Disponible au format PDF Acrobat


Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Hommage à MM. Claude Huriet et Jean-François Picheral, anciens sénateurs

Questions d'actualité

Mercosur (I)

M. Laurent Duplomb

Mme Sophie Primas, ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l'étranger

Black-out en Guadeloupe

M. Dominique Théophile

M. François-Noël Buffet, ministre chargé des outre-mer

Désenclavement de la Loire

M. Pierre Jean Rochette

M. François Durovray, ministre délégué chargé des transports

Marseille en grand

Mme Mireille Jouve

Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation

Avenir de la fonction publique

Mme Laurence Rossignol

M. Guillaume Kasbarian, ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l'action publique

Poids des marchés financiers

M. Éric Bocquet

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation

Narcotrafic (I)

Mme Anne-Sophie Patru

M. Othman Nasrou, secrétaire d'État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations

Narcotrafic (II)

M. Guillaume Gontard

M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice

Directive Retour

M. André Reichardt

M. Othman Nasrou, secrétaire d'État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations

Accès aux soins

Mme Annie Le Houerou

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins

Fusion des aides aux collectivités

M. Laurent Somon

Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation

Salut à une délégation du Bundesrat

Questions d'actualité (Suite)

Taux de mercure dans le thon en conserve

Mme Élisabeth Doineau

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation

Simplification et réduction du nombre des agences de l'État

Mme Pauline Martin

M. Guillaume Kasbarian, ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l'action publique

Mercosur (II)

M. Serge Mérillou

Mme Sophie Primas, ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l'étranger

Hijab dans le sport

M. Stéphane Piednoir

M. Gil Avérous, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative

Intempéries dans le Var

Mme Françoise Dumont

Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation

Délégation (Nomination)

Prise en charge intégrale des soins liés au traitement du cancer du sein

Discussion générale

Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure de la commission des affaires sociales

Mme Solanges Nadille

Mme Véronique Guillotin

Mme Anne-Sophie Romagny

Mme Céline Brulin

Mme Anne Souyris

Mme Corinne Féret

Mme Corinne Bourcier

M. Alain Milon

Mme Alexandra Borchio Fontimp

Discussion des articles

Article 1er

Mme Sylvie Valente Le Hir

Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance

Mme Silvana Silvani

Après l'article 1er

Article 1er bis

Mme Marianne Margaté

Article 1er ter

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales

Article 1er quater

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales

Article 1er quinquies

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales

Mme Cécile Cukierman

Après l'article 1er quinquies

Intitulé de la proposition de loi

Vote sur l'ensemble

Mme Corinne Féret

Mme Frédérique Puissat

Charte des services publics

Discussion générale

Mme Cécile Cukierman, auteure de la proposition de loi constitutionnelle

Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois

M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice

M. Michel Masset

Mme Olivia Richard

M. Ian Brossat

M. Grégory Blanc

Mme Laurence Harribey

M. Pierre Jean Rochette

M. Stéphane Le Rudulier

Mme Salama Ramia

Discussion des articles

Article 1er

M. Pascal Savoldelli

Mme Cécile Cukierman

Article 2

Mme Cécile Cukierman

Plan budgétaire et structurel national à moyen terme et sur l'orientation des finances publiques

M. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances

M. Claude Raynal, président de la commission des finances

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales

M. Vincent Delahaye

M. Pascal Savoldelli

M. Grégory Blanc

M. Victorin Lurel

M. Marc Laménie

M. Jean-Raymond Hugonet

Mme Patricia Schillinger

M. Raphaël Daubet

Mme Florence Blatrix Contat

M. Stéphane Le Rudulier

M. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Ordre du jour du mardi 5 novembre 2024




SÉANCE

du mercredi 30 octobre 2024

12e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Marie-Pierre Richer, M. Mickaël Vallet.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Hommage à MM. Claude Huriet et Jean-François Picheral, anciens sénateurs

M. le président.  - C'est avec tristesse que nous avons appris lundi le décès de notre ancien collègue Claude Huriet, sénateur de la Meurthe-et-Moselle de 1983 à 2001, qui siégea au sein du groupe de l'Union centriste des démocrates de progrès puis de l'Union centriste et fut questeur du Sénat de 1998 à 2001.

Ce médecin de formation, professeur agrégé à la faculté de médecine de Nancy, était un grand humaniste. Pionnier, il s'impliqua sur des sujets qui demeurent d'actualité : la lutte contre le cancer, les greffes, ou encore les questions de bioéthique.

Il créa ainsi le centre d'hémodialyse de Nancy où il réalisa les premières transplantations rénales. Il présida l'Institut Curie jusqu'en 2013, et siégea notamment au comité international de bioéthique de l'Unesco entre 2002 et 2006.

Au Sénat, il s'investit tout naturellement sur les questions de santé et de bioéthique au sein de la commission des affaires sociales, dont il fut vice-président.

Nous nous souvenons bien sûr de la loi de 1988 qui porte son nom, ainsi que celui de notre ancien collègue Franck Sérusclat, sur la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales. Il fut également rapporteur de la loi de 1996 sur les thérapies géniques et cellulaires ou encore de la loi de 1998 sur le renforcement de la veille sanitaire et le contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme.

Au nom du Sénat tout entier, je veux assurer sa famille et ses proches, ainsi que le président et les membres du groupe de l'Union centriste, de notre sympathie.

C'est également avec une profonde tristesse que nous avons appris, le 12 octobre dernier, le décès de notre ancien collègue Jean-François Picheral, qui fut sénateur des Bouches-du-Rhône de 1998 à 2008.

Médecin radiologue de profession, il siégea au conseil général des Bouches-du-Rhône et fut élu maire d'Aix-en-Provence en 1989. Durant ses deux mandats de maire, Jean-François Picheral a contribué au lancement de projets structurants pour sa ville, tels que la requalification du cours Mirabeau ou encore l'implantation de la gare TGV sur le plateau de l'Arbois.

Élu sénateur le 27 septembre 1998, Jean-François Picheral fut secrétaire de la commission des affaires culturelles et vice-président de l'office parlementaire d'évaluation des politiques de santé.

Il a initié la proposition de loi dite « Français par le sang versé », adoptée en décembre 1999, qui permet à tout étranger, engagé dans les armées françaises, blessé au combat, notamment aux légionnaires, de devenir Français de plein droit, sur proposition du ministre de la défense. Il voyait dans le fait de servir sous les drapeaux une preuve incontestable de l'attachement porté à notre pays et aux valeurs démocratiques qui fondent la société française. Jean-François Picheral a contribué à tisser ce lien si particulier entre le Sénat et la Légion étrangère, tel que nous le vivons chaque 13 juillet au jardin du Luxembourg.

Au nom du Sénat tout entier, je salue la mémoire d'un homme engagé pour son territoire et ses habitants, et j'adresse mes condoléances les plus sincères à sa famille et à ses proches.

Ces deux anciens collègues ont beaucoup apporté à notre assemblée.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

J'excuse l'absence du Premier ministre qui ne peut être présent aujourd'hui. Notre Assemblée lui témoigne toute sa sympathie.

Il m'a confirmé qu'il serait bien présent parmi nous jeudi 7 novembre prochain à 10 h 30 pour participer à la séance de commémoration du 80e anniversaire de la réunion de l'Assemblée consultative provisoire au palais du Luxembourg. Mes chers collègues, je compte donc sur votre présence jeudi prochain.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Mercosur (I)

M. Laurent Duplomb .  - (Applaudissements et marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains) C'est une première dans l'histoire du Sénat, mais la menace qui pèse sur les agriculteurs le justifie : ma question s'adresse non au Gouvernement, mais au Président la République ! (Murmures à gauche)

Au début de cette année, avant les élections européennes, c'est lui qui promettait la suspension des négociations sur le Mercosur, et nous assurait qu'il y aurait des clauses miroirs. (M. Rachid Temal s'exclame.) Nous avions pourtant rejeté le Ceta pour cette raison.

C'est lui qui a le pouvoir de bloquer cet accord ; en effet, en dépit de la désinformation, la France a encore un droit de veto. Comme l'a dit la ministre Primas le 22 octobre dans la presse, un accord mixte nécessite une approbation à l'unanimité au Conseil de l'Union européenne.

M. Fabien Gay.  - Et au Parlement !

M. Laurent Duplomb.  - Si la Commission entend contourner ce veto, aucune décision n'a encore été prise sur le fait de scinder l'accord. La France a toute légitimité à s'y opposer. Face à cette attitude méprisante de la Commission, pourquoi, monsieur le Président de la République, n'utilisez-vous pas votre veto ? (Protestations à gauche et sur les travées du RDPI)

Combien de temps allez-vous nous contraindre à regarder périr nos agriculteurs ? La Commission européenne piétine la démocratie ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, CRCE-K et du GEST)

Mme Sophie Primas, ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l'étranger .  - Je ne vous apprendrai rien : je ne suis pas le Président de la République... (Rires ; « Pas encore ! » à droite)

Le Premier ministre et le Gouvernement dans toutes ses composantes font front face aux bruits qui courent. Depuis 2019, les négociations n'ont pas beaucoup évolué. Nous faisons barrage, car nous souhaitons avant tout que l'accord de Paris soit intégré à l'accord avec le Mercosur. En cas de violation, nous pourrions ainsi le suspendre.

Quant à l'accord d'association, il doit être aligné avec les compétences des États membres. Nous ne voulons pas de scission de l'accord : les parlements doivent être interrogés.

L'accord doit être aligné avec la nouvelle politique de l'Union européenne qui concilie commerce et développement durable, en faveur d'un alignement des normes vétérinaires et phytosanitaires.

Nous connaissons la colère des agriculteurs. Nous en appelons - comme je l'ai fait à l'Assemblée nationale - à la mobilisation de tous. Chacun d'entre vous, de toutes les travées, peut convaincre les députés européens, les associations environnementales (M. Yannick Jadot s'exclame), les agriculteurs de tous les pays qu'un autre accord est possible. J'appelle à une mobilisation générale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur quelques travées du RDPI et du groupe INDEP)

Black-out en Guadeloupe

M. Dominique Théophile .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Monsieur le ministre, la Guadeloupe a été plongée dans une crise sans précédent, avec un black-out de 48 heures qui a laissé 230 000 foyers sans électricité, livrés à eux-mêmes, à la suite de l'arrêt de la centrale de Jarry. Nos concitoyens ont vécu dans l'angoisse et l'insécurité : pillages, saccages et vandalismes se sont multipliés malgré le couvre-feu imposé par le préfet. Certains ont été jusqu'à attaquer une bijouterie à la pelle mécanique en plein centre-ville !

Imaginez des enfants terrifiés, des malades en détresse dans des hôpitaux fonctionnant sur des générateurs d'urgence à l'autonomie incertaine... Cela a révélé la vulnérabilité de nos territoires face aux tensions sociales et aux crises énergétiques. Comment en 2024 des citoyens peuvent-ils être abandonnés dans le noir et l'impuissance ? Je condamne sans concession ces actes de sabotage injustifiables. Il faut retrouver le chemin du dialogue.

Quelles mesures seront prises pour que de tels événements ne puissent plus se reproduire ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; Mme Anne-Sophie Patru applaudit également.)

M. François-Noël Buffet, ministre chargé des outre-mer .  - Je m'associe à vos propos : nos compatriotes guadeloupéens ont vécu une situation très difficile. Ces violences sont inadmissibles - comme celles qu'ont connues, dans une moindre mesure, la Martinique et La Réunion.

Un accord social était sur le point d'aboutir entre EDF et les salariés. Aucune intrusion forcée au sein des entreprises n'a eu lieu ; ce sont des personnels déjà présents dans l'entreprise qui ont arrêté les moteurs et mis certains de leurs collègues en danger.

Les discussions se sont ouvertes entre les salariés et EDF ; le préfet a immédiatement réquisitionné les personnels pour reprendre la production d'électricité. Le procureur a engagé des poursuites et une plainte a été déposée par EDF.

Nous veillons à ce que le calme revienne. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Désenclavement de la Loire

M. Pierre Jean Rochette .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Toute la France le sait : Lyon ne peut se passer de Saint-Étienne (sourires) : 20 000 voyageurs par jour sur la ligne ferroviaire et des échanges économiques importants, malgré une A47 saturée régulièrement.

Le sujet n'est pas local, mais national. Depuis les inondations, nous vivons au ralenti. Depuis l'abandon de l'A45, il n'y a pas eu de remède miracle. Les mesures compensatoires ne sauraient relever le défi de la mobilité entre Saint-Étienne et Lyon.

J'en appelle à votre sollicitude sur un sujet que vous maîtrisez parfaitement : réunissez les opérateurs, les collectivités territoriales pour proposer un nouveau schéma de mobilité, comme vous l'avez fait parfaitement dans votre département de l'Essonne, avec les cars express.

C'est un sujet important pour les Foréziens : toute la Loire vous écoute ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. François Durovray, ministre délégué chargé des transports .  - J'ai d'abord une pensée pour les habitants ayant vécu ces événements, ainsi que pour les agents du service public qui ont travaillé à restaurer les circulations.

Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour la régénération des infrastructures ferroviaires, mais aussi pour leur adaptation au changement climatique.

À la demande du Premier ministre et de la ministre Catherine Vautrin, j'organiserai au début de l'année prochaine une conférence sur le financement des mobilités qui permettra de trouver plus de moyens. (Mme Cécile Cukierman ironise.)

Sur la route, nous devons mettre plus de monde dans moins de véhicules - c'est l'enjeu du plan Cars express que j'ai l'intention de présenter au début de l'année 2025. J'espère que les débats parlementaires de l'automne permettront de trouver des solutions juridiques et financières pour créer ces solutions rapides à mettre en oeuvre, peu coûteuses, écologiques, pour Lyon, Saint-Étienne et au-delà. (M. Bernard Jomier ironise.)

M. Pierre Jean Rochette.  - Nous aurons l'occasion d'en reparler... Je remercie les membres du Gouvernement qui se sont déplacés dans mon département. (Marques d'ironie sur les travées du groupe SER)

Cela ne fait pas tout, bien sûr, mais cela met un peu de baume au coeur ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)

Marseille en grand

Mme Mireille Jouve .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Nicole Duranton applaudit également.) Le plan Marseille en grand, estimé à 5 milliards d'euros, est une réponse forte de l'État pour rattraper les retards affectant les services structurants à Marseille, tels que l'école, les transports, le logement ou encore la sécurité.

Pourtant, le 21 octobre dernier, la Cour et la Chambre régionale des comptes ont publié un document de 180 pages qui a mis le feu aux poudres. Je ne céderai pas à la critique facile, mais un tel plan est un défi considérable : Marseille est la porte d'entrée de l'Europe vers la Méditerranée. Ne gâchons pas cette chance de renaissance pour la deuxième ville de France, qui rejaillirait sur les communes voisines, la région et toute la France.

Suivrez-vous la préconisation de la Cour des comptes de créer une superstructure de gouvernance accompagnant le versement des 5 milliards d'euros promis par le Président de la République ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation .  - Vous avez raison : Marseille en grand est une vision partagée par le Président de la République pour apporter des réponses à la deuxième ville de France.

Le rapport rendu le 21 octobre dernier date en fait du deuxième semestre 2023 ; j'insiste sur ce point, car il s'est passé beaucoup de choses en dix mois. Je salue l'action des élus et des services de l'État autour du préfet Mirmand, avec un engagement de 90 % des crédits. Six écoles ont été livrées à la rentrée et quatre devraient suivre. Je parlais ce matin encore avec Valérie Létard du logement, pour lequel 600 millions d'euros sont mobilisés.

Une coordination doit être mise en place, sous la conduite du Premier ministre, avec tous les services de l'État et les élus, la région, le département, la métropole et la ville de Marseille.

M. Mickaël Vallet.  - Quand même !

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - C'est comme cela que nous apportons des réponses pour le quotidien des Marseillais. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Mireille Jouve.  - Les communes voisines n'ont pas les reins assez solides pour soutenir la ville centre qu'est Marseille. Nous attendons les financements et une vraie gouvernance. (Applaudissements sur quelques travées du RDSE)

Avenir de la fonction publique

Mme Laurence Rossignol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Grégory Blanc applaudit également.) Monsieur le ministre Kasbarian, vous avez en charge la fonction publique ; aussi pourrait-on imaginer que vous veilliez à son efficacité, que vous vous assuriez par exemple qu'il y ait un enseignant devant chaque élève - dans le Val-de-Marne, on en est loin ! (Murmures à droite)

On pourrait imaginer que vous envisagiez de recruter des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) ou des cadres territoriaux, que vous veilliez à ce que des policiers ne se suicident plus et que les magistrats ne meurent plus d'épuisement en pleine audience, que vous redonniez le goût aux Français de s'engager dans la fonction publique...

Or depuis votre prise de fonctions, vous n'avez que le mépris à la bouche. (M. Guillaume Kasbarian fait non de la tête ; murmures indignés à droite) À coups de fake news sur les arrêts maladie et les prétendus privilèges et de comparaison mensongère entre le privé et le public, vous faites porter aux fonctionnaires la dégradation du service public que vous avez méthodiquement organisée depuis 2017. (Applaudissements à gauche)

Êtes-vous là pour détruire la fonction publique, l'offrir au privé et éteindre derrière vous les lumières de la République ? (Applaudissements à gauche ; « Oh » à droite)

M. Guillaume Kasbarian, ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l'action publique .  - Je n'ai jamais eu le moindre mépris pour les fonctionnaires de notre pays. Je salue le travail des 5,7 millions d'agents. (On fait mine de jouer de la flûte à gauche.) Je partage les objectifs que vous avez cités, notamment celui d'offrir le meilleur service aux usagers. (Marques d'ironie sur les travées du groupe SER)

Parmi les différents sujets à traiter figure celui de l'absentéisme : 77 millions de jours d'absence sont comptabilisés, contre 43 millions il y a quelques années.

M. Pascal Savoldelli.  - Le Gouvernement a été absent un bon moment, lui aussi !

M. Guillaume Kasbarian, ministre.  - Pas moins de 14,5 jours d'arrêt sont comptés pour la fonction publique, contre 11 dans le privé.

J'ai donc présenté un plan de lutte contre l'absentéisme qui va dans le sens d'un alignement sur le privé : passage à trois jours de carence et à 90 % de prise en charge. (Protestations à gauche ; applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Mais il y a aussi des mesures d'accompagnement : ergonomie des postes, lutte contre les risques psychosociaux, contre la bureaucratie qui pénalise parfois les agents eux-mêmes (protestations redoublées à gauche), ou encore amélioration de la protection fonctionnelle. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

Mme Laurence Rossignol.  - Nous ne parlons pas d'absentéisme, mais d'arrêts maladie. L'absentéisme, ce sont les lycéens qui sèchent... (Applaudissements à gauche ; huées à droite) Vous parlez d'enlever 320 euros brut à chaque fonctionnaire en arrêt maladie de cinq jours. Qu'est-ce que vous les aimez ! (Applaudissements à gauche)

Poids des marchés financiers

M. le président.  - Notre collègue Éric Bocquet, sénateur du Nord depuis 2011, a décidé de cesser ses fonctions à compter du 1er novembre prochain afin de laisser la place à une nouvelle génération. Je le remercie pour son engagement au sein du bureau du Sénat en tant que secrétaire, et au sein de la commission des finances, dont il a été un vice-président et un membre reconnu et apprécié.

Il a contribué à de nombreux travaux du Sénat sur les sujets financiers et fiscaux, en particulier en tant que rapporteur de la commission d'enquête sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales. Je lui souhaite le meilleur pour la suite à Marquillies - je connais bien la ville désormais.

Dans le message qu'il nous adresse à tous, il souhaite que le Sénat « poursuive le combat incessant pour nos communes, premier échelon de la République, si utiles dans des temps si incertains. » Nous pouvons le partager. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent longuement.)

M. Éric Bocquet .  - Merci monsieur le Président, vous êtes un très bon chauffeur de salle ! (Sourires)

Le 28 octobre 1966, lors d'une conférence de presse, le général de Gaulle eut cette formule célèbre : « La politique de la France ne se fait pas à la corbeille ».

Le débat budgétaire est engagé au Parlement. Sur mon chevet de droite, j'ai Les Échos, et sur celui de gauche, l'excellent journal L'Humanité. (Sourires) Il y a quelques jours, Les Échos titrait : « La France et l'Italie sous la surveillance des marchés et des agences de notation. » Deuxième lame le lendemain : « Michel Barnier se lance dans la bataille politique, sous l'oeil des marchés financiers ».

Madame la ministre, vous êtes membre du Gouvernement, mais est-ce bien vous qui gouvernez ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST)

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation .  - C'est un honneur de répondre à votre dernière question d'actualité, après treize ans d'exercice passionné de votre mandat sénatorial. Chacun connaît vos combats contre l'évasion et la fraude fiscale, enjeux essentiels du pacte républicain.

Vous avez évoqué notre souveraineté. Notre dette est certes importante quantitativement, mais elle a pour atout une base extrêmement large : investisseurs privés, banques, assureurs, banques centrales. Une large majorité des prêteurs vient de la zone euro, dont un quart de Français ; le dernier quart est hors zone euro.

N'avoir qu'un seul prêteur est risqué, ce n'est notre cas.

Un titre de dette ne donne aucun droit sur la conduite de la politique de la France, ce n'est pas une action. Le seul droit de l'investisseur est d'être remboursé.

Au nom du Gouvernement, je vous remercie pour votre engagement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Éric Bocquet.  - Voilà des décennies que nous subissons le chantage à la dette publique. L'an prochain, vous allez réemprunter 306 milliards d'euros, un record, et verserez 55 milliards d'euros d'intérêts aux marchés financiers. La République est chez Cofidis !

