Disponible au format PDF Acrobat


Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions d'actualité

Intempéries (I)

M. Thomas Dossus

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques

Intempéries (II)

Mme Anne Ventalon

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques

Insécurité en Guyane

M. Georges Patient

M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur

Contrôles des agriculteurs initiés par les procureurs

M. Vincent Louault

M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice

Urgence de réformer la politique de santé périnatale

Mme Véronique Guillotin

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins

La Loire face aux intempéries

M. Jean-Claude Tissot

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques

Décolonisation de la Nouvelle-Calédonie

M. Robert Wienie Xowie

M. François-Noël Buffet, ministre chargé des outre-mer

Surveillance des gardes à vue

M. Pierre-Antoine Levi

M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur

Salut à une délégation de la RDC

Questions d'actualité (Suite)

Narcotrafic à Marseille

Mme Valérie Boyer

M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur

Situation des collectivités territoriales

Mme Karine Daniel

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche

Crise du logement

M. Marc-Philippe Daubresse

Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine

Interdiction de la pêche dans le Golfe de Gascogne

Mme Annick Billon

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche

Agriculture

Mme Kristina Pluchet

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt

Cycliste tué à Paris

M. Rémi Féraud

M. Nicolas Daragon, ministre délégué chargé de la sécurité du quotidien

Fermeture du site des Volailles de Blancafort

M. Rémy Pointereau

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt

Établissement pénitentiaire de Mayotte

M. Stéphane Demilly

M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice

Mise au point au sujet d'un vote

Avis sur des nominations

Commissions et délégation (Nominations)

Renouvellement du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Patrick Kanner, auteur de la proposition de loi organique

Mme Corinne Narassiguin, rapporteure de la commission des lois

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois

M. François-Noël Buffet, ministre chargé des outre-mer

M. Stéphane Ravier

M. Pierre Médevielle

M. Georges Naturel

Mme Salama Ramia

Mme Maryse Carrère

Mme Jocelyne Guidez

M. Robert Wienie Xowie

Mme Mélanie Vogel

Mme Viviane Artigalas

Discussion des articles

Article 1er

Vote sur l'ensemble

M. Patrick Kanner, auteur de la proposition de loi

M. Georges Naturel

Mme Cécile Cukierman

Réforme du financement de l'audiovisuel public (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Cédric Vial, auteur de la proposition de loi organique

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur de la commission des finances

Mme Rachida Dati, ministre de la culture

Mme Laure Darcos

M. Laurent Somon

M. Bernard Buis

M. Bernard Fialaire

Mme Catherine Morin-Desailly

M. Jérémy Bacchi

M. Thomas Dossus

Mme Sylvie Robert

M. Joshua Hochart

Mme Anne Ventalon

M. Laurent Lafon

M. Victorin Lurel

Discussion des articles

Article 1er

Après l'article 1er

Article 2 (Supprimé)

Article 3

Vote sur l'ensemble

Mme Monique de Marco

Mme Sylvie Robert

M. Cédric Vial, auteur de la proposition de loi organique

Mme Catherine Morin-Desailly

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur de la commission des finances

Ordre du jour du mardi 29 octobre 2024




SÉANCE

du mercredi 23 octobre 2024

10e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Sonia de La Provôté, Mme Patricia Schillinger.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Intempéries (I)

M. Thomas Dossus .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mmes Karine Daniel et Colombe Brossel ainsi que M. Rémi Cardon applaudissent également.) Après Kirk, la tempête Leslie a frappé brutalement le sud-est de la France. Plus violente que beaucoup d'autres, elle a mis à nu nos faiblesses et nos erreurs d'aménagement. Nous saluons les maires et leurs équipes, les services de sécurité civile et de l'État ainsi que les bénévoles sur le pont tout le week-end pour aider les habitants, qui ont parfois tout perdu. Notre solidarité doit être totale.

Le maire de Givors me disait lundi avoir besoin d'un interlocuteur interministériel tant les besoins sont urgents et variés.

Ces épisodes intenses et violents sont de plus en plus fréquents et ces catastrophes n'ont plus grand-chose de naturel, tant notre responsabilité est forte.

Pourtant, le budget semble ignorer l'urgence. Madame Pannier-Runacher, vous-même avez mis votre démission dans la balance. Vous avez raison, le coup de rabot sur l'écologie est violent et aggrave la dette écologique pour régler la dette financière.

Plus cynique et dangereux, le Premier ministre a rouvert le débat sur l'objectif ZAN, la droite s'y est engouffrée, prônant toujours plus d'artificialisation et de bétonisation. (Protestations à droite)

Sommes-nous victimes de dissonance cognitive ? Avons-nous le temps d'un budget de recul ? Comment pouvez-vous priver les collectivités territoriales de moyens d'investir ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques .  - Au nom du Gouvernement, je fais part de tout mon soutien aux sinistrés. Je salue l'action remarquable des secours et des élus locaux. Ces inondations résultent de précipitations inédites : 600 à 700 millimètres d'eau sur Annonay, l'équivalent d'un an de précipitations dans une ville comme Paris. C'est une des manifestations du dérèglement climatique. Elles se répéteront. Nous devons agir, c'est-à-dire mettre les moyens. Si j'assume prendre ma part d'effort, je n'oublie pas que face à la dette financière, nous avons aussi une responsabilité dans la dette écologique.

Le Premier ministre annoncera personnellement des mesures pour le plan d'adaptation au changement climatique, présenté prochainement, pour mieux anticiper, prévoir et accompagner les collectivités territoriales.

Nous mobiliserons d'autres moyens que ceux de l'État : certificats d'économies d'énergie, crédits carbone, crédits biodiversité, crédits européens.

Vous pouvez compter sur moi pour que les moyens soient à la hauteur des enjeux.

M. Yannick Jadot.  - Et le fonds Barnier ?

Intempéries (II)

Mme Anne Ventalon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 17 octobre, un épisode cévenol d'une rare intensité s'est abattu en France. L'Ardèche a été particulièrement touchée par ces inondations dévastatrices : axes routiers impraticables, habitations sinistrées, entreprises et exploitations agricoles endommagées.

Pourtant, la solidarité n'a pas failli : services de secours, élus locaux et habitants ont fait preuve d'un courage admirable. Ils ne peuvent toutefois pas relever seuls le défi : la mobilisation nationale doit être à la hauteur.

Pour permettre aux sinistrés d'être indemnisés, les communes concernées doivent être rapidement reconnues en état de catastrophe naturelle. Au-delà des mesures d'urgence, réfléchissons à long terme sur la culture du risque et la gestion des crises à répétition.

Madame la ministre, envisagez-vous de créer un fonds Barnier II ? (M. Michel Barnier s'en agace ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques .  - Ces catastrophes naturelles sont d'une violence inouïe. J'ai constaté à Annonay et à Limony les désastres que vous avez décrits, avec le ministre Daragon.

Ces catastrophes sont traumatisantes pour la population. Aussi, nous agirons avec rapidité : reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle - les dossiers, examinés par le ministre de l'intérieur, aboutiront rapidement -, missions d'inspection avec Catherine Vautrin pour évaluer les dégâts sur les ouvrages non assurables pouvant bénéficier de la dotation de solidarité - les services du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) sont positionnés en appui des collectivités territoriales pour construire des ponts provisoires ou vérifier la solidité des ponts endommagés.

Vous pouvez compter sur le Gouvernement. Le plan national d'adaptation au changement climatique sera soumis à la concertation dans les prochains jours, porté par le Premier ministre. Nous mobiliserons aussi le fonds Barnier - mais le Premier ministre fera lui-même ces annonces.

M. Yannick Jadot.  - Ah, combien ?

Mme Anne Ventalon.  - Mon département paie un lourd tribut, vous l'avez vu. De nouvelles pluies sont attendues en fin de semaine sur des sols déjà saturés : la réponse de l'État est indispensable. Nous espérons que le Gouvernement soutiendra la proposition de loi visant à assurer le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, que nous examinerons la semaine prochaine au Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Insécurité en Guyane

M. Georges Patient .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Après Mayotte, la Nouvelle-Calédonie et la Martinique, la Guyane sera-t-elle le prochain brûlot de l'empire ?

Insécurité et grande pauvreté, tout y concourt. Le taux d'homicides est de 20 pour 100 000 habitants, cinq fois plus que dans les Bouches-du-Rhône. Nous avons enregistré le 42e homicide de l'année. Pas moins de 25 % des vols à main armée commis en France en zone gendarmerie ont été commis à Saint-Laurent-du-Maroni. Le fleuve, frontière officielle avec le Suriname, n'en est pas une ; la ville est ouverte à tous les trafics : armes, drogue, immigration illégale.

L'opération « place nette », qui avait montré un début d'efficacité en avril, a été interrompue avec le départ de deux escadrons de CRS pour les jeux Olympiques. Le Gouvernement a annoncé l'envoi de la Garde républicaine, mais nous voulons le retour des deux escadrons.

Il faut aussi faire du Maroni une vraie frontière et la surveiller 24 heures sur 24, au besoin avec l'armée, et éradiquer les quartiers informels, refuges des criminels. Le Gouvernement compte-t-il assurer aux Guyanais une vie paisible ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe SER)

M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur .  - Vous avez raison de citer les statistiques : 42 homicides depuis le début de l'année, deux à trois tentatives d'homicides par jour, 37 % de hausse des vols à main armée depuis le début de l'année.

Un pic de violence a éclaté le 3 octobre dernier : nos gendarmes ont subi 40 tirs à balles réelles. Saluons les forces de l'ordre qui sont là-bas, dans des conditions très difficiles. Bravo pour leur courage ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, du RDSE, du RDPI et sur quelques travées du groupe SER)

Nous sommes mobilisés pour déférer à la justice les individus ayant pris part aux désordres du 3 octobre : notre main ne tremble pas.

Vous demandez des renforts : nous les envoyons. Hier, l'antenne du GIGN à Saint-Laurent du Maroni a été renforcée et des gendarmes de la Garde républicaine sont arrivés pour soutenir les 1 525 gendarmes et policiers territoriaux déjà sur place. Mais cela ne suffira pas.

Par ailleurs, nous contrôlons mieux les frontières. La passoire du Maroni, c'est l'autoroute de la délinquance et des ultraviolents. Nous rétablirons le contrôle des accostages des bateaux dans le port, avec le soutien des collectivités territoriales, et utiliserons des drones pour une surveillance permanente du fleuve.

La République, c'est en métropole, mais aussi dans l'ensemble des territoires ultramarins français ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et sur quelques travées du groupe INDEP)

Contrôles des agriculteurs initiés par les procureurs

M. Vincent Louault .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Loin de moi l'idée d'interférer dans une procédure judiciaire en cours. Toutefois je m'émeus et m'interroge sur la forme : en pleine crise agricole, est-il vraiment raisonnable et proportionné de déployer plus de 50 gendarmes chez un seul agriculteur pour un contrôle mutualisé, comme la semaine dernière en Indre-et-Loire ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Michel Savin applaudit également.)

M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice .  - J'entends votre émotion et votre incompréhension. Vous faites référence à un maire de votre département, agriculteur de surcroît - comme vous, monsieur le sénateur. Le métier d'agriculteur est difficile, demande engagement et pugnacité et est soumis à de nombreuses contraintes.

Le garde des sceaux ne peut pas commenter sur le fond une affaire individuelle.

Un agriculteur est soumis aux dispositions légales encadrant son activité. Mus par cette préoccupation, les comités opérationnels de lutte contre la délinquance environnementale (Colden) ont été instaurés en septembre 2023 pour veiller à la bonne coordination des actions administratives et pénales.

Les contrôles des exploitations agricoles suscitent l'incompréhension. Les députés Blin et Martineau avaient mené un groupe de travail sur le sujet. Une circulaire du 9 octobre 2023 de mon ministère avait rappelé que les contrôles devaient être nécessaires et proportionnés. Une stratégie nationale des contrôles a été établie en janvier dernier dans cet esprit. Je suis ouvert à perfectionner les procédures. (MM. François Patriat et Bernard Buis applaudissent.)

M. Vincent Louault.  - Votre bienveillance est importante, vu le contexte - sur BFMTV, on annonçait tout à l'heure de prochaines manifestations d'agriculteurs.

Voix à gauche.  - C'est à cause du Mercosur !

M. Vincent Louault.  - Les agriculteurs sont au bout du rouleau. Comment imaginer qu'ils se fassent encercler et contrôler sur 300 points le même jour, et finissent en garde à vue trois ou quatre mois après ? Moi-même, je préférerais trois ou quatre contrôles par an avec des administrations pédagogues !

Notre pays est un pionnier de la défense de l'environnement et il faut en être fier. Les agriculteurs s'occupent de 80 % de la surface de notre pays. Ils sont attachés à l'environnement. Par pitié, ne les traitons pas comme des criminels ! Les procédures doivent être humaines. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées des groupes UC et Les Républicains)

Urgence de réformer la politique de santé périnatale

Mme Véronique Guillotin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Historiquement performant en matière de santé périnatale, notre pays est passé de la première aux 21e et 22e places en Europe pour la mortinatalité et la mortalité infantile.

La situation est aussi préoccupante pour la santé mentale des mères. Le suicide est la première cause de mortalité maternelle et les hémorragies du post-partum, qui concernent 10 % des accouchements, ne sont pas prises en charge correctement.

La mission d'information santé périnatale, dont j'ai été rapporteure avec Annick Jacquemet, a adopté le 10 septembre dernier un rapport avec des propositions de réforme.

Les facteurs liés à la mère n'expliquent pas tout, car d'autres pays européens les connaissent. Notre organisation des soins est inadaptée. Mme Jacquemet et moi préconisons une sécurisation accrue de l'acte de l'accouchement et un meilleur suivi pré et postnatal. Nous recevrez-vous pour que nous puissions vous présenter nos travaux ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Pascale Gruny applaudit également.)

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins .  - Je salue votre travail, avec votre collègue Annick Jacquemet, et partage votre constat : nous reculons en matière de périnatalité depuis vingt ans.

Le suicide, première cause de mortalité des jeunes mères, fera partie de la réflexion sur la santé mentale, grande cause nationale 2025.

Dans le cadre des assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant, la feuille de route fixée reprend onze de vos préconisations. La prévention doit être une priorité ; nos équipements et conditions d'examen doivent être améliorés ; il faut un lit de réanimation néonatale pour 1 000 naissances dans chaque région ; une évolution est nécessaire du cadre réglementaire des activités de néonatologie et de soins intensifs et de réanimation néonatale. Enfin, 600 postes d'internes en pédiatrie seront ouverts, en augmentation de 75 % par rapport à 2022. Tous ces efforts devront être amplifiés.

Je vous recevrai, bien sûr, pour enrichir cette feuille de route.

Mme Véronique Guillotin.  - Nous attendons ce rendez-vous avec impatience. Il y a urgence ! Sortons du dogme des 1 000 naissances nécessaires pour maintenir le seuil réglementaire. Nous vous proposons une réorganisation par bassin de naissances, ce qui suppose un nouveau pilotage national. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur des travées du groupe INDEP ; Mmes Isabelle Briquet et Amel Gacquerre applaudissent également.)

La Loire face aux intempéries

M. Jean-Claude Tissot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le département de la Loire a été frappé par un épisode climatique extrême : dans la vallée du Gier et le massif du Pilat, des crues historiques ont causé d'immenses dégâts.

La mobilisation exceptionnelle des services de secours a évité le pire.

Les élus demandent des mesures pour accompagner la réparation mais aussi préparer l'avenir.

Si la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle a été rapidement activée, elle ne suffira pas, notamment pour les dégâts non assurables.

Comment imaginer répondre aux enjeux avec votre plan national d'adaptation au changement climatique, alors que vous siphonnez le fonds vert - moins 1,5 milliard d'euros - ou le fonds de prévention des risques naturels, dit fonds Barnier, dont le financement passe de 450 millions à 225 millions seulement dans le projet de loi de finances ? Comment le conseil départemental pourra-t-il soutenir les communes sinistrées, alors que le PLF le ponctionne de 16 millions d'euros ?

