Gestion de l'eau : bilan de l'été 2024 et perspective pour mieux gérer la ressource

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Gestion de l'eau : bilan de l'été 2024 et perspective pour mieux gérer la ressource », à la demande du groupe Les Républicains.

M. Jean Sol, pour le groupe Les Républicains .  - L'année 2024 a été marquée par des records de pluviométrie, après plusieurs années de sécheresse. Gouverner, c'est prévoir et donc anticiper. La délégation à la prospective a remis, en 2022, un rapport intitulé « Comment éviter la panne sèche ? » dont j'ai été corapporteur. Confirmé par le rapport de Rémy Pointereau et d'Hervé Gillé, le diagnostic est clair.

Avec plus de pluie au printemps et à l'automne et des sécheresses en été et en hiver, face à des précipitations qui en moyenne augmentent, nous devons mieux gérer la distribution et l'intensité des épisodes pluvieux, alors que les débits des cours d'eau devraient baisser de 10 à 40 %. Si l'étude Explore2 proposera une géographie affinée, tous les territoires seront touchés. Le récent épisode espagnol en est un exemple concret.

Ne rien faire serait catastrophique. Nous devons nous prémunir contre les inondations, mais aussi sécuriser notre approvisionnement en eau potable pour l'agriculture, l'alimentation ou l'énergie - je précise que l'agriculture irriguée ne représente que 10 % des surfaces, soit moins de 3 millions d'hectares.

Nous devons éviter des aménagements néfastes pour l'environnement et la biodiversité, mais sans tomber dans l'excès. Le bilan écoenvironnemental de l'agriculture irriguée peut être très positif : voyez l'exemple des réserves en Vendée. Le Varenne de l'eau et le plan Eau, annoncé par le Président de la République en 2023, ont montré la nécessité de retenues collinaires pour éviter de pomper dans les nappes l'été.

N'opposons pas environnement et activité économique, et faisons dialoguer les parties prenantes dans les instances de la démocratie de l'eau : les comités de bassin et les commissions locales de l'eau. Il n'y a pas d'autre voie que le dialogue et la concertation.

L'année 2024 nous offre un répit, mais les restrictions reviendront. Dans les Pyrénées-Orientales, celles-ci persistent : l'accès à l'eau est stratégique pour les populations, pour le tourisme et pour les agriculteurs. Depuis plusieurs années, les arrêtés préfectoraux « sécheresse » deviennent permanents.

Tous s'adaptent, au premier rang desquels les agriculteurs. Mais ces efforts doivent être accompagnés par les pouvoirs publics. Sortons de l'immobilisme.

Il faut tout d'abord économiser l'eau, en luttant contre les fuites du réseau, alors que 1 milliard de mètres cubes d'eau par an, soit 20 % de l'eau potable produite, ne va pas jusqu'au client final.

Il faut aussi agir sur l'offre : réalisons de nouvelles retenues d'eau dans les Pyrénées, développons des retenues collinaires dans les exploitations agricoles en simplifiant les procédures d'autorisation et en réduisant le coût des études préalables, réutilisons les eaux usées dans la zone littorale et prolongeons l'aqueduc Aqua Domitia afin de bénéficier de l'appui des eaux du Rhône.

Il n'est pas tenable de faire reposer l'essentiel de la stratégie eau des Pyrénées-Orientales sur les seuls efforts d'économie. Les communes littorales gèlent le développement touristique et les agriculteurs se limitent fortement. Le risque est de rendre des territoires à la garrigue ou à la forêt, à fort risque d'incendie.

Ne soyons ni lents ni timides ; des solutions existent, arrêtons de multiplier les études et les comités Théodule. N'attendons plus pour agir, il y a urgence. Les pluies de 2024 ne nous ont donné qu'un court répit. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du RDSE et du groupe CRCE-K)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.  - Le dérèglement climatique fragilise la ressource en eau : la sécheresse dans les Pyrénées-Orientales ou les inondations l'illustrent.

Nous devons nous adapter. Le plan Eau nous permet de répondre aux enjeux de sobriété, de réutilisation et de construction d'infrastructures de gestion de l'eau sur une année complète. C'est également le sens de la feuille de route sur les captages : l'étude Explore2 montre le mur d'investissements nécessaires pour traiter les métabolites dans l'eau brute. C'est enfin le but de la conférence nationale sur l'eau, portée par le Premier ministre, qui s'attachera à territorialiser la politique de l'eau.

Mme Mireille Conte Jaubert .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Malgré une pluviométrie abondante au printemps et à l'été, 21 départements ont fait face à des restrictions préfectorales.

Une gestion durable de l'eau ne peut plus dépendre des conditions saisonnières et nécessite des réponses structurelles. En Gironde, la baisse des débits des cours d'eau fait que les restrictions sont devenues la norme. Il faut une réponse d'envergure.

Nos infrastructures, vétustes, sont inefficaces, alors que chaque goutte compte. Comment accepter que 20 % de l'eau potable soit perdue ? Ce chiffre est le reflet d'années de sous-investissement dans les réseaux. Neuf cent mille kilomètres de canalisations ne sont renouvelés qu'à hauteur de 0,67 % par an. Il faudra plus d'un siècle pour tout renouveler !

