Résultats de la gestion et approbation des comptes de l'année 2023 (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023.

Discussion générale

Mme Marina Ferrari, ministre déléguée chargée de l'économie du tourisme .  - Veuillez excuser M. Saint-Martin, retenu à l'Assemblée nationale par le projet de loi de finances.

Le projet de loi de règlement et d'approbation des comptes arrête le montant des dépenses et des recettes de l'État, décrit les opérations de trésorerie et ratifie les opérations ayant affecté l'exécution du budget.

La Lolf a prévu son examen avant celui du projet de loi de finances de l'année suivante ; la réforme de 2021 a fixé sa date limite de présentation au 1er mai. Ce texte a été présenté le 17 avril en Conseil des ministres, mais la dissolution n'a pas permis son examen avant ce jour. Dans ce contexte particulier, je remercie la DGFiP, les directions du trésor et du budget pour leur travail.

Plus qu'un exercice de style, c'est un moment important du contrôle parlementaire. Le projet de loi constate la réalisation des dépenses et des recettes, afin de bâtir en connaissance de cause le prochain budget.

Pour l'exercice 2023, le déficit public s'élève à 5,5 % du PIB, contre 4,8 % en 2022 et 4,9 % prévus dans la loi de fin de gestion pour 2023 et la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 (LPFP). Le solde budgétaire s'établit à moins 173 milliards d'euros, soit une dégradation de 1,7 milliard par rapport à la prévision.

Cet écart s'explique d'abord par une croissance du PIB en volume inférieure à la croissance potentielle.

Ensuite, par la faible dynamique des recettes : baisse des recettes d'impôt sur le revenu de 0,4 milliard d'euros, entre le remboursement de trop-versés, le ralentissement des recettes de prélèvement à la source et la chute des recettes d'impôt sur les plus-values immobilières ; baisse de l'impôt sur les sociétés de 3,3 milliards d'euros par rapport à 2022, liée au contexte macroéconomique moins favorable ; baisse de recettes de la part État de la TVA budgétaire de 5,6 milliards d'euros, le chiffre d'affaires des entreprises sur 2023 progressant moins vite que l'inflation.

Enfin, par le maintien de mesures de soutien face à l'inflation, pour 25,1 milliards d'euros : le bouclier sur le gaz pour 2 milliards d'euros, le bouclier électricité pour 8,8 milliards, la compensation aux fournisseurs des baisses de tarif pour 15,5 milliards.

Notez que la baisse de ces ressources a été en partie compensée par une maîtrise des dépenses inférieures de 6,4 milliards d'euros par rapport aux prévisions, preuve des efforts engagés dès 2023.

Le rejet par le Parlement des projets de loi de règlement pour les exercices 2021 et 2022 ayant empêché l'affectation des résultats de ces exercices, la DGFiP les a intégrés provisoirement sur une ligne ad hoc, pour un total de 302,1 milliards d'euros de déficit. Un rejet par le Sénat contraindrait à affecter le résultat de 2023 sur cette même ligne provisoire, portant son total à un déficit de 427 milliards d'euros.

Cette situation nuit à la lisibilité du bilan de l'État. C'est pourquoi les articles 7 et 8 du texte vous proposent de régulariser ces écritures.

Un amendement du Gouvernement à l'article liminaire intègre les dernières révisions des comptes nationaux publiés par l'Insee.

Ce texte technique est une photographie de l'exécution budgétaire de l'année passée. Le voter ne revient pas à cautionner la politique du Gouvernement, mais à prendre acte d'une exécution budgétaire.

Il permettra d'éclairer nos débats sur le PLF pour 2025.

Comme l'a rappelé le Premier ministre, notre volonté est de ramener le déficit à 5 % en 2025, et sous les 3 % en 2029. Je sais que nous partageons tous cet impératif pour les générations futures.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances .  - Nous examinons ce projet de loi de règlement - le premier sous cette forme depuis la réforme de la Lolf - bien plus tard que prévu, en raison de la dissolution. Heureusement, la commission des finances s'était saisie dès mars du sujet du dérapage budgétaire en 2023.