À chaque fois que les communes sont en première ligne, vous saluez les élus locaux. Mais quelle est la valeur de ces mots si, dans le même temps, vous leur retirez les moyens d'agir ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du GEST)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques .  - Je sais l'ampleur des dégâts sur votre territoire, ainsi que dans le Rhône, à Givors. À Rive-de-Gier, l'eau a dépassé les 4 mètres, quand l'étiage moyen est de 50 centimètres.

Oui, les communes ont besoin de moyens. C'est pourquoi la dotation de solidarité sera déployée pour soutenir les ouvrages non assurables. Nous lancerons avec Catherine Vautrin des missions d'inspection pour évaluer les dégâts - notamment les chaussées détruites.

Nous présenterons bientôt le plan national d'adaptation au changement climatique. Il y aura aussi la proposition de loi de la sénatrice Lavarde sur le régime catastrophes naturelles (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains), puis la discussion budgétaire. Comment rétablir les comptes publics, faire participer à l'effort ceux qui en ont les moyens sans pénaliser ceux qui ont besoin de la solidarité ? Ce sera tout l'objet de notre travail. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Laurence Rossignol.  - Nous ne sommes pas des renards, inutile de nous enfumer !

Décolonisation de la Nouvelle-Calédonie

M. Robert Wienie Xowie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Monsieur le ministre de l'outre-mer, vous vous êtes récemment rendu en Kanaky-Nouvelle-Calédonie.

Face à l'urgence économique, sociale et politique, l'État français doit d'abord porter un regard décomplexé sur son histoire coloniale. Ensemble, donnons-nous une chance d'une décolonisation réussie.

La véritable reconstruction ne pourra avoir lieu qu'une fois le fait colonial assumé. Les crises sont cycliques, nos peuples aspirent à la pleine souveraineté. Encore en 2024 l'attitude coloniale persiste : criminalisation des militants, répression, économie sous perfusion...

La Kanaky-Nouvelle-Calédonie s'inscrit-elle toujours dans un processus de décolonisation posé par l'accord de Nouméa ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du GEST)

M. François-Noël Buffet, ministre chargé des outre-mer .  - Je vous remercie, monsieur le sénateur, pour l'action que nous avons menée la semaine dernière en Nouvelle-Calédonie : constater la situation de visu, mettre en place des moyens pour redresser économiquement et socialement la Nouvelle-Calédonie. La violence des émeutes de mai dernier fut extrême. Je salue, à mon tour, les forces de l'ordre, sous l'autorité du Haut-commissaire.

L'urgence immédiate est celle de la reconstruction. Une mission se rendra très prochainement sur place pour engager ses travaux.

Il fallait renouer le dialogue avec l'ensemble des intervenants politiques du Congrès et du gouvernement. Je les ai rencontrés ; les discussions ont été intenses et très libres.

Il faut donner à la Nouvelle-Calédonie un projet global qui l'inscrive dans l'avenir. Nous sommes à un point de bascule.

La Constitution prévoit un principe d'autodétermination. Les discussions porteront aussi sur ce point. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Robert Wienie Xowie.  - L'accord de Nouméa précise que « tant que les consultations n'auront pas abouti à la nouvelle organisation politique proposée, l'organisation politique mise en place par l'accord de 1998 restera en vigueur, à son dernier stade d'évolution, sans possibilité de retour en arrière ». Or aucun accord n'a été trouvé.

Les discussions politiques doivent être centrées sur le processus de décolonisation et la trajectoire vers la pleine souveraineté. Ne regardons plus jamais en arrière, mais en avant. L'assemblée générale des Nations unies a rappelé la priorité d'éradiquer le colonialisme dans le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du GEST ; M. Victorin Lurel applaudit également.)

M. Éric Bocquet.  - Très bien !

Surveillance des gardes à vue

M. Pierre-Antoine Levi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le récent assassinat d'un chauffeur VTC à Marseille, commandité depuis la prison de Luynes, rappelle l'importance de la surveillance dans les lieux de détention.

Or depuis le 1er octobre 2024, en application de normes européennes et d'une instruction DGPN, l'usage de la vidéosurveillance dans les cellules de garde à vue est limité, ce qui oblige les forces de l'ordre à mener des rondes fréquentes, la vidéosurveillance devenant l'exception. Et que dire de l'exigence d'un avis médical de non-contre-indication à la vidéosurveillance pour les mineurs gardés à vue !

Cette nouvelle obligation mobilise des effectifs considérables, au détriment de la présence sur le terrain. Au commissariat de Montauban, cette mesure nécessite de mobiliser deux fonctionnaires supplémentaires pour surveiller les gardés à vue - concrètement, c'est un équipage de Police-secours en moins, réduisant la capacité d'intervention et la présence policière dans l'espace public.

Allez-vous réévaluer le dispositif ? S'il est maintenu, comment comptez-vous garantir une présence policière suffisante sur le terrain pour assurer la sécurité de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MM. Vincent Louault et Marc Laménie applaudissent également.)

M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur .  - Je partage totalement votre analyse. Le Sénat et l'Assemblée nationale ont voté la loi Sécurité intérieure du 24 janvier 2022, qui prévoit l'utilisation de caméras de surveillance pour les cellules de garde à vue. Mais voilà, le Conseil d'État a encadré de façon draconienne leur utilisation, en opposant des obstacles insurmontables.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - La Cnil !

M. Bruno Retailleau, ministre.  - L'utilisation des caméras n'est possible qu'à condition d'enregistrer, et doit être dûment motivée par un risque d'évasion, de suicide ou des menaces contre autrui. Or équiper les caméras d'enregistreurs coûterait des dizaines de millions d'euros !

À Montauban, cette surveillance mobilise 16 % des forces de l'ordre - autant de policiers qui ne sont plus sur la voie publique. (Protestations sur les travées du GEST) Voilà le problème !

Les policiers sont pris dans un étau : augmentation de la violence et de la délinquance d'un côté, complexification des procédures de l'autre...

Je ne renoncerai pas à simplifier, mais c'est Sisyphe ! Il faut pouvoir lutter contre la délinquance sans crouler sous la paperasserie. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Pierre-Antoine Levi.  - Les fonctionnaires de police attendent une simplification de cette procédure totalement inadaptée. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP)

Salut à une délégation de la RDC

M. le président.  - Nous avons l'honneur d'accueillir aujourd'hui, dans notre tribune d'honneur, deux membres du Sénat de la République démocratique du Congo, Mmes Madeleine Nikomba Sabangu et Cathy Botema Mboyo. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent.)

Elles sont accueillies par le groupe d'amitié France-Afrique centrale, présidé par notre collègue Guillaume Chevrollier (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains), dont une délégation a été chaleureusement reçue au Parlement de Kinshasa en juillet dernier.

Nous leur souhaitons un fructueux séjour en France. (Applaudissements)

Questions d'actualité (Suite)

Narcotrafic à Marseille

Mme Valérie Boyer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Avec son plan « Marseille en grand », le président Macron voulait faire de Marseille un laboratoire de son action. Les mots étaient forts, mais les actes furent faibles.

La Cour des comptes l'atteste : c'est un échec, notamment en matière de sécurité.

En mars dernier, le chef de l'État lançait la première opération place nette XXL, à la cité de la Castellane. Deux policiers viennent d'y être violemment agressés ce week-end, en interpellant un dealer. Je leur souhaite un prompt rétablissement.

Dans ces territoires, la police est considérée comme une bande rivale. Cette bande, c'est la France, dont le policier est le représentant.

Ce ne sont pas des zones de non droit mais des zones « d'un autre droit », où la voyoucratie, la pègre, alimentées par les trafiquants d'êtres humains, l'immigration de masse et l'islamisme, édictent leurs propres règles. (Protestations sur les travées du GEST) Chaque jour, des assassinats, des règlements de comptes, des victimes collatérales, des guet-apens contre la police !

À Marseille, la Cour des comptes indique que les effectifs de police ont baissé de 4,5 % depuis 2017, soit 185 policiers de moins ! Sans compter le manque de places de prison et la réponse pénale inadaptée.

Immigration incontrôlée, islamisme radical et narcotrafic, les Français n'en peuvent plus !

M. Guy Benarroche.  - Ça n'a rien à voir !

Mme Valérie Boyer.  - Monsieur le ministre, vous voulez en faire une priorité, les Français vous remercient. Le Sénat vous accompagnera.

Comment protégerez-vous les Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur .  - Nous expertiserons bien sûr ce rapport de la Cour des comptes. Avec mon collègue garde des sceaux, nous nous rendrons à Marseille.

J'ai parlé aux trois policiers, dont l'un a été grièvement blessé, et je leur rends hommage.

J'ai décidé très rapidement le renfort de 75 gardiens de la paix - la promotion sortant d'école - après le renfort décidé par mon prédécesseur en septembre 2022 et plus récemment avec la CRS 81.

Mais tout n'est pas affaire d'effectif : il faut changer la stratégie. (Mme Audrey Linkenheld ironise.) Narcotrafiquants, trafiquants d'êtres humains : les réseaux ont fusionné.

Notre nouvelle stratégie reposera d'abord sur la lutte contre la consommation de stupéfiants, car il n'y a pas d'offre quand il n'y a pas de demande. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP) Il faut rompre avec une vision récréative, un peu romantique, car au bout d'un joint, d'un rail de coke, il y a des trafiquants, des proxénètes, des criminels ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; M. Stéphane Ravier s'exclame.)

M. Guy Benarroche.  - Et le rapport du Sénat ?

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Chacun doit être responsabilisé.

L'autre dimension, c'est de faire du combat contre le narcotrafic une grande cause nationale. Nous nous appuierons sur les travaux du Sénat menés par Étienne Blanc et Jérôme Durain. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Situation des collectivités territoriales

Mme Karine Daniel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Au moment où la France connaît un déficit record, chacun doit faire des efforts. Mais celui demandé aux collectivités territoriales dans le PLF 2025 est disproportionné. Madame la ministre du partenariat avec les territoires, les communes, métropoles, départements et régions sont unanimes pour contester ce budget délétère !

Alors que les collectivités représentent moins de 9 % de l'endettement public, il est injuste et insoutenable de leur demander 15 % de l'effort de redressement. Quelles réponses apportez-vous à leur mobilisation ? Quels services publics locaux seront sacrifiés, et où ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche .  - Je vous prie d'excuser l'absence de Catherine Vautrin.

Notre situation budgétaire exige un effort de redressement extrêmement important.

Mme Audrey Linkenheld.  - À qui la faute ?

M. Fabrice Loher, ministre délégué. - Il y va de notre souveraineté et de notre crédibilité.

Les collectivités sont appelées à contribuer à cet effort, à hauteur de 5 milliards d'euros. Mais nos élus locaux ne sont pas les responsables de la situation budgétaire. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains ; on ironise sur certaines travées à gauche.) L'immense majorité d'entre eux sont de bons gestionnaires.

Il s'agit de déterminer la juste part demandée à nos collectivités. Le choix du Gouvernement s'est porté principalement sur trois mesures : une reprise sur recettes pour les collectivités dont les dépenses de fonctionnement dépassent 40 millions d'euros - ces sommes seront reversées en 2026, selon des modalités définies avec les parlementaires et les associations d'élus ; une année blanche de la dynamique de TVA ; et une réduction de 1,8 point du taux du FCTVA, ainsi qu'un recentrage de ce dispositif.

Il appartient aux parlementaires d'en débattre. Catherine Vautrin et moi-même, comme le Premier ministre, ne doutons pas que le Sénat y prendra toute sa part. Nous sommes à votre disposition pour échanger sur vos propositions d'amélioration.

Mme Audrey Linkenheld.  - Il n'y aura donc pas de 49.3 ?

Mme Karine Daniel.  - Il faut dire la vérité aux adjoints et vice-présidents aux finances : en comptant les effets induits et la non-compensation de l'inflation, ce ne seront pas 5, mais de 8,5 à 10 milliards d'euros ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Ian Brossat applaudissent également.) Sans compter l'effet récessif qui pèsera en 2026 et 2027.

Pendant ce temps, les charges liées aux transferts non compensés augmentent. Les départements, dont les dépenses sociales contraintes sont très élevées, sont particulièrement touchés par cet effet de ciseau.

Toutes les associations d'élus sont à nos côtés pour vous interpeller. Les collectivités n'ont pas à être sacrifiées sur l'autel de la mauvaise gestion des macronistes. Entendez les propositions de bon sens et équilibrées portées par la gauche ! (Applaudissements nourris à gauche)

Crise du logement

M. Marc-Philippe Daubresse .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis trois ans, je tire régulièrement la sonnette d'alarme sur la politique funeste du précédent gouvernement en matière de logement.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Pourquoi le soutenez-vous maintenant ?

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Non seulement elle n'a pas empêché la crise du bâtiment et du logement, mais elle l'a accélérée. Cette année, nous aurons construit 264 000 logements, contre 486 000 en 2008, après le plan Borloo. Cette chute touche d'abord les primo-accédants, ensuite les locataires sociaux.

C'est une catastrophe pour eux et pour les entreprises qui vont faire faillite, mais aussi pour le Gouvernement, car les pertes de recettes de TVA s'élèvent à 12 milliards d'euros en deux ans, d'après la Fédération du bâtiment.

Le Premier ministre a pris la mesure du problème. Il vous a nommée, vous dont nous connaissons la compétence et la pugnacité. Nous sommes donc confiants.

Mais il faut résoudre la crise de la demande, qui précède celle de l'offre. D'urgence, desserrons les contraintes décidées bêtement par le gouverneur de la Banque de France. Pourquoi ne pas réinstaurer l'exonération Balladur sur les droits de succession en cas de construction rapide ou expérimenter de nouvelles procédures sur le foncier commercial ? Enfin, il faut simplifier le ZAN : là aussi, trêve de bêtises ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC ; MM. Alain Marc et Daniel Chasseing applaudissent également ; on s'indigne sur les travées du GEST.)

Madame le ministre, nous comptons sur vous, car le temps, c'est de l'argent ! (Applaudissements à droite ; quelques huées à gauche)

Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le Premier ministre a pleinement conscience de la situation d'urgence du secteur et de ses acteurs économiques. C'est pourquoi il a décidé de faire du logement une priorité.

Il ne faut pas opposer l'offre et la demande, mais agir sur les deux leviers, comme vous l'avez dit. La primo-accession est la priorité : d'où la généralisation du PTZ pour le logement neuf, individuel comme collectif. Par ailleurs, nous sommes prêts à soutenir dans le cadre du débat budgétaire les mesures visant à faciliter les dons au sein de la famille en vue de l'acquisition d'un logement.

Il faut aussi agir sur l'offre, en libérant du foncier. Avec Catherine Vautrin, je vais étudier la question du ZAN à la demande du Premier ministre, pour mieux accompagner les collectivités, notamment en matière d'ingénierie. Le programme Action coeur de ville et le plan de transformation des zones commerciales vont dans ce sens.

La simplification des procédures doit être notre boussole. Je suis tout à fait ouverte aux expérimentations, dès lors qu'elles sont cohérentes avec nos objectifs. Je pense notamment à la transformation du foncier commercial et soutiens les démarches entreprises en ce sens. Les préfets de région me feront part des propositions d'adaptation législative ou réglementaire venant du terrain. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains)

Interdiction de la pêche dans le Golfe de Gascogne

Mme Annick Billon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La pêche est interdite dans le Golfe de Gascogne en 2024, 2025 et 2026 : une décision imposée par l'Union européenne pour éviter les prises accidentelles. Cette année, en Vendée, 37 bateaux sont restés à quai. Les pertes sont estimées à 540 tonnes et 2,4 millions d'euros pour les trois criées du département. Au niveau national, c'est 22 millions d'euros.

Cette fermeture aggrave la crise dans un secteur déjà éprouvé. Les pêcheurs français ont investi 30 millions d'euros dans des systèmes répulsifs, mais l'interdiction leur a été imposée sans attendre les résultats de l'expérimentation. Cette pêche est pourtant parmi les plus vertueuses au monde.

Maire de Lorient, vous demandiez des mesures fortes et dénonciez le lobbying des écologistes radicaux. Aujourd'hui ministre, vous déclarez vouloir sortir de la fermeture en 2027, prenant ainsi acte de la mesure pour 2025 et 2026 : ce n'est pas acceptable.

Quelle action comptez-vous mener à l'échelle européenne pour éviter l'échouement de notre filière pêche ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, sur de nombreuses travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Mickaël Vallet applaudit également.)

