une contravention. Cela paraît plus approprié.

La présence d'un seul mineur de 16 ans transformerait un spectacle légal en sévices graves infligés à un animal, avec circonstances aggravantes. Cela exposerait les personnes physiques à une peine de cinq ans de prison et 75 000 euros d'amende, et les personnes morales à l'interdiction d'exercice de l'activité professionnelle. Alors que pour une salle de cinéma, c'est une contravention ! Pareilles sanctions, qui aboutiraient de fait à interdire la corrida, ne sont pas conformes à l'échelle des peines du code pénal.

La loi doit-elle déterminer à la place des parents l'âge auquel on peut assister à une corrida ?

La commission des lois n'a pas trouvé de motif suffisant pour retenir l'âge de 16 ans. Ce seuil, correspondant à la fin de l'obligation scolaire et à l'émancipation, a été jugé trop bas par certains, trop élevé par d'autres, la majorité sexuelle étant fixée de 15 ans. Certains ont proposé un seuil à 14 ou à 12 ans. Bref, il n'y a pas de consensus.

L'interdiction proposée substitue l'appréciation du législateur à celle des collectivités concernées. Les traditions locales ininterrompues ouvrent droit à exemption, car elles sont identifiées juridiquement à des coutumes. Le législateur ne peut intervenir sans toucher à la nature même des traditions locales - qui suppose la possibilité de transmission.

Les règlements taurins municipaux sont un véhicule plus adapté pour encadrer le fonctionnement des écoles taurines et la présence et la participation des mineurs aux spectacles.

Il n'est pas opportun de substituer l'appréciation du législateur à celle des parents. Eux seuls, dans le cadre de l'exercice de l'autorité parentale, elle-même encadrée par le code civil et éventuellement le juge aux affaires familiales, peuvent déterminer si un enfant peut assister ou non à un spectacle fondé sur une tradition reconnue par la loi.

Cette proposition de loi nous semble inapplicable et disproportionnée. Nous proposons de ne pas l'adopter. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE ; M. Marc Laménie, Mme Monique Lubin et M. Denis Bouad applaudissent également.)

M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Je partage la préoccupation des auteurs relative à la protection des enfants, notamment au risque de surexposition à des images violentes. L'intérêt supérieur de l'enfant doit nous guider.

Toutefois, les premiers protecteurs de l'intérêt de l'enfant sont ses propres parents. L'autorité parentale, définie dans le code civil, est un ensemble de droits et devoirs ayant comme finalité l'intérêt de l'enfant. Il est de la liberté de chacun de choisir sa culture, ses coutumes, ses pratiques ; l'État n'a pas à se montrer paternaliste ou intrusif, au risque de déresponsabiliser les parents. À chacun son rôle.

Va-t-on pénaliser les parents qui laissent leur enfant regarder des vidéos sur les réseaux sociaux ou jouer à des jeux vidéo violents ? On ne résoudra rien en sanctionnant - on risque surtout de braquer, a fortiori quand la question est culturelle. La prévention est plus efficace.

J'entends l'objectif général de lutte contre la maltraitance animale. Notre droit réprime déjà les sévices graves, les actes de cruauté, l'abandon, les expériences illicites, les atteintes à la vie de l'animal et les mauvais traitements. Nous veillons à sa bonne application sur l'ensemble du territoire.

Les courses de taureaux et les combats de coqs sont exclus des infractions visées aux articles 521-1 et 522-1 du code pénal en cas de tradition locale ininterrompue - notion strictement encadrée par la jurisprudence de la Cour de cassation.

Une tradition locale ininterrompue a ainsi été reconnue dans plusieurs communes des régions Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et Provence-Alpes-Côte d'Azur pour les courses de taureaux. Sont concernées par les combats de coqs une cinquantaine de communes des départements du Nord et du Pas-de-Calais, mais aussi La Réunion, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la Polynésie française.

Le Conseil constitutionnel a jugé que l'exclusion applicable à ces territoires ne méconnaissait pas le principe d'égalité devant la loi pénale. Il contrôle la nature même de la pratique. Il a ainsi validé l'incrimination de la création de nouveaux gallodromes, au motif que le législateur traitait différemment des situations différentes. Là aussi, la jurisprudence a trouvé un point d'équilibre qu'il serait préjudiciable de bousculer.

Interdire aux mineurs de 16 ans l'accès aux courses de taureaux et aux combats de coqs sous-tendrait un contrôle de l'âge légal des participants, qui aurait de lourdes implications concrètes. L'effet de bord serait d'autant plus important que l'accès aux combats de coqs est libre.

Les dispositions proposées n'atteignent pas l'objectif poursuivi. Elles mettent à mal l'équilibre jurisprudentiel trouvé et pourraient entraîner des effets de bord. C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains, du RDPI, des groupes INDEP et UC et du RDSE)

M. Laurent Burgoa .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Au regard des difficultés de notre pays, je m'étonne du dépôt d'un tel texte.

Vous l'aurez compris à mon accent, je vais surtout parler de corrida. Je mesure que pour quelqu'un qui n'a pas été initié à la tauromachie, celle-ci peut troubler. C'est ce trouble qui en fait un art aussi populaire, en témoigne la fréquentation de nos arènes.

La corrida et ses acteurs ont pour tutelle le ministère de la culture : c'est en effet un pan de notre culture que nous voulons pouvoir transmettre. Comme toute culture, elle nécessite qu'on s'y intéresse, sans préjugés, pour l'apprécier.

La tauromachie est née d'un culte du taureau, qui remonte à l'antiquité. Je vous invite à visiter un élevage de toros bravos. Ce ne sont pas ceux que vous voyez au salon de l'agriculture. Élevés en semi-liberté en terre de Camargue, ils sont choyés par les éleveurs, auxquels je rends hommage. Ils mènent une vie bien plus paisible et plus libre que leurs congénères destinés à l'abattoir. Leur mort, nous la souhaitons digne d'eux et cherchons à la magnifier.

Dans une société aseptisée, numérisée, transhumaniste, la corrida nous interroge sur notre rapport à la mort, et donc à la vie.

Les aficionados, dont je suis, n'ont jamais cherché à faire de prosélytisme. Ils souhaitent simplement que leur culture soit respectée et puisse être transmise.

Les collectivités membres de l'Union des villes taurines françaises n'ont pas attendu le législateur pour faire figurer à leur règlement que les moins de 12 ans doivent être accompagnés.

Notre pays est confronté à bien des difficultés, mais la culture taurine n'en est pas une. Si vous souhaitiez nous diviser davantage, du Nord au Sud en passant par les outre-mer, vous ne vous y seriez pas pris autrement ! Respectons nos identités, laissons aux parents le choix de transmettre notre culture.