Les gouvernements ont désarmé fiscalement l'État : en supprimant des impôts, nous avons perdu des milliards qui manquent aujourd'hui pour rééquilibrer le budget. Cela fait cinquante ans que cela dure. Il est temps de redonner à la République sa souveraineté fiscale et budgétaire.

La dette, c'est le revolver de la finance qui met en joue les populations ! Comme disait John Adams, le deuxième président des États-Unis : « il y a deux manières de conquérir et d'asservir une nation : l'une est par les armes, la deuxième par la dette. » (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, du GEST et sur quelques travées du RDSE et du groupe UC)

Narcotrafic (I)

M. le président.  - Je salue Mme Anne-Sophie Patru, c'est sa première question au Sénat.

Mme Anne-Sophie Patru .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Samedi 26 octobre au matin, des rafales sont entendues dans le quartier de Maurepas à Rennes. Alors que des hommes ont été vus armés, un homme de 29 ans, connu de la police, quitte le quartier en voiture. Avec lui, son fils de 5 ans. Une course-poursuite s'amorce, des coups de feu éclatent, les assaillants s'enfuient. L'enfant est touché à la tête, son pronostic vital est toujours engagé. Nos pensées vont à sa famille. Cette fusillade marque un nouveau palier dans la violence et l'horreur du narcotrafic, malgré le travail quotidien des forces de l'ordre et de la justice, auxquelles je rends hommage.

Pour endiguer un tel fléau, les travaux ne manquent pas, notamment la proposition de loi de Jérôme Durain et Étienne Blanc.

Cette guerre, nous devons la mener de façon transpartisane, sans quoi s'imposera l'image d'un pays gangrené par le trafic de drogue.

Combien de temps la CRS 82 sera-t-elle présente en renfort dans notre département d'Ille-et-Vilaine ? Le 8 novembre prochain, annoncerez-vous le parquet national dédié, préconisé par nos collègues ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Othman Nasrou, secrétaire d'État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations .  - Ce drame est une tragédie absolue. J'ai à mon tour une pensée émue pour cette très jeune victime et sa famille. Qu'un enfant de 5 ans soit blessé par balle sur fond de règlement de comptes entre narcotrafiquants est insupportable.

Une voix à droite.  - Très bien !

M. Othman Nasrou, secrétaire d'État.  - Ce drame montre combien le ministre de l'intérieur a raison de dénoncer le narco-banditisme, que l'on peut même qualifier de narco-barbarie. Nous engageons tous les moyens possibles pour lutter contre ce fléau. La proposition de loi Blanc-Durain est une bonne base de travail.

La compagnie CRS 82 a été immédiatement dépêchée sur le terrain, et y restera le temps nécessaire pour assurer la tranquillité. Amaury de Saint-Quentin, nouveau préfet de la région, suit la situation de près. Le ministre de l'intérieur se rendra lui-même à Rennes vendredi prochain.

Il y a un lien entre consommation de drogue et développement des réseaux mafieux. Il faut le dire clairement : acheter de la drogue, c'est armer les trafiquants. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP) Ce combat prendra du temps, mais nous allons le gagner. (Mêmes mouvements)

Narcotrafic (II)

M. Guillaume Gontard .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) À Rennes, un enfant de 5 ans a été touché à la tête lors d'une fusillade ; à Grenoble, un jeune de 15 ans a été tué par balles ; à Marseille, un corps calciné a été retrouvé.

Le trafic de drogue s'est généralisé, et la violence avec. Les habitants, terrifiés, exigent la sécurité et y ont droit.

Si nous saluons l'action de la police, la stratégie actuelle est un échec. Les opérations « place nette » mobilisant 50 000 agents font moins bien que les opérations de pilonnage habituelles. Pire, le ministre de l'intérieur se défausse sur les communes, alors que les élus sont en première ligne, comme la maire d'Échirolles qui a courageusement fait évacuer l'immeuble du Carrare pour y démanteler un point de deal. Preuve que la coordination avec les élus locaux donne des résultats.

Le ministre de l'intérieur leur doit de la transparence sur les effectifs de police. À Grenoble, les postes supprimés par Nicolas Sarkozy viennent juste d'être rétablis, mais il en faudrait 110 de plus, et 500 dans le Rhône. La mairie de Lyon doit saisir la commission d'accès aux documents administratifs (Cada) pour connaître les effectifs réels. (Marques d'indignation sur les travées du groupe Les Républicains)

Écoutez les élus locaux ! Il n'y a pas une mais des réponses. Au lieu de diviser, fédérez ! Au lieu de vous agiter, agissez ! (Applaudissements sur les travées du GEST) Sécurité, justice, politique de la ville, prévention, santé et insertion ne s'opposent pas. Allez-vous traiter ce sujet dans sa globalité, faire confiance aux acteurs de terrain et donner des moyens aux collectivités ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Veuillez l'absence du Premier ministre, que je représente.

La criminalité organisée prend une ampleur inquiétante et fait peser une menace forte sur nous tous. C'est vrai aussi bien à l'échelle européenne que nationale et locale. De plus en plus de villes sont touchées. C'est un défi pour tous les élus de la République. Nous devons tous nous mobiliser.

Le Gouvernement s'est d'emblée saisi de la question ; c'est une priorité assumée par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale.

Comme garde des sceaux, c'est mon premier chantier, car la justice doit avoir plus de leviers pour lutter contre ce fléau. Nous ne partons pas de rien : des réflexions ont été menées au sein de mon ministère, et au Sénat avec la commission d'enquête menée par Étienne Blanc et Jérôme Durain. (M. Jacques Grosperrin s'impatiente.) La proposition de loi qui en découle contient de nombreuses pistes.

Je travaille en lien étroit avec le ministre de l'intérieur, Bruno Retailleau : nous agissons en complémentarité. (On ironise à droite.) La réponse passera forcément par un renforcement des moyens de l'État, en associant étroitement les élus locaux. Nous nous rendrons ensemble à Marseille le 8 novembre pour présenter des mesures. Je vous assure de la pleine détermination du Gouvernement pour lutter contre ce fléau. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Directive Retour

M. André Reichardt .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Au Maroc, le ministre Bruno Retailleau a conclu un accord sur le retour des déboutés du droit d'asile vers ce pays, tandis que Mme von der Leyen a annoncé une nouvelle directive Retour. Rapporteur du pacte européen sur la migration et l'asile pour la commission des affaires européennes, j'estime ces annonces importantes.

En 2023, 490 000 étrangers en situation irrégulière ont reçu l'ordre de quitter un État membre de l'Union européenne, mais seuls 90 000 d'entre eux ont fait l'objet d'un éloignement effectif - moins de 20 % ! Quel message délétère ! Poser le pied sur le sol européen, c'est quasiment être assuré de pouvoir s'y maintenir, nonobstant les décisions de justice. Nos concitoyens ont le sentiment que les États ont perdu le contrôle.

La politique de retour est un angle mort du pacte asile-migration. En matière d'éloignement, la France est loin du peloton de tête. Elle doit faire respecter ses frontières, les actes de son administration et les décisions de sa justice. Comment la France entend-elle entrer dans ces négociations, et avec quelles lignes de force ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Othman Nasrou, secrétaire d'État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations .  - Les lignes ont enfin bougé à l'échelle européenne sur la question des flux migratoires, nous l'avons vu lors du dernier Conseil Justice et affaires intérieures. Bien malin celui qui aurait pu distinguer les positions d'un ministre social-démocrate de celles d'un conservateur : tous ont insisté sur la nécessité de maîtriser les flux migratoires. C'est la feuille de route du ministre de l'intérieur, décidée par le Premier ministre.

La révision de la directive Retour est une excellente nouvelle, et sera inscrite à l'ordre du jour du 1er semestre 2025.

Nous travaillerons sur le délai incompressible du départ volontaire d'un étranger en situation irrégulière, et sur la nécessité de recueillir son accord pour être reconduit dans un pays où il est légalement admissible. Nous le devons à nos concitoyens. Le ministre de l'intérieur est déterminé à faire bouger les lignes. Nos concitoyens nous le demandent, nous le ferons.

M. Jacques Grosperrin.  - Très bien !

M. André Reichardt.  - Le fichier AGDREF (Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France) est inefficace ; vu son coût, le soutien aux associations d'aide aux migrants mériterait d'être évalué. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Accès aux soins

Mme Annie Le Houerou .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Hier, les personnels de santé et du médico-social vous ont demandé un plan d'urgence pour l'accès aux soins de tous et toutes.

Les hôpitaux évaluent à 6 % l'augmentation nécessaire de l'Ondam, mais vous ne proposez dans le PLFSS que la moitié... Alors que le secteur du grand âge chiffre à 1,4 milliard d'euros la simple survie des structures actuelles, les crédits prévus sont très insuffisants et la loi de programmation prévue par la loi Bien vieillir se fait attendre.

Les professionnels hospitaliers sont épuisés, au plan physique comme au plan moral. Les ratios soignants/patients qui garantiraient une bonne prise en charge ne sont pas assurés, l'investissement dans le service public est insuffisant et la financiarisation de la santé progresse. Délais d'attente toujours plus longs, prises en charge tardives, fermetures des services de proximité : notre système de santé publique s'effondre sous nos yeux.

Le coup de rabot prévu dans le PLFSS ne met-il pas à mal le principe même de notre sécurité sociale : chacun y contribue selon ses moyens et en bénéficie selon ses besoins ? Que répondez-vous au cri d'alarme des soignants et des patients ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins .  - Je trouve vos propos quelque peu excessifs. (Exclamations ironiques à gauche)

M. Franck Montaugé.  - Ils traduisent la réalité !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - L'Ondam augmente cette année de 9 milliards d'euros et, depuis 2019, la hausse est de 60 milliards. L'Ondam hospitalier se situera autour de 109 milliards d'euros, contre 80 milliards en 2017.

C'est un fait : nous avons progressivement augmenté toutes les dépenses de santé, pour faire face aux besoins liés notamment au vieillissement et au développement des maladies chroniques et de longue durée.

L'accès aux soins est pour moi une priorité. Il concerne l'hôpital, mais aussi la médecine de ville et toute l'organisation qui se met en place autour des communautés territoriales de praticiens et des services d'accès aux soins. La poursuite de cette construction est budgétée dans l'Ondam. Elle assurera un accès aux soins de premier recours, l'accès aux soins de deuxième recours étant assuré à l'hôpital.

Non, il n'y a pas de coup de rabot.

Mme Émilienne Poumirol.  - C'est pour ça que les personnels se mobilisent...

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - L'augmentation de 9 milliards d'euros est notable.

M. Mickaël Vallet.  - L'inflation, c'est tout !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - À nous d'utiliser cet argent le mieux possible, au service de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du groupe INDEP)

Mme Annie Le Houerou.  - Non, tout ne va pas si bien. Le service public de santé a besoin d'un plan d'urgence et d'une loi de programmation. Mais le Gouvernement préfère faire payer les fonctionnaires, les retraités et précariser les étudiants et les plus vulnérables. Sans compter que votre PLFSS ne prévoit rien pour la santé mentale ni pour la prévention. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)

Fusion des aides aux collectivités

M. Laurent Somon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Dhersin applaudit également.) Le Premier ministre nous a demandé de faire beaucoup avec peu et en partant de presque rien, sinon l'héritage d'un large endettement. Le défi est colossal : désendetter notre pays sans obérer son attractivité ni oublier les plus fragiles.

Les collectivités territoriales, qui assurent les services du quotidien et réalisent 60 % de l'investissement public, ont un rôle capital à jouer. Elles ne représentent que 8 % de l'endettement public, mais, pour leur permettre de garder une épargne brute suffisante, l'aide de l'État leur est nécessaire, via notamment la DETR, la DSIL et le fonds vert.

Pour faire face au covid, à l'inflation ou reconstruire Notre-Dame-de-Paris, le Gouvernement a su trouver des moyens pour accélérer les investissements et simplifier les normes et le circuit de décision. Cette méthode doit être reprise dans les circonstances actuelles.

Dans un rapport de 2021, la Cour des comptes a recommandé de simplifier le paysage institutionnel, les procédures et les normes, de mieux évaluer et mieux contrôler. L'architecture de la Lolf, fondée sur des programmes verticaux mettant en oeuvre des politiques nationales, entraîne des contraintes pour la territorialisation des crédits budgétaires. C'est ce que soulignent Charles Guené et Claude Raynal dans leur rapport de juillet 2022.

La fongibilité des dotations d'investissement en une seule enveloppe à disposition des services départementaux de l'État permettrait de soutenir l'investissement des collectivités et d'accélérer les projets, ce dont bénéficieront les entreprises locales.

Envisagez-vous de faire plus vite avec moins en partant d'une nouvelle organisation des moyens de l'État dans les territoires ? Êtes-vous favorable à la suppression des agences surnuméraires et à la fongibilité des crédits d'investissement, pour une répartition plus rapide et plus souple ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation .  - Les différentes dotations versées aux collectivités sont importantes. En ce qui concerne le fonds vert, les crédits consommés en 2023 se montent à 1,7 milliard d'euros. Le gel intervenu au début de cette année n'a pas permis d'atteindre les 2,4 milliards d'euros initialement envisagés. Quand nous commencerons à travailler sur ces questions, il conviendra de partir des crédits exécutés en 2024.

Je souscris totalement à la nécessité de simplifier, car les différents dossiers à monter sont sources d'une lourde complexité pour les maires ruraux. Mais nous n'allons pas changer l'ensemble des dotations du jour au lendemain. Travaillons sur le sujet avec les associations d'élus et sur la base du rapport Ravignon. Regardons la norme par son coût et décidons ensemble de ce qui peut être supprimé. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

Salut à une délégation du Bundesrat

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent.) Je suis heureux de saluer la présence dans notre tribune d'honneur d'une délégation du groupe d'amitié Allemagne-France du Bundesrat conduite par sa présidente, Mme Anke Rehlinger, qui présidera le Bundesrat à compter d'après-demain. (Applaudissements nourris)

La délégation est accompagnée par notre collègue Ronan Le Gleut, président du groupe d'amitié France-Allemagne du Sénat. (Applaudissements)

Par leur dialogue régulier, le Sénat et le Bundesrat apportent une contribution importante à la relation entre la France et l'Allemagne, ainsi qu'à celle de nos deux pays avec la Pologne dans le cadre du Triangle de Weimar des secondes chambres.

Cette rencontre fait suite à la visite de la présidente du Bundesrat, Mme Manuela Schwesig, à Paris en mai dernier. Nous nous sommes rendus ensemble aux célébrations du 79e anniversaire de la victoire du 8 mai 1945 et au mémorial de la Shoah, un moment particulièrement fort.

J'ai moi-même été invité à prendre la parole à Bonn devant le Président de la République fédérale et les ministres-présidents des Länder, le 7 septembre dernier, à l'occasion du 75e anniversaire du Bundesrat, dans l'enceinte où a été adoptée la Loi fondamentale allemande et où s'est tenue la première session de la chambre haute. Ce moment de commémoration fut également tourné vers l'avenir, pour réaffirmer notre ancrage européen commun et, plus que jamais, la pertinence du couple franco-allemand.

Pour prolonger cet élan, les commissions des affaires européennes de nos deux chambres ont tenu des réunions conjointes à Stuttgart et à Strasbourg.

À l'agenda des discussions de leur rencontre, nos groupes d'amitié ont retenu plusieurs sujets d'actualité, dont les frontières, l'immigration et la coopération en matière d'intelligence artificielle, autant de défis d'intérêt commun. Nous réfléchissons par ailleurs au développement de nouveaux partenariats décentralisés innovants.

Madame la présidente Rehlinger, nous nous réjouissons vivement de nos rencontres à venir. (Applaudissements nourris)

Questions d'actualité (Suite)

Taux de mercure dans le thon en conserve

Mme Élisabeth Doineau .  - (Applaudissements sur des travées du groupe UC) Consommatrices et consommateurs, nous sommes inquiets des résultats de l'enquête sur la présence de mercure dans le thon. Chacun d'entre nous en consomme, en moyenne, 4,9 kg par an. Qui n'a jamais ouvert une boîte de thon ?

L'ONG Bloom en a ouvert 148 boîtes, dans cinq pays différents : toutes contiennent du méthylmercure et 10 % présentent une teneur supérieure au seuil limite.

Or le méthylmercure est très toxique : cancérigène, il peut aussi altérer les reins et entraîner des conséquences cardiovasculaires. Selon l'OMS, le mercure consommé par les femmes enceintes a des effets préjudiciables sur le cerveau en développement du foetus.

Nous devons protéger les consommateurs.

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Élisabeth Doineau.  - Comment le Gouvernement compte-t-il agir ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ainsi que sur de nombreuses travées du GEST et du groupe INDEP)

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation .  - Vous vous faites l'écho des préoccupations des consommateurs français après la parution de l'enquête de Bloom et de Foodwatch. Ma collègue Annie Genevard a pris cette question à bras-le-corps dès la parution des résultats.

Deux questions, en réalité, se posent. La première, sur les contrôles sanitaires. Les services du ministère de l'agriculture s'assurent du respect des plans de maîtrise sanitaire et de la mise en oeuvre des mesures de correction éventuellement nécessaires.

La question se pose ensuite de la réglementation. Pour chaque espèce de poisson, les teneurs maximales en mercure sont fixées au niveau européen, sur la base de données scientifiques et pour assurer la sécurité des consommateurs.

Lorsque les deux ONG nous auront remis leurs résultats, nous examinerons ce qu'il y a lieu de faire sur ces deux plans.

Simplification et réduction du nombre des agences de l'État

Mme Pauline Martin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Quel bonheur de prendre la parole en ayant quasiment l'assurance de faire l'unanimité...

Ademe, Anact, Anah, ANCT, Anru, ANSP, Anses, agences de l'eau, Afpa, ARS, EPFI et autres comités Théodule - il y en aurait jusqu'à 1 200 - emploient plus de 450 000 personnes et ont coûté 80 milliards d'euros en 2023, contre 50 en 2012, tout en excellant dans l'engraissement des cabinets d'études. (Applaudissements à droite ; Mme Kristina Pluchet renchérit.) Ce constat vaut aussi pour les collectivités, friandes de Gips, Sem et autres agences de développement.

Réfléchir aux agences, c'est réfléchir à l'État, d'après le rapport annuel du Conseil d'État pour 2012. Douze ans plus tard, réfléchir ne suffit plus.

Au moins cinq agences sont chargées de l'agriculture et de l'alimentation. De même pour la biodiversité et l'environnement. Des entités différentes opèrent souvent indépendamment sur les mêmes sujets. Si vous êtes perdus dans les acronymes, vous reconnaîtrez le Cerema à son cahier des charges coûteux et inapplicable. (On renchérit à droite ; protestations sur les travées du GEST)

Mais nous entrevoyons une lueur d'espoir avec le ministère de la simplification et de la transformation de l'action publique. Un état des lieux est urgent, pour rationaliser cette débauche de bonnes volontés à l'aune de la sobriété budgétaire.

Nous avons entendu les engagements du Premier ministre et les vôtres, monsieur le ministre. Comment comptez-vous faire bouger les lignes ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC ; murmures désapprobateurs sur de nombreuses travées à gauche)

M. Guillaume Kasbarian, ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l'action publique .  - Il y a quelques jours, vous avez largement adopté le projet de loi de simplification de la vie économique, qui a vocation à prospérer à l'Assemblée nationale. Il contient une accroche qui permettra d'aller plus loin dans la suppression des comités dits parfois Théodule.

M. Didier Marie.  - L'Ademe n'est pas un comité Théodule !

M. Guillaume Kasbarian, ministre.  - Vous pouvez compter sur moi pour avancer le plus possible dans la rationalisation de ces structures, mais aussi, sur la base d'un travail de fond, des agences.

M. Hussein Bourgi.  - McKinsey les remplacera !

M. Guillaume Kasbarian, ministre.  - Notre objectif est de réduire de 10 % le nombre d'opérateurs en quatre ans.

La loi Asap, dont j'ai été le rapporteur à l'Assemblée nationale, prévoyait déjà certaines mesures, comme la fusion du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle et du Haut Conseil à l'égalité ou la suppression du Conseil supérieur de la mutualité, de la Commission chargée d'apprécier l'aptitude à exercer les fonctions d'inspecteur général ou encore de l'Observatoire des récidives.

Mme Audrey Linkenheld.  - Tout ça ne fait pas une politique publique...

M. Guillaume Kasbarian, ministre.  - Vous pouvez compter sur moi et tous mes collègues pour avancer dans cette direction, dans le projet de loi de simplification mais aussi par voie réglementaire. Il s'agit de donner de la clarté à l'action publique et de simplifier la vie des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

Mercosur (II)

M. Serge Mérillou .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'accord entre l'Union européenne et le Mercosur, qui pourrait être entériné dès novembre, ce sont des milliers de tonnes de viande bovine, de volaille, de maïs, de sucre, produits avec des produits phytosanitaires interdits chez nous, par la déforestation, le dumping social et le non-respect de nos critères qualité.

Ce traité, qui soulève une opposition quasi-unanime depuis 1999, menace notre économie agricole déjà fragile, notre souveraineté alimentaire, nos principes environnementaux. Sans réciprocité, sans clauses miroir, les conséquences seraient désastreuses.

Nos agriculteurs ne peuvent payer le prix de l'affaiblissement du Président de la République sur la scène internationale. Le fonds d'indemnisation annoncé n'est qu'un cache-misère.

