Rapport sur la situation des finances publiques locales remis en application de l'article 52 de la Lolf
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur le rapport sur la situation des finances publiques locales remis en application de l'article 52 de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), à la demande de la commission des finances.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) À rebours des allégations entendues dans le débat public, les collectivités territoriales ne sont pas responsables de la situation calamiteuse de nos finances publiques. L'État représente une part écrasante du déficit public et presque l'intégralité de la dégradation de ce dernier entre 2017 et 2023. Certes, le solde négatif des administrations publiques locales (Apul) pourrait atteindre 0,7 % du PIB, le plus bas niveau depuis 1985, mais cela ne représente qu'un neuvième du déficit public. L'endettement des organismes divers d'administration locale (Odal) pèse bien plus lourd.
Si les dépenses des collectivités territoriales augmentent de façon dynamique en 2024 - plus 4,5 % en fonctionnement et 13 % en investissement, d'après le Trésor - c'est, pour le fonctionnement, en raison des revalorisations salariales, de l'inflation énergétique, de la remontée des taux d'intérêt et de l'augmentation du nombre des bénéficiaires d'aides sociales, non de décisions prises par les élus ; pour l'investissement, l'augmentation est liée au cycle électoral et au rattrapage des investissements après la crise sanitaire.
Je me réjouis du changement de ton de l'exécutif à l'endroit des collectivités territoriales. Vous-même, monsieur le ministre, et Laurent Saint-Martin avez rappelé que le dérapage n'était pas le fait des collectivités territoriales, et je vous en remercie. Vous construisez les bases d'une meilleure coopération entre l'État et les collectivités, que nous appelons de nos voeux.
Cela dit, les collectivités territoriales doivent également participer à l'effort collectif. On ne peut se satisfaire d'un solde des Apul passé de moins 0,4 % à moins 0,7 % entre 2023 et 2024. Par ailleurs, le total des concours financiers de l'État est de 50 milliards d'euros. Aussi, il serait étrange d'exonérer les collectivités territoriales de tout effort budgétaire.
Je ne conteste donc pas le principe d'une participation des collectivités territoriales au redressement des comptes publics, mais elle doit être proportionnée et équitablement répartie.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Très bien !
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le PLF prévoit bientôt une stabilité des concours financiers aux collectivités territoriales : la DGF est maintenue à 27 milliards d'euros. S'y ajoutent trois principes nouveaux, dont une réduction du taux et de l'assiette du FCTVA générant 800 millions d'euros d'économies. Est-ce la bonne méthode, sachant que les collectivités territoriales sont le premier investisseur public ? La contrainte financière d'aujourd'hui ne doit pas nous faire renoncer à des dépenses qui permettront de répondre à la contrainte financière de demain. Attention à l'impact d'une telle mesure sur les petites collectivités, qui ont peu de moyens.
Deuxième principe, le gel de la fraction du taux de TVA transféré aux collectivités territoriales via l'article 31 - soit une minoration de 1,2 milliard d'euros de la dynamique qu'elles pouvaient attendre. Le Gouvernement avance que ce gel serait exceptionnel et qu'il permettrait à l'avenir aux collectivités de disposer d'une meilleure prévisibilité de leurs recettes, celle-ci étant calculée sur la TVA de l'année n-1 et non plus de l'année en cours.
Enfin, l'article 64 crée un fonds de réserve pour les collectivités territoriales non dénué d'intérêt sur le papier - nous approuvons les principes de péréquation et d'autoassurance collective des collectivités territoriales. Mais l'architecture du dispositif soulève trop de questions : sachant qu'il a été rejeté à l'Assemblée nationale, je souhaite que le Sénat crée une nouvelle architecture pour ce fonds.
Le rapport établi sous l'égide du Président Larcher avait recommandé de revoir globalement le financement des collectivités territoriales. Peut-on se satisfaire de la perte de lien fiscal entre les collectivités territoriales et les contribuables ?
Mme Anne-Marie Nédélec. - Non !
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Quel avenir pour la DGF ? J'attends vos réponses avec impatience. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation . - La situation des finances publiques de notre pays n'est pas bonne ; nous devons partager ce fait. Nous n'avons plus le choix, si nous voulons garder la souveraineté de notre pays. Je sais pouvoir compter sur la sagesse de cette assemblée.
Le débat n'est pas de reporter la faute sur tel ou tel : il n'y a pas de responsabilité fautive des collectivités dans la dégradation des comptes publics.
M. Rémy Pointereau. - Tout de même !
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - C'est bien de le reconnaître !
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Certes, leurs dépenses augmentent plus que leurs recettes, mais c'est notamment en fonction de décisions de l'État - revalorisations du point d'indice et de la catégorie C -, coûteuses mais attendues socialement.
Pour contenir le déficit à 5 % dès 2025 - la marche est haute -, nous proposons un effort de 60 milliards d'euros, dont 20 milliards d'euros sur les dépenses de l'État, 15 milliards de dépenses sociales et 5 milliards pour les collectivités. La dette publique est l'affaire de tous - elle dépasse les 3 220 milliards d'euros. Nos créanciers ne distinguent pas la dette de l'État de celle des autres personnes publiques. La charge de la dette ne cesse de croître : un choc de taux de 1 % l'alourdit de 33 milliards en neuf ans. Elle est devenue le deuxième poste de dépenses de l'État, à 55 milliards d'euros.