Je me réjouis du rejet du texte par notre commission des lois et remercie Louis Vogel pour son écoute.

Passons à des sujets plus importants pour notre pays.

Notre groupe votera très majoritairement contre cette proposition de loi ; certains s'abstiendront ou voteront pour. (Applaudissements sur de nombreuses travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE ; MM. Jean-Pierre Grand et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

Mme Nicole Duranton .  - Cette proposition de loi ouvre un débat sur la protection des mineurs et le respect des traditions culturelles. L'ayant cosignée, je la défendrai.

Notre code pénal protège les mineurs de l'exposition à des images violentes. Les combats de coqs ou de taureaux sont violents et sanglants. L'encadrement existe en cas de diffusion à la télévision ou en ligne, mais pas dans la vie réelle.

Cela dit, j'entends les objections relatives à l'autorité parentale. Il faut conserver la liberté d'éduquer ses enfants comme on l'entend.

La tauromachie et les combats de coqs sont ancrés dans notre patrimoine culturel. Il est fondé de vouloir préserver cet héritage.

J'entends également l'argument de la discrimination : interdire aux mineurs l'accès aux arènes, mais leur permettre de chasser pourrait être perçu comme une atteinte au principe d'égalité.

Indéniablement, le secteur de la tauromachie crée des emplois dans nos territoires. Les écoles taurines transmettent des valeurs de discipline, de courage et de respect. Nous n'ignorons pas l'impact financier qu'aurait pour elles l'interdiction de la corrida pour les mineurs.

Cela vaut aussi pour les combats de coqs qui, en Guadeloupe, rassemblent nombre de personnes pour des moments conviviaux.

Mais une tradition justifie-t-elle d'exposer nos enfants à cette violence crue ? Ne doit-on pas réévaluer certaines pratiques culturelles à l'aune des valeurs que nous défendons ? Encourager l'évolution de nos traditions ne signifie pas éradiquer notre patrimoine, mais l'inscrire dans la modernité. Trouvons un équilibre entre la préservation de notre patrimoine culturel, la protection des mineurs et le bien-être animal.

Débattons de façon éclairée. Le RDPI est partagé, chacun votera selon sa conscience. (M. François Patriat, Mme Samantha Cazebonne, MM. Christopher Szczurek et Laurent Somon applaudissent.)

Mme Sophie Briante Guillemont .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Je sais le Sénat attaché à la défense des territoires et de leurs traditions locales, dont la corrida fait incontestablement partie. Les fêtes taurines sont devenues des corridas ritualisées au XVIe siècle. Ce sont les rois catholiques espagnols qui ont utilisé ce spectacle comme outil d'unification. Ce que l'on nomme tradition a des origines politiques ! La forme actuelle de la corrida résulte d'adaptations aux multiples prohibitions au cours des siècles, venant tant de l'Église que des autorités. La corrida a toujours eu ses détracteurs, c'est pourquoi elle s'est transformée.

La proposition de loi a le mérite de poser le débat. Il s'agit non pas d'interdire une tradition, mais de la mettre en conformité avec notre sensibilité actuelle. Il n'est pas question d'interdiction généralisée, mais de protection des mineurs. Hier, le Sénat votait un texte protégeant les enfants, et dénoncerait aujourd'hui leur protection comme un leurre ?

Plusieurs amendements viseront à corriger les imperfections juridiques du texte.

Assister aux spectacles de corrida ou de combats de coqs n'est pas anodin, compte tenu de leur violence. Seul l'intérêt supérieur des enfants doit nous guider. Le Comité des droits de l'enfant de l'ONU s'inquiète de l'état émotionnel des enfants qui y sont exposés. L'Équateur, plusieurs États du Mexique ou encore le Portugal ont interdit l'accès des corridas aux mineurs.

Nombre d'études ont montré les conséquences délétères pour les plus jeunes de l'exposition à des actes de cruauté envers les animaux. Les pédopsychiatres auditionnés par le rapporteur l'ont confirmé.

Cela dit, je me dois d'exposer les arguments de mes collègues du RDSE. Les parents savent mieux que nous ce qui convient à leurs enfants, et s'inquiètent de voir reculer l'autorité parentale. Il vaudrait mieux légiférer sur l'accès aux écrans. Pourquoi se cantonner seulement aux taureaux et aux coqs ? Pourquoi ne pas légiférer sur le bien-être animal dans son ensemble ? L'absence de concertation avec les intéressés est également un motif de regret.

Ces arguments ne m'ont pas convaincue. J'insiste : le seul intérêt de ce texte réside dans une meilleure protection des enfants.

Chaque membre du RDSE votera selon sa conscience. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et du GEST, ainsi que sur quelques travées des groupes SER et CRCE-K ; M. Arnaud Bazin applaudit également.)

Mme Isabelle Florennes .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La dette, les ravages du narcotrafic, les défis migratoires, autant de défis majeurs auxquels nous devons faire face. Dans ce contexte, y avait-il urgence à se préoccuper de l'accès des mineurs aux corridas ? La question est légitime.

M. Loïc Hervé.  - Bravo !

Mme Isabelle Florennes.  - Cela n'est pas le plus urgent.

M. Christopher Szczurek.  - C'est absurde !

Mme Isabelle Florennes.  - Nous n'avons pas besoin de ces tensions alors que ce débat est parsemé de faux-semblants.

In fine, le véritable enjeu est l'interdiction des corridas et combats de coqs (MM. Laurent Burgoa et Jean-Pierre Grand applaudissent), pas tant pour protéger les mineurs que pour défendre la condition animale. Cette position est légitime, mais il faut le dire clairement !

Cette proposition de loi n'est pas la voie adéquate pour atteindre l'objectif. Sans nier la violence de ces spectacles, nous partageons les griefs exprimés par le rapporteur. Ce texte soulève de nombreux problèmes de droit et de fait, ce qui le rend inadapté et inopportun.

Il assimile des situations différentes. Nous ne saurions adopter un dispositif identique pour la corrida et les combats de coqs.

Si l'extinction des combats de coqs représente un objectif pour le législateur, les corridas font l'objet d'un régime moins restrictif - il est ainsi permis de construire de nouvelles infrastructures taurines.

Les combats de coqs sont une activité d'adultes, qui plus est en libre accès, souvent liée à des paris. Instaurer des contrôles serait coûteux et difficile, et favoriserait les combats illégaux.

Il faudrait distinguer les courses de taureaux avec ou sans mise à mort, et dissocier le cas du mineur spectateur de celui participant au spectacle.

Sur le plan pénal, la responsabilité pénale concentrée sur l'organisateur paraît disproportionnée. Quid du jeune ayant enfreint la loi ou de ses parents ? La simple présence d'un mineur aurait pour conséquence de requalifier ces pratiques en sévices graves envers les animaux, avec à la clé de lourdes peines. Ce n'est pas audible, sauf à assumer que ce texte vise l'interdiction de ces combats.

