Protection du commerce maritime en mer Rouge
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution visant à condamner les actions des rebelles houthis en mer Rouge et à appeler à une action internationale pour protéger le commerce maritime et l'environnement dans cette zone, présentée, en application de l'article 34-1 de la Constitution, par Mme Nicole Duranton, MM. François Patriat, Jean-Baptiste Lemoyne et plusieurs de leurs collègues, à la demande du RDPI.
Discussion générale
Mme Nicole Duranton, auteur de la proposition de résolution . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Nous voulons condamner les actions des Houthis en mer Rouge. Fondé dans les années 1990, ce mouvement politique et militaire, chiite, avait initialement des revendications religieuses et s'opposait à l'influence étrangère au Yémen, notamment de l'Arabie saoudite et des États-Unis.
En 2014, les Houthis ont pris le contrôle de la capitale Sanaa et ont contraint le gouvernement yéménite à fuir vers le sud. Soutenus par l'Iran, ils contrôlent une grande partie du pays, dont le littoral de la mer Rouge, avec des conséquences économiques, écologiques et sécuritaires majeures.
La mer Rouge voit passer 10 % du trafic maritime international, 25 % du trafic mondial de porte-conteneurs et 40 % des échanges entre l'Europe et l'Asie - c'est une voie stratégique, car 90 % du commerce international, en volume, est maritime.
Depuis octobre 2023, les Houthis ont mené plusieurs attaques, en solidarité avec les Palestiniens, mais pas uniquement. Selon une commission d'enquête de l'ONU, ils perçoivent chaque mois 180 millions de dollars de certaines agences maritimes en échange d'une non-agression. Ils utilisent drones et missiles pour cibler navires civils et militaires, y compris français. Ces exactions, qui causent de lourds dégâts, menacent l'équipage à bord, contraignant, par exemple, CMA CGM à suspendre son trafic en mer Rouge. Un navire coulé ou capturé par les Houthis, c'est 1 milliard d'euros de perdu ! En conséquence, outre CMA CGM, MSC, Maersk et BP ont modifié leurs routes commerciales, pour passer par le cap de Bonne-Espérance. Selon un cadre de CMA CGM, ces déviations représentent des milliards de dollars de coûts supplémentaires, plus de bateaux et des délais de livraison allongés de 12 à 15 jours en moyenne.
S'y ajoutent des impacts écologiques, comme en témoigne le naufrage en mars dernier du Rubymar, qui contenait 22 000 tonnes d'engrais chimiques et des centaines de tonnes de carburant. Cette pollution s'est étendue sur plusieurs kilomètres, rappelant l'Exxon Valdez. Si les attaques continuent, de telles catastrophes se répéteront, mettant en péril les écosystèmes marins de la mer Rouge.
Plus de navires, c'est aussi plus d'émissions de gaz à effet de serre et plus de pollution marine. Nos côtes de La Réunion sont concernées, tout comme celles de Mayotte.
La sécurisation du détroit de Bab el-Mandeb implique les grandes puissances dont la France, au travers de l'opération Gardien de la prospérité lancée par les États-Unis dès décembre 2023. Après avoir envoyé la frégate Languedoc, la France a rejoint l'opération européenne Aspides, afin de répondre aux agressions des Houthis contre les navires commerciaux qui transitent par la mer Rouge, mais la zone n'est toujours pas suffisamment sécurisée pour permettre la reprise du trafic maritime.
Depuis 2015, les Houthis gouvernent de facto le nord du Yémen, alors que le gouvernement officiel s'est réfugié au sud.
Soutenus par l'Iran, les rebelles houthis prétendent être les seuls acteurs au Yémen à soutenir la cause palestinienne au Yémen. En réalité, ils font le jeu de l'Iran contre Israël. Leur arsenal sophistiqué - missiles balistiques, drones... - leur permet de cibler des infrastructures stratégiques.
Début octobre, nous avons appris que l'Iran servait d'intermédiaire pour livrer des missiles antinavires supersoniques russes aux rebelles houthis : la Russie cherche à renforcer ses alliances face aux Occidentaux.
À l'Assemblée générale de l'ONU, Emmanuel Macron n'a pas évoqué la situation en mer Rouge, mais a réaffirmé sa volonté de trouver une solution diplomatique au conflit israélo-palestinien. Il est de notre responsabilité de suivre cette boussole pour désamorcer la crise en mer Rouge et éviter l'escalade.
