Accélérer le redressement des finances publiques

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi constitutionnelle visant à accélérer le redressement des finances publiques, présentée par Mme Vanina Paoli-Gagin et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe INDEP.

Discussion générale

Mme Vanina Paoli-Gagin, auteur de la proposition de loi constitutionnelle .  - On ne peut résoudre un problème avec le même mode de pensée que celui qui l'a généré, selon la maxime d'Einstein. Or, cette année encore, comme depuis plus d'un demi-siècle, nous voterons un budget en déficit. Cette année encore, nous alerterons sur la dérive de nos finances, mais rien ne sera fait pour inverser la donne.

À tout le mieux, le projet de loi de finances évitera peut-être la crise à court terme, mais, sans changement systémique, celle-ci surviendra inévitablement. Je suis désolée de jouer les Cassandre, mais on ne peut se réjouir de cette triste pantomime qui se répète.

Nous faisons face à une triple impasse : financière, économique et démocratique.

D'abord, l'impasse financière : la dette publique dépasse les 110 % du PIB et le déficit atteint plus de 5 %, nous avons rogné nos engagements européens.

La succession des crises survenues depuis 2020 n'explique qu'en partie cette dérive : les dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire, au plan de relance et à la crise énergétique dépassent à peine les 250 milliards d'euros, soit un quart de l'augmentation de notre dette depuis 2017.

Désormais, nous empruntons à un taux supérieur au Portugal.

Cette impasse financière mène à une impasse économique. Le Gouvernement est tenu de défendre un budget de crise qui ne satisfait personne -  ne lui en tenons pas rigueur, il a dû composer avec le réel. Mais cette réalité déçoit tout le monde ; augmenter les impôts pour tenir un déficit à 5 % tout en rognant sur le soutien à l'innovation, cela met à mal le moral des troupes. Résultat : les investissements et les recrutements sont gelés.

Les entreprises dénoncent les hausses d'impôts imprévues.

La dernière impasse est d'une autre nature, démocratique. Nous ignorons si nous pourrons examiner le PLF en entier, alors que l'Assemblée nationale n'a même pas adopté la première partie du texte. En cause : l'inflation du nombre d'amendements dans un calendrier contraint par la Lolf. La seule manière d'y échapper, c'est de renoncer à notre droit le plus souverain, le droit d'amendement.

Le Parlement pourrait ne pas voter le budget, pourtant l'une de ses prérogatives essentielles. Autrement dit, il devrait renoncer à exercer son pouvoir. (M. Didier Migaud le conteste.)

Monsieur le garde des sceaux, vous avez oeuvré à améliorer le pilotage des finances publiques et vous oeuvrez aujourd'hui au bon fonctionnement de nos institutions. Face à cette triple impasse, il serait irresponsable de ne rien faire.

Il faut changer la méthode d'élaboration du budget ; avec ce texte, je souhaite renforcer la programmation de nos finances publiques dans la Constitution.

Actuellement, les lois de programmation des finances publiques (LPFP) fixent une trajectoire que le Gouvernement et le Parlement ont tout loisir de ne pas respecter chaque année. Inversons la logique en interdisant l'adoption d'une loi de finances annuelle qui ne respecterait pas les lois de programmation. Ces dernières seraient renommées lois portant cadre financier pluriannuel, à l'instar du cadre européen, qui prévoit des plafonds de dépenses et fixe des mécanismes de recettes annuels.

C'est une mesure de bon sens. Et nos concitoyens ont besoin de beaucoup de bon sens.

L'adoption de cette loi portant cadre financier pluriannuel contraindrait les écarts par rapport aux objectifs, restreindrait les débats annuels au périmètre de la loi-cadre, et améliorerait les prévisions macroéconomiques.

En commission, des critiques ont été émises. Voici quelques réponses.

Nous assumons d'appeler à davantage de rigidité en la matière. Bien sûr, il faut pouvoir ajuster les choses en cas d'événement exceptionnel. Mais à qui confier le soin de qualifier une situation d'exceptionnelle ? Des experts ? Des organismes indépendants tels que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) ? L'hypothèse est séduisante, mais elle manque de légitimité démocratique ; c'est pourquoi j'ai privilégié le mécanisme de vote à la majorité qualifiée.

Ce texte renforcerait un prétendu gouvernement des juges en confiant au Conseil constitutionnel la conformité de la loi de finances annuelle à la loi-cadre ? En réalité, le Conseil contrôle déjà la constitutionnalité des lois de finances : son rôle ne changerait donc pas.

Les rapporteurs ont relevé des points d'indétermination du texte qui n'avaient pas été soulevés auparavant, et je les en remercie. Mais je regrette vivement que vous n'ayez pas amendé la proposition de loi. En réalité, vous rejetez le principe même de ce texte. Car sinon, là où il y a une volonté, il y a un chemin.

Par ailleurs, ma proposition reprend l'architecture du projet de loi constitutionnelle de 2011 qui n'est pas allé à son terme.

Renoncer à un pilotage de long terme, c'est accepter d'être gouverné par le court terme. Si nous n'inversons pas ce rapport entre annualité et pluriannualité, nous serons toujours rattrapés par nos propres démons. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La révision constitutionnelle est-elle un outil indispensable au redressement des finances publiques ? On ne peut que s'alarmer de la situation extrêmement dégradée de nos finances : déficit de 6,1 % du PIB, dette cumulée de 113 %.