En outre, une telle interdiction limiterait de facto l'exercice de l'autorité parentale.

Enfin, comment envisager de modifier de la sorte des traditions locales sans concertation avec les acteurs de terrain ? Le Sénat, chambre des territoires, a toujours le souci de privilégier le dialogue et la concertation locale. Ce serait une caricature de mesure venue d'en haut !

M. Laurent Burgoa.  - Très bien !

Mme Isabelle Florennes.  - Je salue le travail précis et éclairant de Louis Vogel. Il a su trouver les arguments juridiques et politiques pour nous démontrer que cette proposition de loi n'est pas adaptée. Le groupe UC votera très majoritairement contre. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, à l'exception de M. Arnaud Bazin)

M. Loïc Hervé.  - Évidemment !

Mme Cécile Cukierman .  - Corridas et combats de coqs font débat parfois jusque tard dans la nuit et divisent. Beaucoup d'entre nous préféreraient débattre d'autre chose.

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

Mme Cécile Cukierman.  - Aucun habitant n'est obligé d'y assister tous les week-ends. (M. Thomas Dossus ironise.)

Sont concernés les territoires ayant une tradition locale ininterrompue. Les corridas sont plus encadrées que les combats de coqs. Il est plus aisé d'organiser un combat de coqs clandestin qu'une corrida, car il est plus facile de cacher un coq qu'un taureau dans un sac... (Sourires)

M. Ronan Dantec.  - C'est juste.

Mme Cécile Cukierman.  - Cette proposition de loi mélange deux pratiques totalement différentes, et saute du coq au taureau. (Sourires)

Les auteurs du texte se sont attachés à la composition du public : faut-il interdire la présence de mineurs ? Est-ce à nous de le faire ou aux parents ? Le danger est d'abord pour ceux présents dans l'arène : le taureau et les toreros.

L'empreinte psychologique ? On peut porter la même accusation contre les jeux vidéo, taxés de rendre les enfants violents ; ils sont pourtant autorisés et même considérés comme des jeux culturels. On y consacre même des salons ! Faisons confiance aux parents.

Nous ne mettons pas au même niveau les violences sexuelles et la violence des combats de coqs ou des corridas.

La corrida fait naître le rejet ou la passion. Certains enfants veulent entrer dans l'arène après avoir fréquenté une école taurine -  c'est d'ailleurs ainsi que s'est perpétuée la tradition.

Les enjeux touristiques sont centraux, les retombées économiques importantes. Priver les familles souhaitant s'y rendre, par passion ou par curiosité, revient à priver ces territoires d'une attractivité particulière, sans les avoir consultés.

Vous l'aurez compris : ce texte ne nous a pas convaincus.

Compte tenu des fractures qui affectent déjà notre pays, entre jeunes et vieux, entre villes et campagnes, ce texte n'est pas à la hauteur des enjeux. Le CRCE votera majoritairement contre, mais le vote sera libre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ainsi que sur quelques travées des groupes SER, Les Républicains et UC)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Est-ce bien légitime de défendre l'intérêt supérieur de l'enfant en le préservant de spectacles cruels, demandait une oratrice, lorsqu'on a 3 000 milliards de dette ? Plus que de s'interroger sur le port du voile pour les accompagnateurs scolaires ! (M. Max Brisson ironise.)

Le code pénal condamne le fait d'exposer un enfant à des contenus violents, mais, au nom de la tradition, tolère leur présence à une corrida.

Comment tolérer cette contradiction ?

Le Comité des droits de l'enfant de l'ONU est préoccupé par l'état de santé mentale des enfants exposés à la tauromachie. En 2016, il demandait à la France de limiter les pratiques préjudiciables à l'intérêt de l'enfant. Cela n'a pas éliminé la corrida. Nul ethnocide, comme le prétend l'Union des villes taurines de France : c'est simplement respecter les fondamentaux de la protection de l'enfance.

Ces recommandations s'appuient sur de nombreuses études établissant un lien entre le fait d'assister à des actes de cruauté envers les animaux et le fait d'en commettre ensuite. Il y a un apprentissage par l'observation d'actes de maltraitance, a fortiori s'ils sont approuvés par les proches.

En 2009, l'université de Madrid a montré que la majorité des enfants réprouvait spontanément la corrida et ressentait de l'empathie face à la souffrance animale. Cela fait naître un conflit émotionnel chez l'enfant confronté aux manifestations de joie de ses proches, donc de l'anxiété. Une fois passé le traumatisme initial, l'approbation des proches fonctionne comme un apprentissage, entraînant une diminution des valeurs et du sens moral.

Certaines études montrent qu'être témoin de violences animales peut conduire au harcèlement scolaire. Continuerons-nous à les ignorer au seul prétexte de la tradition ?

L'exposition à des actes de violence contrevient au bon développement de l'enfant. La corrida ne doit pas échapper aux prescriptions sur la protection de l'enfance.

Le GEST avait déposé une proposition de loi semblable. Soucieux de la protection des enfants et de la lutte contre la maltraitance animale, nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST ; MmeSamantha Cazebonne, Nicole Duranton, Sophie Briante Guillemont et M. Christopher Szczurek applaudissent également.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Chers collègues...

M. Loïc Hervé.  - Vous allez nous parler des corridas à Paris ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Jaloux ! (Sourires)

Une fois n'est pas coutume, le vote du groupe SER ne sera pas unanime. L'équilibre est quasi parfait entre tendances favorables et défavorables à ce texte.

En équilibriste, le rapporteur Louis Vogel a trouvé des arguments juridiques pour rejeter cette proposition de loi. Le vrai sujet qui aurait dû être assumé comme tel est le suivant : est-on pour ou contre la corrida ?

Mme Samantha Cazebonne.  - Tout à fait !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Les combats de coqs sont un autre sujet.

Mme Laurence Rossignol.  - Vous n'en avez jamais vu !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Pour ma part, je voterai ce texte, mais je souhaite présenter les arguments de mes collègues qui s'y opposent.

La tradition, l'identité locale, l'activité économique. Qui n'a pas assisté à une corrida ne peut comprendre. C'est un spectacle époustouflant, l'ambiance dans l'arène est inouïe. Les toreros, les fanfares, les pasodobles... Même si vous n'y êtes pas favorable, allez voir une corrida !

Je mettrai de côté l'argument de l'autorité parentale. On ne peut pas à la fois trouver normal d'interdire la vente d'alcool ou les jeux de hasard aux mineurs et considérer qu'en l'espèce, l'autorité parentale doit primer. Parfois, la société doit s'intéresser à la façon dont les mineurs sont traités par leurs propres parents - mais pas sans discussion.