Comme Nathalie Delattre, je suggère la création d'un fonds bleu de solidarité pour soutenir ce renouvellement. Mais il ne pourra être mis en place efficacement si les recettes des agences de l'eau sont encore redirigées vers le budget de l'État. Si l'État maintient ce transfert, il faudra envisager d'autres contributions, notamment fondées sur la consommation d'eau.

Ce fonds bleu pourrait être redistribué prioritairement aux communes et aux syndicats dont les infrastructures sont dégradées. Ce sont souvent de petites collectivités, qui ont besoin de l'aide technique des départements.

Il faut aussi optimiser la gestion de l'eau. Je salue la volonté de la ministre de compléter le plan Eau sur les captages. Il faut aussi sensibiliser la population sur les usages non essentiels de l'eau potable, en la réservant à la consommation humaine et à la préservation de la santé publique.

Nous devons agir pour préserver cette ressource précieuse pour les générations futures. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Merci de votre soutien à la feuille de route sur les captages. Quelque 57 % des 170 collectivités territoriales considérées comme des « points noirs » sont aidées par les agences de l'eau. La trajectoire est entamée.

Les fuites d'eau atteignent plus de 60 % dans certains territoires ultramarins.

Nous avons décalé à 2026 le relèvement du plafond mordant de recettes des agences de l'eau. Cela ne posera pas de problème pour les projets lancés en 2025. Quoi qu'il en soit, une question de trésorerie se pose aussi pour les agences de l'eau.

M. Jean-François Longeot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les événements dramatiques en Espagne illustrent tragiquement les conséquences du dérèglement climatique sur le cycle de l'eau. Une crise hydrique menace, sous l'effet de l'intensification des sécheresses. L'eau disponible risque de baisser de 30 % à 40 % en 2050. Les nappes s'assèchent, les conflits d'usage se renforcent.

À nous de repenser en profondeur notre modèle de gestion de l'eau.

L'eau est un bien commun qui doit être accessible à tous. Sa gestion doit être équitable et partagée. Des situations interpellent, comme dans le Cher. La rivière Villabon est asséchée trois à six mois par an, à la suite de la création d'une retenue d'eau en amont, pourtant autorisée par la préfecture, mais sans étude préalable sérieuse ni consultation des parties concernées. Sans mécanisme de concertation robuste, les conflits d'usage s'intensifieront. La mesure 33 du plan Eau, qui prévoit la création d'instances de dialogue au niveau de chaque sous-bassin versant, est un premier pas en ce sens.

Cela dit, quelle sera l'autorité d'arbitrage en cas de conflit ? Quelles seront nos marges de manoeuvre pour nous adapter aux variations saisonnières extrêmes ?

La première solution est de ne pas gaspiller l'eau potable. Avec un taux de rendement moyen des réseaux de 81 %, c'est 19 % de l'eau destinée à la consommation humaine qui est perdue !

Faute de moyens, les collectivités territoriales peinent à mener les modernisations nécessaires, complexes et coûteuses. Dans 170 communes, intercommunalités ou syndicats mixtes, véritables points noirs, plus de 50 % de l'eau potable est perdue. Quelles solutions proposez-vous pour moderniser les infrastructures et réduire les pertes ?

Mesure de justice sociale, le prix de l'eau en France est bon marché, environ 3,56 euros par mètre cube, soit 11 % de moins que la moyenne européenne ; toutefois, cela ne reflète pas les investissements nécessaires pour garantir une eau potable à chacun. Or des investissements sont indispensables pour rénover notre réseau vieillissant, limiter les fuites et nous adapter aux effets du réchauffement climatique. Le prix de l'eau sera-t-il revu ? Si « l'eau paye l'eau », quelle sera la répercussion du coût de ces investissements ?

Devant notre commission, vous avez évoqué le besoin de repenser la gestion de la ressource. Je vous propose d'aller plus loin et de consacrer réellement la valeur de bien commun de l'eau. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, du RDSE, du GEST et du groupe SER)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Les comités de bassin se sont emparés des 170 points noirs : toutes les collectivités territoriales auront une réponse.

Soixante ans après la loi sur l'eau, la conférence nationale sur l'eau s'intéressera - sans tabou - à la question du financement : nous sommes face à un mur d'investissements, les redevances des agences de l'eau devraient être fondées sur la performance des réseaux et donc la lutte contre les fuites. Il faudra aussi se pencher sur la redevance pour pollution diffuse. Que veut dire payer le juste prix de l'eau ? L'eau doit être quantitativement disponible et de qualité - c'est un enjeu de santé publique.

À cette occasion, nous examinerons le fonctionnement des instances locales de l'eau, afin de réduire les conflits d'usage. Il faut réduire les gaspillages de l'eau, c'est-à-dire les fuites et les usages non essentiels, mais aussi savoir réutiliser l'eau - nous avons des progrès à faire dans ce domaine.

Mme Cécile Cukierman .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du RDSE ; M. Rémy Pointereau applaudit également.) La sédentarisation procède d'une gestion de l'eau efficace, condition de tout progrès humain. Le bilan de l'été 2024 est le suivant : il est plus facile de gérer la ressource en eau quand elle est abondante. Juin a été de 20 % plus pluvieux que la moyenne, tandis qu'août a été plus sec de 25 %. Cet été s'inscrit dans une moyenne, mais il y a eu des différences notables d'une région à l'autre.

Nous devons renforcer les moyens de l'État. Ses établissements publics doivent établir des prévisions fiables, comme nous l'avons recommandé dans notre rapport Éviter la panne sèche.