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche .  - Je salue le grand sens des responsabilités des professionnels de la pêche.

La Commission européenne et le Conseil d'État ont appelé le Gouvernement à prendre des mesures de protection. Le rapport scientifique sur les échouages pour 2023-2024 me sera remis par Pelagis le mois prochain : il devra être objectivé.

Ma priorité est d'anticiper au mieux la fermeture de 2025, en liaison avec la profession. Comme cette année, l'État sera au rendez-vous pour soutenir les pêcheurs et les mareyeurs. La fermeture devra s'appliquer aussi aux navires étrangers : nous ne transigerons pas sur le principe d'équité.

Notre objectif commun, c'est la réouverture en 2027. Des solutions techniques, en particulier des répulsifs acoustiques, devront permettre de réduire les risques de capture accidentelle. Nous devons aussi mieux comprendre les interactions entre navires et cétacés : pour cela, nous équiperons certains navires de caméras.

Je tiendrai un discours de vérité et agirai en responsabilité. La profession trouvera toujours en moi un soutien déterminé pour assurer la continuité de son activité dans le respect de l'environnement et du droit.

Mme Annick Billon.  - Aux Sables-d'Olonne, nous sommes particulièrement concernés. Un emploi en mer, ce sont quatre emplois à terre. Or toute la filière est en danger, comme, du reste, l'agriculture. Monsieur le ministre, nous comptons sur vous ! (Applaudissements sur des travées du groupe UC)

Agriculture

Mme Kristina Pluchet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les perspectives du marché européen sont bien sombres pour nos agriculteurs dans le domaine du sucre : la tonne de betterave, cotée à 50 euros, tomberait à 25 lors de la prochaine campagne et certains planteurs sont invités à réduire leur surface cultivée de 15 %. En cause : la suppression des droits de douane sur le sucre ukrainien.

Par solidarité, nous avons absorbé 500 000 tonnes de sucre, qui ont déséquilibré le marché ; le contingentement mis en place en juin dernier n'est qu'une rustine sur une jambe de bois.

Cerise amère sur le gâteau, les négociations entre l'Union européenne et le Mercosur ont repris à Brasília, et le bruit court qu'un fonds de compensation est à l'étude pour endormir les dernières résistances. C'est la mise à mort de notre agriculture !

L'Union européenne, qui malmène tous les jours nos agriculteurs avec son caporalisme normatif, livre son agriculture en pâture aux agriholdings internationales. De qui se moque-t-on ?

Le double jeu de l'Union européenne a assez duré. Elle organise méthodiquement la destruction de nos filières au nom d'un libre-échange affairiste. Je défends une agriculture à taille humaine, labellisée et conservatrice des paysages. Madame la ministre, comment comptez-vous mener dans les instances européennes la bataille pour la sauvegarde de nos filières d'excellence ? (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP)

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt .  - Je partage votre émotion.

Comme je l'ai rappelé lors du récent conseil des ministres de l'agriculture, le projet d'accord avec le Mercosur est inacceptable en l'état, d'abord parce que la compétitivité de notre agriculture ne résisterait pas aux importations envisagées -  je pense au sucre, à la volaille ou à l'éthanol  - , ensuite parce que ces importations ne respecteraient pas nos conditions environnementales.

Le Premier ministre l'a dit clairement, le Président de la République aussi. Ils continueront de défendre les intérêts de la France.

Je suis très préoccupée par l'hypothèse que cet accord soit signé au Brésil lors du G20, sans que le Parlement puisse s'exprimer : ce serait un déni de démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP ; M. Thomas Dossus applaudit également.)

J'en viens à l'Ukraine. Nous voulons soutenir ce pays dans son combat légitime contre la Russie, mais, en effet, nos filières en pâtissent.

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Annie Genevard, ministre.  - On ne peut continuer ainsi, et le dispositif de frein d'urgence vise à rétablir un équilibre. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

Mme Kristina Pluchet.  - Je salue votre détermination. On ne peut imposer aux agriculteurs français toujours plus de contraintes et de contrôles -  je parle en connaissance de cause  - et continuer à signer des accords de libre-échange avec des pays qui ne respectent aucune norme. On marche sur la tête, il faut que ça change ! (« Bravo ! » et applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Cycliste tué à Paris

M. Rémi Féraud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ma question aurait pu porter sur la mise en oeuvre du plan vélo (exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) ; mais le sujet n'est pas là. Le meurtre de Paul Varry, cycliste écrasé volontairement par un automobiliste le 15 octobre dernier, illustre une violence routière trop banalisée, rendue encore plus dangereuse par la taille croissante des véhicules. Tous les Français peuvent être victimes. Sortons du déni de la violence routière, qui touche d'abord les plus vulnérables, piétons et cyclistes.

Mettant fin au silence du Gouvernement, le ministre des transports a enfin lancé une mission pour « protéger tous les usagers de la route ». Au-delà de la communication, souhaitez-vous vraiment vous attaquer au sujet de la violence routière, dans la durée et en associant les ministères de l'intérieur et de la justice ?

La mort de Paul Varry a suscité une émotion immense. Il doit en sortir une politique publique forte, pour changer les mentalités, les pratiques et notre société. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et sur quelques travées du groupe CRCE-K)

M. Nicolas Daragon, ministre délégué chargé de la sécurité du quotidien .  - Mardi 15 octobre à 17 h 45, boulevard Malesherbes à Paris, alors qu'il circulait sur une voie protégée, Paul Varry a perdu la vie après avoir été percuté, semble-t-il volontairement, par un automobiliste. Malgré l'intervention rapide des secours, Paul Varry a succombé à ses blessures. J'ai une pensée pour sa famille et ses proches. Le conducteur a été placé en détention provisoire. Une information judiciaire est ouverte. Je n'en dirai pas plus.

Bruno Retailleau est fortement engagé dans la lutte contre toutes les formes de violence sur la route. La protection des plus vulnérables est une priorité de notre gouvernement, car les cyclistes représentent 8 % des morts sur la route, les piétons 15 %.

C'est aussi l'un des enjeux prioritaires de la déléguée interministérielle à la sécurité routière, Florence Guillaume : réglementation des nouveaux modes de déplacement, actions de prévention, campagne de communication, travail sur la signalisation, éducation routière.

Le ministre François Durovray vient de lancer une mission ; comptez sur le Gouvernement pour en tirer toutes les conclusions. (M. Bernard Buis applaudit.)

M. Rémi Féraud.  - La voiture est un moyen de transport, pas une arme par destination. La sécurité routière et la lutte contre la violence motorisée doivent redevenir des priorités de l'action publique. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du GEST)

Fermeture du site des Volailles de Blancafort

M. Rémy Pointereau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ma question a trait à la souveraineté alimentaire : j'y associe ma collègue Marie-Pierre Richer.

La moitié des poulets consommés en France sont importés - Pologne, Belgique, Pays-Bas -, parfois même réemballés, ce qui masque leur provenance réelle -  Brésil, Thaïlande. La stratégie de montée en gamme et nos coûts de production trop élevés pèsent sur notre compétitivité.

L'exemple de l'entreprise Les Volailles de Blancafort est emblématique. Cette entreprise, spécialisée dans la dinde, dispose des infrastructures adaptées au poulet. Il y a peu, elle comptait 250 salariés et une centaine d'éleveurs ; aujourd'hui, seulement 120 salariés et 60 éleveurs.

Madame la ministre, tout le monde s'offusque de la possible délocalisation de la production de Doliprane, mais personne ne s'indigne des milliers de tonnes de poulet importées ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

Quelles mesures urgentes allez-vous prendre pour soutenir le site de Blancafort, favoriser sa reconversion et éviter sa délocalisation, pour préserver notre souveraineté alimentaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Évelyne Perrot et Brigitte Devésa applaudissent également.)

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt .  - La viande de volaille est très consommée en France, mais elle est à 50 % d'origine étrangère, et même 80 % pour la consommation hors domicile. On veut manger de la volaille française, mais on ne veut pas de poulailler près de chez soi ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Vincent Louault applaudit également.)

Cette filière, fortement concurrentielle, a été déstabilisée par la guerre russo-ukrainienne et est en perte de compétitivité. La France a perdu sa place de premier exportateur de volailles : nous n'exportons plus que 400 000 tonnes par an.

C'est une question de compétitivité, notamment sur l'entrée de gamme qui ne doit pas être synonyme de moindre qualité.

Comme vous, je suis préoccupée de la situation de l'abattoir de Blancafort. C'est pourquoi je recevrai ses dirigeants demain, à ma demande. Les abattoirs, ancrés dans nos territoires, contribuent à la valeur économique de la filière. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Rémy Pointereau.  - Merci de recevoir les dirigeants de l'abattoir, mais venez aussi sur le terrain, constater le cumul de difficultés du Pays-Fort. Il faut réagir très vite, madame la ministre, pour éviter toute décision hasardeuse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Établissement pénitentiaire de Mayotte

M. Stéphane Demilly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP) Rapporteur, avec Georges Patient, pour le bassin océan Indien, d'une mission d'information de la délégation sénatoriale aux outre-mer, nous nous sommes rendus à Mayotte. J'associe Saïd Omar Oili à ma question.

La situation à Mayotte est explosive. Comment pourrait-il en être autrement dans le département le plus jeune, le plus pauvre et le plus violent de France ?

Nous nous sommes rendus à Majicavo, une prison sursaturée, où quatre à cinq détenus s'entassent dans des cellules de 13 m2, prévues pour une ou deux personnes : 650 détenus pour 278 places !

Nicolas Jauniaux, chef d'établissement, a annoncé sa démission pour dénoncer une situation intenable. Les mutineries se multiplient. La tension à l'intérieur de la prison est le reflet de ce qui se passe ailleurs sur l'île.

En mars 2022, le Gouvernement s'était engagé à construire un nouvel établissement. La réponse de l'État est attendue.

Êtes-vous informé, monsieur le ministre, de la situation mahoraise et pouvez-vous nous communiquer le calendrier de construction de cette seconde prison ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Saïd Omar Oili applaudit également.)

M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Le centre pénitentiaire de Majicavo compte 663 détenus pour 278 places. Le nombre d'opérations de désencombrement, vers La Réunion et l'Hexagone, a été multiplié par deux en 2023.

Le ministère de la justice s'est engagé à ouvrir un établissement de 400 places à Mayotte et de 15 ou 20 places de semi-liberté. Nous ferons bientôt un point d'étape sur le plan 15 000 places de prison. Des études foncières et d'urbanisme sont en cours pour identifier un site adapté.

Le centre pénitentiaire de Majicavo fait l'objet d'une vigilance particulière. L'équipe locale de sécurité pénitentiaire de Saint-Denis de La Réunion et les équipes régionales d'intervention et de sécurité apportent leur soutien aux équipes de l'établissement.

Je porte une attention particulière à la situation mahoraise. La sécurisation de cet établissement est primordiale, de même que l'avancement du projet de nouvel établissement. (M. François Patriat applaudit.)

La séance est suspendue à 16 h 20.

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 30.

Mise au point au sujet d'un vote

Mme Isabelle Briquet.  - Au scrutin public n°20 du 22 octobre, le groupe SER souhaitait bien évidemment voter contre.

Acte en est donné.

Avis sur des nominations

Mme la présidente.  - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à la nomination de Mme Catherine Paugam-Burtz aux fonctions de directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

Par ailleurs, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable à la nomination de M. Pierre-Marie Abadie à la présidence de l'Autorité de sûreté nucléaire.

Commissions et délégation (Nominations)

Mme la présidente.  - Des candidatures ont été publiées pour siéger au sein de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale, au sein de la commission spéciale sur le projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité, et au sein de la délégation sénatoriale aux outre-mer.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Renouvellement du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, présentée par M. Patrick Kanner, Mmes Corinne Narassiguin, Viviane Artigalas, M. Rachid Temal et plusieurs de leurs collègues.

Ce texte a fait l'objet d'une consultation du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, en application de l'article 90 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

M. Patrick Kanner, auteur de la proposition de loi organique .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Pourquoi en sommes-nous arrivés là ?

La Nouvelle-Calédonie fait face à un cataclysme : plus de 2 milliards d'euros de dégâts, treize décès et un taux de chômage record, sans oublier la fermeture de l'usine de nickel du Nord. Le risque d'émeutes de la faim à court terme est bien là !

J'ai une pensée émue pour les familles des victimes et salue nos forces de sécurité intérieure. La crise en Nouvelle-Calédonie illustre le professionnalisme de nos armées, notamment nos forces aériennes, sans lesquelles l'aide n'aurait pas pu être déployée si rapidement.

La situation reste très fragile : en témoigne le maintien du couvre-feu depuis mai dernier.

Nous n'avons pu revenir à la normale ; les désordres causés par les décisions mortifères du précédent gouvernement ont fragilisé non seulement ce territoire, mais aussi la France vis-à-vis des États de la région. Certaines influences étrangères ont cherché à profiter de la situation. Une mission d'information du Forum des îles du Pacifique est attendue sur le territoire pour dresser un état des lieux.

Depuis bientôt un an, avec Corinne Narassiguin, Viviane Artigalas, et Rachid Temal, nous ne cessons d'alerter par tous les moyens possibles sur la nécessité d'un plan global et d'accorder du temps au temps.

Dès avril 2024, nous avions écrit au président de la commission des affaires économiques et au précédent président de la commission des lois - qui se reconnaîtra (sourires) - pour interroger Bruno Le Maire sur le pacte nickel. Par deux fois, nous avons demandé au Président du Sénat de réunir le groupe de contact sur la Nouvelle-Calédonie. En mai, avec Boris Vallaud et Olivier Faure, nous avons demandé par écrit au Président de la République de suspendre le processus constitutionnel en repoussant la convocation du Congrès.

Nous avions demandé une mission de dialogue sur place sous l'autorité du Premier ministre. Je me réjouis d'ailleurs que Michel Barnier ait repris la Nouvelle-Calédonie sous son autorité : depuis Édouard Philippe, les premiers ministres se désintéressaient du Caillou. Son discours de politique générale a été conforme à ce qu'on peut attendre d'un Premier ministre se réclamant de Michel Rocard et Lionel Jospin.

Le président Macron a installé une mission de travail de trois fonctionnaires. En tant que sénateurs, nous n'avons été destinataires d'aucune information à ce sujet. Je le déplore ; c'est l'objet de ma lettre au Président du Sénat du 30 novembre. L'information du Parlement sur les mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence est prévue par la loi.

La proposition de loi organique que nous avons fort opportunément déposée le 16 septembre n'est que l'ultime étape de notre mobilisation face à un exécutif indifférent.

Nous avons bien fait, puisque le Conseil d'État a émis un avis favorable à notre démarche. Dans la nuit de lundi, le Congrès de Nouvelle-Calédonie a émis un avis favorable sur notre texte par 47 voix sur 50.

Notre initiative vous offre aujourd'hui un véhicule législatif pour enfin mettre en oeuvre une politique basée sur le dialogue. Nous ne pouvons que nous en réjouir, mais ce n'est pas un blanc-seing : la complexité de la situation en Nouvelle-Calédonie appelle une réponse globale.

Après un long déplacement, monsieur le ministre, vous aviez commis un rapport d'information en juillet 2022 avec Philippe Bas, Hervé Marseille et Jean-Pierre Sueur. (M. Philippe Bas le confirme.)

Vous préconisiez de ne surtout pas imposer ni contraindre. Vous prôniez un processus global de concertation associant la société civile, les autorités coutumières et les élus locaux. Mais le président Macron et ses gouvernements successifs ne l'ont pas lu, et ils n'ont pas écouté le Sénat et les acteurs locaux.

Monsieur le ministre, François-Noël Buffet, ministre des outre-mer, sera-t-il en osmose avec Buffet François-Noël, ancien président de la commission des lois ? (M. François-Noël Buffet sourit.)

Nous, socialistes, sommes constants dans notre position ; c'est elle qui a sorti la Nouvelle-Calédonie d'une situation dramatique en 1988, qui a ramené la paix durable sur le territoire, et qui a mené aux accords de Nouméa de 1998. Nous sommes en cohérence avec l'avis clairvoyant du Conseil d'État qui privilégie le temps long et avec les travaux récents du Sénat.

Monsieur le ministre, nous n'avons fait que reprendre les recommandations de votre rapport. Emmanuel Macron est responsable de la crise, mais vous êtes maintenant aux affaires.