Les conditions de financement sont les mêmes pour tous. Vous avez longuement débattu de ce sujet avec Laurent Saint-Martin, retenu à l'Assemblée nationale et que je vous prie d'excuser.
C'est donc l'affaire de tous et la responsabilité de chacun. Les collectivités territoriales représentent 20 % de la dépense publique. Dans la version initiale du PLF, leur effort était de 12 %.
Faut-il supprimer toute dépense d'investissement ? Non : le risque récessif existe, d'autant plus que la crise covid a reculé de nombreux travaux et que la cinquième année de mandat municipal qui s'annonce s'apparente plus à une quatrième année (M. Jean-François Husson le confirme) après des années 2020 et 2021 difficiles.
Dans cet esprit, le Gouvernement a maintenu le concours de l'État vers les collectivités territoriales : DETR, DSIL, DSID, DPV. Le fonds vert est diminué ; mais en tenant compte du gel en début d'année et de l'exécution, il ne passera que de 1,7 en 2023 à 1 milliard en 2025.
Nous voulons maintenir l'appui aux collectivités territoriales, notamment en faveur de la transition écologique. Le Premier ministre l'a bien dit dans sa déclaration de politique générale : nous devons faire face à deux dettes, l'une économique, l'autre écologique.
Faut-il ne prendre aucune mesure ? C'est impossible. Le PLF a été établi dans des circonstances exceptionnelles, qui nécessitent que nous dialoguions. Nous ne touchons pas le montant de la DGF, mais nous retravaillerons avec vous ses critères en 2025. Le Gouvernement a pris plusieurs engagements : ne pas toucher à la DGF ; perfectionner le budget au cours des débats parlementaires, notamment à propos du fonds de précaution, alimenté par un prélèvement sur les recettes des 450 plus grandes collectivités territoriales en tenant compte d'indices de fragilité - être bénéficiaire de la dotation de solidarité urbaine (DSU) ou du fonds de péréquation - ; ajuster le FCTVA à hauteur de 800 millions d'euros par rapport à la dynamique attendue - mais nous sommes prêts à en discuter.
Monsieur le rapporteur général, les départements subissent un effet ciseau : baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) d'un côté, hausse de dépenses sociales qu'ils ne contrôlent pas de l'autre. Nous devrons trouver des solutions, et j'ose le dire, des correctifs pour cet échelon qui accomplit des missions de solidarité.
J'entends la demande de plus d'autonomie financière du bloc communal. Si nous ne souhaitons pas le retour de la taxe d'habitation, il faut mener une réflexion avec nos concitoyens sur cette question - car rien n'est jamais gratuit, il y a toujours quelqu'un qui paie... (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jean-François Husson et Mme Véronique Guillotin applaudissent également.)
M. Marc Laménie . - Après cinquante ans de records de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires, le Gouvernement présente un budget dans l'urgence, en demandant à tous les acteurs de participer au redressement. Le groupe INDEP souhaite une juste répartition de l'effort et ne pas casser la croissance. Nos collectivités territoriales vous le font savoir à travers leurs représentants que nous sommes : la réduction du taux du FCTVA de 16,4 à 14,85 % fait craindre le pire pour l'investissement. Comment s'assurer qu'il n'y aura pas d'effet récessif ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Je vous comprends : derrière la ministre, il y a une élue locale. Les élus ont construit leur budget à partir d'un état prévisionnel du FCTVA et certains, par exemple, auraient pu contracter un prêt relais en anticipant un remboursement. Aussi nous étudierons les amendements relatifs au taux ou à la rétroactivité.
M. Marc Laménie. - Lorsque la situation budgétaire d'un pays se tend, il doit rogner ses dépenses de fonctionnement avant celles d'investissement - notamment celles concernant la transition écologique. Ne sacrifions pas notre futur au risque de créer des récessions dans nos territoires.
M. Stéphane Sautarel . - La fragilisation financière des collectivités territoriales s'accélère : le nombre de collectivités en épargne négative en 2025 augmentera - et cela ne concerne pas que les départements. Nous sommes sortis des procès d'intention : trouvons des solutions partagées et limitées dans le temps.
La question centrale est celle de la capacité d'épargne des collectivités territoriales. Or votre PLF n'y répond pas : la ponction sur les recettes réelles de fonctionnement ne limite en rien leur besoin de financement. Ne vaudrait-il pas mieux encourager les efforts de gestion des collectivités territoriales en fonctionnement plutôt que de rendre ces financements à l'État ?
Pourquoi ne pas mettre en réserve dans le budget de chaque collectivité territoriale 3,8 milliards d'euros, soit l'équivalent du fonds de précaution et de la réduction du FCTVA ? Autre piste : encadrer la capacité de désendettement des collectivités en s'inscrivant dans le contrat de responsabilité voulu par le Premier ministre.