Même s'ils sont sans commune mesure avec ce qui s'est produit en Espagne, nous avons aussi connu des épisodes tragiques en France : crues torrentielles en Isère fin juin ; coulées de boue en Haute-Marne en juillet ; pluies exceptionnelles dans le Morbihan au mois d'août, ainsi que dans la vallée du Gier, les monts du Pilat et le nord de l'Ardèche le 17 octobre dernier.

Il faudra aussi améliorer la gestion des eaux pluviales et le stockage de l'eau. Madame la ministre, vos prédécesseurs avaient pris des engagements sur les retenues collinaires ; or beaucoup de départements ne trouvent pas de débouchés, malgré l'existence de plans départementaux.

M. Laurent Burgoa.  - C'est exact.

Mme Cécile Cukierman.  - Les défis sont devant nous : prévoir les fortes pluies, prévoir les manques d'eau, c'est le « en même temps » de la gestion de l'eau, si j'ose dire.

Il est nécessaire de bien connaître l'état de nos nappes phréatiques, pour permettre tous les usages de l'eau : industrie, agriculture, tourisme, énergie. La première recommandation de notre rapport était de proposer un partage équitable de la ressource, même en cas de raréfaction.

Pour cela il faut des moyens : nous avions proposé la suppression du plafond mordant des agences de l'eau, mais le Gouvernement le maintient dans le projet de loi de finances pour 2025 au même niveau que dans la loi de finances 2024.

Nous nous réjouissons que les communes conservent leur compétence en matière d'eau et d'assainissement.

Une nouvelle loi sur l'eau est nécessaire, le Premier ministre l'a dit lui-même, car les mesurettes ne suffisent pas.

La ressource en eau est une opportunité économique et énergétique, notamment en matière d'énergies renouvelables : production hydroélectrique, stations de transfert d'énergie par pompage (Step). Notre pays est en retard sur la gestion des eaux usées. Je remercie le groupe Les Républicains pour ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, du RDSE, ainsi que sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - J'ai fait plusieurs retenues collinaires dans une vie professionnelle antérieure, et cela marche très bien ! (Mme Cécile Cukierman renchérit.)

Pour être clair et anticipé, le partage de l'eau entre les différents usagers doit se faire dans le cadre de projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE).

Le cycle de l'eau doit être bien connu et maîtrisé, car le réchauffement climatique va le modifier. Tous nos cours d'eau doivent être intégrés au service Vigicrues.

Le relèvement du plafond mordant est simplement décalé à 2026.

L'hydroélectricité et les Step sont pilotables, décarbonées, compétitives. Toutefois, le réchauffement climatique nous invite à la prudence : protéger notre potentiel hydraulique est déjà une bonne chose.

M. Ronan Dantec .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je craignais un débat sur les mégabassines, mais heureusement, Jean Sol a bien dit qu'il fallait gérer l'eau avec discernement : voilà un clair refus des mégabassines ! À ce titre, je rappelle la décision du tribunal administratif des Deux-Sèvres, qui vient de limiter très fortement les capacités de pompage, l'été, dans la nappe phréatique. Si l'on ajoute les recours, je ne suis pas certain qu'il y aura beaucoup de mégabassines.

M. Longeot et Mme Conte Jaubert ont rappelé que les investissements seront importants. Or l'eau n'est pas chère en France. Je précise que le nucléaire français paye l'eau 0,1 euro, contre 1 euro pour le monde agricole. J'appelle à un rééquilibrage, madame la ministre.

Nous avons lu les derniers rapports sur les risques liés aux nouveaux perturbateurs endocriniens : en taxant ces polluants diffus, nous vous proposons une nouvelle ressource pour améliorer la qualité de l'eau. L'eau ferrugineuse oui, l'eau aux perturbateurs endocriniens, non ! (Applaudissements sur les travées du GEST) Madame la ministre, Jean-Claude Raux a déposé une proposition de loi sur la protection des captages, je ne doute plus de votre soutien. (Sourires)

En somme, voilà deux exemples de recettes possibles ! Vous n'êtes donc pas obligée d'essorer les budgets des agences de l'eau pour renflouer le budget de l'État. Ce que l'on paye pour l'eau doit aller à l'eau, de même que ce que l'on paye pour les catastrophes naturelles doit aller au régime CatNat.

Les PTGE interrogent sur la capacité de la société à s'adapter au changement climatique. La gestion de l'eau est une question anxiogène - pour s'en convaincre, il suffit de relire Manon des sources de Pagnol.

Il faut créer des consensus dans les territoires. Un rapport prône l'augmentation du nombre de PTGE. Il en faudrait une centaine. Êtes-vous prête à aller plus loin ? Le risque est d'accentuer les tensions entre les territoires. Pourquoi ne pas donner aux PTGE la même force que les programmes d'actions de prévention des inondations (Papi) ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Comique de répétition : sur le nucléaire, 90 % du prélèvement est rendu au milieu.

M. Ronan Dantec.  - Réchauffé !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Un peu réchauffé, c'est exact, mais dans certaines limites. (M. Grégory Blanc ironise.) Il n'en est pas de même pour les autres usages, expliquant la différence de prix.

Nous n'avons pas besoin de véhicule législatif sur les captages. En revanche, il nous faut publier l'arrêté sur les points de prélèvement sensibles.