Intolérables, les attaques des Houthis mettent en péril des vies humaines et la stabilité internationale. Trouvons une issue diplomatique à cette crise protéiforme qui n'a que trop duré.
L'incertitude qui pèse avec le retour de Donald Trump doit conduire la France à jouer un rôle moteur dans l'action internationale en mer Rouge.
J'espère que le Sénat adoptera cette proposition de résolution à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
M. Jean-Pierre Grand . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains) Par son soutien, Téhéran a vassalisé les Houthis, d'où leurs attaques contre Israël. Ils perturbent aussi le commerce international, en se livrant à des actes de piraterie, soit pour rançonner, soit pour détruire.
Ni la France ni la communauté internationale ne peuvent laisser faire. Ces attaques entraînent parfois la mort des membres d'équipage. N'oublions pas ces crimes ! Ces attaques conduisent aussi à des catastrophes écologiques.
Avant 2023, 12 % du commerce passait par la mer Rouge. Depuis, le trafic y a chuté de 20 %, avec des conséquences sur l'ensemble des économies. Les primes d'assurance ont explosé. En passant par le cap de Bonne-Espérance, on a augmenté de moitié le temps de trajet, ce qui double le prix du conteneur venu d'Asie.
Je salue l'intervention de la marine nationale, dont nous devons augmenter les moyens. Les Houthis souhaitent étendre leurs opérations dans l'océan Indien. Espérons qu'ils n'y arrivent pas, et donnons-nous les moyens de les entraver.
Les tensions en mer s'accroissent. La course aux armements s'accompagne d'une désinhibition. Il nous faut défendre la France et ses intérêts.
Nous ne pouvons que soutenir la proposition de résolution de Nicole Duranton : le groupe INDEP la votera. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, du RDPI, et des groupes UC et Les Républicains)
M. Roger Karoutchi . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous voterons cette résolution, sans illusion, car aucune résolution n'a jamais arrêté de guerre.
Madame Duranton, je ne partage pas votre constat : vous prétendez que depuis le 7 octobre, les Houthis veulent arrêter les navires qui ont un lien avec Israël. Non, l'origine de ces attaques, c'est la guerre civile au Yémen, entre les rebelles, soutenus par l'Iran, et le Gouvernement légitime, soutenu par l'Égypte et l'Arabie saoudite. Les Houthis sont des pirates, comme cela se pratique depuis le 19e siècle dans le détroit de Bab el-Mandeb.
Mme Valérie Boyer. - Exactement !
M. Roger Karoutchi. - La boucle est bouclée : l'Iran fournit des armes, se fait payer par l'argent récolté par les actes de piratage, dissimule ces actes derrière la cause palestinienne... Nous avons donc affaire à des pirates, opposés au Gouvernement yéménite officiel et à la libre circulation.
Nous voterons cette résolution, mais si l'on veut couper la tête d'une hydre, il faut prendre plusieurs haches (Mme Nathalie Goulet renchérit) : la tête est à Téhéran et non au Yémen. L'action diplomatique de la France doit donc être tournée vers l'Iran, comme l'a rappelé le ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Que l'Iran cesse de soutenir ses proxys : le Hamas, le Hezbollah, les Houthis, les « 3 H » qui contribuent au désordre politique, militaire et diplomatique dans la zone.
Arriverons-nous à des accords assurant la paix et la solidarité dans la zone ? Je ne sais pas. La marine française est présente, Jean-Pierre Grand l'a rappelé, même si ce sont surtout les Américains et les Britanniques qui agissent, ainsi que l'aviation israélienne, sporadiquement.
Oui, il faut tout faire pour que les Houthis arrêtent de bloquer le détroit et mettent fin à leurs actes de piratage.
Oui, il faut rétablir la paix dans la zone, sans illusion : tant que nous n'aurons pas instauré un rapport de force avec Téhéran, il y aura du Hamas, du Hezbollah, des Houthis et la guerre. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
M. Jean-Baptiste Lemoyne . - Je remercie Nicole Duranton de cette proposition de résolution, ainsi que les 42 signataires.
Ces sujets semblent - à tort - éloignés de notre quotidien, car il y va de la stabilité au Proche et au Moyen-Orient, de la sécurité des routes maritimes et de notre approvisionnement.
Les Houthis prennent un visage nouveau avec l'hybridation des menaces et le développement d'armes low cost.