La France ne peut accepter les manigances de la Commission européenne, qui tente de scinder l'accord pour en faciliter l'adoption. Quelles mesures allez-vous prendre pour faire entendre la voix de la France ? Le Gouvernement usera-t-il de son droit de veto ? Comptez-vous lancer le débat au Parlement, et dans quel délai ? (Applaudissements sur les travées des groupeSER et CRCE-K)

Mme Sophie Primas, ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l'étranger .  - Ce sujet préoccupe sur tous les bancs. Nous sommes déterminés à ne pas accepter l'accord dans les conditions actuelles, car il ne respecte pas l'accord de Paris. Le règlement européen sur la déforestation sera applicable fin 2025 - ce serait un comble qu'il ne s'applique pas à cet accord.

Nous voulons un accord en phase avec la politique européenne de développement durable et du commerce ; nous voulons que soient respectées la parole et la compétence des États, donc que l'accord ne soit pas scindé.

Nous avons besoin de l'expression forte de tous les parlementaires, députés, sénateurs, parlementaires européens. Le ministère multiplie les contacts avec nos homologues ; je reviens du Brésil où j'ai expliqué, avec humilité mais détermination, notre position. Nous aurons aussi besoin de la société civile, agriculteurs d'Europe ou ONG, pour nous opposer à cet accord. Nous vous demandons votre aide. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

M. Serge Mérillou.  - Ouvrez le débat au Sénat ! Négociez des accords bilatéraux autour du changement climatique, de la durabilité des modes de production et du commerce gagnant-gagnant. Et surtout, ne ratifiez pas le Mercosur : ne sacrifiez pas nos filières sur l'autel d'un libre-échange dérégulé ! (Applaudissements à gauche et sur des travées du RDSE)

Hijab dans le sport

M. Stéphane Piednoir .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Des experts indépendants de l'ONU jugent discriminatoire l'interdiction du hijab en France dans les compétitions sportives et appellent à l'annuler. Cette exigence, qui fait fi de la protection des jeunes musulmanes contre l'emprise religieuse, va à l'encontre de nos principes républicains de neutralité et de laïcité, consacrés dans la loi de 1905.

En juin dernier, votre prédécesseur rappelait que le port de signes ou tenues à caractère religieux était proscrit pour les athlètes de l'équipe de France lors des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris. Un an plus tôt, le Conseil d'État jugeait que les règlements des fédérations de football et de basketball relatifs à la neutralité vestimentaire étaient proportionnés et adaptés au contexte.

Reste que cet édifice juridique mérite d'être consolidé face à la multiplication des faits communautaires et des dérives séparatistes.

Rapporteur de la proposition de loi Savin sur la laïcité dans le sport - victime de la dissolution -, j'ai soutenu l'extension de l'interdiction aux compétitions départementales, régionales et nationales.

Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a affirmé qu'il n'y aurait « aucun accommodement sur la défense de la laïcité. » Comment prévenir toute remise en compte de ce principe fondamental, y compris par des experts déconnectés des fondements de notre République ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gil Avérous, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative .  - La loi de 1905 prévoit un principe de neutralité, qui se traduit par l'interdiction de manifester des convictions et opinions religieuses pour les agents de l'État, des collectivités et de toute personne morale chargée d'une mission de service public.

Le Conseil d'État considère que les fédérations sportives délégataires sont chargées d'une mission de service public et que, à ce titre, les équipes de France sont soumises au principe de neutralité.

Hors équipe de France, chaque fédération fixe ses règles, sous le contrôle du ministère. Certaines fédérations ont adopté des règlements limitant le port de signes politiques et religieux pour certaines compétitions. C'est le cas des règlements de la Fédération française de basketball et de la Fédération française de football, qui ont été jugés adaptés et proportionnés par le Conseil d'État dans sa décision du 29 juin 2024.

En l'état du droit, il revient donc aux fédérations de déterminer leurs règles pour faire primer les principes de la République. Je propose d'engager un travail avec le mouvement sportif et les acteurs institutionnels sur les suites à donner à la proposition de loi Savin. (M. Laurent Burgoa applaudit.)

Intempéries dans le Var

Mme Françoise Dumont .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les récents événements climatiques ont fait de nombreuses victimes et dégâts. Dans le Var, plus de 25 communes ont été frappées, plusieurs centaines d'habitations et de commerces touchés, plus de 500 foyers sans électricité.

Vendredi dernier, le Premier ministre a annoncé 75 millions d'euros supplémentaires pour le fonds Barnier, ainsi porté à 300 millions d'euros, malgré le contexte budgétaire.

Souvent, les lois environnementales ne prennent pas en compte les réalités du terrain. Il faut plus de prévention et d'anticipation du risque. Nous savons le faire, mais les contraintes normatives nous freinent. Il faut donner la priorité à ce qui vise la survie de l'homme !

Irez-vous au-delà des 75 millions d'euros, si le coût des dégâts devait être supérieur ? Les règles d'éligibilité au fonds Barnier seront-elles assouplies ? Quelles mesures de simplification pour aider les élus locaux à amplifier la prévention dans la gestion des cours d'eau et des forêts ? Enfin, ne pourrait-on départementaliser les services de la Dreal, comme certains préfets le demandent, pour une gestion au plus près du terrain ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation .  - Je vous prie d'excuser Agnès Pannier-Runacher, qui est à Cali pour la COP16 biodiversité.

Je réitère le soutien du Gouvernement aux sinistrés et nos remerciements aux services mobilisés ainsi qu'aux élus locaux, qui répondent chaque fois présent pour accompagner les populations.

Vendredi dernier, le Premier ministre a présenté un troisième plan national d'adaptation aux changements climatiques (Pnacc). C'est un plan systémique, car il faut désormais accélérer pour limiter les conséquences du changement climatique. C'est un plan ciblé et opérationnel, avec 51 mesures. Les 75 millions d'euros supplémentaires pour le fonds Barnier viendront renforcer la protection. Dans le contexte budgétaire actuel, c'est considérable. Nous donnons la priorité au fonds Vert et à l'accompagnement des collectivités via la mission d'adaptation. C'est enfin un plan fédérateur.

Nous étudierons les régionalisations que vous évoquez. Vous parlez Dreal, je vous réponds Ademe. Il faut explorer toutes les solutions possibles. Travaillons ensemble pour apporter des réponses efficaces.

La séance est suspendue à 16 h 30.

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 40.

Délégation (Nomination)

Mme la présidente.  - Une candidature pour siéger au sein de la délégation sénatoriale aux entreprises a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.

Prise en charge intégrale des soins liés au traitement du cancer du sein

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant la prise en charge intégrale des soins liés au traitement du cancer du sein par l'assurance maladie, à la demande du groupe CRCE-K.

Discussion générale

Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je vous prie d'excuser Geneviève Darrieussecq, retenue à l'Assemblée nationale pour l'examen du PLFSS.

Chaque jour, 1 200 cas de cancers sont détectés - un Français sur vingt, trois fois plus qu'il y a trente ans. Le cancer est la première cause de mortalité chez les hommes, la deuxième chez la femme ; le cancer du sein est le premier cancer chez la femme, avec 12 600 décès en 2021.

Détecté tôt, le cancer du sein peut être guéri dans neuf cas sur dix. Neuf millions de dépistages sont réalisés chaque année. Dépister précocement, c'est augmenter les chances de guérison. Passé 50 ans, ce dépistage doit être pratiqué tous les deux ans. Il est pris en charge à 100 % par l'assurance maladie. Pour les femmes qui ont des antécédents familiaux ou personnels, le plan Cancer prévoit des mesures spécifiques, telles des mammographies plus rapprochées.

La stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030 a défini plusieurs objectifs : réduire de 60 000 par an le nombre de cancers évitables d'ici à 2040, réaliser un million de dépistages supplémentaires d'ici à 2025 ou encore améliorer le taux de survie des cancers aux plus mauvais pronostics d'ici à 2030.

Les actions de la feuille de route 2021-2025, financées à hauteur de 1,7 milliard d'euros, commencent à porter leurs fruits.

La mise à niveau du parc de mammographie et des dispositifs innovants participent d'un meilleur dépistage.

De nombreuses actions de prévention sont menées, mais près de 20 000 cancers du sein pourraient être évités : aussi la prévention est-elle indispensable.

La proposition de loi prévoit la prise en charge de l'ensemble des soins, dont des soins de support. Nous partageons l'intention, mais ses dispositions rendraient inapplicables le forfait journalier hospitalier, le ticket modérateur, la participation forfaitaire et les franchises, de même qu'elles créeraient une rupture d'égalité entre les patients atteints de cette pathologie et ceux qui souffrent d'autres maladies. Or l'équité est un principe fondamental de notre système de santé.

Le texte pose aussi problème quant à sa faisabilité technique ; il entraîne des effets de bords sur les autres cancers.

Le cancer du sein est une affection longue durée (ALD) qui permet une prise en charge à 100 % du ticket modérateur. Les patients bénéficient également d'une dispense d'avance de frais. L'article 1er bis, que nous soutenons, vise à plafonner les dépassements d'honoraires.

Des mécanismes limitent le reste à charge des personnes en ALD qui doivent s'acquitter de participations forfaitaires et de franchises.

Une prise en charge intégrale des prothèses capillaires est à l'étude, l'objectif étant d'améliorer les spécifications techniques des produits pour réduire le reste à charge. Un forfait de 180 euros prend en charge des bilans fonctionnels ou des consultations psychologiques, entre autres.

Le Gouvernement a déposé un amendement visant à étendre ce parcours post-cancer à la phase de traitement actif.

Mme Cécile Cukierman.  - C'est bien !

Mme Agnès Canayer, ministre déléguée.  - Nous reconnaissons les difficultés spécifiques des patientes atteintes du cancer du sein. Toutefois, cette proposition de loi créerait des inégalités injustifiées. Travaillons plutôt sur des solutions équitables pour tous les patients atteints de maladies graves. Nous devons soutenir les innovations thérapeutiques. Notre action doit être globale.

Compte tenu de l'importance du sujet et des travaux à venir, nous donnerons un avis de sagesse positive sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et du RDSE)

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; Mme Monique Lubin applaudit également.) Entre 1 500 et 2 300 euros, tel est le reste à charge des patientes atteintes d'un cancer du sein, selon la Ligue contre le cancer. C'est le plus coûteux des cancers.

Une Française sur huit sera touchée par ce cancer au cours de sa vie. En 2023, 700 000 femmes vivent avec un cancer du sein traité ou en traitement.

Si le vieillissement de la population est le premier facteur de risque - 80 % des cancers touchent les plus de 50 ans -, l'environnement ou les conditions de travail jouent un rôle également. Ainsi du travail de nuit, qui augmenterait de 30 % le risque de cancer, selon l'Inserm.

Près de 90 % des cancers du sein détectés à temps sont guéris ; c'est pourquoi je soutiens avec force le dépistage et l'opération Octobre rose.

La proposition de loi déposée par l'ancien député Fabien Roussel prévoit la prise en charge intégrale des soins du cancer du sein ; c'est un objectif louable. Je salue les discussions constructives en commission.

Comment expliquer le reste à charge ? Les patients atteints de ce cancer ont droit à l'ALD. La mammectomie et la reconstruction mammaire sont prises en charge à 100 %. Mais cela n'évite pas tous les frais ; ainsi de la participation forfaitaire ou des franchises. S'y ajoutent les dépassements d'honoraires, notamment pour la chirurgie reconstructive : 1 391 euros - jusqu'à 10 000 euros dans certains cas -, ce qui peut entraîner un renoncement aux soins. Les déserts médicaux impliquent parfois que les patients se tournent vers le secteur privé aux restes à charge plus élevés.

Sur ma proposition, la commission a renforcé la portée de l'article 1er bis, qui prévoit désormais que les dépassements d'honoraires pour les reconstructions mammaires puissent être plafonnés dans le cadre des négociations conventionnelles ; le choix du plafond revient désormais aux syndicats de médecins. Cette mesure, qui ne génère aucun surcoût pour l'assurance maladie, limitera considérablement le plus gros reste à charge pour les patientes -  je m'en réjouis.

Les assurés supportent aussi le coût des soins de support, dont l'efficacité fait pourtant consensus. Certes, un forfait de 180 euros existe, mais il est insuffisant. Un amendement du président Mouiller ouvre ce forfait aux patients en traitement actif et crée un parcours spécifique au cancer du sein ; c'est une excellente initiative.

Sur les accessoires et les mal nommés soins « de confort », il faut compter 60 euros par mamelon en silicone, 70 euros pour un soutien-gorge postopératoire. Sans compter les masques relipidants ou les vernis contre la chute des ongles, qui ne sont pas des dépenses superflues.

L'article 1er rend inapplicable la plupart des restes à charge aux patients souffrant d'un cancer du sein. Il prévoit en outre la prise en charge intégrale des soins.

Certains ici pensent que cet article contrevient au principe constitutionnel d'égalité. (M. Vincent Louault le confirme.) C'est pourquoi le président de la commission a déposé un amendement visant à renforcer la prise en charge des seules dépenses spécifiques au cancer du sein et à créer un forfait spécifique à cette pathologie.

Ce texte n'est pas incompatible avec le principe d'égalité : il pourrait être un premier pas, avant son extension à d'autres pathologies. Toutefois, j'entends vos doutes. La réponse passe par la sécurisation juridique du dispositif. Les amendements du président Mouiller fluidifient la mise en oeuvre du texte.

Le reste à charge est insoutenable pour les patientes. Il est intolérable de devoir renoncer à des soins thérapeutiques pour raisons financières ; c'est contraire au droit constitutionnel à la santé, consacré par le préambule de la Constitution de 1946. Montrons que le Sénat peut, dans un esprit transpartisan, répondre présent. (Applaudissements)

Mme Solanges Nadille .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) En France, 700 000 femmes ont été diagnostiquées d'un cancer du sein au cours de leur vie ; avec 61 000 cas par an, c'est la forme la plus répandue de cancer, et la plus meurtrière.

Les patientes sont placées sous le régime de l'ALD, mais le reste à charge demeure important : entre 1 500 et 2 300 euros, en raison du coût de certains dispositifs médicaux ou des dépassements d'honoraires. Ces dispositifs ne sont pas un luxe ; ils permettent aux femmes de restaurer l'image qu'elles ont d'elles-mêmes. Or certaines doivent faire des choix douloureux : 15 % des patientes renoncent à une reconstruction mammaire, d'autres aux prothèses capillaires.

À cela s'ajoute la baisse de revenus liée à l'ALD : un tiers des personnes perd son emploi dans les deux ans suivant le diagnostic. En Guadeloupe, la survie à cinq ans chez les femmes est de 79 %, contre 88 % dans l'Hexagone, alors que l'incidence du cancer y est moins élevée. Se soigner implique un séjour très coûteux dans l'Hexagone.

En Guadeloupe et en Martinique, on soupçonne un lien entre le cancer du sein et l'exposition au chlordécone. Pour le cancer de la prostate, ce lien a été établi.

L'adoption de ce texte changerait radicalement la vie des malades.

Sous réserve de l'adoption des amendements du président Mouiller aux articles 1er et 1er bis, nous voterons le texte, même si des questions restent en suspens. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; M. Laurent Burgoa applaudit également.)

Mme Véronique Guillotin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) C'est le vingtième anniversaire de la généralisation du dépistage organisé du cancer du sein. Ce dépistage sauve des vies, mais son taux de réalisation n'atteint pas 50 %, malgré les efforts de l'État et des collectivités. J'ai eu l'honneur de présider le jury des trophées de l'Institut national du cancer (Inca), qui récompense les innovations des collectivités.

La proposition de loi prévoit le remboursement intégral des soins et dispositifs prescrits aux patientes victimes de cancer du sein. En l'état, elle soulève un problème d'égalité : comment expliquer à une patiente d'un autre cancer que sa perruque thérapeutique ne sera pas prise en charge ? L'amendement n 4 de Philippe Mouiller constitue un bon compromis. Nous soutiendrons également les amendements nos5 et 8.

Dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, j'avais fait adopter une disposition relative à l'activité physique adaptée (APA), mais les décrets d'application ne sont toujours pas publiés. Où en êtes-vous, madame la ministre ?

Merci au groupe CRCE-K d'avoir inscrit ce texte à l'ordre du jour.

Les dépassements d'honoraires constituent le premier poste de reste à charge. Je comprends l'esprit de l'article 1er bis, mais gare aux effets pervers du plafonnement d'honoraires, à l'instar de l'option de pratique tarifaire maîtrisée (Optam) pour le secteur 2.

Sur le remboursement des prothèses capillaires, nous avons déposé un amendement d'appel en vue d'instaurer un forfait complémentaire.

Notre groupe votera ce texte ainsi modifié par la commission. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Alain Milon applaudit également.)

Mme Anne-Sophie Romagny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains) Je remercie Mme Apourceau-Poly pour la qualité de son travail. Le coût de la maladie pour une femme est trop peu abordé.

À mon tour de vous parler de ces 700 000 femmes dont le monde s'effondre lors du diagnostic, qui se battent pour la vie ou la survie de leur foyer, qui suivent des traitements lourds aux conséquences onéreuses, de ces femmes qui guérissent et dont la vie ne sera plus jamais comme avant. Chaque année, le cancer du sein emporte 12 000 femmes, mères, soeurs ou amies. J'ai une pensée pour elles.

Les prestations remboursées par l'assurance maladie ne sont pas adaptées au quotidien des patientes. La répartition de l'offre de soins et les délais d'attente ont des conséquences - les délais de traitement d'une chirurgie reconstructrice peuvent dissuader les femmes de se soigner.

C'est pourquoi la commission a adopté l'amendement de la rapporteure visant à plafonner les dépassements d'honoraires.

L'article 1er prévoit une prise en charge intégrale de l'ensemble des soins et dispositifs prescrits dans le cadre d'un cancer du sein.

La prise en charge des femmes touchées par cette épreuve est un enjeu indéniable. Mais ne créons pas d'inégalité par rapport aux patients souffrant d'autres maladies ; cela serait contraire à nos principes fondamentaux. N'ignorons pas non plus les avancées en cours.

Où en est le 100 % pour les prothèses capillaires, madame la ministre ?

Les amendements du président Mouiller recentrent le dispositif sur la prise en charge des dépenses concernant uniquement les patientes atteintes d'un cancer du sein. Cela porte, par exemple, sur la prise en charge intégrale des actes de tatouage médical de l'aréole pour les assurées n'effectuant pas de reconstruction chirurgicale, ou encore sur le renouvellement des prothèses mammaires.

Nous ne pouvons accepter que les femmes subissent la double peine de la maladie et de restes à charge mal remboursés.

Les campagnes de dépistage ne dépassent pas 50 % de participation ; l'examen peut être désagréable, mais c'est surtout le résultat du diagnostic qui effraie, bien sûr. Le dépistage éviterait pourtant des traitements lourds, douloureux et coûteux.

Si les amendements de Philippe Mouiller sont adoptés, notre groupe votera ce texte. Nous espérons que celui-ci constitue une première étape.

Puisse l'amélioration de la prise en charge concerner tous les patients, afin de ne pas créer d'inégalités - le cancer colorectal est l'un des plus meurtriers également. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Céline Brulin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Durant le mois d'octobre, nous avons porté le ruban rose, nagé, couru, vendu des gâteaux ou des fleurs et je remercie chaleureusement toutes celles qui, de la plus grande ville au plus petit village, déploient des trésors d'énergie pour sensibiliser au dépistage et recueillir des fonds. (Applaudissements)

En ce 30 octobre, nous pourrions adopter une proposition de loi prévoyant une meilleure prise en charge des malades. Cette initiative de Fabien Roussel et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine à l'Assemblée nationale est pertinente : les trois quarts des patients -  très rarement, ce sont aussi des hommes  - sont exposés à des restes à charge importants. Le régime des ALD devrait induire un remboursement intégral des soins ; or ce n'est pas le cas ! Ainsi, les franchises médicales ont doublé l'an dernier. Le reste à charge s'élèverait jusqu'à 2 300 euros.

Les malades subissent la double peine : la maladie et son coût financier. Il faut agir sur les deux, en améliorant la prévention et l'éducation à la santé, en nous mobilisant aussi en faveur de la santé environnementale et de l'amélioration des conditions de travail. Notre système de solidarité doit mieux couvrir les victimes de maladie. À méditer, madame la ministre, à l'heure où le Gouvernement envisage de réduire certains remboursements.

Je salue le travail de Cathy Apourceau-Poly. L'un de ses amendements plafonne les dépassements d'honoraires, très fréquents dans la chirurgie de la reconstruction. Il y a dix ans, le reste à charge était de 1 391 euros dans ce domaine. Il peut atteindre désormais 10 000 euros.

Il est inacceptable qu'une personne, sur le chemin de la rémission, renonce à une telle intervention si elle en éprouve le besoin.

Catherine Deroche l'avait noté dans l'une de ses propositions de loi : les dépassements d'honoraires constituent le premier poste de reste à charge pour les femmes. L'adoption de ce texte conclurait opportunément ce mois d'Octobre rose. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, INDEP et du GEST, ainsi que sur quelques travées du RDPI et du groupe Les Républicains)

Mme Anne Souyris .  - Si j'en crois les rubans roses portés par les femmes - et aussi par quelques hommes (M. Philippe Mouiller apprécie) -, nombre d'entre nous avons été mobilisés pour ce mois d'Octobre rose.

Chaque mois, une femme menstruée dépense 10 à 15 euros pour l'achat de protections périodiques et entre 1,88 et 14 euros pour une plaquette de pilule contraceptive. Elle risque d'être confrontée à la pauvreté avec une carrière plus hachée que les hommes. De plus, la recherche sur sa santé sera constamment sous-financée.

Cette même femme a une chance sur huit d'être touchée par le cancer du sein. C'est pour cette femme, mais aussi pour l'ensemble de la population, que je salue les avancées de cette proposition de loi, comme la prise en charge des soins prescrits ou des prothèses capillaires ou mammaires. Ce texte crée un précédent essentiel pour les femmes ; c'est un modèle à généraliser à toutes les victimes de cancer.