C'est le résultat d'un double échec : politique d'abord, faute de volonté de prendre les mesures concrètes de redressement ; juridique ensuite, car cette proposition de loi constitutionnelle s'inspire du projet de loi constitutionnelle de 2011, adopté dans le contexte de crise des dettes souveraines puis abandonné, le Conseil constitutionnel estimant inutile de modifier la Constitution pour transposer le pacte européen de 2010.

Est-il pertinent de modifier la Constitution ?

Cette proposition de loi constitutionnelle vise trois objectifs. D'abord, elle crée une nouvelle catégorie de loi : les lois portant cadre financier pluriannuel, qui se substitueraient aux lois de programmation des finances publiques et s'imposeraient aux lois de finance et de financement de la sécurité sociale.

Ensuite, elle prévoit un monopole des lois de finances sur les dispositions fiscales.

Enfin, elle consacre le rôle du HCFP dans la Constitution tout en élargissant ses prérogatives.

Première observation, la loi portant cadre financier pluriannuel durerait toute la législature, et comporte un degré de précision important. La terminologie employée reprend la notion de cadre financier pluriannuel (CFP), inspirée du droit européen. Mais la comparaison a ses limites : l'Union européenne n'est pas un État souverain garant du fonctionnement des services publics.

Deuxième observation, la proposition de loi remet en cause le principe de l'annualité budgétaire, acquis par le parlementarisme et consacré dès 1791. Derrière, il y a la notion de consentement à l'impôt et de contrôle régulier de la dépense. La proposition de loi remet en cause la garantie des droits budgétaires du Parlement.

Troisième observation, la loi portant cadre financier pluriannuel pourrait être adoptée par 49.3, s'agissant d'une loi ordinaire. Comment imaginer fixer la trajectoire budgétaire pour cinq ans sans vote de l'Assemblée nationale ? La procédure proposée pour la modification de la trajectoire budgétaire serait, elle, très rigide, requérant la majorité des trois cinquièmes au Congrès. Une rupture du parallélisme des formes... La majorité qualifiée sert à imposer des exigences au-delà des engagements partisans, or le budget, par essence, est un acte politique.

Quatrième observation, cette proposition de loi risquerait de remettre en cause la libre administration des collectivités territoriales et leur autonomie financière. En effet, la trajectoire des prélèvements obligatoires intègre les impôts locaux, tandis que les investissements publics sont portés à 45 % par les collectivités.

Cinquième observation, le cadre budgétaire européen est mouvant sur la définition des critères, tandis que notre Constitution a vocation à rester stable. Si l'on grave dans le marbre certains critères, il faudrait une révision constitutionnelle à chaque fois que le cadre européen bouge !

Sixième observation, comment le Conseil constitutionnel pourrait-il sanctionner une loi de finances sur la base d'un indicateur prévisionnel ? Se pose également un problème de périmètre, car la proposition de loi prévoit des critères portant sur l'ensemble de la sphère publique.

Le texte vise également à instaurer un monopole des lois de finances sur les dispositions fiscales. Solution pertinente d'un point de vue doctrinal, mais qui priverait le législateur d'une souplesse utile. De fait, seules deux ou trois mesures fiscales par an échappent aux textes financiers. Ne portons pas atteinte à l'initiative parlementaire, déjà fortement contrainte par l'article 40 de la Constitution.

Enfin, la constitutionnalisation des prérogatives du HCFP, créé en 2013, n'apparaît pas nécessaire - d'autant que celui-ci est une émanation de la Cour des comptes, déjà constitutionnalisée. Il n'a en outre pas les moyens financiers ou humains d'assumer un tel élargissement de ses prérogatives. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Stéphane Sautarel, rapporteur pour avis de la commission des finances .  - J'ai conduit des auditions communes avec le rapporteur Le Rudulier. Nos conclusions se rejoignent.

Depuis 1975, pas un seul budget n'a été exécuté à l'équilibre. La dégradation des comptes s'accélère et se banalise. Depuis vingt ans, le déficit n'a été inférieur à 3 % qu'à trois reprises. L'endettement s'est envolé à chaque crise : de 20 à 40 % du PIB dans les années 1980, 60 % après la récession de 1993, 80 % après la crise financière de 2009, plus de 100 % depuis la crise de 2020. Preuve d'un manque de volonté politique, surtout en sortie de crise.

Les lois de programmation des finances publiques, instituées en 2008, n'ont pas été suivies.

La charge de la dette ampute l'action de l'État, et sera bientôt le premier poste de dépenses. Face à l'échec des outils existants, Mme Paoli-Gagin propose d'instituer, pour la durée d'une législature, une loi portant cadre financier pluriannuel visant l'équilibre, qui s'imposerait aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

Notre pays dispose déjà d'une constitution financière : la loi organique relative aux lois de finance (Lolf), issue d'une initiative parlementaire. En vingt ans, elle a su s'adapter aux crises successives comme aux évolutions des règles européennes. Ne cassons pas cet outil. La Constitution, par sa rigidité, serait moins adaptable.