L'horreur des massacres du 7 octobre a changé la donne. Les Houthis attaquent les navires, proies faciles. Bab el-Mandeb est bien nommé : la porte des pleurs, au point qu'une frégate militaire allemande a évité le secteur voilà quinze jours ! Cela nous rappelle que les détroits sont aussi stratégiques que vulnérables ; restons extrêmement vigilants sur le détroit de Taïwan.
Leurs dirigeants ont fait le lien avec le conflit à Gaza et au Liban. Mais ce ne sont pas de simples exécutants de l'Iran (M. Roger Karoutchi le confirme) : leurs intérêts sont alignés, mais les Houthis ont aussi leur dynamique propre.
Cette proposition de résolution rappelle que le spectre d'un embrasement nous guette.
Concernant le Yémen, les Houthis se sont mués en force politique à visée nationale dans les années 1990, après le refus des gouvernements yéménites de reconnaître la minorité zaydite. Le peuple yéménite paie tout cela, la situation humanitaire est déplorable. Seule une voie fédérale stabiliserait le pays, mais nous en sommes loin.
Sur le Proche-Orient, alors que la solution à deux États, assortie d'une garantie de sécurité pour Israël, est la seule envisageable, on s'éloigne toujours plus de l'esprit de la résolution 242 de l'ONU et de la résolution de 1947.
Dans ce monde de crises permanentes, nous devons muscler notre jeu en matière de défense et de diplomatie, notamment en renforçant notre présence dans la zone et dans les océans.
Je nous invite à nous réunir autour de cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
Mme Sophie Briante Guillemont . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Depuis novembre 2023, les attaques des Houthis contre les navires marchands se sont intensifiées. L'assaut contre le pétrolier Galaxy Leader, dont les 25 membres d'équipage sont toujours retenus en otages, en a été le point d'orgue. Le cargo Rubymar a également coulé, tandis que des attaques de missiles ont ciblé Israël, tuant une personne à Tel-Aviv.
Ce conflit en mer Rouge s'inscrit dans l'histoire plus large du Yémen et de la péninsule arabique.
En 2004, à la suite de l'assassinat de son leader, le mouvement houthi a pris les armes. En 2014, ils ont scindé le pays en deux, obligeant le Gouvernement à abandonner la capitale, Sanaa, et à se retrancher dans le nord-est du pays.
Cela a provoqué l'une des plus graves famines depuis un siècle. Les civils paient le prix du conflit. Cinq millions d'enfants de moins de 5 ans sont dénutris, ainsi que 1,3 million de femmes enceintes et allaitantes.
Pas moins de 70 % de la population a besoin d'une aide humanitaire. En outre, 11 000 enfants ont été tués ou gravement blessés et 4 000 enrôlés par les rebelles.
Les attaques contre les navires s'inscrivent dans ce contexte. Sept des dix plus grandes compagnies maritimes ont cessé d'emprunter cette route. L'Union européenne a lancé une mission de protection.
Il est nécessaire d'éviter une escalade incontrôlée, et la seule réponse militaire ne suffit pas : il faut trouver une solution politique, et cette proposition de résolution nous y invite. La France doit jouer un rôle majeur pour garantir la souveraineté des États. Cela passe par une multiplication des échanges avec les partenaires européens et régionaux, comme Djibouti.
Le RDSE votera cette résolution : seule une solution politique nous sortira de l'impasse. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RPDI)
M. François Bonneau . - (M. Laurent Somon et Mme Valérie Boyer applaudissent.) La mer Rouge est une voie de passage stratégique pour les marchandises, notamment entre l'Asie, l'Europe et l'Afrique.
Depuis novembre 2023, la région est fortement déstabilisée par les Houthis. Ainsi, 150 incidents ont été rapportés, dont quatorze navires touchés par missile ou drone et dix-huit détournés par des pirates somaliens. Le trafic en mer Rouge représente 13 % du trafic mondial et 21 % du trafic énergétique. Il a été divisé par deux depuis 2023.
Le conseil de sécurité des Nations unies alerte sur le fait que la milice houthie devient une puissante organisation militaire ; elle compte désormais 350 000 combattants, soit dix fois plus qu'il y a dix ans.
Ces attaques mettent en péril des civils et constituent une entrave à la liberté de la navigation et du droit international. Comment la France compte-t-elle répondre ?