Nous regrettons toutefois l'amendement n°4, qui amoindrit le dispositif initial, mais c'est, espérons-le, un premier pas.

Jamais les malades ne devraient renoncer à des soins. À l'heure où le Gouvernement envisage des baisses de remboursement pour les patients en ALD, cette proposition de loi doit nous éclairer et nous permettre de revenir dans le bon sens.

Cette proposition de loi, si elle est utile pour les femmes victimes d'un cancer du sein, ne pourra se substituer à la prévention. Le dépistage du cancer du sein n'est toujours pas une politique de santé globale. La France a le triste record de l'incidence de cancers du sein dans le monde.

Il nous faudra nous atteler au traitement des causes. En effet, quatre cancers du sein sur dix sont attribuables aux modes de vie, à l'environnement ou aux conditions de travail : 15 % du cancer du sein sont attribuables à la consommation d'alcool, même modérée ; la pollution de l'air pourrait être responsable de 1 700 cas chaque année. Mme Nadille a aussi évoqué le chlordécone.

Cette proposition de loi améliore la vie des patientes et réduit le renoncement aux soins. Mais il faut aussi investir dans la prévention primaire, la recherche et l'information sur les risques environnementaux ; je compte sur vous, madame la ministre. (Applaudissements sur quelques travées du groupe CRCE-K)

Mme Corinne Féret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je remercie le groupe CRCE-K d'avoir inscrit cette proposition de loi à notre ordre du jour.

Le cancer touche chaque jour plus de 1 200 personnes ; un Français sur 20 est concerné, c'est deux fois plus qu'il y a trente ans. Quelque 33 % des diagnostics de cancers dans la population féminine sont des cancers du sein. En 2023, 61 000 nouveaux cas ont été détectés, ce qui en fait le cancer le plus fréquent chez les femmes, même si 1 % des diagnostics concerne les hommes. Selon la Cnam, 700 000 femmes ont été victimes d'un cancer du sein au cours de leur vie.

De nombreuses femmes craignent de ne pouvoir assumer les dépenses non prises en charge. L'attente est immense pour venir à bout de cette injustice. En pratique, les obstacles financiers du parcours de soins ne sont pas levés : médicaments non remboursés, dépassements d'honoraires, sans oublier les soins de support tels que les crèmes ou les vernis qui ne sont pas non plus remboursés alors qu'ils sont indispensables.

C'est un des angles morts de notre système. Plus de la moitié des Françaises de moins de 40 ans atteintes d'un cancer du sein craignent pour leur budget. Nombre de patientes renoncent à une reconstruction mammaire pour des raisons financières. La prise en charge des prothèses capillaires repose en partie sur les complémentaires, d'où un impact financier non négligeable.

C'est d'autant moins acceptable que peu de patientes parviennent à maintenir leur niveau de vie et qu'une personne sur trois perd son emploi dans les deux ans qui suivent le diagnostic, ce qui peut les faire basculer dans la pauvreté.

Un accès gratuit aux soins est proposé dans certains centres, mais c'est loin d'être le cas partout. Comment accepter que des Français se privent de soins nécessaires ? En ce mois d'Octobre rose, je tiens à dire aux 700 000 femmes atteintes d'un cancer du sein : nous sommes à vos côtés. Nous voterons pour ce texte et serons très vigilants lors de l'examen du prochain PLFSS : la réduction des coûts ne doit pas se faire au détriment des malades, mais plutôt par de meilleures politiques de prévention.

Une augmentation des franchises serait une double peine pour des femmes qui pourraient renoncer à leurs soins.

En matière d'accès aux soins, les délais pour obtenir un rendez-vous sont trop longs. C'est inacceptable, sachant que cela peut être une question de vie ou de mort pour certaines de ces femmes. Toutes ces inégalités sont injustes, alors que la maladie déjà est injuste... (Mme Corinne Féret s'interrompt sous le coup de l'émotion. Au bout d'un instant, elle reprend, la voix brisée.) C'est la double peine, et nous ne pouvons l'accepter... (Afin d'encourager l'oratrice, Mme Cécile Cukierman applaudit, rejointe par toutes les sénatrices et tous les sénateurs.)

Je vous invite à voter cette proposition de loi. Notre seule boussole est l'intérêt des femmes touchées par cette maladie. Nous soutiendrons les amendements de la commission des affaires sociales. (Applaudissements nourris ; Mme Solanges Nadille se lève pour applaudir.)

Mme Corinne Bourcier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Comment être insensible ? Le cancer du sein est un sujet qui me touche familialement - comme nombre d'entre nous : il est rare, en effet, de ne pas avoir été concerné plus ou moins directement par cette maladie. Je parlerai surtout des femmes -  mais 1 % des personnes atteintes sont des hommes.

Vous l'avez dit, madame Apourceau-Poly, le cancer du sein est la première cause de mortalité par cancer chez les femmes. Chaque année, 60 000 nouveaux cas sont diagnostiqués, dont 20 000 pourraient être évités.

On regrette une baisse du dépistage en 2023-2024. Il est plus facile pour certaines de rester dans l'ignorance que d'affronter la peur d'un diagnostic redoutable ; pourtant, 90 % des Françaises traitées à temps en guérissent. Il n'y a donc rien à craindre d'un dépistage. Certaines femmes renoncent aussi au dépistage en raison d'un accès aux soins difficile.

On ne peut pas dire que rien n'ait été fait financièrement : le cancer du sein est reconnu comme une ALD, induisant une absence de ticket modérateur. Mais nombre de frais restent à charge des patients, dont la proposition de loi suggère la prise en charge - même si cela peut poser la question des frais similaires pour d'autres pathologies graves.

Le cancer du sein n'est pas une maladie invisible, avec la perte des cheveux, des cils et des sourcils. Aberration : la prise en charge des prothèses capillaires devient nulle si le prix dépasse 700 euros, alors que c'est le cas de presque toutes celles de qualité acceptable. À titre personnel, je souhaite aussi davantage de moyens pour la prévention.

C'est le bon moment d'en parler, en cet Octobre rose. Je salue les structures qui participent à cette action de sensibilisation. Il est impossible de ne pas soutenir cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, Les Républicains, UC, du RDSE et du RDPI ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. Alain Milon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le cancer du sein est le plus fréquent en France. L'âge médian des femmes lors du diagnostic est de 64 ans. C'est la première cause de mortalité des femmes, mais aussi le cancer avec le meilleur taux de survie, 88 %.

Le cancer du sein est une ALD et bénéficie d'une prise en charge intégrale des soins liés à l'affection : chimiothérapie, radiothérapie, mastectomie, chirurgie reconstructrice, pose d'un implant et prothèses externes. Un effort important est fourni par la solidarité nationale, mais il est insuffisant pour couvrir l'ensemble des dépenses induites par cette maladie.

Il s'agit ici de faire peser sur l'assurance maladie des dépenses qui ne relèvent pas stricto sensu de la santé.

Depuis 2020, les soins de support sont compris dans le parcours de soins des patients malades du cancer, soins qui contribuent à une prise en charge globale du patient.

Nos choix sanitaires doivent prendre en considération les ressources disponibles ; or le PLFSS nous confrontera bientôt à de nouveaux choix budgétaires. Je regrette que la proposition de loi ignore les complémentaires, alors que ces dépenses me semblent plutôt en relever.

Une autre dimension fait défaut : la prévention, pourtant l'alpha et l'oméga de toute politique de santé. L'intelligence artificielle peut y participer. Des tests ADN post-mortem permettent d'indiquer aux descendantes qu'elles ont un risque de cancer héréditaire à surveiller. Ces innovations doivent être développées.

À côté de la prévention, il y a la sensibilisation. Octobre rose, en la matière, est une réussite. C'est bien plus qu'une campagne de mobilisation ; c'est un message d'espoir et d'avenir pour les femmes atteintes du cancer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, INDEP et SER)

Mme Alexandra Borchio Fontimp .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Tout n'est pas si rose en ce mois d'octobre ; il recouvre une réalité tragique : toutes les 80 minutes, une femme perd son combat contre la maladie. Je salue l'action des collectivités territoriales, des bénévoles, de la Ligue contre le cancer.

En tant que rapporteur pour avis des crédits relatifs à la recherche, je sais que les chercheurs ont besoin de moyens.

À Antibes Juan-les-Pins, nous avons couru, pédalé, nagé et même régaté pour promouvoir le dépistage.

Beaucoup de travail reste à faire, sachant qu'en 2023 le taux de dépistage est en diminution depuis dix ans. Le président Chirac lui-même nous avait alertés sur un dépistage insuffisant.

Parfois, le rose vire au rouge, celui de la colère face à l'inégalité de l'accès aux soins dans les territoires. Saluons les initiatives prises dans ces territoires, à l'image du bus rose du centre hospitalier de Menton, qui sillonne les vallées.

La proposition de loi poursuit un autre objectif : une prise en charge à 100 % par l'assurance maladie des soins liés au cancer du sein.

Les restes à charge restent lourds, constituant une double peine. Le remboursement de certaines dépenses comme les soutiens-gorges compressifs sont des sujets qui reviennent sans cesse.

Sont également traités la garde des enfants de familles monoparentales et le cas des microentrepreneurs qui peuvent perdre leurs revenus.

Les tests moléculaires laissent un reste à charge de près de 50 %, que certains peuvent payer et d'autres non, ce qui donne le sentiment d'un système de santé à plusieurs vitesses. Le législateur doit s'emparer de la question.

Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi, mais souhaite que soient prises en compte les propositions de Philippe Mouiller pour un texte plus équilibré et plus égalitaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes SER et INDEP ; Mme Apourceau-Poly applaudit également.)

Discussion des articles

Article 1er

Mme Sylvie Valente Le Hir .  - Aujourd'hui, je ne veux pas évoquer ma santé, mais, que je le veuille ou non, je porte la voix des femmes concernées par le cancer du sein, puisque comme une femme sur huit, j'ai été affectée par cette maladie. Dans mon département de l'Oise, j'ai ressenti un grand soutien lors des manifestations d'Octobre rose. Je fais partie d'un club de femmes atteintes par le cancer du sein où nous pratiquons l'aviron. La maladie isole et fragilise ; il est donc essentiel de créer un lien, pour savoir que l'on n'est pas seul.

Le regard et les mentalités évoluent, mais nous devons continuer les efforts. Cette maladie touche tout le monde : aidants, entourage...

Je soutiens cette proposition de loi. Il s'agit non pas de prioriser des maladies, mais de soutenir des femmes. Si nous pouvons soulager les contraintes matérielles des malades, nous aurons fait un grand pas.

Je salue enfin mon collègue Olivier Paccaud, qui n'a pas vu dans mon cancer un obstacle pour que nous menions campagne ensemble. Rares sont ceux qui ont ce courage... (Sous le coup de l'émotion, la voix de l'oratrice se brise.) C'est pourquoi je lui dis publiquement merci. (Applaudissements)

Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance .  - Nous nous associons à tous les témoignages et à l'ensemble des propos tenus. Nous voulons trouver les meilleures solutions pour les femmes atteintes de cette maladie.

Je suis sûre que nous arriverons à trouver une solution d'équilibre.

Madame Guillotin, le décret relatif aux activités sportives adaptées est en cours de finalisation : il devrait paraître d'ici la fin de l'année 2024 pour une mise en oeuvre en 2025.

Le plafonnement des dépassements d'honoraires prévu à l'article 1er bis est l'objet de discussions avec les médecins, afin qu'ils respectent les contraintes législatives.

Madame Romagny, les prothèses capillaires sont un enjeu fort. Le décret est en cours d'examen par la Haute Autorité de santé (HAS), qui rendra son avis dans les jours à venir. Des discussions s'ouvriront avec le Comité économique des produits de santé (Ceps). Il devrait être publié en fin d'année et sera ensuite intégré au 100 % santé.

Madame Féret, le ministère cherche à réduire les délais de dépistage à travers trois pistes : l'augmentation du nombre de radiologues agréés, la dématérialisation de la deuxième lecture et l'intégration de l'intelligence artificielle pour plus d'efficacité dans les dépistages.

Madame Borchio-Fontimp, le PLFSS prévoit l'extension du complément de mode de garde de 6 à 12 ans pour les familles monoparentales, afin que les femmes puissent suivre leur traitement.

Mme Silvana Silvani .  - La proposition de loi de Fabien Roussel pointe un sujet sensible, notamment le coût financier pour les patients.

Dans son rapport de juin 2023, la délégation aux droits des femmes du Sénat avait mis en évidence les conséquences du travail de nuit, qui augmente le risque de 30 % chez les femmes non ménopausées : il est même deux à trois fois plus élevé chez les femmes ayant travaillé de nuit plusieurs fois par semaine pendant dix ans.

Des horaires atypiques de travail ont des conséquences néfastes pour la santé des Français. Cette proposition de loi est donc indispensable pour les infirmières, les aides à domicile, ou les agents d'entretien, qui ajoutent à des conditions de travail difficile un reste à charge particulièrement injuste.

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié bis de M. Mouiller et alii.

M. Philippe Mouiller, président de la commission.  - Nous voulons recentrer le dispositif. Lors du travail en commission, nous avons vu dans la rédaction initiale du texte une difficulté : la prise en charge de frais pouvant être engagés avec d'autres pathologies pour le seul cancer du sein.

Après concertation, nous avons concentré le texte sur les soins spécifiques à cette maladie pour éviter les difficultés juridiques potentielles. Les groupes de la majorité sénatoriale qui souhaitaient d'abord s'abstenir ont choisi de voter le texte.

Mme Agnès Canayer, ministre déléguée.  - Avis de sagesse très positive. Nous partageons tous la même préoccupation.

Nous avons encore quelques difficultés techniques qu'il nous faudra aplanir d'ici à la CMP, notamment la liste des produits et dispositifs médicaux, comme les sous-vêtements adaptés et le forfait prévu pour les soins actuellement non remboursés. Pour certains, l'efficacité n'est pas démontrée et le prix de vente n'est pas encadré.

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure.  - La commission a émis un avis favorable. À titre personnel, je ne vois pas en quoi cette proposition de loi contreviendrait au principe d'égalité : j'y verrais plutôt un premier pas avant une extension progressive à d'autres pathologies.

Mais il faut prendre en compte le risque juridique. Notre seule boussole étant l'intérêt des patients, nous souhaitons sécuriser des avancées qui doivent entrer en vigueur rapidement. Un accord transpartisan me semble possible, et je m'en réjouis.

Mme Céline Brulin.  - Nous voterons cet amendement et les suivants, qui sécurisent la proposition de loi, car nous devons cette avancée aux femmes malades.

Je trouve notre débat sur la possible rupture d'égalité entre pathologies fort légitime. La sécurité sociale a été créée avec un souci d'universalité : chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins, selon la formule de son créateur, Ambroise Croizat.

Cependant, d'exonérations en exemptions, de déremboursements en franchises médicales, le caractère universel de la sécurité sociale a été mis à mal. Nous avons tous cité des exemples de restes à charge importants. Cette proposition de loi, en plus de comporter des avancées concrètes, doit donc nous inviter à réfléchir sur le modèle de sécurité sociale que nous voulons. Faute de quoi, nous serons de plus en plus amenés à réclamer ponctuellement une meilleure prise en charge pour telle ou telle pathologie. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

L'amendement n°4 rectifié bis est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°5 rectifié bis de M. Mouiller et alii.

M. Philippe Mouiller, président de la commission.  - Nous avons travaillé avec le Gouvernement pour rendre cette proposition de loi opérationnelle. Cet amendement a pour but de créer un parcours spécifique pour les soins de support et d'élargir leur prise en charge à tous les cancers. Merci au Gouvernement pour cette possibilité.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°8 du Gouvernement.

Mme Agnès Canayer, ministre déléguée.  - Le président de la commission des affaires sociales l'a très bien défendu.

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure.  - Un vaste consensus scientifique existe sur l'efficacité thérapeutique des soins de support qui augmentent l'adhésion à la thérapie et diminuent la mortalité. Le Parlement devrait s'en saisir tant d'un point de vue financier que territorial, en raison des nombreuses disparités.

La rédaction issue de l'Assemblée nationale nous a fait craindre des délais de mise en oeuvre trop longs. Dans cette rédaction, les soins de support seront plus accessibles.

Ma seule réserve concerne le montant insuffisant du forfait - soit 180 euros ; j'invite donc solennellement le Gouvernement à l'augmenter par voie réglementaire.

Les amendements identiques nos5 rectifié bis et 8 sont adoptés.

L'article 1er, modifié, est adopté.

Après l'article 1er

Mme la présidente.  - Amendement n°9 rectifié bis de Mme Pantel et alii.

Mme Véronique Guillotin.  - C'est un amendement d'appel pour les prothèses capillaires. Un décret devant être bientôt publié, je le retire.

L'amendement n°9 rectifié bis est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°3 rectifié bis de Mme Pantel et alii.

Mme Véronique Guillotin.  - Il y a eu une incompréhension en commission. Pour la reconstruction mammaire, les techniques sont douloureuses et pas toujours satisfaisantes, à l'instar de la dermopigmentation. Mais il existe une méthode non médicale, le tatouage tridimensionnel définitif, qui permet de recréer un mamelon en trois dimensions. Les personnes qui en ont bénéficié y sont très favorables, tout comme la Ligue contre le cancer.

Cela nécessite toutefois un encadrement pour que les gestes soient bien effectués. Nous pourrions imaginer une accréditation, pour que cette technique soit prise en charge. C'est pourquoi je demande un rapport. Évitons le développement anarchique de nouvelles techniques.

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure.  - La commission a émis un avis défavorable à l'amendement n°3 rectifié bis, car il s'agit d'une demande de rapport, même si, personnellement, j'y suis favorable. Vous soulevez une véritable question ; le tatouage définitif tridimensionnel est une technique innovante.

Mme Agnès Canayer, ministre déléguée.  - Avis défavorable. L'amendement est en partie satisfait. Ces tatouages doivent être réalisés par un chirurgien ou une infirmière en dermatologie ; dans ce cas, ils sont pris en charge par l'assurance maladie. Des tatoueurs ont également développé une pratique artistique en trois dimensions, mais il n'est pas souhaitable d'y élargir la prise en charge.

Dans le cadre de la stratégie décennale de lutte contre les cancers, l'Institut national du cancer (INC) et le ministère de la santé étudient les apports de la socio-esthétique en vue d'une intégration au panier des soins supports. Un rapport complémentaire ne paraît pas utile pour le moment.

M. Philippe Mouiller, président de la commission.  - Les deux techniques sont différentes. La dermographie n'est prise en charge que pour les professionnels de santé inscrits au livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique. Nous avions déjà élargi la prise en charge pour les professionnels des livres Ier à III, car de nombreux professionnels, notamment en imagerie médicale, ont évolué sur ce type de métier.

Mais cet amendement porte sur un métier qui n'a pas la reconnaissance des professionnels de santé, et sur une technique qui n'a pas de reconnaissance en matière de sécurité de la santé. Il faut poursuivre les travaux à la fois sur la reconnaissance technique de la prise en charge, mais aussi sur la nature et l'encadrement des métiers. Un rapport n'est pas nécessaire.

L'amendement n°3 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.

Article 1er bis

Mme Marianne Margaté .  - Les dépassements d'honoraires constituent une question centrale. L'inégalité d'accès aux soins est vécue comme une véritable injustice.

Nous souhaitons que les négociations sur le plafonnement des soins de reconstruction mammaire aboutissent rapidement, et soient une première avancée avant d'autres sur les dépassements d'honoraires trop élevés d'autres pathologies. (Mme Céline Brulin applaudit.)

L'article 1er bis est adopté.

Article 1er ter

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales .  - Un rapport n'est pas utile en la matière, car les dispositions sont déjà satisfaites ; aussi vous demanderai-je de ne pas voter cet article.

L'article 1er ter n'est pas adopté.

Article 1er quater

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales .  - De nouveau, c'est une demande de rapport, cette fois sur les familles monoparentales. Je vous demande de voter contre.

À l'issue d'une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'article 1er quater, mis aux voix par assis et levé, est adopté.

Article 1er quinquies

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales .  - Je ne souhaite pas que le texte soit rejeté à l'Assemblée nationale à cause d'un trop grand nombre de rapports. Bien sûr, ces demandes de rapport nous permettent d'évoquer lors de la séance publique des sujets importants, mais ne parasitons pas le texte, d'autant plus que jamais nous n'obtiendrons ces rapports. Nous n'avons pas déposé d'amendements de suppression, car nous avons misé sur la conscience collective du Sénat.

Mme Cécile Cukierman .  - Ce texte est issu des travaux de l'Assemblée nationale, avec la même volonté, de rassembler et de fédérer. Personne n'est dupe, ni vous ni moi. Madame la ministre, vous aussi, vous avez une grande expérience parlementaire : un rapport est souvent la dernière solution pour voir des thématiques traitées.

Cette maladie, comme d'autres cancers, a des impacts non seulement physiques, mais aussi sociaux et économiques, au coeur de la vie des malades. Voilà pourquoi nous souhaitons que ce texte prospère rapidement à l'Assemblée nationale.

L'article 1er quinquies n'est pas adopté.

Après l'article 1er quinquies

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié bis de M. Daubet et alii.

M. Raphaël Daubet.  - Au vu des débats et des amendements adoptés qui visent à limiter la rupture d'égalité, cet amendement n'a plus lieu d'être.

L'amendement n°2 rectifié bis est retiré.

L'article 2 est adopté.

Intitulé de la proposition de loi

Mme la présidente.  - Amendement n°6 rectifié bis de M. Mouiller et alii.