Les arguments en faveur du texte sont nombreux : protéger les enfants, éviter l'accoutumance à la violence. Il s'agit aussi de prendre en compte la condition animale - mais si la mise à mort d'un animal vous est insupportable, devenez végan !

Assumons franchement le débat sur ce sujet complexe, plutôt que d'adopter des contorsions juridiques parfois difficiles à suivre.

La pratique est déjà modérée en France : elle est interdite, sauf lorsqu'elle est autorisée au nom des traditions locales, parfaitement identifiées territorialement.

Voilà pourquoi notre vote sera partagé. Espérons qu'une conciliation se dessine avec le temps. Pour ma part, je voterai ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du RDPI)

M. Loïc Hervé.  - C'était parfait !

M. Christopher Szczurek .  - Pour une fois, je m'exprimerai à titre personnel. Mes convictions animalistes sont profondément ancrées.

M. Loïc Hervé.  - Vous aussi, vous aimez les chats ! (Sourires)

M. Christopher Szczurek.  - Je n'assimile pas la chasse à de la violence gratuite.

Il est délicat de mettre les pratiques visées ici dans le même sac.

J'ai un problème avec les violences inutiles et symboliques. L'ultraviolence est suffisamment présente dans notre société pour exposer des mineurs à un esthétisme morbide.

Évitons d'utiliser des exutoires sensibles et vivants, qui n'ont rien demandé. Ceux qui nous disent qu'il ne faut pas humaniser l'animal à outrance sont les mêmes qui cherchent à parer la corrida de noblesse. Dépecé, débité et servi dans la grande distribution, l'animal n'a que faire de l'honneur qui lui est rendu.

La tradition n'est pas bonne par nature. La grandeur d'une civilisation est de distinguer le bon grain de l'ivraie et d'écarter certaines traditions pour en conserver d'autres. (M. Loïc Hervé s'exclame.)

On ne peut voir dans toute tradition une bonne chose. Et l'on peut s'interroger sur le caractère historique et populaire de la corrida.

Ce texte aborde le sujet sous le prisme de la protection de l'enfance, mais il faut aussi évoquer la dignité animale. Alors que des alternatives sans souffrance et sans mise à mort existent, elles sont systématiquement refusées avec mépris.

Soyez assuré de mon soutien personnel -  ma formation politique respecte la liberté de conscience de chacun.

Je remercie ceux qui oeuvrent souvent bénévolement à la défense de la cause animale. (MmeSamantha Cazebonne, Nicole Duranton et M. Arnaud Bazin applaudissent.)

Mme Laurence Rossignol.  - (S'adressant à Mme Samantha Cazebonne) Non ! Il ne faut pas applaudir !

M. Jean-Pierre Grand .  - Ce texte, juridiquement contestable, s'apparente à une abolition de la corrida et des combats de coqs. On peut s'interroger sur l'opportunité de débattre d'un sujet clivant et non prioritaire, dans le contexte politique actuel, alors que les extrêmes veulent paralyser nos institutions. À l'Assemblée nationale, le député LFI Aymeric Caron est l'adversaire acharné des corridas...

Ce texte est perçu par notre sud populaire comme discriminant nos traditions taurines, sacrées. Le code pénal reconnaît la corrida comme une exception culturelle lorsque la tradition est ininterrompue.

Ne nous y trompons pas : sous prétexte de protéger les mineurs, cette proposition de loi est un faux nez pour interdire la corrida.

Depuis le milieu du XIXe siècle, la jeunesse du sud de la France participe aux corridas : cela ne se manifeste pas par un surcroît de violence. Aucune étude scientifique n'a démontré le moindre effet.

La vraie violence s'exprime ailleurs : à la télévision, sur internet. Les enfants, dès 12 ans, peuvent regarder Terminator, film pervertissant la jeunesse jusqu'à la criminalité. (M. Yan Chantrel, Mme Laurence Rossignol et M. Thomas Dossus ironisent.)

Laissons aux parents exercer leur droit sacré d'autorité parentale.

La corrida est un patrimoine culturel immatériel. Ne détruisons pas la pratique de la tauromachie. Le groupe INDEP votera contre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Denis Bouad et Henri Cabanel applaudissent également.)

M. Arnaud Bazin .  - (Mme Samantha Cazebonne applaudit.) Je remercie Samantha Cazebonne pour sa ténacité. Je remercie également notre rapporteur, qui a eu l'honnêteté de reconnaître que c'est un texte de protection de l'enfance, et le président Patriat pour l'inscription du texte à l'ordre du jour.

Non, cette proposition de loi n'est pas hypocrite. Bien sûr, les auteurs de la proposition de loi sont contre la corrida. Mais nous sommes lucides et conscients du rapport de force à l'Assemblée nationale, qui n'a même pas pu débattre du sujet. Ne pourrions-nous pas, à tout le moins, limiter les dégâts et éviter aux mineurs d'y être confrontés ? L'accusation d'atteinte à la sincérité de ce texte est déplacée.

Que dit l'article 521-1 du code pénal ? Il pénalise les actes de cruauté et les sévices envers les animaux. Trois ans de prison et 45 000 euros d'amende, ce n'est pas rien. La présence de mineurs est une circonstance aggravante. Dans ce cas, on n'a pas eu de problème à introduire la protection des mineurs dans un texte visant à protéger les animaux... (Mme Samantha Cazebonne applaudit.)

La corrida, ce sont des actes de cruauté et des sévices graves. Dans le code pénal, la corrida est tout à fait caractérisée pour ce qu'elle est.

Le législateur est intervenu à de nombreuses reprises pour protéger les mineurs : l'autorité parentale est alors battue en brèche.

L'article D. 4153-37 du code du travail interdit aux jeunes de moins de 18 ans d'effectuer des travaux d'abattage, d'euthanasie et d'équarrissage des animaux. C'est bien la preuve qu'assister à de tels actes est nocif pour le développement psychologique des mineurs.

Il n'y a pas d'acte de cruauté dans la course camarguaise et la course landaise : aucun problème pour légiférer, donc.

Lorsqu'un mineur est exposé à la vue répétée de sévices, il est statistiquement sujet à en commettre. Les mécanismes psychologiques de conflit de loyauté ont été démontrés par les psychiatres.

Enfin, il y a le bon sens des parents, tout simplement. Qui emmènerait spontanément son enfant voir des actes de cruauté ?

Mme Monique Lubin.  - Justement !