En outre, en faisant statuer le Conseil constitutionnel sur le respect de trajectoires fixées par la loi-cadre, on risque de donner au juge de la Constitution un rôle de juge financier, voire de juge d'opportunité de la politique budgétaire. Ce n'est pas son rôle.

Il est parfois nécessaire de changer de cap budgétaire en urgence. La procédure proposée ici aurait-elle permis d'ouvrir des crédits en moins d'une semaine en mars 2020 ? À l'inverse, une loi-cadre votée en période d'euphorie pourrait acter des plafonds de dépenses excessifs : c'est le cas de la dernière loi de programmation des finances publiques.

Les règles juridiques ne peuvent remplacer la volonté politique. La commission des finances réaffirme sa volonté de résorber nos déficits, mais vous propose de ne pas adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Nous traversons un épisode budgétaire préoccupant. La réduction du déficit public constitue une priorité absolue du Gouvernement ; c'est l'objectif que poursuit le PLF 2025.

Cette proposition de loi constitutionnelle, ambitieuse, modifie en profondeur les bases constitutionnelles de notre droit financier. Elle propose de remplacer les lois de programmation des finances publiques par des lois portant cadre financier pluriannuel, à caractère contraignant, s'imposant aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Ces lois-cadres ne pourraient être modifiées qu'à la majorité des trois cinquièmes du Parlement, réuni en Congrès.

La proposition de loi réserve aux lois de finances le monopole des dispositions fiscales, constitutionnalise les prérogatives du HCFP et impose un contrôle du juge constitutionnel sur tous les textes financiers.

Mme Paoli-Gagin souhaite donner la primauté à la pluriannualité en matière budgétaire. L'idée n'est pas nouvelle : elle s'inscrit dans de nombreuses réflexions -  auxquelles j'ai moi-même participé, dans d'autres fonctions  - sur les moyens de concilier le principe d'annualité budgétaire avec la nécessaire prise en compte du temps long.

Les débats d'orientation budgétaire offrent déjà au Parlement l'occasion de débattre des perspectives économiques et budgétaires sur trois ans, et de fixer des objectifs d'évolution des dépenses. Avec Alain Lambert, nous avons souhaité les consacrer à l'article 48 de la Lolf.

Le pacte de stabilité et de croissance (PSC), adopté en 1997, inscrit également les prévisions dans un cadre pluriannuel, via le programme de stabilité transmis chaque année à la Commission européenne.

Surtout, la révision constitutionnelle de 2008 a introduit à l'article 34 les lois de programmation des finances publiques, qui poursuivent « l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques » - formulation de compromis trouvée après de longs échanges, croyez-moi.

Les LPFP définissent une trajectoire pluriannuelle, fixent des objectifs de solde et de dette publics, décrivent les perspectives de recettes et de dépenses, avec des plafonds de crédits par mission du budget de l'État.

La loi organique du 17 décembre 2012 leur a confié le soin de fixer une trajectoire pluriannuelle et a créé le HCFP, que j'ai eu l'honneur de présider et qui participe au respect du principe de sincérité budgétaire. Placé auprès de la Cour des comptes, sans en être une émanation, il se prononce sur les prévisions macroéconomiques et alerte en cas d'écart avec la trajectoire.

Les LPFP sont donc des instruments utiles et nécessaires, mais elles ont montré certaines limites : elles sont rapidement dépassées, et les objectifs de déficit publics qui y sont inscrits sont rarement atteints.

Pourtant, pour citer le rapport public de novembre 2020 de la Cour des comptes, l'affirmation du temps long comme horizon est indispensable à la conduite des politiques publiques et à la bonne gouvernance des finances publiques. Mais cela doit être concilié avec le principe d'annualité budgétaire, ancré dans notre tradition politique depuis la Révolution. Le vote annuel de la loi de finances garantit le respect des prérogatives du Parlement et l'effectivité de son contrôle ; l'annualité permet d'ajuster les finances publiques à la croissance. Le Conseil constitutionnel en a fait un principe constitutionnel.

Le constituant a préféré faire des LPFP des instruments de pilotage, sans contraindre le Parlement dans le vote des lois de finances. Les trajectoires fixées en loi de programmation subissent des contingences qui ne sont pas toujours connues au moment de leur élaboration. Autant dire que la trajectoire adoptée est davantage une information sur la stratégie qu'une prévision solide -  mais elle lie politiquement le Gouvernement, notamment aux yeux de nos partenaires européens.

Faut-il donner aux LPFP un caractère contraignant ? C'est ce que prévoyait le projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques, proposé en 2011 par le président Sarkozy, voté dans les mêmes termes par les deux chambres, mais jamais soumis au Congrès.

L'idée est séduisante en apparence, au vu de l'état des comptes publics, mais contraindrait juridiquement le Gouvernement et le Parlement dans leurs choix politiques. En dépit des prévisions et des engagements, la politique financière reste tributaire des soubresauts de notre époque : crises financières, pandémies, catastrophes naturelles, guerres... Le caractère non contraignant des LPFP offre la souplesse nécessaire pour répondre rapidement à des situations d'urgence ou mettre en oeuvre des politiques contracycliques.