M. Philippe Mouiller président de la commission.  - Il faut adapter le titre aux modifications du texte, et parler « d'amélioration de la prise en charge ». Je remercie le groupe CRCE-K d'avoir lancé ce débat, ainsi que Mme la rapporteure : nous avons su trouver un terrain d'entente. Merci enfin au Gouvernement, qui a accepté de soutenir cette initiative, pour une mise en oeuvre rapide des mesures.

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure.  - Avis favorable.

Mme Agnès Canayer, ministre déléguée.  - Avis très favorable, car cet amendement précise le périmètre du texte, dont je salue l'équilibre et le souci d'opérationnalité.

L'amendement n°6 rectifié bis est adopté.

Vote sur l'ensemble

Mme Corinne Féret .  - Je me réjouis de la qualité de nos échanges : nous avons su avancer. Nous voterons ce texte.

J'ai une pensée particulière pour tous les soignants et soignantes qui accompagnent les femmes malades et pour les associations.

Mme Frédérique Puissat .  - Je souligne la qualité du parcours législatif de cette proposition de loi : venue de l'Assemblée nationale, elle a été travaillée intelligemment par notre rapporteure, qui a permis son adoption en commission, grâce au président Mouiller. Ce texte est opérationnel, il recueillera l'assentiment de tous nos collègues.

À la demande du groupe CRCE-K, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°26 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 341
Contre    0

La proposition de loi est adoptée.

Mme la présidente.  - Belle unanimité ! (Applaudissements)

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure.  - Je remercie mes collègues, ainsi que les associations, les soignants et les maires mobilisés pour Octobre rose. J'ai une pensée pour les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et pour Fabien Roussel, à l'initiative de ce texte.

Près de 50 % des femmes ne se font pas dépister, il faut les y inciter. J'aurais voulu aller plus loin, et réduire encore les restes à charge ; je pense aux femmes isolées, contraintes par les délais de traitement, aux familles monoparentales. Je me réjouis des annonces de Mme la ministre sur le forfait des prothèses capillaires, qui coûtent plus de 700 euros, je le répète, pour une prothèse « mettable ».

La maladie peut tous nous frapper, mais nous ne sommes pas égaux face aux difficultés financières lorsqu'il faut arrêter de travailler - agricultrices et ouvrières nous l'ont dit.

Je pense aux victimes d'un cancer du sein qui bénéficieront désormais d'une aide de 180 euros avant la guérison. Je pense au forfait spécifique pour les soutiens-gorges, pour les soins support. Cette proposition de loi consacre des avancées certaines. (Applaudissements)

La séance est suspendue quelques instants.

Charte des services publics

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi constitutionnelle instaurant une charte des services publics, présentée par Mme Cécile Cukierman, M. Ian Brossat et plusieurs de leurs collègues, à la demande du groupe CRCE-K.

Discussion générale

Mme Cécile Cukierman, auteure de la proposition de loi constitutionnelle .  - Cette proposition de loi constitutionnelle instaurant une charte des services publics n'est pas un coup politique, mais une réponse à une exigence politique, au sens de faire cité.

Nous constatons tous dans nos départements la dégradation, la fermeture ou la privatisation des services publics. Telle une sirène, la privatisation chante aux oreilles de citoyens devenus consommateurs. La France est morcelée, fracturée ou divisée selon certains, et ses habitants s'opposent de plus en plus, dans les territoires ultramarins, ruraux, périurbains ou populaires.

Voilà pourquoi nous voulons constitutionnaliser l'accès aux services publics. Ils sont le bien commun de ceux qui n'ont rien, un bien commun partagé, où la cité répartit selon les besoins de chacun. Ils concernent la sécurité, la santé, l'école, le travail, les transports - 75 % des usagers de TER les utilisent pour travailler ou pour se former  - le logement, la culture, le sport. Ils permettent aux citoyens de s'épanouir dans la République.

Il y a aussi tous les services publics de demain, à inventer. Je pense aux collectivités locales, compétentes en matière de crèches, de centres de loisirs ou de colonies de vacances, grâce auxquelles des enfants de tous les milieux peuvent partir en vacances - et je rends hommage aux maires communistes à l'origine de la création de nombreux services publics, ensuite généralisés.

Pourquoi une charte ? Sans plagier le discours de Nantes du président Chirac sur la Charte de l'environnement, pour éviter le naufrage social de notre pays, nous voulons sortir de la quête effrénée du profit. Nous affirmons que l'intérêt général doit primer sur le libéralisme et la course effrénée à la privatisation. Nous dénonçons la concurrence prétendument libre et non faussée, qui oppose les services et les travailleurs entre eux, et qui a cassé le service public de l'énergie, secouru par l'intervention de l'État.

Il s'agit de sauver notre République du naufrage social et démocratique. Les services publics canalisent la colère, l'isolement, le repli sur soi de nos concitoyens, terreau du populisme et de l'extrême droite. Les résultats des élections législatives et européennes, qui traduisent ce sentiment d'exclusion de la République, nous ont sidérés.

Rassurons tout de même les agents publics en première ligne, qui subissent les violences verbales ou physiques des usagers en colère.

Cette proposition, élaborée en juillet dernier, est une réponse politique. Sur le modèle de la Charte de l'environnement, nous voulons créer une charte des services publics, sans toucher au préambule de 1946 ni créer de nouvel article dans la Constitution.

Bien sûr, elle aura des conséquences normatives et budgétaires.

Je vous invite à voter ce texte de réconciliation, pour que le mot égalité, inscrit au fronton de nos mairies, s'incarne pour chacune et pour chacun. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi vise à inscrire une charte des services publics dans le préambule de notre Constitution.

L'état des services publics, leur déploiement et leur performance nous engagent tous. Le Sénat en débat régulièrement - encore la semaine dernière avec la proposition de loi organique relative au financement du service public de l'audiovisuel. Je salue la volonté du groupe CRCE-K de placer les services publics au coeur des discussions.

Cette proposition de loi constitutionnelle vise à protéger les services publics et leurs usagers.

La constitutionnalisation des services publics n'est pas un projet nouveau ; souvent proposée, elle n'a jamais abouti.

La Constitution n'est pas muette sur le sujet. Le préambule de 1946 mentionne les services publics et le rôle de l'État ; le Conseil constitutionnel reconnaît des principes à valeur constitutionnelle inhérents au service public -  égalité, continuité et neutralité. Dès lors, qu'apporterait l'ajout de nouvelles dispositions au sein de la Constitution pour nos concitoyens ? Si la commission des lois a reconnu l'enjeu, elle n'a pas adopté ce texte.

Loin de transformer réellement les services publics, il entraînerait leur immobilisme. Le législateur dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour créer des services publics, mais la charte contient des définitions limitatives et parfois hasardeuses, comme celle du « développement personnel de la nation ». Le périmètre strict proposé empêcherait la création de nouveaux services publics dans certains domaines, notamment numérique. Ainsi pétrifiés, les services publics ne pourraient plus évoluer en fonction des enjeux contemporains.

Ce texte n'est pas non plus sans conséquence sur le principe de libre administration des collectivités territoriales, car il entrainerait une forme de tutelle de l'État sur celles-ci. La charte restreindrait la possibilité pour les gestionnaires publics de recourir à une délégation de service public : les élus locaux seraient les premiers à pâtir d'une telle rigidité.

L'introduction de concepts non définis juridiquement serait une source de contentieux. Une déclinaison législative supplémentaire serait sans doute nécessaire. La Constitution, en protégeant les principes de neutralité, égalité, continuité, suffit pour garantir l'efficacité de nos services publics.

S'ajoute un problème de conformité au droit européen, dont la primauté n'est pas respectée. Le droit européen n'est pas délétère pour nos services publics, le dialogue des juges et le développement des normes ayant permis la conciliation des deux ordres juridiques.

La constitutionnalisation d'une charte n'améliorerait pas l'efficacité des services publics en France. Leur préservation passera surtout par la mobilisation du législateur et des élus de terrain en faveur d'un déploiement fin, égal et continu sur les territoires.

La commission vous invite donc à ne pas adopter ce texte. Je remercie toutefois nos collègues du groupe CRCE-K de nous engager à une réflexion nécessaire et ne doute pas que notre assemblée conservera ce sujet au coeur de ses priorités. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Cécile Cukierman applaudit également.)

M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice .  - (Mme Patricia Schillinger applaudit.) Qu'est-ce que le service public ? L'idée que certains besoins, essentiels et dont dépend le vivre ensemble, appellent une réponse qui ne peut être tributaire de l'initiative privée et de l'économie de marché, mais qui doit être prise en charge par la collectivité.

En France, la notion de service public s'est construite concomitamment -  et ce n'est pas un hasard  - à la conception de l'État moderne. Autrefois défini par ses prérogatives de puissance publique, l'État s'est affirmé, au XXe siècle, comme le garant d'un compromis social garantissant à tous l'accès à des services de base : les services publics.

La notion revêt des significations multiples. Du point de vue juridique, elle commande l'application de règles spécifiques. Mais elle est avant tout un principe qui souligne l'importance de certaines activités pour la cohésion sociale. Les services publics ont plusieurs visages : ceux des usagers, des agents et des opérateurs économiques, du juriste ou encore du politique.

Le professeur Marcel Waline disait avec humour : « il est plus facile de récupérer le mercure échappé d'un vieux baromètre que de saisir la notion de service public ». La doctrine s'est pourtant essayée à la définir. Ainsi, pour Gaston Jèze, les services publics sont « les besoins d'intérêt général que les gouvernants, dans un pays donné, à une époque donnée, ont décidé de satisfaire par le procédé du service public ».

L'intention des gouvernants est ainsi déterminante : c'est elle que les critères jurisprudentiels chercheront à identifier. Devant le Conseil d'État, le commissaire du Gouvernement Corneille concluait en ce sens : « La notion de service public est, en quelque sorte, subjective : elle dépend pour la plus grande part de l'intention de l'autorité chargée d'organiser le service ». En somme, il s'agit d'une notion qui révèle le point d'équilibre de notre cohésion sociale, variable dans l'espace comme dans le temps.

Certains services publics, aisément identifiables, sont consacrés par nos textes constitutionnels depuis la Révolution et constituent l'identité même de notre République : éducation, santé et assistance, jusqu'aux principes de la sécurité sociale énoncés par le constituant en 1946. Mais la majorité d'entre eux apparaissent et disparaissent au gré des évolutions de la société : ils ne sont pas consacrés par la Constitution, mais ressortissent au pouvoir législatif voire réglementaire.

Deux constantes caractérisent toutefois l'histoire longue du service public : une expansion continue de son périmètre et une évolution, voire une reconfiguration, de son régime juridique, avec l'essor des modes de gestion privés.

Confrontés à de nouveaux défis, les services publics sont porteurs d'une formidable capacité de projection de notre société. Dans son rapport public pour 2022, le Conseil d'État souligne le besoin de proximité, de pragmatisme et de confiance dans l'action publique.

Au regard de cette histoire et de ces enjeux, est-il opportun d'ériger le service public au rang constitutionnel et les modalités proposées sont-elles adaptées ? Je ne le pense pas.

En premier lieu, je ne crois pas opportun d'inscrire dans la Constitution une définition du service public. Le service public recouvre des activités identifiées par le législateur et le juge administratif selon une jurisprudence bien établie. Ce qui permet de ne pas figer la notion, mais de l'adapter au mouvement et aux attentes de la société.

La jurisprudence du Conseil d'État a défini le service public de manière casuistique, en recherchant l'intention, expresse ou non, du législateur ou du pouvoir réglementaire. Le Conseil a finalement systématisé trois critères : caractère d'intérêt général de l'activité, par nature lié à un contexte donné ; lien de cette activité avec la puissance publique ; existence de prérogatives exorbitantes du droit commun pour son exercice.

Cette approche jurisprudentielle permet d'éviter deux écueils : une compréhension trop restrictive des services publics, limitée aux services régaliens et traditionnels, et une acception trop extensive, englobant toutes les activités d'intérêt général. Quelques exemples célèbres le démontrent : en 1916, le Conseil d'État estimait que le théâtre n'était pas une activité d'intérêt général ; en d'autres circonstances, la même activité a pu recevoir cette qualification.

À cette conception souple faisant du service public une notion contingente, la proposition de loi constitutionnelle vise à substituer une définition unique, inscrite au plus haut niveau de la hiérarchie des normes. La définition du service public contenue dans la charte proposée s'imposerait en droit interne devant toutes les juridictions, de même que les principes d'organisation et de fonctionnement qu'elle énonce.

Une telle évolution romprait avec l'état du droit à deux égards. D'une part, elle élèverait au niveau constitutionnel une notion de niveau législatif ou réglementaire. D'autre part, elle graverait dans le droit positif une définition qui est le fruit de la jurisprudence.

L'opportunité d'un tel rehaussement me paraît discutable. L'adossement de cette charte à la Constitution figerait la définition du service public comme ses modalités d'organisation et de fonctionnement. Elle conduirait le Conseil constitutionnel à encadrer l'action du législateur dans un domaine où le choix politique est primordial.

Or c'est à vous, avec les députés, de déterminer ce que doit être le champ de l'action publique. Et c'est à la loi que vous élaborerez de fixer les règles de fonctionnement du service public et de répondre aux questions qui se posent à son sujet : quel service rendu, avec quelles exigences pour l'administration et quelles garanties pour le public ? Il me paraît souhaitable que le Parlement conserve toute latitude en la matière, sous le contrôle vigilant de nos concitoyens.

En second lieu, les principes énoncés par cette Charte des services publics sont, pour certains, incompatibles avec l'état de notre droit.

De fait, la définition proposée me semble à la fois imprécise et extensive. Aurait vocation à constituer un service public « toute activité qui concerne le développement social, culturel, éducatif, économique et personnel de la société tout entière ». Il est énoncé d'autre part que « les services publics concernent les activités indispensables à la réalisation et au développement de la cohésion sociale », sans que l'on saisisse bien comment ces deux définitions s'articulent.

C'est donc une conception essentialiste du service public, indépendante des circonstances et des besoins, qui est ainsi proposée. Son adoption marquerait une rupture majeure avec notre tradition.

De cette définition, on constate en outre que le critère organique a disparu : les activités de service public ne seraient plus seulement celles assumées ou organisées par les pouvoirs publics, mais toute activité entrant par son objet dans le champ défini. Cela me semble inconcevable, surtout avec une définition aussi accueillante que celle proposée.

En outre, la charte proposée comporte des risques pour les services publics eux-mêmes. Car si les principes inscrits à l'article 2 me semblent conformes au droit en vigueur, la charte énonce par ailleurs des règles de fonctionnement incompatibles avec l'organisation des services publics.

En particulier, elle revient de manière radicale sur la possibilité de confier à des personnes privées l'exécution du service public, « sauf nécessité impérative motivée ». Cette disposition est contraire à l'état du droit, qui repose sur la liberté de gestion des services publics, à l'exception de certaines activités régaliennes. Elle est profondément contraire à l'organisation de certains services publics historiques, à commencer par la sécurité sociale, gérée au niveau local par des organismes et des personnels de droit privé. Songeons aussi aux collectivités territoriales, souvent obligées de recourir à des personnes privées pour assurer certains services publics qu'elles n'auraient pas les moyens de faire fonctionner par elles-mêmes.

Enfin, cette charte assigne à l'État des obligations excessives. Celui-ci devrait ainsi garantir la préservation et le fonctionnement pérenne de l'ensemble des services publics locaux ou nationaux. On croit lire que le champ des services publics serait immuable et intangible, alors que la jurisprudence administrative, pleine de sagesse, concilie depuis toujours les principes de continuité et de mutabilité.

De manière générale, il me semble essentiel que le législateur conserve toute latitude pour définir le périmètre des services publics et les modalités du service rendu aux usagers. Ces questions touchent au coeur des prérogatives du Parlement.

Les services publics de notre pays sont confrontés à de nouveaux défis. Ils sont à la fois plébiscités et critiqués. Leur coût, leur efficacité, leur proximité et leur accessibilité sont autant de questions qui se posent de manière concrète et appellent des réponses pragmatiques.

Ainsi donc, il ne me paraît pas opportun d'enrichir notre bloc de constitutionnalité par cette déclaration de principes, qui n'aurait d'autre effet que de contrarier la liberté d'action future.

Je n'en salue pas moins l'ambitieux travail des rédacteurs de cette proposition de loi constitutionnelle, manifestement inspirés par une haute idée du service public (Mme Cécile Cukierman remercie l'orateur), que je partage profondément : c'est l'engagement de ma vie, au service de nos concitoyens, comme élu, magistrat, président d'autorité indépendante et, désormais, ministre.

Ce sont cet attachement à l'idée du service public et le souci que nous partageons de les faire vivre qui me conduisent à vous appeler, au nom du Gouvernement, au rejet de cette proposition de loi constitutionnelle.

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur des travées du groupe UC) L'apparition du service public en France est issue du constat, par le tribunal des conflits en 1871, que les droits de l'État dans l'exercice d'une activité profitable à tous ne peuvent être les mêmes que ceux d'une personne privée. Le préambule de la Constitution de 1946 en détermine le champ : santé, repos et loisirs, instruction, formation professionnelle et culture.

Les services publics ne sont pas figés ; ils évoluent au gré des besoins. Comme le disait Jaurès, « le service public est le patrimoine de ceux qui n'en ont pas ». Le professeur Léon Duguit en faisait un devoir des gouvernants, indispensable à l'interdépendance sociale.

Ciment de notre solidarité, ferment de notre société et serment républicain, les services publics matérialisent notre ambition collective de vivre ensemble. De ce point de vue, la fragilisation que nous constatons dans de nombreux domaines atteint un degré insupportable dans certains territoires. Nous connaissons tous l'effet désastreux d'une fermeture de classe ou d'un regroupement de centres hospitaliers. Ces décisions, bien souvent verticales, sont vécues comme un arrachement et un déclin irrémédiable de l'État.

Nos services publics sont l'eau et le sang de l'édifice républicain. Dans une société fracturée et mondialisée, le service public est un phare pour l'épanouissement de tous. Il est un cri de ralliement, le symbole d'un État qui se met au service des citoyens en leur garantissant des droits économiques et sociaux, pour assurer la dignité de chacun.

Le service public est l'outil le plus efficace de redistribution et de justice. Sa dimension territoriale est essentielle, mais la réduction des ressources pilotables des collectivités a amputé les marges de manoeuvre des élus. Cette tendance s'est accompagnée d'un désengagement, voire d'un abandon, de l'État. Ce phénomène a des conséquences délétères sur la qualité de vie et creuse le fossé entre la puissance publique et la nation, faisant le lit des discours populistes.

En l'état, la proposition de loi constitutionnelle ne peut être adoptée. Ses conséquences juridiques, identifiées par la rapporteure, dépassent la volonté de ses auteurs. Le RDSE, partagé, s'abstiendra majoritairement. Je remercie Mme Cukierman d'avoir mis en lumière ce sujet essentiel. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Laurence Harribey applaudit également.)

Mme Olivia Richard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Merci à Cécile Cukierman et au groupe CRCE-K de nous offrir l'occasion d'un débat utile sur les services publics français. Car nos services publics ne s'arrêtent pas à nos frontières. Pour les Français de l'étranger, ils sont une manifestation tangible du « faire nation ». Les services diplomatiques et consulaires sont un morceau de France qui nous rattache à la patrie.

L'idée d'une charte est intéressante. La méthode proposée rappelle celle retenue en 2005 pour la Charte de l'environnement. Néanmoins, quelle serait la plus-value d'un tel dispositif dans notre bloc de constitutionnalité ?

Nous venons de constitutionnaliser la liberté de recourir à l'IVG. C'était indispensable pour réaffirmer, sans retour en arrière possible, la liberté de la femme de disposer de son corps.

Le contexte n'est pas le même s'agissant du service public. On aurait pu imaginer un texte de liberté, comme la charte des services publics adoptée par le Maroc en 2021, qui énonce de grands principes et des objectifs, mais sans contraindre les acteurs ni figer les moyens à mettre en oeuvre. Un texte de cette nature eût été plus opportun.

La rapporteure a aussi formulé des objections techniques, que nous partageons. La définition du service public proposée est trop large, alors qu'il faut de la souplesse. Les délégations de service public seraient remises en cause, alors qu'elles sont indispensables. Enfin, la charte porterait atteinte à la libre administration des collectivités territoriales.

Reste que cette initiative est l'occasion de réaffirmer notre attachement aux services publics - un laboratoire de modernisation pour nos trois millions de compatriotes de l'étranger. Ainsi, les Français de l'étranger ont été les premiers à expérimenter le vote par internet, rendant possible une participation inédite aux législatives du printemps dernier. La numérisation de nombreux services commence chez les Français de l'étranger : renouvellement du passeport, certificat de vie. Il est aujourd'hui plus rapide de refaire un passeport dans certains consulats que dans une mairie ! J'adresse mes remerciements à l'administration consulaire.

Toutefois, la fracture numérique existe aussi chez nos compatriotes à l'étranger, plus encore qu'en France. Il est primordial de garantir l'égalité d'accès aux services publics pour tous. Je pense notamment à France Connect, qui a porté préjudice à de nombreux compatriotes à l'étranger.

Après vingt ans de baisse des effectifs du Quai d'Orsay, le Président de la République s'est engagé à augmenter de 700 ETP notre réseau d'ici à 2030. Des moyens décroissants pour une demande croissante : la situation est intenable. Nous veillerons à ce que la nécessaire prudence budgétaire ne conduise pas à oublier notre service public à l'étranger.

L'adoption de ce texte ne permettrait pas de mettre un agent devant chaque citoyen. Le groupe de l'Union centriste ne la votera pas. Gageons que nous serons nombreux à défendre le service public lors du débat budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Ian Brossat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Nous partons d'un constat partagé : l'hécatombe, le recul massif des services publics, dans les grandes métropoles comme dans la ruralité. En vingt ans, un tiers des maternités ont fermé. Quelque 17 000 écoles ont fermé en quarante ans et un tiers des bureaux de poste ont disparu depuis 2010.