M. Arnaud Bazin.  - Enfin, l'argument selon lequel interdire l'accès des mineurs à la corrida irait à l'encontre de cette pratique est totalement réversible : si on ne conditionne pas les mineurs à assister à des corridas, ils n'iront pas en voir une fois devenus adultes. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du GEST ; M. Yan Chantrel et Mme Sophie Briante Guillemont applaudissent également.)

Discussion des articles

Article 1er

M. Arnaud Bazin .  - La peine serait disproportionnée selon la commission. Nous en avons tenu compte : l'un de nos amendements prévoit une amende de 7 500 euros -  la même qu'en cas de vente d'alcool à des mineurs. Ne votons pas l'amendement de suppression de l'article, sinon nous empêcherons le débat de se tenir.

M. Max Brisson .  - Je défendrai la corrida non pas comme une tradition, mais comme une culture, une identité et une sensibilité.

L'article 1er interdit la corrida en présence de mineurs de moins de 16 ans en faisant porter l'infraction sur les organisateurs. Il suffirait de faire entrer un mineur dans une arène pour mettre à mal l'organisation d'une corrida. Il s'agit non pas de se préoccuper de santé mentale, mais d'interdire la corrida.

Selon l'Union des villes taurines de France, un enfant de moins de 12 ans doit être accompagné dans la plupart des cas.

Les corridas sont régies par des règlements municipaux. Cet article porterait atteinte au droit de différenciation des collectivités. Il poursuit les mêmes visées que les propositions de loi d'interdiction de la corrida. En supprimant la transmission de la corrida aux enfants, on la condamne à mort. (M. Laurent Burgoa et Mme Elsa Schalck applaudissent.)

M. Pierre Ouzoulias .  - Je m'interroge sur le titre de la proposition de loi. Vous nous dites que vous voulez interdire la corrida en présence de mineurs de moins de 16 ans. Pourquoi ne pas avoir inversé les termes et interdit la présence de mineurs de moins de 16 ans aux corridas ? Comme Max Brisson, je pense qu'il aurait été plus clair d'interdire la corrida.

Vous voulez protéger les enfants, mais savez-vous que la chasse accompagnée est possible en France à partir de 15 ans, notamment la grande vénerie ? (M. Laurent Burgoa renchérit.)

À 15 ans, on peut assister à la mise à mort d'un cerf lors d'une chasse à courre, mais on ne pourrait pas assister à celle d'un taureau dans une arène ? Ce n'est pas logique.

Mme Laurence Rossignol.  - J'avais déposé une proposition de loi contre la chasse à courre...

M. Pierre Ouzoulias.  - Je ne suis pas favorable à la chasse à courre, mais je veux pointer le manque de logique.

La France importe chaque année 1,2 million de têtes de bétail. Dans certains pays étrangers, l'abattage se fait-il dans des règles de respect de la souffrance animale ? Je n'en suis pas sûr, et je pense même que des mineurs participent à la mise à mort, dans les abattoirs.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Et alors ?

M. Pierre Ouzoulias.  - On pourrait forger des textes plus responsables et moins hypocrites, et éviter ce faux débat sur la corrida.

M. Henri Cabanel .  - Nos lois sont trop souvent bavardes. Dépensons notre énergie à voter des lois que les Français attendent. Je ne pense pas que ce soit le cas en l'espèce.

Je partage les propos de Pierre Ouzoulias sur l'hypocrisie de la proposition de loi. On met en avant l'exposition à la violence des moins de 16 ans pour lutter contre la corrida. Il aurait été beaucoup plus simple de déposer une proposition de loi contre la corrida comme Aymeric Caron l'a fait plutôt que d'utiliser cet artifice.

Avec ce texte, les organisateurs seraient responsables. Or la plupart d'entre eux se trouvent dans une situation économique difficile.

Les parents ne sont-ils pas les gardiens de l'intérêt supérieur de l'enfant ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Pas toujours.

M. Henri Cabanel.  - La corrida est une fête. Les Français en ont besoin. Laissons-les tranquilles. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mme Isabelle Florennes applaudit également.)

M. Thomas Dossus .  - Il y a quelques mois, nous pointions le laxisme des exploitants de plateformes pornographiques. Nous avons régulé le secteur : c'est bien la société qui fixe les limites. Ne nous réfugions pas derrière l'argument de l'autorité parentale. Il en va de même pour les paris en ligne. Mais cela ne veut pas dire qu'on souhaite interdire la pornographie ou les paris en ligne : nous voulons protéger les mineurs. C'est la même chose dans les bars, où les cafetiers n'ont pas le droit de leur vendre de l'alcool.

Nous devons fixer le cadre de ce qui est acceptable ou non. Exposer un mineur à ce spectacle de torture animale ne l'est pas, assurément.

Mme Laurence Rossignol .  - La question du bien-être animal est un sujet philosophique passionnant, qui interroge les rapports de l'homme avec le reste du vivant. Avec la révolution industrielle, les animaux ont été réifiés et notre droit a progressivement construit les notions de bien-être animal, de protection des animaux et de sensibilité animale.

Il faut avoir le courage de reconnaître que la corrida est une dérogation à l'ensemble des règles de notre droit, au nom de la tradition. Culture, tradition, peu importent les nuances. Sommes-nous prêts à défendre ces dérogations en leur nom ?

J'entends les collègues qui considèrent qu'il y a déjà suffisamment d'incendies dans leur territoire pour ne pas en allumer d'autres.

Mais tout le monde reconnaît que les taureaux ont la même sensibilité que les labradors - c'est l'article 521-1 du code pénal. Les enfants ne doivent pas être éduqués à se réjouir de la cruauté vis-à-vis des animaux.

Mme Samantha Cazebonne .  - Je veux m'exprimer, au nom des 80 % de Français qui souhaitent que nous nous emparions de ce sujet.

Moi aussi, je viens du Sud-Ouest, comme mon nom l'indique, mais je veux que les choses évoluent.

Certains d'entre vous, chers collègues, ont voté en faveur de la protection des enfants. Nous, enfants, avons mis nos ceintures de sécurité à l'arrière de la voiture, par obligation, et nous vous en remercions, car vous nous avez sauvés.

Écoutons les arguments des enfants traumatisés par ces spectacles. Le débat doit être respecté.

M. Guillaume Gontard .  - Je remercie les auteurs de cette proposition de loi importante. Nous avions déposé, il y a quelques années, une proposition de loi interdisant la corrida.

On n'autorise pas tout au nom des traditions, et heureusement !

J'ai été élevé en milieu rural. J'ai vu tuer le cochon et dépecer un lapin, par mon grand-père : je sais d'où vient la nourriture. Mais il s'agit ici d'un tout autre débat.

J'ai vu une corrida, et cela m'a traumatisé -  j'y pense encore. C'est une mise en scène cruelle de la mort. Que des adultes y aillent consciemment, à la rigueur, mais faut-il laisser des enfants assister à la célébration de la mort ? On doit protéger les enfants et ne pas les faire assister aux mêmes spectacles que les adultes.

