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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions orales

DMTO et évolution de la population communale

Mme Annick Jacquemet

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation

Taxe sur la publicité extérieure et redevance d'occupation du domaine public

M. Didier Rambaud

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation

New Deal mobile

M. Hervé Maurey

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation

Informations fiscales fournies aux collectivités

M. Philippe Grosvalet

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation

Financement des Ehpad

M. Jean-Claude Anglars

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap

Coupes budgétaires au CRCDC de Nouvelle-Aquitaine

Mme Frédérique Espagnac

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap

Zonage des chirurgiens-dentistes dans la Sarthe

M. Thierry Cozic

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap

Hôpital Louis Constant Fleming de Saint-Martin

Mme Annick Petrus

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap

Prothèses capillaires

Mme Patricia Demas

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap

Vaccination des collégiens contre les infections à HPV

Mme Marie-Do Aeschlimann

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap

Situation budgétaire des Ehpad

M. Guillaume Chevrollier

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap

Conditions de travail et statutaires des AESH

M. Gérard Lahellec

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap

Service public de la petite enfance

M. Pierre Barros

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap

Lutte contre l'amiante

M. Sébastien Fagnen

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap

Complexification du dispositif Qualiopi

Mme Annick Billon

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap

Enseignement privé sous contrat à Paris

Mme Colombe Brossel

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap

Non-respect du principe « extrader ou juger »

Mme Nathalie Goulet

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap

Livraisons par drones dans les prisons

M. Franck Menonville

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap

Soutien financier aux communes calédoniennes

M. Georges Naturel

M. François-Noël Buffet, ministre chargé des outre-mer

Drames dans la Manche et la mer du Nord

M. Didier Marie

M. Othman Nasrou, secrétaire d'État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations

Demande d'un commissariat de plein exercice à Sevran

Mme Corinne Narassiguin

M. Othman Nasrou, secrétaire d'État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations

Retour des vendeurs à la sauvette à Paris

Mme Catherine Dumas

M. Othman Nasrou, secrétaire d'État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations

Accès des polices municipales aux fichiers nécessaires aux contrôles routiers

M. Daniel Fargeot

M. Othman Nasrou, secrétaire d'État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations

Précarité étudiante

Mme Antoinette Guhl

M. Othman Nasrou, secrétaire d'État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations

Réforme des zones de revitalisation rurale

M. Jean-François Longeot

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche

Mutualisation des opérateurs de téléphonie

M. Pierre-Jean Verzelen

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche

Dotations d'équipement des territoires ruraux

M. Jean-Gérard Paumier

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche

Aérodrome de Melun-Villaroche

M. Aymeric Durox

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche

Finances communales

M. Guislain Cambier

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche

Électrification rurale

M. Jean-Yves Roux

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche

Désenclavement de la Guyane

Mme Marie-Laure Phinera-Horth

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche

Sécurisation de la RCEA

M. Fabien Genet

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche

Projet Charles-de-Gaulle Express

Mme Marianne Margaté

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche

Aménagements ferroviaires du sud de Bordeaux

Mme Monique de Marco

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche

Attractivité des territoires ruraux

M. Jérôme Durain

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche

Déduction prélèvement SRU

M. Jean-Baptiste Blanc

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche

Protection de la méthode ancestrale propre aux vins mousseux

M. Bernard Buis

Mme Olga Givernet, ministre déléguée chargée de l'énergie

Filière bois

Mme Laurence Muller-Bronn, en remplacement de M. André Reichardt, auteur de la question

Mme Olga Givernet, ministre déléguée chargée de l'énergie

Avenir de la Camargue

M. Laurent Burgoa

Mme Olga Givernet, ministre déléguée chargée de l'énergie

Artificialisations bénéficiant à plusieurs collectivités

Mme Sylvie Valente Le Hir

Mme Olga Givernet, ministre déléguée chargée de l'énergie

Redéfinition des territoires concernés par les Bonnes conditions agricoles et environnementales 2

M. Michaël Weber

Mme Olga Givernet, ministre déléguée chargée de l'énergie

Maintien de la présence postale dans les territoires ruraux

Mme Marie Mercier

M. Guillaume Kasbarian, ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l'action publique

Difficultés de traitement des demandes d'indemnisation de Harkis

M. Christophe Chaillou

M. Jean-Louis Thiériot, ministre délégué auprès du ministre des armées et des anciens combattants

Éloge funèbre de Jean-Pierre Bansard

Remplacement de sénateurs devenus membres du Gouvernement

Remplacement de vice-présidents

Remplacement d'un juge à la Cour de justice de la République

Simplification de la vie économique (Procédure accélérée - Suite)

Explications de vote

M. Fabien Gay

Mme Raymonde Poncet Monge

M. Michaël Weber

M. Christopher Szczurek

M. Emmanuel Capus

M. Rémy Pointereau

Mme Nadège Havet

M. Michel Masset

M. Yves Bleunven

Scrutin public solennel

M. Guillaume Kasbarian, ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l'action publique

Mises au point au sujet d'un vote

Désignation de vice-présidents

Commissions (Nominations)

Modification de l'ordre du jour

Résultats de la gestion et approbation des comptes de l'année 2023 (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Marina Ferrari, ministre déléguée chargée de l'économie du tourisme

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances

M. Grégory Blanc

Mme Isabelle Briquet

M. Stéphane Ravier

Mme Vanina Paoli-Gagin

Mme Christine Lavarde

M. Didier Rambaud

M. Christian Bilhac

Mme Sylvie Vermeillet

M. Éric Bocquet

M. Vincent Capo-Canellas

Discussion des articles

Article liminaire

Approbation des comptes de la sécurité sociale de l'année 2023 (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales

M. Michel Canévet, en remplacement de M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis de la commission des finances

M. Bernard Jomier

Mme Marie-Claude Lermytte

M. Philippe Mouiller

M. Stéphane Fouassin

Mme Guylène Pantel

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

Mme Cathy Apourceau-Poly

Mme Raymonde Poncet Monge

Mme Corinne Imbert

M. Khalifé Khalifé

Question préalable

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales

Mise au point au sujet d'un vote

Ordre du jour du mercredi 23 octobre 2024




SÉANCE

du mardi 22 octobre 2024

9e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Alain Marc, vice-président

Secrétaires : Mme Catherine Di Folco, Mme Véronique Guillotin.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral, est adopté.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

DMTO et évolution de la population communale

Mme Annick Jacquemet .  - L'article 1595 bis du code général des impôts prévoit, pour les communes de moins de 5 000 habitants, la perception des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) de l'année n dans un fonds départemental de péréquation distribué aux communes en année n+1. Au-dessus de ce seuil, les communes les perçoivent directement en année n. Le changement de strate entraîne mécaniquement l'exclusion du fonds de péréquation.

C'est ce qui arrive à la commune de Saint-Vit, dans le Doubs, dont la population a atteint 5 044 habitants fin 2023 : elle est dès lors privée des DMTO de cette année, soit 200 000 euros, ce qui n'est pas rien. Les élus ont le sentiment de perdre des ressources, d'autant plus que lors de la mise en place du dispositif, les communes de plus de 5 000 habitants ont bénéficié immédiatement des ressources, tandis que les autres ont dû attendre une année supplémentaire en raison de la péréquation. Attention à ne pas rompre l'équité entre les deux catégories.

Quelles sont les intentions du Gouvernement pour que Saint-Vit et les communes dans la même situation ne perdent pas une année de DMTO ?

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation .  - L'article 1584 du code général des impôts prévoit qu'une taxe additionnelle aux DMTO est perçue au profit des communes de plus de 5 000 habitants, tandis que l'article 1595 bis prévoit, en dessous de 5 000 habitants, son versement à un fonds de péréquation départemental réparti l'année suivante par le conseil départemental selon trois critères légaux : l'importance de la population, le montant des dépenses d'équipements brutes et l'effort fiscal.

Une commune passée au-dessus de 5 000 habitants en année n devra donc en être exclue, mais elle bénéficiera directement de la taxe de manière contemporaine. Inversement, une commune passant sous ce seuil n'en bénéficie plus, mais le conseil départemental la réintègre dans le fonds, alors même qu'elle ne l'a pas alimenté l'année précédente.

Dans tous les cas de figure, les communes continueront bien à recevoir ces ressources, sans rupture d'une année à l'autre. Ces modalités méritent d'être stabilisées, toute évolution pouvant avoir des effets de bord importants pour chaque bénéficiaire.

Taxe sur la publicité extérieure et redevance d'occupation du domaine public

M. Didier Rambaud .  - L'articulation entre la taxe locale facultative sur la publicité extérieure et la redevance d'occupation du domaine public doit être clarifiée lorsque deux autorités sont compétentes pour percevoir l'une ou l'autre. En septembre 2021, Brigitte Micouleau avait posé une question écrite à ce sujet au ministère de l'économie et des finances, qui a répondu le 14 avril 2022, mais en laissant planer un doute sur l'interprétation du terme « chronologique » : une commune ne peut pas lever la taxe locale sur la publicité extérieure en même temps que l'EPCI perçoit la redevance sur un même support ; en l'absence de texte, le seul droit de priorité qui puisse exister entre les deux ne peut être que chronologique. Mais doit-on prendre en compte la date de la levée ou la date de décision ?

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation .  - L'article 2333-6 du code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit que, dès lors que la commune ou son groupement lève la taxe sur un support publicitaire ou une préenseigne, il ne peut être perçu, au titre du même support ou de la même préenseigne, un droit de voirie ou une redevance d'occupation du domaine public. L'objectif du législateur était de préserver l'occupant du domaine public d'un double prélèvement par la voie fiscale et domaniale pour un même fait générateur. Dès lors que la taxe est levée, une redevance d'occupation domaniale ne peut être perçue, conformément à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 2333-6 qui précise clairement ce point et ses modalités de perception.

New Deal mobile

M. Hervé Maurey .  - En matière de communication fixe et mobile, la France a devant elle un certain nombre d'échéances : le New Deal mobile, destiné depuis 2018 à assurer la couverture en téléphonie mobile jusqu'en 2025 - à son issue, il manquera encore plusieurs milliers de pylônes pour atteindre l'objectif ; le démantèlement du réseau cuivre, commencé le 31 janvier dernier et censé s'achever en 2030, avec un risque de déconnexion de certains usagers ou de services non assurés ; le démantèlement du réseau 2G en 2025-2026 et du réseau 3G en 2028-2029, avec d'importantes conséquences, notamment sur les objets connectés, alarmes ou dispositifs médicaux.

Comment le Gouvernement prépare-t-il ces échéances ? Un nouveau programme de couverture mobile est-il prévu ? Comment éviter les effets de bord des suppressions de réseaux ?

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation .  - L'accès à un réseau mobile de qualité est une condition essentielle au bon développement des territoires, notamment ruraux. Six ans après le début du New Deal mobile, la couverture est très satisfaisante : selon l'Arcep, 99,9 % de la population et 94 % du territoire étaient couverts au 31 décembre 2023, pour un coût de 3 milliards d'euros. Les territoires ruraux ont bénéficié de 67 % des sites mobiles. La couverture 4G en France est bien meilleure qu'en Allemagne, en Espagne ou au Royaume-Uni. Nous le poursuivrons après 2025, notamment sur la totalité des axes routiers prioritaires et des axes ferroviaires d'ici à 2030. Des obligations de couverture indépendantes du New Deal élargiront également le réseau, notamment via les sites 5G.

M. Hervé Maurey.  - Je ne conteste pas l'utilité du New Deal, mais je ne qualifierais pas ces résultats de très satisfaisants ; selon les services de l'État eux-mêmes, il manquera plusieurs milliers de pylônes. D'où la question d'un nouveau New Deal, ou d'un prolongement du New Deal, sans lequel l'objectif de couverture totale annoncé en 2018 ne sera pas tenu. Je n'ai pas entendu de réponse à ma question sur la suppression des réseaux.

Informations fiscales fournies aux collectivités

M. Philippe Grosvalet .  - La suppression de la taxe d'habitation et de la CVAE et la mise en oeuvre de mécanismes de compensation auraient dû s'accompagner d'une plus grande transparence de l'information fiscale et financière sur les ressources transférées. Or tel n'est pas le cas : la DGFiP a ainsi refusé à la Loire-Atlantique de lui fournir le montant de CVAE retenu pour le calcul de sa compensation. Idem pour le suivi de l'évolution du produit de TVA qui concerne désormais directement les collectivités, la taxe spéciale sur les conventions d'assurance ou les droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Il est pourtant nécessaire de renouer un lien de confiance, qui passe par plus de transparence. Cela renforcerait de surcroît leur capacité de projection et de souplesse. Comment l'État compte-t-il rendre cette information plus transparente ?

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation .  - En contrepartie de la suppression de la CVAE, les collectivités bénéficient depuis 2023 d'une fraction de TVA, qui donne lieu à trois actualisations annuelles en fonction des prévisions de recettes. La DGFiP, pour accompagner au mieux les collectivités dans l'évaluation de leurs ressources fiscales, a mis en place plusieurs outils : elle notifie chaque année, en mars, le montant des ressources fiscales prévisionnelles revenant à chaque collectivité afin de les aider à bâtir leur budget ; chaque actualisation de la TVA s'accompagne d'un courriel individuel à chaque collectivité ; la DGFiP adresse chaque mois à chaque collectivité un état détaillé des ressources fiscales qui lui ont été versées sous forme d'avance de fiscalité. Ce circuit nous paraît fonctionnel et éprouvé.

Le produit des DMTO est versé quotidiennement au département en fonction des cessions enregistrées - schéma classique comparable à d'autres produits perçus par les collectivités locales. La DGFiP travaille enfin en étroite collaboration avec les associations d'élus locaux, qui peuvent aider à résoudre les problèmes éventuels.

Financement des Ehpad

M. Jean-Claude Anglars .  - La population vieillit : dans six ans, les Français âgés de 75 à 84 ans seront 49 % de plus et la France n'est pas prête. Les professionnels le disent : la situation est catastrophique. La loi pour bâtir la société du bien-vieillir du 8 avril 2024 a introduit diverses dispositions, certes bienvenues, mais insuffisantes. Le précédent gouvernement n'a pas su consolider la situation financière des Ehpad - en déficit pour près de 80 % d'entre eux. Le risque de fermeture pèse ainsi sur les Ehpad de Bozouls ou de Saint-Chély d'Aubrac - plus ancienne maison de retraite du département, datant de 1873.

Quel est le bilan des commissions départementales pour le suivi et l'examen de la situation financière des structures médico-sociales en difficulté établies il y a un an ? Certes la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 ouvre la possibilité d'une fusion des sections soin et dépendance des Ehpad à titre expérimental pour les départements volontaires ; mais quelle solution pour les autres ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap .  - Les crédits des établissements et des services pour personnes âgées ont augmenté de près de 7 milliards d'euros entre 2019 et 2024 ; les Ehpad ont bénéficié d'un plan d'aide exceptionnel dans le cadre du Ségur de la santé entre 2021 et 2024 et le volet médico-social s'est élevé à 1,5 milliard d'euros. Le Gouvernement a également prévu 100 millions d'euros à disposition des agences régionales de santé (ARS) pour répondre aux urgences.

Les commissions départementales de suivi de la situation financière des structures en difficulté, installées fin septembre 2023, réunissent ARS, conseils départementaux, DGFiP, Urssaf et CPAM. Elles ont été pérennisées en janvier 2024 et sont jugées utiles par 82 % de leurs membres. Un suivi est également réalisé par une cellule ministérielle. La direction générale de la cohésion sociale a enfin mis en place un groupe de travail, associant les fédérations du secteur, des ARS et des conseils départementaux, avec cinq sous-groupes.

L'expérimentation de la fusion des sections soin et dépendance des Ehpad dans 23 départements est financée dans le PLFSS 2025. Une évaluation annuelle par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et un rapport du Gouvernement seront remis au Parlement en 2028 pour préparer sa généralisation et sa pérennisation. Les moyens de tous les Ehpad sont par ailleurs renforcés par la création de 6 500 ETP supplémentaires, afin d'atteindre un taux d'encadrement de 7,3 ETP pour dix résidents.

Coupes budgétaires au CRCDC de Nouvelle-Aquitaine

Mme Frédérique Espagnac .  - Le centre régional de coordination des dépistages des cancers (CRCDC) Nouvelle-Aquitaine est confronté à une réduction budgétaire drastique.

C'est pourtant un acteur incontournable de la prévention : cette année, la Nouvelle-Aquitaine est la première région en termes de progression du taux de dépistage -  plus 14 % pour le cancer du sein et plus 50 % pour le cancer colorectal au premier trimestre par rapport à 2023.

Alors que 40 % des cancers sont évitables et que l'objectif du Gouvernement est de réduire leur nombre de 60 000 par an et de réaliser un million de dépistages supplémentaires d'ici à 2025, pourquoi réduire le budget de ce centre, seul en France à être touché par une telle mesure ?

Pourriez-vous, madame la ministre, reconsidérer cette décision ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap .  - En décembre 2022, le Gouvernement a annoncé une nouvelle organisation du dépistage des cancers : transfert du pilotage de plusieurs missions à l'assurance maladie et recentrage des CRCDC notamment sur le suivi des programmes organisés et la formation des professionnels de santé. L'agence régionale de santé (ARS) a favorisé l'adaptation de ce CRCDC, avec un financement de 9 millions d'euros. Le déficit de 11 millions d'euros du centre est dû au décalage entre les orientations qu'il a prises, non prévues au cahier des charges, et celles définies par l'ARS. Celle-ci cherchera des solutions pour rétablir l'équilibre. Le Gouvernement est engagé en faveur de la prévention et du dépistage.

Mme Frédérique Espagnac.  - Le centre répond aux besoins du territoire. Il faut trouver des solutions.

Zonage des chirurgiens-dentistes dans la Sarthe

M. Thierry Cozic .  - En avril 2024, le ministère de la santé a proposé un nouveau zonage des chirurgiens-dentistes afin d'inciter l'installation des praticiens dans des zones sous-dotées, en échange d'une contrepartie financière.

Selon la répartition proposée, le territoire de vie-santé (TVS) de La Flèche est classé en zonage intermédiaire, or le reste du département est en zonages très sous-dotés et sous-dotés. Ce nouveau zonage conduirait au déménagement du seul cabinet fléchois dans le Maine-et-Loire voisin, au sein d'une nouvelle structure située en zone France Ruralités Revitalisation (FRR), plus attractive.

Quel mode de calcul a été appliqué ? Le département de l'Indre, qui compte 39,53 chirurgiens-dentistes pour 100 000 habitants, contre 38,61 praticiens pour 100 000 habitants dans la Sarthe, est entièrement classé en zonage très sous-doté, contrairement à la Sarthe. Pourquoi de telles différences d'appréciation ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap .  - L'accès aux soins est une priorité du Gouvernement ; nous devons faire plus et mieux partout. Les solutions proposées visent à attirer les professionnels de santé dans les territoires qui en manquent le plus et à améliorer l'accès aux soins. Leur déclinaison relève des agences régionales de santé (ARS).

En 2024, l'ARS Pays de la Loire a proposé un zonage pour les chirurgiens-dentistes, fondé sur l'indicateur d'accessibilité potentielle localisée, calculé à l'échelle des TVS, qui tient compte de l'activité des chirurgiens-dentistes, de la consommation de soins de la population et de la distance entre les communes. Au niveau national, la borne maximum pour les zones sous-dotées et très sous-dotées est de 52,19 chirurgiens-dentistes pour 100 000 habitants, contre 53,22 pour 100 000 habitants dans le TVS de la Flèche en 2022, un niveau supérieur aux TVS de l'Indre. Les données pour 2023 permettront aux ARS d'actualiser leur zonage si besoin.

Hôpital Louis Constant Fleming de Saint-Martin

Mme Annick Petrus .  - Une fois encore, j'attire votre attention sur cet établissement, le seul de l'île, qui connaît une instabilité dangereuse.

Dirigé par un second directeur par intérim, la continuité de sa gestion est compromise. L'absence de certification, de projet d'établissement et d'instances - comité stratégique, comité territorial des élus locaux, commission médicale de groupement -, mais aussi le nombre de départs de médecins, l'absentéisme, le turn-over des dirigeants, la grave réduction de l'offre de soins et des comportements qui interrogent l'éthique plaident pour une inspection neutre et objective de l'inspection générale des affaires sociales (Igas). La population paie le prix fort de ces dysfonctionnements et ne veut ni se laisser mourir ni se laisser tuer.

Madame la ministre, pouvez-vous déclencher un contrôle de l'Igas ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap .  - L'hôpital de Saint-Martin a bénéficié d'investissements d'ampleur : 12 millions d'euros pour augmenter sa résilience et réduire les inégalités en santé ; 70 000 euros, sur les 970 000 euros du Fonds pour la modernisation et l'investissement en santé, pour son service de psychiatrie d'ici à la fin 2024.

En dépit du turn-over des dirigeants, l'offre de soins n'a pas été affectée. Les effectifs sont constants depuis plusieurs années, de même que l'activité. L'absence de certification de la Haute Autorité de santé (HAS) est liée à des manquements à des critères impératifs en voie de correction. Néanmoins, l'hôpital affiche un taux de satisfaction de 76,8 %. La ministre de la santé est pleinement engagée en faveur de la protection de l'hôpital de Saint-Martin.

Mme Annick Petrus.  - Vous n'avez pas répondu à ma question. Le droit fondamental à l'accès aux soins des Saint-Martinois doit être respecté. Il y va de leur confiance en l'État.

Prothèses capillaires

Mme Patricia Demas .  - Depuis la loi du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023, les perruques des patients ayant subi une chimiothérapie sont remboursées par la sécurité sociale, mais le montant du remboursement dépend de la composition de la perruque.

Les perruques entièrement en cheveux synthétiques et inconfortables, dont le prix est plafonné à 350 euros, sont prises en charge intégralement. Celles ayant au moins 30 % de cheveux naturels sont remboursées 250 euros, si leur prix n'excède pas 700 euros. Mais, dans les faits, les patients optent plutôt pour des perruques composées entièrement de cheveux naturels, dont le coût varie entre 1 000 et 3 000 euros, pour lesquelles la sécurité sociale ne rembourse rien. Nombre de patients y renoncent.

Il serait équitable que tout type de perruque soit remboursé sur une même base. Quelles raisons justifient une telle différence ? Qu'envisage le Gouvernement pour y remédier ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap .  - Offrir des accessoires de qualité et adaptés aux patients ayant subi une chimiothérapie est essentiel à leur bien-être et fait partie du parcours de soins. Le Gouvernement a donc décidé de les prendre en charge à partir de 2023.

Vous l'avez rappelé, les prises en charge diffèrent selon les spécifications techniques. Pour favoriser l'équité d'équipement et l'accès aux soins adaptés, des travaux sont en cours pour améliorer la spécification technique des produits et réduire le reste à charge. Une prise en charge des perruques en cheveux naturels est aussi prévue.

En septembre dernier, un projet de révision de la nomenclature a été publié, sur lequel la HAS rendra un avis prochainement. Les travaux seront finalisés après une négociation tarifaire avec les acteurs du secteur. Les services du ministère de la santé seront très attentifs à l'avis de la HAS afin de finaliser ces travaux.

Mme Patricia Demas.  - C'est une bonne nouvelle ! Nous serons attentifs à cet avis.

Vaccination des collégiens contre les infections à HPV

Mme Marie-Do Aeschlimann .  - La deuxième campagne nationale de vaccination scolaire contre les infections à papillomavirus humains (HPV) est en cours dans les collèges publics et les collèges privés volontaires, à destination des élèves de cinquième lorsque leurs parents y ont consenti. Cette vaccination prévient 90 % des infections à l'origine de cancers pour une efficacité proche de 100 % si elle est réalisée avant le début de la vie sexuelle.

Bien qu'en progression, la précédente campagne vaccinale n'a pas atteint son objectif -  vacciner 30 % des élèves de cinquième  -  ; votre prédécesseur annonçait, en mars 2024, que seuls 15 % d'entre eux étaient vaccinés. En outre, le taux de vaccination était plus faible dans les collèges REP et REP+, les territoires ultramarins et en Île-de-France, où il était d'à peine 13 %. Dans mon département des Hauts-de-Seine, on constate des différences significatives entre communes.

Les freins à la vaccination ont-ils été identifiés ? Quelles mesures sont envisagées pour améliorer la situation ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap .  - La vaccination est l'un des meilleurs outils de prévention. Les résultats de la première campagne sont encourageants : 48 % des élèves âgés de douze ans ont reçu au moins une dose en 2023. Agir dans les collèges est une bonne chose pour la prévention : les jeunes et leurs parents ont été informés des risques de cancers et des gains de la vaccination.