La gestion de la situation en Nouvelle-Calédonie aura été l'acmé de son entêtement qui, en quelques mois, en quelques semaines, en quelques jours, a remis en cause 36 ans de réconciliation, de reconstruction, de vivre-ensemble. Même si le Premier ministre Barnier a pris le contre-pied, exprimant le souhait de se rendre sur place, nous serons très attentifs. Le soin apporté à la mise en place de la délégation interministérielle sera un signe de l'attention portée à cette question.

Les annonces ne semblent pas totalement à la hauteur des enjeux : des morts, dont deux gendarmes, une économie massacrée et une situation sanitaire qui ne cesse de se dégrader.

Nous voyons le déplacement prochain des présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat comme un signal fort : les accords de Nouméa et de Matignon ne doivent pas être une parenthèse. Nous appelons l'État à retrouver son rôle impartial, modérateur, facilitateur de dialogue. Sinon, ce texte n'aura été qu'un leurre et le chemin de la paix et de la sérénité restera introuvable. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Jean-Yves Roux applaudit également.)

Mme Corinne Narassiguin, rapporteure de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST) Nous sommes ici pour reporter, au plus tard au 30 novembre 2025, les élections qui devaient se tenir initialement le 12 mai 2024, puis le 14 décembre 2024. Dès le départ, la date du 14 décembre 2024 semblait très optimiste si la conclusion d'un accord global incluant le corps électoral était considérée comme un préalable à l'organisation des élections - position constante de notre commission. Je salue le travail de Philippe Bas, Jean-Pierre Sueur, François-Noël Buffet et Hervé Marseille, qui le disaient déjà dans leur rapport de 2023.

Ce n'est pas le rôle du Parlement ni du Gouvernement de décider pour les Calédoniens si un accord est possible ou non. Le nouveau gouvernement l'a mieux compris que le précédent, heureusement. Forcer la main des acteurs locaux a mené à une crise politique, économique et sociale d'une rare gravité dans l'archipel.

Abandonner la convocation du Parlement en Congrès pour dégeler le corps électoral était un signe bienvenu. Il est urgent de revenir à la méthode consensuelle et au processus de décolonisation et d'autodétermination.

Nous voulons donner le plus de temps possible à l'apaisement et au dialogue. L'accord politique doit être trouvé avant l'intervention du législateur.

La commission des lois a adopté cette proposition de loi avec trois amendements. Nous avons amélioré la lisibilité du dispositif, conformément aux recommandations du Conseil d'État. À la demande de l'ensemble des membres du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, nous avons prorogé les fonctions des membres de son bureau pour éviter deux renouvellements successifs. Afin de garantir l'entrée en vigueur avant le 17 novembre prochain, date de convocation des élections, et éviter tout contentieux, nous avons prévu une entrée en vigueur dès le lendemain de sa publication au Journal officiel.

Ce texte est soutenu par la quasi-totalité des acteurs locaux et a été approuvé à une très large majorité du Congrès de Nouvelle-Calédonie. C'est un signe d'espoir.

Le report des élections doit être la première étape de la reconstruction du destin commun des Calédoniens. Pour conclure, je citerai les mots récents de Lionel Jospin : « L'accord à construire demain doit permettre de fonder un nouveau contrat social entre les communautés qui vivent sur une même terre. Il pourrait aussi ouvrir le chemin d'une évolution des relations de la Nouvelle-Calédonie avec la France, conduisant le moment venu à une émancipation plus complète. » (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Jean-Yves Roux applaudit également.)

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois .  - Quand les forces de gouvernement de ce pays engagent un travail commun (on ironise sur les travées du groupe SER), il peut aboutir ! Grâce au Gouvernement qui a inscrit cette proposition de loi à son ordre du jour prioritaire, elle pourra être adoptée rapidement.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Heureusement que nous étions là !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Notre commission des lois est cohérente dans son approche du dossier néo-calédonien - à laquelle son ancien président a hautement contribué avec le rapport de juillet 2022 - autour de l'exigence d'un État impartial et néanmoins actif, et de la recherche d'un accord entre les parties comme préalable à toute intervention constitutionnelle, organique ou législative.

Monsieur le ministre, vous avez effectué votre premier déplacement outre-mer en Nouvelle-Calédonie, ce qui a contribué à rétablir la confiance. Vous avez annoncé des mesures d'urgence bienvenues. Enfin, vous avez engagé un nouveau dialogue avec les formations politiques, les élus et les forces vives de Nouvelle-Calédonie.

Il faut appréhender la situation telle qu'elle est, sans revenir sur les fautes des gouvernements précédents. La vie démocratique de l'archipel est suspendue. Les destructions d'infrastructures, d'équipements publics et d'entreprises ont interrompu un grand nombre d'activités ; le chômage atteindrait 30 %. Les départs de cadres - médecins, enseignants - se multiplient, et un fossé s'est creusé entre les communautés, avec des manifestations de haine jamais vues. J'espère qu'il sera comblé, car il n'y a pas d'avenir sans le rétablissement de la concorde civile et un nouveau dialogue pour explorer les voies d'un destin commun.

Les conditions sont réunies ; j'espère que la mission des présidents des deux assemblées y contribuera. Il s'agira de discuter avec un État bienveillant, accompagnateur des institutions calédoniennes, de la composition des listes électorales, de l'évolution, de la relation entre la Nouvelle-Calédonie et l'Hexagone, des modalités d'exercice du droit à l'autodétermination qui figure dans la Constitution comme dans nos engagements à l'égard des Nations unies. Pour cela, nous avons besoin de reporter les élections provinciales.

Ce temps ne devra pas être gaspillé, car le délai n'est pas excessif. Dans le cas d'un report au 30 novembre 2025, le motif d'intérêt général est évident et le délai de 18 mois est respecté. C'est pourquoi, avec Corinne Narassiguin, nous vous demandons d'adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER)

M. François-Noël Buffet, ministre chargé des outre-mer .  - La situation en Nouvelle-Calédonie est très préoccupante. Les événements du 13 mai et des jours suivants ont été d'une violence inouïe. Les conséquences ont été dramatiques.

La situation économique et sociale est extrêmement grave : 15 % du PIB calédonien a été perdu, 6 000 salariés ont perdu leur poste, 30 % des salariés bénéficient du chômage partiel, 910 travailleurs indépendants sont partis, 11 % des médecins ont demandé à être radiés, les entreprises ont subi des dégâts importants et les collectivités sont dans les plus grandes difficultés.

À l'origine de ces émeutes : la volonté d'organiser les élections provinciales en fin d'année et la nécessité de modifier le corps électoral, conformément à la décision du Conseil d'État.

Les plus belles plaidoiries sont toujours celles qui sont faites après l'audience (Mme Marie-Pierre de La Gontrie apprécie.). Il n'y a donc pas lieu de revenir sur le passé... (Quelques protestations sur les travées du groupe SER) Le Gouvernement souhaitant reporter les élections provinciales et du Congrès à fin 2025, il a saisi l'opportunité de cette proposition de loi pour régler la situation juridique dans un délai court : le texte sera à l'Assemblée nationale le 6 novembre, puis nous espérons le publier très rapidement.

Trouver un consensus sur ce report n'était pas une évidence. Lors de mon déplacement de la semaine dernière, j'ai discuté avec l'ensemble des interlocuteurs, qui souhaitent d'abord répondre à la crise et ne peuvent se projeter immédiatement dans des perspectives électorales.

Le Conseil d'État a donné un avis favorable à ce report, de même que le Congrès de Nouvelle-Calédonie, par 47 voix pour, une voix contre et deux abstentions.

Il s'agit d'entamer un processus de reconstruction, mais aussi de rouvrir des discussions institutionnelles dans un climat apaisé.

Je m'inscris dans la suite du rapport de 2022 : je vous rassure, François-Noël Buffet, ministre des outre-mer, est le même que François-Noël Buffet, président de la commission des lois. (Sourires)

Le Gouvernement soutient ce texte. Je salue le travail de la commission des lois, notamment le prolongement des instances internes du Congrès. Une mission de techniciens sera mise en place rapidement pour faciliter les procédures, offrir de l'oxygène aux territoires, travailler avec les assurances et se pencher sur le nickel - bref, pour soutenir l'ensemble des Calédoniens.

Je salue le déplacement des présidents des deux assemblées, qui nous sera utile. Il faudra poser toutes les questions, et elles sont nombreuses, qu'il s'agisse de l'avenir institutionnel ou du développement économique et social de la Nouvelle-Calédonie.

Nos compatriotes sont inquiets ; ils ont besoin de stabilité, de vision.

L'État et le Gouvernement prendront leurs responsabilités avec impartialité, mais avec détermination. Les élus, particulièrement les maires, doivent être associés, comme les entreprises. L'enjeu est quasi vital pour la Nouvelle-Calédonie.

Je salue solennellement les forces de l'ordre qui luttent contre les violences inimaginables qui ont secoué l'île - et le feu couve encore. Elles ont besoin d'entendre le soutien de la représentation nationale.

Je crois sincèrement que nous pouvons aborder une nouvelle période en Nouvelle-Calédonie.

Merci au Sénat et au président Kanner d'avoir accepté que le Gouvernement inscrive ce texte à son ordre du jour pour l'examiner au plus vite. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et SER ; Mme Cécile Cukierman applaudit également.)

M. Stéphane Ravier .  - Après l'annonce par Michel Barnier de l'abandon du dégel du corps électoral voté par le Parlement au printemps, la République française est encore, avec ce nouveau report des élections, sur le reculoir - elle fait donc preuve de faiblesse.

Ces élections auraient dû avoir lieu en 2024. Si le report est désormais inéluctable, il est inacceptable d'avoir tant attendu pour s'en inquiéter. Pendant cinq longs mois, l'État a été aux abonnés absents : élections européennes, législatives, jeux Olympiques, absence de gouvernement... Depuis mai, les Français calédoniens ont été abandonnés à la violence des séparatistes : cinq églises catholiques brûlées, 1 500 bâtiments publics incendiés, 700 entreprises saccagées, treize morts, dont deux gendarmes, 24 000 salariés mis au chômage...

Il faut cesser de craindre ceux qui haïssent la France. C'est l'ordre qui apporte la paix. L'ordre est légitime grâce à la démocratie, laquelle a confirmé que la Nouvelle-Calédonie était française, par trois référendums successifs. On ne négocie pas avec les tueurs de gendarmes, les racistes anti-blancs, les incendiaires et les pillards  - on les met hors d'état de nuire.

Les élections doivent se tenir au plus tôt avant la fin de l'hiver ; les repousser d'un an, c'est abandonner l'avenir de la France dans l'Indo-Pacifique.

Les dislocateurs de notre pays agiraient au nom de la liberté, alors qu'ils sont soutenus par le « front international de décolonisation » de l'autocrate Aliev ? Qu'a-t-il fait de la liberté de l'Artsakh et des 23 otages arméniens qu'il détient encore ? Il est temps de nous faire respecter. Nos renoncements sont des compromissions inacceptables avec nos pires ennemis. Bakou réclame désormais l'indépendance de la Polynésie et de la Corse ; en Martinique, nos services sentent le souffle chaud de l'Azerbaïdjan. Cessons la politique des grands pas en arrière sur le sol calédonien, qui est et restera français.

Mme Cécile Cukierman.  - Le temps des colonies, c'est terminé !

M. Pierre Médevielle .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Nous avons une impression de déjà-vu. Ce report des élections est toujours aussi nécessaire, mais les raisons ne sont plus les mêmes. Il y a huit mois, il fallait laisser le temps de trouver un accord local, ou que le Parlement vote le dégel du corps électoral ; aujourd'hui, la situation rend impossible la tenue des élections.

Car depuis six mois, la situation est tragique, pour les Calédoniens et pour la France. Le bilan s'élève à treize morts ; des patrouilles de quartier sont organisées, car des centaines de maisons ont été incendiées ; à ce propos, je salue nos forces de l'ordre, qui font ce qu'elles peuvent... Des entreprises ont été détruites et l'activité des autres s'est effondrée, sans parler de la crise du nickel. Les recettes des collectivités se sont écroulées et de nombreuses infrastructures publiques ont été détruites. Le montant des dégâts dépasse les 2 milliards d'euros. Une partie du personnel soignant a quitté le territoire, pourtant déjà défavorisé pour l'accès aux soins. La situation économique et sociale est catastrophique.

Comment faire campagne quand l'accès à certaines parties de l'archipel est impossible ? Un nouveau report s'impose.

Accompagnons la Nouvelle-Calédonie, ne l'abandonnons pas aux forces étrangères comme l'Azerbaïdjan, qui souffle sur les braises.

Il faut mettre à profit ce délai. Sur le plan sécuritaire, les émeutes de Saint-Louis doivent être réglées. Il faudra prévoir des observateurs de l'État dans tous les bureaux de vote. Sur le plan politique, cherchons un accord avec tous, sans naïveté.

Le monde nous observe, en outre-mer comme à l'étranger ; le Gouvernement français ne doit faire preuve d'aucune faiblesse.

Le groupe Les Indépendants votera la proposition de loi organique. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC, et du RDPI)

M. Georges Naturel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie le président Kanner d'avoir déposé cette proposition de loi organique. En juillet, j'avais alerté mes collègues sénateurs sur la situation catastrophique de la Nouvelle-Calédonie. Je remercie le ministre de nous en avoir rendu compte ici.

La question est éminemment politique. En mars dernier, nous avions déjà reporté les élections à fin 2024. Aujourd'hui, nous les reportons au 30 novembre 2025.

Pourquoi est-ce indispensable ? Depuis le 13 mai dernier, la Nouvelle-Calédonie est ébranlée par une vague de violence sans précédent, qui lui a porté des plaies au coeur. Je porte la voix d'un territoire de la République profondément meurtri : la paix civile demeure fragile, l'économie est à terre, la sécurité pas encore restaurée, le couvre-feu encore en vigueur depuis plus de six mois...

L'État a été aux abonnés absents depuis cinq mois. Si des renforts en gendarmes mobiles et en CRS ont été envoyés, si des crédits budgétaires ont été redéployés, aucune initiative politique majeure n'a été prise par l'État depuis le début des émeutes. Les campagnes électorales, la démission du Gouvernement, les jeux Olympiques et la trêve estivale ont eu raison de son implication politique.

L'idée n'est pas de repousser indéfiniment l'échéance électorale, mais de laisser le temps nécessaire pour que les forces vives calédoniennes puissent envisager un avenir, pour que les visions s'affrontent dans l'arène électorale et non dans la rue. Organiser les élections provinciales avant le 15 décembre est impossible.

Comment pourrait-on mener une campagne ? Comment les candidats pourraient-ils porter des projets clairs et fondateurs alors même que les fondements de notre société sont ébranlés ?

Le Congrès a donné un avis favorable à la quasi-unanimité. La Nouvelle-Calédonie a besoin de stabilité pour se reconstruire. Le Conseil d'État, dans son avis du 26 décembre 2023, a rappelé le délai maximum de dix-huit mois pour organiser de nouvelles élections provinciales. Il serait souhaitable qu'elles aient lieu au cours du premier semestre 2025 ; cela permettrait un débat de fond qui ne s'entremêlerait pas avec les autres échéances électorales - je pense aux municipales de mars 2026, ou à d'éventuelles élections nationales anticipées. Nos concitoyens aspirent à la clarté et à la stabilité.

La Nouvelle-Calédonie a besoin d'une gouvernance légitime et forte. Un report au-delà du premier semestre la fragiliserait.

La responsabilité du Parlement dans la résorption de la crise est importante. L'implication de l'État est une impérieuse nécessité : nous, Calédoniens, avons beaucoup de mal à définir un avenir commun sans elle. Les acteurs politiques locaux, indépendantistes ou non, ne parviennent plus à discuter ensemble ; comment pourraient-ils négocier un nouveau projet statutaire, alors que les indépendantistes refusent de s'associer à la table des négociations ? Nous ne pouvons pas attendre indéfiniment que la situation se résolve d'elle-même.

Les accords de Matignon auraient-ils été signés sans l'implication forte de Michel Rocard ? Non. L'État doit redevenir ce partenaire d'équilibre entre les forces politiques du territoire et, par un soutien financier massif, permettre à la Nouvelle-Calédonie de se relever.

