Paiement en espèces
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à limiter le paiement en espèces, présentée par M. Christian Bilhac et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe RDSE.
Discussion générale
M. Christian Bilhac, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Est-il normal que, dans notre République, les malfrats bénéficient de droits auxquels n'ont pas accès les honnêtes citoyens ?
Le code monétaire et financier fixe les plafonds de paiements en espèces à 1 000 euros, avec des exceptions pour les non-résidents ou pour les transactions non professionnelles entre particuliers.
Ma proposition de loi modifie l'article L. 112-6 du code pour interdire le paiement des loyers en espèces - je pense à la location de grosses cylindrées, notamment. Elle exclut également de la liste des dérogations les paiements par des personnes n'ayant pas de compte de dépôt ou de chéquier. Je proposerai par amendement d'en limiter le champ à ces deux points, sans l'étendre aux transactions entre particuliers.
Mes chers collègues, comme la plupart des Français, vous ne pouvez pas régler plus de 1 000 euros en espèces, car vous avez un compte bancaire. Cette limitation n'existe pas pour ceux qui n'en possèdent pas. Les honnêtes gens peuvent à peine payer un vélo d'occasion, quand les voyous achètent en liquide des berlines de luxe !
Qui sont les 400 000 non bancarisés ? Des personnes sans domicile fixe, bien sûr, pour qui 1 000 euros est un montant exorbitant, mais aussi des trafiquants qui blanchissent ainsi le produit de leur commerce en toute impunité. Et on ne parle pas de petites sommes, en témoignent les saisies d'argent liquide qui accompagnent les saisies de stupéfiants : 1,2 million d'euros, le 9 novembre dernier, à Marseille ; ou 1,5 million d'euros à Angers, en 2022...
Ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. En 2023, le narcotrafic aurait généré entre 3,5 milliards d'euros et 6 milliards d'euros de profits. « Fumez, sniffez, c'est bon pour notre PIB », titrait Charlie Hebdo, car l'Insee intègre, depuis 2018, les sommes issues des trafics dans le calcul du PIB. L'argent n'a pas d'odeur, dit-on, mais tout de même !
Le rapport de la commission d'enquête sur le narcotrafic a démontré l'ampleur du phénomène. Jérôme Durain et Étienne Blanc appellent à contrôler les flux d'argent liquide et décrivent les différentes méthodes de blanchiment : réutilisation directe, réinjection dans le travail dissimulé, blanchiment dans les commerces de proximité, comme les épiceries de nuit... Connaissez-vous beaucoup de gens qui vont acheter des macaronis à 3 heures du matin ? (Sourires) Les malfrats utilisent les espèces pour louer de grosses berlines, acheter des produits de luxe, installer des commerces mais aussi pour corrompre ! Aucune profession n'est épargnée. Selon la gendarmerie nationale, plus de 90 % des billets de banque qui circulent - ceux que nous avons dans les poches - comportent des résidus de drogue. Ce taux a doublé en dix ans.
Le signalement à Tracfin ne suffit pas : des personnes sans ressources connues circulent encore au volant de voitures de luxe.
Lutter contre le paiement en espèces entraînerait donc une baisse du PIB, augmentant les ratios de la dette et des prélèvements obligatoires. Serait-ce la véritable raison de l'opposition que rencontre cette proposition de loi ? Quoi qu'il en soit, il est scandaleux que le droit des citoyens malhonnêtes soit plus avantageux que celui des honnêtes gens. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. Fabien Gay et Jean-Marie Mizzon applaudissent également.)
M. Michel Canévet, rapporteur de la commission des finances . - Je remercie Christian Bilhac d'avoir proposé ce texte et je partage ses objectifs de lutte contre la criminalité financière.
Notre appareil législatif doit s'adapter pour combattre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, dans un contexte d'envolée du narcotrafic en France. Les services répressifs ont procédé l'année dernière à plus de 24 000 saisies d'espèces, pour un montant de 100 millions d'euros. Moyen de paiement anonyme et instantané, la monnaie fiduciaire peut présenter un risque de blanchiment des capitaux.
Pour autant, nos compatriotes demeurent attachés aux billets. Le droit en vigueur encadre strictement les paiements en espèces. L'article L. 112-6 du code monétaire et financier fixe un seuil de droit commun de 1 000 euros pour les résidents ; pour les étrangers de passage en France, il est de 10 000 ou 15 000 euros. Le plafond applicable en France, qui a été ramené de 3 000 à 1 000 euros en 2015, est l'un des plus robustes de la zone euro : en Belgique, il est de 3 000 euros ; en Allemagne ou en Finlande, il n'y en a pas.