Gare à ne pas brider la capacité d'adaptation des pouvoirs publics. En définissant des indicateurs pour la durée de la législature, la loi-cadre contraindrait la politique budgétaire en cas de ralentissement économique : aucune réorientation ne serait possible sauf à convoquer le Congrès. Fixer un objectif de solde sur une législature pourrait avoir un impact récessif, car celui-ci dépend de la croissance.

Il ne serait pas acceptable que la représentation nationale soit dans l'incapacité de réagir à des situations d'urgence en raison d'un texte programmatique voté des années auparavant. Comment aurait-on fait en mars 2020 ?

La procédure de révision à la majorité des trois cinquièmes est très contraignante, sans être pour autant une garantie de sérieux budgétaire.

Je souscris pleinement à l'objectif d'une plus grande maîtrise des finances publiques -  j'ai même une appréciation sévère sur notre gestion. Mais le dispositif juridique ne doit pas être un carcan. Le pouvoir politique doit pouvoir réagir rapidement si la situation l'impose. Les choix budgétaires sont avant tout des choix politiques, qui ne doivent pas être contraints par des outils juridiques trop rigides.

Je suis convaincu qu'une norme, quelle qu'elle soit, restera inefficace sans réelle volonté politique. La Lolf en est le meilleur exemple ! Il ne suffit pas de changer les textes pour changer la réalité. Ainsi, l'Allemagne n'a pas attendu l'interdiction constitutionnelle de voter un budget en déséquilibre en 2016 pour redresser ses comptes publics ; de même, malgré l'adoption de la règle d'or budgétaire en 2012, la dette de l'Italie atteint 140 % du PIB. Cherchez l'erreur !

Je plaidais déjà dans mes précédentes fonctions pour une culture de la pluriannualité. La loi organique du 28 décembre 2021 va dans ce sens. Depuis 2023, les projets annuels de performances doivent s'accompagner d'une trajectoire triennale. Je connais la qualité des travaux du HCFP, que j'ai présidé : il a su faire converger les prévisions du Gouvernement et celles du consensus économique, mais je doute que sa constitutionnalisation ait le moindre effet sur le rétablissement de nos finances publiques, même si son rôle pourrait être renforcé.

Le redressement des finances publiques doit procéder de la volonté des acteurs politiques, Gouvernement et Parlement. Les outils sont là, il suffit de s'en saisir pour insuffler une culture de la performance et de la responsabilisation des gestionnaires publics.

Plutôt qu'un nouveau big bang budgétaire, poursuivons les efforts déployés dans le sillage de la Lolf. Renouons avec son esprit, afin de viser l'efficacité de l'action publique, et que chaque euro dépensé soit bien employé. Il reste des marges de progrès...

Je reste attaché au renforcement des prérogatives du Parlement en matière budgétaire : il bénéficie de moyens d'information et de contrôle qui ne demandent qu'à être davantage utilisés.

Je suis convaincu que nous pouvons améliorer notre procédure d'adoption des lois de finances. Nous passons plus de temps qu'aucun autre pays sur la loi de finances initiale, mais très peu à en contrôler l'exécution. Or entre gels, surgels et rabots, la réalité d'une politique budgétaire s'apprécie davantage dans l'exécution que dans l'affichage d'une loi de finances !

Tout en saluant le travail ambitieux de Mme Paoli-Gagin, j'émettrai sur sa proposition de loi constitutionnelle un avis défavorable.

La séance est suspendue à 13 h 05.

Présidence de M. Dominique Théophile, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.

M. Marc Laménie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Rien de grand ne se fait sans l'intuition du temps long. C'est le cas dans le domaine ferroviaire, cher à mon coeur, mais aussi pour l'industrie, le nucléaire ou la sauvegarde du patrimoine

Nous sommes nombreux à vouloir renforcer la planification, non pas dans un esprit soviétique, mais pour renouer avec le temps long et bâtir des consensus politiques au-delà des cycles électoraux.

L'inversion du rapport entre pluriannualité et annualité constitue une révolution nécessaire. Cette proposition de loi constitutionnelle s'inspire largement du projet de loi constitutionnel de 2011, adopté par le Sénat. Je l'avais voté, comme nombre d'entre vous. J'espère que ceux qui siègent toujours dans notre assemblée confirmeront leur vote.

Ce qui était alors salutaire serait devenu superfétatoire, voire contreproductif ? Bien sûr, il y a eu le TSCG, puis la création du HCFP. Mais qui peut dire que la situation s'est améliorée depuis lors ? Êtes-vous certains qu'elle ne serait pas meilleure avec un renforcement de la programmation pluriannuelle ?

Nous souhaitons tous le rétablissement des comptes publics et en débattrons longuement ces prochaines semaines. Mais il faut aussi changer la méthode par laquelle nous votons le budget. Ce texte nous en offre l'opportunité, saisissons-la ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Vincent Delahaye applaudit également.)

M. Jean-François Husson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le redressement des finances publiques est une priorité unanimement partagée dans cet hémicycle. Nous sommes confrontés à un état d'urgence budgétaire qui impose d'agir pour prévenir le décrochage de la France et garantir la soutenabilité de notre dette publique.