Certes, beaucoup reste à faire pour atteindre l'objectif de 80 % d'une tranche d'âge vaccinée d'ici à 2030. Une deuxième campagne de vaccination a donc été lancée et 75 millions d'euros lui seront consacrés en 2025. Des améliorations ont été apportées : information et sensibilisation des élèves de sixième, envoi d'un courrier d'information aux parents dès juin. Il s'agit d'offrir une vaccination gratuite, sûre et efficace. Nous y consacrerons les moyens nécessaires.

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Je vous remercie de ces efforts.

Situation budgétaire des Ehpad

M. Guillaume Chevrollier .  - Les établissements et services médico-sociaux (ESMS) sont confrontés à une dégradation massive, rapide et profonde de leurs comptes. En 2023, 92 % d'entre eux prévoyaient une fin d'année en déficit. Les conséquences de cette situation sont particulièrement inquiétantes.

Alors qu'il est impératif d'investir pour le grand âge en identifiant de nouvelles sources de financement, le secteur est à un moment décisif. En 2023, un fonds d'urgence de 100 millions d'euros a été créé pour aider les Ehpad en situation critique. Dans mon département de la Mayenne, plusieurs structures sont concernées.

Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre rapidement ? Quelle sera la politique du Gouvernement sur le grand âge ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap .  - Les crédits destinés aux établissements et services pour personnes âgées ont crû de près de 7 milliards d'euros entre 2019 et 2024. Les Ehpad ont bénéficié d'un plan d'aide exceptionnel dans le cadre du Ségur de la santé entre 2021 et 2024, dont le volet médico-social s'élevait à 1,5 milliard d'euros.

Face à l'urgence, le Gouvernement a mis en place des actions complémentaires en 2023 : soutien exceptionnel de 100 millions d'euros à la disposition des ARS, actions pérennes pour réussir la transition démographique à venir, installation fin septembre 2023, puis pérennisation en janvier 2024, de commissions dédiées au suivi financier des structures en difficulté dans chaque département, création d'un groupe de travail par la direction générale de la cohésion sociale. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 prévoit l'expérimentation de la fusion des sections soins et dépendance.

Enfin, un taux d'encadrement de 7,3 équivalents temps plein (ETP) pour 10 résidents est prévu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025.

M. Guillaume Chevrollier.  - Nous veillerons à la mise en oeuvre de ces dispositions.

Conditions de travail et statutaires des AESH

M. Gérard Lahellec .  - La loi a prévu la prise en charge par l'État de la rémunération des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) pour leur emploi sur le temps méridien, mais les décrets tardent et les AESH sont ballottés, tributaires des décisions prises par les MDPH, par les rectorats et par les pôles inclusifs d'accompagnement localisés (Pial), ce qui les précarise. Ce métier a besoin de stabilité et de reconnaissance.

Le plus simple serait de les rattacher aux inspections académiques, en leur donnant un statut. Le Gouvernement garantira-t-il une meilleure stabilité aux AESH ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap .  - Notre priorité est d'assurer une scolarisation de qualité à tous les élèves. Actuellement, 513 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés en milieu ordinaire, un chiffre en constante augmentation depuis 2017. Parmi eux, 336 732, soit 65 %, bénéficient d'une notification de la MDPH.

Fin 2024, 140 000 AESH accompagneront quotidiennement ces élèves. Entre 2022 et 2025, 13 000 emplois auront été créés pour répondre aux besoins d'accompagnement croissants. La dynamique se poursuit en 2025 avec 2 000 ETP.

La gestion administrative des AESH a été progressivement confiée au rectorat dans le cadre d'un service académique dédié, au même titre que les enseignants. Leur statut a évolué depuis la rentrée 2023 avec la CDIsation dès trois ans d'activité et une revalorisation statutaire et financière. Le ministère est tenu de mettre en oeuvre ces notifications dès qu'elles sont portées à sa connaissance.

Afin de garantir une réponse au plus près des besoins, l'emploi du temps des AESH est organisé au sein des PIAL ou, depuis la rentrée 2024, dans quatre départements préfigurateurs au sein des pôles d'appui à la scolarité (PAS), pour une réponse rapide de première intention ou à plus long terme. Je serai attentive à l'évaluation et au déploiement de ces nouveaux PAS.

Service public de la petite enfance

M. Pierre Barros .  - À compter du 1er janvier 2025, la loi pour le plein emploi de 2023 confie la compétence « petite enfance » aux communes en remplacement des EPCI, qui garantissaient un accès diversifié et équitable aux habitants d'un même territoire. Ceux-ci pourront-ils conserver cette compétence pour assurer la continuité du service public ?

La loi oblige à inscrire dans le schéma pluriannuel de maintien et de développement de l'offre d'accueil du jeune enfant le calendrier de réalisation et le coût prévisionnel des opérations projetées, mais avec quels moyens ? Les 86 millions d'euros et les 35 000 places annoncés par le ministre, le 16 octobre dernier à l'Assemblée nationale, sont loin du compte. Les élus n'ont pas attendu la loi pour créer des places d'accueil, mais les moyens financiers et humains manquent. Quel accompagnement des communes et quels moyens pluriannuels prévoyez-vous ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap .  - En dépit de financements publics importants, la politique familiale demeure marquée par de fortes inégalités territoriales. Le service public de la petite enfance doit accroître et diversifier l'offre à destination des familles. Le Val-d'Oise compte 41 places d'accueil pour 100 enfants de moins de 3 ans.

Les dépenses de la branche famille ne diminuent pas entre 2024 et 2025, signe de l'importance que lui accorde le Premier ministre. En fonction du nombre d'habitants, une commune doit obligatoirement exercer tout ou partie des quatre compétences : recenser les besoins, informer et accompagner les familles, planifier le mode d'accueil et soutenir la qualité de ses modes d'accueil.

La concrétisation du service public de la petite enfance en 2025 sera possible grâce à l'engagement des communes ou des intercommunalités, le cas échéant dans le cadre de nouvelles compétences d'autorité organisatrice. Le Gouvernement a précisé dans une « foire aux questions » les modalités de mise en oeuvre.

L'État accordera un nouveau soutien financier de 86 millions d'euros aux communes. Un amendement au projet de loi de finances énumèrera les critères de répartition du financement - nombre de naissances, potentiel financier - afin d'orienter les financements vers les communes les plus modestes. Nous voulons aider chaque parent à concilier les différents temps de vie et que chaque enfant bénéficie d'un cadre protecteur et de qualité.

Lutte contre l'amiante

M. Sébastien Fagnen .  - Malgré son interdiction en 1997, l'amiante continue de tuer. L'Association des victimes de l'amiante (Adeva) estime qu'il pourrait y avoir 100 000 nouvelles victimes d'ici vingt ans, car les maladies - du poumon ou de la plèvre - peuvent se déclarer des décennies après l'exposition, et 20 millions de tonnes d'amiante sont encore présentes dans les bâtiments.

À la suite d'un revirement de jurisprudence du Conseil d'État, confirmé fin 2023, des ouvriers d'État de la direction des constructions navales (DCN) de Cherbourg ont vu leurs requêtes de dédommagement rejetées, au motif que le délai de prescription avait commencé en 2001, à l'inscription sur la liste des sites ouvrant droit à la préretraite amiante.

C'est désormais l'article 24 du PLFSS 2025 qui pose problème. L'indemnisation sous forme de rente du déficit fonctionnel permanent en cas de faute inexcusable de l'employeur constituerait un recul pour les victimes les plus gravement atteintes. La réparation en cas de faute inexcusable doit être alignée sur la réparation intégrale du préjudice, comme le recommande la Cour de cassation.

Les victimes attendent toujours un procès pénal qui s'éloigne de plus en plus. Le Gouvernement garantira-t-il une politique publique de désamiantage massif et un grand procès pénal, à la hauteur du drame subi par des générations d'ouvriers ? (Mmes Colombe Brossel, Nathalie Goulet et Annick Billon applaudissent.)

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap .  - Un décret du 4 mai 2012 a relevé le niveau de prévention en matière d'exposition à l'amiante, abaissé la valeur limite d'exposition professionnelle, et imposé une méthode d'analyse capable de décompter les fibres d'amiante cancérigènes. L'inspection du travail contrôle le respect de cette réglementation, avec près de 11 000 interventions en 2022.

La cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante est justifiée par des expositions importantes avant 1997. Elle s'applique à titre individuel aux salariés atteints de maladies professionnelles liées à l'amiante, et à titre collectif aux salariés des établissements listés par les arrêtés des 3 et 7 juillet 2000, régulièrement mis à jour.

Depuis 2010, les salariés peuvent demander la réparation du préjudice d'anxiété, les ouvriers de l'État depuis 2017. La reconnaissance du droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Acaata) vaut reconnaissance d'un lien établi entre l'exposition à l'amiante et la baisse de l'espérance de vie.

Des sites relevant historiquement de DCNS - devenu Naval Group en 2017 - sont inscrits depuis 2001 dans l'arrêté ouvrant droit au bénéfice de l'allocation spécifique de cessation anticipée d'activité. Les partenaires sociaux ont réaffirmé en 2023 et 2024 leur attachement au caractère dual de l'indemnisation des accidents de travail et maladies professionnelles. Le PLFSS 2025 retranscrit fidèlement leur accord.

?Complexification du dispositif Qualiopi

Mme Annick Billon .  - Depuis 2021, la certification Qualiopi est obligatoire pour tous les prestataires proposant une formation de développement de compétences, et rend éligibles aux financements publics.

Elle a été révisée à neuf reprises, entraînant des redondances. La certification impose désormais la validation de 32 indicateurs et de multiples points de contrôle. Les formateurs remplissent des procédures administratives et les coûts administratifs sont importants. Ainsi, la Maison familiale rurale (MFR) de Talmont-Saint-Hilaire en Vendée est passée de 0,5 ETP administratif pour 56 apprenants en 2014, à 5,5 ETP pour 150 élèves... Des structures spécialisées prolifèrent, créant un véritable marché parallèle, avec des formations en 100 % distanciel, parfois mal ou peu dispensées. Des élèves insuffisamment formés ne valident pas leurs examens. Pourtant, ces centres disposent du même soutien de l'État ! Quelle est l'efficience de ces dépenses, et comment le Gouvernement compte-t-il garantir la performance du dispositif ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap .  - Depuis le 1er janvier 2022, les prestataires doivent obtenir la certification qualité Qualiopi pour accéder aux fonds publics et mutualisés. Ces critères et indicateurs sont restés stables et le référentiel n'a pas changé ; seul le guide de lecture a été précisé.

L'augmentation du nombre d'organismes de formation est surtout liée à l'obligation de déclaration des sous-traitants. Tous ne demandent pas la certification : seuls 44 633 des 125 000 organismes actifs sont certifiés Qualiopi. Selon une étude de 2023, seuls 6,5 % des organismes de formation ont recruté durablement dans le cadre de la certification.

La ministre du travail poursuivra les travaux engagés avec les partenaires sociaux et les financeurs sur la qualité des formations. L'accompagnement des apprentis, le respect des quatorze missions assurées par les centres de formation des apprentis (CFA) et l'adéquation des moyens au regard des certifications proposées sont des priorités. Elle travaille également à une meilleure coordination des contrôles et des audits.

Mme Annick Billon.  - L'échec des élèves montre les failles du système. Évitons de subventionner des établissements qui ne remplissent pas l'obligation de qualité des formations !

Enseignement privé sous contrat à Paris

Mme Colombe Brossel .  - L'enseignement privé sous contrat est financé à 76 % par des fonds publics. Pourtant, difficile de connaître précisément les moyens alloués, les effectifs, le nombre de classes et d'enseignants, notamment à Paris.

Selon le rapport de la Cour des comptes de 2023, les inégalités entre enseignement public et privé se creusent, car la répartition des moyens « ne tient pas suffisamment compte des difficultés des élèves accueillis ». Une étude du syndicat SE-UNSA montre que, malgré les écarts d'indice de position sociale (IPS) entre les collèges publics et privés, les dotations sont quasi identiques. Les lycées généraux et technologiques publics seraient les grands perdants.

Si la méthode de calcul utilisée pour définir les moyens des établissements privés s'appliquait aux établissements publics, ces derniers auraient droit à 12 850 postes d'enseignants supplémentaires ! À l'inverse, il faudrait supprimer 2 040 postes dans le privé.

À Paris, 127 classes ont été supprimées dans le premier degré, alors que seulement une cinquantaine de classes du privé ont été déconventionnées. Ce déséquilibre intolérable conduit, de fait, à faire absorber la baisse démographique quasi exclusivement par l'enseignement public. La démographie ne peut pas tout justifier, et notamment pas la suppression de 4 000 postes dans le PLF 2025.

Quels sont les indicateurs justifiant la fermeture d'une classe ou la baisse de dotation horaire globale pour le public et pour le privé sous contrat ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap .  - La répartition des moyens entre enseignement public et privé est inchangée au niveau national, et répond aux principes de parité et à la règle dite des 20 % : pour l'ensemble du privé sous contrat, 20 % de l'ajout ou du retrait des moyens accordés chaque année à l'enseignement public.

À Paris, la proximité géographique entre établissements privés sous contrat et établissements publics est forte. Un travail de convergence des établissements privés avec le schéma d'emploi prévu dans le public a abouti au retrait de 50 ETP à la rentrée 2024. Durant l'année scolaire 2023-2024, le taux d'encadrement dans le premier degré de l'enseignement privé était de 25,5 élèves par classe, soit six élèves de plus que dans le public. Les taux d'encadrement sont très favorables à l'enseignement public au collège. Au lycée, en revanche, le nombre d'élèves par classe est moins important dans le privé.

Si la composition sociale des établissements publics parisiens est déjà très favorisée, avec un IPS moyen au collège de 117,2 contre 100,8 au niveau national, l'IPS moyen des collèges privés est de 147,5. Le ministère de l'éducation nationale veillera, pour la prochaine rentrée scolaire, à maintenir un équilibre entre les deux secteurs et à oeuvrer en faveur d'une amélioration de la mixité sociale et scolaire à Paris.

Non-respect du principe « extrader ou juger »

Mme Nathalie Goulet .  - La lutte contre le blanchiment d'argent et la criminalité organisée est une priorité, en témoigne la réunion à Paris du Groupe d'action financière (Gafi). Ancienne présidente du groupe France-Asie centrale, j'ai eu connaissance d'un feuilleton judiciaire concernant un ancien banquier en fuite dans l'Hexagone, accusé par son pays d'avoir détourné 7,5 milliards de dollars - une paille. Celui-ci étant inculpé depuis avril 2018 à la suite d'une plainte, nous nous heurtons au principe « extrader ou juger ». Compte tenu des faits avérés de fraude et de blanchiment, la Cour de cassation a invalidé l'annulation des poursuites en mai 2023. L'individu fait l'objet d'une OQTF depuis novembre 2023. La procédure judiciaire n'a pas avancé et l'OQTF n'est pas appliquée.

Depuis le 9 avril 2024, nous avons une convention d'entraide avec le Kazakhstan. Le garde des sceaux a-t-il l'intention d'appliquer le principe « extrader ou juger » ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap .  - Je vous prie d'excuser l'absence du garde des sceaux.

L'information judiciaire ouverte par le parquet de Paris à l'encontre de ce ressortissant kazakhstanais fait suite au refus de l'extrader. C'est l'illustration flagrante de l'application faite par la France du principe « extrader ou juger », prévu par l'article 113-8-2 du code pénal.

Si les demandes d'extradition entre la France et le Kazakhstan n'ont toujours pas de fondement conventionnel dédié, les demandes d'entraide pénale internationale peuvent dorénavant être transmises à l'appui de la convention bilatérale entrée en vigueur le 1er septembre 2024. Cela fluidifiera la coopération en matière d'entraide.

L'OQTF, procédure administrative, ne relève pas du ministère de la justice.

Mme Nathalie Goulet.  - Cet imbroglio judiciaire est une difficulté pour nos amis et partenaires du Kazakhstan : 7,5 milliards de dollars, ce n'est pas une petite somme ! Il faut lutter contre le blanchiment. Je saisirai le ministre compétent pour l'OQTF.

Livraisons par drones dans les prisons

M. Franck Menonville .  - Les drones sont de plus en plus utilisés par les délinquants pour faire parvenir aux détenus toutes sortes de marchandises illicites. Nos prisons sont constamment en proie à d'innombrables trafics.

Ainsi, au centre de détention de Saint-Mihiel, dans la Meuse, 26 livraisons ont été interceptées depuis le début de l'année.

Cette situation inquiète fortement les agents pénitentiaires, qui font aussi face à une violence croissante des détenus.

Pour contrer les livraisons par drones, divers outils efficaces ont été installés : filets, fusils, brouilleurs. Certains établissements en sont d'ores et déjà dotés. Tous doivent l'être. Nous ne pouvons laisser nos prisons être gangrenées par les trafics, voire devenir le centre de pilotage d'actes de grand banditisme.

Le Gouvernement envisage-t-il de systématiser l'installation d'outils antidrones dans les établissements pénitentiaires ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap .  - Le garde des sceaux est profondément attaché à la protection du personnel pénitentiaire.

La lutte contre la livraison par drones est une priorité. Les fusils neutralisants sont utilisés par les policiers et les gendarmes mais leur usage n'est pas adapté aux agents pénitentiaires, dont le délai d'intervention est de moins de dix secondes.

À ce jour, 47 sites sont équipés d'un système antidrones. D'autres doivent l'être prochainement. Le centre de détention de Saint-Mihiel en sera équipé en 2025.

Le centre de détention de Montmédy est quant à lui doté d'un brouilleur de téléphones et de filets antiprojections. Par ailleurs, une équipe locale de sécurité pénitentiaire doit être constituée afin de protéger ses abords.

Enfin, des fouilles de cellules sont organisées.

Soutien financier aux communes calédoniennes

M. Georges Naturel .  - Je souhaite relayer avec force l'appel à l'aide des communes calédoniennes. Le 5 août, les trente-trois communes du territoire ont alerté le Gouvernement sur l'extrême fragilité de leurs budgets après les émeutes du 13 mai. Elles souhaitent une augmentation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) afin de compenser les pertes de recettes liées à la division par deux de la part versée par la Nouvelle-Calédonie, dont les recettes fiscales se sont effondrées avec la destruction de 25 % du tissu économique. Quelque 25 % des recettes des communes font défaut pour le budget en cours. Aussi, elles demandent une aide exceptionnelle de 34 millions d'euros.

Le Gouvernement a annoncé la prise en charge à 100 % de la remise en état du bâti scolaire et à 70 % des autres bâtiments publics après la mobilisation des assurances.

Comment le Gouvernement aidera-t-il les communes calédoniennes ? Elles constituent l'échelon essentiel du vivre-ensemble et de la reconstruction.

M. François-Noël Buffet, ministre chargé des outre-mer .  - J'ai pu constater la situation sur place. Nous accompagnerons les collectivités territoriales calédoniennes en nous inspirant de ce qui a été mis en place dans l'Hexagone après les événements liés au décès du jeune Nahel Merzouk. Les communes seront aidées pour remettre en état ou reconstruire les bâtiments endommagés ou détruits.

J'ai demandé au haut-commissaire de faciliter le traitement des demandes de subventions, par la mise en place d'un guichet unique pour les collectivités concernées.

Les services de l'État sont mobilisés pour évaluer le montant des dégâts et accompagner les collectivités dans la durée. Elles devront d'abord faire appel aux assurances, après quoi l'État financera intégralement le reste à charge, s'agissant des établissements scolaires. Pour les autres biens et équipements, les taux de subvention accordés par l'État seront modulés en fonction de plusieurs critères, mais pourront atteindre 100 % à titre exceptionnel.

Les collectivités doivent adresser les demandes de subvention au Haut-commissariat avant le 17 novembre.

Jusqu'en septembre, l'État s'est engagé à hauteur de 400 millions d'euros et fournira un nouvel effort substantiel d'ici la fin de l'année. L'aide totale pourrait atteindre un milliard d'euros pour 2024 et 2025.

Drames dans la Manche et la mer du Nord

M. Didier Marie .  - Chaque semaine, des dizaines, voire des centaines de personnes fuyant la misère et l'oppression tentent de traverser la Manche au péril de leur vie, pour rejoindre la Grande-Bretagne, avec l'espoir d'une vie meilleure. La préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord a enregistré 52 décès, dans l'indifférence. Ce nombre est sans précédent.

Le 8 octobre, après quatre nouvelles disparitions, dont celles de deux enfants, les maires du littoral ont exprimé leur sentiment d'abandon et leur colère. Monsieur le ministre, que leur répondez-vous ? Quels moyens déploierez-vous pour éviter ces drames ?

M. Othman Nasrou, secrétaire d'État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations .  - Le ministre de l'intérieur est très déterminé à reprendre le contrôle de la politique migratoire et à lutter plus efficacement contre l'immigration irrégulière. Il a déjà engagé des discussions à l'échelon européen.

La lutte contre l'immigration irrégulière nécessite de démanteler les filières de passeurs. Nos forces de l'ordre en ont démantelé 197 entre 2020 et 2023 dans la Manche et la mer du Nord. Chaque décès de migrant est un drame absolu. Mais la responsabilité en incombe aux réseaux criminels de passeurs.

Rien ne pourra être durablement accompli sans partenariat avec le Royaume-Uni. Le ministre de l'intérieur a déjà rencontré son homologue britannique. Nous oeuvrons pour un partenariat migratoire entre l'Union européenne et le Royaume-Uni.

M. Didier Marie.  - La France et la Grande-Bretagne sont liées par le traité du Touquet, complété par celui de Sandhurst. Mais les moyens sont manifestement insuffisants. En outre, la question migratoire est européenne. La solution ne viendra ni de l'externalisation de l'accueil des migrants, ni d'une énième loi, mais d'un accord européen. La solidarité à l'égard des migrants ne doit pas être un vain mot.

Demande d'un commissariat de plein exercice à Sevran

Mme Corinne Narassiguin .  - La ville de Sevran a connu deux nuits de violences les 3 et 5 mai, entraînant la mort de trois personnes en pleine rue, quelques semaines seulement après une vaste opération « place nette » dans le quartier des Beaudottes. Les habitants et les élus locaux sont exaspérés.

Depuis près de trente ans, les municipalités successives demandent un commissariat de plein exercice. La mairie a fourni des efforts depuis 2018 pour se doter d'une police municipale mais cette dernière n'a pas vocation à se substituer à la police nationale. L'État ne doit pas abandonner les quartiers.

Actuellement, le commissariat de Sevran est sous l'autorité de celui d'Aulnay-sous-Bois, en cours de reconstruction. Les effectifs actuels de 60 policiers affichés à Sevran ne sont ni pérennes ni garantis. En 2001, les effectifs s'élevaient à 120 agents. Les gardes de nuit ne sont assurées que par trois ou quatre agents.

La Seine-Saint-Denis est sous-dotée, avec 34 policiers pour 10 000 habitants selon l'Insee, contre 44 dans les Hauts-de-Seine.

Instaurez un commissariat de plein exercice à Sevran !

M. Othman Nasrou, secrétaire d'État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations .  - La priorité du ministre de l'intérieur est de rétablir l'ordre. Les événements que vous évoquez découlent directement du narcotrafic, dont les luttes de territoires sont absolument intolérables. À Sevran, l'Office français anti-stupéfiants (Ofast) compte dix-sept points de deal différents. À la suite des homicides de mai dernier, une très vaste opération de démantèlement des trafics a mobilisé 1 141 agents.

Je salue les polices municipales de Sevran et d'Aulnay-sous-Bois qui travaillent main dans la main avec la police nationale pour sécuriser les établissements scolaires.

Nous sommes prêts à aller plus loin contre le trafic de stupéfiants, avec le concours du Parlement.

À Sevran prévaut la logique de l'intégration des forces de police, en s'appuyant sur les unités départementales. Le service rendu aux habitants de Sevran n'est pas amoindri. Néanmoins nous sommes prêts à regarder la situation de plus près.

Mme Corinne Narassiguin.  - La sécurité du quotidien doit également être une priorité. La demande d'un commissariat de plein exercice à Sevran est transpartisane et ancienne.

Retour des vendeurs à la sauvette à Paris

Mme Catherine Dumas .  - Depuis la fin des jeux Olympiques et Paralympiques, qui ont fait rayonner notre capitale, les Parisiens constatent avec grande lassitude le retour des vendeurs à la sauvette. Installés à proximité des zones touristiques, ces marchands illégaux vendent des aliments, des souvenirs et, très souvent, des contrefaçons. Les commerçants qui bénéficient d'une autorisation d'occupation s'inquiètent légitimement d'une concurrence déloyale de plus en plus forte. La pratique du bonneteau est également de retour.

Je rends hommage au préfet de police et à ses services, qui font tout pour lutter contre ce fléau.