M. Laurent Somon. - Excellent !
Mme Catherine Vautrin, ministre. - L'objectif est de réduire le déficit budgétaire de la France, donc de limiter la dépense publique. Réduire les recettes contraint à faire des choix.
Inscrivons-nous dans la démarche vertueuse que vous indiquez ; liée à l'investissement, la dette n'est pas un signe de mauvaise gestion.
Vos propositions méritent d'être approfondies : la mise en réserve répond au fonds de précaution - qu'il faudrait flécher vers les collectivités territoriales qui ont le plus participé et non faire une péréquation. Nous allons travailler sur une évolution par rapport à la version initiale du PLF.
Votre deuxième proposition exige un travail commun plus important.
M. Stéphane Sautarel. - Nous gagnerions en confiance en laissant une dotation gelée dans les budgets des collectivités territoriales, comme l'avaient fait les départements confrontés à un surplus de DMTO.
M. Didier Rambaud . - Les dépenses des collectivités territoriales augmentent en raison des coûts de fonctionnement, des investissements et des nouvelles compétences, entre autres. Nos départements nécessitent une augmentation temporaire des DMTO. Dans l'Isère, les recettes sont passées de 227 millions d'euros au compte administratif 2023 à 177 millions ; en cause, les DMTO, qui ont baissé de 19,6 % d'après la Cour des comptes. Or les allocations individuelles de solidarité telles que le RSA sont indispensables pour nos concitoyens, et quatorze départements sont considérés comme étant en grande difficulté.
Une hausse limitée dans le temps des DMTO permettrait de les stabiliser, le temps de réfléchir à une réflexion pérenne qui n'affecte pas le marché immobilier. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Catherine Vautrin, ministre. - La baisse des recettes de DMTO perçues par les départements est constatée sur tout le territoire.
Je suis consciente de l'importance des DMTO dans les départements de montagne comme le vôtre, sur le littoral ou en Île-de-France, mais je ne suis pas sûre qu'il en aille de même dans les Ardennes de M. Laménie... (M. Didier Rambaud en convient ; M. Jean-François Husson le confirme.)
Aux départements de prendre la décision d'augmenter les taxes. Les DMTO portent essentiellement sur l'ancien, et n'ont donc pas d'impact sur le logement social.
Doit-on passer d'un pouvoir de taux des départements de 4,5 à 5 ou 5,5 ? Cela fait partie des sujets sur lesquels le Gouvernement souhaite travailler avec vous dans le PLF.
M. Christian Bilhac . - Nous partageons l'objectif de réduire les déficits et de rendre plus efficiente la dépense publique. Mais votre PLF me laisse sur ma faim. Comment se satisfaire de la seule fusion de Business France et d'Atout France, quand il existe encore 400 opérateurs, qui représentent un budget de 91 milliards d'euros, mais surtout 30 milliards en frais de fonctionnement ? Il faut trouver de nouveaux moyens de soutenir les élus locaux pour financer leurs investissements et leurs services publics, et la suppression d'opérateurs pourrait être une solution. Certains ont prouvé leur efficacité, mais d'autres sont ubuesques.
Comment porter un discours crédible quand cinq opérateurs interviennent sur l'aménagement du territoire : Anah, Cerema, Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et Ademe ?
Comme le dit Clemenceau, pour prendre une décision il faut être un nombre impair de personnes, et trois, c'est déjà trop. Alors, imaginez à cinq ! (Sourires) Supprimez des opérateurs et redonnez le budget dégagé aux collectivités territoriales !
Ne me dites pas d'attendre un texte au printemps. Vous le savez mieux que moi : il n'y a pas de majorité à l'Assemblée nationale ; l'année prochaine, nous serons dans la même situation. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Effectivement, nous devrons dresser un inventaire des agences, sur le rapport coût-efficacité de chacune, soit pour supprimer, soit pour mutualiser.
Les cinq établissements que vous avez cités ont des éléments en commun, comme l'ingénierie : devrait-elle être réalisée par l'EPCI, une ou plusieurs de ces agences ? Combien cela coûte-t-il ?
Le recours à la loi, en ce domaine, n'est pas indispensable : on peut passer par le réglementaire. Vous m'invitez à prendre mes responsabilités : ne me reprochez pas à l'avenir de prendre des décrets !
M. Bernard Delcros . - Dans son rapport, le Gouvernement fait le constat d'une « situation favorable du bloc communal », dont témoignerait une épargne brute en hausse de 9,2 % entre 2022 et 2023.
Mais derrière cette moyenne, se cache une grande diversité de situations, selon la taille des communes. Le potentiel fiscal et le revenu fiscal moyen par habitant connaissent des écarts du simple au double.
Il faudrait respecter un principe intangible : la justice territoriale. Le Gouvernement propose la réduction de deux points du FCTVA, soit une baisse de recettes de 10 % touchant indistinctement les collectivités territoriales. Cela réduirait la capacité d'investissement des collectivités territoriales alors qu'elles soutiennent les entreprises locales et l'emploi.