L'activité en France a atterri en douceur avec une croissance de 1,1 % en 2023, en ligne avec les prévisions initiales du Gouvernement. Cette performance est supérieure à celle de la zone euro, qui est de 0,5 point ; mais la croissance cumulée depuis 2017 n'est que de 8,4 %, contre 10 % pour la zone euro. Pas de quoi fanfaronner.

Malgré une prévision de croissance respectée, le déficit public a largement dérapé pour atteindre 5,5 points de PIB.

Nous en avons expliqué les causes dans les conclusions de notre mission d'information sur la dégradation des comptes publics : erreurs inédites de prévisions de recettes, élasticité des prélèvements obligatoires au PIB historiquement faible. Résultat, 2023 est l'année où le déficit a été le plus élevé, hors crise, depuis le début de la Ve République. On peut parler de sortie de route dès la première année de la LPFP 2023-2027. Les conséquences, nous les payons avec un déficit encore plus dégradé en 2024. C'est historique.

Le déficit public est essentiellement dû à l'État - c'est une constante depuis 2017. À 173 milliards d'euros, le déficit de l'État est supérieur de 8 milliards au montant prévu en loi de finances initiale. Il rejoint les niveaux atteints en 2020 et 2021, en pleine crise sanitaire. Inacceptable.

L'argument de la chute des recettes en fin d'année n'est qu'un paravent ; les prévisions de recettes avaient été fixées à un niveau trop élevé. L'héritage des années Le Maire-Macron s'est traduit par une explosion de l'endettement. Bientôt, nous devrons rembourser plus de 200 milliards d'euros de dettes chaque année.

En 2023, le temps des bonnes surprises a pris fin, avec une diminution des recettes de plus de 6 milliards d'euros. Les recettes de l'impôt sur le revenu baissent de 0,4 milliard d'euros, celles de l'impôt sur les sociétés, de 5,3 milliards, après des estimations très exagérées. Si l'on neutralise l'effet du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), les montants de 2017, 2019, 2021 et 2023 sont similaires : la baisse du taux n'a donc pas augmenté le produit de cet impôt, n'en déplaise au précédent ministre de l'économie.

Quant à la TVA, elle baisse de 5,6 milliards d'euros, du fait de transferts de parts.

S'agissant du respect de l'autorisation budgétaire, il manque 7,7 milliards d'euros par rapport à la loi de fin de gestion. Nous avons un vrai problème de prévision des recettes fiscales. Le ministre souhaite s'en saisir : nous l'approuvons, même si les erreurs des modèles techniques ont été amplifiées par les arbitrages et la communication abusive du précédent gouvernement.

Aucun effort en dépense n'est venu compenser les chutes de recettes et la gestion budgétaire est restée laxiste. Les dépenses nettes ont encore progressé de 1,9 milliard d'euros entre 2022 et 2023, malgré la fin de plusieurs dispositifs d'urgence. Aucune économie budgétaire n'a été proposée et les dépenses exceptionnelles ont été plus que remplacées par les dépenses courantes, en totale inconscience.

Depuis 2017, les dépenses de l'État ont augmenté de 16 %, soit deux fois plus que sous François Hollande ; sous Nicolas Sarkozy, elles étaient restées quasi stables. Et le PLF 2024 prévoyait une hausse de toutes les missions budgétaires, hormis la mission « Anciens combattants » !

S'agissant du suivi de la performance, nous sommes en présence d'un cas clinique, et pathologique, de bureaucratisation. Les indicateurs sont trop nombreux, inadaptés et inexploitables. Presque un sur trois n'a pas de cible quantitative. J'appelle une fois de plus à une remise à plat.

Sans surprise, je vous propose de ne pas adopter ce projet de loi. Certes, il ne fait que constater les résultats d'une gestion passée ; toutefois le niveau des déficits et l'écart entre l'autorisation parlementaire et l'exécution budgétaire doivent être sanctionnés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Christian Bilhac applaudit également.)

M. Grégory Blanc .  - Quels sont les effets de la gestion passée sur le temps présent, et au regard de la trajectoire budgétaire ?

Le passé est simple, factuel : des baisses d'impôts depuis 2017, puis des dispositifs covid et anti-inflation indispensables, financés par la croissance - un peu - et par l'endettement - beaucoup. Or 2023 a vu le maintien de ces dispositifs, le début du retournement du cycle et surtout l'arrêt des facilités financières. L'effet ciseau a été rude.