Le règlement européen du 31 mai 2024 relatif à la lutte contre le blanchiment de capitaux imposera un plafond de 10 000 euros, mais ne changera rien au fait que le droit français est parmi les plus stricts.
Notre droit prévoit deux exceptions, pour les paiements entre particuliers et pour les personnes non bancarisées.
La proposition de loi fixe un plafond spécifique pour le paiement des loyers et supprime le déplafonnement pour les opérations non professionnelles entre particuliers, ainsi que pour les paiements des personnes non bancarisées.
Notons que les loyers sont déjà soumis au plafond de droit commun de 1 000 euros. Quant aux paiements entre particuliers pour les opérations non professionnelles, ils font partie des dépenses de la vie courante, qu'il n'y a pas lieu de réglementer. Enfin, les services de lutte contre la criminalité financière n'ont pas constaté de contournement de la loi par le refus d'ouvrir un compte bancaire. L'obligation pour les professionnels de faire un signalement à Tracfin en cas de soupçon couvre l'achat d'une voiture de luxe en espèces.
Les personnes non bancarisées, plusieurs centaines de milliers, sont le plus souvent dans une situation précaire. Les mesures proposées me semblent disproportionnées : elles pourraient mettre en difficulté des personnes fragiles sans simplifier le travail des services répressifs.
C'est pourquoi la commission des finances a rejeté le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE)
Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation . - De quels outils disposons-nous pour lutter contre la criminalité financière et le blanchiment des capitaux résultant de trafics illégaux ? Merci à M. Bilhac de soulever le sujet.
En axant votre texte sur le paiement en espèces, vous faites entrer la vie courante dans le débat. Les moyens de contrôle et d'encadrement doivent être les plus efficaces possibles, ce qui suppose d'adapter le cadre réglementaire aux évolutions de la criminalité financière.
Le texte plafonne à 1 000 euros les paiements en espèces entre particuliers. C'est une évolution majeure. En France, le plafond est de 1000 euros pour les opérations dans un cadre professionnel - l'un des plus stricts d'Europe. Sept pays européens, dont l'Allemagne et le Luxembourg, ne fixent aucune limite ; seule la Grèce est plus stricte, avec un plafond à 500 euros.
Le texte supprime également la tolérance dont bénéficient les personnes non bancarisées. Sans cette dérogation, ces personnes souvent fragiles seraient pénalisées dans leur vie quotidienne.
Enfin, il plafonne le règlement entre particuliers d'un loyer en espèces à 1 500 euros.
Ces mesures ne permettent pas d'atteindre l'objet de la proposition de loi. Le cadre français est déjà l'un des plus restrictifs. L'absence de limite au paiement en espèces entre particuliers est compensée par de multiples limites et contrôles : on ne peut payer ses créances publiques en espèces au-delà de 300 euros ; les voyageurs doivent déclarer tout transport d'espèces supérieur à 10 000 euros ; les professionnels du secteur financier doivent informer Tracfin des retraits en espèces dépassant 10 000 euros sur un mois.
Le futur règlement européen ne prévoit pas de plafond pour les opérations entre particuliers, car la lutte contre le blanchiment est d'abord une affaire de transactions entre professionnels, mais introduira un plafond de 10 000 euros pour les professionnels.
Ni la police judiciaire, ni Tracfin, ni les services du Trésor n'identifient de risques de blanchiment justifiant une telle proposition de loi.
Le paiement des loyers entre particuliers ne représente pas un risque. Le plafond proposé serait une gêne ou un obstacle pour les Français qui souhaitent régler en espèces, en toute légalité.
L'interdiction de tout paiement en espèces entre particuliers au-delà de 1 000 euros serait impossible à contrôler, sauf à ce que l'administration soit particulièrement intrusive. Un tel plafond pénaliserait les plateformes de revente en ligne ou de fourniture de services ponctuels entre particuliers, par exemple. C'est un réel effet de bord.
Enfin, la tolérance accordée aux personnes non bancarisées doit être conservée. Les services de l'État n'ont jamais identifié de contournement visant à se priver volontairement de compte bancaire pour se soustraire au plafond légal. Cette mesure restreindrait les libertés des personnes concernées, qui n'ont d'autre moyen de paiement que les espèces.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement appelle au rejet de cette proposition de loi.
M. Fabien Gay . - Notre droit encadre déjà le paiement en espèces, dans une optique de lutte contre le blanchiment, la fraude fiscale et le travail dissimulé.
Surtout, le blanchiment et la fraude fiscale à grande échelle ne reposent plus sur des valises de billets, mais sur une ingénierie financière complexe, difficilement traçable.