Mme Monique Lubin .  - Cette proposition de loi n'est que le faux nez de l'extinction de la corrida et des combats de coqs.

Un extraterrestre au Sénat, qui assisterait à nos débats, aurait l'impression que tous les enfants assistent tous les jours à des corridas ! Or ces spectacles sont encadrés et rares : il s'agit de quelques arènes, dans lesquelles se déroulent quelques corridas chaque année et où le nombre de mineurs y est infinitésimal.

M. Thomas Dossus.  - Oui, et alors ?

Mme Monique Lubin.  - Les enfants présents y assistent en compagnie d'adultes qui leur ont expliqué la chose.

La protection des enfants est nécessaire, face à une actualité qui chaque jour les agresse. De grâce, les enfants ne sont quasiment jamais exposés à ces spectacles ! (MM. Denis Bouad, Jean-Pierre Grand, Henri Cabanel, Laurent Burgoa et Max Brisson applaudissent.)

M. Éric Kerrouche .  - Ce texte est hypocrite : il vise la fin de la corrida et pas autre chose. Le travail du rapporteur montre qu'il n'est pas opérationnel juridiquement.

Sans être aficionado, je me rends à des corridas, dont le spectacle peut effectivement être dur, surtout dans une société qui cache la mort - notamment des animaux. Néanmoins, la corrida reste un combat dont il ne faut pas nier l'essence.

La corrida n'existe que là où il y a tradition. Je n'aime pas ce mot de tradition. Contrairement à Laurence Rossignol, je pense qu'il y a une différence entre tradition et culture. Et la corrida fait partie des cultures locales.

On est en train de dire à une partie de la population que leur diversité culturelle, qui fait aussi la France, n'a pas de sens et qu'il y a un seul mode de vie dans notre pays.

Je voterai l'amendement de suppression. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Cécile Cukierman .  - Quel est le vrai sens de cette proposition de loi ? Nous avons reçu de nombreux courriers et vu un déchaînement sur les réseaux sociaux. La question n'est-elle pas l'interdiction de la corrida et des combats de coqs plutôt que la protection des enfants ?

Pour qui les connaît, ces spectacles sont reconnus comme culture et non comme tradition. Est-il violent d'emmener un enfant au Louvre pour voir des statues grecques nues ? (Mme Raymonde Poncet Monge mime une brasse coulée et plusieurs sénateurs du groupe SER s'exclament ironiquement.) Chacun a sa définition de la violence...

La corrida ne peut pas être comparée à un accident de la route ni rapportée à la question du port de la ceinture à l'arrière de la voiture. (M. Laurent Burgoa applaudit.)

M. Laurent Burgoa .  - Bien sûr, je voterai l'amendement de suppression de M. Grand.

Madame Cazebonne, lors de la discussion générale, chacun a exprimé ses positions, pour ou contre. C'est la démocratie.

Il n'y a pas de mineurs seuls aux corridas. Ils viennent avec leurs parents. Mes parents m'ont emmené à 5 ans : suis-je plus traumatisé que d'autres ? (M. Henri Cabanel renchérit.) J'ai emmené mon fils et ma fille : lui a adhéré, elle non.

La corrida est-elle plus violente qu'un combat de boxe ? Si c'est le cas, il faudrait aussi interdire aux enfants d'assister à un combat de boxe. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; MM. Pierre Ouzoulias, Henri Cabanel et Mme Isabelle Florennes applaudissent également.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Bonne idée ! On va y penser.

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Vous m'expliquerez l'exemple du Louvre, car je suis dépassée... (Mme Cécile Cukierman s'exclame.)

J'ai déposé une proposition de loi identique et je n'autorise personne à dire que je souhaitais faire autre chose. Alors, oui, il y a aussi une proposition de loi du GEST pour interdire la corrida, antérieure à ma propre proposition.

Pour interdire la corrida aux mineurs, j'ai consulté de nombreux travaux scientifiques qui montrent que ces combats créent des traumatismes émotionnels chez les enfants. Le Portugal, le Mexique, le Venezuela se sont posé la question de l'âge auquel on pouvait être confronté, sans dégât émotionnel, à la cruauté gratuite envers un animal, alors même que les autres spectateurs sont dans la joie et la bonne humeur. Ces États ont instauré une limite d'âge sans interdire la corrida ! Ne vous en déplaise.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié sexies de M. Grand et alii.

M. Jean-Pierre Grand.  - Comme l'a souligné notre rapporteur, l'instrument juridique retenu n'est pas adapté au but poursuivi. L'objet est, non pas le bien-être animal, mais la protection des enfants. Or en modifiant l'article 521-1, le dispositif n'aurait d'autre effet que d'interdire les courses de taureaux et les combats de coqs. Je rappelle que les courses camarguaises et landaises sont des jeux sportifs, qui n'aboutissent pas à la mort de l'animal... Par ailleurs, cette proposition de loi ne dit rien des écoles taurines.

Pour toutes ces raisons, supprimons l'article 1er. Et idem pour l'article 2.

M. Louis Vogel, rapporteur.  - Avis favorable. D'un point de vue strictement juridique, brancher un texte de protection de l'enfance sur des dispositions de droit pénal relatives aux sévices contre les animaux conduira à des dysfonctionnements.

Tradition locale ininterrompue signifie usage. Celui-ci évolue de lui-même, sous l'influence des habitants concernés, ici les parents. Ayons la main tremblante avant de modifier un système juridique, nous conseillait Portalis. (L'orateur se tourne vers la statue de Portalis.)

Les mineurs sont exclus des casinos, pour éviter la dépendance aux jeux d'argent. Quand on va à un spectacle, on fixe des limites d'âge, on n'exclut pas. (M. Thomas Dossus et Mmes Samantha Cazebonne et Raymonde Poncet-Monge protestent.)

Il faut respecter le droit et l'appliquer, sauf motifs tout à fait exceptionnels, que je n'ai pas trouvés. (MM. Laurent Burgoa et Max Brisson applaudissent.)

M. Didier Migaud, garde des sceaux.  - Même si le Gouvernement est défavorable à la proposition de loi, sagesse sur la suppression de l'article 1er.

Mme Laurence Rossignol, rapporteur.  - Cette proposition de loi n'a pas de sens caché. Les spectacles où les animaux souffrent et sont mis à mort ne sont pas conformes à nos règles communes. En interdisant ces spectacles aux enfants, nous soulignons le caractère dérogatoire des corridas et des combats de coqs, qui ne sont pas des spectacles pour enfants. Si ces spectacles ont été épargnés jusqu'à présent, c'est parce que des rapports de force politiques ont obligé le législateur à prévoir des dérogations.