Dans une logique de bonne gestion, les patrimoines ayant artificiellement profité des liquidités généreusement distribuées auraient dû être mis à contribution. Aucunement. La majorité a laissé les comptes dériver. Le déficit passe de 4,8 % du PIB en 2022 à 5,5 % en 2023, avec un écart de 11 milliards d'euros entre le prévisionnel et le résultat final, alors même que les dépenses ont été plus faibles que prévu - notamment du fait d'un report de crédits consacrés à la transition écologique.

L'exercice 2023 est-il un exercice de bonne gestion ? Non ! Répond-il à nos enjeux, notamment face au défi écologique ? Non !

Voilà qui suffit pour voter contre le projet de loi. Mais pire. En 2023, le bloc libéral a camouflé le dévissage des comptes en validant - par 49.3 - un PLF biaisé d'entrée de jeu. Le pouvoir a refusé de reconnaître l'inversion du cycle économique et monétaire et donc la nécessité de changer de politique. Plus que la « stabilité fiscale », prônée du bloc libéral jusqu'aux réactionnaires, la confiance suppose de la lisibilité pluriannuelle.

En naviguant à vue, les gouvernements successifs ajoutent de la gravité à la gravité. Il faut attaquer le déficit primaire, assainir les comptes et rembourser les dettes.

L'effort à fournir, en intégrant les coûts de la transition écologique, est de 150 à 160 milliards d'euros à l'horizon 2028. Nous en sommes loin.

Vous ferez soit une belle dentelle, soit du report de crédits en baissant la couverture sociale des Français. Le choix des libéraux et des conservateurs est connu : baisse de la protection sociale et hausse de la TVA payée par tous.

En définitive, nous aurons eu en 2023 et 2024 le maintien de baisses d'impôts qui ont permis à certains de s'enrichir éhontément et l'explosion de la dette ; dans les années suivantes, l'augmentation des impôts pour tous. Nous sommes contre les injustices : nous rejetons le résultat de cette gestion. (M. Pierre-Alain Roiron applaudit.)

Mme Isabelle Briquet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous y sommes : la catastrophe annoncée trouve ici sa traduction. Ce n'est pas faute d'avoir dénoncé la théorie du ruissellement. Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce texte atteste de l'inefficacité des politiques menées et de l'impasse fiscale des différents gouvernements depuis 2017.

Estimé à 5,5 % du PIB, le déficit de l'État s'est aggravé de 80 milliards d'euros par rapport à 2019. Hors crise, un tel niveau n'avait jamais été atteint sous la Ve République. L'écart entre prévision et exécution est, lui aussi, inédit : sur les 25 dernières années, un tel écart n'a été atteint qu'en 2008, lors de la crise financière.

En 2023, il ne s'agit pas d'une erreur dans la prévision de croissance, mais bien de recettes fiscales du budget général en nette régression, passant de 330,3 milliards d'euros en 2022 à 322,9 milliards d'euros en 2023. Entre 2017 et 2023, la part des recettes publiques dans le PIB a diminué de 2,7 points, alors que celle des dépenses n'a reculé que de 0,7 point. Le déficit n'a pas été creusé par une hausse des dépenses, mais par une baisse irrationnelle des recettes. Chaque année, il manque 62 milliards d'euros dans les caisses de l'État, grâce aux cadeaux fiscaux offerts aux plus aisés et aux grandes entreprises.

La charge de la dette s'établit à 53,9 milliards d'euros en 2023, soit 3,2 milliards d'euros de plus qu'en 2022. En 2023, le facteur déterminant n'est plus l'inflation, mais la progression du volume et du taux de la dette de court terme.

Le déficit actuel reflète les échecs de la politique budgétaire et fiscale menée depuis 2017. En mai dernier, l'ancien ministre de l'économie avait parlé de « perfect storm » pour qualifier cet incident financier, qui n'était pas censé se reproduire...

L'année où le PIB diminuait à cause de la crise sanitaire, Bruno Le Maire baissait les impôts, comme pendant la crise énergétique - alors que, dans le même temps, nos partenaires européens poursuivaient l'assainissement de leurs finances publiques. La France est à la 24e place sur 27 en matière de déficit public dans l'Union européenne.