L'argent liquide est un moyen de paiement crucial pour les 3 millions de personnes en situation d'exclusion financière. La limitation du paiement en espèces pour les personnes non bancarisées les touchera en premier lieu, tout comme les 20 % de la population victimes de la fracture numérique. L'interdiction du paiement en espèces des loyers de plus de 1 000 euros risque de favoriser les marchands de sommeil en restreignant l'accès au parc locatif. Bref, ce texte risque de marginaliser davantage les plus fragiles.
Il est en réalité davantage question de frais et de données, au profit du secteur bancaire et des Gafam. En somme, Big Finance et Big Tech contre le cash ! L'argent liquide représente un coût que le secteur bancaire veut raboter, en substituant au personnel dans les agences des applications permettant un contrôle accru.
Les sociétés de paiement pèsent plus de 230 milliards d'euros. Nos dépenses quotidiennes touchent à l'intime. Le tout-dématérialisé fera exploser les données collectées. La société sans numéraire est l'une des formes les plus abouties du capitalisme de surveillance : toutes nos actions économiques seront enregistrées sur des bases de données privées, pour analyse.
Face au réchauffement climatique, est-il opportun d'aller vers un système tributaire de gigacenters privés ? Le paiement en espèces n'est pas un archaïsme, mais un système inclusif, respectueux de la vie privée et permettant des microtransactions à l'échelle locale.
Nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER)
M. Thomas Dossus . - (Applaudissements sur les travées du GEST) La proposition de loi entend renforcer la lutte contre le blanchiment d'argent et la fraude en réduisant le seuil des transactions en espèces à 1 000 euros, en interdisant le paiement des loyers en liquide et en supprimant les exemptions pour les personnes sans compte bancaire. Hélas, ces mesures ratent totalement leur cible.
Les narcotrafiquants qui utilisent des lessiveuses à grande échelle n'auront que faire de ce texte, qui affectera en revanche durement les plus vulnérables. Nombre de ménages en difficulté utilisent les espèces à la fois comme moyen de paiement et réserve de valeur.
Supprimer les dérogations pour les personnes sans compte bancaire compliquera le quotidien des plus précaires. Les démarches à effectuer auprès de la Banque de France et l'absence de découvert autorisé rendent le droit au compte souvent très théorique. Exiger des personnes précarisées qu'elles trouvent des alternatives à l'argent liquide, y compris pour le paiement des loyers, pourrait accélérer leur exclusion.
De même, plafonner les transactions entre particuliers pourrait restreindre des habitudes de paiement courantes et pénaliser des pratiques ordinaires qui, jusqu'ici, n'ont pas été soupçonnées d'illégalité.
Les écologistes soutiennent l'harmonisation européenne en la matière : fixer un seuil national aussi bas, alors que l'Union européenne préconise un plafond de 10 000 euros, pose question.
Le narcotrafic brasse des sommes d'une tout autre ampleur. Selon Roberto Saviano, spécialiste des mafias, ce sont les liquidités colossales issues du trafic de cocaïne qui ont sauvé les banques lors de la crise des subprimes. Cette proposition de loi est très loin du compte !
La question de la liberté des paiements en espèces touche à la philosophie politique : une société libérale peut-elle imposer un tel contrôle des échanges monétaires sans se muer en société de surveillance globale ?
La lutte contre le blanchiment est essentielle, mais ne doit pas se faire au détriment des plus fragiles. Nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Florence Blatrix Contat . - Cette proposition de loi vise à mieux contrôler l'usage de l'argent liquide, qui peut constituer un levier de fraude et de blanchiment. L'objectif est partagé, mais ces mesures sont-elles efficaces et adaptées ? Surtout, quel est leur impact sur les plus précaires ?
Les espèces représentent encore 50 % des transactions aux points de vente, sous la moyenne de la zone euro. Il s'agit surtout de petits paiements quotidiens. Nos concitoyens restent attachés à l'argent liquide pour gérer leur budget, surtout en période d'inflation.
Selon la Banque de France, 440 000 personnes n'ont pas de compte bancaire. L'argent liquide est souvent leur seul moyen de paiement, y compris pour louer un logement. Supprimer les dérogations pénaliserait les plus précaires, qui rencontrent des difficultés pour ouvrir un compte bancaire en raison de leur situation économique.
Aucun risque significatif de blanchiment par le paiement des loyers en espèces n'a été relevé. Idem pour les paiements en espèces entre particuliers. Aussi peut-on douter de l'efficacité de ces mesures.
Comme le souligne le rapporteur, il serait plus efficace d'imposer des obligations spécifiques à certaines professions, comme les loueurs de voitures de luxe, que de prendre des mesures générales.