Certes, des mesures budgétaires fortes ont déjà été prises pour réduire notre déficit primaire, en recettes comme en dépenses. Mais cet effort n'est pas suffisant : nous devons mener des réformes de structure.

Alors que nos grands principes budgétaires sont mis à l'épreuve, nous devons proposer un cadre à la fois plus performant et plus lisible. D'abord, il convient de réduire la fragmentation budgétaire qui empêche une vision intégrée des finances publiques. Ensuite, il faut renforcer le rôle du Parlement, qui doit davantage contrôler l'exécution pour redonner tout son sens au chaînage vertueux. Enfin, il faut introduire une logique de pluriannualité transversale pour mieux contrôler nos trajectoires et avoir une vision de long terme.

Cette proposition de loi constitutionnelle vise à créer une nouvelle catégorie de texte financier, la loi portant cadre financier pluriannuel. Ce dispositif se rapproche du projet de loi constitutionnelle adopté par notre assemblée en 2011 pour moderniser notre cadre financier.

Si l'objectif est pertinent, cette solution se heurte à des obstacles juridiques et pratiques de taille.

D'abord, elle rigidifierait à l'excès le pilotage budgétaire, notamment l'action du Parlement. Le cadre proposé s'imposerait systématiquement aux PLF et aux PLFSS pendant toute la législature, remettant en cause le principe d'annualité budgétaire. Les droits du Parlement en seraient fatalement endommagés.

Ensuite, ce cadre ne pourrait être révisé que par un accord des trois cinquièmes des membres du Congrès. En cas de crise, tout ajustement budgétaire serait probablement rendu impossible. Nous risquerions la paralysie institutionnelle.

Enfin, le basculement de la fiscalité dans le domaine réservé des lois de finances amoindrirait la capacité d'initiative des parlementaires.

Cette proposition de loi entrave aussi la libre administration des collectivités territoriales.

Le renforcement du rôle du Conseil constitutionnel et la constitutionnalisation du HCFP interrogent. Il s'agirait d'une transformation de l'office du juge constitutionnel, qui deviendrait un juge financier, réalisant un quasi-contrôle d'opportunité sur la base de calculs chiffrés complexes. Cela dénaturerait le rôle de cette institution. La décision budgétaire est d'abord une décision de nature politique, qui relève du Parlement et du Gouvernement. En outre, la Cour des comptes étant inscrite dans la Constitution, nul besoin d'y introduire le HCFP.

La rigidité de la procédure n'est pas synonyme de rigueur de gestion. Nous pouvons faire des choix tout en évitant les obstacles auquel se heurte ce texte. Poursuivons notre réflexion sur ce sujet. Les travaux de la mission Arthuis sont opportuns, à cadre constitutionnel constant.

Le groupe Les Républicains votera contre cette proposition de loi.

Mme Patricia Schillinger .  - Cette proposition de loi constitutionnelle soulève des questions fondamentales sur la gestion des finances publiques, alors que notre déficit est alarmant.

Elle vise à inscrire dans la Constitution la primauté d'un cadre budgétaire pluriannuel sur le principe d'annualité.

Depuis 1974, aucun budget n'a été voté à l'équilibre. La dette publique dépasse 113 % du PIB.

La proposition de loi constitutionnelle réserve aussi le monopole des dispositions fiscales aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale et constitutionnalise un HCFP aux missions élargies.

En commission, des réticences ont été formulées, notamment sur la restriction des droits du Parlement et l'atteinte à l'autonomie des collectivités territoriales. La remise en cause de l'annualité budgétaire, garante du consentement à l'impôt et du contrôle régulier des dépenses, rigidifierait notre cadre budgétaire et compromettrait notre réactivité en cas de crise. La majorité des trois cinquièmes au Congrès est normalement réservée à des réformes d'ampleur.

Par ailleurs, ce texte aurait un impact sur l'autonomie des collectivités territoriales, qui assurent la plus grande part de l'investissement public : imposer des plafonds centralisés de prélèvements obligatoires et de dépenses compromettrait leur autonomie.

Le redressement des finances publiques relève d'une volonté politique. Nous voterons contre ce texte, malgré son intention louable.

M. Bernard Fialaire .  - Cette proposition de loi constitutionnelle fait primer le principe de pluriannualité budgétaire sur le principe d'annualité.

Ses motivations sont louables : redresser les finances publiques. Je souligne que l'instabilité politique participe de la dérive actuelle et plonge le monde économique dans l'incertitude.

Une plus grande visibilité améliorerait la situation. En 2020, la Cour des comptes prônait ainsi un renforcement de la programmation pluriannuelle. Le bilan des LPFP est décevant : elles sont rarement respectées, du fait notamment de prévisions peu réalistes.

Le principe d'annualité budgétaire, s'il peut sembler désuet, garantit le contrôle parlementaire du budget, impératif démocratique issu de la Révolution française. Sanctuariser un objectif pour cinq ans est disproportionné au regard des exigences démocratiques. En outre, l'annualité n'est pas incompatible avec la programmation.

Veillons à ne pas dépolitiser les débats financiers ni dessaisir le Parlement de ses pouvoirs budgétaires. La programmation doit être un guide sérieux et réaliste dans la préparation du budget, pas un carcan.