Nos finances publiques sont à l'agonie, à cause de la politique obstinée du Président de la République et de son ancien ministre de l'économie.

Devant une telle situation, il fallait trouver un coupable : les collectivités territoriales ! Méthode aussi déplorable qu'habile pour les contraindre à renflouer un déficit qu'elles n'ont pas creusé.

Appauvrir l'État et les collectivités, c'est appauvrir les services publics - moins de sécurité, de soins, d'éducation  - , le fil rouge de cette majorité depuis sept ans.

Notre groupe partage l'objectif de maîtrise des finances publiques, mais ne cautionne pas cette politique libérale qui affaiblit l'État. Nous promouvons une taxation plus juste des hauts revenus, des gros patrimoines et des surprofits. C'est le désarmement fiscal qui explique nos difficultés budgétaires. L'année 2023 aurait pu être celle du redressement ; elle a été celle de l'effondrement de nos finances publiques.

Formellement, nous pourrions désapprouver la politique menée sans pour autant nous opposer à sa traduction comptable. Mais là aussi le bât blesse : la Cour des comptes note une atteinte au principe de l'annualité budgétaire, pour la troisième année consécutive, avec les reports de crédits.

Dans la continuité de nos votes précédents et en l'absence de toute amélioration, notre groupe rejettera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, et du GEST)

M. Stéphane Ravier .  - Nous voilà enfin au premier texte budgétaire de l'année, alors que de nombreux coups de rabot ont déjà été donnés à tort et à travers. Il y a manifestement une accoutumance du Gouvernement au mépris de la démocratie parlementaire et locale.

Pour la troisième fois d'affilée, nous allons rejeter la loi de règlement, sans que cela entraîne le moindre changement, alors que l'article 15 de la déclaration des droits de l'homme et du contribuable contraint tout agent public à rendre compte de son administration.

Les Français financent, l'État dépense. Cela ruine le consentement à l'impôt et grossit les rangs des gilets jaunes.

Bruno Le Maire est l'incarnation de l'échec de la parole publique. Après avoir arrêté l'économie française en 2020 et prétendu mettre l'économie russe à genoux - fantasme d'écrivain... -, il a finalement reconnu être à l'euro près. Bel aveu d'échec !

L'épidémie connaît un nouveau variant : le Delta, pour déficit. Nous en connaissons le responsable : le pangolin macroniste.

Le déficit budgétaire se creuse à 173 milliards d'euros en 2023. Vous affirmez que c'est pour financer le bouclier tarifaire, mais ce bouclier n'est que la conséquence des mauvais choix énergétiques de la macronie, dictés par son écologie punitive et son européisme béat.

Nouveauté 2023 : l'ampleur de l'écart entre prévision de déficit et réalité ! Tous ces signaux sont inquiétants, car ils montrent une situation durable.

Chers collègues des Républicains et du Rassemblement national, en vous associant aux héritiers de ce bilan désastreux, vous acceptez un chèque sans provision et vous rendez complices des menteurs. Pour ma part, je voterai résolument contre ce texte.

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) L'exercice 2023 est particulier : la fin de l'exercice 2022 est marquée par le début du dérapage du déficit, en raison de l'incapacité de Bercy à prévoir ses recettes et ses dépenses.

Petit retour en arrière : le 15 novembre 2023, l'Assemblée nationale adopte le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027. Le déficit public continuait d'être prévu à 4,9 % du PIB, alors qu'il s'établira à 5,5 % à peine six semaines plus tard... Fin 2023, le Sénat a lui aussi voté une loi de finances de fin de gestion dont les prévisions étaient en décalage de 7,8 milliards d'euros avec le déficit réel.

Depuis six ans, le Sénat rejette le projet de loi de règlement de l'année précédente. Sans conséquence. Alors à quoi bon un tel exercice ? Mettons fin à cette mascarade et instaurons un cadre financier pluriannuel contraignant. C'est le sens de ma proposition de loi constitutionnelle qui sera débattue le 14 novembre prochain.

Le réel, c'est quand on se cogne. Cet exercice 2023, et celui de 2024 je le crains, montrent que nous devons procéder à un changement systémique pour mettre un terme, dès 2025, à la spirale de ce déficit structurel sans fin, qui dure depuis quarante-trois ans.