Enfin, le recul des espèces est aussi un frein aux dons faits aux personnes sans-abri, qui dépendent de ces gestes de solidarité.
Les objectifs de la proposition de loi sont louables, mais je doute de son efficacité. La suppression des dérogations pour les personnes non bancarisées ou pour les transactions entre particuliers ne répond pas à l'objectif recherché et pourrait pénaliser les plus vulnérables. Le groupe SER votera contre.
M. Marc Laménie . - Je salue l'initiative de Christian Bilhac et du RDSE. La lutte contre le blanchiment et la fraude fiscale est un objectif partagé. Le trafic de drogue génère 3 à 6 milliards d'euros par an, rien qu'en France. La fraude fiscale nous empêche de financer nos politiques publiques. Les règlements de comptes liés aux trafics participent de l'insécurité dans nos villes et nos campagnes.
Mais lutte-t-on contre les trafics, les braquages ou la prostitution en interdisant à nos concitoyens d'utiliser des espèces ? Je ne le crois pas. Il faut agir sur les causes et non sur les conséquences.
Limiter les paiements en espèces serait une ingérence supplémentaire de l'État dans le quotidien des Français. La libre utilisation de leur argent liquide est un symbole de leur liberté - d'autant que l'encadrement existe.
Limiter l'usage des espèces ne mettra pas fin aux trafics, au blanchiment et à la fraude : les criminels s'adaptent. Selon Chainalysis, les transactions illicites sur les cryptomonnaies représentaient 24,2 milliards de dollars en 2023, contre 2,3 milliards quelques années plus tôt. C'est dire la professionnalisation des criminels en la matière.
Enfin, les plus précaires, qui n'ont pas de compte en banque, n'ont d'autre choix que d'utiliser des espèces au quotidien. Les personnes âgées et celles qui n'ont pas accès au numérique, dont je fais partie, paient plus volontiers en liquide. D'autant que les chèques, très souvent, ne sont plus acceptés par les commerçants.
Le groupe INDEP votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Jean-Baptiste Olivier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La lutte contre la criminalité financière est une priorité partagée. Dans le contexte du narcobanditisme, faisant craindre une « mexicanisation » du pays, selon le terme du ministre de l'intérieur, il convient d'assécher les vecteurs de blanchiment. Citons, parmi les avancées récentes, la réorganisation des services d'enquête de la douane, le renforcement des moyens consacrés à la lutte contre la criminalité financière, la refonte de la réglementation européenne via le paquet anti-blanchiment de juin 2024.
Cette proposition de loi s'inscrit dans cet élan. Elle vise à éviter tout contournement en généralisant le plafond de 1 000 euros. Pourquoi des pans de la population en seraient-ils exonérés ? Il existe en effet des dérogations pour le paiement des loyers, les transactions non professionnelles entre particuliers et les personnes non bancarisées.
Cette dernière exception pour les personnes non bancarisées pourrait être susceptible de se prêter au blanchiment - mais aucun des experts auditionnés n'a confirmé cette hypothèse ni relevé de risque en la matière. Les quelque 400 000 personnes non bancarisées sont en majorité dans une grande précarité, qui les empêche de bénéficier du droit au compte mis en oeuvre par la Banque de France. Comment, dès lors, imaginer qu'ils effectuent des transactions de plus de 1 000 euros ? L'hypothèse de leur mise à contribution par les réseaux de blanchiment se heurte à la réalité.
Cette proposition de loi complexifierait inutilement le régime dérogatoire actuel et entraînerait des restrictions de liberté manifestement disproportionnées - d'autant que le régime français de réglementation est l'un des plus robuste de la zone euro.
Nous voterons contre.
Mme Nadège Havet . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) En séjour à Amsterdam, vous tombez sur le vélo-cargo de vos rêves ; de passage à Berlin, vous flashez sur une toile d'art contemporain ; vous voulez acheter un ordinateur sur un site de vente de particulier à particulier - et vous voulez régler en espèces. Attention, car les plafonds de paiement en espèces varient d'un pays à un autre, d'une opération à l'autre.
La proposition de loi de Christian Bilhac vise à restreindre les paiements en espèces entre particuliers au-delà de 1 000 euros, en revenant sur des dérogations prévues par le code monétaire et financier.
Si l'usage des espèces recule, il reste toutefois prépondérant et représente encore la moitié des paiements aux points de vente et 71 % des opérations non professionnelles entre particuliers.
La proposition de loi plafonnerait le paiement en espèces des loyers, et imposerait un plafond de 1 000 euros pour les personnes non bancarisées. Rappelons que l'Allemagne n'applique aucun plafond.