L'opération Aspides vise à protéger le trafic maritime et contribue à la liberté de navigation. Vingt et un États membres participent, et trois, dont la France, y engagent des bâtiments de premier rang. L'opération continuera jusqu'en février 2025. Monsieur le ministre, cette opération se poursuivra-t-elle, ainsi que les opérations Atalante et Agénor ?
Nous voterons cette résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Fabien Gay . - Le 8 octobre 2023, au lendemain des attaques terroristes du Hamas que nous condamnons fermement, Washington a déployé en mer Rouge un puissant arsenal. Les attaques des Houthis ont commencé le même jour.
Les États-Unis ont créé une coalition internationale pour combattre les Houthis, sans mandat. L'Union européenne a lancé une opération similaire, sous l'égide des Nations unies, qui, elle, n'a pas vocation à bombarder le Yémen. Mais les Houthis peuvent lancer de nouveaux assauts.
Nous aurions dû tirer les conclusions de la sale guerre menée par l'Arabie saoudite, armée par la France : l'échec d'une approche militaire au Yémen. D'où notre première réserve : le texte invite à la désescalade, mais il encourage aussi une coalition belliciste qui fragilise encore la zone. Nous plaidons pour plus de diplomatie.
La mer Rouge voit transiter 12 % du trafic mondial et 75 % des exportations européennes. La déviation des routes maritimes rogne les marges de nos grands industriels européens.
Chaque conflit armé est un désastre humain et écologique. La sale guerre de Poutine a fait 300 000 morts de chaque côté, mais a aussi rayé de la carte des centaines de milliers de mètres carrés de forêts, ravagés par les incendies, et contaminé aux métaux lourds les terres et les nappes phréatiques.
Nous avons un désaccord important avec ce texte, qui fait l'impasse sur les crimes de guerre et le risque plausible de génocide commis à Gaza par Netanyahu et son gouvernement d'extrême droite. C'est un véritable massacre, sur un territoire qui, depuis vingt ans, vit un triple blocus contraire au droit international.
Si nous voulons la paix au Yémen, nous la voulons aussi pour les peuples israélien et palestinien.
Nous ne sommes pas naïfs vis-à-vis du soutien iranien aux groupes terroristes. Seule une solution politique restaurera la confiance et marginalisera les groupes paramilitaires.
La France doit faire entendre sa voix. Nous voulons un couloir humanitaire, la libération des otages et prisonniers politiques palestiniens et le respect du droit international, en reconnaissant enfin l'État palestinien.
Cette proposition de résolution rate sa cible : on ne peut ignorer le problème israélo-palestinien, il faut régler tous les problèmes de la zone.
Le groupe CRCE-K s'abstiendra donc.
M. Akli Mellouli . - Le GEST partage le souhait de mettre fin aux attaques des navires dans le golfe d'Aden et en mer Rouge, tout comme nous condamnons toutes les attaques et oppressions des peuples, où qu'elles soient et d'où qu'elles viennent. Nous voterons donc cette proposition de résolution.
Vice-président du groupe d'amitié France-Yémen, je partage un regard lucide sur la situation. Depuis 2014, le Yémen est le théâtre d'une guerre civile meurtrière, alimentée par des puissances régionales : 400 000 morts et 200 000 réfugiés, avec pour toile de fond la rivalité entre l'Arabie saoudite et l'Iran.
Selon l'Unicef, 70 % de la population a besoin d'aide humanitaire, 17 millions de personnes sont en insécurité alimentaire. Les réseaux d'eau et d'électricité s'effondrent. Pas moins de 4,5 millions d'enfants, soit 40 % d'entre eux, ne vont plus à l'école. Quel désespoir ! Et quel avenir leur prépare-t-on ? Voilà le terreau de conflits futurs.
Pendant dix ans, l'Occident a répondu par un silence assourdissant aux appels du peuple yéménite. La communauté internationale a une responsabilité et doit agir davantage. Comment accepter des frappes occidentales sur le territoire yéménite ?
L'intervention israélienne au Liban pourrait accentuer l'instabilité de ces zones maritimes. Cette poudrière ne pourra se calmer que si on prend en compte l'ensemble des problèmes de la région, et notamment une résolution du conflit israélo-palestinien fondée sur le droit international.
La France doit veiller à conserver une position impartiale et juste. Son engagement pour la dignité humaine doit être inébranlable, dans le respect du droit international, pour une paix durable.
C'est pourquoi nous voterons cette résolution. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE)
Mme Hélène Conway-Mouret . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du RDPI) Je remercie Nicole Duranton et ses collèges de cette proposition de résolution qui porte un message politique fort d'apaisement et de solidarité, dans un contexte politique préoccupant.