L'effort que nous nous apprêtons à demander à nos administrations, à nos collectivités territoriales, à nos concitoyens, à nos entreprises est inédit. Il faudra être à la hauteur en faisant preuve de sérieux : ne pas alourdir les dépenses ni la fiscalité - dans un pays où elle est l'une des plus lourdes au monde.

En ce 22 octobre 2024, je forme le voeu que nous ne nous retrouvions pas chaque année pour rejeter le projet de loi d'approbation des comptes. D'ici là, en responsabilité, notre groupe s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Sans grande surprise, ce budget sera le troisième à ne pas être validé a posteriori.

Chaque année, le Gouvernement plaide pour l'adoption d'un texte technique ; c'est vrai, mais nous ne pouvons pas faire abstraction de son sous-jacent politique. Certes, ce n'est que le compte rendu de l'exécution du budget 2023. À ce stade, les parlementaires ne peuvent plus corriger la copie et se contentent de constater que l'autorisation parlementaire a été respectée. Le groupe Les Républicains ne donnera pas quitus au Gouvernement, car il refuse de cautionner les dérives de la gestion et les conséquences néfastes du « quoi qu'il en coûte ».

Je regrette que le ministre Saint-Martin ne soit pas au banc : la réforme de la Lolf qu'il avait portée devait réhabiliter la loi de règlement, d'abord par un changement de nom : plus de loi de règlement, mais une loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année, la LRGACA. Simplification donc ! (M. Jean-François Husson ironise.)

Changement de calendrier aussi, puisque le Gouvernement doit désormais déposer son projet de loi avant le 1er mai -  et non plus le 1er juin. Les délais ont été tenus par le gouvernement précédent. Mais, en pleine campagne des européennes, il n'a pas voulu mettre ces résultats sur la place publique, alors qu'il refusait tout budget rectificatif.

Organisé dans l'urgence -  puisque l'article 41 de la Lolf interdit de débattre du projet de loi de finances n+1 tant que la loi de règlement n-1 n'a pas été votée  - , ce débat est complètement tronqué. N'oublions pas la sagesse de Victor Hugo : « L'avenir est une porte, le passé en est la clé. » Il est loin, le printemps de l'évaluation qui devait nous permettre d'examiner de façon approfondie l'état des finances publiques dans un temps complètement distinct du PLF...

Ce texte comptable est d'une parfaite inutilité : son rejet à trois reprises est sans aucune conséquence, alors que cela n'était jamais arrivé - sinon en 1833. (M. Jean-François Husson s'en amuse.)

Le résultat patrimonial non approuvé des exercices précédents est imputé sur une ligne spéciale : « solde des opérations d'exercices antérieurs en attente d'affectation » ... La LRGACA n'est donc qu'une formalité parlementaire.

Alors pourquoi continuons-nous d'inscrire ce texte à notre ordre du jour ? Nous pourrions nous contenter de l'avis de certification des comptes par la Cour des comptes. Simple constat.

Le groupe Les Républicains ne peut pas voter un texte constatant un déficit de 5,5 % du PIB, qui n'est le résultat ni d'une crise majeure ni d'une erreur de prévision de croissance, mais celui d'une mauvaise estimation des recettes : il a manqué 21 milliards d'euros.

Chers collègues de gauche, il ne suffit pas de voter des impôts pour remplir les caisses. Les chefs d'entreprise sont désespérés, ils ne veulent plus ni embaucher ni investir. Les Français vont épargner, et non consommer... donc moins de TVA. C'est un cycle infernal.

M. Laurent Duplomb.  - Eh oui !

Mme Christine Lavarde.  - Unique remède : il faut réduire la dépense publique, et non pas seulement en ralentir la croissance. En 2023, l'État n'a pris que des mesures de pilotage pour réduire ses dépenses -  surgels, annulations et réductions de crédits. Les dépenses publiques hors crédits d'impôt ont augmenté en valeur deux fois plus vite que les recettes fiscales. La baisse de la dépense a consisté à éteindre les dispositifs d'urgence et de relance. Vous avez été aussi aidés par le reflux de l'inflation, pour 14 milliards d'euros ! La Cour des comptes l'a dit : aucune mesure structurelle significative d'économies n'avait été prévue. Dans son avis du 15 avril dernier, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a donné la voie à suivre : une action résolue sur la dépense publique et un réexamen des dépenses fiscales.