L'enjeu de la feuille de route est de travailler au niveau territorial, avec les agriculteurs.

Les PTGE, qui s'articulent avec les plans de gestion de la sécurité sanitaire des eaux (PGSSE), ont pour objectif de couvrir l'ensemble du territoire. Aussi, la conférence nationale de l'eau se tiendra au sein de chaque bassin.

M. Hervé Gillé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST) L'été 2024 nous a montré l'urgence d'une gestion équilibrée et raisonnée de l'eau, ce qu'ont illustré à nouveau les épisodes tragiques en Espagne. La Gironde est également concernée.

Facilitons la pénétration naturelle de l'eau dans nos sols. Les nappes phréatiques sont des réserves naturelles ; leur recharge doit être notre priorité. Cela doit nous faire repenser l'aménagement du territoire. Certaines collectivités de Gironde l'ont fait : par exemple, Bordeaux a désimperméabilisé plusieurs hectares dans le quartier des bassins à flot, tandis que le projet de champ captant dans le Médoc, de 100 millions d'euros, a notamment été financé par l'agence de l'eau Adour-Garonne.

Les retenues collinaires permettent de stocker l'eau en surabondance. Elles doivent être bien pensées, et non pas être une solution de facilité. Il faut avant tout des procédures claires d'autorisation, obéissant à des délais raisonnables, et un suivi financier. Les contrats d'engagement réciproque doivent être développés pour tous les usages.

Nous devons aussi développer une stratégie hydrique. En milieu urbain, il faut mettre en place des systèmes de récupération et de réutilisation des eaux pluviales. Il faut aussi restaurer les zones humides et accompagner les agriculteurs vers des pratiques plus économes en eau. La préservation de l'eau, notamment dans les zones humides, est un enjeu de résilience territoriale.

La gestion des eaux pluviales doit être intégrée dans les documents d'urbanisme pour éviter les risques d'inondation et la perte de la ressource. Il faut améliorer la qualification hydrologique des zones. Cela permettrait de mieux gérer la ressource à l'échelle des territoires et de garantir une évacuation contrôlée des eaux pluviales.

La gestion de l'eau est non plus une question technique, mais de politique générale. Les événements de l'été 2024 nous ont montré qu'il fallait agir vite et intelligemment, notamment en faveur de la prévention.

Nous devrions consommer la totalité des 450 millions d'euros du fonds Barnier. Sans moyens financiers ambitieux, pas de politique de l'eau ambitieuse.

Du Varenne de l'eau au plan Eau et à la grande conférence nationale de l'eau, ne restons pas dans les incantations. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Cécile Cukierman applaudit également.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Vous l'avez dit, il est nécessaire de désimperméabiliser les sols, car c'est un facteur aggravant des inondations. C'est pourquoi il ne faut pas opposer la politique de zéro artificialisation nette (ZAN) à d'autres politiques. Le ZAN est aussi une politique de protection des territoires et des populations, tout comme la politique relative aux zones humides.

À cet égard, les événements dramatiques de Valence, en Espagne, montrent l'étendue de nos responsabilités en matière de préservation du cycle de l'eau ; restons humbles avant tout.

Les documents d'urbanisme publiés en 2022 prévoient un plan d'intégration des eaux pluviales. C'est un premier point d'appui, cela prendra du temps ; les collectivités territoriales ont besoin d'accompagnement en ingénierie.

M. Pierre Jean Rochette .  - (MM. Jean-François Longeot et Jacques Fernique applaudissent.) Nous sommes contraints d'accélérer nos transitions face au caractère irréversible du changement climatique.

Les défis liés aux sécheresses et aux tensions sur les usages nous rappellent que l'eau est une ressource précieuse. Le bilan de l'été 2024 montre la nécessité de trouver de nouvelles solutions pour bien gérer la ressource. Le Sud-Ouest a fait face à des déficits de précipitations suivis d'orages. Le Bassin parisien, les Hauts-de-France ou le Massif central, entre autres, ont subi des pluies diluviennes -  nous en savons quelque chose dans mon département de la Loire.

Début septembre, tandis que vingt départements ont dû restreindre l'accès à l'eau, huit départements étaient placés en vigilance pluies et inondations par Météo-France. Nous devons apprendre à vivre avec ce paradoxe. Les tensions se multiplient pour l'accès à la ressource ; des arbitrages doivent être rendus.

La gestion de l'eau est un sujet crucial à l'échelle territoriale. Plusieurs leviers sont possibles pour une gestion plus efficace de la ressource : zones tampons, haies, enherbement, lacs, notamment.

J'insiste sur les retenues collinaires, chères aux agriculteurs de mon département. Utilisées depuis l'Antiquité, elles permettent de stocker l'eau de surface qui ruisselle.

Cette solution évite de pomper dans les nappes et répond aux différents besoins des territoires. C'est un outil majeur de prévention des catastrophes naturelles.

M. Philippe Folliot.  - C'est vrai !

M. Pierre Jean Rochette.  - Malheureusement, les tensions se sont aggravées entre besoins agricoles et préoccupations écologiques. N'opposons pas les deux.

À cela s'ajoute la complexité des démarches environnementales.