Pouvez-vous reconsidérer cette baisse de deux points du FCTVA et vous concentrer sur des mesures plus justes ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. - C'est bien pour faire preuve d'équilibre que nous avons ciblé les collectivités territoriales dont le budget est supérieur à 40 millions d'euros, tout en prenant en compte systématiquement des critères de fragilité.
Je le redis : je suis consciente du problème posé par la rétroactivité de la mesure sur le FCTVA... Nous parlons de 800 millions d'euros. À nous de trouver collectivement une solution à ce problème. C'est tout le sens du partenariat entre le Sénat et le Gouvernement.
M. Bernard Delcros. - Merci de cette ouverture. Il faut retirer cette mesure sur le taux. Nous devons proposer une mesure plus ciblée et plus juste.
M. Pierre Barros . - Depuis plusieurs semaines, les collectivités territoriales sont rendues responsables des déficits publics. Or depuis 1995, le poids des collectivités territoriales dans la dette publique est stable à 9 %, alors que celui de l'État a doublé. Mais le Gouvernement s'évertue à leur demander des efforts supplémentaires.
Pour résorber les déficits de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), le PLFSS prévoit une augmentation des contributions des employeurs publics, qui serait pour commencer de 4 points en 2025. Qu'en sera-t-il en 2026 et 2027 ?
Selon le rapport de l'Igas sur lequel s'appuie cette mesure, le déficit cumulé de la CNRACL est de 60 milliards d'euros et il faudrait une augmentation de 13,48 points sur trois ans pour le résorber. Doit-on s'attendre à une telle hausse ? Ce serait insoutenable pour les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Simon Uzenat applaudit également.)
Mme Catherine Vautrin, ministre. - La CNRACL est dans une situation difficile : d'un côté, 1,6 million de pensionnés - 57 % de territoriaux et 43 % d'hospitaliers - recevant 26,1 milliards d'euros ; de l'autre, 2,2 millions de cotisants - dont 63 % de territoriaux et 37 % d'hospitaliers - à hauteur de 23,4 milliards d'euros...
Le déficit sera de 10 milliards d'euros en 2030 si aucune mesure de correction n'est prise.
Alors ministre de la santé, j'avais diligenté la mission inter-inspections pour trouver les voies d'un retour à l'équilibre du régime, dont il faudra diversifier les ressources.
La CNRACL a fortement contribué dans le passé à l'équilibre d'autres régimes. J'ai demandé un accompagnement spécifique. La hausse du taux de cotisation doit être lissée dans le temps. Une augmentation de 30 % serait insupportable.
M. Pierre Barros. - Vous confirmez la trajectoire de 13,46 points. (Mme Catherine Vautrin le confirme.) C'est douloureux. La CNRACL a beaucoup contribué et est aujourd'hui victime d'une réforme des retraites qui ne produit pas ses effets. (Applaudissements sur les travées du CRCE-K ; M. Simon Uzenat applaudit également.)
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Ce n'est pas le sujet.
M. Thomas Dossus . - Depuis 2017, les collectivités territoriales font face au sabotage de leur autonomie fiscale : suppression de la taxe d'habitation, d'une partie de la CVAE, d'une part importante de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la taxe foncière, déconnectant leurs ressources des dynamiques de territoire.
Avec la nomination au Gouvernement de nombreux membres de la majorité sénatoriale, nous aurions pu espérer la préservation de leurs ressources ; mais c'est tout le contraire : on leur demande 5 milliards d'euros - mais avec la suppression de crédits du fonds vert et la CNRACL, ce serait plutôt 11 milliards, selon l'Association des maires de France...
Le président Les Républicains du département du Rhône nous a alertés : nous sommes à l'aube d'un effondrement financier des départements. Les collectivités territoriales assurent 70 % de l'investissement public. Il faut mobiliser 11 milliards d'euros d'ici à 2030 pour l'adaptation climatique, soit 2,3 milliards d'euros par an. Ce PLF va à rebours de cette exigence.
Mais il sera bientôt entre les mains du Sénat : allez-vous, majorité sénatoriale, corriger le tir sur l'effort demandé aux collectivités ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Simon Uzenat applaudit également.)
Mme Catherine Vautrin, ministre. - S'agissant de la CNRACL, le nombre de contractuels augmente dans les collectivités territoriales, au détriment des fonctionnaires ; or ils cotisent à l'Ircantec et non à la CNRACL... C'est un des éléments qui nécessitent de nouvelles ressources.
Nous avons supprimé la taxe d'habitation, mais, dans certaines communes, seuls 30 à 40 % des habitants en étaient redevables. Nous devons ouvrir un débat sur le sujet.
Le Gouvernement souhaite trouver avec le Sénat des solutions pour les départements.
Certes, le fonds vert a diminué, mais la DSIL accompagne aussi des projets liés au changement climatique.
Le rapporteur général évoquait les crédits de l'État à destination des collectivités territoriales. Rien n'empêche de flécher davantage ces crédits vers la transition écologique.