Quels moyens le Gouvernement entend-il déployer pour lutter plus efficacement contre les vendeurs à la sauvette à Paris ?

M. Othman Nasrou, secrétaire d'État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations .  - De nombreux secteurs de la capitale sont touchés par ce phénomène, que nous combattons tout d'abord très efficacement par la confiscation des marchandises. Nous sommes prêts à aller plus loin. Des opérations spécifiques régulières sont mises en oeuvre, pouvant même mobiliser la garde républicaine, à Montmartre notamment.

L'axe Trocadéro-Champ-de-Mars fait également l'objet d'une surveillance accrue, notamment au regard du regain de délinquance lié à la décision de la Ville de Paris de pérenniser la piétonnisation du pont d'Iéna.

Au cours des neuf premiers mois de cette année, 6 146 ventes à la sauvette ont été réprimées, soit 20 % de plus que l'année dernière à la même période. Le recours aux amendes forfaitaires délictuelles produit ses effets.

En outre, nous démantelons les réseaux d'alimentation des vendeurs à la sauvette. En 2023, pas moins de 13 tonnes de tours Eiffel miniatures ont été saisies lors du démantèlement d'un important réseau, ainsi que 1 million d'euros d'avoirs criminels.

Mme Catherine Dumas.  - La piétonnisation du pont d'Iéna, décidée sans concertation par Anne Hidalgo, offre un terrain propice aux vendeurs à la sauvette. Le Gouvernement doit s'y opposer ! L'image de la France est en jeu.

Accès des polices municipales aux fichiers nécessaires aux contrôles routiers

M. Daniel Fargeot .  - Depuis la suppression de l'attestation d'assurance automobile le 1er avril dernier, les polices municipales, privées d'accès au fichier des véhicules assurés (FVA) par décision du Conseil constitutionnel en 2021, dépendent du commissariat ou de la gendarmerie pour obtenir ces informations - ce qui nuit à l'efficacité de leur intervention.

Ainsi, lors d'un contrôle routier après constat d'infraction, les policiers municipaux ne peuvent même pas utiliser par défaut le FVA accessible aux particuliers. Ils ne peuvent pas davantage contrôler l'assurance d'un véhicule stationné. Leur accès au système d'immatriculation des véhicules (SIV) est limité aux informations accessibles aux garagistes ; l'accès au système national du permis de conduire (SNPC) est tout aussi complexe.

Alors que le besoin d'ordre est grandissant, les maires jouent un rôle essentiel dans le continuum de sécurité et ont besoin de moyens adaptés. Comment allez-vous remédier à ces lacunes et faciliter l'accès des polices municipales aux fichiers nécessaires à leur mission ?

M. Othman Nasrou, secrétaire d'État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations .  - Le Gouvernement est très attaché aux pouvoirs de police du maire et au rôle et prérogatives des polices municipales.

La fin de l'obligation d'apposer la vignette d'assurance sur les véhicules est une simplification administrative, mais j'entends qu'elle complique la tâche des policiers municipaux.

La loi Sécurité globale de 2021 avait prévu, à titre expérimental, l'accès des polices municipales au FVA en matière délictuelle. Le Conseil constitutionnel avait censuré cette disposition, mais ouvert la voie à un possible travail législatif.

Le ministre de l'intérieur a chargé Nicolas Daragon d'explorer cette voie de passage avec l'Association des maires de France. Le Beauvau des polices municipales sera l'occasion de cette concertation. Bien conscients que les 27 000 policiers municipaux exercent une mission essentielle, nous allons avancer main dans la main avec les élus locaux.

Précarité étudiante

Mme Antoinette Guhl .  - Il y a un an, j'interpellai le précédent gouvernement sur la situation alarmante des étudiants et étudiantes. Aujourd'hui, je vous alerte, je vous exhorte d'en tenir compte. Selon la Fage, 19 % des étudiants, et jusqu'à 28 % des boursiers, ne mangent pas à leur faim. Ce n'est plus de la précarité, mais de la pauvreté.

Dans sa réponse, Sylvie Retailleau avait cité les repas à 1 euro, la revalorisation des bourses, le gel des loyers et des frais d'inscription.

Or selon l'Unef, le coût de la vie étudiante a augmenté de 27,76 % depuis 2017. En cette rentrée, la fin du gel des frais d'inscription et l'augmentation des loyers creusent les inégalités. Il y a urgence ! Allez-vous enfin engager une réforme des bourses basée sur un modèle universel et défamiliarisé, comme le demandent les associations étudiantes ? Où en est la construction de logements étudiants ? Quelles mesures concrètes pour enrayer la dégradation des conditions de vie des étudiants ? Ils sont l'avenir de notre pays, et ne peuvent plus attendre.

M. Othman Nasrou, secrétaire d'État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations .  - M. Patrick Hetzel est pleinement mobilisé sur ce sujet. Nous consacrons 2,3 milliards d'euros aux bourses. L'an dernier, 500 millions d'euros supplémentaires ont été débloqués. Les barèmes ont été revalorisés de 6 %, ce qui a fait rentrer dans le système 30 000 étudiants et fait gagner un échelon à 18 % des boursiers. C'était un effort nécessaire. Une bonification a également été introduite pour les étudiants en situation de handicap.

La réforme de notre système de bourses doit se poursuivre. Un nouvel outil simplifiera les interfaces entre les étudiants et les gestionnaires des Crous. Malgré le contexte budgétaire contraint, le Gouvernement entend poursuivre la réflexion, notamment pour supprimer les effets de seuil et mieux prendre en compte la situation individuelle des étudiants dans le système des points de charge.

En 2023, 22 millions de repas à 1 euro ont été servis ; nous programmons 16 000 nouvelles places en restauration, dans le cadre de 66 opérations, pour augmenter cette capacité.

Réforme des zones de revitalisation rurale

M. Jean-François Longeot .  - En février dernier, j'avais alerté le précédent gouvernement sur les effets désastreux de la réforme inéquitable des zones de revitalisation rurale (ZRR).

Notre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a fait des préconisations pour mieux appréhender les singularités des communes rurales, comme rebâtir un zonage à la maille communale et non plus intercommunale. Vu les effets de bord de la réforme, il est temps d'écouter le bon sens sénatorial !

En juin dernier, 2 200 communes exclues ont été « rattrapées », mais leur situation reste précaire, faute de base légale. Au demeurant, elles sont réintégrées au dispositif des ZRR, et non au dispositif France Ruralités Revitalisation (FRR). Il semblerait que certaines directions régionales des finances publiques refusent de leur appliquer les abattements et mesures fiscales qui découlent du classement. Cette incertitude est délétère. La parole de l'État est en jeu !

Comment comptez-vous pallier les effets pervers de la réforme ? Quel sort réservez-vous aux communes « rattrapées » ? Allez-vous leur garantir la sécurité juridique en apportant des correctifs structurels ?

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche .  - La nécessaire réforme des ZRR, adoptée en loi de finances pour 2024, a conduit à l'entrée en vigueur d'un nouveau zonage, France Ruralités Revitalisation (FRR), au 1er juillet 2024. Près de 17 700 communes ont intégré ce zonage qui ouvre droit à des exonérations sociales et fiscales renforcées pour les entreprises locales afin de soutenir l'attractivité des zones rurales.

Gabriel Attal, alors Premier ministre, a annoncé le 4 juin dernier que les 2 200 communes classées en ZRR mais non éligibles au nouveau zonage seraient maintenues dans le dispositif. Cette mesure vise à assurer une continuité dans le soutien aux politiques structurelles de développement économique et territorial en ruralité. Soyez assurés de la détermination de Catherine Vautrin à la faire appliquer.

Mutualisation des opérateurs de téléphonie

M. Pierre-Jean Verzelen .  - Le New Deal mobile a amélioré la couverture mobile et résorbé les zones blanches et grises. Dans l'Aisne, 61 sites ont été retenus pour y implanter des pylônes, avec pour principe celui de la mutualisation entre les opérateurs.

Malgré la loi de 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique qui encourage la mutualisation, celle-ci n'est pas toujours au rendez-vous. On trouve parfois deux opérateurs, avec deux pylônes, sur un même site... Comment contraindre tous les opérateurs à venir sur chaque pylône qui émet ?

Dans les zones AMI (appel à manifestation d'intérêt), les opérateurs privés s'engagent à raccorder 100 % des foyers à la fibre optique, or certains ne respectent pas leur obligation, pour peu qu'un foyer soit un peu éloigné. Comment les y contraindre, sachant qu'avec la fermeture programmée du réseau cuivre, ces foyers vont se retrouver démunis ?

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche .  - Je mesure l'exaspération qu'entraîne la multiplication des antennes dans certains territoires.

Avec le New Deal mobile et le dispositif de couverture ciblée, les opérateurs privés ont l'obligation de mutualiser leurs pylônes et leurs installations actives lorsqu'ils sont quatre sur la zone. Les towercos favorisent également la mutualisation. D'autres obligations légales existent, en zone de montagne ou pour le déploiement de la 5G en zone peu dense.

Avant toute implantation, un temps de dialogue est requis via le dépôt des dossiers d'information au maire : rien n'est fait sans concertation locale.

Grâce à ces mesures, l'Arcep indique que 70 % des antennes sont mutualisées. Un million de personnes supplémentaires ont une couverture 4G depuis 2018. Dans l'Aisne, 60 sites ont été identifiés et 40 sont déjà mis en service.

Les opérateurs se sont également engagés à mieux couvrir les axes routiers prioritaires et ferroviaires, ainsi que l'intérieur des bâtiments.

Le Gouvernement s'est engagé à ce que 99,6 % de la population bénéficie d'une bonne couverture 4G en 2027, et 99,8 % d'ici 2031.

M. Pierre-Jean Verzelen.  - Personne ne nie les progrès qui ont été faits, mais quid de celui qui n'a ni la fibre, ni la couverture mobile ? Le New Deal était un accord contraignant qui a porté ses fruits. À quand un New Deal II pour enfin raccorder tous les foyers et forcer les opérateurs à aller sur tous les pylônes ?

Dotations d'équipement des territoires ruraux

M. Jean-Gérard Paumier .  - Ma proposition ne coûte rien et renforcerait le lien de confiance envers les élus locaux : élargir le champ de compétences des commissions départementales de répartition de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).

Celles-ci ne donnent un avis que sur les subventions supérieures à 100 000 euros. Dans mon département, cela représente, en 2024, 26 dossiers, pour 5 millions d'euros de DETR ; la commission n'a pas eu à se prononcer sur les 152 autres dossiers, pour 3,4 millions d'euros. Sur ces petits projets de communes souvent rurales, elle n'est qu'informée par le préfet.

Élargir la saisine à l'ensemble des dossiers serait facteur de simplification et de transparence. Par ailleurs, il faudrait que les montants de DETR soient notifiés aux préfets avant fin mars, afin que les travaux puissent être lancés avant l'été.

Les commissions départementales DETR pourraient aussi être informées des projets retenus au titre de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et du fonds vert.

C'est simple, c'est rapide, c'est gage de transparence, d'efficacité et de confiance. Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ?

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche .  - Malgré le contexte budgétaire contraint, le projet de loi de finances pour 2025 maintient les dotations d'investissement à leur haut niveau. Nous croyons à la déconcentration et au rôle des préfets, au plus près du terrain, pour appuyer les projets des collectivités.

La contrepartie, c'est la transparence et l'égalité de traitement. Le préfet publie en open data la liste des projets retenus ainsi qu'un rapport annuel d'exécution ; la commission DETR est également informée des opérations non retenues.

Chaque année, près de 36 000 demandes de DETR sont déposées. La suppression du seuil de 100 000 euros conduirait la commission à formuler un avis sur chaque projet, au risque de retarder l'attribution des subventions.

DSIL et DETR obéissent à deux logiques différentes. La DSIL finance des priorités nationales : transition écologique, bâtiment scolaire, accessibilité. Pour la DETR, les priorités varient en fonction des spécificités locales, ce qui justifie l'intervention de la commission d'élus.

Le préfet de département informe déjà la commission DETR des orientations retenues sur la DSIL, et le préfet de région lui communique la liste des projets subventionnés - liste publiée sur le site de la préfecture. Une synthèse nationale est disponible en ligne.

Aérodrome de Melun-Villaroche

M. Aymeric Durox .  - L'aérodrome de Melun-Villaroche est une infrastructure stratégique. Berceau du groupe Dassault, il accueille aussi, depuis 1947, l'entreprise Safran. Son potentiel est grand au regard du foncier disponible, de sa piste, de sa tour de contrôle - qui a coûté très cher au contribuable - et de sa proximité avec Paris. La Poste et Zalando s'y sont installées.

En avril dernier, l'aérodrome a reçu le label « site industriel clés en main », mais l'État doit jouer son rôle de stratège, aux côtés des collectivités territoriales. En effet, l'aérodrome est sous-utilisé - seulement 600 mouvements annuels en voyages d'affaires. L'État doit aménager de nouvelles pistes, implanter une douane, construire une aérogare et réaménager l'échangeur de l'A5.

Quelles sont les intentions de l'État pour faire de Melun-Villaroche un modèle de réindustrialisation et une infrastructure digne de la première région d'Europe ?

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche .  - En mars 2007, la propriété de l'aérodrome a été transférée à un syndicat mixte : la stratégie de gestion et de développement de cet aérodrome décentralisé relève donc des collectivités territoriales, et l'État n'a pas vocation à participer à son financement.

Il veille toutefois à accompagner les projets portés par le syndicat mixte : en 2014, il a permis son ouverture à la circulation aérienne publique ; en 2021, il a accompagné l'aménagement de la zone Paris-Villaroche ; enfin, l'exploitant bénéficie de la prise en charge de ses coûts de sécurité et sûreté - 277 000 euros en 2022 et 380 000 en 2023.

En 2016, l'État a retiré treize aéroports de la liste des points de passage frontaliers (PPF), mais Melun-Villaroche n'en a jamais été doté, en raison notamment d'une fréquentation insuffisante.

Finances communales

M. Guislain Cambier .  - Le mécanisme de solidarité financière de la loi de 1999 sur la coopération intercommunale est à l'origine des difficultés de certaines communes qui accueillent des activités économiques : ce mécanisme, mis en place en contrepartie de la perception par l'EPCI de l'impôt économique, est en effet défavorable aux communes économiquement dynamiques, considérées comme riches.

Dans le département du Nord, plusieurs communes sont ainsi en situation financière difficile : Wambrechies ne reçoit que 929 000 euros sur les 3 millions de recettes dégagées par les entreprises de son territoire ; Saint-Saulve, dotée d'équipements structurants, sera dans l'incapacité d'équilibrer son budget en 2025. Faute d'une réforme de la fiscalité locale et de la dotation globale de fonctionnement (DGF), certains services offerts aux habitants devront être supprimés.

La direction générale des collectivités locales (DGCL) reconnaît qu'il ne s'agit pas de mauvaise gestion, mais aucune réponse concrète n'est apportée. Je propose une clause de revoyure de la compensation tous les dix ans et un mécanisme spécifique de calcul des dotations. Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il ?

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche .  - La loi de 1999 consacre les EPCI comme les acteurs majeurs du développement de leur territoire. À ce titre, ils disposent de la dynamique de la fiscalité économique ; en contrepartie, ils reversent aux communes des attributions de compensation, qui correspondent au montant des charges communales liées aux compétences transférées, qu'ils révisent librement et qui font l'objet d'un rapport tous les cinq ans.

Par ailleurs, afin de réduire les disparités de charges et de ressources entre communes d'une même métropole, la dotation de solidarité communautaire est calculée sur la base de critères légaux obligatoires et de critères complémentaires choisis par l'EPCI.

Ces dispositifs offrent une large latitude aux collectivités pour s'entendre sur le partage des recettes de fiscalité économique et développer en commun les services publics de proximité, dans le respect du principe de libre administration des collectivités auquel le Gouvernement est très attaché.

Électrification rurale

M. Jean-Yves Roux .  - J'apporte mon soutien aux communes touchées par les inondations de jeudi et vendredi ; elles vont devoir reconstruire leurs infrastructures, notamment électriques.

Les articles 7 et 36 du projet de loi de finances pour 2025 réforment le financement du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (Facé). Quelque 377 millions d'euros sont consacrés chaque année à l'électrification rurale depuis 2012 : ni l'inflation ni les nouvelles missions liées à la transition écologique n'ont été compensées. Et de nouveaux défis sont là : réparation des réseaux à la suite des intempéries, enfouissement des lignes pour améliorer la résilience.

La réforme prévue instaure un tarif uniforme, au détriment de la solidarité territoriale et de la nécessaire péréquation entre urbain et rural, sans lien avec les besoins d'investissements sur le terrain. Nous craignons la disparition, à terme, de ce compte d'affectation spéciale et la dilution de ses crédits dans le budget général.

L'accès à un réseau électrique n'est pas un caprice budgétaire de nos communes. Comment allez-vous aider à court terme les collectivités territoriales à reconstruire leurs infrastructures électriques après les inondations ? Quelle réponse le Gouvernement apporte-t-il aux autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE) ?

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche .  - Le Facé est un outil indispensable de soutien aux investissements en milieu rural. L'électrification de nouveaux usages et le raccordement de nouvelles productions d'énergies renouvelables imposent de renforcer nos réseaux.

En 2024, à la suite des tempêtes, les 360 millions d'euros du Facé ont dû être reventilés. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit la simplification de son mode de financement : la contribution des gestionnaires de réseau public de distribution sera remplacée par une fraction du produit de l'accise sur l'électricité, pour un montant total de 377 millions d'euros en 2025 - 360 millions d'euros comme en 2024 et un report de 17 millions d'euros.

Je ne manquerai pas de relayer vos préoccupations auprès de ma collègue Agnès Pannier-Runacher.

Désenclavement de la Guyane

Mme Marie-Laure Phinera-Horth .  - Dans sa déclaration de politique générale, Michel Barnier a cité Michel Rocard : « Nos priorités ne sont pas celles d'une moitié de la France contre l'autre moitié, mais celles de tous les Français. ».

Tous les Français ? J'en doute. Comme toujours, les outre-mer sont les enfants oubliés de la République. Nos priorités, vaguement écoutées à l'occasion de visites ministérielles éclair, ne sont entendues que quand le peuple descend dans la rue. Les Ultramarins sont des « citoyens entièrement à part », disait Aimé Césaire.

La République ne pense jamais à mes compatriotes guyanais enclavés. Une commune guyanaise sur trois n'est pas reliée au littoral par la route. En 500 ans, la République n'a construit que 500 km de route. Alors que penser quand la France dépense plus de 1 milliard d'euros pour une route de 12 km à la Réunion et que l'État refuse d'augmenter sa participation à la continuité territoriale aérienne interne en Guyane ? Que comptez-vous faire pour accélérer le désenclavement de mon territoire ?

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche .  - Les territoires ultramarins sont au coeur de la politique du Gouvernement : le ministre chargé des outre-mer, François-Noël Buffet, est directement rattaché au Premier ministre, lequel a rappelé dans sa déclaration de politique générale que les douze départements et territoires d'outre-mer sont une partie essentielle de notre pays ; il présidera un comité interministériel des outre-mer au premier trimestre 2025.

Le contrat de convergence et de transformation 2024-2027 pour la Guyane est doté de 171 millions d'euros de crédits d'État et 152,4 millions d'euros sont consacrés à l'entretien et la modernisation du réseau routier, notamment de la RN1.

Mme Marie-Laure Phinera-Horth.  - J'attends avec impatience mon rendez-vous avec le ministre chargé des transports, début novembre.

Sécurisation de la RCEA

M. Fabien Genet .  - La route Centre Europe Atlantique (RCEA) est l'une des plus accidentogènes de France. En 2017, nous avons plaidé pour l'accélération de sa mise à deux fois deux voies en Saône-et-Loire.

La mobilisation des élus locaux, notamment de mes collègues Jérôme Durain et Marie Mercier, a permis d'avancer cet objectif à 2025, grâce à un effort supplémentaire de 87 millions d'euros des collectivités territoriales - la RN relève pourtant de la compétence de l'État !

En 2021, un dépassement de l'enveloppe a imposé un nouvel effort de 12 millions d'euros du département et de la région. Or, aujourd'hui, nous apprenons que l'État envisage un échelonnement de la deuxième tranche, jusqu'en 2029 au lieu de 2025. C'est choquant ! L'État doit être au rendez-vous de sa promesse de sécurisation de cet axe d'intérêt national. Confirmez-vous cette information ?

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche .  - L'État s'est engagé dans la mise à deux fois deux voies de cet itinéraire depuis 2013. La deuxième phase des travaux est bien avancée : l'aménagement des quatre premières sections est réalisé, celui deux dernières sera achevé en 2026. Malgré l'importance des financements mobilisés en 2022, 15 millions d'euros de crédits d'État supplémentaires sont nécessaires pour achever la seconde phase - 5 millions d'euros en 2024, 10 millions d'euros en 2025.

Soyez assuré de la mobilisation de mon collègue chargé des transports, François Durovray.

M. Fabien Genet.  - Merci pour ces informations. Les travaux avancent, mais on ne voit rien sur la dernière partie. La Saône-et-Loire, trop souvent endeuillée, attend cette infrastructure depuis longtemps. Nous resterons mobilisés.

Projet Charles-de-Gaulle Express

Mme Marianne Margaté .  - Le futur Charles-de-Gaulle Express, attendu pour 2027, avec ses 150 trajets par jour depuis la gare de l'Est à 24 euros le billet, aura des effets acoustiques sur les riverains.

En 2019, 15 millions d'euros, soit seulement 0,75 % du budget global, ont été alloués à la protection acoustique de 7,5 km du tracé, sur un total de 32 km.

En 2022, les élus de Seine-Saint-Denis et de Seine-et-Marne ont appelé à doubler ce montant, afin d'étendre les protections acoustiques, en vain. Pis, la réunion prévue avec le préfet de région, annulée à la dernière minute, n'a jamais été reprogrammée. Quel mépris !

À ces nuisances s'ajouteraient celles résultant de la circulation du Charles-de-Gaulle Express sur les voies du RER B, qui transporte quotidiennement près de 1 million de passagers dans des conditions difficiles, alors que ces voies sont également utilisées par la ligne K du transilien, le TER Picardie et le fret ferroviaire.

Monsieur le ministre, comptez-vous satisfaire la demande des élus ?

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche .  - Le projet Charles-de-Gaulle Express est indispensable. Pour que son impact sur les voyageurs quotidiens soit moindre et que ses nuisances pour les riverains soient limitées, l'État a mis en place des instances de concertation animées et pilotées par le préfet de région ; les protections phoniques y sont abordées.

Les discussions avec les élus vont reprendre, afin d'identifier les mesures à adopter dans le respect des contraintes inhérentes au projet.

Le projet Charles-de-Gaulle Express est financé sans subvention publique dans le cadre d'un montage spécifique, reposant notamment sur une concession de l'État.

Par ailleurs, d'importants efforts sont réalisés pour renforcer l'infrastructure des lignes préexistantes - RER B et ligne K.

Aménagements ferroviaires du sud de Bordeaux

Mme Monique de Marco .  - Alors que les aménagements ferroviaires du sud de Bordeaux (AFSB) coûteront près de 1 milliard d'euros, dureront neuf ans et émettront 30 000 tonnes de CO2, leur inutilité publique est désormais établie !

Le dossier de l'enquête publique pour la mise en service des lignes à grande vitesse et du RER métropolitain prévoit huit trains par heure ; or, en 2023, SNCF Réseau, dans son graphique de circulation S4, indique que dix trains par heure peuvent circuler sur les deux voies actuelles ; la réserve de capacité serait de 25 %. Aussi, pour justifier les AFSB, SNCF Réseau ajoute désormais une desserte de Saint-André-du-Cubzac à Beautiran.

À Bègles, les aménagements auront un impact sonore sur les riverains, car un saut-de-mouton est prévu, mais sans protection phonique !

Comptez-vous réexaminer l'utilité publique du projet par la réalisation d'une expertise indépendante ?

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche .  - Les AFSB ont été déclarés d'utilité publique en 2015. Il faut développer l'usage de tous les trains, d'où les aménagements.

S'agissant du saut-de-mouton de Bègles, une étude conduite par SNCF Réseau démontre que les niveaux de bruit réglementaires sont respectés sans mise en place de protections acoustiques. Cela dit, SNCF Réseau réalisera les aménagements nécessaires.

Enfin, votre lecture du graphique de circulation de SNCF Réseau est erronée : il n'y a pas de réserves de capacité. De plus, les récentes projections de circulation ferroviaire confirment la nécessité d'un tel projet : quinze trains circulent dans les deux sens durant les deux heures de pointe du matin ; ce sera trois fois plus, soit quarante-quatre, à la suite des AFSB.

Mme Monique de Marco.  - Et l'expertise indépendante ? Les aménagements que vous proposez pour le saut-de-mouton ne sont pas du tout satisfaisants.