Monsieur le ministre, votre venue sur place était attendu et je vous en remercie. J'approuve la proposition du Premier ministre de confier aux présidents des deux assemblées une mission de concertation et de dialogue, qui se concrétisera par un déplacement du 9 au 14 octobre.

C'est dans un cadre démocratique apaisé que les Calédoniens pourront choisir sereinement leurs élus.

Je vous invite à approuver largement ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Saïd Omar Ouali applaudit également.)

Mme Salama Ramia .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Laurence Harribey applaudit également.) Ce nouveau report est indispensable au regard des événements dramatiques qui ont secoué la Nouvelle-Calédonie ces derniers mois. Les émeutes ont fait treize victimes, dont des membres des forces de l'ordre, et plongé l'archipel dans une crise politique, économique et sociale dont il ne s'est pas encore relevé.

Le comité interinstitutionnel calédonien a présenté son plan pluriannuel de reconstruction auprès de l'État. Le Conseil d'État a considéré qu'un report en novembre 2025 au plus tard, bien qu'inhabituel, est acceptable, car il garantit que l'ensemble des textes et des réformes indispensables soient adoptés avant les élections. Cela laissera le temps de trouver un compromis sur le terrain.

Près de cinq mois après le début de la crise, la Nouvelle-Calédonie reste marquée par les désordres. Il y a une crise de confiance entre les différentes composantes de la société, et la tenue de nouvelles élections raviverait encore les tensions. Il faut laisser les parties trouver un nouvel équilibre institutionnel acceptable par tous.

Ce report n'est pas un choix politique, mais un impératif de stabilité et de responsabilité. Je vous invite donc à voter ce texte. Notre responsabilité est de soutenir cette transition dans un esprit de sérénité et de cohésion nationale. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mmes Laurence Harribey et Jocelyne Guidez applaudissent également.)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Mes pensées vont aux Néo-Calédoniens, endeuillés, appauvris, traumatisés. Depuis mai dernier, près de 700 entreprises ont été pillées ou vandalisées ; des écoles, des médiathèques, des infrastructures médicales sont parties en fumée. Plus de 6 000 personnes sont privées d'emploi et plusieurs milliards d'euros seront nécessaires à la reconstruction du Caillou.

Le gouvernement calédonien a proposé une feuille de route sur trois ans pour repenser le système économique, social et institutionnel. L'État prend en charge la réfection des bâtiments scolaires ainsi que le chômage partiel. C'est essentiel pour relancer la vie locale.

La société calédonienne est inégalitaire : le haut de l'échelle est européen, le bas kanak. Il faut s'attaquer à ces disparités.

Le plan de reconstruction doit être interministériel et associer particulièrement l'éducation nationale - du reste, un intérêt particulier doit être porté à la jeunesse. L'école s'est massifiée mais pas démocratisée. Peu de place est laissée à l'enseignement de l'histoire des peuples premiers. Difficile dès lors de développer un projet éducatif local, commun et émancipé de la tutelle métropolitaine.

Un retour à la paix civile passe par une paix sociale. C'est ainsi que l'on bâtira un avenir commun aux Calédoniens.

Dans ce contexte tendu, notre responsabilité est de reporter les élections provinciales. Les forces politiques locales se sont exprimées en ce sens hier au Congrès. Le RDSE est favorable à ce report.

D'ici là, il faut reprendre les négociations. Selon le Conseil d'État, le dépôt d'un projet de loi constitutionnelle constitue un but d'intérêt général suffisant, ce qui donne une assise au possible dégel.

Monsieur le ministre, nous saluons votre volonté de discuter avec toutes les parties et d'être à l'écoute. Votre récent déplacement a montré que la gouvernance partagée autour d'un « partenariat-indépendance » était souhaitée au-delà du camp indépendantiste. Les discussions devront se faire dans un cadre global, pour parvenir à un projet juste, où tous les Calédoniens trouvent leur place. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Jocelyne Guidez .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) À cette tribune, Hervé Marseille avait qualifié le projet de loi constitutionnelle de solution « partielle et unilatérale » qui, loin d'aiguillonner le dialogue, risquait d'aggraver les tensions. Nous n'avons pas été entendus. La Nouvelle-Calédonie en a payé le prix, après 36 années de paix. Depuis le 13 mai 2024, treize personnes ont perdu la vie, des centaines ont été blessées, 3 000 émeutiers ont été interpellés. Un couvre-feu est toujours en vigueur.

La situation économique et sociale, fragilisée par la crise du nickel, est dramatique : 2,2 milliards d'euros de dégâts, 700 entreprises saccagées, 10 000 emplois détruits, 20 000 salariés au chômage partiel... Dans le secteur privé, un salarié sur trois est au chômage. Même l'hôpital a fait l'objet de blocages. À Dumbéa, le Médipôle a perdu 30 % de ses médecins. Le centre hospitalier du Nord ferme des lits.

L'État financera la reconstruction des infrastructures publiques ; c'est bien, mais pas suffisant. Le Congrès de Nouvelle-Calédonie a voté une résolution demandant l'adoption d'un plan quinquennal de reconstruction et d'accompagnement, inspiré de la réponse apportée à Saint-Martin et Saint-Barthélemy après le cyclone Irma. C'est un appel à la solidarité nationale lancé par les élus, de façon transpartisane. S'il n'est pas entendu, la situation risque de déboucher sur des émeutes de la faim.

Or le PLF pour 2025 ne prévoit qu'une seule mesure pour la Nouvelle-Calédonie : la possibilité de contracter un prêt de 500 millions d'euros auprès de l'Agence française de développement (AFD) pour rembourser les avances de l'État. C'est un acte d'abandon ! Nous veillerons au financement de ce plan quinquennal dans le PLF.

Comme l'a déclaré le Premier ministre, vu le contexte, il n'est pas possible de tenir des élections provinciales en décembre prochain.

Nous nous félicitons de la mission de concertation et de dialogue conduite par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat.

L'examen de ce texte doit ouvrir une nouvelle page pour réamorcer le dialogue entre les formations politiques, afin de permettre l'émergence d'un consensus, dans l'esprit des accords de Matignon et de Nouméa. Le groupe UC votera pour. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, SER et du RDSE)

M. Robert Wienie Xowie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) « Le terreau sur lequel on moissonne est vaseux, les équilibres sont fragilisés et les signaux sociétaux s'allument en orange. Ne faisons pas de ce texte le déclencheur d'une crise que personne ne pourra maîtriser. » Ces mots, je les prononçais dans cet hémicycle le 2 avril dernier.

Depuis le 13 mai, on dénombre treize morts, 800 entreprises détruites, 24 000 emplois suspendus ou détruits, 2 milliards d'euros de dégâts. Ayons une pensée pour les familles endeuillées, pour tous ceux qui ont perdu leur travail ou l'investissement d'une vie.

Les vieux réflexes coloniaux se répètent inlassablement. Au lieu de réussir ensemble la sortie de l'accord de Nouméa, qui est un processus de paix et de décolonisation, l'État impose et se braque sur une réforme unilatérale du corps électoral. Vous connaissez la suite.

Le précédent gouvernement a décidé de reporter les élections provinciales, prévues en mai 2024. Le mouvement indépendantiste, très attaché à l'accord de Nouméa, s'est toujours opposé à cette démarche et au fait que la question du corps électoral soit sortie de la discussion globale. Il a alerté sur les risques engendrés par un tel texte.

Michel Barnier a dit souhaiter reprendre le dialogue et rechercher un consensus politique et a annoncé que le projet de loi constitutionnelle ne serait pas soumis au Congrès de Versailles. Nous nous en félicitons mais restons vigilants.

Depuis le 13 mai, une défiance, une rancoeur, une haine se sont exprimées. Pourtant, il va falloir se reparler, vivre à nouveau ensemble.

Je regrette le rejet de mon amendement en commission. Comme une majorité des membres du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, je ne suis pas opposé au report des élections, pour permettre l'adoption d'un budget 2025, traiter les urgences sociales et organiser la rentrée scolaire. Mais pour combien de temps ? Le mouvement du 13 mai a exprimé une défiance envers la classe politique. Il faudra rapidement retourner aux urnes, pour redonner une légitimité politique aux responsables qui auront à écrire une nouvelle page de notre histoire.

Monsieur le ministre, votre réponse à ma question d'actualité ne m'a pas satisfait ; vous affirmez que le principe d'autodétermination est inscrit dans la Constitution française, or seul l'accord de Nouméa garantit le processus d'accession à la pleine souveraineté.

Puisse l'État porter un regard décomplexé sur son histoire coloniale ; ainsi, nous pourrons espérer une décolonisation réussie et définir ensemble les fondations d'une nouvelle relation. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Bernard Buis applaudit également.)

Mme Mélanie Vogel .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) C'est avec gravité que nous abordons ce sujet. La dernière fois, nous avons commis une faute, contre laquelle nous avions alerté. Elle était évitable, son résultat prévisible.

Mme Cécile Cukierman.  - Très bien.

Mme Mélanie Vogel.  - Cette faute a coûté la vie à treize personnes, qui seraient encore là si nous avions été plus responsables, plus humbles.

M. Mickaël Vallet.  - Bien dit !

Mme Mélanie Vogel.  - Ne reproduisons pas les mêmes erreurs ! La première a été d'isoler la question du dégel du corps électoral de la question de la citoyenneté calédonienne et du statut de la Nouvelle-Calédonie. La deuxième, de rompre avec la promesse d'impartialité, en privilégiant clairement un camp. La troisième, de passer en force en persistant, malgré les alertes, à faire voter un texte sans accord local. La quatrième a été de répondre aux violences par la répression, en incarcérant des militants kanaks en métropole, ce que la Cour de cassation a désavoué. Voilà ce qu'il ne faut plus jamais faire.

La tenue d'élections d'ici décembre est trop difficile - c'est le sens de l'avis du Congrès de Nouvelle-Calédonie. La Nouvelle-Calédonie est souffrante, son économie dévastée, ses habitants meurtris - 29 % des salariés du privé sont au chômage partiel. Les exportations de nickel ont été divisées par trois. La reconstruction, l'apaisement, l'amorce de nouvelles négociations peuvent déboucher sur du mieux.

Cela dépend de nous. Faisons mieux, retrouvons l'esprit de concorde des accords de Nouméa ; ne ratons pas, pour une fois, le processus de décolonisation. Les récentes déclarations du Premier ministre ont rassuré ; il faut maintenant un débouché concret.

Aussi, je demande au Gouvernement de s'engager sur certains points. Le texte ne fixe pas de date pour le scrutin. Or certains acteurs souhaitent que le vote ait lieu au printemps prochain. Convoquerez-vous les élections au moment approprié, y compris au premier semestre 2025 ? Le Gouvernement s'engage-t-il à prendre part au dialogue de façon impartiale ?

S'il n'y a toujours pas de perspective d'accord en novembre 2025, vous engagez-vous à ne pas présenter une réforme unilatérale, qui aurait les mêmes effets que la précédente ?

Selon Einstein, « la folie, c'est de faire toujours la même chose et de s'attendre à un résultat différent ». Gardez-vous de cette folie ! (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Viviane Artigalas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La Nouvelle-Calédonie traverse une crise si grave qu'elle touche tous les secteurs d'activité. La vie quotidienne est devenue intenable, au point que nombre d'habitants ont quitté le territoire. La cause des émeutes ? L'adoption à marche forcée du dégel du corps électoral, sans accord politique global.

Il est salutaire que le Premier ministre se réapproprie ce dossier, hélas bien tardivement. Notre groupe a dénoncé le passage en force du précédent gouvernement. Nous avons réclamé inlassablement un report des élections, préalable à un accord global sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie qui intégrerait éventuellement la question du dégel. Ce n'est ni à l'État ni au Parlement d'imposer un calendrier. L'État doit être un arbitre facilitateur pour la recherche d'un consensus.

Depuis les accords de Matignon en 1988, et de Nouméa en 1998, cette méthode a fait ses preuves. Il faut s'en inspirer, pour construire un destin commun des communautés en Nouvelle-Calédonie. Reprenons le chemin de la concertation. Grâce à ces accords, la Nouvelle-Calédonie est dotée d'institutions locales qui font rempart contre l'effondrement.

Pour résoudre la crise politique, il faut acter le report des élections, mais aussi répondre à l'urgence économique, sociale et humanitaire.

D'où notre proposition de loi organique, jugée indispensable par les protagonistes - j'en veux pour preuve l'avis du Congrès de Nouvelle-Calédonie d'hier, par 47 voix sur 50. Tous les groupes politiques calédoniens s'accordent sur ce constat : il faut prendre le temps d'élaborer un nouvel accord. Notre texte redonne sa place au temps long, à la médiation, à la négociation. En la reprenant à son compte, le Gouvernement démontre sa volonté de renouer ce dialogue.

Face à la deuxième urgence - 6 000 emplois et 700 entreprises détruits ; 25 000 personnes au chômage partiel ou total ; 2,2 milliards d'euros de dégâts -, l'aide de 400 millions d'euros apportée par l'État est insuffisante. Les troubles à l'ordre public, les difficultés matérielles rendent impossible la tenue rapide d'élections.

Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a présenté un plan de sauvegarde, de refondation et de reconstruction. Le Congrès, lui, appelle à la solidarité nationale avec un plan quinquennal de 4,2 milliards d'euros pour soutenir les collectivités locales et les régimes sociaux, l'accès aux soins, les entreprises et la filière du nickel.

Faute de traduction budgétaire dans le PLF, le Parlement s'en chargera par voie d'amendement.

Pour rétablir le dialogue, il faut confirmer que la réforme constitutionnelle est retirée et non pas ajournée, dépêcher une mission de dialogue, créer une instance permanente et commune au sein du Parlement. La situation actuelle révèle les profondes inégalités entre les communautés. Pour compenser les torts subis par les Kanaks, réfléchissons à une solution institutionnelle innovante et consensuelle.

La commission des lois a sécurisé juridiquement notre proposition de loi organique, a renforcé son opérationnalité et garanti son application en temps utile, je l'en remercie. Je vous invite à voter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du RDSE ; M. Bernard Buis applaudit également.)

M. François-Noël Buffet, ministre.  - Deux précisions pour M. le sénateur Xowie.

Les notions d'indépendance et de décolonisation sont distinctes. Le processus politique et institutionnel initié par les accords de Nouméa et achevé au terme des trois consultations n'emporte pas la fin du processus de décolonisation culturelle, économique et sociale. Le Gouvernement poursuivra les actions engagées en la matière.

Chaque année, les transferts de l'État vers la Nouvelle-Calédonie s'élèvent à un peu plus de 1,7 milliard d'euros. Les 400 millions annoncés par le précédent Gouvernement sont en supplément. Sur le budget 2024, on dégagera 250 millions d'euros pour le soutien aux collectivités et le chômage partiel ; s'y rajouteront 4 millions d'euros pour les navettes maritimes, la route de Saint-Louis étant encore dangereuse.

Pour 2025, 500 millions d'euros de prêt aux collectivités territoriales, auxquels s'ajouteront 170 millions de garanties supplémentaires.

Enfin, il y a la circulaire reconstruction, qui est une dépense de guichet : l'État assumera à 100 % la reconstruction des écoles et à 70 % celle des autres bâtiments publics.

Au total, c'est donc environ 1,3 milliard d'euros consacrés au redressement de la Nouvelle-Calédonie.

Le plan du Gouvernement, c'est le programme S2R (sauvegarde, refondation, reconstruction). Le Congrès en a présenté un autre. Il faudra trouver les points de convergence, puis apporter un financement - les sommes finales seront donc encore plus importantes.

Discussion des articles

Article 1er

Mme la présidente.  - Amendement n°1 de M. Xowie.

M. Robert Wienie Xowie.  - Je propose un report à mai 2025, plutôt qu'à novembre 2025. Avancer les élections provinciales à mai assurerait une légitimité nouvelle aux acteurs qui devront engager les discussions.

Mme Corinne Narassiguin, rapporteure.  - La commission a souhaité desserrer l'étau du calendrier, afin d'éviter ce qui pourrait être perçu comme de nouvelles pressions. C'est pourquoi nous privilégions le délai maximal autorisé par le Conseil constitutionnel et la jurisprudence du Conseil d'État. Bien sûr, si les parties prenantes en Nouvelle-Calédonie parviennent à un accord permettant d'anticiper la tenue des élections, nous serons heureux de les accompagner dans sa mise en oeuvre législative. Avis défavorable.