Le droit de la protection de l'enfance s'est construit par dérogation à la liberté éducative et à l'autorité parentale : nous protégeons les enfants, y compris contre leurs parents. C'est pourquoi les casinos sont interdits aux mineurs, même si leurs parents veulent les y emmener ; même chose pour l'accès aux sites pornographiques. Pis, exposer des enfants à des images pornographiques est une défaillance de l'autorité parentale. Sans rappeler les débats sur l'interdiction de frapper son enfant -  certains collègues estimaient que cela allait à l'encontre de la liberté éducative... (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Yan Chantrel et Mme Samantha Cazebonne applaudissent également.)

M. Arnaud Bazin.  - Si l'amendement est adopté, nous ne pourrons examiner les amendements suivants sur cet article. Souhaitez-vous arrêter le débat maintenant ? J'aimerais bien savoir pourquoi mon amendement qui répond à l'objection de la commission sur le caractère proportionné de la sanction n'a pas reçu d'avis favorable.

Peut-on exposer sans risque un enfant à un spectacle d'actes de cruauté conduisant à la mort d'un animal ? La réponse est clairement non. Le psychisme de certains enfants ne le supportera pas ; les études montrent que le risque est réel et certain.

Pourquoi est-il si difficile d'adopter une mesure somme toute assez bénigne ? Cela relève d'un mécanisme psychique profond. Considérer comme moralement inacceptable quelque chose que l'on a accepté pendant de longues années nécessite élévation et ouverture d'esprit. Je vous y invite. (Applaudissements sur les travées du GEST ; MmeLaurence Rossignol, Sophie Briante Guillemont et Véronique Guillotin applaudissent également.)

M. Max Brisson.  - Lors de la discussion générale, le débat concernait l'objet de la proposition de loi, désormais nous débattons de l'interdiction de la corrida.

Sans être juriste, je constate que notre pays, jacobin, a du mal avec le droit local.

Nos municipalités ont beaucoup travaillé sur leur règlement taurin, à l'écoute des attentes de la société. Nous sommes l'assemblée des communes de France : respectons le travail des maires qui accueillent et organisent des corridas. Si les corridas méritent d'être vues, les règlements taurins méritent d'être lus. (M. Laurent Burgoa applaudit.)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Je n'ai pour objectif que d'interdire la corrida aux moins de 16 ans. Monsieur le rapporteur, nous posons une limite d'âge, rien de plus. Dans beaucoup de pays, l'interdiction vise les enfants de moins de 12 ans et non les adolescents, notamment au Portugal et en Espagne, mais la corrida continue dans ces pays. Il y a bien une limite d'âge pour regarder des films porno, et ça continue !

Mme Samantha Cazebonne.  - J'insiste : nous souhaitons protéger les enfants. Le Portugal, l'Équateur, la Catalogne, les Baléares où je réside ont légiféré...

M. Laurent Burgoa.  - Ils sont revenus sur leur position !

Mme Samantha Cazebonne.  - Oui, malheureusement le pouvoir central espagnol est revenu sur les décisions du pouvoir régional. Mais, depuis, plus aucun enfant n'a assisté à une corrida en Catalogne ou aux Baléares ! (M. Laurent Burgoa le conteste.)

Mme Frédérique Espagnac.  - Ils les ont supprimées !

Mme Samantha Cazebonne.  - Je regrette vos arguments. Vous avez rendu ce texte hors sujet. Les experts du Comité des droits de l'enfant de l'ONU constateront, en lisant nos débats, que nous ne sommes pas au rendez-vous.

M. Henri Cabanel.  - Nous partageons tous l'objectif de protéger les enfants. Il y a bien des sujets où les enfants sont exposés.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - On s'en occupe !

Mme Laurence Rossignol.  - Nous n'arrêtons pas de penser à cela !

M. Henri Cabanel.  - Si l'on tape « jeux très violents » sur internet, le premier résultat est « jeux sanglants » !

Mme Samantha Cazebonne.  - L'un n'empêche pas l'autre !

M. Henri Cabanel.  - Il y a d'autres priorités ! (MM. Laurent Burgoa, Max Brisson, Loïc Hervé et Denis Bouad applaudissent.)

Mme Laurence Rossignol.  - Ce n'est pas ça, protéger les enfants ! Vous ignorez le travail qui est réalisé dans l'hémicycle, et tout ce que font les acteurs de la protection de l'enfance !

Mme Frédérique Espagnac.  - L'interdiction de la corrida dans les autonomies espagnoles était très politique, en réaction au pouvoir central. (MM. Laurent Burgoa et Max Brisson applaudissent et renchérissent.) Elle est intervenue en 2011 ; l'État central est revenu dessus en 2016. Certes, depuis, au vu de la situation politique, rien ne s'est passé. Mais cela n'a rien à voir avec la corrida ! (Mêmes mouvements)

À la demande du groupe INDEP et du GEST, l'amendement n°1 rectifié sexies est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°37 :

Nombre de votants 322
Nombre de suffrages exprimés 309
Pour l'adoption 254
Contre   55

L'amendement n°1 rectifié sexies est adopté, et l'article 1er est supprimé.

Les amendements nos6 et 4 n'ont plus d'objet.

Après l'article 1er

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Il existe déjà plusieurs écoles taurines ouvertes aux enfants dès 6 ans, où ils peuvent tuer des animaux et commettre des actes de cruauté. Or cela relève du code pénal !

Rien ne justifie de laisser un enfant tuer un animal de façon gratuite, avec des banderilles et un poignard. C'est un entraînement à la cruauté.

Nous proposons donc d'interdire les écoles taurines pour les mineurs de moins de 16 ans.

M. Louis Vogel, rapporteur.  - Cet amendement complète la loi sur un point qu'elle ne traitait pas. L'encadrement des pratiques des écoles relève des règlements taurins municipaux. L'interdiction de s'inscrire avant 16 ans dans ces écoles me paraît disproportionnée et ignore le rôle de ces écoles. Avis défavorable.

M. Didier Migaud, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

M. Laurent Burgoa.  - Je remercie le garde des sceaux et le rapporteur de leur avis.

On me dit qu'on ne veut pas porter atteinte à la corrida, et maintenant on veut interdire l'accès aux écoles taurines à des mineurs de moins de 16 ans. Madame Poncet Monge, avez-vous déjà été, une seule fois, dans une école taurine ? Avant d'interdire, allez voir. Au lieu d'être dans la rue (M. Thomas Dossus s'exclame), ces jeunes y apprennent le respect des uns et des autres.

Venez les voir, un samedi après-midi, avec moi. Vous verrez que ces jeunes sont comme les autres, des jeunes normaux. Pourquoi interdire à un mineur de vivre sa passion ?