Attractivité des territoires ruraux

M. Jérôme Durain .  - Il y a un flou, qui laisse craindre un gros loup !

Je m'explique : le nouveau zonage intégrateur unique France Ruralités Revitalisation (FRR), introduit par la loi de finances pour 2024 et applicable au 1er juillet 2024, fusionne les précédents zonages de soutien aux territoires ruraux. Conséquence : près de 2 200 communes situées en zone de revitalisation rurale (ZRR) en sont exclues, dont 89 communes en Saône-et-Loire.

À la suite de la mobilisation nationale des élus, Gabriel Attal, alors Premier ministre, a annoncé le 4 juin dernier que ces 2 200 communes continueraient à bénéficier des exonérations fiscales et sociales actuelles pour les commerces en place comme ceux qui s'installeront à l'avenir.  Or l'arrêté du 19 juin a exclu de nouveaux bénéficiaires potentiels dans les communes concernées.

L'article 27 du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 permettrait aux 2 168 communes non retenues initialement d'intégrer le dispositif FRR du 1er juillet 2024 jusqu'au 31 décembre 2027 : le confirmez-vous ?

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche .  - Le Gouvernement a annoncé le 4 juin dernier que les 2 200 communes situées en ZRR qui n'étaient pas éligibles au nouveau zonage FRR au 1er juillet 2024 seraient maintenues dans le dispositif. Cette mesure concerne 89 communes en Saône-et-Loire. L'article 27 du PLF pour 2025 traduit cet engagement.

Je vous le confirme, cette mesure s'applique dès le 1er juillet 2024. Des mesures dérogatoires sont également prévues, afin que le dispositif FRR puisse s'appliquer dès 2025 aux entreprises créées ou reprises dans ces communes à compter du 1er juillet 2024. À cet égard, les collectivités pourront délibérer jusqu'au 28 février 2025 pour instituer les exonérations de cotisation foncière des entreprises et de taxe foncière sur les propriétés bâties.

Déduction prélèvement SRU

M. Jean-Baptiste Blanc .  - Comme me l'a demandé le maire de Courthézon, commune du Vaucluse, est-il possible de déduire les dépenses liées à la production de logements sociaux du prélèvement d'une amende pour non-respect de la loi de 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) ?

Les communes qui investissent dans l'acquisition de biens en vue de produire des logements sociaux doivent ajouter à ces dépenses le prélèvement prévu par le code de la construction et de l'habitation (CCH). Pourtant, de tels investissements permettent aux communes d'augmenter la part de logements sociaux, notamment en coeur de ville, où les bailleurs sociaux interviennent moins. N'est-ce pas un moyen de lever un frein à la création de logements sociaux ?

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche .  - Les communes qui n'atteignent pas le taux production de logements sociaux doivent s'acquitter d'un prélèvement annuel sur leurs ressources fiscales, proportionnel à leur retard.

Toutefois, elles peuvent en déduire les dépenses qu'elles engagent en faveur de la production de logements sociaux, à l'instar des subventions versées aux bailleurs sociaux ou des dépenses pour travaux de viabilisation. Il s'agit d'encourager les communes déficitaires à soutenir les opérations concourant au développement de l'offre de logements sociaux, donc au rattrapage de leur déficit.

Néanmoins, ces dépenses ne peuvent pas être déduites lorsqu'elles sont supportées directement par la commune et que cette dernière reste propriétaire du bien. Admettre la déductibilité de telles dépenses reviendrait à déduire du prélèvement de la commune une dépense correspondant à une augmentation du patrimoine de la commune. Cela créerait une forme d'autofinancement contraire à la logique du mécanisme. Les communes peuvent, en revanche, mobiliser les établissements publics fonciers pour procéder à des acquisitions.

Protection de la méthode ancestrale propre aux vins mousseux

M. Bernard Buis .  - Protégeons la méthode ancestrale propre à la clairette de Die et à d'autres vins mousseux d'appellations d'origine protégée, tels que le Limoux, le Bugey-Cerdon et le Gaillac. La réglementation communautaire a défini la méthode traditionnelle, mais aucune disposition ne régit la méthode ancestrale, qui remonte à l'Antiquité ! Les professionnels concernés par les appellations ont souhaité inscrire, dès 2012, une définition commune dans le droit national, mais selon l'administration centrale, une telle mention relève du droit européen ; voilà pourquoi un dossier a été déposé au printemps 2012 auprès de M. Stéphane Le Foll, alors ministre de l'agriculture. Or la profession n'a constaté aucune avancée réelle. Aussi, en 2022, la Confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie de vin à appellations d'origine contrôlées (Cnaoc) a renouvelé cette demande. Où en sommes-nous ?

Mme Olga Givernet, ministre déléguée chargée de l'énergie .  - Dans mon département, la méthode ancestrale s'applique au Bugey-Cerdon, et j'en suis fière !

Où en sommes-nous ? Après un rapprochement en 2023 entre les syndicats des appellations concernés et l'administration centrale, un groupe de travail réunissant la DGCCRF, la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) et l'Institut national de l'origine et de la qualité (Inao) a été créé pour vérifier que la demande remplit toutes les exigences européennes. Avant l'été, les professionnels ont apporté les précisions demandées, ce qui permet l'instruction la demande. Vous pouvez compter sur l'implication d'Annie Genevard, qui vous informera de l'avancée du dossier.

M. Bernard Buis.  - Alors que la mention « méthode ancestrale » est utilisée de façon abusive, nos viticulteurs sont inquiets ; nous suivrons le dossier !

Filière bois

Mme Laurence Muller-Bronn, en remplacement de M. André Reichardt, auteur de la question .  - La responsabilité élargie des producteurs sur les produits et matériaux de construction pour le secteur du bâtiment (REP PMCB), issue de la loi Agec du 10 février 2020, oblige les producteurs de matériaux générant des déchets à en assurer la fin de vie via une écocontribution.

Si l'objectif est louable, cela pénalise la filière bois, plus fortement taxé que d'autres matériaux moins recyclables.

De plus, pourquoi assujettir les producteurs scieurs et transformateurs alors que l'Ademe plaide pour que le contributeur de cette taxe soit le dernier acteur industriel ayant transformé ou assemblé les produits et matériaux avant-vente ?

Au titre de l'année 2023, les scieurs doivent payer 2 % de leur chiffre d'affaires, alors que la conjoncture est difficile.

Cette contribution accentue la distorsion de concurrence avec les produits importés et freine l'essor des matériaux biosourcés dans le secteur de la construction.

Madame la ministre, soutiendrez-vous la filière bois ? Modifierez-vous cette réglementation incohérente ?

Mme Olga Givernet, ministre déléguée chargée de l'énergie .  - La REP PMCB, en vigueur depuis le 1er janvier 2023, permet d'éviter les dépôts sauvages, d'améliorer la circularité des produits, le réemploi des matériaux et le recyclage des déchets.

Le Gouvernement soutient les professionnels du bois, tant en amont qu'en aval. De plus, des arrêtés contraignent les éco-organismes à différencier le bois frais des bois secs et rabotés, pour éviter la distorsion de concurrence avec les produits importés.

Des primes sont aussi prévues pour les produits issus de ressources renouvelables, afin d'améliorer la performance de la filière.

Avenir de la Camargue

M. Laurent Burgoa .  - Territoire d'exception, la Camargue est menacée par la hausse du niveau de la mer et une salinité des sols en constante augmentation.

Connue pour ses flamants roses, elle abrite, plus largement, une biodiversité unique. De nombreuses espèces animales et végétales risquent ainsi de disparaître, mais aussi des pans entiers de notre patrimoine historique et économique. L'élevage de taureaux et de chevaux, la production de sel et la riziculture sont autant d'activités ancestrales en péril.

Au coeur de cet écosystème fragile, les marais salants risquent de s'assécher, alors que les ouvrages de production ne demandent qu'à être entretenus et renforcés. Il est impensable que cet environnement exceptionnel soit l'objet d'une politique de repli et de renoncement face aux enjeux du changement climatique.

La Camargue est le fruit de l'action humaine ; elle est vivante et doit être préservée. Envisagez-vous de renforcer les ouvrages de protection pour garantir la survie des espèces et la pérennité d'activités économiques et culturelles qui prospèrent depuis des générations ?

Mme Olga Givernet, ministre déléguée chargée de l'énergie .  - Face à la montée du niveau de la mer, l'adaptation des territoires littoraux est un enjeu majeur.

En avril dernier, le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) a évalué les biens concernés par le recul du trait de côte à court, moyen et long termes.

En Camargue, des aménagements historiques ont permis de fixer le trait de côte au XXe siècle, mais la moitié seulement des enrochements ont démontré leur efficacité. Certains ouvrages de protection ont accentué latéralement l'érosion côtière.

La stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte, en cours de révision, préconise l'abandon des logiques de lutte contre la mer au profit d'une gestion respectueuse de la biodiversité et des phénomènes hydro-sédimentaires. Le syndicat mixte interrégional d'aménagement des digues du delta du Rhône élabore une stratégie face aux aléas d'érosion et de submersion. Un programme d'action sera décliné dans le prochain plan littoral.

C'est dans ce cadre que doivent être étudiées les différentes options d'adaptation. Les collectivités territoriales sont prêtes à faire évoluer leur politique d'aménagement, comme au Grau-du-Roi.

Dans le Gard, les services de l'État travaillent sur le sel à la suite d'une alerte émise par les viticulteurs en 2021. Le parc naturel régional et l'État ont lancé une démarche participative en vue d'une feuille de route visant à faire face aux défis du sel et du changement climatique. Le 9 avril dernier, un séminaire sur le sujet a débouché sur une trentaine d'actions concrètes, dont la mise en oeuvre a débuté.

M. Laurent Burgoa.  - Il faut agir en partenariat avec les élus locaux, dont le rôle est indispensable. Par ailleurs, dans un département producteur d'huile d'olive, il serait bon que le Gouvernement mette un peu d'huile dans les rouages : je pense au Conservatoire national du littoral, dont certains membres n'ont pas l'attitude la plus facilitatrice...

Artificialisations bénéficiant à plusieurs collectivités

Mme Sylvie Valente Le Hir .  - Ma question porte sur l'imputation au titre du Zéro artificialisation nette, le ZAN, des projets régionaux, interrégionaux et nationaux.

L'équation du ZAN doit tenir compte des aménagements qui bénéficient aussi à d'autres collectivités que celles qui les accueillent. Je pense à la communauté de communes du Vexin Thelle, qui accueille un site d'enfouissement de déchets provenant majoritairement d'Île-de-France. En pareil cas, il n'est pas juste que la collectivité d'implantation soit seule comptable de l'artificialisation. De même, une communauté de communes accueillant un parc d'activités dont le rayonnement dépasse son territoire doit pouvoir partager l'effort foncier avec les collectivités voisines.

Sans mutualisation, les projets de cette nature obéreraient de manière injuste les marges de consommation foncière des collectivités d'accueil, qui ne pourraient plus aménager leur territoire en fonction de leurs propres besoins. La législation et la réglementation doivent tenir compte de ces artificialisations externes, sans quoi de forts déséquilibres se feront jour, au détriment des territoires ruraux.

Élargirez-vous la possibilité de retrancher des enveloppes communales et intercommunales les zones artificialisées dans l'intérêt de plusieurs collectivités pour les imputer sur des enveloppes régionales, voire nationales ? C'est une condition sine qua non de l'équité du ZAN.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée chargée de l'énergie .  - En 2021, la loi Climat et résilience a fixé l'objectif de zéro artificialisation nette en 2050. D'ici à 2031, la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) sera réduite de moitié par rapport à la décennie précédente.

En 2023, les possibilités de mutualisation à différentes échelles ont été précisées. Les projets d'envergure nationale, dont la liste est fixée par arrêté, sont essentiellement industriels ou de recherche. Les projets d'envergure régionale peuvent être mutualisés à cette échelle ; ils sont identifiés dans les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires. Les projets d'intérêt intercommunal peuvent être mutualisés dans le cadre des schémas de cohérence territoriale.

Ces trois possibilités accompagnent les collectivités dans leur trajectoire de sobriété foncière. Chaque projet doit être pris en compte à son échelle territoriale. Nous avons besoin d'un outil de planification qui soit au service des élus et facilite le développement commun. Les services déconcentrés sont à la disposition des élus pour les accompagner et les conférences régionales de gouvernance de la politique de réduction de l'artificialisation sont des espaces de discussion au plus près des territoires.

Le Premier ministre a indiqué que des adaptations propres à améliorer la mutualisation étaient à l'étude. Je vous invite à faire part de vos propositions.

Redéfinition des territoires concernés par les Bonnes conditions agricoles et environnementales 2

M. Michaël Weber .  - Le dispositif des Bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) a été renouvelé en application de la politique agricole commune. Les États membres peuvent librement définir les conditions de ces BCAE 2.

L'objectif étant de mieux protéger les zones humides et les tourbières, il est étonnant que le périmètre défini se limite aux territoires labellisés Ramsar. Le Gouvernement semble n'avoir tenu aucun compte des priorités du plan national « milieux humides ». Cette approche minimaliste risque, en outre, de porter un préjudice durable au label Ramsar.

Dans un courrier du mois dernier aux présidents de parc naturel régional, Marc Fesneau assurait : « il n'est pas envisagé que le référentiel Ramsar constitue la seule base de zonage BCAE 2 ». Limiter le territoire de ce dispositif au périmètre du label Ramsar et à quelques zones issues de l'inventaire du réseau partenarial de données sur les zones humides est tout à fait insuffisant.

Pourquoi chercher à abîmer le système Ramsar, dont l'efficacité n'est plus à prouver, en refusant un zonage étendu des BCAE 2 ? Il est urgent de mieux protéger les zones humides et de faciliter le dialogue entre l'administration et les particuliers. Le choix actuel n'est ni responsable en matière environnementale ni adapté du point de vue du dialogue attendu par les agriculteurs.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée chargée de l'énergie .  - Les zones humides accueillent 30 % des espèces rares ou menacées. On estime qu'elles permettent à la société d'économiser chaque année 2 000 euros par hectare sur le traitement de l'eau potable. Or, entre 1960 et 1990, la moitié de ces espaces à fort enjeu écologique ont disparu.

La programmation 2023-2027 de la PAC prévoit la mise en place au 1er janvier 2025 d'un zonage spécifique pour les milieux humides. Les règles de travail du sol y seront adaptées. C'est le sens des BCAE 2, destinées à mieux protéger zones humides et tourbières, notamment en interdisant les nouveaux remblais et les réseaux de drainage.

Faute de cartographie disponible, il a été décidé, dans un premier temps, d'utiliser le zonage Ramsar, augmenté des tourbières. Le zonage actuel n'est pas satisfaisant et a vocation à évoluer rapidement, dès que nous aurons une connaissance plus complète des zones humides. L'objectif est d'aboutir progressivement, d'ici à 2027, à un inventaire fiable, réalisé avec les acteurs de terrain. Je vous invite à vous associer à cette réflexion.

Maintien de la présence postale dans les territoires ruraux

Mme Marie Mercier .  - Vous souvenez-vous, monsieur le ministre, de cette belle publicité montrant une camionnette jaune, seule présence humaine dans un magnifique paysage de campagne - qui pouvait être de Saône-et-Loire ? Elle était accompagnée de cette formule : « La Poste crée des liens entre nous. »

Quid de la baisse éventuelle de 50 millions d'euros du budget, de 177 millions d'euros, consacré à la présence postale ? La Poste a pris l'engagement de maintenir un point postal à moins de 5 km ou 20 minutes de voiture pour 90 % de la population en zone rurale ou prioritaire. Il est nécessaire pour le confort de vie de nos administrés.

Cette baisse affecterait le fonctionnement des agences postales, des points postaux et des espaces France Services. Les maires, conscients des difficultés budgétaires, pourraient assumer cette dépense en plus, mais s'inquiètent de l'aggravation des inégalités territoriales et de la disparition des services publics dans nos territoires ruraux.

Vous engagez-vous pour la proximité postale ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l'action publique .  - Habitant un village rural d'Eure-et-Loir, Saint-Martin-de-Nigelles, je suis très attaché au maintien des services publics de proximité. Le Gouvernement ne souhaite en aucun cas les réduire.

La Poste fait face au défi de la transformation de son modèle économique, depuis plusieurs années. Mais le projet de loi de finances pour 2025 ne change rien au montant versé par l'État à La Poste pour la distribution. L'État poursuit ainsi son engagement, à hauteur de 910 millions d'euros, pour la mission de service public de La Poste.

Les débats budgétaires en cours seront l'occasion d'évoquer cette question avec l'ensemble des parlementaires. Je le redis, nous accordons une attention particulière à la présence du service public de proximité dans nos territoires. Je salue à cet égard le succès des maisons France Services, lancées en 2019. Nous en comptons désormais 2 753, dont plus de 400 installées dans un bureau postal. Ce dispositif de proximité répond à une attente forte et fonctionne : 96 % de taux de satisfaction, ce qui est exceptionnel pour un service public.

Vous pouvez compter sur mon action et sur celle de tout le Gouvernement pour préserver nos services publics, même dans le contexte budgétaire actuel.

Mme Marie Mercier.  - Je ne doutais pas de votre volonté. Oui, les maisons France Services fonctionnent très bien, dans la mesure où elles pallient des fermetures antérieures. Notre Premier ministre a eu raison de prononcer ces mots : « Nos villes moyennes, nos sous-préfectures, nos villages, tous font la République et méritent que des services publics y demeurent ou y reviennent. » Nous sommes tous là pour y veiller.

Difficultés de traitement des demandes d'indemnisation de Harkis

M. Christophe Chaillou .  - Le traitement des demandes d'indemnisation forfaitaire déposées au titre de la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les Harkis se heurte à certaines difficultés.

Cette loi prévoit la légitime réparation des préjudices subis par les Harkis du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le sol français. Les Harkis et les rapatriés d'Algérie anciennement de statut civil de droit local, ainsi que leur famille, peuvent constituer un dossier auprès de l'Office national des combattants et victimes de guerre (ONaCVG) pour obtenir une indemnité réparatrice.

En août dernier, 20 000 dossiers avaient été traités, selon la commission nationale indépendante Harkis. Mais de nombreux autres restent en attente, parfois depuis plus de deux ans. Un sentiment d'abandon en résulte pour les personnes concernées.

Combien de demandes sont-elles en attente et le Gouvernement prévoit-il d'allouer des moyens supplémentaires à l'ONaCVG pour accélérer leur traitement ? C'est notre responsabilité collective vis-à-vis des Harkis qui est en jeu.

M. Jean-Louis Thiériot, ministre délégué auprès du ministre des armées et des anciens combattants .  - Rendons hommage aux Harkis, dont le traitement n'a pas été une page de gloire dans notre histoire.

Nous avons reçu un peu plus de 35 000 demandes au titre de la loi de réparation de 2022. Quelque 20 000 ont été traitées, dont 16 000 ont reçu une réponse favorable, pour une indemnisation moyenne de 8 093 euros. Restent environ 15 000 dossiers en cours de traitement, dont 9 000 liés aux 45 nouveaux sites ouverts à l'indemnisation.

L'ONaCVG a quasiment doublé le nombre d'équivalents temps plein (ETP) consacrés à cette mission. La structure nationale a renforcé son soutien aux structures locales.

Une difficulté nouvelle s'annonce, liée à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme dite Tamazount, qui nous oblige à rouvrir certains dossiers. C'est une priorité de mon ministère, et nous veillerons à ce que tous ceux qui ont choisi de porter les armes de la France soient convenablement traités.

M. Christophe Chaillou.  - Je vous remercie pour ces précisions. Nous serons vigilants sur les moyens nécessaires, compte tenu notamment de la jurisprudence dont vous avez parlé, car il y va de notre responsabilité collective.

La séance est suspendue à 12 h 40.

Présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 14 h 30.

Éloge funèbre de Jean-Pierre Bansard

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre, se lèvent.) C'est avec une profonde tristesse que nous avons appris, le 16 août dernier, la disparition de notre collègue Jean-Pierre Bansard, sénateur représentant les Français établis hors de France, à l'âge de 84 ans, après plusieurs semaines de lutte contre la maladie. Il siégeait en haut de notre hémicycle, et a tenu à y siéger jusqu'au bout.

Ses obsèques se sont déroulées le 18 août au cimetière parisien de Bagneux, en présence de son épouse, de ses filles, de son fils et de ses proches. Plusieurs de nos collègues sont allés lui rendre hommage, dont le premier questeur Antoine Lefèvre, qui représentait le Sénat, et notre collègue Roger Karoutchi pour son groupe.

Entrepreneur infatigable, enchaînant les succès, Jean-Pierre Bansard s'est investi avec la même énergie au service de l'intérêt général et de ses concitoyens au long d'une vie riche et active.

Né le 15 mai 1940 à Oran, Jean-Pierre Bansard grandit dans une famille juive installée en métropole en 1962, au lendemain de l'indépendance de l'Algérie. Marqué par cette expérience du déracinement, les contours de son engagement politique se dessinent dès son plus jeune âge, en particulier son engagement pour la communauté juive et pour les Français établis hors de France.

À son arrivée en France, Jean-Pierre Bansard, qui avait quitté les bancs de l'école à tout juste 16 ans, entreprend une ascension sociale fulgurante, fondée sur le travail et une énergie à toute épreuve. Il se forme en autodidacte et se fait connaître en exerçant le métier de transitaire sur le Vieux Port de Marseille.

Doté d'une détermination et d'un sens des affaires hors du commun, il quitte la Méditerranée pour la région parisienne dès 1963.

Passionné et curieux de tout, il étend ses activités dans de nombreux domaines : de la logistique internationale à l'immobilier, en passant par la reprise des Puces de Saint-Ouen, il fut un touche-à-tout talentueux. En 1985, il fonde le groupe Cible dont les succès dans de nombreux secteurs - construction, rénovation et hôtellerie de luxe -, reflètent ses multiples talents d'entrepreneur.

Il rachète le célèbre groupe Solex auquel il donne un second souffle, jusqu'à en faire la première marque de vélomoteur électrique fabriqué en France. Il se forge, à cette époque, la conviction que le savoir-faire français doit être protégé et valorisé, ce qu'il continuera de défendre, des années plus tard, au Sénat. Son amour de la culture française le guide dans ses choix stratégiques : il le pousse, par exemple, à racheter en 1986 le célèbre restaurant Drouant où se réunissent les membres de l'Académie Goncourt.

Il fait bientôt appel, pour l'épauler dans la gestion de ses affaires, à ses trois filles et à notre collègue Évelyne Renaud-Garabedian, qui restera son associée pendant plus de trente ans et le suivra tout au long de sa vie personnelle et politique, jusqu'à leur entrée au Sénat en 2017.

Jean-Pierre Bansard fait partie de ceux qui incarnent cette France des Trente Glorieuses inventive, moderne et ambitieuse.

En parallèle de ses activités de chef d'entreprise, il a su montrer, dans sa vie personnelle, l'étendue de son esprit d'initiative, de son engagement républicain et de sa générosité.

Profondément attaché à la communauté juive, il devient président du consistoire régional de Champagne-Ardenne de l'Union des communautés juives de France en 1991, avant de prendre la tête du consistoire central l'année suivante. Il n'aura de cesse, tout au long de sa vie, de dénoncer le fléau de l'antisémitisme. Au lendemain des attaques du 7 octobre 2023 en Israël, face à la prolifération des actes antisémites, il exhorte ainsi publiquement l'État à « faire reculer l'intolérance et la haine pour que triomphent l'universalisme et la laïcité ». Le Sénat, qui a toujours défendu ces valeurs, ne peut que rester fidèle à son message.

En tant que président du consistoire central, Jean-Pierre Bansard cultiva sa réputation de patriote et de fervent défenseur des valeurs de la République. Il résumera ses convictions républicaines en 2004 dans son ouvrage Un judaïsme aux couleurs de la République, qu'il présente comme un « antidote aux communautarismes » et dans lequel il prône la conciliation entre les convictions religieuses et le respect absolu du principe de laïcité. Il y écrit qu'en tant que « Français juif engagé », il se sent « en adéquation avec son appartenance pleine et entière à la citoyenneté française ».

Jean-Pierre Bansard fit de ce sentiment d'appartenance à la nation française le moteur de son engagement public.

Il entre une première fois en politique en étant élu adjoint au maire du 17e arrondissement de Paris en 1983.

Ses activités professionnelles à l'international l'amènent parallèlement à rencontrer bon nombre de nos concitoyens établis hors de France. De ses observations de terrain, il acquiert la conviction que la communauté française expatriée est trop laissée à elle-même, insuffisamment représentée et sans réseau de solidarité suffisamment structuré. Il fonde donc, en 2009, l'Alliance solidaire des Français de l'étranger, où il est rejoint par nos collègues Evelyne Renaud-Garabedian, Jean-Luc Ruelle et celle qui lui succède aujourd'hui, Sophie Briante Guillemont. Il est également nommé, la même année, membre de l'Assemblée des Français de l'étranger par Bernard Kouchner, alors ministre des affaires étrangères et européennes. Il y siègera pendant cinq ans.