M. Laurent Burgoa.  - Très juste !

M. Pierre Jean Rochette.  - L'eau est un bien commun. Évitons les positions de principe. Les retenues collinaires sont une solution efficace et durable, pragmatique, et qui répond aux enjeux climatiques. Dans les territoires ruraux, les agriculteurs souhaitent une simplification de leur mise en oeuvre. (M. Philippe Folliot renchérit.)

Comment favoriser la mise en oeuvre de ces projets pour l'avenir de notre agriculture, et partant, de notre souveraineté agricole et alimentaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - J'ai vu les conséquences terribles des inondations dans la Loire : contrairement aux inondations lentes survenues dans le Pas-de-Calais, les embâcles ont subitement tout détruit sur leur passage, les cours d'eau sont sortis de leur lit, ravageant ainsi nombre de maisons.

Je salue le travail de nos forces de secours, évitant des décès ou des blessés graves.

Les retenues collinaires ne sont pas sans impact environnemental, notamment sur la biodiversité. C'est pour cela que nous les envisageons au sein des PTGE.

Dans le Pas-de-Calais, nous avons mis en évidence certains hiatus de nos réglementations, qui peuvent retarder des travaux de protection de la population et de la biodiversité. Nous devons collectivement avancer en ce sens.

M. Jean-Marc Boyer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il faut relever le défi de la gestion de l'eau pour assurer un partage équitable et raisonné au bénéfice des générations futures. Cinq conditions sont nécessaires.

Premièrement, évaluer. Il est impératif d'avoir une connaissance la plus fine possible de la ressource en eau.

Deuxièmement, protéger pour assurer la qualité de l'eau selon les usages envisagés. Les normes sont différentes selon la finalité. Des mesures de sobriété s'imposent pour anticiper sur les sécheresses futures.

Troisièmement, rationaliser. Le rendement des captages doit être sécurisé. Les fuites sont inacceptables ; nous devons faire des diagnostics de réseaux et des travaux pour optimiser le rendement.

Quatrièmement, connecter : il faut partager la ressource équitablement entre les différents acteurs. Les solutions sont locales, entre les différents acteurs. Dans le Puy-de-Dôme, un pacte territorial entre la société Volvic et un gestionnaire d'eau potable a sécurisé la ressource. Mais cette solidarité ne doit pas se faire aux dépens de l'autonomie des collectivités territoriales. C'est l'objet de la proposition de loi Eau et assainissement, avec la suppression du transfert obligatoire des communes vers les intercommunalités de cette compétence.

M. Laurent Burgoa.  - Très bien !

M. Jean-Marc Boyer.  - Cinquièmement, stocker. C'est une logique de bon sens paysan. Nous devons stocker en période de hautes eaux, car les sécheresses sont plus longues, les pluies plus fréquentes et violentes. Les retenues collinaires, les bassines, voire les mégabassines, personne n'en a parlé jusqu'ici, ...

M. Ronan Dantec.  - Si !

M. Jean-Marc Boyer.  - ... mais ce ne sont pas des termes tabous.

Après avoir évalué, protégé, rationalisé, connecté et stocké, nous devons agir en solidarité. Le défi du changement climatique est de faire évoluer nos pratiques et de déployer des solutions complémentaires pour plus de sobriété et de résilience dans l'usage de la ressource. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Philippe Folliot et Pierre-Jean Rochette applaudissent également.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Vous avez décrit par le menu la politique que nous devons mener.

M. Laurent Burgoa.  - Il peut être ministre ! (M. Rémy Pointereau renchérit.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Nous appelons les bassines « retenues de substitution » : la terminologie permet de mettre du liant entre les acteurs.

Nous devons nous assurer du partage de l'eau en aval. En outre, le prélèvement ne doit pas affaiblir la vulnérabilité existante d'un territoire. Mais, dans l'absolu, n'ayons pas de tabou sur les infrastructures.

M. Laurent Burgoa.  - Très bien !

Mme Marie-Laure Phinera-Horth .  - (M. Ludovic Haye applaudit.) Je me félicite de ce débat, qui nous oblige comme citoyens et législateurs. La gestion de l'eau est vitale pour notre planète et pour l'espèce humaine.

Trop souvent, nous prenons cette ressource pour acquise et la considérons comme éternelle.

L'accès à l'eau et sa gestion sont des enjeux majeurs dans le contexte du changement climatique.

Les rapports du Giec ont rappelé que chaque degré de réchauffement accroît les risques de sécheresses et d'inondations. Or ces événements sont de plus en plus fréquents et intenses ; en témoigne la fermeture de nombre d'écoles en Guyane : les embarcations ne peuvent plus naviguer sur le Maroni, un pont aérien de l'armée a été mis en place pour ravitailler les habitants.

Cet été, près de 40 départements ont été touchés par des mesures de restrictions d'eau. Dans le sud-est de la France et en Bretagne, le niveau des nappes phréatiques a baissé. Les besoins sont supérieurs aux capacités d'approvisionnement.

D'ici à 2050, les débits moyens annuels pourraient diminuer de 10 à 40 % et la vitesse de recharge des nappes devrait baisser de 10 à 25 %. L'humidité des sols devrait elle aussi se réduire.

Préserver la ressource est une priorité. Faisons évoluer les habitudes et réutilisons l'eau.

Plusieurs initiatives ont vu le jour : le rapport d'information sur la gestion durable de l'eau prônait la réutilisation des eaux usées au profit de l'agriculture et de l'industrie.