M. Jean-Pierre Grand.  - Bravo !

M. Arnaud Bazin.  - L'amendement de Mme Poncet Monge ne nous paraissait pas nécessaire : les écoles taurines, si elles ne pratiquent pas la course de taureaux, sont visées pas l'interdiction de sévices graves.

Si on considère qu'elles pratiquent la course de taureaux, l'interdiction aux moins de 16 ans prévue par la proposition de loi s'appliquerait de plein droit. Le texte a toute sa cohérence.

Je ne voterai pas l'amendement.

M. Max Brisson.  - En effet, la proposition de loi mettait déjà en péril, sans l'amendement de Mme Poncet Monge, les écoles taurines.

Je ne doute pas des convictions de Mme Poncet Monge. Je parlerai moi aussi avec mon coeur. Une école taurine, c'est une école de règles, de codes, et non de barbarie. C'est l'apprentissage d'une histoire et d'une culture. Bien sûr, on y apprend la confrontation avec le taureau, progressivement, avec des professionnels.

Nous respectons les personnes opposées à la corrida. Mais les écoles taurines sont des écoles de la vie, où l'on vit une passion, où l'on apprend une discipline.

Envoyons un message positif à ces écoles qui, dans nos régions - nous ne demandons pas qu'elles essaiment ailleurs -, jouent un rôle social déterminant. (MM. Laurent Burgoa et Cédric Vial ainsi que Mme Elsa Schalck applaudissent.)

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°3 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°38 :

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 306
Pour l'adoption   47
Contre 259

L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié quinquies de M. Grand et alii.

M. Jean-Pierre Grand.  - Je vous ferai grâce de l'exposé des motifs... les raisons sont les mêmes que pour l'amendement n°1 rectifié sexies. Je demande la suppression de l'article 2.

M. le président.  - Amendement identique n°7 de M. Bazin et Mme Cazebonne.

M. Arnaud Bazin.  - Défendu !

M. Louis Vogel, rapporteur.  - Par cohérence avec la position de la commission sur l'article 1er, avis favorable.

M. Didier Migaud, garde des sceaux.  - Comme pour l'article 1er, sagesse.

M. le président.  - Si cet article était supprimé, la proposition de loi n'aurait plus d'objet. Il n'y aurait donc pas d'explication de vote. Y a-t-il des demandes de prise de parole ?

M. Arnaud Bazin.  - Mon amendement n°6 de réécriture de l'article 1er n'a pas pu être examiné, du fait de la suppression de l'article 1er. Or mon amendement n°7 de suppression de l'article 2 s'articulait avec celui-ci. Je demandais cette suppression, mais pour des raisons différentes de celles de notre collègue.

M. Laurent Burgoa.  - Je voterai l'amendement de suppression.

Madame Cazebonne, le Sénat a pris position. L'article 2 risque de connaître le même sort que l'article 1er. Cela vous honorerait d'en prendre acte et de retirer votre proposition de loi avant le vote de l'article 2.

Dans mon département, j'ai défendu le président Patriat, qui aime la chasse et les traditions. (Sourires)

M. François Patriat.  - C'est vrai. (Sourires)

M. Laurent Burgoa.  - Beaucoup l'ont vilipendé, et je l'ai défendu.

Vous voyez que les jeux sont faits. Un retrait du texte vous honorerait et honorerait le Sénat, dans l'intérêt de tous.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ce n'est pas correct !

Mme Samantha Cazebonne.  - Vous parlez d'honneur ? Moi, je fais honneur au Comité des droits de l'enfant de l'ONU. C'est sans doute ce qui nous distingue ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Sophie Briante Guillemont applaudit également.)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Nous redéposerons ce texte, convaincus de l'intérêt de poser une limite d'âge à la corrida, spectacle de cruauté gratuite.

Je veux bien aller dans une école taurine mais pas le jour où l'on massacre un veau.

M. Laurent Burgoa.  - Venez, je vous expliquerai. (Mme Cécile Cukierman s'en amuse.)

M. Max Brisson.  - Le débat n'a pas été agressif. La remarque de mon collègue Burgoa sur M. Patriat était sympathique. Tous les groupes sont divisés sur le sujet. (M. Thomas Dossus le nie de la main.) Ces positions sont respectables. Chacun parle avec sa sensibilité, avec son parcours, la vision qu'il peut avoir de la corrida et des activités taurines. Un peu de respect. Votre intervention est brutale par rapport à l'intervention amicale de Laurent Burgoa (Mme Marie-Pierre de La Gontrie le conteste.)

Madame Cazebonne, vous vous référez sans cesse à l'ONU. Bien des fois, j'ai des réticences sur les positions de l'ONU. Ce n'est pas l'alpha et l'oméga de ce que nous devons décider en France. (MM. Laurent Burgoa et Cédric Vial applaudissent.)

Mme Monique Lubin.  - Je comprends très bien que tout le monde n'apprécie pas ces combats de coqs ou de taureaux. Mais je suis un peu étonnée des références selon lesquelles ces enfants sont en danger.

Qui fait ces études, qui les commande, qui les paie, et combien d'enfants sont-ils concernés ?

Je le répète : le nombre de mineurs assistant à des corridas est infinitésimal.

Madame Cazebonne, je n'aime pas que l'on soupçonne que je n'ai pas d'honneur. Personne n'a considéré que quelqu'un ici manquait d'honneur. Je n'en manque pas. Nous sommes, tout comme vous, des personnes respectant les droits des enfants et nous nous battons pour cela.

Ce n'est pas parce que je ne souhaite pas cette interdiction que je perdrais mon honneur. (MM. Laurent Burgoa et Loïc Hervé applaudissent.)

À la demande du groupe INDEP et du GEST, les amendements identiques nos2 rectifié quinquies et 7 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°39 :

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 301
Pour l'adoption 237
Contre   64

Les amendements identiques nos2 rectifié quinquies et 7 sont adoptés. En conséquence, l'article 2 est supprimé et l'amendement n°5 n'a plus d'objet.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

Prochaine séance, lundi 18 novembre 2024, à 16 heures.

La séance est levée à 19 h 20.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du lundi 18 novembre 2024

Séance publique

À 16 h 00, le soir et la nuit

Présidence :

M. Gérard Larcher, président,M. Loïc Hervé, vice-président, M. Dominique Théophile, vice-président

Secrétaires : Mme Marie-Pierre Richer, M. Guy Benarroche

1. Projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont le Sénat est saisi en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution, pour 2025 (n°129, 2024-2025) (discussion générale)

2. Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont le Sénat est saisi en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution, pour 2025 (n°129, 2024-2025) (discussion des articles)