Sur l'encadrement des locations de véhicules de luxe, évoquées dans l'exposé des motifs, nous partageons la position du rapporteur : il serait plus pertinent d'assujettir certaines professions à des obligations spécifiques que d'imposer des mesures générales.
Les quelque 400 000 personnes non bancarisées sont souvent dans une situation précaire ; ce texte les pénaliserait, ce qui ne nous paraît pas souhaitable. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Henri Cabanel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le trafic organisé tue, la fraude fiscale fragilise le pacte social, le travail dissimulé déstabilise l'économie, et le blanchiment d'argent alimente cette machine mortifère. L'actualité inquiétante de ces derniers jours le montre encore. Quel point commun entre les derniers faits divers liés au narcotrafic ? Leurs auteurs ont tous recouru au paiement en espèces, qui facilite le financement des activités illégales. C'est la malédiction du cash.
À cet égard, nous serons attentifs au plan de lutte contre le narcotrafic présenté la semaine dernière par le Gouvernement.
L'économie souterraine représente 11,6 % du PIB, une manne fiscale qui échappe à l'État. Ne faudrait-il pas évaluer notre boîte à outils pour lutter contre ce phénomène ?
Une note récente de la Banque de France confirme le lien étroit entre l'importance de l'économie souterraine et la demande de billets.
La limitation des transactions en espèces s'impose comme mesure complémentaire à la réponse policière et judiciaire, en particulier pour traiter le bas du spectre des activités illégales. C'est dans cet esprit que la proposition de loi de Christian Bilhac encadre plus sévèrement les paiements en cash. Elle concourt ainsi à la sauvegarde de l'ordre public, un objectif d'intérêt général suffisant pour justifier un cadre plus strict.
J'ai compris que tous les autres groupes y sont hostiles, mais notre texte a le mérite d'ouvrir un débat sur la lutte contre l'économie parallèle et illégale, qui nous fait tant de mal. Nous sommes tous d'accord pour mener ce combat, qui exige lucidité et courage. Nous ne pouvons plus nous cacher derrière le prétendu maintien d'une paix sociale. Menons dans cette perspective un travail de fond. (Vifs applaudissements sur les travées du RDSE)
M. Jean-Marie Mizzon . - Je remercie le rapporteur pour son travail éclairant.
Ce texte touche à une préoccupation commune. Nous souhaitons tous renforcer l'efficacité de la lutte contre la criminalité financière. Mais son article unique ne constitue pas un moyen adéquat pour lutter contre le blanchiment.
Nous partageons les griefs du rapporteur : la proposition de loi complexifierait les règles et entraverait des libertés individuelles sans garantie d'efficacité contre la criminalité financière.
La direction générale du Trésor n'a pas identifié de risque significatif de blanchiment dans le versement des loyers. Le Conseil d'orientation de la lutte contre le blanchiment (Colb) confirme que ce risque est faible.
En outre, étendre le plafond de 1 000 euros aux transactions entre particuliers serait disproportionné. Ce plafond est déjà l'un des plus stricts de la zone euro. N'entravons pas les transactions légitimes du quotidien.
Enfin, soumettre à ce plafond les personnes non bancarisées soulève un problème social important. Ces citoyens sont souvent précaires, ce qui les écarte du droit au compte de la Banque de France. Leur interdire les paiements en espèces de plus de 1 000 euros alors qu'ils n'ont pas de moyens de paiement alternatifs risquerait d'aggraver leur précarité. En outre, aucune corrélation n'est établie entre leur situation et la criminalité financière.
Nous partageons les préoccupations de M. Bilhac. Il faut combattre le blanchiment de capitaux et les contournements de la législation en vigueur. Mais cette proposition de loi n'aurait pas les effets qu'en attendent ses auteurs. Durcir un cadre déjà strict serait disproportionné, sans garantie d'efficacité. Suivant l'avis du rapporteur, l'Union Centriste votera contre un texte dont l'adoption altérerait la clarté des règles, entraverait des libertés individuelles et risquerait de précariser les personnes non bancarisées. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Discussion de l'article unique
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié de M. Bilhac et alii.
M. Christian Bilhac. - J'ai entendu les remarques sur les transactions entre particuliers. Cet amendement supprime la disposition qui les concerne pour recentrer le texte sur ses autres aspects. J'ai conscience que le vote sera serré... Peut-être que cet amendement pourra retourner la situation ! (Sourires)
M. Michel Canévet, rapporteur. - Cet amendement n'améliore pas singulièrement la proposition de loi. Avis défavorable.
Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté.
L'article unique n'est pas adopté. En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.
La séance est suspendue à 19 h 40.
Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président
La séance reprend à 21 h 30.