Mme Isabelle Briquet . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les collectivités territoriales sont sommées de contribuer à la réduction d'un déficit qu'elles n'ont pas creusé. Les départements subissent un effet ciseau avec la baisse des DMTO. Quatorze départements sont éligibles au fonds de sauvegarde en 2024. Combien en 2025 ?
Avec des dépenses non pilotables en hausse, le PLF 2025 fait des départements les plus gros contributeurs, alors que l'État leur doit 12 milliards d'euros pour les allocations individuelles de solidarité. Ce sont les entreprises, les associations et les citoyens qui en pâtiront. En 2024, quatre départements affichent un déficit de fonctionnement selon les projections de Départements de France ; ils seraient 29 en 2025 et une cinquantaine en 2025. À ce compte-là, voulez-vous voir disparaître nos départements ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Non, le Gouvernement ne veut pas voir disparaître les départements. L'année dernière, pour la première fois, le Gouvernement a mis en place le G24 : 150 millions d'euros dont la répartition a été laissée à Départements de France.
Dans le PLF, 20 départements sont exemptés de prélèvement de 2 %. Nous réfléchissons à un fonds de sauvegarde. J'ai répondu sur les DMTO.
Le Gouvernement est sensible aux spécificités départementales liées aux allocations individuelles de solidarité, sur lesquelles ils n'ont pas la main.
Mme Isabelle Briquet. - Nous sommes heureux d'entendre que vous prenez en compte le rôle spécifique et essentiel des départements qui doivent bénéficier de ressources stables pour renforcer le lien social.
Donnons tout son sens au partenariat État-collectivités territoriales. Cela ne passe ni par des contrats de Cahors, ni par des pactes de confiance, ni par un fonds de précaution n'ayant fait l'objet d'aucune concertation avec les élus. (M. Simon Uzenat applaudit.)
M. Stéphane Ravier . - Une conclusion s'impose : il faut sortir la tronçonneuse (M. Rémy Pointereau ironise) contre le millefeuille administratif et la fonctionnarisation massive. Les dépenses de personnel des collectivités territoriales ont doublé, passant de 47,4 milliards à 92,6 milliards d'euros !
Ni la fusion des régions ni celle des EPCI n'ont aidé : elles n'ont fait que multiplier l'addiction et surcharger l'addition.
Les dépenses des collectivités territoriales augmentent plus vite que celles des autres administrations et que le PIB. L'augmentation des dépenses de fonctionnement en 2023 a été de 5,7 %, au lieu des 4,8 % prévus par la loi de programmation des finances publiques 2023-2027.
Clemenceau disait : « la France est un pays extrêmement fertile, on y plante des fonctionnaires et il y pousse des impôts ». J'ajouterai que le meilleur engrais est notre capacité à créer toujours plus de normes.
Il faut plus de fonctionnaires d'action - pompiers et policiers - au service du pays, et moins de fonctionnaires d'administration au service de l'État. La fonction publique ne doit pas devenir la ponction publique.
Que proposez-vous pour endiguer cet emballement, retrouver de l'efficacité et par là même le consentement à l'impôt ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Il y a effectivement une augmentation des dépenses de personnel. J'entends votre hommage aux pompiers et policiers. J'y ajouterai le personnel qui s'occupe de nos enfants dans les écoles, comme les AESH qui ont fait l'objet d'une proposition de loi adoptée à l'unanimité du Sénat.
Il faut du personnel au bon endroit, et savoir qui le paie. Rien n'est gratuit. Quels services voulons-nous, et combien sommes-nous prêts à payer pour cela ?
Idem pour le vieillissement à domicile ; en 2030, il y aura plus de Français de plus de 65 ans que de moins de 15 ans. Cela aura un coût.
Un exemple de service utile : France Services se trouve à vingt minutes de chaque Français - cela coûte 65 millions d'euros.
M. Jean-Raymond Hugonet . - Ce volumineux rapport (il le brandit) illustre les relations entre l'État et les collectivités territoriales.
Nous mesurons le profond décalage entre la théorie et la pratique, entre le verbe et la réalité.
La théorie est savamment présentée - les scandaleuses allégations mensongères de ministres précédents sur la prétendue responsabilité des collectivités territoriales dans les déficits publics auraient suscité de ma part des mots moins diplomates. Quant au verbe, le sabir technocratique maquille une réalité brutale : une liberté constitutionnelle conçue pour permettre la libre administration des collectivités territoriales, l'autonomie financière, est devenue une coquille vide.
M. Laurent Burgoa. - Très bien !
M. Jean-Raymond Hugonet. - En vingt ans, le modèle de décentralisation a perdu sa pertinence face à un double mouvement : recentralisation et accroissement des charges pesant sur les collectivités territoriales.
Réconcilier le pouvoir central et local serait une oeuvre historique pour la France. C'est un enjeu de démocratie. Y êtes-vous prête ? (M. Laurent Burgoa applaudit.)
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Vous avez raison de nous replonger dans l'histoire de la décentralisation de 1982. La France a choisi une voie - mais en était-elle totalement consciente ?