M. François-Noël Buffet, ministre.  - Avis défavorable - mais j'espère vous convaincre de le retirer. (Mme Cécile Cukierman sourit.)

Quand le projet de loi constitutionnelle fixait l'échéance à juillet, j'avais, en d'autres fonctions, plaidé pour un report à décembre, pour laisser le temps à l'accord de se nouer. Mon état d'esprit n'a pas changé.

J'ajoute que les délais administratifs incompressibles pour préparer l'élection s'élèvent à quasiment six mois. Il faudrait donc avoir trouvé un accord avec l'ensemble des élus de Nouvelle-Calédonie d'ici décembre...

M. Patrick Kanner.  - Ça va être compliqué...

Mme Laurence Harribey.  - Même si c'est Noël !

M. François-Noël Buffet, ministre.  - En l'espèce, je ne crois pas au Père Noël.

Si les discussions vont plus vite, on verra bien.

M. Georges Naturel.  - Borner le report à mai 2025 ferait courir le risque de devoir réengager une procédure législative en cas de léger retard. Par sécurité, ne changeons pas le délai maximum du Conseil d'État. Toutefois, j'encourage vivement le Gouvernement à prévoir l'organisation des élections au premier semestre 2025 - c'est une période où il n'y aura aucune interférence électorale.

Nous les insulaires, n'aimons pas la pression ! Laissons-nous le temps, même si notre rôle est de faire au plus tôt.

M. Victorin Lurel.  - J'interviens à titre personnel. Je viens d'entendre le ministre distinguer indépendance et décolonisation. J'exhorte le Gouvernement à ouvrir le champ des possibles. Si vous avez confiance dans la République française et dans ses promesses, il faut laisser les Calédoniens libres de décider. On ne peut pas limiter la discussion, jusqu'en novembre 2025, à l'économie, au social et au culturel. Il y a le politique, l'autodétermination des peuples !

Évoquez toutes les possibilités. Les Calédoniens décideront.

Mme Cécile Cukierman.  - Merci au ministre pour la qualité de nos échanges. Celle-ci a manqué l'an dernier !

J'entends les arguments, factuels, de la rapporteure et du ministre.

Avec cet amendement, notre collègue ne joue pas au loto avec les dates : mai 2025, c'est un an après la date initialement prévue pour les élections. Fin 2025, le report aura été en réalité d'un an et demi.

Nous ne souhaitons pas le pire, mais manquerions d'humilité si nous affirmions qu'aucune embûche ne se présentera d'ici novembre...

Nous ne faisons pas de la date un obstacle irréductible, mais nous voulons acter que le report d'un an respecte mieux le temps démocratique que celui d'un an et demi.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté.

Les articles 2 et 3 sont successivement adoptés.

Vote sur l'ensemble

M. Patrick Kanner, auteur de la proposition de loi .  - Nous allons sortir par le haut de cette crise. Espérons que l'Assemblée nationale confirmera le vote que nous émettrons dans quelques instants.

Le 7 avril 1988, dans sa Lettre à tous les Français, François Mitterrand écrit : « La Nouvelle-Calédonie avance dans la nuit, se cogne aux murs, se blesse. La crise dont elle souffre rassemble, en miniature, toutes les composantes du drame colonial. Il est temps d'en sortir. (...) Le garant de la paix en Nouvelle-Calédonie ne peut être que la République française. La France ne peut être arbitre que si sa parole inspire confiance. »

Je veux saluer deux personnages majeurs : Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur. Le 26 juin 1988, Michel Rocard disait d'eux qu'ils avaient « fait preuve de courage et de responsabilité sans rien abandonner, su donner et pardonner ». Que ces mots nous inspirent ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Bernard Buis et Mme Marie Mercier applaudissent également.)

M. Georges Naturel .  - La situation économique est catastrophique. Si nous voulons que les Calédoniens puissent débattre sereinement, il faudra que l'État nous accompagne financièrement. Le débat politique ne doit pas se mener dans la rue, mais de façon démocratique. Les élections sont donc essentielles.

En Nouvelle-Calédonie, où je rentre demain, ce sont les coeurs qu'il faut reconstruire. Nous avons besoin de sérénité pour reconstruire la société calédonienne. Je m'y attellerai.

Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER)

Mme Cécile Cukierman .  - Il faut aborder ce sujet avec humilité. Le mot-clé est celui de légitimité. Légitimité des institutions d'abord, pour que les budgets puissent être adoptés d'ici la fin de l'année. Légitimité de ceux qui, demain, devront reconstruire en évitant de nouveaux drames.

La situation de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie ne peut être comparée à la tempête Irma. Ce n'est pas une catastrophe naturelle qui s'est abattue, mais les conséquences du choix de certains de ne pas écouter l'ensemble des forces présentes, ou de n'en écouter qu'une seule, malgré les alertes lancées ici et au Congrès de Nouvelle-Calédonie.

D'où la question de la légitimité démocratique et politique de ceux qui seront les acteurs de la reconstruction.

Parce que nous ne voulons pas être bloquants, que nous voulons que le débat se poursuive à l'Assemblée nationale, parce que « palabrer » est crucial pour construire du commun, nous nous abstiendrons.

La proposition de loi organique est mise aux voix par scrutin public de droit.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°22 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l'adoption 324
Contre    0

La proposition de loi organique est adoptée.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER, UC, INDEP et du RDSE)

La séance est suspendue quelques instants.

Réforme du financement de l'audiovisuel public (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public, présentée par M. Cédric Vial, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Roger Karoutchi et Laurent Lafon et plusieurs de leurs collègues.

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

M. Cédric Vial, auteur de la proposition de loi organique .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Laurent Lafon et Mme Laure Darcos applaudissent également.) Pourquoi ce texte ? Parce qu'il fallait bien trouver une solution pour l'audiovisuel public. Depuis la suppression au 1er janvier 2022 de la contribution à l'audiovisuel public - la redevance -, les médias publics vivent sous la menace de la budgétisation.

La loi de finances rectificative du 16 août 2022 a maintenu le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », alimenté désormais par une fraction de TVA. Mais ce mode de financement ne pouvait être que provisoire. Sa pérennisation nécessite une réforme de la Lolf avant la fin de cette année.

Le Gouvernement a eu trois ans pour agir, mais rien n'a été fait. Voilà comment il nous revient d'entériner, au dernier moment, une solution issue du Sénat.

Ce texte est une oeuvre collective : je salue mes collègues Catherine Morin-Desailly, Roger Karoutchi et Laurent Lafon. Je rends hommage aussi à nos anciens collègues députés Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gautier, qui avaient pris une initiative stoppée par la dissolution.

Au coeur de l'été, j'ai repris le flambeau pour garantir l'indépendance de l'audiovisuel public au travers d'un financement affecté. Je remercie notre rapporteur, Jean-Raymond Hugonet, fin connaisseur du paysage audiovisuel, ainsi que le président et le rapporteur général de la commission des finances, sans oublier le président Gérard Larcher, qui s'est engagé pour une inscription rapide du texte à notre ordre du jour. L'Assemblée nationale l'examinera à son tour le 19 novembre.

Je remercie enfin le Premier ministre, qui a très vite compris l'urgence de la situation, et vous-même, madame la ministre, car ce dossier a enfin été étudié sérieusement à compter de votre nomination. Jusque-là, toutes nos initiatives, notamment celles de M. Hugonet et de Mme Darcos, s'étaient heurtées à une absence de réponse du ministre ou à une réponse curieusement donnée « à titre personnel ».

Ce texte, déjà assez simple, a été utilement simplifié en commission. J'apporte mon soutien total à l'ensemble des modifications qui lui ont été apportées.

En particulier, la commission a supprimé l'article 2, qui prévoyait un traitement différencié pour Arte France, en raison de son fonctionnement particulier régi par un traité franco-allemand. Nous avons acquis la conviction qu'une telle différence de traitement ne se justifie pas et que l'indépendance d'Arte ne sera pas mise à mal. Votée désormais en valeur absolue, la part de TVA sera même une garantie supplémentaire par rapport au prélèvement sur recettes initialement envisagé. (M. Victorin Lurel est dubitatif.) Le Gouvernement pourrait en effet modifier les montants versés en cours d'année. Des pressions seraient alors possibles, de nature à remettre en cause ce principe que nos amis allemands appellent l'éloignement du pouvoir. C'est l'absence d'intervention du Gouvernement qui distingue, notamment à l'étranger, un média français d'un média de la France - dans certains pays, c'est tout simplement l'autorisation d'émettre qui en dépend.

Il est essentiel d'adopter ce texte. Je sais que, notamment à gauche, certains préféraient une autre solution fiscale, mais je les remercie pour leur esprit de responsabilité. Puissent-ils inspirer les députés, pour que cette loi organique s'applique dès le début de l'année prochaine.

D'autres débats suivront, à commencer par celui du montant du financement - dans le cadre du PLF. Je pense aussi au contenu des missions de service public, qui sont la contrepartie de ce financement. Sans oublier l'organisation et la gouvernance de l'audiovisuel public, avec la proposition de loi de M. Lafon dont nous souhaitons la reprise de l'examen.

Pour l'heure, garantissons la liberté et l'indépendance des médias publics, ainsi que la qualité de l'information qu'ils fournissent. Nous consoliderons ainsi un fondement de notre démocratie.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur de la commission des finances .  - Dès 2017, nous savions qu'il faudrait trouver un nouveau mode de financement pour l'audiovisuel public, du fait de la suppression programmée de la taxe d'habitation, à laquelle la redevance était adossée. Mais les gouvernements successifs n'ont rien anticipé. En 2022, le Président de la République a annoncé opportunément la suppression de la contribution à l'audiovisuel public. Nous avons ainsi dû trouver, en hâte, une solution de substitution : l'affectation d'une part de TVA.

Il ne s'agit en aucun cas d'une solution miracle : le financement de l'audiovisuel public repose sur tous les consommateurs et la TVA est dispersée un peu plus encore, alors que l'État ne perçoit plus qu'une minorité de son produit.

Cette solution ne pouvait, en outre, qu'être temporaire. En effet, il résulte de la réforme de la Lolf intervenue en 2021 qu'une ressource affectée doit avoir un lien avec la mission de service public exercée, à partir du dépôt du PLF pour 2025.

L'affectation d'une part de TVA, impôt de grande consommation, ne satisfait pas à cette condition. Le financement actuel ne peut donc être reconduit sans modification de la loi organique.

Ce texte permet de sortir de l'impasse. En l'absence de solution, nous serions obligés de recourir à des crédits budgétaires, comme le prévoit provisoirement le PLF. Ce mode de financement est perçu par les médias publics comme moins protecteur et soulèverait des difficultés d'ordre symbolique à l'étranger. Il n'est donc pas souhaitable.

L'article 1er modifie la Lolf afin d'inclure les sociétés d'audiovisuel public parmi les organismes pouvant bénéficier de l'affectation d'impôts d'État. Le système en vigueur depuis deux ans, sans difficultés particulières (M. Victorin Lurel nuance le propos), pourra ainsi être maintenu.

La commission des finances a décidé d'affecter à l'audiovisuel public un montant d'impôt et non un pourcentage, ce qui évitera des variations à la hausse ou à la baisse. Le terme de pérennisation ne s'applique évidemment pas au montant des ressources : le Parlement en votera annuellement le montant, dans le respect des garanties constitutionnelles d'indépendance des médias et de préservation du pluralisme.

La commission a supprimé l'article 2, qui prévoyait un prélèvement sur recettes (PSR) au bénéfice d'Arte. Ce mécanisme dérogatoire aux principes budgétaires est actuellement réservé à l'Union européenne et aux collectivités territoriales. Il n'est pas opportun de l'étendre à l'audiovisuel public, d'autant qu'il n'apporterait aucune garantie supplémentaire par rapport à une part d'impôt affectée, le montant d'un PSR étant évaluatif.

L'audiovisuel public doit se réorganiser très rapidement : je sais, madame la ministre, que vous partagez ce point de vue. Je regrette l'interruption des travaux sur la proposition de loi de M. Lafon, du fait de la dissolution.

Nous devons prendre nos responsabilités pour assurer à court terme le financement de l'audiovisuel public. Si la proposition de loi organique arrive à son terme rapidement, le Sénat pourra en tirer les conséquences lors de l'examen du PLF.

Le Gouvernement est conscient de l'urgence, et je remercie la ministre, avec qui nous travaillons en bonne intelligence sur ce texte très attendu par le secteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Bernard Buis applaudit également.)

Mme Rachida Dati, ministre de la culture .  - Je remercie Cédric Vial, Jean-Raymond Hugonet, Roger Karoutchi, dont je connais l'engagement en faveur de la pérennité de l'audiovisuel public, Catherine Morin-Desailly et Laurent Lafon.

J'ai d'emblée indiqué être tout à fait disposée à soutenir l'adoption rapide de cette proposition de loi, les travaux entrepris avant la dissolution étant restés inachevés. Dès ma prise de fonction, je me suis déclarée favorable à une réforme de la gouvernance du secteur comme à une sanctuarisation de son financement. Je suis de longue date convaincue qu'il faut renforcer l'audiovisuel public, qui ne peut pas être une variable d'ajustement budgétaire.

Le financement par une fraction de TVA ne peut durer au-delà de la fin de l'année sans intervention du législateur organique - c'est le sens de ce texte. La réforme de la gouvernance suivra ; pour la mener, je m'appuierai sur la proposition de loi de M. Lafon.

Cédric Vial l'a rappelé, il s'agit de sanctuariser le financement de l'audiovisuel public. Certains veulent le supprimer ou le privatiser. Je suis favorable à son renforcement.

Le règlement européen sur la liberté des médias prévoit que les médias publics doivent disposer de ressources suffisantes, durables et prévisibles. Pour préserver leur indépendance, leur financement ne doit pas dépendre directement de l'État.

Je remercie les auteurs du texte, à commencer par le sénateur Vial pour son travail de conviction autour d'un texte en mesure de rassembler.

L'audiovisuel public mérite cette consécration organique. Nous avons convergé sur le choix du mode de financement : non pas un nouveau PSR, mais une pérennisation du système actuel, le montant affecté étant exprimé en valeur. Les médias publics connaîtront précisément en début d'année le montant dont ils disposeront. Ils seront protégés des aléas de la conjoncture comme de la régulation budgétaire. Ce système sera aussi protecteur que la redevance, voire davantage, car le montant inscrit en loi de finances sera garanti.

Avec ce financement consolidé, l'audiovisuel sera réarmé pour relever les défis qui se présentent à lui : concurrence de nouveaux acteurs, émergence de grands groupes plurimédias, course à l'innovation.

Mais il doit aussi se réformer, rapprocher ses réseaux de proximité pour couvrir le territoire de façon plus complète, enrichir son offre d'information, réserver plus d'espace à l'investigation et à l'expertise et accélérer sa transition numérique. Pour cela, il doit regrouper ses forces. C'est le sens de la proposition de loi Lafon, et l'avenir se joue aussi là.

Notre combat, c'est le renforcement de l'audiovisuel public et la garantie de son indépendance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC)

Mme Laure Darcos .  - Le paysage audiovisuel français est riche de sa diversité. Son objectif premier n'étant pas d'être profitable, il peut explorer des champs plus étendus de la connaissance et concourir à la liberté d'expression et au pluralisme des idées.

Pour mener à bien sa mission, il doit bénéficier de moyens adaptés. Dès le départ, je me suis opposée à la suppression de la redevance, présentée habilement comme une mesure favorable au pouvoir d'achat : chaque Français doit contribuer à l'audiovisuel public, qu'il le regarde ou non.

Mme Sylvie Robert.  - Exactement !

Mme Laure Darcos.  - Je remercie les auteurs des autres initiatives législatives, qui, par sagesse, se sont ralliés au texte de MM. Vial, Karoutchi et Lafon et de Mme Morin-Desailly. Il nous permet de régulariser in extremis une situation qui contrevient à la Lolf, laquelle prévoit un lien entre l'impôt affecté les missions de service public exercées. Un PSR aurait fait dépendre l'audiovisuel public plus étroitement de l'État.