La piraterie dans le golfe d'Aden date des années 2008-2012, avec les pirates somaliens, après la déstabilisation de leur pays. L'Union européenne a lancé en 2008 l'opération Atalante, à laquelle la France participe. L'opération Ocean Shield a été menée de 2009 à 2016, éliminant les actions de piraterie. Les résultats furent concluants.
Actuellement, les Houthis ont pris fait et cause dans la guerre entre Israël et le Hamas, dans une logique politique, et non plus de prédation économique.
Les attaques de novembre 2023 ont réduit drastiquement le trafic maritime en mer Rouge. Les grandes compagnies d'armateurs comme CMA CGM et MSC ont renoncé à fréquenter cet axe.
La France s'est engagée dans deux coalitions : une coalition offensive, Gardien de la prospérité, menée par les États-Unis et vingt et un autres pays, et une coalition défensive, Aspides, sous l'égide de l'Italie, avec sept États européens. La France s'y est activement impliquée.
Cette coalition a mené à bien 300 escortes, avec la destruction de drones aériens et maritimes et de missiles balistiques. Cette mission doit être renforcée. La contribution de 8 millions d'euros de l'Union européenne est insuffisante.
J'en viens au volet économique. Par ce détroit passe 40 % du commerce maritime mondial, soit 12 % du commerce mondial. L'Italie, dont 54 % des marchandises passent par voie maritime, a perdu 9 milliards d'euros en 2024. Le port grec du Pirée a connu une baisse de 15 % de son activité. Russes et Chinois préfèrent les voies ferroviaires aux voies maritimes.
Le canal de Suez est aussi touché. Les armateurs font le tour de l'Afrique, saturant les ports d'Afrique du Sud, et faisant exploser le coût des conteneurs et des assurances.
Ne négligeons pas le coût environnemental. Heureusement, le pétrolier Sounion a pu être remorqué. Au-delà des dégâts matériels, je pense aussi aux marins, qui sont menacés. On estimait en août 2024 qu'une centaine de navires avaient été attaqués. Les 25 marins du Galaxy Leader sont toujours otages.
Je rends hommage à la marine française et à la frégate qui a évité que le Sounion ne coule. Ces bateaux font tenir l'économie mondiale. La France, avec une solidarité infaillible, continuera à répondre présent, par son action militaire et diplomatique.
Le groupe SER votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du RDPI et du RDSE)
Mme Valérie Boyer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'opération Atalante rencontre depuis plusieurs mois de nombreuses difficultés. Les rebelles houthis multiplient les attaques, tant politiques que de piraterie. Lundi, ils ont attaqué deux destroyers américains. Des navires de CMA CGM et la frégate Languedoc ont été ciblés.
Ces attaques menacent l'économie européenne, et empêchent les relations maritimes avec nos territoires de l'océan Indien, La Réunion et Mayotte.
Il faut une action internationale. Je regrette que ce texte n'insiste pas davantage sur la menace internationale que les Houthis représentent.
Alors que l'ombre du danger islamiste menace Israël, les Houthis appartiennent à « l'axe de résistance contre Israël », selon les termes de l'Iran.
Mme Nathalie Goulet. - Très bien ! Absolument.
Mme Valérie Boyer. - Ce sont les trois H de la terreur : Houthis, Hezbollah, Hamas. Leur devise, adoptée en 2003, en dit long : « Dieu est grand, mort aux États-Unis, mort à Israël, maudits soient les Juifs et victoire de l'islam. »
Cette proposition de résolution doit aller plus loin. Nous restons bien trop silencieux sur le sort réservé aux enfants et femmes yéménites, elles qui doivent porter des tenues couvrantes et être accompagnées de tuteurs masculins. Les Houthis les empêchent de travailler. Ces contraintes s'appliquent aussi aux travailleuses humanitaires yéménites.
La situation humanitaire est très préoccupante. Les femmes et enfants sont les plus menacés. Et je ne parle pas des mariages forcés et des grossesses précoces.
La France doit être la porte-parole de ces femmes, pour que la communauté internationale fasse pression sur les Houthis.
Nous voterons cette proposition de résolution, tout en regrettant qu'elle n'aille pas assez loin.