Cette réalité, nous la déplorons tous. Mais nous ne pouvons pas nous contenter d'affirmer notre attachement au service public, il faut agir.

C'est la raison d'être de cette charte : sortir de l'hypocrisie. On déplore les difficultés de l'hôpital, mais on continue à fermer des services ; la baisse du niveau des élèves, tout en continuant de supprimer des postes d'enseignant ; on pointe du doigt la délinquance des mineurs, en réduisant les effectifs de la protection judiciaire de la jeunesse. Trêve de postures et de vains mots !

Oui, nous devons renforcer nos services publics ; ils sont indispensables pour se soigner ou s'éduquer, pour assurer la cohésion nationale. Ils ne sont pas seulement le patrimoine de ceux qui n'en ont pas : ils sont le patrimoine que nous avons en commun. Ils sont une part de notre identité nationale, de notre fierté d'être français. Longtemps, la force de notre protection sociale a suscité l'admiration.

J'ai entendu les objections avancées pour ne pas faire entrer les services publics dans la Constitution. J'espère du moins que l'attachement au service public exprimé par nos collègues se traduira dans les débats budgétaires. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

M. Grégory Blanc .  - Je m'exprime en remplacement de Guy Benarroche, empêché.

Le 10 octobre dernier, la ministre de l'éducation nationale a annoncé la suppression de 4 000 postes d'enseignants. Sous couvert de simplification, de dématérialisation et d'optimisation, les gouvernements successifs ont affaibli les services publics. Nous payons ces politiques d'inspiration néolibérale et ces coupes budgétaires.

Certaines atteintes au service public sont plus subtiles et leurs effets, moins visibles. Je pense notamment à France Services, réseau de points de contact fourre-tout où les agents sont supposés maîtriser 200 procédures. Comment est-ce humainement possible ? Dans l'immense majorité des préfectures, il est devenu impossible d'être accueilli sans avoir pris rendez-vous en ligne. De telles règles sont draconiennes pour certaines personnes et font obstacle, entre autres, à des régularisations.

À l'heure où la moitié la plus pauvre de la population ne détient que 8 % du patrimoine, les services publics sont primordiaux pour assurer la redistribution des richesses. Hélas, pas un jour sans que leur supposé coût ne soit mis en cause. S'attaquer aux services publics, c'est s'attaquer aux promesses fondatrices de notre République.

Nous saluons donc la proposition du groupe communiste d'inscrire les services publics dans notre bloc constitutionnel. De fait, hormis une référence marginale à l'alinéa 9 du préambule de 1946, nos textes constitutionnels ne font pas mention des services publics.

Au-delà de sa portée symbolique, cette inscription donnerait aux juridictions constitutionnelles et administratives de nouveaux fondements plus mobilisables pour protéger les services publics et garantir leur fonctionnement équitable.

Toutefois, comme l'a fait remarquer la rapporteure, la charte proposée présente quelques imprécisions juridiques qui affaiblissent sa portée. C'est peu surprenant, car définir le service public est un exercice périlleux. Mais les conséquences seraient bien réelles.

En particulier, le texte énumère ce qui relève des services publics. Or une telle liste positive ne peut jamais être exhaustive. Les réponses à l'urgence climatique manquent, par exemple.

Malgré ces difficultés, nous souscrivons pleinement à l'intention du groupe CRCE-K et voterons la proposition de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Laurence Harribey .  - Je salue la constitutionnalisation du service public, qui fait partie de notre identité nationale depuis la IIIe République. En favorisant la prise en charge des besoins élémentaires des plus démunis, la République s'honore, car elle favorise la cohésion sociale et territoriale. C'est un idéal fédérateur qu'il faut concrétiser toujours davantage.

Au reste, les présidents Mitterrand et Chirac avaient imaginé constitutionnaliser le service public.

Nous saluons cette initiative, alors que les services publics ont souffert d'un déficit de considération depuis les années 1990 et que leur délitement alimente la montée des extrêmes.

Cette proposition de loi constitutionnelle pose les termes d'un débat nécessaire, et je salue le travail mené en commission.

Toutefois, ses dispositions emportent des conséquences négatives. Si la notion de service public est peu présente dans la Constitution, elle est protégée par la jurisprudence du Conseil d'État, les fameuses lois de Rolland et le Conseil Constitutionnel, qui a consacré, entre autres, le principe de continuité.

Or la charte met à mal cet équilibre. Elle définit de façon trop imprécise la notion de service public dans son article 1er ; l'article 3 conduirait à limiter le recours au mode de gestion déléguée ; l'article 4 porterait atteinte au principe constitutionnel de libre administration des collectivités. Enfin, le droit européen reconnaît déjà le principe de service public dans le protocole 26 du traité sur le fonctionnement de l'Union.

Une autre voie était possible, notamment l'insertion d'une mention simple dans le préambule de 1946. Ne pouvant souscrire à la solution proposée, le groupe socialiste s'abstiendra.

M. Pierre Jean Rochette .  - Nous comprenons la démarche du groupe CRCE-K, mais elle n'est pas adaptée. Lors des dernières crises sociales, des bonnets rouges aux gilets jaunes, nous avons souvent entendu, en substance : « moins d'impôts, plus de services publics ». Le paradoxe n'est qu'apparent.

Près de 43 % de la richesse nationale est captée par des prélèvements obligatoires, alors que l'hôpital ou la justice se dégradent. Le Parlement a récemment adopté des lois de programmation mettant un terme à ces dynamiques baissières, mais il faudra du temps pour qu'elles produisent leurs effets.

La moitié des prélèvements obligatoires est affectée à des transferts sociaux : c'est une bonne chose pour ceux qui en bénéficient, mais c'est autant d'argent qui n'est pas investi dans les services publics, notamment en matière de transports. Or, sans infrastructures, c'est toute l'économie d'un territoire qui est condamnée.

Le périmètre de l'État s'est étendu progressivement, pour aboutir à trop d'impôts pour des services publics trop peu satisfaisants. L'État doit faire des choix et se concentrer sur les missions régaliennes ; le reste doit être confié au secteur privé.

S'il fait trop, l'État ne fait pas bien. Frédéric Bastiat nous a mis en garde : « Le peuple sera écrasé d'impôts, on fera emprunt sur emprunt ; après avoir épuisé le présent, on dévorera l'avenir ». Notre groupe ne soutiendra pas ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains)

M. Stéphane Le Rudulier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue le travail du rapporteur Catherine Di Folco et de Cécile Cukierman sur un sujet essentiel.

Nous considérons tous que la République ne se résume pas à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ou au suffrage universel : nos services publics font partie de notre patrimoine commun, qu'il s'agisse de l'éducation, de la santé ou de la mobilité. Nous partageons donc les préoccupations des auteurs de la proposition de loi constitutionnelle, dont l'initiative est louable.

La méthode employée est inspirée de la Charte de l'environnement de Jacques Chirac. Il s'agit ici de constitutionnaliser la notion de service public sans modifier le bloc de constitutionnalité mais en s'y adossant.

Si les grands principes régissant le service public sont dispersés dans les textes juridiques et la jurisprudence, sa base constitutionnelle se trouve à l'alinéa 9 du préambule de 1946. Mais l'équilibre du service public découle surtout de l'interprétation des juges administratifs et constitutionnels : l'absence de constitutionnalisation n'a pas fait obstacle au développement de la conception française du service public - au contraire, cela a assuré son adaptabilité.

Nous sommes sceptiques sur le contenu même du texte. Certains principes sont gravés dans le marbre : neutralité, égalité, accessibilité, continuité. Mais la conception est trop figée et la définition trop imprécise.

Considérer que le seul mode de gestion est celui de l'exercice direct par la personne publique rigidifie et remet en cause la capacité d'action des pouvoirs publics, notamment locaux.

Vous voulez empêcher la privatisation de grands services publics - armée, police, monnaie, prisons  - face aux efforts du privé pour coloniser le coeur de l'État, ou à tout le moins y établir des protectorats.

Cependant, dans quatre décisions sur des projets de loi de nationalisation ou de privatisation, le Conseil constitutionnel a reconnu que l'existence de certains services publics peut être exigée par la Constitution : le législateur ne pourrait ni les amputer ni leur ôter leur caractère de service public.

Faire de l'État le garant du fonctionnement et du financement des services publics ouvre une brèche dans le principe de libre administration des collectivités territoriales en permettant une tutelle de l'État.

L'inflation constitutionnelle aurait des conséquences délétères : à renforcer le sommet de la hiérarchie des normes, on engendre l'impuissance des autres niveaux, notamment législatif. Une Constitution bavarde, dont les principes se seraient confrontés les uns aux autres, avec le juge constitutionnel pour seul arbitre, perdrait de sa solennité.

N'y touchons que d'une main tremblante, comme le dit Montesquieu.

Cette proposition de loi constitutionnelle risque d'aboutir in fine à un désordre et à une paralysie juridique préjudiciables au bon fonctionnement du service public. Il ne me semble pas opportun de l'adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Salama Ramia .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) La préservation des services publics est essentielle, c'est l'une de nos priorités. Le service public est bien plus qu'une organisation des infrastructures ou des moyens, c'est l'incarnation des principes d'égalité, de solidarité, de justice sociale, c'est un pilier de notre République. Y accéder, c'est accéder à nos droits fondamentaux, droits à la santé, au logement, à l'éducation, à l'hébergement d'urgence.

Lorsqu'il faillit, c'est notre cohésion nationale qui se fragilise - plus encore dans nos territoires ultramarins, où la continuité territoriale et l'accès aux services publics sont des besoins impérieux. Il faut des réponses sur mesure pour garantir l'égalité républicaine. Ainsi les 2 840 maisons France Services répondent aux besoins des zones rurales et périurbaines. La Cour des comptes en a dressé un bilan positif : un million de demandes traitées en 2020, neuf millions en 2023, preuve que l'État peut innover et mieux servir les citoyens.

Je salue le travail des auteurs du texte, mais le dispositif choisi risque de perturber l'organisation des services publics, bien établie et sécurisée par la jurisprudence du Conseil d'État. Ainsi l'article 1er supprime le critère organique inhérent au service public, qui permet d'identifier la personne qui l'assure. La définition proposée est à la fois trop rigide et trop large, de nature à compromettre une gestion efficace par les collectivités et les pouvoirs publics. L'inscrire dans la Constitution freinerait l'adaptation à des réalités qui évoluent.

Enfin, l'article 4 met en péril le principe de libre administration consacré par l'article 72 de la Constitution.

Nous sommes attachés à un service public de qualité, proche des usagers et de la réalité des territoires. Ce texte n'atteint pas ces objectifs, nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Discussion des articles

Article 1er

M. Pascal Savoldelli .  - J'ai entendu les objections de la majorité sénatoriale et du ministre, mais vous avez oublié de dire que vous avez décidé de réinventer le service public. Vous prônez un nouveau management public, qui applique au service public les critères de gestion de l'entreprise privée. Il y a trop de rigidité, a d'ailleurs dit M. Le Rudulier : confions cela au privé...

La gestion du service public est multidimensionnelle, elle vise l'intérêt général, là où l'entreprise, elle, obéit au principe de rentabilité et de retour sur investissement. Adopter le management privé dans le public, c'est contraire au principe d'égalité dans les recrutements, au principe d'indépendance, au principe de responsabilité. Le service public est mis à mal, dans son ADN même, par la confusion des finalités, les conflits d'intérêts et la captation de l'action publique par le privé.

Nous pensons, nous, que le service public est l'expression d'un effort collectif solidaire, qui s'apprécie sur le long terme. On ne peut le juger à l'aune d'une annualisation budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Cécile Cukierman .  - Relisez donc les comptes rendus des débats lors de l'adoption de la Charte de l'environnement, ils sont éloquents. Et pourtant, qui oserait aujourd'hui la remettre en cause, en prétendant qu'elle est trop contraignante ?

Oui, nous faisons un choix politique. Sommes-nous capables d'assurer sur le long terme la pérennité des services publics, ou acceptons-nous que demain, le modèle à la française soit remis en cause au nom de la liberté individuelle, qui n'est qu'une fausse liberté - celle de choisir entre soigner un proche ou travailler, entre étudier ou non, se soigner ou non, en fonction de ses moyens. La casse des services publics oppose les gens, nourrit la jalousie et fait le jeu de l'extrême-droite.

Cette question est aussi celle du consentement à l'impôt. Oui, nous payons des impôts car l'État nous protège et nous sécurise. Il n'y a qu'une question : que voulons-nous offrir aux Français demain ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

À la demande du groupe Les Républicains, l'article 1er est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°27 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 262
Pour l'adoption   34
Contre 228

L'article 1er n'est pas adopté.

Article 2

Mme la présidente.  - Si l'article 2 n'était pas adopté, il n'y aurait plus lieu de voter sur l'ensemble : c'est donc le moment d'expliquer votre vote.

Mme Cécile Cukierman .  - Ce texte de notre groupe s'inscrit dans la suite des combats politiques émancipateurs qui ont fait les grandes heures de la gauche française - et que nous défendons pour éviter qu'ils ne s'affaiblissent.

Je suis surprise des positionnements des uns et des autres, mais pas tant que ça au regard des décennies passées. Je suis rassurée d'avoir choisi un véhicule constitutionnel, car le pire, en politique, est de beaucoup promettre sans mettre en oeuvre ; on ne peut défendre un jour le service public tout en privatisant le lendemain.

Ce sujet des services publics est-il constitutif de notre société ? Doit-il quitter le giron parlementaire ? Voilà un vrai débat de philosophie politique. Rendez-vous au budget pour défendre les services publics, et que personne n'aille ensuite s'offusquer de leur dégradation.

L'article 2 est mis aux voix par scrutin public ordinaire de droit.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°28 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 262
Pour l'adoption   34
Contre 228

L'article 2 n'est pas adopté. En conséquence, la proposition de loi constitutionnelle n'est pas adoptée.

La séance est suspendue à 20 h 15.

Présidence de M. Dominique Théophile, vice-président

La séance reprend à 21 h 45.

Plan budgétaire et structurel national à moyen terme et sur l'orientation des finances publiques

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le plan budgétaire et structurel national à moyen terme et sur l'orientation des finances publiques, à la demande de la commission des finances.

M. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie .  - Je suis heureux de m'exprimer pour la première fois à cette tribune.

C'est la première fois que le débat d'orientation des finances publiques prend cette forme et s'appuie sur le plan budgétaire et structurel national à moyen terme (PSMT), conforme à la nouvelle réglementation européenne. Son but est de proposer une trajectoire équilibrée qui tienne compte des questions financières, économiques et de croissance.

Je vous prie d'excuser l'absence de Laurent Saint-Martin, retenu à l'Assemblée nationale.

La croissance mondiale s'élèverait à 3,2 % en 2024 et à 3,4 % en 2025. Les chocs successifs - pandémie, guerre en Ukraine - continuent de ralentir la croissance. Dans la zone euro, elle devrait atteindre 1,4 % en 2025, loin des 3 % de la croissance américaine.

La croissance française demeure stable, à 1,1 % pour 2024, avec une croissance au troisième trimestre 2024 qui est le double des deux trimestres précédents, à 0,4 % - c'est un élan pour les prochains mois. En 2025, la croissance, tirée par la consommation des ménages et par l'investissement des entreprises, devrait s'établir à 1,1 % selon les estimations de mes services.

À moyen terme, grâce à l'assouplissement du crédit, le retour à la normale de l'inflation - 1,8 % en 2025 - et le soutien public renouvelé à l'économie, la croissance française devrait atteindre 1,4 % en 2026, 1,5 % en 2027 et en 2028.

Les fondamentaux de cette croissance sont la réforme de l'assurance chômage, les mesures de soutien à l'apprentissage, la réforme des retraites, et la progression du taux d'emploi, la plus élevée depuis la création de l'indicateur en 1975.

Notre dette est colossale : 3 300 milliards en 2024.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances.  - C'est lui qui le dit...

M. Antoine Armand, ministre.  - C'est le résultat d'un demi-siècle de déficits successifs. Depuis 1974, notre dette a augmenté de 100 points de PIB. Entre 2008 et 2013, elle a augmenté de 25 points, contre 15 points entre 2019 et 2024.

Ce niveau affecte notre souveraineté, notre crédibilité et notre capacité à aborder l'avenir. Quelque 50 milliards d'euros seront versés en 2024 au titre des intérêts de la dette - 1 euro de dépense sur 8, ce sera prochainement notre premier poste de dépenses.

Cela touche notre capacité à nous financer : le spread avec l'Allemagne s'élevait à 0,5 point au début de l'année, désormais à 0,8. Le Portugal se finance à dix ans à un taux plus faible que le nôtre.

Cela ne peut pas durer. Des efforts - difficiles - doivent être faits, à l'instar d'autres pays européens.

Dans le PLF 2025, nous proposons de ramener le déficit public sous 5 % en 2025, soit un effort de 60 milliards d'euros par rapport à la croissance spontanée de nos dépenses publiques, avec 40 milliards de réductions de dépenses et 20 milliards sur des contributions fiscales exceptionnelles. L'objectif de ce PSMT est de passer sous la barre des 3 % de déficit en 2029, pour être conforme aux exigences européennes, bien sûr, mais aussi pour nous fixer un horizon de désendettement.

Le PLF 2025 est la première pierre de cette stratégie, avec plusieurs piliers. Le premier, c'est l'efficacité et la soutenabilité des dépenses. Les dépenses publiques atteignent 57 % de la richesse nationale. Nous fusionnerons des opérateurs publics, nous moderniserons notre système de santé, notamment en matière de lutte contre la fraude. Nous renforcerons l'efficacité de la dépense publique, grâce à de nombreuses revues de dépenses.

Nous voulons réitérer ce travail pour supprimer 5 milliards d'euros de dépenses non prioritaires entre 2025 et 2027. Cette revue portera avant tout sur les niches fiscales et sociales, parfois contraires à nos objectifs en matière d'emplois ou de transition écologique. L'ensemble des administrations publiques seront mobilisées, ainsi que les parlementaires qui le souhaitent. Nous publierons un rapport annuel.

Nous devons suivre beaucoup mieux l'évolution de la dépense publique, pour mieux anticiper les prévisions, y compris au sein d'une même année.

Il est difficile de réduire la dépense publique, mais aussi d'assumer une hausse temporaire des prélèvements, même si elle est ciblée. Toutes les augmentations d'impôts que nous pourrons éviter par des réductions de dépenses seront retenues.

Le deuxième pilier, c'est la transition écologique et énergétique. Entre 1990 et 2022, nos émissions de gaz à effet de serre ont baissé de 25 % - moins 5,8 % en 2023  - mais la route pour respecter l'accord de Paris est encore longue.

C'est tout l'intérêt de la planification écologique, traduite par la loi Industrie verte, le verdissement de la commande publique, le plan France 2030 ou encore le financement de projets industriels, qui ont besoin de capitaux privés et publics pour asseoir notre souveraineté. Nous voulons développer l'ensemble des énergies décarbonées - le nucléaire au premier chef, avec le développement de nouveaux réacteurs innovants, mais aussi les énergies renouvelables.

Nous devrons aussi réduire la demande avec la sobriété et la rénovation énergétiques dans tous les secteurs, y compris public. Nous devrons décarboner.

Le troisième pilier, c'est la réindustrialisation et la poursuite de l'agenda compétitivité français et européen, ambition du Premier ministre à travers le Livret industrie. La compétitivité réglementaire est essentielle, face au dumping de certains États. L'alignement des droits des TPE et des PME avec ceux des particuliers est un autre axe. Les efforts de simplification et de réindustrialisation doivent être portés par les collectivités territoriales.

Quatrième pilier, le soutien à l'emploi et la hausse du niveau de vie passent par l'apprentissage et l'amélioration de la formation professionnelle, l'amélioration du taux d'emploi et des taux d'insertion des plus jeunes et des seniors, grâce à la concertation avec les partenaires sociaux. Rétablissons la confiance entre l'État et nos concitoyens et avec les entreprises. Cette crédibilité suppose la transparence sur la publication des statistiques des services de mon ministère, dont je salue le travail. Je le reconnais humblement : vous avez légitimement constaté l'ampleur des écarts entre les prévisions et les exécutions budgétaires. Nous sommes dans un contexte européen d'incertitude radicale - en Allemagne, le décalage de recettes atteint 12 milliards d'euros en dépenses, et l'équivalent en recettes. Nous devons avoir un suivi plus régulier, en débattre avec des économistes et le Parlement, et l'améliorer.

Nous voulons retrouver un niveau de déficit satisfaisant, pas seulement parce que c'est une priorité budgétaire, mais aussi parce que c'est une priorité politique définie par le Premier ministre.

Ainsi, nous pourrons libérer l'investissement, encourager l'emploi, développer nos entreprises et conserver, comme Français, une voix forte en Europe, au service de notre modèle économique et démocratique. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP) Le PSMT, transmis demain à la Commission européenne, traduit l'engagement de la France envers ses partenaires, et ce de façon concrète. Placée en procédure pour déficit excessif depuis juillet dernier, la France pourrait être mise en demeure, faute d'actions pour le corriger, avec une sanction de 1,5 milliard d'euros tous les six mois.

Cette correction est réalisée par le PSMT pour quatre à cinq ans. Issu de la récente réforme des règles budgétaires européennes, il constitue le premier document du genre ; c'est en quelque sorte une fusion du programme de stabilité et du programme national de réforme. L'indicateur central est non plus le solde structurel mais celui des dépenses primaires, qui est à la main des États, à savoir les dépenses publiques diminuées des dépenses d'indemnisation du chômage, des nouvelles mesures en recettes, des dépenses cofinançant les programmes de l'Union européenne et de la charge de la dette. Le ratio dette sur PIB doit être orienté à la baisse à la fin de l'ajustement et le déficit ramené à moins de 3 %.