Cette proposition de loi constitutionnelle apporte une pierre supplémentaire à un débat légitime, mais la solution viendra plus des élus de la République que des contraintes du droit. Une majorité du RDSE votera contre. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Vincent Delahaye .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP) Je salue l'initiative de Vanina Paoli-Gagin. Faut-il plus de contraintes budgétaires ? J'ai entendu beaucoup de critiques, parfois légitimes, mais, hélas, peu de propositions.

L'objectif est excellent, nous dit-on. Assurément, puisque la dette représente dix ans d'impôts. Mais la volonté politique suffirait. Vraiment ? Non, monsieur le garde des sceaux, nous ne traversons pas un « épisode ». Voilà quarante ans que cela dure !

M. Didier Migaud, garde des sceaux.  - Et même cinquante...

M. Vincent Delahaye.  - Pour ma part, j'en suis lassé. Il faut agir !

On nous oppose l'autonomie financière des collectivités territoriales, mais elle a déjà été considérablement rognée. Quant aux pouvoirs du Parlement en matière budgétaire, nos rapporteurs les considèrent-ils très importants ? Nous modifions 1 à 2 % du budget chaque année, au maximum. C'est le Gouvernement qui fait le budget - il le fera encore cette année avec le 49.3.

Ces arguments m'apparaissent donc de peu de poids. Avec M. Cadic, je ferai des propositions. Je regrette qu'il n'y en ait pas davantage dans ce débat. Je l'ai dit en commission des finances, j'aurais aimé un groupe de travail commun avec la commission des lois pour y réfléchir.

Je m'abstiendrai, avec sans doute quelques collègues. Le groupe UC dans son ensemble votera contre le texte.

Pour redresser les finances publiques, la volonté politique ne suffit pas ; il faut des contraintes. La Suède, la Finlande, le Danemark en sont passés par là. Sans contraintes, les Français seront incapables de respecter le cadre de rigueur qui sied à l'usage de l'argent public.

Nous faisons, une fois de plus, le choix du choc fiscal. Mais les exemples étrangers montrent que la réduction des dépenses a de moindres effets récessifs ! Arrêtons les zigzags financiers : nous avons baissé l'impôt sur les sociétés pour nous rapprocher des standards européens, et voilà que nous remettons en cause cette baisse. Les acteurs économiques ont besoin de stabilité.

Je le répète, menons un travail collectif sur ces enjeux. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

M. Pascal Savoldelli .  - Cette proposition de loi constitutionnelle - de droite - suggère que le 49.3 ne suffit pas : il faudrait limiter encore plus la démocratie parlementaire et dépolitiser le débat budgétaire, au moment où la droite veut imposer plus d'austérité.

Non, le Parlement n'est pas responsable de la dette publique. Nous appelons à voter contre ce texte, comme le ministre et les rapporteurs, mais, vous vous en doutez, avec un cheminement politique différent.

Ce texte porterait un coup fatal au débat démocratique, déjà bien entravé : l'article 40, l'article 47-1 cadenassent la démocratie sociale, l'article 49.3 symbolise à lui seul la crise de confiance dans les institutions.

Cette proposition de loi constitutionnelle rendrait illégitimes les écarts par rapport au carcan imposé par la loi portant cadre financier pluriannuel et interdirait toute modification fiscale hors lois de finances. Bref, il n'y aurait de débat budgétaire que tous les cinq ans et le Gouvernement aurait le monopole de la fiscalité. Ce n'est pas une règle d'or, mais de plomb !

La pluriannualité existe déjà et n'a jamais été respectée : les LPFP sont caduques dès leur adoption. La majorité sénatoriale a durci la dernière, puis vite oublié ses résolutions...

Supprimer 60 milliards d'euros de fiscalité en temps de crise n'était pas crédible. Nous prônons une planification et des orientations politiques claires, répondant aux besoins de la nation plutôt que des marchés financiers. Pourquoi ne pas abroger l'article 40, pour un renouveau de la procédure budgétaire et une respiration démocratique ?

Le peuple français n'est pas irresponsable, la représentation nationale non plus. La société a besoin non pas de limites, mais d'un nouveau souffle démocratique !

M. Thomas Dossus .  - L'initiative de Vanina Paoli-Gagin, inspirée de la tentative de 2011, vise à imposer des plafonds pour éviter les sorties de route budgétaires.

Les finances publiques de la France connaissent une détérioration phénoménale : c'est une préoccupation partagée. Mais cette situation résulte de choix politiques assumés - et souvent imposés au Parlement, par le 49.3.

La méthode proposée aurait des effets de bords budgétaires et démocratiques délétères. La pluriannualité budgétaire peut être sécurisante, mais il faut aussi de la flexibilité, notamment en cas de crise. Lors de la pandémie de covid, nous avons vu le besoin de réagir rapidement.

De plus, cette proposition de loi ne fait aucune distinction entre dépenses courantes et dépenses d'investissement. Nous proposons une règle verte, pour atteindre notre objectif de soutenabilité des finances publiques sans renoncer à notre engagement écologique.