Dans sa relation avec les collectivités, l'État est-il tutelle ou partenaire ? L'intitulé de mon ministère comprend la notion de partenariat avec les territoires, le Premier ministre y tient.
Le budget qui a été présenté, dans les délais contraints que l'on sait, n'est pas pour solde de tout compte. Je mesure la nécessité d'un travail en commun avec les parlementaires et les associations d'élus, dont les travaux ne doivent plus servir à caler les étagères. J'ai ainsi demandé à Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières, d'avancer rapidement, avec Laurent Saint-Martin et moi-même, sur le sujet des normes. Il y aura donc des réponses concrètes, en parallèle du travail sur le budget, mais les deux approches ont vocation à se rejoindre !
M. Jean-Raymond Hugonet. - Je connais l'engagement de Michel Barnier et votre sincérité. Tout cela n'apparaît guère dans le PLF. La commission des finances se chargera de vous faire des propositions.
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Avec plaisir !
M. Jean-Marie Mizzon . - Les collectivités territoriales dont les dépenses de fonctionnement sont supérieures à 40 millions d'euros seront ponctionnées - mais selon quels critères ? Environ 450 collectivités seraient concernées. Pour les communes, il est question d'un indice synthétique de ressources et de charges. On ne tient donc pas compte des dépenses contraintes ? Demander un tel effort aux collectivités locales contribue à les fragiliser.
Pourquoi ne pas lever la charge de l'amortissement de la voirie, qui coûtera 500 millions d'euros, ou encore le décret sur la régulation thermique des bâtiments - 1,5 milliard d'euros à la charge des collectivités territoriales ? Des pistes existent !
Mme Catherine Vautrin, ministre. - En partant du critère des 40 millions de dépenses réelles de fonctionnement, nous avons écarté les collectivités les plus fragiles. Les critères utilisés existent ailleurs dans notre droit : les 250 premières communes selon le classement de la DSU, les 2 500 premières selon le classement de la DSR, les 300 premiers EPCI figurant à l'indice de péréquation de la dotation d'intercommunalité, les vingt départements les plus fragiles au titre de l'indice de fragilité sociale.
Je discute avec le ministre de l'économie de la levée de la charge d'amortissement de voirie, pour que les collectivités ne soient pas pénalisées lorsqu'elles entretiennent leur réseau ; j'ai décidé de ne pas signer le décret, afin d'y travailler ensemble.
Le décret tertiaire est vertueux, et permet des économies à court terme. Cela dit, en ces temps de raréfaction des moyens, il faut fixer des échéances courtes. J'y travaille avec Agnès Pannier-Runacher, pour trouver le bon équilibre.
M. Jean-Marie Mizzon. - J'apprécie votre manière de voir.
Le décret tertiaire est vertueux, mais coûteux.
Les maires sont abattus. Ils ne sont nullement comptables des dérives de nos finances publiques. Sur le terrain, ça gronde fort ! Sachez vous en souvenir lors de l'examen du PLF.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Très bien !
M. Simon Uzenat . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il est ironique de reprocher aux collectivités l'écart entre leurs dépenses et leurs recettes, quand l'État n'a cessé de leur transférer des charges et de réduire leur autonomie fiscale !
L'effort qui leur est demandé n'est pas de 5 milliards d'euros, mais plutôt de 10 milliards. En réalité, toutes seront touchées, jusqu'aux petites communes rurales : le conseil départemental du Morbihan a ainsi annoncé la suspension du programme de solidarité territoriale - tout en soutenant le Gouvernement...
Les régions seront les plus touchées : la ponction demandée équivaut à quatre mois sans TER en Bretagne, ou à un an sans lycée !
Je souscris à la refonte de la fiscalité proposée par le rapporteur général. Madame la ministre, quelle est votre position sur le versement mobilité additionnel déplafonné ? Sur la taxe de séjour additionnelle ? Sur la hausse des péages ferroviaires, qui pénalise les régions ?
La signature de l'État sera-t-elle honorée s'agissant des CPER ? Quid de la compensation du protocole en faveur des formations sanitaires et sociales ? Les îles ont également besoin d'une prise en compte singulière, face à l'explosion des surcoûts. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Catherine Vautrin, ministre. - J'entends que la réserve de précaution peut conduire les départements à limiter leur investissement auprès des communes. Nous travaillons avec eux pour en limiter l'impact.
Nous envisageons de permettre aux régions d'augmenter le versement mobilité dès lors qu'elles investissent dans l'élargissement du réseau. Vous savez combien le Gouvernement est engagé pour les transports du quotidien ! De même, elles pourraient utiliser leur pouvoir de taux sur les cartes grises.
Sur les CPER déjà signés, les autorisations d'engagement pourront démarrer dès l'exercice 2025 ; pour les crédits de paiement, les marges de manoeuvre sont plus restreintes.
M. Rémy Pointereau . - Les mesures prévues par le PLF auraient des conséquences dramatiques pour les départements.
Le département du Cher doit faire face à 56 millions d'euros de dépenses supplémentaires, soit une hausse de 17,5 %, alors que ses recettes n'ont augmenté que de 17 millions. En l'état du PLF, il perdra 15 millions d'euros ; 85 % des départements, dont le Cher, ne pourront pas présenter un budget à l'équilibre. Ce sera la fin de la cohésion territoriale.