Des garde-fous ont été ajoutés pour les pays en procédure pour déficit excessif à la demande de l'Allemagne : le ratio de la dette sur PIB doit être réduit d'un point par an en moyenne ; un ajustement budgétaire doit être réalisé tant que le déficit n'atteint pas 1,5 point de PIB.

L'objectif du PSMT 2025-2029 est de ramener la dette publique sur une trajectoire descendante et le déficit public à moins de 3 % durant une période d'ajustement allongée de quatre à sept ans, si possible, grâce aux réformes récentes : retraites, assurance chômage, verdissement, simplification de la vie économique, refonte des allégements de cotisations sociales. On y trouve peu d'informations sur les actions restant à entreprendre. Espérons que le PSMT sera suffisant pour prolonger la période d'ajustement.

La trajectoire de dépenses nettes sous-jacente au PSMT est différente de la trajectoire de référence de la Commission communiquée en juin dernier, car la prévision de déficit public pour 2024 était alors bien inférieure à l'actuelle. Le niveau minimal d'ajustement structurel primaire requis s'élevait, pour un ajustement sur sept ans, à 0,6 point de PIB potentiel par an. En réalité, au regard de la dégradation de notre situation budgétaire, il devra être au moins de 0,76 point de PIB par an entre 2025 et 2031, soit environ 23 milliards d'euros.

La trajectoire de dépenses nettes finalement retenue dans le PSMT suppose une stabilité de la dépense primaire nette en 2025 puis une augmentation annuelle de 1,4 % entre 2026 et 2028, puis de 1,9 % en 2029, correspondant à un ajustement structurel primaire moyen, significatif, de 0,78 point de PIB sur la période.

L'ajustement est concentré sur 2025 à hauteur de 1,4 point de PIB puis diminuera en 2026 avant de légèrement augmenter ensuite.

Ce n'est que dans plusieurs années que nos finances publiques seront à l'équilibre.

Le scénario macroéconomique sous-jacent du PSMT est plus prudent que celui du programme de stabilité 2024-2027. Le chiffre est plus conforme avec le scénario des conjoncturistes : la croissance à long terme, elle, serait de 1,2 % par an selon le consensus des économistes et le FMI. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), début octobre, estimait que ce nouveau scénario de PIB potentiel est « raisonnable ».

Plus conservatrice que les précédentes, cette prévision débouche sur un scénario de croissance effective peu optimiste : 1,1 % en 2025, mais 1,4 % en 2026, 1,5 % pour 2027 et 2028. L'assouplissement de la politique monétaire peut y contribuer, mais la réduction du déficit public pourrait à l'inverse modérer la croissance.

Toutefois, les prévisions de croissance nominale, qui comptent le plus pour déterminer le solde public, me semblent raisonnables.

L'objectif du PSMT est de placer chaque pays sur une trajectoire viable des finances publiques.

Je me félicite du regain de rigueur qui a présidé à l'exercice : les hypothèses semblent cohérentes et crédibles. Bien que la situation soit alarmante, les hypothèses laissent espérer un redressement.

La réduction du déficit public se poursuivrait les années suivantes, jusqu'à 4,6 % en 2027-2028, pour atteindre, en 2029, 2,8 % du PIB.

Hélas, nous ne pouvons respecter nos engagements dès 2027, comme le prévoyait la loi de programmation des finances publiques (LPFP).

Alors que Bruno Le Maire répétait encore début septembre que les 3 % étaient atteignables dès 2027, tel n'est pas le cas.

La dérive de 2023-2024 a fait dérailler la dette publique française. Celle-ci augmenterait progressivement jusqu'en 2027 pour atteindre plus de 116,5 % du PIB, un niveau jamais atteint depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Colossale, la dette fait courir un risque pour notre souveraineté ; réfléchissons à une dette hors marché. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP)

M. Claude Raynal, président de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Si la commission des finances a demandé de débattre du PSMT, c'est qu'il est stratégique.

Je me félicite de l'avis du HCFP sur le PSMT. En revanche, je déplore que le document n'ait été transmis dans une version provisoire que le 20 octobre dernier, contrairement au délai prévu par la Lolf. Si vous n'êtes pas responsable de cette dérive du calendrier, la loi organique n'a pas été respectée et c'est le Parlement qui en fait les frais.

Les parlementaires consacrent du temps à l'examen des LPFP alors que la trajectoire des finances publiques y est déclaratoire, tandis qu'ils doivent examiner à la hâte ce document réellement engageant. Un débat, c'est mieux que rien, mais ce n'est pas grand-chose ! (M. Jean-Raymond Hugonet s'en amuse.)

En juillet, la France a été placée sous la procédure de déficit excessif. Le Conseil lui adressera prochainement une recommandation. De deux choses l'une : ou bien le PSMT satisfera Bruxelles, ou il exposera la France à des mesures de redressement contraignantes : en cas de non-respect, la France pourrait être sanctionnée financièrement à hauteur de 0,05 % de son PIB par semestre.

Le PSMT prévoit une liste d'investissements et de réformes justifiant un allongement à sept ans de la période d'ajustement pour ramener le déficit public sous les 3 %. La trajectoire du déficit doit baisser de 1 point de PIB par an en moyenne. Chaque année, un rapport devra être envoyé à la Commission européenne pour vérifier que les réformes sont effectivement mises en oeuvre. Cette liste est donc déterminante, mais le document qui nous a été envoyé est bien pauvre...

La trajectoire est meilleure que le programme de stabilité. Mais prévoir une croissance de 1,4 % à 1,5 % en 2026 me semble optimiste. Certes, la politique d'assouplissement budgétaire relancera l'investissement. La baisse de l'inflation relancera la consommation. Mais attention aux conséquences du redressement budgétaire.

Ne nous y trompons pas : la situation de nos finances publiques est critique. Faut-il moins de dépenses ou plus de recettes ? Ce sont des choix politiques.

Mais pour redonner à l'action publique ses lettres de noblesse, il faut des comptes publics en bon état. Depuis trente ans, les seuls redressements ont eu lieu sous le gouvernement de Lionel Jospin et au début du précédent quinquennat, grâce à l'action déterminée du président Hollande. (M. Jean-François Husson et Mme Élisabeth Doineau s'en amusent.) Je vous laisse méditer ce point d'histoire ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Grégory Blanc et Marc Laménie applaudissent également.)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) Le PSMT était attendu. En avril dernier, j'étais perplexe, car le Gouvernement n'indiquait pas ce qu'il comptait faire concrètement.

Avec le PSMT, la situation est analogue, surtout pour les finances sociales. C'était difficilement évitable, alors que nous avons du mal à nous mettre d'accord dans le PLF et le PLFSS...

Le projet de PSMT aborde peu les dépenses sociales ; les administrations de sécurité sociale (Asso) ne sont pas évoquées au-delà des années 2024 et 2025 ; l'effort de répartition entre les administrations publiques n'est pas indiqué. C'est un recul par rapport aux précédents programmes de stabilité.

Le PLFSS est lui aussi très vague sur les perspectives après 2025. Certes, il comprend une programmation à moyen terme, par ailleurs très préoccupante, puisque le déficit de la sécurité sociale atteindrait 20 milliards d'euros en 2028.

Toutefois, cette programmation n'en est pas vraiment une : c'est une projection ne tenant compte que des mesures prévues et faisant montre de volontarisme pour l'Ondam et la croissance du PIB.

Après un effort structurel primaire de 1,6 point de PIB en 2025, cet effort serait de 0,7 ou 0,8 point de PIB jusqu'en 2029, soit 25 milliards d'euros. Je vois mal comment cet effort ne concernerait pas la sécurité sociale.

Dès lors, pourquoi ne pas modifier l'annexe au PLFSS en intégrant un certain nombre de mesures de redressement ? C'est une simple question, monsieur le ministre... (Sourires) Ainsi, il serait possible de réaliser de nouveaux transferts de la dette à la Cades.

Ne jouons pas avec la pérennité de notre système de protection sociale ; ne nous contentons pas de la trajectoire inquiétante annexée au PLFSS.

La Commission et le Conseil se prononceront prochainement sur le PSMT : nous sommes sous la surveillance des autorités européennes, des marchés financiers, mais aussi sous celle des Françaises et des Français (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI)

M. Vincent Delahaye .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Autant le dire tout de suite, je doute que ce plan budgétaire ne rassure vraiment nos partenaires européens.

Les ministres passent, mais Bercy reste. Vos intentions sont bonnes, certes, mais la méthode proposée par Bercy n'est pas adaptée : nous sommes toujours dans le virtuel, le tendanciel. Vous nous dites que ce dernier s'élève à 7 %. Mais comment le validez-vous ?

J'apprécie les travaux du HCFP, qui s'est dit incapable de se prononcer sur la pertinence de ce taux. Comment le serions-nous nous-mêmes ?

Regardons la réalité en face : les dépenses courantes et les dépenses exceptionnelles sont mélangées, depuis des années ! Vous avez fourni un document intéressant : les budgets des ministères à la fois en 2019 et 2025. Entre 2019 et 2025, les budgets des ministères ont augmenté de 100 milliards d'euros ! Si ces dépenses avaient augmenté uniquement de l'inflation, nous aurions économisé 33 milliards d'euros ! Nous pourrions ainsi proposer d'augmenter de la moitié de l'inflation. Qu'en pensez-vous, monsieur Savoldelli ? Ce ne serait pas de l'austérité, puisque les dépenses augmenteraient tout de même...

J'en viens aux retraites, un quart de nos dépenses pour la moitié de notre déficit et de notre dette. Or le document traite de ce sujet en 3 pages sur un total de 218 !

La réforme des retraites de 2023 ne traite que 10 % du problème. Ceux qui veulent la remettre en cause sont des irresponsables. Le déficit des retraites, c'est avant tout celui des régimes publics. Il faudrait avoir le courage politique d'engager une nouvelle réforme.

Le nucléaire, c'est 14 lignes sur 218 pages. Le Gouvernement souhaite le relancer et prévoit 1 milliard d'euros sur cinq ans pour le nouveau nucléaire, mais aucun investissement n'est prévu en faveur de l'ancien. Nous avons repris EDF, ce qui nous a coûté 10 milliards d'euros. L'entreprise est très endettée et présente des résultats en dents de scie, mais l'actionnaire principal ne prévoit aucun investissement. Ce n'est pas raisonnable.

Les dépenses ont dérapé aussi à cause des lois de programmation, que je n'ai pas votées. Madame la rapporteure générale, les rémunérations ont augmenté de 13 milliards d'euros dans le cadre du Ségur, mais ces mesures n'étaient pas financées. Ce n'était pas responsable !

S'agissant des recettes, monsieur le ministre, j'aimerais bien qu'on ne soit pas aussi optimiste. Le produit de l'impôt sur le revenu va-t-il réellement augmenter de 6 milliards d'euros l'année prochaine ? Et les recettes fiscales globales de 37 milliards ?

Vous avez annoncé un effort portant principalement sur les dépenses, mais le HCFP a établi qu'il porte sur les recettes à 70 % et seulement à 30 % sur les dépenses. Il faut inverser cette répartition.

Dans le cadre des débats budgétaires, vous nous trouverez à vos côtés chaque fois qu'il y aura des voies d'économies - c'est le cas avec l'augmentation du nombre de jours de carence des fonctionnaires. Ayons le courage de réduire clairement la dépense publique : de nombreuses entreprises craignent de licencier, voire de disparaître, si les efforts nécessaires ne sont pas faits. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains)

M. Pascal Savoldelli .  - Ce document assez complet permet un débat éclairé. Je vous félicite pour sa qualité - c'est assez rare depuis quelques années.

Sur le fond, en revanche, l'autosatisfaction est toujours de rigueur - pour ne pas dire d'austérité. Les politiques menées auraient porté leurs fruits pour l'attractivité de la France, les crises successives mis en lumière la résilience de la France... Cette constance dans l'autocélébration dissimule des choix politiques tragiques pour nos finances publiques.

La France n'est plus un pays industriel - nous, communistes, le regrettons. Pour la part de valeur ajoutée industrielle nous sommes en 24e position sur 27 en Europe, devant Malte, Chypre et le Luxembourg. Seuls 5 % des emplois créés ces dernières années sont industriels. Si les emplois dans l'énergie verte augmentent, ils baissent dans l'immense majorité des secteurs industriels. Certes, le solde net de créations d'entreprises est positif, mais il s'agit d'entreprises peu pourvoyeuses d'emplois. Ces résultats sont à mettre en regard du coût de la politique de l'offre menée depuis plusieurs années. Les baisses d'impôts et de cotisations représentent 52,9 milliards d'euros chaque année, de façon pérenne.

Autre motif d'autosatisfaction : la France attirerait toujours autant les investisseurs. Cessez de brader notre souveraineté et notre modèle social ! Un emploi créé dans l'industrie coûte plus de 400 000 euros aux finances publiques. Le capital est subventionné, pour ne pas dire assisté...

Le secteur du luxe a profité à plein de la mondialisation, l'industrie s'est effondrée : hors agroalimentaire, sa part est passée de 33 à 14 %. Pour rattraper son retard, l'Union européenne doit réaliser des investissements massifs : empruntons 800 milliards d'euros aux marchés financiers, nous suggère M. Draghi. L'emprise des marchés financiers sur les économies et les États européens s'en trouvera renforcée.

Le Gouvernement décide d'un ajustement structurel plus de deux fois supérieur au 1,2 point de PIB préconisé par l'Union européenne. Cette violence n'est pas prescrite par le médecin européen, l'ordonnance émane du Gouvernement.

« Effort partagé » : on sent que la formule a été travaillée... (MM. Jean-Raymond Hugonet et Stéphane Le Rudulier s'en amusent.) En réalité, ce sont les classes populaires, moyennes et les collectivités territoriales qui paieront le gros du tribut. Nous ferons tout notre possible pour y remédier.

M. Grégory Blanc .  - Comme Pascal Savoldelli, je trouve ce document bien documenté jusqu'en 2025. Après, c'est la vacuité qui l'emporte...

Vos projections sont une littérature floue, notamment sur les perspectives de croissance et la nature des réformes à conduire. Le HCFP l'a lui-même indiqué, certes en termes plus diplomatiques.

Rien sur l'avenir des comptes de la nation ni les réformes à mener. C'est d'autant plus fâcheux que cet exercice pourrait être utile pour définir un horizon commun. Hélas, vous le discréditez, après avoir discrédité la LPFP et le programme de stabilité, caducs au bout de quelques semaines.

Un exemple prouve que votre document est déjà caduc : vous prévoyez une hausse des recettes de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) de 1 milliard d'euros en 2025. Comment est-ce possible dans un contexte d'électrification du parc automobile et alors que le prix du pétrole va baisser ?

La transition écologique s'impose à nous. Nous devons adapter notre système fiscal dans cette perspective.

Votre majorité, réunion des libéraux et des conservateurs, a abandonné le slogan de la « stabilité fiscale ». Après des années de baisse des impôts, vous savez qu'il n'y a pas d'autre solution. Mais aucune réforme de notre architecture fiscale n'est prévue. Or les acteurs ont besoin de lisibilité, pas d'un pilotage au coup par coup.

Les collectivités territoriales réalisent les deux tiers de l'investissement public, mais vous leur reprochez d'agir, voire les en empêchez en touchant à leur épargne. Dans ces conditions, comment pensez-vous respecter l'accord de Paris, pourtant réaffirmé dans votre document ?

Votre plan dit, en même temps, tout et son contraire. Avec si peu de crédibilité, comment la parole de la France peut-elle porter ? La crédibilité, ce ne sont pas uniquement des chars Leclerc et des canons Caesar, c'est aussi une trajectoire financière sincère et des documents sérieux. Or ce plan est proche de l'insincérité, donc non respectueux. Nous avons pourtant besoin d'une France respectée, notamment pour faire évoluer les règles européennes.

Enfin, vous engagez-vous à faire voter une loi de finances rectificative ?

M. Victorin Lurel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Tous les collègues l'ont dit : on nous a trompés. L'ancien ministre nous disait, il y a peu encore : tout va bien, ne vous inquiétez pas... En mars dernier déjà, notre rapporteur général parlait de la chronique d'une dérive budgétaire annoncée, mais le Gouvernement n'a rien écouté.

Nous recevons maintenant, dans des conditions un peu surréalistes, un rapport dont je ne suis même pas sûr qu'il soit achevé. Ce document exige des Français plus que ce que demande la Commission européenne. On leur demande de faire une course de vitesse en portant une grosse charge sur le dos !

Je ne partage pas les orientations du ministre et de certains de nos collègues, qui estiment qu'on ne va pas encore assez loin. Ainsi, M. Delahaye soutient que ce PSMT n'est pas austéritaire. (M. Vincent Delahaye renchérit.) Bien sûr qu'il l'est terriblement !

Le HCFP n'a pu se prononcer de manière assurée, compte tenu des approximations et incertitudes. Vous soutenez, sur la base de vos prévisions de croissance, que les ménages consommeront davantage. C'est pure spéculation !

Nous sommes devant un mur. Et, je le répète, vous demandez un effort supérieur à ce que demande l'Union européenne. Vous voulez sortir au plus vite de la procédure pour déficit excessif et faire plaisir aux agences de notation, mais une allure moins rapide est possible, avec des efforts étalés, mieux répartis et plus ciblés. Vous faites le choix d'un budget austéritaire, qui aura un effet récessif.

Le même effort pourrait être plus justement réparti : c'est le sens du contre-budget que le groupe SER proposera sous peu. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Marc Laménie .  - Je remercie les commissions pour l'organisation de ce débat, qui porte sur un champ très vaste - les trois fonctions publiques sont concernées - en même temps que sur des masses financières considérables. De 800 milliards d'euros, le budget de la sécurité sociale est supérieur à celui de l'État, mais avec un déficit bien moindre.

Voilà cinquante ans que la France ne connaît plus d'excédent budgétaire. L'État a oublié de se comporter en bon gestionnaire. Chaque Français naît désormais avec une dette de 44 000 euros. Le redressement n'est plus une option, mais une nécessité.

Notre dépense publique ne doit pas excéder nos recettes : c'est du bon sens, celui que pratiquent chaque jour nos concitoyens. Les imagine-t-on se comporter comme le fait l'État ? Aucun père, aucune mère ne le ferait sur la durée.

Nous sacrifions l'investissement et la préparation de l'avenir. Notre addiction à la dépense publique crée un cercle vicieux : nous empruntons pour rembourser les emprunts.

L'État veut tout faire, alors qu'il devrait se concentrer sur les missions les plus importantes : justice, sécurité, armée, éducation, santé, investissement dans les infrastructures et la transition écologique.

Cet équilibre n'est pas un idéal inaccessible : treize de nos voisins présentent un déficit inférieur à 3 % du PIB. Agissons donc ! Il y va de l'image de notre pays.

Ce PSMT vise à remettre la France sur les rails. Le Gouvernement entend renouer avec le bon sens et tourner la page de cinquante ans de déficits non maîtrisés. La revue des dépenses est nécessaire pour que chaque euro soit utilisé de manière efficace au service des Français. C'est ainsi que nous pourrons regarder l'avenir avec sérénité (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Raymond Hugonet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La réforme de la gouvernance économique européenne prévoit la remise de ce PSMT, censé prévoir une trajectoire soutenable de dette publique.

Vous avez bien entendu : trajectoire soutenable de dette publique. J'hésite à convoquer Molière ou le plus grand de tous les sénateurs, Victor Hugo. Le premier aurait dit : « Ah ! Qu'en termes galants ces choses-là sont mises ! » Et le second : « Ô ministres intègres, conseillers vertueux, voilà votre façon de servir... » On n'emploie plus cette langue, mais la comédie des mots demeure.

Après sept années délétères d'incurie budgétaire, cet exercice relève de la boule de cristal ou du bonneteau, selon qu'on préfère la caravane ou le parapluie. (Sourires)

Quelles sont les réformes que notre pays s'engagerait à mettre en oeuvre pour bénéficier d'une extension de quatre à sept ans de la période d'ajustement ? Comment la France entend-elle réduire son déficit budgétaire ? Faut-il croire à l'amélioration du ratio d'endettement prévue en 2028 ?

Les réponses à ces questions sont indispensables pour apprécier le réalisme de la fameuse trajectoire. Certes, l'évaluation de la croissance potentielle et le nouveau scénario de PIB potentiel sont raisonnables - nous nous en félicitons. De même, on peut admettre que le scénario de réduction sous les trois points de PIB, passant de 2027 dans le programme de stabilité à 2029 dans ce PSMT, se rapproche de la crédibilité. Mais la technostructure, sous l'ardente férule des ronds de cuir bruxellois, continue de s'ingénier à nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

La réalité crue, c'est que l'amorce de décrue du ratio d'endettement en 2028 est affectée par l'incertitude. La réalité crue, c'est que la France demeurera le plus mauvais élève de la zone euro, avec la Grèce et l'Italie. La réalité crue, c'est que la charge de la dette devrait s'élever à 72,3 milliards d'euros en 2027, contre 39 milliards en 2023. La réalité crue, c'est que la totalité de l'impôt sur le revenu ne servira plus qu'à rembourser les intérêts de la dette et que les marges de manoeuvre pour faire face à un éventuel choc conjoncturel seront extrêmement réduites. La réalité crue, c'est que la soutenabilité à moyen terme appelle des efforts immédiats et soutenus dans la durée.