Jean-Pierre Bansard a vu dans le mandat parlementaire un moyen de prolonger son engagement au service des Français établis hors de France. Il fait son entrée au palais du Luxembourg une première fois en 2017, avant de voir son élection invalidée par le Conseil constitutionnel. Déterminé à représenter les Français établis hors de France, il est réélu en septembre 2021 et se rattache au groupe Les Républicains. Son expertise professionnelle l'amène naturellement à siéger au sein de la commission des affaires économiques. Se remémorant avec émotion ses premiers pas au Sénat, il déclare alors : « La première fois que j'ai fait mon entrée dans l'Hémicycle, j'avais des frissons et des larmes aux yeux. »

Avec Évelyne Renaud-Garabedian, il n'eut de cesse de défendre les intérêts des Français établis hors de France et la promotion du savoir-faire français à l'international. Ensemble, ils furent à l'origine de la proposition de loi visant à reconnaître et à soutenir les entrepreneurs français à l'étranger, adoptée en première lecture par le Sénat le 30 mai 2023, et qui prévoit la création d'un label « Made by French ». Cette proposition a été récemment redéposée sur le bureau de l'Assemblée nationale.

Nous garderons de notre collègue le souvenir d'un homme au parcours exceptionnel, qui se targuait d'être « le moins diplômé » des sénateurs et qui voyait, dans l'exercice de son mandat parlementaire, la consécration d'une vie d'engagements personnels et politiques.

Ses activités lui ont d'ailleurs valu la reconnaissance de la nation.

J'exprime notre sympathie à ses collègues sénateurs représentant les Français établis hors de France et aux membres de la commission des affaires économiques, mais aussi à son épouse, ses filles, son fils et ses petits-enfants qui sont présents dans cet hémicycle, et à tous ses proches qui l'ont accompagné dans ce parcours de vie hors du commun.

Son épouse nous a conviés la semaine passée à un moment émouvant devant ses proches, ses amis et sa famille, le grand-rabbin de France et le président du consistoire central.

Jean-Pierre Bansard restera dans nos mémoires.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer.  - Le Gouvernement adresse ses condoléances à la famille de Jean-Pierre Bansard, dont le Président du Sénat a rappelé le parcours. J'étais l'un de ses collègues au sein du groupe Les Républicains.

Le Gouvernement salue le parcours de cet homme qui a entrepris, qui a pris des risques et a réussi, notamment dans l'industrie avec Solex. Il a été accompagné par Evelyne Renaud-Garabedian.

Défenseur des Français établis hors de France, sa passion de la France a fait de lui un interlocuteur privilégié et lui a valu d'entrer au Sénat.

Le Gouvernement salue son engagement personnel, lui qui fut un grand défenseur des valeurs du judaïsme, reconnu par ses pairs.

Au nom du Gouvernement, j'adresse à ses collègues du Sénat, et particulièrement de la commission des affaires économiques, ainsi qu'à sa famille et à son épouse, nos condoléances les plus sincères. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre, observent un instant de recueillement.)

M. le président.  - Conformément à notre tradition, en signe d'hommage à Jean-Pierre Bansard, nous allons suspendre nos travaux pour quelques instants.

La séance, suspendue à 14 h 45, reprend à 15 h 15.

Remplacement de sénateurs devenus membres du Gouvernement

M. le président.  - En application de l'article L.O. 153 du code électoral, ont cessé d'exercer leur mandat de sénateur, le lundi 21 octobre 2024 à minuit, M. François-Noël Buffet, Mmes Agnès Canayer, Marie-Claire Carrère-Gée, Nathalie Delattre, Laurence Garnier, Françoise Gatel, M. Thani Mohamed Soilihi, Mme Sophie Primas et M. Bruno Retailleau, qui ont été nommés membres du Gouvernement.

Par lettre en date du 27 septembre 2024, le ministère de l'intérieur m'a fait connaître qu'en application de l'article L.O .319 du code électoral, Mme Salama Ramia a remplacé, en qualité de sénatrice de Mayotte, M. Thani Mohamed Soilihi. (Mme Salama Ramia se lève ; applaudissements.)

En application de l'article L.O. 320 du code électoral, M. Paul Vidal a remplacé, en qualité de sénateur du Rhône, M. François-Noël Buffet (M. Pauk Vidal se lève ; applaudissements) ; Mme Virginie Lucot-Avril a remplacé, en qualité de sénatrice de la Seine-Maritime, Mme Agnès Canayer (Mme Virginie Lucot-Avril se lève ; applaudissements) ; M. Jean-Baptiste Olivier a remplacé, en tant que sénateur de Paris, Mme Marie-Claire Carrère-Gée (M. Jean-Baptiste Olivier se lève ; applaudissements) ; Mme Mireille Conte Jaubert a remplacé, en qualité de sénatrice de la Gironde, Mme Nathalie Delattre (Mme Mireille Conte Jaubert se lève ; applaudissements) ; M. Maurice Perrion a remplacé, en qualité de sénateur de la Loire-Atlantique, Mme Laurence Garnier (M. Maurice Perrion se lève ; applaudissements) ; Mme Anne-Sophie Patru a remplacé, en qualité de sénatrice de l'Ille-et-Vilaine, Mme Françoise Gatel (Mme Anne-Sophie Patru se lève ; applaudissements) ; M. Éric Dumoulin a remplacé, en qualité de sénateur des Yvelines, Mme Sophie Primas (M. Éric Dumoulin se lève ; applaudissements) ; Mme Brigitte Hybert - que j'excuse - a remplacé, en qualité de sénatrice de la Vendée, M. Bruno Retailleau. (Applaudissements)

Le mandat de nos collègues a débuté le 22 octobre 2024 à 0 heure.

En votre nom à tous, je leur souhaite la plus cordiale bienvenue. Le Sénat est heureux de les accueillir et s'appliquera par tous moyens à leur faciliter l'exercice de leur mandat, ici et dans leur département.

Remplacement de vice-présidents

M. le président.  - Le groupe Les Républicains m'a fait connaître le nom des candidats qu'il propose pour remplacer, en qualité de vice-présidents du Sénat, M. Mathieu Darnaud qui, par lettre en date du 8 octobre dernier, m'a informé qu'il souhaitait démissionner de cette fonction à compter du 21 octobre 2024 à minuit et Mme Sophie Primas, qui a été nommée le 21 septembre ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l'étranger.

Les candidatures de M. Didier Mandelli et Mme Anne Chain-Larché ont été publiées et leur désignation aura lieu conformément à l'article 2 bis du Règlement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Nadège Havet applaudit également.)

Remplacement d'un juge à la Cour de justice de la République

M. le président.  - À la suite de la cessation du mandat de sénateur de M. Thani Mohamed Soilihi qui a été nommé secrétaire d'État chargé de la francophonie et des partenariats internationaux, acte est donné de la fin de ses fonctions de juge titulaire à la Cour de justice de la République.

En application de l'article 6 de la loi organique du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République, sa suppléante, Mme Patricia Schillinger, devient juge titulaire.

Nous pourrions organiser le scrutin pour l'élection d'un nouveau juge suppléant le mardi 29 octobre de 14 h 30 à 15 heures en salle des Conférences. Le délai limite pour le dépôt des candidatures à la Présidence serait fixé au lundi 28 octobre à 15 heures.

Il en est ainsi décidé.

Simplification de la vie économique (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi de simplification de la vie économique.

Explications de vote

M. Fabien Gay .  - (Applaudissements sur quelques travées du groupe CRCE-K) En juin dernier, nous étions saisis de ce projet de loi dont le but annoncé était de créer un choc de simplification. Sa mesure phare, la fiche de paie simplifiée, a été détricotée. C'est heureux ! Celui qui a eu cette idée à Bercy n'avait jamais géré une entreprise ni établi une fiche de paie !

Mme Pascale Gruny.  - C'est clair !

M. Fabien Gay.  - Même le Medef y était opposé...

Les habilitations à légiférer par ordonnance ont été supprimées.

Ne reste qu'un texte un peu creux, sans fil rouge, empilant diverses mesures disparates.

Le nouveau Gouvernement souhaite-t-il aller au bout de l'examen de ce texte ? La droite sénatoriale, désormais au Gouvernement, le défendra-t-elle ?

Ce texte illustre un cap politique largement désavoué lors des élections : rien pour les salariés, les syndicats, l'environnement, le droit social... Les travailleurs, surtout les plus précaires, en font les frais.

Dans le domaine environnemental, on va de renoncement en renoncement environnemental - un contresens historique. Alors que nous sommes déjà confrontés aux terribles effets du changement climatique, vous proposez de faciliter l'installation de giga data centers énergivores en dérogeant au droit environnemental.

Il est impensable de revenir à cette conception archaïque de l'économie. Les conquis sociaux et la défense de la biodiversité ne sauraient être de simples variables d'ajustement.

Or la France souffre d'une absence de politique industrielle claire et efficace. Il ne suffit pas de distribuer l'argent public - plan de relance, France 2030, dispositifs d'accompagnement des entreprises, pour 182 milliards d'euros - pour construire une politique industrielle. (M. Pascal Savoldelli renchérit.)

On connaît le résultat : beaucoup de communication, d'annonces, mais une seule gigafactory créée, pour 2 000 emplois, contre 162 plans de licenciement qui menacent 100 000 emplois.

Pour les droites coalisées, l'entreprise, c'est le patronat et les actionnaires, pas les travailleurs. L'intelligence et la créativité ouvrière montrent que l'on devrait pourtant les écouter et les associer à la gestion de leur entreprise et du pays.

Nous voulons un moratoire immédiat sur tous les plans de licenciements en cours. On ne peut pas mener une politique industrielle audacieuse en supprimant des milliers d'emplois. Nous ne sommes pas condamnés à assembler des pièces usinées aux quatre coins du monde !

Il est temps d'amorcer une croissance vertueuse. Les aides publiques doivent être assorties de garanties pour l'emploi et l'environnement. Une entreprise qui délocalise doit rembourser. Cessons de demander plus aux travailleurs qu'à des grands groupes gavés d'argent public.

À quand l'examen d'un texte responsabilisant les donneurs d'ordre ? Les grands groupes considèrent leurs sous-traitants comme des variables d'ajustement de leur profit. Je salue les salariés de MA France, à Aulnay-sous-Bois, en grève depuis six mois. Stellantis, leur donneur d'ordre, a décidé de délocaliser les pièces embouties en Turquie, et le patron italien de l'usine leur propose 15 000 euros, pour trente ans de bons et loyaux services !

Le groupe CRCE-K votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; exclamations sur quelques travées du groupe Les Républicains) Ce projet de loi, présenté comme un texte de justice sociale pour les TPE et PME, n'est qu'un fourre-tout de mesures qui arrangent les grands groupes. Ainsi de la dérogation à l'allotissement pour l'éolien en mer, qui pénalise les PME, transformées en sous-traitants et non en cotraitants.

Le texte n'allège pas la charge administrative qui pénalise les PME par rapport aux grands groupes. Quant à la tentative de modification du bulletin de paie - marotte du Gouvernement, que personne n'a jamais demandé - son objectif, idéologique, était de s'attaquer au salaire socialisé, en faisant disparaître les droits et risques couverts par les contributions sociales, ainsi que le montant croissant des exonérations.

Idem pour la suppression du droit d'information des salariés en cas de vente de l'entreprise, au mépris du risque juridique et de la possibilité offerte aux salariés de reprendre leur entreprise introduite par la loi Hamon. Selon un rapport du Sénat, 30 000 entreprises disparaissent chaque année faute de repreneurs.

Vous refusez de voir qu'une entreprise, c'est aussi ses salariés. Le Haut Conseil à la simplification ne comprend que les représentants des entrepreneurs. La simplification, pour la droite, c'est la dérégulation du droit social, le détricotage du droit de l'environnement et la fin de l'ambition écologique.

Un article vide de sa substance la compensation environnementale du principe « éviter, réduire, compenser » des projets à fort impact sur la biodiversité. Fin de l'obligation de résultat, simple obligation de moyens, renvoyée à un « délai raisonnable », alors que les atteintes au milieu et aux habitats peuvent être irréversibles immédiatement. L'indice de risque d'extinction des espèces a doublé en métropole en vingt ans, la plus forte augmentation en Europe, alors que seuls 20 % des habitats naturels d'intérêt communautaire sont en bon état.

Les 66 000 hectares artificialisés chaque année, la loi ZAN à peine adoptée, ne vous arrêtent pas : le dispositif d'intérêt national majeur est étendu aux data centers, grands consommateurs de terres agricoles ou naturelles, sous couvert de souveraineté économique.

Dans sa précipitation, le Gouvernement modifie des dispositions du code minier pas encore entrées en vigueur, mettant en péril l'une des dernières forêts primaires, en Guyane.

Levée des normes, participation à la politique austéritaire du Gouvernement, recherche d'économies pour compenser les offres aux grands groupes : voilà votre logique.

Puisqu'il manque des magistrats administratifs, on élargit les fonctions des magistrats honoraires !

In fine, ce projet de loi écrit dans la précipitation est celui d'un Gouvernement qui avance à tâtons, sans étude d'impact.

Sa seule logique est la suppression de normes environnementales. Véritable retour du refoulé anti-écologique, c'est un cadeau aux grands groupes, auquel le GEST s'opposera. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées des groupes CRCE-K et SER)

M. Michaël Weber .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je savais le Président de la République grand lecteur d'André Gide, mais je ne savais pas qu'il inspirait ses ministres : « Tant pis pour le lecteur paresseux : j'en veux d'autres. Inquiéter, tel est mon rôle ». Si le romanesque admet cette complexité qui dans ses scories y dévoile toute sa profondeur, cela ne doit pas être le cas de nos textes, dont la clarté est une caryatide pour notre démocratie. Dès 1999, le Conseil constitutionnel reconnaissait la valeur constitutionnelle des principes d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.

Simplifier est donc un objectif des plus louables, alors que le poids des normes s'élève à 44,1 millions de mots. Cependant, sous couvert de rigueur, le Gouvernement inquiète. Derrière de belles intentions se cachent des idoles.

Le coup de grâce fut porté au droit d'information des salariés, à la protection de la biodiversité, à la libre administration des collectivités territoriales. Je pourrais en dire plus, tant ce texte composite est informe.

Dans ce foisonnement de dispositions censément simplificatrices, trois exemples de confusion, entre simplification et régression. L'article 7, même supprimé, nous hante encore. La fiche de paie n'est pas compréhensible ? Supprimons ses lignes, plutôt que de les expliquer. L'article 18 supprime l'obligation de résultat pour la défense de la biodiversité. Les articles 15 à 21 multiplient les recours au dispositif d'intérêt national majeur permettant de déroger au droit de l'urbanisme.

Bref, cette simplification ne bénéficie qu'aux grandes entreprises, et rien de plus. Elle « rationalise » à tout prix, et pose en vitesse un semblant de nouveauté sur des sujets non urgents.

Malgré les réticences du Conseil d'État, nous fut présenté un texte tout droit venu de Bercy, mais sans ministre pour le défendre.

M. Le Maire se targuait de simplifier la fiche de paie et se posait en sauveur de la France.

M. Mickaël Vallet.  - Il est en Suisse !

M. Michaël Weber.  - Désormais, la France stagne à AA et le dérapage des finances publiques fait l'objet d'une commission d'enquête.

Monsieur le ministre, que signifie le terme de simplification dans votre intitulé ? Vous disiez vouloir « débureaucratiser » les services publics régionaux. (M. Guillaume Kasbarian le confirme.) Tant de néologismes pour arriver au même résultat : le superflu. En « simplifiant » par pure émanation de la pensée et non à droit constant, la plume ajoute du futile et raye du nécessaire. Mme Grégoire nous disait : « Évitons la loi bavarde, les entrepreneurs en bavent. » Je vous dirai, moi : « Évitons les lois bâclées, les citoyens en blêmissent. »

Le groupe SER votera contre ce projet de loi du Mozart de la finance. (Bravos et applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et sur quelques travées du groupe CRCE-K)

M. Christopher Szczurek .  - « Qu'on arrête un peu d'emmerder les Français avec de nouvelles lois, de nouvelles obligations et surtout de nouvelles interdictions », disait le président Pompidou.

En effet, le poids grandissant des normes sur l'activité économique, sur les ménages et sur les collectivités est souvent du fait du législateur.

Selon l'OCDE, le coût des normes avoisine les 3 % du PIB.

Nous rejoignons votre constat, mais ce texte fourre-tout déçoit.

Il traite à la fois de la facilité d'installation des débits de boissons, des infrastructures de télécommunications, de la commande publique... Plus étonnant, il prévoit une énième facilité pour les énergies prétendument renouvelables. Dans mon département, portées par un lobby, les éoliennes se sont développées, grâce à des financements massifs. Pourquoi soutenir encore ce secteur qu'on ne peut pas dire lesté de blocages ?

Quant aux mesures visant à faciliter la recherche scientifique, elles posent des questions de bioéthique.

Comme d'habitude, on pourrait espérer que les bonnes lois chassent les mauvaises. L'effort de simplification gagnerait à être systématisé et à porter sur des domaines précis. Nous ne pouvons soutenir un texte comprenant trop de mesures inadéquates. Nous voterons contre.

M. Emmanuel Capus .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Ludovic Haye applaudit également.) Loi de simplification, projet ambitieux qui sonne comme un oxymore.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Après les allitérations, les oxymores !

M. Emmanuel Capus.  - Le nombre d'amendements déposé est une illustration de notre volonté de simplifier.

Ce projet de loi fut le dernier instrument législatif de simplification après les lois Pacte, Asap et la loi Essoc sur le droit à l'erreur.

Les normes sont devenues trop nombreuses : la complexité normative nous coûterait trois points de PIB.

Même l'administration finit par s'y perdre. En vingt ans, le volume des normes a plus que doublé. Nous ne pouvons donc que soutenir les simplifications, comme la procédure de rescrit.

Nous devons améliorer la lisibilité du droit. Relèvements de plafond pour la concentration des entreprises, délais raccourcis, dérogations notamment en matière de marchés publics sont bienvenus. Mais il ne faut pas multiplier les dérogations : si elles simplifient la vie des personnes concernées, elles complexifient le droit.

Le volume du droit en vigueur a augmenté de 20 %, aussi devons-nous veiller à mieux légiférer pour moins légiférer. Des principes simples font gagner du temps ; l'un d'entre eux consiste à affirmer que le silence de l'administration vaut acceptation. Cependant, les dispositions réglementaires tendent à le renverser... Nous nous félicitons donc de l'adoption du nouvel article 3 bis porté par Dany Wattebled.

Certains ont mis en doute le caractère simplificateur de ce texte, mais il s'agit là d'un travail de longue haleine. C'est en amont que le législateur doit se préoccuper de simplification.

Selon Saint-Exupéry, « la perfection est atteinte, non pas quand il n'y a plus rien à ajouter, mais lorsqu'il n'y a plus rien à retirer ».

Ne concentrons pas l'action publique sur la création de normes : bannissons les lois d'émotion, légiférons moins, pour une loi plus durable. L'inflation normative affaiblit nos institutions. Nous croulons sous le poids des 354 000 lois et décrets en vigueur. « On reconnaît la décomposition d'un État à la surabondance de ses lois », écrivait Tacite. D'autres textes de simplification devront suivre.

Nous savons le Gouvernement attaché à l'objectif de simplification ; le groupe INDEP votera sans réserve en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Bernard Buis applaudit également.)

M. Rémy Pointereau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous devions procéder au vote de ce texte le 11 juin dernier, dans un large consensus ; la dissolution en a voulu autrement.

Nous n'avions eu que trois semaines pour examiner le texte, mais nous aurons eu quatre mois pour le voter. J'espère que nous le voterons, car il est encore plus nécessaire de libérer la croissance dans le contexte actuel des finances publiques.

J'associe à mes propos les rapporteurs, Catherine Di Folco et Yves Bleunven, et le président de la délégation aux entreprises, Olivier Rietmann.

Le projet de loi s'appuie sur de nombreux travaux du Sénat, qui a adopté 91 amendements en commission, 101 en séance. C'est une base solide pour les futures discussions à l'Assemblée nationale.

Nous avons relevé le défi de la simplification sans renoncer à exercer notre mission de législateur. Nous avons complété l'article visant à simplifier les normes à l'avenir : le test PME, issu de la proposition de loi Rietmann, est une mesure essentielle pour gérer le flux des normes.

Nous ne pouvons pas traiter tout le stock, mais saluons l'ouverture de l'accès à la commande publique. Nous avons facilité les relations avec les assurances ainsi que la transmission des TPE et PME.

Nous avons adopté des mesures au bénéfice des commerçants, notamment pour favoriser la réouverture de commerces de proximité dans les petites communes. La ruralité est trop souvent oubliée. Nous avons complété les dispositions relatives à la banque et l'assurance pour rééquilibrer les rapports de force et simplifié les obligations en matière de compensation des atteintes à la biodiversité - répondant à une attente forte dans nos territoires.

Dans le domaine des télécommunications, les mesures n'ont pas grand-chose à voir avec la simplification, mais aideront à lutter contre la spéculation foncière.

Dans le secteur de l'énergie, la commission spéciale a soutenu les mesures relatives au droit minier et aux installations d'énergies renouvelables. Ses travaux sont utilement complétés par ceux du groupe de suivi sur le ZAN.

Nous n'avons pas abordé les domaines de l'agriculture et du logement, où il est pourtant urgent de simplifier, car ils feront l'objet de textes ad hoc, dont le Sénat souhaite être saisi au plus vite.

Nous avons refusé les mesures faussement simplificatrices - relatives au bulletin de paie, par exemple.

Les mesures de portée générale reposaient trop souvent sur des ordonnances larges et floues, qui auraient dessaisi le Parlement de ses compétences. On nous annonçait un rendez-vous annuel de simplification, désormais plus difficile, et on nous promettait que l'administration travaillerait à la simplification des normes légales et réglementaires.

Ce travail doit être poursuivi et ses conclusions présentées au Parlement. Si des mesures précises sont adoptées à l'Assemblée nationale - et non des ordonnances - nous les examinerons avec intérêt.

Nous avons ouvert la voie pour les lois de simplification à venir. Le texte doit poursuivre son parcours à l'Assemblée nationale, où nous espérons que les apports du Sénat seront conservés. Nous sommes prêts à travailler avec vous, monsieur le ministre.

Le groupe Les Républicains votera ce texte, dans l'attente de travaux futurs. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Vincent Louault applaudit également.)

Mme Nadège Havet .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le 16 octobre, France Info titrait : « Avec 74 codes juridiques et 1 800 formulaires Cerfa, la simplification administrative, c'est compliqué ». Simplifier, dans notre pays légicentriste, est difficile mais n'en reste pas moins nécessaire.

Avec plus de 400 000 normes, la France se classe au deuxième rang des pays où la bureaucratie est la plus complexe. Au législateur de forcer sa nature pour lutter contre cette autre inflation !

Il faut simplifier sans déréguler, sans recomplexifier. Appliquer les règles existantes, former ceux auxquels elles s'adressent.

Le coût des normes est estimé à 84 milliards d'euros par an. Elles pèsent sur l'activité des entreprises et créent de la désespérance chez les travailleurs et de la défiance vis-à-vis des parlementaires.

Il est urgent de passer d'un principe de contrôle à un principe de confiance. Ce texte, largement amendé et coconstruit, est la deuxième étape du travail parlementaire entrepris dernièrement, après la proposition de loi d'Olivier Rietmann sur le test PME, réintégrée au projet de loi par amendement. Nous y sommes très favorables.

Sur la simplification annoncée du bulletin de paie, mieux vaut procéder par voie réglementaire.

Sur l'article 6, mon groupe défendait un compromis - ce qu'avait souhaité Olivia Grégoire en pointant le risque d'inconventionnalité.

Nous avons souhaité accroître la maîtrise des élus locaux sur leur foncier, avec des mesures sur les zones commerciales visant à faciliter la requalification et le déplacement d'une activité commerciale le temps des travaux.

Plusieurs amendements ont conforté l'obligation pour les opérateurs téléphoniques de privilégier le partage de sites et de pylônes afin de ne pas multiplier les implantations.

Sur la commande publique, nous avons relevé à 100 000 euros le seuil de dispense de procédure de publicité et de mise en concurrence.

Enfin, plusieurs amendements ont ouvert des dérogations au PLU.

Lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a affirmé vouloir reprendre le chantier de la simplification. Nous partageons cette volonté et souhaitons que ce texte soit rapidement examiné par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) L'inscription de ce texte sur le temps du Gouvernement est respectueuse du travail parlementaire.