L'audiovisuel public aura ainsi les moyens de relever ses défis, qui sont immenses : surmonter la défiance croissante vis-à-vis des médias, donner au plus grand nombre accès à des contenus de grande qualité, améliorer leur diffusion sur les plateformes numériques.

Pour sécuriser ce financement à long terme, il faut poursuivre l'effort de pédagogie après des jeunes, qui s'informent majoritairement sur les réseaux sociaux et pour qui la gratuité devient la norme. L'enjeu n'est pas anodin.

La commission a décidé de soumettre Arte au même traitement que les autres acteurs. J'espère que ce choix ne portera pas préjudice à cette chaîne emblématique pour le service public, l'amitié franco-allemande et le projet européen. Les arguments des orateurs précédents m'ont rassurée à cet égard.

Le groupe Les Indépendants votera ce texte. (M. Roger Karoutchi applaudit.)

M. Laurent Somon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La question du financement de l'audiovisuel est ancienne : dès 1933, une taxe est créée sur les postes de radiodiffusion, qui perdurera jusqu'en 1980. Elle est étendue aux téléviseurs en 1949. Créé en 1964, l'ORTF gérait directement la redevance, sur le modèle de la BBC, avant que Valéry Giscard d'Estaing n'opte pour un pilotage par l'État.

La publicité a été autorisée sur l'audiovisuel public, non sans de grands débats, puis supprimée entre 20 heures et 6 heures, en 2009. La suppression de la redevance, en 2022, a relancé le débat sur le financement. Il s'agit de savoir quel montant est nécessaire pour garantir l'indépendance de l'audiovisuel public et d'exiger, en retour, des programmes de qualité et une objectivité journalistique qui, avouons-le, n'est pas toujours la première qualité des chaînes publiques.

Quel que soit son mode de financement, le secteur ne peut échapper à l'effort collectif, surtout dans le contexte actuel d'urgence budgétaire, pour citer Jean-François Husson. Dans la loi de finances pour 2024, nous avons proposé un maintien des ressources au niveau de 2023, afin de réaliser des économies.

Le mode de financement actuel, par une fraction de TVA, ne peut perdurer en 2025 sans modification de la Lolf, révisée en 2021, qui prévoit que les impôts d'État ne peuvent être affectés à des établissements publics qu'à la condition d'un lien direct entre l'imposition concernée et les missions exercées. Or la TVA est sans lien avec l'audiovisuel. L'article 1er étend donc le champ des bénéficiaires de taxes affectées aux sociétés d'audiovisuel public. Cette mesure satisfait au droit européen et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, selon lesquels l'indépendance des médias publics exclut tout financement direct par le budget de l'État.

L'article 2, relatif à Arte, a été supprimé : les prélèvements sur recettes sont réservés au financement des collectivités territoriales et du budget de l'Union européenne. France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, TV5 Monde, Arte France et l'INA seront désormais financés par une fraction de TVA, déterminée - en valeur, grâce à notre vigilant rapporteur - lors du débat budgétaire annuel. Je félicite M. Vial et remercie Mme la ministre. Le groupe Les Républicains votera ce texte.

M. Roger Karoutchi.  - Très bien !

M. Bernard Buis .  - Réformer le financement de l'audiovisuel public est nécessaire et urgent.

La loi de finances pour 2022 a supprimé la contribution à l'audiovisuel public - 138 euros - pour améliorer le pouvoir d'achat de 27 millions de Français et tenir la promesse du Président de la République.

Un financement de substitution provisoire a été instauré pour les sociétés de l'audiovisuel public en 2023 et 2024. Il nous faut désormais choisir entre budgétisation et pérennisation du système à travers une modification de la Lolf. Le RDPI ne croit pas à une troisième voie.

Cette proposition de loi organique privilégie la seconde option. Pour éviter des pertes ou profits, un montant de TVA sera déterminé chaque année. Cette solution permettra aux médias publics français de peser dans un contexte de forte concurrence et de continuer à soutenir la création et à concourir à la libre circulation des opinions. Le Conseil constitutionnel a déjà jugé que ce mode de financement garantit l'indépendance de l'audiovisuel public. Le temps de l'ORTF est révolu, ne créons pas des médias d'État.

Le RDPI soutient cette réforme opportune. La navette parlementaire doit devenir un TGV pour que ce texte soit adopté avant la fin de l'année... Les spectateurs de C dans l'air ou de Thalassa et les auditeurs des matinales de Radio France ou des Voix du monde l'attendent !

M. Bernard Fialaire .  - Depuis la suppression de la contribution à l'audiovisuel public, le financement des sociétés de l'audiovisuel public reste en suspens. Le Sénat a alerté dès le départ sur la nécessité de sortir de cette incertitude.

En juin 2022, l'IGF rappelait qu'il faut à l'audiovisuel public une ressource pérenne et prévisible, qui assure son indépendance. La mesure décidée en 2022 ne pouvait être que provisoire. Sans compter que les engagements pluriannuels de l'État définis dans les conventions d'objectifs et de moyens (COM) n'ont que rarement été respectés... Peut-être faudrait-il donner un caractère contraignant à la trajectoire.

L'urgence est d'éviter la budgétisation. Si l'on écarte une taxe affectée, ne restent que deux solutions : l'affectation d'une fraction d'impôt existant et le financement budgétaire. Ces deux voies constituent une forme de financement budgétaire indirect. Le maintien d'une part de TVA affectée serait mieux perçu par le secteur.

Les chercheurs soulignent la corrélation entre mode de financement des médias publics et vitalité démocratique. En particulier, des modes de financement pluriannualisés garantissent une solide indépendance des médias.

Nous regrettons que la commission ait supprimé le financement d'Arte par un prélèvement sur recettes, compte tenu de la spécificité de cette chaîne. Nous soutiendrons donc le rétablissement de l'article 2 initial, ce qui enverrait un signal positif à notre partenaire allemand.

Le financement de l'audiovisuel public doit être réformé. Face à la concurrence internationale et aux usages alternatifs, ses chaînes ont besoin de garanties pour poursuivre sereinement leurs missions.

Ce texte a le mérite de relancer le débat, nous le soutiendrons. Nous espérons que nos collègues députés pourront s'en saisir le plus rapidement possible. (Mme Maryse Carrère applaudit.)

Mme Catherine Morin-Desailly .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP) Il est urgent de compenser les défaillances du précédent gouvernement, qui a supprimé, voilà deux ans, la contribution à l'audiovisuel public sans solution alternative pérenne. C'est à croire que Bercy voulait en venir à la budgétisation, pourtant incompatible avec le règlement européen sur la liberté des médias. Nos partenaires européens se sont d'ailleurs émus à la perspective de voir nos médias publics devenir des médias d'État.

Avec Cédric Vial, Roger Karoutchi et Laurent Lafon, je vous propose de sanctuariser le financement de l'audiovisuel public. Je regrette le caractère chaotique de ce processus, d'autant que notre commission appelle de longue date à une réforme systémique et ambitieuse pour réaffirmer les missions de l'audiovisuel public, revoir sa gouvernance et consolider son modèle financier. Il y aurait beaucoup à dire sur la façon dont ce dossier a été mal traité depuis 2017.

Seule satisfaction : le chantier de la réglementation et de la régulation a abouti. Je salue à cet égard l'excellent travail de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom).

Je regrette que nous n'ayons pas posé la question du modèle économique de l'audiovisuel public, qui repose en partie sur la publicité, de plus en plus ciblée. Les médias publics n'ont pas à être les auxiliaires des stratégies de ciblage, voire de fichage, des marques. Nous devons construire un modèle alternatif à l'économie des plateformes, fondée sur la captation de l'attention. C'est un enjeu de culture et de civilisation.

L'audiovisuel public doit cultiver la proximité, porter la voix de la France et de la francophonie, rassembler les Français autour de moments fédérateurs, à l'image des jeux Olympiques, participer à l'éducation aux médias et à l'éveil de l'esprit critique et soutenir la création. Il doit le faire avec une vision d'ensemble, car l'heure est aux médias globaux, comme le dit Roch-Olivier Maistre.

Sans aller jusqu'à la fusion, la proposition de loi de Laurent Lafon, qui prévoit une holding inspirée du rapport Leleux-Gattolin, permettrait d'avancer autour de projets fédérateurs, comme le développement d'une l'offre numérique accessible à tous. L'échec de Salto ne doit pas nous faire renoncer à l'idée d'une plateforme qui rassemble tous les programmes du service public.

Il faudra aussi prendre en compte les conclusions des états généraux de l'information.

Pour l'heure, votons ce texte pour assurer le fonctionnement des six entreprises de l'audiovisuel public, dont je salue l'excellent travail. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Jérémy Bacchi .  - Le 31 décembre 2024 marquera la fin du système provisoire mis en place en 2022 pour remplacer la redevance audiovisuelle. Incertitude et inquiétude planent sur les acteurs et usagers du service public de l'audiovisuel.

Face à la défiance citoyenne, aux dynamiques de concentration, à la prolifération des infox, l'audiovisuel public constitue un atout. Face aux instrumentalisations des milliardaires et à l'essor de l'extrême droite, il constitue une digue. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si l'extrême droite souhaite sa privatisation.

Nos concitoyens soutiennent la pérennisation de l'audiovisuel public, dont le succès n'est plus à prouver. France Inter, en particulier, bat des records historiques : 7,18 millions d'auditeurs quotidiens de janvier à mars 2024.

Il nous faut un audiovisuel public fort et indépendant. Or cette proposition de loi organique ne répond que partiellement à cet enjeu fondamental pour notre démocratie.

Nous étions circonspects vis-à-vis de la solution proposée en 2022, parce que la TVA est un impôt injuste et que ce système constitue une forme de budgétisation.

Toutefois, sanctuariser un pourcentage de TVA pérennise réellement l'indépendance de l'audiovisuel public. Désormais, il est question d'un montant déterminé : nous ne sommes pas favorables à cette reprise en main par le politique des recettes affectées et soutiendrons le rétablissement de l'article 1er dans sa rédaction initiale. Nous souhaitons que la dynamique de la TVA soit par défaut affectée aux organismes de l'audiovisuel public.

Nous proposons aussi une loi de programmation pluriannuelle, de nature à rassurer les acteurs de l'audiovisuel en accroissant la visibilité sur leurs ressources.

Enfin, il nous semble important de ne pas clore dès à présent le débat sur une nouvelle recette visant à financer directement l'audiovisuel public. Afin de ne pas limiter l'initiative parlementaire, nous avons déposé un amendement visant à créer le cadre organique pour que les parlementaires puissent proposer de nouvelles recettes affectées.

Malgré ces remarques, en responsabilité, nous voterons le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

M. Thomas Dossus .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Cette proposition de loi organique vient opportunément au secours des indécisions du Gouvernement. J'en remercie les auteurs.

Il s'agit de garantir la pérennité des sociétés d'audiovisuel public. Toutefois, cette proposition de loi organique arrive après des mois de bricolage. Promesse non financée du candidat Macron, la suppression de la contribution à l'audiovisuel public a été décidée, à l'été 2022, au détour d'un projet de loi de finances rectificative. Elle a été suivie de la mise en place d'un système bancal et temporaire, qui arrive à son terme en décembre prochain. Faute de solution, l'audiovisuel public sera financé directement par le budget général de l'État, ce qui le placerait sous la menace des changements politiques. Le statu quo compromettrait la production indépendante et de qualité, alors même que des milliardaires aux objectifs idéologiques assumés et les plateformes numériques modifient le paysage audiovisuel.

Suppression de recette, affaiblissement du service, aggravation de la dette : nous avons là un exemple chimiquement pur de l'amateurisme des précédents gouvernements.

C'est un repli, certes moins pire que la budgétisation. Nous n'y ferons pas obstacle, mais soulignons-en les limites : la TVA est injuste, car elle pèse sur tous les consommateurs, notamment les plus modestes. En outre, la décision annuelle du Parlement fragilise la stabilité de long terme du financement de l'audiovisuel public.

Il n'est pas question de rétablir la contribution à l'audiovisuel public, mais une redevance pérenne et progressive aurait été préférable.

Monique de Marco proposera la création d'un compte d'affectation spéciale (CAS).

L'indépendance des médias publics est un pilier de notre démocratie. Elle doit être protégée face aux ingérences politiques, aux fake news, à la précarité des journalistes, aux menaces de l'extrême droite de livrer l'audiovisuel public à son ami Bolloré. Nos médias publics doivent continuer à offrir une information fiable, diversifiée et accessible à tous.

Nous adopterons ce texte, par esprit de responsabilité, mais souhaitons rouvrir le débat en PLF pour trouver une solution pérenne. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

Mme Sylvie Robert .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Enfin ! Enfin nous nous penchons sérieusement sur le financement de l'audiovisuel public depuis la suppression de la redevance en 2022, réalisée dans une extrême précipitation et remplacée par l'impôt le plus injuste, la TVA, dans un tour de passe-passe budgétaire.

Nous avions pourtant alerté les gouvernements successifs sur la nécessité de trouver un mécanisme pérenne, garantissant réellement l'indépendance de l'audiovisuel public.

Nous voilà là où nous voulions éviter d'être : dans le brouillard, acculés, à deux mois de l'échéance fatidique. Cette situation aurait pu être évitée, mais la volonté politique a fait défaut.

Finalement, c'est une proposition de loi qui évitera le pire, la budgétisation. Mais ce n'est qu'un pis-aller. Nous aurions préféré une contribution à l'audiovisuel public juste et progressive, pour un audiovisuel public fort et tourné vers l'avenir.

Cet été, nous avons redéposé notre proposition de loi, car le financement et l'indépendance de l'audiovisuel public sont des intérêts fondamentaux de la nation, qui méritent une protection absolue. Malheureusement, le dogmatisme fiscal et les délais impartis nous empêchent de faire prospérer ce texte. Je le déplore, car il portait un optimum que nous continuerons à défendre.

Face au couperet, voilà l'alternative : rejeter ce texte et risquer la budgétisation ; ou le voter, sans engouement, mais en faisant montre d'esprit de responsabilité. C'est ce que nous choisirons, pour éviter de fragiliser l'audiovisuel public, au moment où son existence même est remise en cause. Notre assentiment n'est pas un chèque en blanc.

Puisque nous sommes en plein examen des contrats d'objectifs et de moyens, je veux rappeler qu'aucun ajustement infra-annuel ne doit être possible. Il eut été plus responsable d'étudier d'abord les missions, puis le modèle économique, ensuite le financement, et enfin la gouvernance. Tout a été fait à l'envers. L'État, actionnaire inconstant, doit élaborer une stratégie pour les dix prochaines années. Donnons à l'audiovisuel public les moyens d'être ce que nous voulons qu'il soit. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du GEST)

M. Joshua Hochart .  - Voilà longtemps que nous dénonçons les nombreux travers de l'audiovisuel public français : manque de pluralisme, orientation idéologique biaisée, déconnexion des réalités. Les contribuables ne devraient pas avoir à le financer.

L'audiovisuel public représente un coût considérable pour les contribuables : près de 4 milliards d'euros en 2023. Voilà une source d'économies !

Cette proposition de loi va obliger à une gestion plus rigoureuse. L'audiovisuel public n'est pas la propriété d'une camarilla de journalistes militants ; il doit permettre la libre expression de toutes les opinions. Souvenez-vous du reportage totalement vide, mais à charge, contre Jordan Bardella. (M. Thomas Dossus et Mme Catherine Morin-Dessailly s'exclament.) Heureusement, les Français n'ont pas été dupes.

Le Rassemblement national plaide pour une meilleure utilisation des deniers publics et pour la rationalisation des dépenses superflues. Nous ne comprenons pas pourquoi, dans une démocratie mature, il faudrait un service public de l'information -  hormis outre-mer  - alors que les groupes privés, régulés, offrent un meilleur service. (M. Pierre Ouzoulias proteste.) Nous espérons que cette réforme ne sera que la première étape d'une transformation totale. Alors que certains proposent de nouvelles vagues de privatisations, en voilà une, toute trouvée !

M. Thomas Dossus.  - On n'en cherche pas !

Mme Anne Ventalon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Laure Darcos applaudit également.) En ces temps de crise, rares sont les secteurs qui font recette. C'est pourtant le cas de l'audiovisuel public français : France Télévisions, avec plus de 23 millions de téléspectateurs pour la cérémonie d'ouverture des jeux Olympiques ; Radio France, qui compte 14 millions d'auditeurs quotidiens ; la plateforme numérique France TV, et ses 34 millions de visiteurs mensuels. Mais qui pourrait se douter que cet ambassadeur de la culture française est menacé d'extinction d'ici à la fin de l'année ? Ubuesque !