Dénoncer les actes de piraterie des Houthis est une façon de lutter contre la pieuvre iranienne, dont les tentacules s'étendent partout. Cette guerre de déstabilisation doit être dénoncée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI ; Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
Mme Nathalie Goulet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Roger Karoutchi applaudit également.) Je salue l'ambassadeur du Yémen, que je remercie de sa présence et de son amitié.
Je remercie l'auteure de la résolution. Roger Karoutchi et Valérie Boyer ont raison. Le Hamas et les Houthis font partie de la même internationale du terrorisme. Les Houthis pratiquent la piraterie depuis très longtemps. Ce sont des mercenaires prêts à tout qui ont mis leur pays à feu et à sang. L'Arabie saoudite n'a aucun intérêt à avoir un Hezbollah à ses frontières.
Je suis allée au Yémen à de nombreuses reprises, la dernière fois remonte à 2017 : la situation est tragique.
Il faut absolument engager des sanctions financières, avec des embargos et en luttant contre les trafics de drogue. Il faut veiller à ce que l'argent de la piraterie n'alimente pas le terrorisme. Les flux financiers doivent être interrompus.
Chère Nicole Duranton, la prochaine proposition de résolution devrait porter sur le financement du terrorisme - mon livre à ce sujet comprend un chapitre sur la piraterie -, car tout est lié.
Cette proposition de résolution nous donne la chance de parler du Yémen, pays très important pour la stabilité régionale. L'ambassadeur, en tribune, est à votre disposition, monsieur le ministre, pour échanger de façon constructive.
Le groupe UC votera évidemment cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et du RDPI)
M. Thani Mohamed Soilihi, secrétaire d'État chargé de la francophonie et des partenariats internationaux . - Avant tout, j'exprime ma gratitude à Mme Duranton pour cette proposition de résolution. (Mme Nicole Duranton apprécie.) Celle-ci s'inscrit dans l'action déterminée du Gouvernement contre les rebelles houthis en mer Rouge.
Ces insurgés yéménites se réclamant de la cause palestinienne multiplient les assauts contre les navires. Soutenus et armés par l'Iran, ils sont responsables de plus de 150 agressions depuis novembre 2023. Ils ont aussi visé à de nombreuses reprises le territoire israélien. Cette escalade belliqueuse est une menace croissante pour la sécurité de la région.
Dotés de moyens de plus en plus sophistiqués venus d'Iran, les Houthis ont franchi un cap supplémentaire dans la violence. Les drones sont devenus une réalité tristement ordinaire.
Si le naufrage du Rubymar a suscité de grandes inquiétudes environnementales, heureusement, aucune victime n'a toutefois été déplorée dans l'équipage. Mais l'attaque du 6 mars dernier contre le navire True Confidence a été meurtrière.
Ce climat de peur entrave le commerce international. Il porte directement atteinte à nos intérêts et à ceux de nos partenaires. Le FMI a enregistré une baisse de 30 % du trafic de containers via la mer Rouge - 22 % selon l'Union européenne. En conséquence, l'inflation pourrait s'aggraver.
Face à cet engrenage dangereux, la France appelle à la fin des exactions houthies. Nous dénonçons leurs comportements irresponsables. Nous appelons sans relâche à la libération du Galaxy Leader et de son équipage.
Avec l'appui de nos partenaires européens, nous avons adopté une posture défensive en mer Rouge. L'Union européenne a lancé l'opération maritime Aspides, dont l'objectif est de garantir la liberté de navigation au large du Yémen. Ainsi, plus de 270 navires ont pu être escortés, et drones et missiles interceptés. Cette opération est un témoignage fort de la volonté de la France et de l'Union européenne de restaurer cette voie de passage. L'escorte du pétrolier Sounion a évité une catastrophe écologique.
Là où le droit international est menacé, la France, fidèle à son héritage et ses idéaux, s'érigera toujours pour le protéger. À l'unisson des autres nations européennes, la France continuera de veiller sur ces eaux, afin qu'elles deviennent libres et sûres.
Au nom du Gouvernement, je vous remercie pour cette proposition de résolution. Avec l'appui indéfectible de nos partenaires et sous l'égide d'Hans Grundberg, envoyé spécial des Nations unies, notre pays ne reculera devant rien pour raviver la flamme de la paix au Yémen. C'est notre devoir. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC)
À la demande du RDPI, la proposition de résolution est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°36 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Pour l'adoption | 322 |
Contre | 0 |
La proposition de résolution est adoptée.
(Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe Les Républicains)
La séance est suspendue quelques instants.