Sur le fond, ce texte comporte des mesures pertinentes et bienvenues pour le monde économique, d'autant qu'il donne une large place aux propositions émanant des entreprises. Le RDSE a porté des amendements de consensus, notamment de Raphaël Daubet et Nathalie Delattre, visant à faciliter les formalités pour le bénéfice d'un taux réduit de TVA. Je salue également l'amendement transpartisan porté par Éric Kerrouche, qui généralise l'expérimentation du recours à un prestataire pour le recensement de la population.

Les mesures facilitant les relations entre entreprises et administration étaient attendues. Les recommandations de notre mission d'information sur le foncier économique ont été reprises. Le principe du « silence vaut acceptation » va dans le bon sens, tout comme le renforcement de la médiation ou l'augmentation du nombre de juges des référés.

J'ai émis des réserves sur certaines mesures, dont l'article 16 qui porte une atteinte disproportionnée aux droits des soumissionnaires à la commande publique et handicape les TPE et PME. J'ai également alerté sur l'article 6 qui réduit l'information préalable des salariés en cas de cession de leur entreprise : la simplification ne doit pas être moins-disante pour les salariés.

Le rehaussement du seuil d'exonération de publicité et mise en concurrence devra être évalué. Je m'interroge également sur la pertinence de légiférer sur le ZAN, alors que le groupe de suivi sénatorial vient de rendre son rapport et que le Premier ministre a promis des assouplissements. En la matière, il nous faut coconstruire une solution globale, durable, gage de sérénité et de sécurité juridique.

Sur la forme, la simplification législative suppose d'abord d'identifier l'essentiel, sans forcément modifier l'esprit des lois simplifiées. En la matière, tout ne passe pas par la loi, mais le plus souvent par l'exécution. Il faut capitaliser sur l'existant. Les lois de simplification passées ont conduit à augmenter le corpus de normes, et la temporalité législative n'est pas celle des entreprises.

Parler de simplification revient à dépolitiser les choix opérés et brouille le message auprès des entreprises. Ainsi, alléger les contraintes liées à la transition énergétique et écologique traduit une certaine vision de la place des entreprises dans cette transition ; au législateur de l'affirmer clairement. C'est pourquoi j'avais proposé - en vain - de modifier l'intitulé du texte.

Reste que ce texte, large et composite, traduit le soutien du Sénat aux acteurs de l'économie. Le RDSE, dans sa pluralité, votera principalement en sa faveur. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Bernard Buis applaudit également.)

M. Yves Bleunven .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les aléas de la vie politique font que nous votons un projet de loi examiné « en urgence » il y a plus de trois mois. Situation cocasse, qui ne doit pas faire oublier la véritable urgence à simplifier nos procédures et contrôles, et surtout notre état d'esprit.

Une cure de simplification s'impose, sachant que le coût des normes est estimé à 84 milliards d'euros - 3% du PIB ! Nous devons lancer un plan Marshall de la simplification. Ce projet de loi apporte sa pierre à l'édifice, mais il reste du travail, d'autant que tout ne passe pas par la loi.

Nous n'avions pas caché notre désarroi lors de la présentation de ce texte hétéroclite et disparate. Dans cette cacophonie de mesures, le Sénat a fait entendre sa voix et a inclus la proposition de loi de M. Rietmann sur les tests PME. La commission spéciale a aussi adopté plusieurs mesures de simplification pour les commerçants : mensualisation des loyers commerciaux, encadrement des dépôts de garantie, assouplissement de la politique d'aménagement commercial. Simplifier, c'est faire preuve de bon sens pour soutenir la croissance !

Nous avons adopté une mesure favorisant la réouverture de cafés et bistrots dans les petites communes. La ruralité est trop souvent oubliée de nos politiques publiques - mais jamais des sénateurs. (Sourires) Simplifier, c'est améliorer la vie des Français partout sur le territoire.

S'agissant du ZAN, nous avons exclu du décompte de l'artificialisation tous les projets d'intérêt national majeur et les aménagements liés. Simplifier, c'est mettre l'action publique au service de la croissance et de la réindustrialisation.

Nous avons aussi intégré des mesures de la proposition de loi de Patricia Demas sur les infrastructures de télécommunications. Espérons que l'engagement du Sénat en faveur de la régulation de la spéculation des baux, de la mutualisation des infrastructures et d'une meilleure information des élus locaux trouvera un écho favorable à l'Assemblée.

Dans le secteur de l'énergie, la commission a soutenu des mesures de simplification du droit minier et favorisé le déploiement d'installations de production d'énergies renouvelables, en cohérence avec la proposition de loi de Daniel Gremillet adoptée la semaine dernière.

Défenseur des prérogatives du Parlement, le Sénat s'est opposé à la suppression de la commission supérieure du numérique et des postes, composée de parlementaires. Impossible d'accorder autant d'habilitations à légiférer par ordonnance si le Gouvernement ne précise pas sa volonté de réforme. Si les intentions sont claires, nous sommes prêts à travailler à vos côtés. Soyons constructifs ensemble. Le chantier de la simplification nécessitera des travaux récurrents.

Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Scrutin public solennel

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°19 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 335
Pour l'adoption 232
Contre 103

Le projet de loi est adopté.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Guillaume Kasbarian, ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l'action publique .  - Au nom du Gouvernement, je vous remercie pour l'adoption de ce projet de loi. Je salue le travail de concertation préalable mené sous la précédente législature par Olivia Grégoire et Bruno Le Maire ainsi que la mobilisation des acteurs.

Ce texte est le fruit d'une prise de conscience désormais partagée. Nous devons cesser de bureaucratiser à outrance. Nous sommes convaincus que la simplification est un gisement majeur d'économies et de croissance. Dans la continuité des lois Asap et Industrie verte, ce projet de loi redonnera de l'oxygène à nos entreprises. Je salue le test PME, véritable bouclier normatif pour contrôler le flux de normes.

Grâce à des mesures ciblées, nous poursuivrons la dynamique de réindustrialisation et améliorerons le quotidien de nos artisans. Je salue le président Pointereau et les rapporteurs Bleunven et Di Folco.

Ce vote est un souffle d'espoir. Nous irons le plus loin possible dans cette cure de simplification. Comptez sur l'engagement du Gouvernement pour continuer de débureaucratiser à tous les étages. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

La séance est suspendue à 16 h 30.

Présidence de M. Dominique Théophile, vice-président

La séance reprend à 16 h 35.

Mises au point au sujet d'un vote

Mme Pascale Martin.  - Lors du scrutin public n°18 sur la proposition de loi Gestion des compétences eau et assainissement, je souhaitais ne pas prendre part au vote, tout comme Jean-François Longeot, Annick Jacquemet, Claude Kern, Patrick Chauvet et Catherine Morin-Desailly. Amel Gacquerre souhaitait s'abstenir.

Acte en est donné.

Désignation de vice-présidents

M. le président.  - Je rappelle au Sénat que le groupe Les Républicains a présenté la candidature de M. Didier Mandelli et de Mme Anne Chain-Larché pour remplacer, en qualité de vice-présidents du Sénat, M. Mathieu Darnaud et Mme Sophie Primas.

Le délai prévu par l'article 2 bis du règlement est expiré. La Présidence n'a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame M. Didier Mandelli et Mme Anne Chain-Larché vice-présidents du Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Commissions (Nominations)

M. le président.  - Ont été publiées des candidatures pour siéger au sein de la commission des affaires économiques, de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport, de la commission des finances, de la commission des lois, de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, et de la délégation aux entreprises.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Modification de l'ordre du jour

M. le président.  - À la demande du Gouvernement, le débat sur le plan budgétaire et structurel national à moyen terme et sur l'orientation des finances publiques, initialement prévu le mardi 29 octobre le soir, serait reporté au mercredi 30 octobre le soir. Nous pourrions en conséquence fixer le délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes au mardi 29 octobre à 15 heures.

Il en est ainsi décidé.

Résultats de la gestion et approbation des comptes de l'année 2023 (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023.

Discussion générale

Mme Marina Ferrari, ministre déléguée chargée de l'économie du tourisme .  - Veuillez excuser M. Saint-Martin, retenu à l'Assemblée nationale par le projet de loi de finances.

Le projet de loi de règlement et d'approbation des comptes arrête le montant des dépenses et des recettes de l'État, décrit les opérations de trésorerie et ratifie les opérations ayant affecté l'exécution du budget.

La Lolf a prévu son examen avant celui du projet de loi de finances de l'année suivante ; la réforme de 2021 a fixé sa date limite de présentation au 1er mai. Ce texte a été présenté le 17 avril en Conseil des ministres, mais la dissolution n'a pas permis son examen avant ce jour. Dans ce contexte particulier, je remercie la DGFiP, les directions du trésor et du budget pour leur travail.

Plus qu'un exercice de style, c'est un moment important du contrôle parlementaire. Le projet de loi constate la réalisation des dépenses et des recettes, afin de bâtir en connaissance de cause le prochain budget.

Pour l'exercice 2023, le déficit public s'élève à 5,5 % du PIB, contre 4,8 % en 2022 et 4,9 % prévus dans la loi de fin de gestion pour 2023 et la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 (LPFP). Le solde budgétaire s'établit à moins 173 milliards d'euros, soit une dégradation de 1,7 milliard par rapport à la prévision.

Cet écart s'explique d'abord par une croissance du PIB en volume inférieure à la croissance potentielle.

Ensuite, par la faible dynamique des recettes : baisse des recettes d'impôt sur le revenu de 0,4 milliard d'euros, entre le remboursement de trop-versés, le ralentissement des recettes de prélèvement à la source et la chute des recettes d'impôt sur les plus-values immobilières ; baisse de l'impôt sur les sociétés de 3,3 milliards d'euros par rapport à 2022, liée au contexte macroéconomique moins favorable ; baisse de recettes de la part État de la TVA budgétaire de 5,6 milliards d'euros, le chiffre d'affaires des entreprises sur 2023 progressant moins vite que l'inflation.

Enfin, par le maintien de mesures de soutien face à l'inflation, pour 25,1 milliards d'euros : le bouclier sur le gaz pour 2 milliards d'euros, le bouclier électricité pour 8,8 milliards, la compensation aux fournisseurs des baisses de tarif pour 15,5 milliards.

Notez que la baisse de ces ressources a été en partie compensée par une maîtrise des dépenses inférieures de 6,4 milliards d'euros par rapport aux prévisions, preuve des efforts engagés dès 2023.

Le rejet par le Parlement des projets de loi de règlement pour les exercices 2021 et 2022 ayant empêché l'affectation des résultats de ces exercices, la DGFiP les a intégrés provisoirement sur une ligne ad hoc, pour un total de 302,1 milliards d'euros de déficit. Un rejet par le Sénat contraindrait à affecter le résultat de 2023 sur cette même ligne provisoire, portant son total à un déficit de 427 milliards d'euros.

Cette situation nuit à la lisibilité du bilan de l'État. C'est pourquoi les articles 7 et 8 du texte vous proposent de régulariser ces écritures.

Un amendement du Gouvernement à l'article liminaire intègre les dernières révisions des comptes nationaux publiés par l'Insee.

Ce texte technique est une photographie de l'exécution budgétaire de l'année passée. Le voter ne revient pas à cautionner la politique du Gouvernement, mais à prendre acte d'une exécution budgétaire.

Il permettra d'éclairer nos débats sur le PLF pour 2025.

Comme l'a rappelé le Premier ministre, notre volonté est de ramener le déficit à 5 % en 2025, et sous les 3 % en 2029. Je sais que nous partageons tous cet impératif pour les générations futures.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances .  - Nous examinons ce projet de loi de règlement - le premier sous cette forme depuis la réforme de la Lolf - bien plus tard que prévu, en raison de la dissolution. Heureusement, la commission des finances s'était saisie dès mars du sujet du dérapage budgétaire en 2023.

L'activité en France a atterri en douceur avec une croissance de 1,1 % en 2023, en ligne avec les prévisions initiales du Gouvernement. Cette performance est supérieure à celle de la zone euro, qui est de 0,5 point ; mais la croissance cumulée depuis 2017 n'est que de 8,4 %, contre 10 % pour la zone euro. Pas de quoi fanfaronner.

Malgré une prévision de croissance respectée, le déficit public a largement dérapé pour atteindre 5,5 points de PIB.

Nous en avons expliqué les causes dans les conclusions de notre mission d'information sur la dégradation des comptes publics : erreurs inédites de prévisions de recettes, élasticité des prélèvements obligatoires au PIB historiquement faible. Résultat, 2023 est l'année où le déficit a été le plus élevé, hors crise, depuis le début de la Ve République. On peut parler de sortie de route dès la première année de la LPFP 2023-2027. Les conséquences, nous les payons avec un déficit encore plus dégradé en 2024. C'est historique.

Le déficit public est essentiellement dû à l'État - c'est une constante depuis 2017. À 173 milliards d'euros, le déficit de l'État est supérieur de 8 milliards au montant prévu en loi de finances initiale. Il rejoint les niveaux atteints en 2020 et 2021, en pleine crise sanitaire. Inacceptable.

L'argument de la chute des recettes en fin d'année n'est qu'un paravent ; les prévisions de recettes avaient été fixées à un niveau trop élevé. L'héritage des années Le Maire-Macron s'est traduit par une explosion de l'endettement. Bientôt, nous devrons rembourser plus de 200 milliards d'euros de dettes chaque année.

En 2023, le temps des bonnes surprises a pris fin, avec une diminution des recettes de plus de 6 milliards d'euros. Les recettes de l'impôt sur le revenu baissent de 0,4 milliard d'euros, celles de l'impôt sur les sociétés, de 5,3 milliards, après des estimations très exagérées. Si l'on neutralise l'effet du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), les montants de 2017, 2019, 2021 et 2023 sont similaires : la baisse du taux n'a donc pas augmenté le produit de cet impôt, n'en déplaise au précédent ministre de l'économie.

Quant à la TVA, elle baisse de 5,6 milliards d'euros, du fait de transferts de parts.

S'agissant du respect de l'autorisation budgétaire, il manque 7,7 milliards d'euros par rapport à la loi de fin de gestion. Nous avons un vrai problème de prévision des recettes fiscales. Le ministre souhaite s'en saisir : nous l'approuvons, même si les erreurs des modèles techniques ont été amplifiées par les arbitrages et la communication abusive du précédent gouvernement.

Aucun effort en dépense n'est venu compenser les chutes de recettes et la gestion budgétaire est restée laxiste. Les dépenses nettes ont encore progressé de 1,9 milliard d'euros entre 2022 et 2023, malgré la fin de plusieurs dispositifs d'urgence. Aucune économie budgétaire n'a été proposée et les dépenses exceptionnelles ont été plus que remplacées par les dépenses courantes, en totale inconscience.

Depuis 2017, les dépenses de l'État ont augmenté de 16 %, soit deux fois plus que sous François Hollande ; sous Nicolas Sarkozy, elles étaient restées quasi stables. Et le PLF 2024 prévoyait une hausse de toutes les missions budgétaires, hormis la mission « Anciens combattants » !

S'agissant du suivi de la performance, nous sommes en présence d'un cas clinique, et pathologique, de bureaucratisation. Les indicateurs sont trop nombreux, inadaptés et inexploitables. Presque un sur trois n'a pas de cible quantitative. J'appelle une fois de plus à une remise à plat.

Sans surprise, je vous propose de ne pas adopter ce projet de loi. Certes, il ne fait que constater les résultats d'une gestion passée ; toutefois le niveau des déficits et l'écart entre l'autorisation parlementaire et l'exécution budgétaire doivent être sanctionnés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Christian Bilhac applaudit également.)

M. Grégory Blanc .  - Quels sont les effets de la gestion passée sur le temps présent, et au regard de la trajectoire budgétaire ?

Le passé est simple, factuel : des baisses d'impôts depuis 2017, puis des dispositifs covid et anti-inflation indispensables, financés par la croissance - un peu - et par l'endettement - beaucoup. Or 2023 a vu le maintien de ces dispositifs, le début du retournement du cycle et surtout l'arrêt des facilités financières. L'effet ciseau a été rude.

Dans une logique de bonne gestion, les patrimoines ayant artificiellement profité des liquidités généreusement distribuées auraient dû être mis à contribution. Aucunement. La majorité a laissé les comptes dériver. Le déficit passe de 4,8 % du PIB en 2022 à 5,5 % en 2023, avec un écart de 11 milliards d'euros entre le prévisionnel et le résultat final, alors même que les dépenses ont été plus faibles que prévu - notamment du fait d'un report de crédits consacrés à la transition écologique.

L'exercice 2023 est-il un exercice de bonne gestion ? Non ! Répond-il à nos enjeux, notamment face au défi écologique ? Non !

Voilà qui suffit pour voter contre le projet de loi. Mais pire. En 2023, le bloc libéral a camouflé le dévissage des comptes en validant - par 49.3 - un PLF biaisé d'entrée de jeu. Le pouvoir a refusé de reconnaître l'inversion du cycle économique et monétaire et donc la nécessité de changer de politique. Plus que la « stabilité fiscale », prônée du bloc libéral jusqu'aux réactionnaires, la confiance suppose de la lisibilité pluriannuelle.

En naviguant à vue, les gouvernements successifs ajoutent de la gravité à la gravité. Il faut attaquer le déficit primaire, assainir les comptes et rembourser les dettes.

L'effort à fournir, en intégrant les coûts de la transition écologique, est de 150 à 160 milliards d'euros à l'horizon 2028. Nous en sommes loin.

Vous ferez soit une belle dentelle, soit du report de crédits en baissant la couverture sociale des Français. Le choix des libéraux et des conservateurs est connu : baisse de la protection sociale et hausse de la TVA payée par tous.

En définitive, nous aurons eu en 2023 et 2024 le maintien de baisses d'impôts qui ont permis à certains de s'enrichir éhontément et l'explosion de la dette ; dans les années suivantes, l'augmentation des impôts pour tous. Nous sommes contre les injustices : nous rejetons le résultat de cette gestion. (M. Pierre-Alain Roiron applaudit.)

Mme Isabelle Briquet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous y sommes : la catastrophe annoncée trouve ici sa traduction. Ce n'est pas faute d'avoir dénoncé la théorie du ruissellement. Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce texte atteste de l'inefficacité des politiques menées et de l'impasse fiscale des différents gouvernements depuis 2017.

Estimé à 5,5 % du PIB, le déficit de l'État s'est aggravé de 80 milliards d'euros par rapport à 2019. Hors crise, un tel niveau n'avait jamais été atteint sous la Ve République. L'écart entre prévision et exécution est, lui aussi, inédit : sur les 25 dernières années, un tel écart n'a été atteint qu'en 2008, lors de la crise financière.

En 2023, il ne s'agit pas d'une erreur dans la prévision de croissance, mais bien de recettes fiscales du budget général en nette régression, passant de 330,3 milliards d'euros en 2022 à 322,9 milliards d'euros en 2023. Entre 2017 et 2023, la part des recettes publiques dans le PIB a diminué de 2,7 points, alors que celle des dépenses n'a reculé que de 0,7 point. Le déficit n'a pas été creusé par une hausse des dépenses, mais par une baisse irrationnelle des recettes. Chaque année, il manque 62 milliards d'euros dans les caisses de l'État, grâce aux cadeaux fiscaux offerts aux plus aisés et aux grandes entreprises.

La charge de la dette s'établit à 53,9 milliards d'euros en 2023, soit 3,2 milliards d'euros de plus qu'en 2022. En 2023, le facteur déterminant n'est plus l'inflation, mais la progression du volume et du taux de la dette de court terme.

Le déficit actuel reflète les échecs de la politique budgétaire et fiscale menée depuis 2017. En mai dernier, l'ancien ministre de l'économie avait parlé de « perfect storm » pour qualifier cet incident financier, qui n'était pas censé se reproduire...

L'année où le PIB diminuait à cause de la crise sanitaire, Bruno Le Maire baissait les impôts, comme pendant la crise énergétique - alors que, dans le même temps, nos partenaires européens poursuivaient l'assainissement de leurs finances publiques. La France est à la 24e place sur 27 en matière de déficit public dans l'Union européenne.

Nos finances publiques sont à l'agonie, à cause de la politique obstinée du Président de la République et de son ancien ministre de l'économie.

Devant une telle situation, il fallait trouver un coupable : les collectivités territoriales ! Méthode aussi déplorable qu'habile pour les contraindre à renflouer un déficit qu'elles n'ont pas creusé.

Appauvrir l'État et les collectivités, c'est appauvrir les services publics - moins de sécurité, de soins, d'éducation  - , le fil rouge de cette majorité depuis sept ans.

Notre groupe partage l'objectif de maîtrise des finances publiques, mais ne cautionne pas cette politique libérale qui affaiblit l'État. Nous promouvons une taxation plus juste des hauts revenus, des gros patrimoines et des surprofits. C'est le désarmement fiscal qui explique nos difficultés budgétaires. L'année 2023 aurait pu être celle du redressement ; elle a été celle de l'effondrement de nos finances publiques.

Formellement, nous pourrions désapprouver la politique menée sans pour autant nous opposer à sa traduction comptable. Mais là aussi le bât blesse : la Cour des comptes note une atteinte au principe de l'annualité budgétaire, pour la troisième année consécutive, avec les reports de crédits.

Dans la continuité de nos votes précédents et en l'absence de toute amélioration, notre groupe rejettera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, et du GEST)

M. Stéphane Ravier .  - Nous voilà enfin au premier texte budgétaire de l'année, alors que de nombreux coups de rabot ont déjà été donnés à tort et à travers. Il y a manifestement une accoutumance du Gouvernement au mépris de la démocratie parlementaire et locale.

Pour la troisième fois d'affilée, nous allons rejeter la loi de règlement, sans que cela entraîne le moindre changement, alors que l'article 15 de la déclaration des droits de l'homme et du contribuable contraint tout agent public à rendre compte de son administration.

Les Français financent, l'État dépense. Cela ruine le consentement à l'impôt et grossit les rangs des gilets jaunes.

Bruno Le Maire est l'incarnation de l'échec de la parole publique. Après avoir arrêté l'économie française en 2020 et prétendu mettre l'économie russe à genoux - fantasme d'écrivain... -, il a finalement reconnu être à l'euro près. Bel aveu d'échec !

L'épidémie connaît un nouveau variant : le Delta, pour déficit. Nous en connaissons le responsable : le pangolin macroniste.

Le déficit budgétaire se creuse à 173 milliards d'euros en 2023. Vous affirmez que c'est pour financer le bouclier tarifaire, mais ce bouclier n'est que la conséquence des mauvais choix énergétiques de la macronie, dictés par son écologie punitive et son européisme béat.

Nouveauté 2023 : l'ampleur de l'écart entre prévision de déficit et réalité ! Tous ces signaux sont inquiétants, car ils montrent une situation durable.

Chers collègues des Républicains et du Rassemblement national, en vous associant aux héritiers de ce bilan désastreux, vous acceptez un chèque sans provision et vous rendez complices des menteurs. Pour ma part, je voterai résolument contre ce texte.

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) L'exercice 2023 est particulier : la fin de l'exercice 2022 est marquée par le début du dérapage du déficit, en raison de l'incapacité de Bercy à prévoir ses recettes et ses dépenses.

Petit retour en arrière : le 15 novembre 2023, l'Assemblée nationale adopte le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027. Le déficit public continuait d'être prévu à 4,9 % du PIB, alors qu'il s'établira à 5,5 % à peine six semaines plus tard... Fin 2023, le Sénat a lui aussi voté une loi de finances de fin de gestion dont les prévisions étaient en décalage de 7,8 milliards d'euros avec le déficit réel.

Depuis six ans, le Sénat rejette le projet de loi de règlement de l'année précédente. Sans conséquence. Alors à quoi bon un tel exercice ? Mettons fin à cette mascarade et instaurons un cadre financier pluriannuel contraignant. C'est le sens de ma proposition de loi constitutionnelle qui sera débattue le 14 novembre prochain.

Le réel, c'est quand on se cogne. Cet exercice 2023, et celui de 2024 je le crains, montrent que nous devons procéder à un changement systémique pour mettre un terme, dès 2025, à la spirale de ce déficit structurel sans fin, qui dure depuis quarante-trois ans.

L'effort que nous nous apprêtons à demander à nos administrations, à nos collectivités territoriales, à nos concitoyens, à nos entreprises est inédit. Il faudra être à la hauteur en faisant preuve de sérieux : ne pas alourdir les dépenses ni la fiscalité - dans un pays où elle est l'une des plus lourdes au monde.

En ce 22 octobre 2024, je forme le voeu que nous ne nous retrouvions pas chaque année pour rejeter le projet de loi d'approbation des comptes. D'ici là, en responsabilité, notre groupe s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Sans grande surprise, ce budget sera le troisième à ne pas être validé a posteriori.