Rigidifier les règles d'équilibre budgétaire affaiblirait la démocratie. Nous regrettons déjà les débats budgétaires au pas de charge. Cette proposition de loi dévitaliserait totalement la discussion budgétaire. Elle est, au demeurant, très éloignée des préoccupations de nos concitoyens -  se loger, payer ses factures, vivre en sécurité dans un environnement sain.

Bien que cette proposition de loi s'appuie sur un constat partagé par tous, les baisses d'impôts ou exonérations de cotisations ont largement été votées par la majorité sénatoriale. J'insiste : la dégradation des comptes est le fruit de choix politiques.

Le GEST votera contre ce texte.

M. Thierry Cozic .  - Cette proposition de loi constitutionnelle vise à créer une nouvelle catégorie de lois : les lois portant cadre financier pluriannuel, qui se substitueraient aux LPFP. Elle réserve aussi le monopole des dispositions fiscales aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale et constitutionnalise le HCFP.

Ce texte s'inspire d'un projet de loi constitutionnelle de 2011, déposé dans un contexte de crise souveraine de la zone euro et qui n'a jamais été soumis ni au référendum ni au Congrès. Face à la dégradation des comptes publics, il est légitime de s'interroger sur l'opportunité de modifier notre loi fondamentale. Mais on entend trop souvent des arguments éculés, comme l'a souligné le président Raynal en commission. Il faut cesser de citer 1974 : aucun État dans le monde ne vote plus de budget à l'équilibre ! Ce qui importe, c'est d'avoir une dette soutenable et bien orientée.

Les crises des subprimes et du covid ont pesé, mais les choix budgétaires et fiscaux des gouvernements d'hier et d'aujourd'hui aussi. Je ne suis pas convaincu que cette proposition de loi constitutionnelle aurait empêché la dégradation de nos finances publiques. La responsabilité est du côté de ceux qui écrivent le budget.

Cette proposition de loi constitutionnelle renforcerait encore le parlementarisme rationalisé. Les textes annuels devraient nécessairement s'inscrire dans le cadre pluriannuel. La loi-cadre pourrait être appliquée selon des modalités déjà en vigueur, comme le vote bloqué ou le 49.3.

Ce dispositif est inadapté aux temps de crise, qui exigent réactivité et adaptabilité. Alors qu'il est possible de faire adopter dans les meilleurs délais une loi de finances rectificative, il deviendrait nécessaire de convoquer le Congrès.

Le groupe SER n'est pas plus convaincu par cette approche qu'il ne l'était au temps du gouvernement Fillon. Les travaux de la mission d'information sur la dégradation des finances publiques de la commission des finances nous semblent bien plus prometteurs pour éclairer l'incurie budgétaire qui a parfois cours dans notre pays.

Discussion des articles

Article 1er

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié de M. Cadic et alii.

M. Vincent Delahaye.  - Cet amendement constitutionnalise un bouclier fiscal plafonnant à 50 % le taux individuel global d'impositions directes. Explicitons l'exigence du caractère non confiscatoire de l'impôt. Chaque individu doit pouvoir conserver le bénéfice de la moitié de ses revenus.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur.  - Cette proposition de loi constitutionnelle est-elle le bon véhicule pour adopter une mesure sur le niveau d'imposition ? J'en doute.

L'article XIII de la DDHC existe et le Conseil constitutionnel s'y réfère déjà. L'exigence d'égalité devant l'impôt ne serait pas respectée si l'impôt était confiscatoire. La jurisprudence est claire. Avis défavorable.

M. Didier Migaud, garde des sceaux.  - Même avis. Il faut garder de la souplesse. L'inscription dans la Constitution limiterait la capacité de décision du Parlement.

M. Thomas Dossus.  - On a connu le couperet de l'article 40 pour des motifs alambiqués... Or l'incidence financière de cet amendement n'est pas du tout évaluée. Il aurait dû être déclaré irrecevable.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur.  - S'agissant d'une proposition de loi constitutionnelle, ni l'article 40 ni l'article 45 de la Constitution ne s'appliquent.

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Je voterai évidemment cet amendement. Nous sommes le pays le plus imposé au monde. On voit le résultat : le surendettement et l'incurie budgétaire.

M. Pascal Savoldelli.  - Cet amendement justifie mes propos précédents. Vous voulez instaurer un plafond constitutionnel de prélèvements fiscaux. Il y a un loup !

L'impôt garantit l'égal accès aux services publics. Si l'on suit votre raisonnement, les ménages devront s'endetter pour pouvoir se payer des services privés. Voilà votre projet de société ; ce n'est pas le nôtre ! Vous voulez transférer une partie de l'action publique vers le secteur marchand. C'est éminemment politique !

L'amendement n°4 rectifié n'est pas adopté.

À la demande du groupe INDEP, l'article 1er est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°34 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l'adoption   18
Contre 321

L'article 1er n'est pas adopté.

Après l'article 1er

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié de M. Cadic et alii.

M. Vincent Delahaye.  - Après la pression fiscale, M. Cadic déplore l'instabilité fiscale permanente de notre pays. Aussi souhaite-t-il empêcher le législateur de modifier plus d'une fois par législature un même impôt, sauf pour le diminuer. Il souhaite également proscrire la rétroactivité de la loi fiscale, sauf -  là encore  - pour réduire un impôt. Ce serait un progrès pour les acteurs économiques.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur.  - Avis défavorable, même si l'on peut partager l'objectif. Le I de l'amendement est une atteinte au droit du Parlement d'aller chercher des recettes supplémentaires. S'agissant du II, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est claire : on ne peut porter atteinte aux situations légalement acquises.