La France doit respecter son PSMT tout en veillant à ne pas affecter son potentiel de croissance. Charité bien ordonnée commence par soi-même : j'économiserai le temps de parole pour ne pas épuiser nos nerfs avant d'entrer dans le tunnel budgétaire... Nous serons à vos côtés, monsieur le ministre, pour réaliser des économies justes et équitables. La France ne peut plus supporter la langue de bois et l'insincérité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP)

Mme Patricia Schillinger .  - Ce plan est crucial pour poser les bases de finances publiques durables dans un contexte incertain.

Les crises récentes ont mis à rude épreuve nos finances publiques. Il est impératif que nous reprenions le contrôle de la situation budgétaire.

Le RDPI souscrit pleinement à l'objectif de redressement des comptes. La dette s'élève à 114,7 % du PIB, c'est très préoccupant : notre souveraineté et notre crédibilité sont en jeu. Étaler l'effort jusqu'en 2029 est une décision pragmatique, pour ne pas fragiliser la croissance ni les services publics essentiels.

Pour réaliser les économies, nous devons faire preuve de méthode et de détermination. Cela dit, cet effort ne doit pas se faire au détriment des plus vulnérables.

M. Victorin Lurel.  - C'est pourtant le cas !

Mme Patricia Schillinger.  - Nous devons notamment préserver les services publics dans les territoires ruraux et ultramarins. La réduction des dépenses ne doit pas accentuer les inégalités. Je pense aux déserts médicaux, un problème qui n'épargne pas le Haut-Rhin.

Les collectivités territoriales sont appelées à prendre leur part de cet effort ; en responsabilité, elles l'assumeront. Mais l'effort doit rester supportable et les collectivités conserver une capacité d'action suffisante pour répondre aux besoins du quotidien et fournir des services publics de proximité de qualité.

La revue annuelle des dépenses est cruciale pour réaliser des économies structurelles. Il s'agit de mieux dépenser et pas seulement de moins dépenser, mais aussi de dégager des moyens pour investir dans la transition écologique et la réindustrialisation. Dans une économie de plus en plus axée sur le développement durable, la France doit être un leader européen de l'économie verte.

Le taux de chômage est historiquement bas, mais, pour maintenir cet élan, favorisons l'accompagnement des jeunes vers le travail. La réforme de l'assurance chômage est une priorité, et il revient aux partenaires sociaux de trouver un nouvel accord.

Plus de 1 million de travailleurs demeurent sous le seuil de pauvreté. Il est important que le travail paie et assure sécurité et considération.

Ceux qui bénéficient le plus de la croissance doivent participer de façon proportionnée à l'effort collectif. C'est une question de justice sociale et de cohésion.

Ce plan est un premier pas vers le nécessaire redressement budgétaire. Le chemin qui nous attend est semé d'embûches, mais je suis convaincue que nous réussirons. Faisons preuve de détermination et de courage, notamment en osant une réforme profonde de l'État.

M. Raphaël Daubet .  - J'aborde ce débat avec prudence, sachant que les prévisions ne se réalisent que rarement.

Cela dit, votre scénario - le retour sous les 3 % d'ici à 2029 - paraît réaliste, a fortiori si on le compare avec la trajectoire du précédent gouvernement. Maîtriser la dépense publique, renforcer la lutte contre la fraude fiscale, cela paraît raisonnable et rassurant.

J'identifie toutefois deux faiblesses. Vous évaluez la croissance autour de 1,2 %. Pourtant, les remontées du terrain sont des signaux d'alerte. Les données de l'Insee sont encourageantes pour mon département du Lot, mais le bilan économique des exploitations agricoles comme les tensions de recrutement dans l'industrie et l'artisanat font craindre un retournement. La consommation des ménages souffre de fragilités. Voilà le facteur le plus inquiétant : la défiance. Nous faisons face à une triple crise de confiance : économique, démocratique et fiscale. Bref, cette trajectoire est surtout un pari sur l'avenir.

Deuxième faiblesse : la croissance ne se décrète pas. Elle suppose une stratégie courageuse, ambitieuse, dépassant l'arithmétique budgétaire. Un choc d'investissement public constituerait un levier pour relancer l'économie, car les investissements publics ont un effet multiplicateur avéré. Les collectivités territoriales sont les premiers investisseurs publics.

M. Victorin Lurel.  - Elles sont matraquées !

M. Raphaël Daubet.  - Cette année, dans le Lot, 50 % des projets des communes - écoles, crèches, logements, maisons de santé - sont tombés à l'eau faute de subventions de l'État. La maîtrise des dépenses publiques ne devrait pas porter sur les dotations d'investissement : au contraire, il faut redonner des marges de manoeuvre à l'échelon local.

Nous devons faire de la recherche et de l'innovation le coeur de notre croissance, or la France occupe la douzième place en la matière.

Dernier levier : construire plus de logements, notamment sociaux.

Ne confondons pas rigueur et renoncement. Les nations qui sortent grandies des crises sont celles qui ont su conjuguer responsabilité budgétaire et audace dans l'investissement. Les projets sont là, les besoins sont criants, les élus locaux sont prêts. Ne laissons pas la prudence d'aujourd'hui hypothéquer la croissance de demain.

Mme Florence Blatrix Contat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce débat s'inscrit dans un contexte particulier : la France fait l'objet d'une procédure pour déficit excessif depuis juillet dernier, avec un déficit prévu à 6,1 % cette année ; dès 2025, les nouvelles règles européennes nous imposeront de réduire notre dette d'un point par an et de ramener notre déficit sous les 3 %.

La France a opté pour un plan d'ajustement sur sept ans, accompagné d'un plan de réformes et d'investissements. Nous saluons cette prolongation, tant l'effort est important.

Ce PSMT reporte le retour à un déficit sous les 3 % à 2029. Il prévoit un ajustement annuel structurel primaire très élevé, de 0,78 point de PIB, soit 23 milliards par an, un objectif jamais atteint.

La Commission attend de vraies mesures. Or vous proposez un catalogue de mesures déjà prises dans le passé, avec le résultat que l'on connaît... Comment expliquer que la politique qui nous a conduits dans le mur nous sortira du marasme ?

Le HCFP se dit incapable d'évaluer le réalisme de cette trajectoire.

À quel rythme devons-nous avancer ? Selon les économistes, il faut lisser l'effort : un choc dès la première année entraînerait une récession, avec à la clé des coupes encore plus drastiques. Selon l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), un ajustement de 60 milliards d'euros en 2025 coûterait 0,8 point de croissance dès l'année prochaine. Même le FMI met en garde !

Si vous ne réévaluez pas le calendrier, vous nous exposez à de graves difficultés. Ne sacrifiez pas les investissements d'avenir ! L'urgence n'est pas que budgétaire, elle est aussi écologique. Le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz estime qu'il faut au moins 34 milliards d'euros supplémentaires par an pour la transition écologique. La dette écologique, elle, est bien irréversible.

La Commission européenne aura bien du mal à croire à cette stratégie. Ce plan témoigne d'une grande légèreté face aux enjeux économiques et financiers. Il faut revoir le ciblage et la trajectoire pour ne pas hypothéquer l'avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Jean-François Husson applaudit également.)

M. Stéphane Le Rudulier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Débattre de la trajectoire de nos finances publiques n'a jamais été aussi important.

Les Français se posent beaucoup de questions. Premièrement, comment en sommes-nous arrivés là ? Comment accepter que le Premier ministre ait découvert une situation bien plus dégradée que ce qu'avait annoncé...

M. Victorin Lurel.  - Dissimulé !

M. Stéphane Le Rudulier.  - ... votre prédécesseur ? Le rapporteur général avait pourtant alerté sur la gravité de la situation.

Quelles mesures structurelles mettre en oeuvre pour tenir une trajectoire vertueuse et revenir sous la barre des 3 % de déficit en 2029 ?

Cela fait des années que nous avons perdu le contrôle des finances publiques. En 2024, le déficit s'élève à 6,1 % du PIB, quand les prévisions tablaient sur 4 %. La dette publique, de 3 228 milliards d'euros, atteint 112 points de PIB, contre 14,5 sous Valéry Giscard d'Estaing. Elle a augmenté de 1 000 milliards depuis 2017.

M. Victorin Lurel.  - Sarkozy avait fait 600 milliards !

M. Stéphane Le Rudulier.  - La charge de la dette explose : en 2026, elle représentera le premier poste de dépenses de l'État. Face à la crise budgétaire, nous devons sortir des guerres idéologiques - c'est le rôle du Sénat.

Cherchons, au-delà de la colline, des solutions pérennes. Inspirons-nous de la renaissance française de 1958, quand de Gaulle résumait ainsi la situation budgétaire de l'époque : « En somme, l'alternative, c'est le miracle ou la faillite. » La faillite, nous y sommes. Avec de Gaulle, ce fut le miracle, grâce à une baisse massive des dépenses publiques. Inspirons-nous de ce modèle.

Le groupe Les Républicains a formulé des propositions. Notre pays compte 1 200 agences, qui coûtent 80 milliards d'euros. Il y a moyen de faire quelques économies en rationalisant.

La relance passera aussi par une nouvelle vague de décentralisation intelligente, reposant sur la responsabilité des élus, et par une réforme de la fiscalité locale, annoncée par le Président de la République en 2017, mais qui n'a jamais eu lieu.

La simplification s'impose face au poids des normes. Nous sommes au carrefour de notre destin national.

M. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie .  - Je vous remercie pour vos nombreuses interventions.

M. Husson a repris l'adjectif « colossal » pour qualifier la dette. Il faut considérer le chiffre brut, mais aussi le rapporter au PIB.

Il y a une différence entre un budget d'effort ou de rigueur et un budget d'austérité : un budget dont la totalité des dépenses augmente de 0,4 % en volume, hors inflation, n'est pas austéritaire. Je regrette que nous n'arrivions pas à faire baisser la dépense dès l'année prochaine. On ne peut, sans perdre le sens des mots, parler d'austérité quand les dépenses de la sphère sociale augmentent de 2,7 %, quand aucun des principaux postes de dépenses de l'État ne baisse, quand le budget des armées ou de la transition écologique augmente, en valeur et en volume.

C'est pourquoi nous avons besoin de baisser rapidement la dette, c'est pourquoi nous consentons l'année prochaine un effort supérieur à ce que nous demande la Commission européenne. Question de crédibilité, alors que nos déficits filent ! Si nous voulons être crédibles, nous devons l'être dès l'année prochaine. Nous ne le faisons pas pour la Commission européenne, mais pour que l'écart de taux avec l'Allemagne se resserre, pour pouvoir investir dans la transition écologique ou la défense plutôt que dans le remboursement de la dette !

Même si le déficit passe sous les 3 % en 2029, la dette doit continuer à baisser. Nos voisins d'outre-Rhin s'y emploient, alors que leur endettement est deux fois moindre que le nôtre.

Monsieur Raynal, je regrette comme vous les délais d'élaboration et de transmission de ce PSMT, en partie imputables au contexte politique.

L'ensemble du programme gouvernemental de réformes n'est pas intégré au PSMT, car la feuille de route tracée par Michel Barnier est en train d'être déclinée dans chaque ministère. Tout n'est pas documenté, je le concède. Le prétendre serait même irrespectueux, compte tenu de l'effort qu'il reste à mener.

Aucun économiste ne prévoit de récession l'an prochain, mais certains redoutent l'effet récessif de la baisse des dépenses. Cela dit, nous estimons que la composition de la croissance ne sera pas la même l'an prochain : en 2024, elle était portée par les exportations ; en 2025, la consommation et l'investissement des entreprises joueront un rôle accru.

Deuxième raison, les efforts de prélèvements obligatoires sont ciblés sur les personnes gagnant plus de 250 000 euros et sur 400 grands groupes bénéficiaires, dont le chiffre d'affaires dépasse 1 milliard. Ce sont ceux qui sont les moins sujets à des effets récessifs. Reste que si nous trouvons des économies permettant de nous passer de ces prélèvements supplémentaires, j'en serai ravi. Dans notre pays qui a le plus fort taux de prélèvements obligatoires au monde, la solution n'est pas davantage d'impôts !

Madame Doineau, je vous rejoins sur la place insuffisante faite à la sphère sociale - le défaut de ce premier PSMT est qu'il n'émane que d'un seul ministère, mais je vous renvoie tout de même à la page 86. Sur la dette sociale, il faut regarder les choses en face. Certaines branches sont à l'équilibre, voire excédentaires. Il ne faut pas faire peser l'effort en priorité sur les régimes qui fonctionnent.

Monsieur Delahaye, en matière de retraites, nous ne sommes pas au bout du sujet. Chaque année, nous y consacrons des dizaines de milliards d'euros. Quand 40 % de notre budget est consacré au remboursement de la charge de la dette et au paiement d'agents publics à la retraite, difficile de tourner notre budget vers l'investissement. Je connais les travaux du Sénat sur le sujet, nous y reviendrons.

En matière de nucléaire, il faut différencier les investissements dans le nouveau nucléaire, via un schéma de financement avec l'État, du financement de la maintenance du parc actuel, qui incombe à EDF.

Monsieur Savoldelli, on peut débattre du sens de la réindustrialisation, mais pas dire que le pays ne s'est pas réindustrialisé ! Même si la part de l'industrie a baissé, nous avons créé des emplois industriels nets. Ce n'est pas être sectaire que de le reconnaître. Depuis 2016, nombre d'emplois industriels ont progressé, oui - plus dans certains secteurs que dans d'autres, mais on ne peut appeler à la transition écologique et numérique et s'en étonner : certains secteurs déclineront, d'autres progresseront.

Vous avez mentionné le rapport Draghi ; on pourrait aussi évoquer le rapport Letta, ou le rapport Noyer.

Lors du Conseil « compétitivité », quand j'appelle à davantage d'investissements publics et privés, mes homologues s'interrogent sur notre niveau de dette publique. Pour être crédibles, il faut déjà avoir des finances publiques aussi saines que celles de nos partenaires.

Ce n'est pas un budget « violent », quand la dépense publique augmente et quand la dépense sociale augmente de 2,7 % !

M. Thierry Cozic.  - C'est ce que disent pourtant 75 % des Français.

M. Antoine Armand, ministre.  - Les enquêtes d'opinion ne reflètent pas l'évolution de la dépense publique.

M. Victorin Lurel.  - Nous n'avons pas la même conception de l'austérité !

M. Antoine Armand, ministre.  - Si l'on recule chaque fois qu'une économie déplaît, pas étonnant que nos déficits filent ! Avec 3 300 milliards de dettes, je ne vais pas m'arrêter au vocabulaire.

Monsieur Blanc, vous vous étonnez de nos estimations sur la TICPE, mais, je l'ai dit, dans nos hypothèses, la consommation et l'investissement des entreprises croissent, donc la consommation énergétique, donc les recettes.

M. Grégory Blanc.  - Donc vous ne respectez pas les accords de Paris ! CQFD !

M. Antoine Armand, ministre.  - L'accord de Paris, c'est 2050 ; notre prévision de recettes, c'est pour 2025.

Vous avez dit que la France était inadaptée en matière de changement climatique. (M. Grégory Blanc le conteste.) Réformer la fiscalité environnementale pour la rendre incitative, c'est difficile. Le chantier n'est pas en jachère, mais la priorité n'était pas au chamboule tout fiscal. Nous avons présenté le premier plan d'adaptation au changement climatique, regardé par nos partenaires européens ; il faudra le financer, d'où la hausse du budget de la transition écologique.

Monsieur Lurel, vous avez parlé d'une « course de vitesse ». Mais rares sont nos partenaires européens qui pensent que nous allons trop vite ! Avec 3 300 milliards d'euros de dette, 6 % de déficit, une dépense publique aussi élevée, un taux de prélèvements obligatoires record, une trajectoire sur sept ans au lieu de quatre pour revenir sous les 3 %, rares sont ceux qui pensent que la France va trop vite ! Je crains plutôt que nous n'allions pas assez vite. Nous avons choisi ce rythme car il fallait préserver la croissance et augmenter le budget de la transition écologique.

M. Laménie a parlé de sérénité : difficile d'en avoir, à ce niveau de déficit et de dépense publique ! Les revues de dépenses sont un marronnier - la dernière étant Cap 2022. Nous disposons de beaucoup d'éléments, reste à trouver des consensus pour sortir de la logique de rabot et faire des choix difficiles. Baisser la dépense publique sera difficile et impopulaire. Nous devrons sans doute choisir de nous concentrer sur certaines missions régaliennes de l'État, quitte à renoncer à d'autres domaines. Ce travail de revue de dépenses doit se faire non pas globalement mais mission par mission.

Ce n'est pas un acte de faiblesse, au contraire. Le travail sur les agences et les opérateurs est indispensable, pour des raisons d'efficacité d'abord, mais ne dégagera pas d'économies massives, puisque les agents réintégreront l'administration centrale. La véritable source d'économies, c'est décider que tel ou tel champ d'action ne relève plus du financement public.

Monsieur Hugonet, comme vous avez des lettres, vous avez su lire sous les chiffres. Vous regrettez l'incertitude. Je ne prétends pas présenter un plan garanti, tant la situation est incertaine. Aucun pays ne sait prévoir le niveau de croissance dans deux ou trois ans, et encore moins les chocs éventuels. Les économistes constatent une perte pérenne de PIB d'au moins un point à la suite du covid.

La dépense primaire, voilà notre indicateur. Ajuster perpétuellement la recette à la dépense se traduit par une dépense publique et des prélèvements obligatoires extrêmement élevés, ce qui devient problématique quand la croissance stagne à 1 %, que les services publics ne donnent pas satisfaction et que le coût de financement de la dette augmente - signe d'un manque de crédibilité de notre trajectoire, faute de redressement. Le Premier ministre en a fait une priorité.

Madame Schillinger, vous avez évoqué les inégalités territoriales, les déserts médicaux, l'accès aux services publics. Le Premier ministre a voulu préserver les enveloppes pour les maisons France Services, afin de rétablir cette proximité essentielle - c'est l'élu d'un territoire rural et montagnard qui vous le dit.

Je porterai dans le PLF des améliorations pour financer la décarbonation de l'industrie, clé de la compétitivité de demain.

Sur les emplois et les salaires, le projet du Gouvernement - sans doute perfectible-  s'inspire du rapport Bozio-Wasmer, qui souligne que les allègements de cotisations sociales sont des trappes à bas salaires. C'est mauvais pour les salariés et pour la croissance. Nous avancerons sur ce sujet dès le prochain budget.

Monsieur Daubet, je partage vos inquiétudes sur les signaux faibles - l'agriculture, l'industrie, notamment. Si nous n'arrivons pas à trouver les marges budgétaires suffisantes, les signaux faibles deviendront plus forts. Autre point : l'Europe doit sortir d'une forme de naïveté industrielle et commerciale. La Chine et les États-Unis ont depuis longtemps une autre approche en la matière, nous devons prendre en compte cette dimension hostile. À l'initiative de la France, la Commission européenne a adopté une hausse des droits de douane de 35 % sur l'importation de véhicules de certains pays asiatiques, où les aides d'État sont massives. Il faut lutter contre ces pratiques distorsives et agressives.

Nous devrons aussi réfléchir à un rééquilibrage des missions de l'État entre fonction publique et secteur privé.

Madame Blatrix Contat, si nous mentionnons les réformes des retraites ou de l'assurance chômage, c'est qu'elles auront des effets macroéconomiques sur le taux d'emploi ou sur les finances publiques. Nos partenaires européens regardent d'ailleurs avec attention ce que nous allons faire : si nous revenons sur ces réformes, nous courrons un risque économique et financier.

Nous devons montrer que nous sommes capables de faire un effort important dès l'année prochaine. Notre crédibilité est en jeu.

Monsieur Le Rudulier, je partage votre inquiétude sur la perte de contrôle. Je ne comparerai jamais la France à une entreprise, mais quelle entreprise pourrait avoir ce niveau de dette et de déficit sans se soucier de ses dépenses ? Si nous visons l'efficacité, le Gouvernement, le Parlement, les experts doivent examiner régulièrement la dépense publique pour garder le contrôle. Il y va de notre crédibilité.

Au-delà de la colline - de la montagne ! -, nous sommes face à un mur d'investissements dans la transition écologique. En France, nous bénéficions d'un écosystème d'innovation important, avec des taux de croissance de 7 à 9 %. Mais en Chine, aux États-Unis, ce sont des taux à deux chiffres. Pour pouvoir financer ces secteurs au même niveau que le font les pays innovants, il nous faut faire des économies ailleurs - sur les agences, ou sur le millefeuille territorial, en suivant les pistes du rapport Woerth et du rapport Ravignon. Après les rapports, des actes !

Prochaine séance, mardi 5 novembre 2024, à 9 h 30.

La séance est levée à minuit.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 5 novembre 2024

Séance publique

À 9 h 30, 14 h 30 et le soir

1. Questions orales

2. Explications de vote puis vote sur la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à améliorer le repérage et l'accompagnement des personnes présentant des troubles du neuro-développement et à favoriser le répit des proches aidants (texte de la commission, n°97, 2024-2025)

3. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale (texte de la commission, n°86, 2024-2025)

4. Trois conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié :

=> Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sur la création d'un espace aérien commun entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la République d'Arménie, d'autre part et de l'accord sur la création d'un espace aérien commun entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et l'Ukraine, d'autre part (procédure accélérée) (texte de la commission, n°687, 2023-2024)

=> Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Indonésie relatif à la coopération dans le domaine de la défense (procédure accélérée) (texte de la commission, n°722,2023-2024)

=> Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État indépendant de Papouasie-Nouvelle-Guinée relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces (texte de la commission, n°602, 2023-2024)

5. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l'accord se rapportant à la convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (texte de la commission, n°724, 2023-2024)

6. Proposition de loi tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes, présentée par Mme Marie Mercier et plusieurs de ses collègues (procédure accélérée) (texte de la commission, n°99, 2024-2025)