Chaque année, le Gouvernement plaide pour l'adoption d'un texte technique ; c'est vrai, mais nous ne pouvons pas faire abstraction de son sous-jacent politique. Certes, ce n'est que le compte rendu de l'exécution du budget 2023. À ce stade, les parlementaires ne peuvent plus corriger la copie et se contentent de constater que l'autorisation parlementaire a été respectée. Le groupe Les Républicains ne donnera pas quitus au Gouvernement, car il refuse de cautionner les dérives de la gestion et les conséquences néfastes du « quoi qu'il en coûte ».

Je regrette que le ministre Saint-Martin ne soit pas au banc : la réforme de la Lolf qu'il avait portée devait réhabiliter la loi de règlement, d'abord par un changement de nom : plus de loi de règlement, mais une loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année, la LRGACA. Simplification donc ! (M. Jean-François Husson ironise.)

Changement de calendrier aussi, puisque le Gouvernement doit désormais déposer son projet de loi avant le 1er mai -  et non plus le 1er juin. Les délais ont été tenus par le gouvernement précédent. Mais, en pleine campagne des européennes, il n'a pas voulu mettre ces résultats sur la place publique, alors qu'il refusait tout budget rectificatif.

Organisé dans l'urgence -  puisque l'article 41 de la Lolf interdit de débattre du projet de loi de finances n+1 tant que la loi de règlement n-1 n'a pas été votée  - , ce débat est complètement tronqué. N'oublions pas la sagesse de Victor Hugo : « L'avenir est une porte, le passé en est la clé. » Il est loin, le printemps de l'évaluation qui devait nous permettre d'examiner de façon approfondie l'état des finances publiques dans un temps complètement distinct du PLF...

Ce texte comptable est d'une parfaite inutilité : son rejet à trois reprises est sans aucune conséquence, alors que cela n'était jamais arrivé - sinon en 1833. (M. Jean-François Husson s'en amuse.)

Le résultat patrimonial non approuvé des exercices précédents est imputé sur une ligne spéciale : « solde des opérations d'exercices antérieurs en attente d'affectation » ... La LRGACA n'est donc qu'une formalité parlementaire.

Alors pourquoi continuons-nous d'inscrire ce texte à notre ordre du jour ? Nous pourrions nous contenter de l'avis de certification des comptes par la Cour des comptes. Simple constat.

Le groupe Les Républicains ne peut pas voter un texte constatant un déficit de 5,5 % du PIB, qui n'est le résultat ni d'une crise majeure ni d'une erreur de prévision de croissance, mais celui d'une mauvaise estimation des recettes : il a manqué 21 milliards d'euros.

Chers collègues de gauche, il ne suffit pas de voter des impôts pour remplir les caisses. Les chefs d'entreprise sont désespérés, ils ne veulent plus ni embaucher ni investir. Les Français vont épargner, et non consommer... donc moins de TVA. C'est un cycle infernal.

M. Laurent Duplomb.  - Eh oui !

Mme Christine Lavarde.  - Unique remède : il faut réduire la dépense publique, et non pas seulement en ralentir la croissance. En 2023, l'État n'a pris que des mesures de pilotage pour réduire ses dépenses -  surgels, annulations et réductions de crédits. Les dépenses publiques hors crédits d'impôt ont augmenté en valeur deux fois plus vite que les recettes fiscales. La baisse de la dépense a consisté à éteindre les dispositifs d'urgence et de relance. Vous avez été aussi aidés par le reflux de l'inflation, pour 14 milliards d'euros ! La Cour des comptes l'a dit : aucune mesure structurelle significative d'économies n'avait été prévue. Dans son avis du 15 avril dernier, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a donné la voie à suivre : une action résolue sur la dépense publique et un réexamen des dépenses fiscales.

Ne nous méprenons pas sur le rôle des collectivités territoriales. Certes, en 2023, leurs dépenses ont été supérieures de 4 milliards d'euros par rapport à ce que la loi de programmation avait prévu, mais elles ont soutenu la croissance grâce à 4,5 milliards d'euros d'investissements, sans s'endetter massivement.

Les départements sont dans un cas très particulier : leur épargne brute a baissé de 39 % en raison de la chute des droits de mutation et de la hausse des dépenses sociales.

La Cour des comptes a relevé plusieurs anomalies, qui sont loin d'être des broutilles : surévaluation des matériels militaires, non-provisionnement des charges de gros entretien, surévaluation de la participation de l'État au capital d'EDF, idem à la Caisse des dépôts, fonds d'épargne classés à tort dans les participations de l'État -  pour quelques dizaines de milliards d'euros à chaque fois... Certains engagements hors bilan ne sont pas mentionnés -  dont la garantie de la dette de Bpifrance pour 45 milliards d'euros et l'engagement au titre du remboursement de l'emprunt émis pour financer le plan de relance européen pour 75 milliards d'euros ! Pire, ces anomalies ne sont pas nouvelles : elles figuraient dans les avis de certification de 2021 et de 2022.

M. Saint-Martin, auteur de la loi organique de modernisation de la gestion des finances publiques, devrait poursuivre son élan pour améliorer la présentation des comptes de l'État. (Acclamations et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Didier Rambaud .  - (M. Bernard Buis applaudit.) Comme chaque année, nous examinons la photographie des comptes de l'année précédente.

L'année dernière a été marquée par un contexte économique difficile, avec une inflation persistante, qui a entraîné le ralentissement de la croissance et 7,7 milliards d'euros de recettes fiscales de moins que prévu. (M. Laurent Duplomb s'exclame.) En 2023, le déficit budgétaire a atteint 173 milliards d'euros et 5,5 % du PIB, au-delà des 4,9 % attendus.

Saluons l'effort de maîtrise des dépenses du Gouvernement, réalisé en dépit du contexte, car les dépenses nettes du budget général ont été contenues. Heureusement que les parlementaires de la majorité présidentielle étaient présents pour se battre, souvent bien seuls, contre les milliers d'amendements de dépenses supplémentaires.

M. Claude Raynal.  - Provocateur !

M. Didier Rambaud.  - Le HCFP a d'ailleurs souligné cet effort d'ajustement structurel des dépenses. Oui, nous devons faire mieux !

L'année 2023 a vu la progression des transferts de l'État aux collectivités territoriales -  DGF, TVA affectée aux régions, fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). (M. Laurent Duplomb proteste.)

On peut regretter et contester les choix budgétaires, mais on ne peut pas revenir en arrière. Aussi, pourquoi ne pas adopter ce projet de loi ? L'article 41 de la Lolf n'exige pas l'adoption du projet de loi de gestion et d'approbation des comptes, mais seulement un vote en première lecture. Le Parlement peut donc continuer à rejeter ces textes, mais ce faisant, il porte atteinte à la crédibilité budgétaire de la France.

Quelle entreprise ne clôt pas ses comptes ? Refuseriez-vous le quitus dans vos collectivités ? Ces postures politiques sont regrettables. Certes, nous devons faire mieux en exécution, mais agissons en assumant nos responsabilités. Pour éviter toute prise de risque inutile, le groupe RDPI votera ce texte. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Christian Bilhac .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Ce projet de loi est le premier du genre et succède au projet de loi de règlement, à partir de 2023, comme le prévoit la loi organique de 2021.

Je m'interroge en voyant les chiffres : y a-t-il un pilote dans l'avion budgétaire ? La comparaison entre crédits ouverts et consommés est édifiante. Un fonctionnaire de Bercy surveille-t-il le niveau de dépenses publiques de temps en temps ? À moins qu'avec l'informatique, les données n'arrivent plus lentement qu'à l'époque du cheval et de la plume d'oie ? (Sourires)

La commission des finances de l'Assemblée nationale s'est dotée des pouvoirs d'une commission d'enquête pour tirer au clair les causes de ce dérapage incontrôlé. Quant à la commission des finances du Sénat, face au manque de sincérité, elle a réactivé sa mission d'information sur la dégradation des finances publiques.

Les recettes ont diminué en 2023, alors que les prévisions de croissance étaient plutôt réalistes. Mais les dépenses ont creusé le déficit. L'encre de la loi de programmation était pourtant à peine sèche... Mais, on le sait, sitôt votées, les lois de programmation sont rangées dans un tiroir et on en jette la clé dans la Seine !

En 2023, le Gouvernement n'a pas jugé utile de procéder aux ajustements nécessaires pour réduire les écarts ni de consulter le Parlement. Pourtant, dans nos communes, on surveille chaque mois si les recettes rentrent, si les dépenses sont respectées, et le maire peut agir sur les dépenses pour éviter d'aggraver la situation. Mais à Bercy, on procrastine, en attendant le miracle.

Madame la ministre, vous n'y êtes pour rien, mais il est temps de redresser les comptes publics. On ne peut pas continuer comme ça !

Je vous souhaite courage et habileté. Les membres du RDSE voteront contre. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Sylvie Vermeillet .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP) Nulle surprise, les comptes sont mauvais. Et ce sera probablement pire l'an prochain.

Avec 5,5 % de déficit pour l'ensemble des administrations publiques, la situation budgétaire, déjà fragile, a continué de s'aggraver. Le groupe UC s'est toujours opposé à la suppression de recettes qui aggraveraient le déficit et la dette (M. Michel Canévet renchérit), comme la suppression de la contribution à l'audiovisuel public ou celle de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). J'ai aussi défendu un amendement pour taxer les superprofits, qui revient curieusement au goût du jour. Car supprimer des recettes alors que nous augmentions les dépenses en faveur de la justice, de la police ou de la recherche n'était pas responsable : que chacun assume son vote.

Le Parlement n'a été saisi d'aucun projet de loi de finances rectificative (PLFR) alors même que le déficit est passé de 126 milliards d'euros fin 2022 à 173 milliards d'euros. Comment les parlementaires peuvent-ils remplir leur rôle ? Le Conseil constitutionnel rappelle pourtant qu'il appartient au Gouvernement de soumettre un PLFR si les grandes lignes de l'équilibre budgétaire changent en cours d'année. Cette logique élémentaire n'a pas été respectée. Il faudra peut-être modifier la Lolf pour la rendre automatique.

Il ne semble pas pertinent de rejeter les comptes, même s'ils sont mauvais, car ils ne sont pas comptablement erronés. Il ne s'agit pas d'adhérer à l'ensemble des choix politiques, mais d'acter un résultat comptable issu de choix que nous avons en partie votés et que Bruxelles espère. Le groupe UC s'abstiendra majoritairement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

M. Éric Bocquet .  - Il y a une constante depuis 2020 : M. Bruno Le Maire, ministre des déficits, nous annonce régulièrement que des incertitudes impactent le PLF.

Au Sénat, le 1er octobre 2020, il nous assurait que nous assistions à un risque de fort ralentissement de l'économie mondiale en raison de nombreuses tensions -  tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, dans la région du Golfe, en Europe avec le risque d'un Brexit sans accord. Pas un mot sur la crise sanitaire.

Il nous préparait ainsi à un dérapage des finances publiques, tout en réaffirmant : « nous maintenons une politique de l'offre ». Tout va mal, mais le cap est à l'offre toute ! Tant pis pour les Français et les finances publiques à long terme.

Le 30 septembre 2020, toujours au Sénat, il affirmait que l'axe restait le soutien à l'offre et l'amélioration de la compétitivité des entreprises, dans un contexte très difficile de grande incertitude économique. Ce n'est plus de la constance, mais de l'entêtement !

Le 22 septembre 2021 -  mon intervention préférée  - , il clamait son attachement à la maîtrise des comptes, à la baisse des impôts et à la sincérité. Après la crise la plus grave que nous ayons connue depuis 1929, 2022 devait marquer le retour progressif à la normale et la fin du « Quoi qu'il en coûte ».

Enfin, le 26 septembre 2022, il nous assurait que les incertitudes n'avaient jamais été aussi grandes -  Ukraine, difficultés économiques de nos partenaires, incertitudes politiques au sein de la zone euro.

Sans vouloir tirer sur l'ambulance, permettez-moi de souligner qu'à chaque fois il a dénoncé le contexte, tout misé sur une croissance incertaine et qu'il n'a jamais reculé sur la politique de l'offre.

Résultat : une dérive budgétaire, avec un déficit public deux fois plus lourd qu'en 2019 et presque aussi haut qu'en pleine crise sanitaire.

Une fable a cours au Gouvernement depuis 2017 : on peut faire mieux avec moins de dépenses et on a plus de recettes quand on baisse les taux et qu'on supprime les impôts. Voyez donc les 7,3 milliards d'euros de moindres recettes en 2023 par rapport à 2022...

La politique de l'offre conduit aussi à taxer plus les ménages avec l'impôt sur le revenu et la TVA que les entreprises : l'écart est d'au moins dix points.

Et que dire des 7 milliards d'euros d'économies revendiquées par rapport à 2022 ? Pour 84 % d'entre elles, il s'agit de dispositifs mal conçus qui conduisent à du non-recours -  filet de sécurité des collectivités territoriales, prêts garantis par l'État, MaPrimeRénov', chèque énergie, indemnité carburant...

Reports de crédits, gels, annulations : 38,4 milliards d'euros se sont baladés, au mépris des droits du Parlement.

L'année 2023 est derrière ; l'année 2025 devant. « Le passé est un oeuf cassé, l'avenir est un oeuf couvé », écrivait Paul Éluard. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Jean-François Husson apprécie la citation.)

M. Vincent Capo-Canellas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le calendrier contraint nous conduit à examiner ce texte en prélude au PLF, ce qui est baroque et souligne la fragilité de la situation actuelle.

Je formulerai quatre observations.

Première observation, il faut trouver une façon de sortir de cette situation de rejet du projet de loi de règlement pour la troisième fois. Cela n'est pas sain et nous avons un devoir de crédibilité à l'égard des observateurs et des marchés. Avant, nous soutenions que c'était le moment le plus fort du temps budgétaire ; maintenant nous rejetons le texte, c'est paradoxal. Ne pourrait-on pas amender la Lolf dans le sens d'une approbation tacite, sauf en cas de réserves émises par la Cour des comptes ?

Deuxième observation, le déficit a dérapé en 2023. Il faut en tirer les leçons et voter un PLFR dès que les comptes commencent à dériver.

Troisième observation, la politique de l'offre est-elle enterrée ? La baisse des rentrées fiscales obère la politique de l'offre quand elle ne s'accompagne pas d'une baisse des dépenses, car cette politique mérite d'être financée. Nous avons probablement atteint, voire dépassé, notre seuil de tolérance fiscale, au-delà duquel les rendements fiscaux décroissent. Nous ne sommes donc pas à l'abri de mauvaises surprises à venir, surtout si nous accablons certains secteurs de taxes -  je pense à l'aérien.

Quatrième observation, l'ampleur des dérapages amène à s'interroger sur le bon équilibre entre taxes et économies -  le diable fiscal étant sorti de sa boîte  - , entre ajustement budgétaire et préservation de la croissance et entre mesures d'urgence aux effets douloureux et mesures structurelles plus curatives. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

Discussion des articles

Article liminaire

M. le président.  - Amendement n°1 du Gouvernement.

Mme Marina Ferrari, ministre déléguée.  - Notre amendement actualise l'article liminaire. Depuis le dépôt de ce projet de loi le 17 avril, l'Insee a actualisé les chiffres du PIB pour 2023. Si le déficit reste inchangé, le partage entre solde structurel et conjoncturel a été modifié.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis défavorable.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

L'article liminaire n'est pas adopté, non plus que les articles 1er, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8.

L'article 9 est mis aux voix par scrutin public ordinaire de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°20 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 202
Pour l'adoption   19
Contre 183

L'article 9 n'est pas adopté. En conséquence, le projet de loi n'est pas adopté.

La séance est suspendue quelques instants.

Approbation des comptes de la sécurité sociale de l'année 2023 (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'approbation des comptes de la sécurité sociale de l'année 2023.

Discussion générale

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins .  - L'examen du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss) est le deuxième exercice de ce type depuis son instauration par la loi organique du 14 mars 2022, d'initiative parlementaire. Ce texte offre à la représentation nationale et aux Français une photographie factuelle de l'état des comptes sociaux - il s'agit tout simplement d'argent public, de l'argent de nos concitoyens.

Je suis très attachée à l'évaluation des politiques publiques ; c'est par un texte comme celui-ci que nous pouvons faire progresser la culture de l'évaluation, qui fait parfois défaut à notre pays.

S'il traduit les choix politiques pour l'exercice écoulé, ce projet de loi est aussi un guide pour les décisions futures, au moment où nous sommes à la croisée des chemins : nous devons répondre aux enjeux de justice sociale et assurer la pérennité de notre modèle en le modernisant.

En cette période charnière, je soulignerai les progrès collectivement accomplis comme les défis à relever. Nous devons adopter une vision prospective de nos finances publiques ; autrement dit, penser le temps long.

Malgré un contexte difficile, des améliorations sont intervenues en 2023. Le solde des administrations de sécurité sociale (Asso) est ainsi positif, à 0,5 milliard d'euros, notamment grâce à l'excédent de la Cades, de 18 milliards d'euros. Le déficit global a été contenu à 10,8 milliards d'euros, un niveau très inférieur au pic de 39,7 milliards d'euros atteint en 2020.

Cette amélioration témoigne de l'efficacité des mesures prises pour contenir le déficit tout en protégeant notre système de santé et en garantissant l'accès aux soins. Dépenser plus efficacement pour protéger notre modèle : cette même approche nous a guidés dans la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, que je présenterai après-demain devant votre commission. Nos objectifs sont de renforcer la justice sociale, de garantir l'accès aux soins et d'accompagner l'engagement des professionnels de santé.

Mais ne nous voilons pas la face : le déficit reste élevé, supérieur de 2 milliards d'euros à la prévision, en raison d'une baisse des recettes et de la dynamique inflationniste.

L'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), un des principaux leviers de maîtrise budgétaire, a atteint 247,8 milliards d'euros, seulement 0,2 milliard de plus que prévu. Ce dépassement mineur témoigne de la maîtrise des dépenses de santé.

Les dépenses des établissements de santé s'élèvent à 102,9 milliards, soit 4 milliards de plus que la prévision. Ce niveau résulte de la compensation de mesures statutaires et de l'aide exceptionnelle destinée à faire face à l'inflation.

Les soins de ville ont atteint 105,3 milliards d'euros, 2 milliards de plus que prévu.

Les dépenses exceptionnelles liées à la covid ont largement décru, à 1,1 milliard d'euros, contre 11,7 milliards en 2022.

Le déficit de la branche maladie est de 11,1 milliards d'euros, deux fois moins élevé qu'en 2022.

Nous devons faire preuve de responsabilité, car la maîtrise de nos comptes est un impératif démocratique. Nous devons assurer la viabilité de notre système à moyen et long termes face aux évolutions démographiques, à commencer par le vieillissement de la population. Nous devons notamment concentrer nos efforts sur la prévention.

Bien qu'en croissance, les recettes n'ont pas évolué aussi favorablement que prévu. Replaçons les résultats dans leur contexte : c'est le ralentissement de la croissance, couplé à un contexte international incertain, qui a affecté nos recettes, malgré les progrès réalisés dans la lutte contre la fraude, notamment la fraude aux prestations, et le travail dissimulé. Les redressements de l'Urssaf ont augmenté de 50 % : 1,2 milliard d'euros, contre 800 millions en 2022. Nous visons 5,5 milliards d'euros en 2027.

En matière de prestations sociales, 400 millions d'euros de fraudes ont été détectés par la caisse d'allocations familiales, 200 millions par la caisse d'assurance vieillesse et 400 millions par l'assurance maladie. Nous allons intensifier ce combat, notamment par la systématisation des contrôles de l'assurance maladie, car chaque euro détourné est un euro qui manque à ceux qui en ont besoin.

Ce projet de loi doit être l'occasion de saluer les progrès réalisés, tout en restant conscients des défis qui nous attendent pour moderniser notre modèle, mais jamais au détriment de la solidarité et de l'accès aux soins. Travaillons dans un esprit de responsabilité pour garantir la viabilité de notre système fondé sur la solidarité.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales .  - La commission des affaires sociales a déposé une motion tendant à opposer la question préalable au Placss, afin de marquer que, malgré d'incontestables améliorations, les obligations organiques restent insuffisamment respectées : évaluation des niches, actualisation des indicateurs, notamment.

La commission souhaite aussi exprimer son désaccord avec la politique sociale du précédent gouvernement. Si le déficit est passé de 20 à 10 milliards d'euros, en chiffres arrondis, c'est essentiellement parce que les dépenses liées à la crise sanitaire ont quasiment disparu, et non en raison de mesures correctrices.

Le législateur organique a instauré ce rendez-vous annuel pour évaluer l'efficacité et l'efficience des politiques menées, dans une démarche de chaînage vertueux - chère à mon prédécesseur, Jean-Marie Vanlerenberghe.

Mais la dissolution a bouleversé le calendrier, qualifié par d'aucuns de baroque. Notre tâche n'en est pas facilitée.

Je me ferai la porte-parole de nos rapporteurs de branche en résumant les résultats de leurs travaux d'évaluation - dans l'esprit du législateur organique, qui était de tenir ce genre de débats.

Rapporteur pour la branche vieillesse, Pascale Gruny s'est penchée sur le non-recours au minimum vieillesse, de 50 % en 2016. Il est particulièrement élevé chez ceux qui bénéficient d'un patrimoine, comme les non-salariés agricoles, sans doute par crainte d'un recouvrement sur succession - le problème se pose aussi en outre-mer. Notre collègue propose d'actualiser régulièrement l'estimation du phénomène, d'évaluer les conséquences du relèvement du plafond de recouvrement intervenu l'an dernier et de mieux suivre les efforts d'accompagnement des caisses.

Rapporteure pour l'assurance maladie, Corinne Imbert s'est penchée sur les rendez-vous de prévention créés il y a deux mois, trop timidement promus par les pouvoirs publics, sous l'appellation « Monbilansanté ». Leur mise en oeuvre a été tardive et le législateur ne dispose d'aucune évaluation. En outre, il n'est pas évident que le dispositif cible bien les publics les plus éloignés du soin. Je regrette au demeurant, madame la ministre, que la prévention ait disparu de l'intitulé de votre ministère.

Notre collègue s'est penchée aussi sur la quatrième année de médecine générale, qui doit servir à réaliser un stage, notamment en zone sous-dotée. La commission souligne le très haut niveau d'incertitude dans lequel les étudiants sont conduits à faire des choix d'orientation déterminants, du fait des multiples retards dans la parution des textes attendus.

S'agissant du financement des établissements de santé, la garantie instaurée pendant la crise sanitaire a été remplacée par un mécanisme de sécurisation modulé selon l'activité. Le déficit des établissements publics est de l'ordre de 2 milliards d'euros en 2023.

Rapporteur de la branche famille, Olivier Henno a travaillé sur la réforme du congé paternité, porté de onze à vingt-cinq jours il y a deux ans. Si la durée du congé moyen est passée à vingt-trois jours en 2023, les pères qui n'y recouraient pas ne le font pas davantage. Il faut augmenter ce taux de recours et inscrire le congé de paternité dans une réflexion plus large sur les congés parentaux.

Chantal Deseyne s'est penchée sur les relations entre la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et les départements. En la matière, une réforme est urgente pour simplifier l'architecture des concours, les rendre plus lisibles et plus cohérents et répondre aux besoins territoriaux.

Enfin, Marie-Pierre Richer s'est intéressée à l'indemnisation des victimes de l'amiante. Les aides versées par le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) sont plus élevées que celles de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), mais le Fiva souffre d'un taux de non-recours de 35 à 45 %.

Nous faisons de l'adoption du Placss un acte politique. C'est légitime, même si ce n'est pas l'esprit dans lequel il a été instauré. Espérons que, lors des prochains exercices, nous pourrons renouer avec cet esprit et que, dans l'immédiat, ce débat serve à obtenir quelques réponses du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Michel Canévet, en remplacement de M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis de la commission des finances .  - (Applaudissements sur des travées du groupe UC) Vincent Delahaye, rapporteur pour avis de la commission des finances, m'a demandé de vous exposer les raisons pour lesquelles il a proposé un avis défavorable sur ce texte.

D'abord, le calendrier a été fortement bouleversé en raison de la dissolution de l'Assemblée nationale.

Ensuite, ce texte témoigne de l'état catastrophique de la sécurité sociale : le déficit est anticipé à 18 milliards d'euros en 2024, 16 milliards en 2025.

Le solde légèrement positif des Asso est un résultat en trompe-l'oeil, puisqu'il intègre les résultats de la Cades, destinée à amortir la dette sociale. Sans la Cades, les comptes sont en déficit de 5,1 milliards d'euros. Le déficit total s'élève à 10,8 milliards d'euros.