M. Didier Migaud, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.

L'article 2 n'est pas adopté, non plus que les articles 3 et 4.

Article 5

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié de M. Delahaye et alii.

M. Vincent Delahaye.  - Pour redresser les comptes publics, nous devons nous imposer des contraintes, la volonté politique étant rarement suivie d'effet. Je propose donc un retour à l'équilibre de la section de fonctionnement du budget général de l'État, à compter de 2030 -  comme pour les collectivités.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur.  - On comprend l'objectif : les collectivités territoriales respectent en effet une double règle d'or.

Lors de la crise sanitaire, nous avons dû voter en urgence des mesures certes coûteuses, mais indispensables au maintien de l'activité économique. Nous risquerions d'être coincés au moindre retournement conjoncturel.

En outre, notre vote sur le budget ne distingue pas fonctionnement et investissement, nous votons par missions. C'est toute la philosophie de la Lolf qui serait bouleversée.

M. Didier Migaud, garde des sceaux.  - Moi aussi, je comprends l'objectif, mais les sections de fonctionnement et d'investissement ne sont pas les unités de vote du budget de l'État.

En outre, votre amendement nous conduirait à distinguer ce qui relève du fonctionnement de ce qui relève de l'investissement...

M. Vincent Delahaye.  - Je sais bien...

M. Didier Migaud, garde des sceaux.  - Et alors, que de débats ! Que feriez-vous des dépenses d'éducation ? Avis défavorable.

M. Vincent Delahaye.  - Nous sommes toujours d'accord sur les objectifs, mais jamais sur les solutions.

Le « n'importe quoi qu'il en coûte », comme dit Nicolas Baverez, était-ce du fonctionnement courant ? Non, c'étaient des dépenses exceptionnelles.

M. le ministre nous invite à un débat intéressant et pas si compliqué ; les entreprises distinguent bien leurs dépenses de fonctionnement de leurs dépenses d'investissement.

La commission des finances compte suffisamment de cerveaux, même si Roger Karoutchi nous a quittés (M. Roger Karoutchi lève les bras au ciel en souriant), pour que nous réfléchissions à la distinction entre fonctionnement et investissement.

Je reste partisan de fixer un cadre afin de montrer l'exemple.

L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté.

L'article 5 n'est pas adopté.

Article 6

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié de M. Delahaye et alii.

M. Vincent Delahaye.  - Cet amendement, similaire au précédent, porte sur les comptes de la sécurité sociale, dont les dépenses d'investissement sont limitées.

Chaque génération doit assumer ses dépenses. Pourquoi les dépenses d'aujourd'hui reposeraient-elles sur les générations futures ? Cela n'est ni sain ni moral. Il faut une règle d'or d'équilibre des comptes.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur.  - Avis défavorable. Faut-il graver cette mesure dans le marbre constitutionnel ? Pas sûr. On ferait du juge constitutionnel un juge financier. Et que ferait-on face à une baisse des recettes liée à un retournement de conjoncture ? C'est, encore une fois, essentiellement une question de volonté politique.

M. Didier Migaud, garde des sceaux.  - À titre personnel, je suis sensible à l'instauration d'une règle d'or pour les comptes de la sécurité sociale. Ce sont des dépenses de fonctionnement et tout déséquilibre est anormal. Toutefois, il n'est pas possible de fixer de règle d'or annuelle. Cela serait plus pertinent sur trois ans, pour tenir compte de la conjoncture par exemple. Aussi, avis défavorable.

M. Pascal Savoldelli.  - Il faut aligner le management public sur le privé, c'est ça ? On oublie de dire que ce management enthousiaste, performant et efficace doit tout de même 20 milliards d'euros à la sécurité sociale pour cotisations non payées !

M. Vincent Delahaye.  - Merci de votre réponse, monsieur le ministre. Je suis tenté de sous-amender pour proposer trois ans... (Sourires) En tout cas, vous ouvrez une perspective !

Monsieur Savoldelli, il ne s'agit pas de manager de la même façon ; simplement, dans le public, on oublie plus facilement les contraintes budgétaires ! Regardez ce que sont devenus les objectifs fixés en lois de programmation...

Des études d'impact dignes de ce nom -  car les actuelles sont affligeantes  - , avec évaluation du coût et précision sur le financement, seraient un progrès.

L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté.

L'article 6 n'est pas adopté, non plus que les articles 7, 8, 9, 10 et 11.

M. le président. - Je vous rappelle que si l'article 12 n'était pas adopté, il n'y aurait plus lieu de voter sur l'ensemble de la proposition de loi constitutionnelle, dans la mesure où les 12 articles qui la composent auraient été supprimés.

L'article 12 de la proposition de loi constitutionnelle est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°35 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l'adoption   34
Contre 305

L'article 12 n'est pas adopté.

La proposition de loi constitutionnelle n'est pas adoptée.

La séance est suspendue quelques instants.