Pourtant, les départements ne sont responsables que de 1 % des 3 200 milliards d'euros de dette publique.
Quelles mesures concrètes, quels moyens pour que les départements puissent exercer pleinement leurs compétences ? Envisagez-vous un partenariat avec les collectivités pour rétablir un lien direct entre fiscalité et démocratie locale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Je suis préoccupée par la situation des départements, dont les dépenses sont notamment liées aux allocations individuelles de solidarité (AIS). Le Premier ministre abordera le sujet à Angers la semaine prochaine. Nous devons trouver des solutions spécifiques.
Autre élément : le pouvoir de taux en matière de DMTO.
Enfin, il faut travailler sur la fiscalité : revoir les critères de la DGF, faire le lien entre l'usage de la commune et la contribution des citoyens.
M. Rémy Pointereau. - La perte d'autonomie des départements a commencé en 2001, sous Lionel Jospin, avec la création de l'APA, compensée à 50 % seulement. En 2015, sous le gouvernement Valls, près de 18 milliards d'euros ont été ponctionnés ; peu s'en souviennent, à gauche... (Sourires) Les départements sont à l'os. Modérons toute nouvelle ponction !
M. Rémi Féraud . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le Gouvernement fait peser l'essentiel de l'effort budgétaire sur les métropoles, les grandes villes, les agglomérations - pénalisant au passage les petites communes membres de grandes intercommunalités.
Vous oubliez que les grandes villes sont en première ligne face à la crise sociale, qu'elles investissent massivement dans la transition écologique, qu'elles portent une grande part de l'investissement public comme du service public : ce serait une folie de sacrifier leurs recettes de fonctionnement, qui servent à l'autofinancement des investissements.
Quel levier êtes-vous prêts à utiliser pour rectifier la copie du Gouvernement ? La cotisation à la CNRACL ? Le FCTVA ? La DGF ? On pourrait aussi rendre de l'autonomie fiscale en déplafonnant la taxe d'habitation sur les résidences secondaires ou la taxe de séjour.
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Ancienne présidente d'un EPCI qui comptait douze communes de moins de 100 habitants autour d'une ville-centre, je connais bien les charges de centralité, d'autant que les villes-centres portent le logement social. C'est pourquoi les critères prennent en compte la DSU ou le Fpic.
Les EPCI investissent et participent à la commande publique. Le FCTVA est donc une des réponses.
Plutôt que la taxe sur les résidences secondaires ou la taxe de séjour, lançons la réflexion sur la consommation de la ville, sur la participation des habitants à son fonctionnement.
M. Rémi Féraud. - La prise de conscience est là, mais, plus qu'une réflexion, il faut agir dans le PLF 2025.
Paris, à la fois ville et département, a une DGF égale à zéro, et une péréquation de 800 millions d'euros. La facture de 300 millions que lui présente le Gouvernement n'est ni raisonnable ni juste.
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Paris a les DMTO, contrairement aux autres communes.
M. Rémi Féraud. - Oui, mais Paris étant à la fois ville et département, subit une double peine ! Nous comptons sur vous.
M. Jean-Baptiste Blanc . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Un récent rapport de la Cour des comptes sur la DGF souligne sa complexité - 18 composantes, 260 données, des paramètres de calcul incomplets et imprécis - pour ne pas dire son opacité. Notant que la DGF corrige mal les inégalités territoriales, la Cour invite à passer du paramétrique au systémique. Entendez-vous changer le système et repenser la gouvernance locale pour mêler le vertical et l'horizontal, en recherchant le transversal ? (M. Jean-François Husson tente d'illustrer le propos avec les bras ; sourires.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - C'est un cours de géométrie ! (M. Claude Raynal renchérit.)
Mme Catherine Vautrin, ministre. - En effet, la DGF comprend des notions historiquement déconnectées de la réalité des territoires. Ce PLF comporte quelques petites mesures - un indicateur de longueur de voirie, un indicateur de logements sociaux - sans doute insuffisantes mais néanmoins concrètes. Il faut dire que le temps nous était compté. Nous continuerons le débat, avec Laurent Saint-Martin, dès la fin du budget, afin d'apporter des réponses dans le PLF 2026.
Mme Marie-Do Aeschlimann . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Gouvernement impose aux collectivités une contribution de 5 milliards d'euros - en réalité, 9 à 10 milliards - pour maîtriser le déficit public, malgré les efforts consentis ces dernières années : fonte de la DGF en 2014, plafonnement de leurs dépenses et suppression de la taxe d'habitation en 2018.
Elles sont aux côtés de l'État lors de toutes les crises, mais celui-ci continue de se désengager, en leur transférant de plus en plus de missions : petite enfance, sécurité, santé, transition écologique, soutien à l'économie. Exsangues, elles n'ont plus de marge de manoeuvre.