Les crises sanitaire et inflationniste ne justifient pas une telle situation. En 2023, les dépenses liées au covid n'ont été que de 1 milliard d'euros et l'inflation a un effet haussier aussi sur les recettes.

En réalité, les recettes ont été sous-estimées de 2,3 milliards d'euros. Les dépenses ont augmenté de 3,1 % - et même de 5 % si l'on exclut le covid. Les branches maladie et retraite sont particulièrement concernées. L'Ondam a été supérieur de 3,7 milliards d'euros aux prévisions. Mal ciblées, les dépenses de la branche maladie dérapent depuis 2019, l'Ondam augmentant chaque année de 5,4 %, au-dessus de l'inflation. Les déficits de la branche vieillesse augmentent chaque année et devraient atteindre 6,1 milliards d'euros en 2027. La Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) contribue au déficit à hauteur de 2,5 milliards d'euros, après avoir été ponctionnée de plus de 100 milliards ces dernières années pour soutenir d'autres régimes.

L'explosion des déficits entraîne une forte hausse de la dette sociale. Elle est pour l'instant portée par la Cades, mais aucune dette supplémentaire ne pourra lui être transférée après 2025 en l'absence d'une nouvelle loi. Laquelle n'est pas souhaitable, puisqu'elle entérinerait la pérennité de la dette sociale.

Dépenses non maîtrisées, recettes plus faibles que prévu, endettement social sans précédent : c'est sur le fondement de ces constats inquiétants que la commission des finances nous invite à rejeter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Bernard Jomier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cette procédure d'approbation des comptes de la sécurité sociale marque un progrès indéniable pour le contrôle parlementaire.

C'est pour le saluer que, l'an passé, et malgré les lacunes du texte présenté, le groupe SER avait souhaité l'étude complète de celui-ci en séance. Mais il est temps d'en venir à un respect plus strict de l'esprit et de la lettre de la loi organique de 2022. On en est loin.

Le dépôt tardif du Placss a empêché son examen avant la dissolution. Puis le Gouvernement a redéposé le texte en juillet, mais sans réunir le Parlement. La forme rejoint ici le fond, et le désordre dans le calendrier est révélateur du désordre dans les comptes. De fait, les chiffres sont alarmants : le creusement du déficit continue et continuera - 18 milliards d'euros attendus en 2024, davantage encore en 2027.

Nous avons maintes fois exprimé notre inquiétude devant vos prédécesseurs, madame la ministre, issus comme vous de la mouvance présidentielle - une inquiétude partagée par la Cour des comptes, le Haut Conseil des finances publiques et le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale, qui soulignent qu'aucune perspective de retour à l'équilibre n'est proposée.

Pour mettre fin à cette dynamique de déficits, il faut redéfinir l'ambition de notre système de protection sociale. En particulier, les allègements des cotisations sur les bas salaires ont modifié la structure des finances sociales : les cotisations ne représentent plus que 48 % des ressources de la sécurité sociale, contre 64 % en 1990. En 2023, les exonérations ont privé la sécurité sociale de 19 milliards d'euros de recettes.

En réalité, la sécurité sociale est maintenue en déficit constant. Le déficit est un choix délibéré, organisé, qui sape la légitimité de notre modèle.

En 2018, les comptes ont été ramenés à l'équilibre ; depuis sept ans, vous les avez plongés dans le déficit sans stratégie de retour à l'équilibre. Votre échec est triple : déficits, qualité insuffisante du service rendu, fondements de la protection sociale malmenés. Votre gestion court-termiste hypothèque l'avenir. L'Ondam est déconnecté des besoins et, faute de pilotage stratégique, nous ne faisons que subir les événements.

Un exemple : le surpoids, problématique croissante, est lourd de conséquences pour les comptes sociaux. Quels sont les programmes prévus pour lutter contre ce phénomène, notamment sur le plan de la prévention ? Je ne vois dans le PLFSS pour 2025 aucun chapitre sur le tabac ou l'alcool...

Le dépassement de l'Ondam est d'autant plus préoccupant que les dépenses liées à la covid ont beaucoup baissé. La gestion actuelle de l'Ondam rend impossible une politique plaçant la prévention au coeur des préoccupations avec une trajectoire financière crédible.

Le refus de la Cour des comptes de certifier les comptes de la branche famille ne peut que conduire le législateur à rejeter ce texte.

La question des recettes ne peut plus être éludée : nous ferons des propositions à cet égard dans la discussion du PLFSS. Les erreurs ou les errements - on ne sait - en matière de prévision de recettes sont incompréhensibles. Comment les expliquer sinon par une gestion financière approximative ?

Le déficit des hôpitaux atteint 1,9 milliard d'euros, quatre fois plus qu'en 2021. C'est le résultat de choix politiques. L'hôpital public n'est pas financé à la hauteur des missions qui lui sont confiées.

Ce Placss est trop marqué par son calendrier et votre mauvaise gestion pour qu'il soit légitime d'en débattre plus avant. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Marie-Claude Lermytte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Je remercie la rapporteure générale et les rapporteurs de branche pour leur excellent travail de pédagogie.

Sur la forme, le calendrier appelle une remarque : le Placss est supposé permettre au Parlement de se pencher sur les comptes de l'année précédente en amont de l'examen du budget de l'année suivante. La situation politique ne l'a pas permis. Les conditions d'examen du texte sont donc loin d'être optimales.

Malgré des progrès, la maîtrise des dépenses publiques reste insuffisamment efficace. En raison d'un grand nombre d'erreurs, la Cour des comptes n'a pas certifié les comptes de la Cnaf ni ceux de la branche famille. Plus que d'un refus, il s'agit du constat d'une impossibilité. Mais c'est loin d'être satisfaisant.

Nulle raison de se réjouir de la baisse du déficit de la sécurité sociale à 11 milliards d'euros, car il s'agit d'une conséquence automatique de la fin de la crise sanitaire. On ne peut passer sous silence le dépassement de 3,7 milliards d'euros de la prévision de déficit.

L'adoption de ce texte n'est donc pas évidente, mais il faudrait au moins en débattre. Le non-recours, notamment au minimum vieillesse et au Fiva, ou la lutte contre les fraudes et abus sont, par exemple, des sujets à aborder. Merci à Pascale Gruny et Marie-Pierre Richer d'avoir mis l'accent sur ces aspects.

De même, nous aurions voulu aborder la dette abyssale de la sécurité sociale, de 92 milliards d'euros. Notre modèle de protection sociale, longtemps sujet de fierté, est devenu un motif d'inquiétude. Depuis trente ans, la Cades amortit environ 80 milliards d'euros par décennie. Comment amortirait-elle 136 milliards en moins de dix ans ?

Cela illustre le caractère insoutenable de la situation et la nécessité de réformes profondes. Mais, privilégiant toujours le débat, le groupe INDEP ne votera pas la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Bernard Buis applaudit également.)

M. Pierre Jean Rochette.  - Excellent !

M. Philippe Mouiller .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Placss, création parlementaire, vise à séparer le temps du regard vers le passé, au printemps, du temps de la préparation de l'avenir, à l'automne. Il s'agit d'éviter que l'examen des comptes de l'année passée ne soit précipité, si seulement il a lieu.

Hélas, ce chaînage vertueux a du retard à l'allumage... L'année dernière, nous avons rejeté le texte, en l'absence d'éléments essentiels d'information. Cette année, en dépit de quelques progrès, le compte n'y est pas. D'où la motion déposée par la commission.

Les circonstances politiques du printemps nous conduisent à examiner le Placss alors que l'Assemblée nationale a entamé l'examen du PLFSS : cette concordance est très éloignée de l'intention du législateur organique.

Les comptes de la sécurité sociale sont dans un état extrêmement préoccupant. La baisse du déficit à 10,8 milliards d'euros ne résulte en rien de mesures structurelles, mais seulement de la fin des dépenses liées à la covid et de l'anticipation de l'indexation de diverses prestations. Le déficit devait se recreuser dès cette année et se situer à un niveau proche de celui des remboursements effectués par la Cades, ce qui est alarmant.

La responsabilité nous impose de cesser de léguer notre dette sociale aux générations futures. Nous devons pour cela mener des réformes de fond. Le groupe Les Républicains votera la motion et proposera des évolutions structurelles dans la discussion du PLFSS. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC)

M. Stéphane Fouassin .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Urgence et pragmatisme : telle est ma double conviction.

Voulue par le Parlement, la loi organique du 14 mars 2022 prévoit l'examen du Placss avant celui du PLFSS. Ce texte offre une photographie des comptes sociaux. C'est un exercice de transparence bienvenu et un acte de responsabilité.

L'année 2023 est celle du rééquilibrage après le chaos de la covid et les investissements massifs réalisés, à raison, pour protéger nos concitoyens et notre économie. Le déficit a été ramené à 10,8 milliards d'euros, quatre fois moins qu'en 2020.

Mais ne nous leurrons pas : cette nette amélioration, nous la devons à la fin de la crise sanitaire, au cours de laquelle la France a su agir avec courage et cohérence. Si la branche maladie présente un déficit de 11,1 milliards d'euros, c'est le reflet d'un modèle qui protège nos concitoyens et garantit à tous l'accès aux soins.

La tentation est grande d'examiner ce texte à l'aune des prévisions : à 18 milliards d'euros, le déficit annoncé pour 2024 n'est pas réjouissant. Mais les défis structurels qui restent à relever ne doivent pas nous empêcher de reconnaître ce qui a été accompli. Les réformes à mener s'enracineront sur le socle de stabilité que nous avons construit. Rejeter ce projet de loi serait ignorer cet effort.

Les Asso sont en excédent, preuve de la résilience de notre modèle. Les branches famille et AT-MP présentent aussi un surplus.

Alors que 2024 sera une année difficile, faisons le choix de la responsabilité et ne tournons pas le dos aux progrès accomplis. Continuons à bâtir un système qui soigne, accompagne et protège. Oui, des réformes de structure sont nécessaires, mais nous en débattrons dans le PLFSS. Ne nous trompons pas de texte : le RDPI votera contre une motion qui exprime avant tout un rejet de la politique menée. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Guylène Pantel .  - Auparavant expédiée à l'automne, l'approbation des comptes sociaux de l'année précédente fait l'objet, depuis la loi organique du 14 mars 2022, d'un texte spécifique, théoriquement examiné en juin. Ce Placss succède à un projet de loi du même type présenté en mai puis devenu caduc à la suite de la dissolution.

Le RDSE est très attaché à cet exercice de transparence. Le chaînage vertueux est un progrès pour notre mission de contrôle et d'évaluation.

Nous sommes acquis à l'idée que la sécurité sociale exprime la solidarité nationale. Elle est fondée sur un contrat implicite qui lie tous les citoyens : chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins.

Or ce système est en sursis avec la dégradation continuelle des comptes sociaux. Cette situation n'est pas le fruit du hasard, mais de choix politiques court-termistes. Les exonérations de cotisations offrent une bouffée d'air frais aux petites entreprises de nos territoires, mais sont plus discutables pour les grandes entreprises, surtout quand les contreparties prévues sont insuffisantes.

La Cour des comptes s'est déclarée dans l'impossibilité de certifier les comptes de la branche famille, en raison de multiples erreurs de paiement. Il est plus que temps d'endiguer ce phénomène récurrent par le réarmement financier, technique et humain des institutions de la sécurité sociale.

Je profite de cette discussion pour saluer le caractère atypique et l'efficacité du fonctionnement des organismes de sécurité sociale en Lozère. La caisse commune de sécurité sociale du département est un organisme tribranche, qui assure l'ensemble des missions d'une CPAM, d'une CAF et d'une Urssaf. Il s'agit d'une référence qui pourrait s'exporter.

Nous devons nous poser la question d'une meilleure utilisation de l'argent public, pour aboutir à un équilibre financier et surtout pour répondre aux besoins de nos concitoyens et assurer une bonne qualité de vie au travail aux personnels des secteurs de la santé et du social.

Conformément à sa position constante, le RDSE votera contre la motion, pour privilégier le débat.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Ce Placss souffre d'une altération générale de l'état financier et de projections inquiétantes pour les années à venir. Une démarche corrective est nécessaire. Mais le principe d'annualité budgétaire semble condamner les gouvernements successifs à piloter à vue, sans penser une réforme structurelle.

Prenons l'exemple de la branche vieillesse : les ajustements paramétriques de la dernière réforme des retraites ne sont au mieux que des palliatifs. Une refonte du système s'impose, car le déficit est masqué par les subventions de l'État au régime public : 40 milliards d'euros pour la fonction publique d'État, sans compter les apports supplémentaires pour les régimes spéciaux déficitaires - 70 milliards d'euros au total.

Pour 2023, nous avions proposé des solutions pour remettre les comptes publics à l'équilibre. Qu'il s'agisse de la maîtrise de l'Ondam, de la lutte contre les actes médicaux redondants, de l'obligation d'inscription de tous les actes dans le dossier médical partagé, de l'amélioration de l'emploi des seniors, notre groupe a formulé des propositions, hélas peu suivies.

Ne devrait-on pas limiter le rôle des complémentaires santé à la prévention ou au remboursement de certains actes ciblés ? Faut-il continuer les financements croisés au risque d'alourdir les cotisations des assurés, plus particulièrement des plus âgés ?

Il est temps de refonder le système de santé sur des bases claires.

Lors de l'examen du PLFSS 2023, le Sénat avait formulé des propositions pour réduire les déficits. Le Gouvernement d'alors n'en avait retenu que quelques-unes et balayé le reste d'un coup de 49.3.

L'administration, aussi experte soit-elle, ne pourra gérer la crise sans la participation de tous les citoyens et des élus. Ils sont les premiers témoins de la dégradation des soins et de l'hôpital public.

La Cour des comptes a été dans l'impossibilité de certifier les comptes de la branche famille et de la Cnaf. Cela en dit long sur l'état de nos comptes sociaux, comme l'indiquait notre rapporteure générale.

Pour toutes ces raisons, le groupe UC votera la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Le Gouvernement demande d'approuver les comptes de la sécurité sociale de 2023 - contre lesquels nous avions voté et dont nous mesurons l'échec.

Selon la Cour des comptes, un tel niveau de déficit, 10,8 milliards d'euros, constitue un « point de bascule » car le financement du déficit de la sécurité sociale n'est plus assuré à terme. Ce déficit dépasse 4 milliards d'euros la prévision initiale. C'est la conséquence des politiques d'austérité et du refus du Gouvernement de dégager des recettes en mettant à contribution les entreprises et les revenus financiers, ainsi que du refus de prendre en charge les coûts de la pandémie qui pèsent sur la sécurité sociale.

Le déficit s'explique par les moindres recettes et la faible croissance. À la clé, moins d'emplois, moins de cotisations sociales et donc un déficit structurel.

Pour la première fois depuis trois ans, le nombre de salariés baisse. Le chômage augmente et les salaires stagnent en raison des compléments de salaires qui privent la sécurité sociale de 18 milliards d'euros, non compensés par l'État. L'allégement de cotisations sur les bas salaires maintient les salaires autour du Smic et prive la sécurité sociale des rentrées nécessaires.

Selon la Cour des comptes, les niches sociales, qui représentaient 87,5 milliards d'euros versés aux salariés en 2022, remplacent les augmentations de salaire et aggravent le déficit de la sécurité sociale. En ajoutant les 74 milliards d'euros d'exonération des cotisations patronales, on comprend vite le déficit organisé de la sécurité sociale.

Vous qui avez voté le PLFSS 2023, assumez donc la situation des hôpitaux publics, des urgences saturées, des professionnels épuisés ! Assumez les 2 milliards d'euros de déficit des hôpitaux publics, et celui des Ehpad publics.

Nous refusons de valider un texte qui prévoyait un Ondam largement sous-évalué. Pour paraphraser Bossuet, nous déplorons l'attitude de ceux qui se plaignent des conséquences dont ils ont chéri les causes. Par cohérence avec notre vote contre la LFSS 2023, nous voterons contre ce Placss. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) On constate les effets de la gestion inefficace des risques sociaux que nous dénonçons à chaque PLFSS. D'année en année, l'Ondam ne tient pas compte de l'évolution des besoins de santé. D'année en année, la branche AT-MP est excédentaire alors qu'on déplore toujours plus d'accidents du travail. D'année en année, nous reportons le chantier de la transition démographique, de la prévention et du virage domiciliaire pour la branche autonomie. Le désengagement solidaire de la santé s'accompagne de l'augmentation du prix des mutuelles.

La précarité matérielle et sociale ne cesse de s'accentuer. Pour que la sécurité sociale remplisse ses missions, il faut rompre avec les exemptions d'assiette non compensées.

La prime Macron, devenue prime de pouvoir d'achat puis prime de partage de la valeur, s'est traduite par une attrition de recettes de 19 milliards d'euros en 2023, alors que le déficit était de 8 milliards d'euros. Alors que le déficit de la sécurité sociale se creusait de 6,6 milliards d'euros entre 2018 et 2023, les pertes de recettes dues à la désocialisation des compléments de salaire non compensés augmentaient de plus de 8 milliards.

Le Gouvernement a construit lui-même une bonne partie du déficit sur le recul des droits de salariés. Vous courez derrière des déficits que vous faites semblant de découvrir, tout en désarmant les recettes. Loin d'être un bon gestionnaire, le Gouvernement est le pompier pyromane des finances sociales depuis 2017, alimentant la crise sociale.

Pas question d'approuver une gestion fragilisant les finances sociales : le GEST votera contre le Placss. (M. Thomas Dossus applaudit.)

Mme Corinne Imbert .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions) Ce Placss fait apparaître un déficit supérieur aux prévisions, en grande partie en raison de recettes manquantes et du dépassement de l'Ondam. Celui-ci a atteint 247,8 milliards d'euros, alors qu'il avait été voté à 244,1 milliards d'euros.

Nous avions refusé de voter l'Ondam 2023 en raison de son manque de crédibilité et de sincérité ; nous avions raison. L'Ondam 2023, supérieur de 3,8 milliards d'euros à sa prévision, est finalement supérieur à l'Ondam 2022, alors qu'il devait lui être inférieur. La branche maladie porte à elle seule la totalité du déficit : 11,1 milliards d'euros. Nous avons besoin de prévisions plus solides.

Deux ans après leur adoption, les rendez-vous de prévention commencent tout juste à se généraliser. Le Sénat avait soutenu cette mesure en recommandant d'associer les professionnels de santé.

Il avait également soutenu l'allongement du troisième cycle de médecine générale, reprenant la proposition de loi de Bruno Retailleau. Or près de deux ans après, la réforme est incomplète. La maquette est encore en débat, et les étudiants sont dans l'incertitude.

Alors que le déficit des hôpitaux publics atteint 2 milliards d'euros fin 2023, que l'on demande des efforts au secteur médical, nous devons orienter les politiques en tenant compte des défis qui nous attendent.

Sans surprise, je voterai la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions)

M. Khalifé Khalifé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions) L'équilibre financier prévu à l'article 34 de la Constitution est plus que jamais une chimère. Je n'imaginais pas, il y a un an, examiner un Placss présentant les mêmes défauts que le précédent, ignorant les recommandations de la Cour des comptes et méprisant les travaux du Parlement. Je ne savais pas que l'on pouvait accepter une telle fatalité, en suivant l'adage selon lequel la santé n'a pas de prix.

Ce Placss révèle un déficit de 11 milliards d'euros, dû essentiellement à la branche maladie. Peut-on se satisfaire que les autres branches soient à l'équilibre, quand seulement la moitié des personnes éligibles ont recours au minimum vieillesse, quand plus de 10 000 adultes handicapés sont hébergés dans les instituts médico-éducatifs (IME), interdisant aux jeunes d'y accéder ?

J'alerte sur les abus des arrêts de travail réalisés par télémédecine. À quoi servent les multiples agences de régulation ? Comment communiquent-elles ? Comment justifient-elles leur existence ?

Des réformes structurelles s'imposent pour maîtriser la financiarisation du système, rendre plus efficiente la gouvernance de l'hôpital et valoriser les soignants.

On parle du prix des médicaments innovants, mais quel est le coût global du parcours du patient ? Quid de l'absence d'encaissement du 1,6 milliard d'euros de la clause de sauvegarde pour 2023, pourtant budgétée par l'industrie ? Et des dispositifs médicaux ?

À quand une véritable politique de prévention structurée ? Les soins de ville sont à consolider. L'évaluation du rôle des CPTS mérite d'être revue. Une réforme efficace des études de santé est urgente. Enfin, il faut revoir les statuts juridiques et fiscaux de certains montages pour l'exercice médical.

Je veux vous faire part du désarroi du praticien que j'ai été et de la colère de l'élu que je suis.

Madame la ministre, je vous souhaite de réussir ce chantier difficile - et d'en avoir le temps. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Question préalable

M. le président.  - Motion n°1 de Mme Élisabeth Doineau au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales .  - Merci à tous pour vos interventions. Plusieurs raisons justifient cette motion. Le Placss ne répond pas aux obligations de la loi organique.

L'an dernier, la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes. Cette année, elle se déclare « dans l'impossibilité » de le faire. Ce Placss n'est donc pas encore satisfaisant à ses yeux.

Le rapport d'évaluation portait l'an dernier sur les deux années précédentes. Cette année, c'est sur l'année précédente. Or la loi organique impose une évaluation des trois années précédentes. Là encore, le compte n'y est pas.

Nous disposons de l'évaluation de dix-neuf niches sociales. C'est mieux que rien - l'an dernier, nous étions à zéro - mais ce n'est pas suffisant car la loi organique impose d'en évaluer au moins 30 %, soit 40 sur 120. Je note toutefois que le volume concerné est important.

Malgré une amélioration, le Gouvernement n'a pas défini de politique publique qui nous ramènerait sur la voie de l'équilibre. Nous atteindrons déjà en 2024 les montants de déficit prévus pour 2027 ! Face à ce mur, comment prolonger la Cades ?

Ce n'est pas une question de responsabilité, mais de non-respect des obligations organiques.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Très bien !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - J'entends que vous jugez que les obligations organiques ne sont pas respectées, que la Cour des comptes aurait refusé de certifier les comptes en 2022. Cette fois, elle se dit « dans l'impossibilité » de les certifier. Nous progressons !

M. Bernard Jomier.  - L'art de la nuance !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - L'année prochaine, nous y serons !

Mme Émilienne Poumirol.  - Optimiste !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - En définitive, nous évoquons un compte administratif, une photographie de ce qui s'est passé.

Je regrette que nous ne puissions poursuivre le débat ce soir, mais j'ai confiance dans les débats à venir.

Je constate, comme vous, la situation des comptes sociaux, l'insuffisante prise en compte de l'enjeu démographique, le défi de la structuration de notre système de santé, qui se fait à bas bruit, sur le moyen et le long terme.

Je suis très attachée à la prévention, premier pas pour conserver la santé. J'aurai besoin de vous pour construire une stratégie nouvelle et faire évoluer le financement de la protection sociale, afin qu'il demeure solidaire.

Je sais que le Sénat sera actif lors de l'examen du PLFSS et vous en remercie.

Avis défavorable à la motion.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Le GEST votera cette motion.

L'examen de ce Placss en octobre, à un mois du PLFSS, non seulement ne respecte pas la loi organique mais le vide de tout intérêt.

La trajectoire financière démontre l'insincérité des LFSS. Le dépassement de l'Ondam de plusieurs milliards d'euros témoigne d'une sous-évaluation des coûts de l'assurance maladie. Les économies attendues semblaient d'emblée insincères, or elles sont renouvelées dans le prochain PLFSS.

Ce Placss est la démonstration d'une gestion problématique.

Les exonérations atteindraient désormais 19 milliards d'euros, mais leur évaluation exacte fait défaut. C'est regrettable.

La motion n°1 est mise aux voix par scrutin public ordinaire de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°21 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 287
Contre   53

La motion n°1 est adoptée. En conséquence, le projet de loi est considéré comme rejeté.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Laurent Somon.  - Lors du scrutin public n°19, M. Philippe Paul souhaitait voter pour.

Acte en est donné.

Prochaine séance demain, mercredi 23 octobre 2024, à 15 heures.

La séance est levée à 19 h 40.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 23 octobre 2024

Séance publique

À 15 heures, 16 h 30 et le soir

Présidence : M. Gérard Larcher, président, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente, M. Loïc Hervé, vice-président

Secrétaires : Mme Sonia de La Provôté, Mme Patricia Schillinger

1. Questions d'actualité

2. Proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, présentée par M. Patrick Kanner, Mmes Corinne Narassiguin, Viviane Artigalas, M. Rachid Temal et plusieurs de leurs collègues (procédure accélérée) (texte de la commission, n°39, 2024-2025)

3. Proposition de loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public, présentée par M. Cédric Vial, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Roger Karoutchi, Laurent Lafon et plusieurs de leurs collègues (procédure accélérée) (texte de la commission, n°41, 2024-2025)