Depuis la suppression de la contribution à l'audiovisuel public en 2022, rien n'a été envisagé par le Gouvernement pour assurer son financement pérenne. Pourtant, le temps presse. Le mécanisme actuel ne peut perdurer au-delà de 2025. Les six sociétés de l'audiovisuel public craignent d'être ballottées chaque année, au gré des fluctuations budgétaires et politiques. C'est inacceptable, dans un État de droit.

Ce texte, qui sécurise un budget fixe et pérenne pour le secteur, constitue le meilleur compromis à court terme. En prévoyant une révision annuelle par le Parlement, il offre des marges de manoeuvre, nécessaires à son développement. Je salue le travail de Cédric Vial.

Alors que les atteintes à notre souveraineté se multiplient, il s'agit aussi d'enjeux démocratiques et culturels. Nous devons repenser le modèle économique de l'audiovisuel public et la question de la fusion reviendra nécessairement. Nous devons renforcer ce secteur stratégique pour préserver l'influence de la France à l'international.

Comme l'indiquait le président de l'Arcom lors de son audition la semaine dernière, l'heure est dorénavant au média global. L'audiovisuel public français semble prêt à franchir ce pas décisif. La majorité sénatoriale sera à ses côtés pour accompagner sa transformation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Lafon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Cédric Vial applaudit également.) Je me félicite de l'examen de ce texte, qui mettra un terme aux incertitudes.

Près de trois ans après l'adoption du collectif budgétaire supprimant la contribution à l'audiovisuel public, il y avait urgence à rassurer les acteurs du secteur et les partenaires étrangers d'Arte et de France Médias Monde.

Nous aurons à débattre du montant de ce financement, mais ce texte montre le soutien du Sénat à ce secteur dont le rôle démocratique est essentiel.

Madame la ministre, nous sommes d'accord : ce n'est qu'un premier pas vers la nécessaire réforme de l'audiovisuel. Pour le Sénat, la réforme du financement et celle des structures doivent aller de pair. C'était le sens des travaux de Jean-Pierre Leleux et André Gattolin en 2015 et de ceux de Jean-Raymond Hugonet et Roger Karoutchi. La gouvernance de l'audiovisuel public doit être réformée en créant une holding qui définirait une stratégie d'ensemble.

Nous devons aussi réduire les asymétries de concurrence qui pénalisent nos acteurs privés par rapport à leurs concurrents délinéarisés, essentiellement américains.

La réforme de l'audiovisuel, que le Sénat appelle de ses voeux, pourrait être menée à terme dans les semaines à venir, par l'adoption de ce texte et de notre proposition de loi, déjà examinée en commission à l'Assemblée nationale. Reporter à nouveau la réforme de la gouvernance serait prendre un risque, alors que les téléspectateurs vieillissent et que le modèle économique est menacé.

Madame la ministre, nous avons entendu votre volonté de mener cette indispensable réforme à son terme et connaissons votre détermination. Vous pouvez compter sur nous. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)

M. Victorin Lurel .  - Tout a été dit. Sylvie Robert a exposé la position du groupe SER : nous voterons ce texte faute de mieux, face à l'urgence et à l'impréparation.

Madame la ministre, vous vous êtes engagée à sanctuariser l'indépendance de l'audiovisuel public, autant que possible. Le mécanisme proposé devrait permettre d'éviter la régulation infra-annuelle. Mais ma sérénité n'est pas totale...

S'agissant du fameux programme 383 et de ses 69 millions d'euros, dont 45 millions pour France Télévisions, ce qui reste à verser le sera-t-il avant la fin de l'année ?

Le ministre des comptes publics a déclaré que 6 des 12 milliards non consommés seraient annulés. Pouvez-vous nous garantir que ce qui est inscrit au titre de 2024 sera préservé ?

Pour éviter la régulation infra-annuelle, vous engagez-vous à transférer tous les crédits du programme aux dotations de base des six entreprises de l'audiovisuel public ?

Madame la ministre, vous engagez-vous à reprendre par amendement gouvernemental ce que l'Assemblée nationale aura décidé, afin d'éviter l'écueil de l'entonnoir ?

M. Jean-François Husson.  - Oui bien sûr !

M. Victorin Lurel.  - Je voudrais l'entendre de la bouche de la ministre. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du GEST)

Discussion des articles

Article 1er

Mme la présidente.  - Amendement n°3 de M. Dossus et alii.

M. Thomas Dossus.  - Cet amendement ouvre le débat sur un autre mode de financement, via une redevance progressive. Le recours à la TVA, qui pèse davantage sur les ménages les plus modestes, est socialement injuste. Nous avions défendu cette solution, qui s'appuie sur les travaux de l'économiste Julia Cagé, lors de l'examen du PLFR 2022, afin de garantir des ressources stables, justes et suffisantes à l'audiovisuel public.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Vous recréez une redevance, ce qui relève d'une loi de finances. Nos délais sont contraints. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre.  - Même avis. Le débat a été tranché en 2022. Vous recréez une taxe, après avoir dénoncé une injustice fiscale.

M. Thomas Dossus.  - Nous voulons une nouvelle contribution plus juste, assise sur les revenus. J'ai relu les débats de 2022 : nous avions, sur de nombreux bancs, alerté sur les conséquences pour le budget de l'État. Je regrette l'indigence de la réponse de la ministre, qui tire le débat vers le bas.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Je comprends l'idée de Thomas Dossus, mais ne voterai pas son amendement. Pendant plus de quinze ans, nous avons été plusieurs à tenter de réformer la contribution à l'audiovisuel public. Les gouvernements de droite comme de gauche, parce que Bercy s'y opposait (M. Jean-François Husson le confirme), ont écarté nos propositions. Même François Hollande n'a pas fait la réforme, alors qu'il s'y était engagé.

Il est inexact de dire que la contribution à l'audiovisuel public était injuste -  plus de 4,5 millions de foyers ne la payaient pas. La fracture numérique, surtout, posait un problème, car la contribution à l'audiovisuel public ne reposait pas sur l'ensemble des écrans.

M. Jean-François Husson.  - Suite au prochain épisode.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°2 de M. Bacchi et du groupe CRCE-K.

M. Jérémy Bacchi.  - Nous préférions la rédaction initiale, avant modification par la commission des finances. Les montants affectés à l'audiovisuel public seraient modifiables chaque année, ce que nous regrettons.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Fraction dynamique versus montant fixe. Mais une fraction dynamique peut être dangereuse ; nous préférons un montant clair. Avis défavorable.

Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président

Mme Rachida Dati, ministre.  - Même avis. C'est plus prévisible et plus protecteur.

M. Cédric Vial.  - Monsieur Bacchi, vous défendez la position de Bercy ! (M. Jérémy Bacchi lève les bras au ciel en souriant.)

M. Jean-François Husson.  - Il aime bien Bercy !

M. Cédric Vial.  - Un montant en valeur absolue est plus protecteur, car la dynamique d'une taxe peut être à la hausse ou la baisse. Bercy souhaitait une fraction avec un plafond et un plancher, ce qui revient à une budgétisation. Nous proposons que le Parlement sanctuarise le montant, conformément au souhait des sociétés d'audiovisuel public.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté.

Après l'article 1er

M. le président.  - Amendement n°1 de M. Bacchi et du groupe CRCE-K.

M. Jérémy Bacchi.  - L'audiovisuel public est un service public essentiel pour notre démocratie. Un audiovisuel public fort améliore la connaissance des citoyens des affaires publiques grâce à une couverture de l'actualité critique et diversifiée, à condition qu'il soit suffisamment financé et protégé. Or le dispositif proposé rend l'audiovisuel public tributaire de la fluctuation des recettes. D'autres solutions existent, à l'instar d'une taxe sur le foyer fiscal. Mais il est contraire à la Lolf de proposer une recette autre que la fraction d'une recette déjà existante. Aussi, cet amendement nous offre la possibilité de débattre en PLF d'autres propositions de recettes.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Cet amendement a le même effet que l'amendement n°2 à l'article 1er. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°7 de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Cet amendement crée un CAS pour l'audiovisuel public, afin de garantir son indépendance budgétaire et de l'abonder par d'autres recettes. Je crains que l'affectation d'une fraction de TVA ne soit pas compatible avec les exigences du règlement européen du 11 avril 2024.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - C'est une redevance déguisée ; faute d'entrer par la porte, elle revient par le vasistas. (Mme Rachida Dati sourit.) Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre.  - Le compte de concours financiers existe déjà. Avis défavorable.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

Article 2 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°6 de M. Dossus et alii.

M. Thomas Dossus.  - Il s'agit de rétablir l'article 2. La chaîne culturelle européenne Arte occupe une place originale dans notre paysage audiovisuel. Fruit d'un partenariat franco-allemand, son financement repose sur un équilibre délicat. Nous proposons un financement sécurisé et spécifique pour Arte France, via un PSR.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Une nouvelle fois, un PSR n'est pas davantage protecteur que la fiscalité. Ensuite, ne serait-il pas déséquilibré de mettre Arte France sur le même plan que les collectivités et l'Union européenne ? Enfin, l'État est actionnaire à 100 % d'Arte France. L'audiovisuel public doit être un et indivisible. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre.  - Excellente réponse ! Il n'y a pas de raison qu'Arte soit traitée différemment : l'audiovisuel est un et indivisible.

M. Jean-François Husson.  - Elle est d'accord !

Mme Monique de Marco.  - Pas du tout convaincue... M. Patino a expliqué que le PSR serait plus conforme au traité, car Arte est spécifique par sa gouvernance et son financement.

Proposé à l'Assemblée nationale, défendu par Cédric Vial, le PSR ne donnerait pas assez de garanties selon M. Hugonet ? Pourtant le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) a émis un avis défavorable à la solution que vous proposez.

M. Jean-François Husson.  - D'accord, mais ici on est au Sénat...

M. Cédric Vial.  - Madame de Marco, je vous cède les droits d'auteur sur mon texte initial ! J'avais d'ailleurs repris la rédaction de nos collègues députés Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gaultier.

J'ai été favorable à la modification à une condition : que cela ne pose pas de problème diplomatique, politique ou d'organisation à Arte. J'en ai l'assurance. Nous avons aussi la certitude que la fraction de TVA en valeur absolue est la solution la plus protectrice.

M. Victorin Lurel.  - Le traité franco-allemand qui a créé Arte prévoit une parité de financement. Comment être sûr que cette parité sera respectée ? Nos partenaires allemands auront-ils confiance dans la solution retenue ? Mme la ministre ne m'a pas répondu. (Mme Rachida Dati proteste.)

M. Thomas Dossus.  - Nous sommes attachés à la spécificité d'Arte. La ministre m'inquiète en insistant sur l'unicité de l'audiovisuel public.

M. Laurent Lafon.  - Le groupe UC est attaché à la spécificité d'Arte, à son positionnement, à son lien avec l'Allemagne.

Nos questions étaient les mêmes que celles de M. Lurel : quid notamment de la réaction de nos partenaires allemands ? En l'absence d'obstacles, nous suivrons l'avis du rapporteur.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Depuis 2022, le financement d'Arte par une fraction de TVA ne pose pas de problème. Nous prolongeons donc un dispositif qui ne pose aucune difficulté...

Le traité de 1990 est muet sur le financement, et l'interlocuteur de l'État français, actionnaire à 100 %, c'est Arte France.

Je suis membre du groupe d'amitié France-Allemagne. Nous avons reçu l'ambassadeur Steinlein aujourd'hui et accueillerons une délégation du Bundesrat au Sénat la semaine prochaine.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Monsieur Dossus, nous avons travaillé étroitement avec Bruno Patino et ses équipes : l'essentiel est de préserver la dotation budgétaire. Pourquoi ne pas faire une exception aussi pour TV5 Monde, cofinancée par plusieurs pays ? Restons pragmatiques.

Mme Rachida Dati, ministre.  - Monsieur Lurel, le versement des crédits est décalé, en raison du report de la réforme : les crédits de 2024 seront versés en 2025, ceux de 2025 en 2026. Et je suis favorable à leur intégration dans la dotation de base.

Les textes devront être adoptés dans les mêmes termes. Nous avons déclenché la procédure d'urgence, ne l'oubliez pas.

M. Victorin Lurel.  - Merci.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

L'article 2 demeure supprimé.

Article 3

M. le président.  - Amendement n°8 du Gouvernement.

Mme Rachida Dati, ministre.  - Le Gouvernement lève le gage. (Marques de satisfaction à droite)

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°8 est adopté.

L'article 3 est supprimé.

Vote sur l'ensemble

Mme Monique de Marco .  - Le manque d'anticipation est inexcusable : c'est une gouvernance de procrastination !

Je remercie tout de même les auteurs de ce texte, qui est un moindre mal. Mais attention, car la TVA est un impôt indirect qui n'épargne pas les plus modestes...

J'ai entendu dire que la gouvernance de l'audiovisuel public devait être réformée. Aboutirons-nous à une holding ou une fusion ?

Nous voterons ce texte, mais cela ne doit pas nous empêcher de rechercher d'autres solutions à l'avenir.

Mme Sylvie Robert .  - Nous voterons cette proposition de loi organique pour éviter la budgétisation. Nous regrettons la précipitation de nos travaux. Si l'initiative sénatoriale n'avait pas existé, nous aurions été inquiets pour l'audiovisuel public.

Madame la ministre, nous attendons une vision stratégique du secteur de l'audiovisuel public : quelles missions et quel modèle économique ? Nous devrons travailler à une redevance modernisée -  un impôt juste, ça existe, madame la ministre ! - et qui recrée le lien entre l'audiovisuel public et nos concitoyens. Le Sénat y est prêt. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Cédric Vial, auteur de la proposition de loi organique .  - Merci à tous nos collègues, y compris Mme Robert et M. Kanner, qui n'ont pas exactement la même position que nous. Nous étions face au mur et il fallait prendre nos responsabilités.

Au-delà de notre débat technique, nous apportons une réponse politique : nous affirmons que nous souhaitons préserver l'indépendance de l'audiovisuel public. Ce texte court est très attendu par les sociétés de l'audiovisuel public et leurs 16 000 salariés.

Je remercie l'ensemble des collègues, issus de tous les groupes politiques, ainsi que nos collègues de l'Assemblée nationale.

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Le Sénat s'est impliqué pour la défense et la promotion de l'audiovisuel public depuis très longtemps.

Quand on consulte nos travaux sur les ingérences étrangères et quand on lit les conclusions des états généraux de l'information, on mesure combien un audiovisuel public de qualité est plus que jamais essentiel. Nous sommes dans une guerre de l'information ; nous devons disposer des outils pour la mener.

Cédric Vial l'a dit, les entreprises de l'audiovisuel public sont soulagées. Donnons du sens à cette réforme.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur de la commission des finances .  - S'il y a bien un endroit où l'on ne procrastine pas, c'est au Sénat, madame de Marco ! J'en profite pour remercier les services de Mme Dati et ceux de la direction du budget, ainsi que ceux du Sénat.

N'oublions pas qu'il existe des principes budgétaires intangibles, notamment l'annualité. Il ne faut pas croire que l'audiovisuel public est une bulle, qui aurait droit à un financement ad vitam aeternam. Chaque année, nous aurons à le voter, et heureusement !

Ce qui rend vraiment anxieux, c'est l'état de nos finances publiques, et personne ne pourra s'exonérer des efforts à faire.

La proposition de loi organique est mise aux voix par scrutin public ordinaire de droit.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°23 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 339
Contre    1

La proposition de loi organique est adoptée.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, du GEST et du groupe CRCE-K)

Prochaine séance, mardi 29 octobre 2024, à 14 h 30.

La séance est levée à 20 h 35.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 29 octobre 2024

Séance publique

À 14 h 30

. Proposition de loi visant à assurer l'équilibre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, présentée par Mme Christine Lavarde et plusieurs de ses collègues (n°612, 2023-2024) (demande de la commission des finances)

=> En outre, de 14 h 30 à 15 heures : Scrutin pour l'élection d'un juge suppléant à la Cour de justice de la République (Ce scrutin secret se déroulera, pendant la séance, en salle des Conférences.)