Un énième effort est demandé aux collectivités dont le budget de fonctionnement dépasse 40 millions d'euros, indépendamment de la qualité de leur gestion financière. Dans les Hauts-de-Seine, cette ponction aveugle atteint 102 millions pour le bloc communal et le département.
Les collectivités sont prêtes à participer à l'effort national, mais souhaitent que leur contribution soit calculée justement. Peut-on remplacer le critère du volume de dépenses de fonctionnement par celui de l'évolution de ces dépenses ? (M. Rémy Pointereau applaudit.)
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Le montant est élevé, mais n'atteint pas 9 ou 10 milliards d'euros. Le PLF prévoit un effort de 20 milliards d'euros pour l'État, de 15 milliards pour le social, et de 5 milliards pour les collectivités. Si l'on ajoute les 1,5 milliard de la contribution à la CNRACL, on atteint 6,5 milliards d'euros.
Cela dit, je vous entends. J'ai d'ailleurs vu le président du département des Hauts-de-Seine hier.
La définition adéquate de la bonne gestion est un sujet difficile. On se souvient que les contrats de Cahors, à l'époque, devaient reconnaître les bons gestionnaires... On y a vite mis le holà.
La libre administration des collectivités territoriales est nécessaire. Travaillons sur la DGF, le pouvoir de taux, la consommation du territoire, afin que chacun mesure que rien n'est gratuit.
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Et la prime à la bonne gestion ?
M. Hervé Reynaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La ponction de 5,5 milliards d'euros sur des collectivités locales, déjà fragilisées par la baisse des dotations, n'est pas acceptable. Il faut trouver de nouveaux leviers pour financer l'investissement, sachant que les collectivités représentent 58 % de l'investissement public, avec 54 milliards d'euros en dépenses d'équipement en 2022.
La suppression totale de la taxe d'habitation en 2023 représente une perte de recettes de plus de 20 milliards d'euros. Il est urgent de rendre aux communes le pouvoir d'agir et de maîtriser leurs recettes.
Le Gouvernement envisage une réforme de la fiscalité locale en 2025. Quelles en seraient les pistes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Catherine Vautrin, ministre. - L'autonomie fiscale est liée au pouvoir de taux. La perte de cette autonomie est allée de pair avec la perte progressive des impôts perçus localement.
Nous étudions plusieurs pistes : une contribution citoyenne par exemple, qui devrait être corrélée à une réforme de la DGF. Mettons-nous au travail, après le budget, avec les parlementaires et les associations d'élus, pour rendre aux collectivités une recette nouvelle liée au territoire.
M. Hervé Reynaud. - La libre administration des communes implique l'autonomie fiscale. Attention au risque d'effet récessif, et au découragement des élus locaux : le nombre de démissions est un mauvais signal. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Élue moi-même, je suis très sensible à cette question. Le découragement est multifactoriel : il y a la dimension financière, mais aussi la hausse des violences. Nous devons agir sur l'ensemble, pour une juste reconnaissance de l'engagement des élus.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances . - L'exercice a été utile : toutes les opinions ont pu s'exprimer, comme toujours au Sénat. Merci à Mme la ministre d'avoir joué le jeu.
Nous sommes tous conscients des difficultés de nos départements, entre chute des DMTO et hausse des dépenses contraintes, notamment les AIS ou l'aide sociale à l'enfance (ASE).
La diminution du taux de FCTVA ne convainc guère. Elle risque de réduire l'investissement local, indispensable pour soutenir le tissu économique de nos territoires et relever le défi de la transition écologique, et fait dépendre les décisions d'investissement des collectivités d'un accord préalable de l'État. Un maire doit pouvoir mettre en oeuvre ses projets sans attendre un financement de l'État !
Sur le fonds de réserve prévu à l'article 64 du PLF, aucune réponse satisfaisante n'a été apportée à ce stade.
Pourquoi débattre de la juste contribution des collectivités territoriales au redressement des comptes publics ? Le déficit public ne vient pas d'elles, nous en sommes tous d'accord.
À mes yeux, il traduit l'échec de la politique consistant à réduire les impôts sans réduire en parallèle les dépenses - à défaut d'avoir une croissance suffisante. La suppression de la taxe d'habitation, poursuivie même en temps de crise, a réduit les recettes de 20 milliards d'euros. La suppression de la CVAE, rompant le lien entre fiscalité et aménagement du territoire, les a réduites de 5 milliards d'euros.
Ce n'est pourtant pas faute d'avoir prévenu les gouvernements successifs des conséquences pour les finances publiques ! La suppression de la taxe d'habitation n'a pas eu l'effet escompté sur la consommation des ménages, qui ont préféré épargner cet argent pour le jour où on le leur redemanderait. Ce jour est venu. (Sourires) Idem pour la CVAE : les entreprises n'ont pas davantage investi.
Ces baisses d'impôts ne pouvaient perdurer avec le retournement de la conjoncture. Nous en payons le prix. À ceux qui en ont bénéficié à l'époque de payer maintenant ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Rémy Pointereau et Mme Marie-Do Aeschlimann applaudissent également.)
La séance est suspendue quelques instants.