Selon la Commission européenne, près de 40 milliards de mètres cubes sont traités chaque année dans l'Union, mais moins de 1 milliard de mètres cubes est réutilisé ; après leur passage en station d'épuration, 99 % des eaux usées sont rejetées dans le milieu naturel en France. Le Plan d'action pour une gestion résiliente et concertée de l'eau a ainsi prévu de réaliser 10 % d'économies d'eau en 2030.

Réutiliser l'eau est crucial, notamment pour assurer la résilience de l'industrie et de l'agriculture. Madame la ministre, que ferez-vous pour atteindre cet objectif ?

Comment améliorer la gestion des réseaux d'eau ? Les fuites sont dues à des infrastructures vieillissantes : pour 5 litres d'eau mis en distribution, 1 litre retourne au milieu naturel sans passer par le consommateur.

Je pense aux Guadeloupéens : depuis des mois, plusieurs territoires sont privés d'accès à l'eau potable. Soutenez financièrement les collectivités territoriales et les syndicats mixtes pour améliorer les réseaux de distribution, notamment en zone rurale. Quels engagements pouvez-vous prendre en la matière ?

Chaque goutte compte, il est crucial de renforcer la sensibilisation du grand public, surtout la jeune génération. La rareté de l'eau nous impose de changer de paradigme. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Ludovic Haye applaudit également.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Le cas des territoires ultramarins doit être étudié de manière prioritaire. Mayotte subit une crise épouvantable d'accès à l'eau potable ; en Guyane, il y a trop ou pas assez d'eau ; en Guadeloupe, certains réseaux connaissent 60 % de fuites...

Le précédent gouvernement avait engagé un plan Eau pour les départements d'outre-mer avec des moyens financiers qui sont en cours de déploiement.

Nous souhaitons renforcer la prise en compte de ces territoires avec François-Noël Buffet. Ce sera l'un des enjeux du prochain comité interministériel des outre-mer (Ciom), avec l'assainissement et la gestion des déchets, notamment.

M. Simon Uzenat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les tensions politiques et sociales s'exacerbent autour de l'eau, parce que la ressource se raréfie. Nous avons perdu 32 milliards de mètres cubes d'eau et pourrions en perdre 50 milliards supplémentaires dans les années à venir, sous l'effet du réchauffement climatique. La question de la qualité se pose aussi.

Ces phénomènes ont des incidences sur les citoyens, mais aussi les acteurs économiques. Ils sont au coeur du rapport sur les entreprises et le climat que j'ai coécrit avec Lauriane Josende et Brigitte Devésa. Sur la réutilisation des eaux usées traitées, par exemple, nous avançons, mais trop lentement.

Nous avons besoin de plus de démocratie et de moyens à la hauteur. L'assemblée bretonne de l'eau est un contre-exemple de Sainte-Soline. La situation bretonne est singulière, avec 75 % de l'eau potable provenant de l'eau de surface et des problématiques insulaires.

Nous sommes très inquiets sur les polluants éternels (M. Ronan Dantec renchérit), à l'instar du TFA (acide trifluoroacétique). Or l'Anses ne semble pas avoir été saisie, alors même que l'Agence européenne de santé a reconnu cette substance comme cancérogène et que l'Allemagne l'a interdite. Qu'en est-il ?

Le Sénat a adopté une proposition de loi sur les PFAS (substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées). Quid de la mise en oeuvre du principe pollueur-payeur, notamment pour les firmes pétrochimiques ?

La Bretagne est volontaire pour le plan zéro-phyto à l'horizon 2040. Mais les annonces de votre Gouvernement et celles de la Commission européenne ne laissent pas d'inquiéter.

La région Bretagne est aux côtés de l'État pour cofinancer le plan de lutte contre les algues vertes sur les huit baies concernées. Alors que 2025 marquera la mi-parcours du plan d'action dans ce domaine, quelles sont vos intentions ? Nous avons besoin de moyens à la hauteur, notamment d'agents de contrôle.

L'assainissement, collectif et non collectif, a aussi des impacts, notamment sur les activités conchylicoles. La région Bretagne, là aussi, est à la manoeuvre, en accompagnant les foyers les plus modestes, mais il faudra aussi des moyens de l'État.

Les agences de l'eau et les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) doivent être rassurés sur le financement du grand cycle de l'eau et des haies bocagères, de même que les collectivités territoriales sur la gestion des réseaux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Nous suivons les recommandations de la Commission européenne, qui autorise ou interdit une substance. Par construction, si une substance est interdite en Europe, elle l'est en France. On nous a plutôt reproché, ces dernières années, d'aller plus vite que la musique, il me semble...

Un travail est en cours sur des alternatives aux phytosanitaires. Souvent, cela passe par des changements d'itinéraires techniques. En dix ans, nous avons déjà supprimé 98 % des phytosanitaires classés comme dangereux.

Le plan interministériel pour la réduction des PFAS comprend un volet destiné à mieux connaître ces substances, inégalement dangereuses et que l'on retrouve aussi dans des médicaments ou certains matériaux utilisés, par exemple, dans l'aéronautique.

M. Simon Uzenat.  - Avant même l'interdiction, l'Agence européenne reconnaît le caractère de perturbateur endocrinien du TFA. L'Allemagne a interdit son usage. Or l'Anses indique qu'elle n'a pas été saisie. Il faut faire prévaloir le principe de précaution.

En mai dernier, le Sénat a adopté une proposition de loi sur les PFAS. Quand sera-t-elle examinée à l'Assemblée nationale ?

Le groupe SER du Sénat est à l'initiative d'une commission d'enquête sur la qualité de l'eau : nous aurons donc l'occasion de vous entendre plus longuement sur ces sujets.

M. Guillaume Chevrollier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La gestion de l'eau occupera une part croissante des travaux de notre assemblée dans les années à venir, car l'eau est l'un des plus puissants marqueurs du changement climatique. Le groupe Les Républicains a donc fait oeuvre utile en suscitant ce débat essentiel.

Le rapport Explore2 nous invite à préparer sans tarder notre résilience hydrique. La ressource en eau renouvelable a diminué de 14 % ces dernières années et, d'ici à la fin du siècle, le débit des cours d'eau diminuera en moyenne de 30 % -  jusqu'à 50 % pour certains.

L'été 2024, clément, ne doit pas nous leurrer : la pluviométrie est en train de se modifier et la France ne bénéficiera plus de la même ressource en eau dans les années à venir. Les enjeux hydriques montent à mesure que les nappes phréatiques baissent.

Nous devons anticiper, pour que les stress hydriques et les inondations ne nous prennent pas au dépourvu, et renforcer la concertation pour prévenir les conflits d'usages et établir un nouveau contrat social de l'eau.

Le modèle français de gestion de l'eau, copié par de nombreux pays, est fondé sur le bassin hydrographique ; les agences de l'eau s'occupent de la résilience hydrique ; la démocratie de l'eau vit au sein de structures, sans doute trop nombreuses, mais qui ont permis à notre pays de traverser beaucoup de crises. Cette architecture est robuste, mais il faut la renforcer encore et la rendre plus efficiente.

Le plan Eau prépare la France à la nouvelle donne climatique, même si, rigueur oblige, les investissements ont été réduits pour 2025. Ils devraient reprendre en 2026. Nous déplorons le prélèvement sur recettes de 130 millions d'euros au détriment des agences de l'eau, à rebours du principe « l'eau paye l'eau ».

Modernisons nos réseaux pour limiter les fuites, améliorons la réutilisation des eaux usées et encourageons la sobriété. La facture d'eau doit refléter davantage la rareté de la ressource et le principe pollueur-payeur imprégner davantage la gestion de l'eau. Renforçons aussi la conciliation des usages en période critique.

Quels seront le format, les objectifs et les débouchés de la grande conférence nationale sur l'eau annoncée par le Premier ministre ? Le Sénat veillera à ce que celle-ci aboutisse à des résultats concrets pour les territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - L'ambition du plan Eau n'est pas réduite. Le prélèvement de 130 millions d'euros touchera la trésorerie des agences ; vous aurez prochainement l'occasion d'en discuter. Le douzième programme intègre bien toutes les actions du plan Eau.

L'objectif de la conférence nationale est de décliner dans les bassins les grands enjeux de la gestion de l'eau -  tarification, gouvernance, entre autres. Chaque territoire pourra ajouter des questions spécifiques, comme la désalinisation en zone littorale. La conférence nationale devrait être lancée mi-décembre, pour le 60e anniversaire de la loi sur l'eau, puis les débats territoriaux auraient lieu de janvier à juin 2025. Ce processus pourra déboucher sur des ajustements de la loi Eau, mais aussi d'autres mesures : gouvernance, mobilisation des PTGE, tarification.

Mme Catherine Belrhiti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-François Longeot applaudit également.) Si l'été 2024 a été pluvieux, les signes de stress hydrique se multiplient depuis plusieurs années. Il est de plus en plus essentiel de garantir l'accès à l'eau pour tous. Ce sujet me tient particulièrement à coeur, en tant que coautrice du rapport « Éviter la panne sèche », avec Cécile Cukierman et Jean Sol.

La France doit faire face aux enjeux grandissants liés à cette ressource précieuse. Le changement climatique bouleverse la gestion de l'eau, fragilisant l'équilibre naturel de nos réserves. Mais si le constat est préoccupant, une gestion plus durable est possible, moyennant des efforts notables.

Notre rapport recommande plusieurs mesures pour anticiper les difficultés à venir et assurer l'avenir serein de notre gestion : retenues d'eau multi-usages, restauration des zones humides, recherche dans le domaine de la réutilisation des eaux usées traitées. Il faut aussi repenser les systèmes de culture, car l'agriculture consomme les deux tiers de la ressource.

Ces changements impliquent des efforts financiers, notamment une hausse des moyens des agences de l'eau.

Je conclurai en soulignant l'importance de l'éducation. Il est essentiel de sensibiliser, à tout âge, à la valeur de l'eau.

Le tableau est complexe, mais il n'est pas apocalyptique. La France peut relever les défis avec intelligence et anticipation, à condition de prendre des décisions courageuses. Notre rapport offre une feuille de route ambitieuse mais réaliste pour que l'eau reste une ressource accessible à tous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - On trouve beaucoup de résonances entre votre rapport et le plan Eau.

Je pense par exemple au développement d'un usage plus sobre de l'irrigation en matière agricole - le goutte-à-goutte.

Oui, l'éducation et la formation sont un sujet essentiel, notamment dans l'accompagnement des jeunes agriculteurs.

En Espagne ou en Israël, chaque goutte d'eau est réinjectée dans le système, afin de ne rien perdre. Telle est l'approche que nous devons ancrer dans notre pays.

M. le président.  - Veuillez poursuivre pour votre conclusion.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques .  - J'inscris mes pas dans ceux de mon prédécesseur, Christophe Béchu, qui a lancé le plan Eau, reposant sur cinq chantiers.

Nous voulons d'abord protéger les captages d'eau potable. Dès qu'une molécule est problématique, elle devient pertinente pour le suivi : c'est le cas du TFA. Un tiers des captages ont été abandonnés ces quarante dernières années, faute de qualité suffisante. Plusieurs centaines de milliers de personnes dépendent parfois d'un seul captage. L'objectif est d'améliorer nos connaissances sur ces polluants pour les réduire. Cela passe par le plan Écophyto, un guide à destination des préfets et des outils financiers pour accompagner le changement de pratiques.

Le deuxième chantier est l'amélioration de la gestion de l'eau et de l'assainissement en outre-mer.

Troisième chantier : la gestion quantitative. Nous nous inspirons des travaux de la mission d'information de MM. Pointereau et Gillé en matière de sobriété et de partage des usages et d'optimisation de la disponibilité. Certains agriculteurs qui n'irriguent pas actuellement y seront peut-être contraints demain, il faut l'anticiper - c'est le cas chez moi, dans le Pas-de-Calais. Des réserves pourront être construites dans des territoires en déséquilibre quantitatif. Il faudra y développer un PTGE ou un schéma d'aménagement et de gestion de l'eau (Sage).

Quatrième chantier, le financement du plan Eau, que nous entendons doubler, notamment en travaillant sur la redevance de l'eau.

Enfin, le dernier chantier est la conférence nationale sur l'eau annoncée par le Premier ministre. Je travaillerai avec l'ensemble des acteurs de la gouvernance de l'eau, un système que l'on nous envie. À Riyad, dans le cadre du One Water Summit, nous défendrons dans quelques jours la nécessité d'améliorer la gouvernance mondiale de l'eau.

M. Rémy Pointereau, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je me réjouis que le groupe Les Républicains ait pris l'initiative de ce débat, qui a été riche.

L'eau, c'est la vie, pour les hommes comme pour la biodiversité animale et végétale. Sécheresses et inondations dramatiques se multiplient avec le changement climatique. En 2024, la pluviométrie n'a jamais été aussi abondante depuis les années 2000 - sauf dans les Pyrénées-Orientales, cher Jean Sol... Cette situation favorable n'est peut-être qu'un répit, mais elle relativise les prévisions catastrophistes.

Il faut retenir l'eau quand elle est abondante et créer des bassins d'orage pour écrêter les crues. Nous avons présenté un rapport d'information sur la gestion de l'eau avec Hervé Gillé ; avec Jean-Yves Roux, nous lançons une mission d'information sur la compétence Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi). Le Sénat aborde donc tous les aspects du problème, le manque comme l'excès d'eau.

Les agences de l'eau ont fait leurs preuves depuis 1964 : fondées sur la subsidiarité, elles ont permis d'assurer les besoins en eau de tous les acteurs locaux. Hélas, la politique de l'eau est devenue illisible : comités de bassins, Sage, PTGE, Papi, préfet coordonnateur de bassin, comité national de l'eau... C'est un labyrinthe crétois ! Qui peut encore identifier le décideur ? Cette organisation technocratique et chronophage jette le doute sur la capacité des élus à gérer la ressource et remet en question leur légitimité.

La dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) finance les travaux d'eau et d'assainissement davantage que les agences de l'eau, qui financent des études technocratiques parfois inutiles.

Nous devons prioriser l'accès à l'eau potable, puis la souveraineté alimentaire. Le volume d'eau perdu à cause des fuites s'élève à 1 milliard de mètres cubes par an. Cela tempère le tollé des écologistes radicaux : c'est l'équivalent de 2 000 réserves de substitution, soit 500 000 hectares de cultures irriguées (M. Ronan Dantec s'exclame), sachant que nous avons seulement 6,8 % de cultures irriguées. Nous devons aussi réutiliser les eaux usées traitées.

Les enjeux sont nombreux : nous avons besoin d'une loi sur l'Eau II, ambitieuse et concrète, dans un esprit de simplification. Michel Barnier l'a appelée de ses voeux dans son discours de politique générale. ?uvrons ensemble à une politique de l'eau durable et tournée vers l'avenir, sans idéologie mais avec pragmatisme ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Ludovic Haye applaudit également.)

Prochaine séance demain, mercredi 13 novembre 2024, à 15 heures.

La séance est levée à 23 h 25.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 13 novembre 2024

Séance publique

À 15 heures, de 16 h 30 à 20 h 30 et le soir

Présidence : M. Loïc Hervé, vice-président, Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente M. Didier Mandelli, vice-président

Secrétaires : M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nicole Bonnefoy

1. Questions d'actualité

2. Proposition de loi instituant une ordonnance de sûreté de l'enfant victime de violences, présentée par Mme Maryse Carrère (n°530, 2023-2024)

3. Proposition de loi visant à limiter le paiement en espèces, présentée par M. Christian Bilhac et plusieurs de ses collègues (n°628, 2023-2024)

4. Débat sur le thème : « Financement de la sécurité civile : soutenir les Sdis dans leur gestion des nouveaux risques » (demande du RDSE)