Ne nous méprenons pas sur le rôle des collectivités territoriales. Certes, en 2023, leurs dépenses ont été supérieures de 4 milliards d'euros par rapport à ce que la loi de programmation avait prévu, mais elles ont soutenu la croissance grâce à 4,5 milliards d'euros d'investissements, sans s'endetter massivement.

Les départements sont dans un cas très particulier : leur épargne brute a baissé de 39 % en raison de la chute des droits de mutation et de la hausse des dépenses sociales.

La Cour des comptes a relevé plusieurs anomalies, qui sont loin d'être des broutilles : surévaluation des matériels militaires, non-provisionnement des charges de gros entretien, surévaluation de la participation de l'État au capital d'EDF, idem à la Caisse des dépôts, fonds d'épargne classés à tort dans les participations de l'État -  pour quelques dizaines de milliards d'euros à chaque fois... Certains engagements hors bilan ne sont pas mentionnés -  dont la garantie de la dette de Bpifrance pour 45 milliards d'euros et l'engagement au titre du remboursement de l'emprunt émis pour financer le plan de relance européen pour 75 milliards d'euros ! Pire, ces anomalies ne sont pas nouvelles : elles figuraient dans les avis de certification de 2021 et de 2022.

M. Saint-Martin, auteur de la loi organique de modernisation de la gestion des finances publiques, devrait poursuivre son élan pour améliorer la présentation des comptes de l'État. (Acclamations et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Didier Rambaud .  - (M. Bernard Buis applaudit.) Comme chaque année, nous examinons la photographie des comptes de l'année précédente.

L'année dernière a été marquée par un contexte économique difficile, avec une inflation persistante, qui a entraîné le ralentissement de la croissance et 7,7 milliards d'euros de recettes fiscales de moins que prévu. (M. Laurent Duplomb s'exclame.) En 2023, le déficit budgétaire a atteint 173 milliards d'euros et 5,5 % du PIB, au-delà des 4,9 % attendus.

Saluons l'effort de maîtrise des dépenses du Gouvernement, réalisé en dépit du contexte, car les dépenses nettes du budget général ont été contenues. Heureusement que les parlementaires de la majorité présidentielle étaient présents pour se battre, souvent bien seuls, contre les milliers d'amendements de dépenses supplémentaires.

M. Claude Raynal.  - Provocateur !

M. Didier Rambaud.  - Le HCFP a d'ailleurs souligné cet effort d'ajustement structurel des dépenses. Oui, nous devons faire mieux !

L'année 2023 a vu la progression des transferts de l'État aux collectivités territoriales -  DGF, TVA affectée aux régions, fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). (M. Laurent Duplomb proteste.)

On peut regretter et contester les choix budgétaires, mais on ne peut pas revenir en arrière. Aussi, pourquoi ne pas adopter ce projet de loi ? L'article 41 de la Lolf n'exige pas l'adoption du projet de loi de gestion et d'approbation des comptes, mais seulement un vote en première lecture. Le Parlement peut donc continuer à rejeter ces textes, mais ce faisant, il porte atteinte à la crédibilité budgétaire de la France.

Quelle entreprise ne clôt pas ses comptes ? Refuseriez-vous le quitus dans vos collectivités ? Ces postures politiques sont regrettables. Certes, nous devons faire mieux en exécution, mais agissons en assumant nos responsabilités. Pour éviter toute prise de risque inutile, le groupe RDPI votera ce texte. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Christian Bilhac .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Ce projet de loi est le premier du genre et succède au projet de loi de règlement, à partir de 2023, comme le prévoit la loi organique de 2021.

Je m'interroge en voyant les chiffres : y a-t-il un pilote dans l'avion budgétaire ? La comparaison entre crédits ouverts et consommés est édifiante. Un fonctionnaire de Bercy surveille-t-il le niveau de dépenses publiques de temps en temps ? À moins qu'avec l'informatique, les données n'arrivent plus lentement qu'à l'époque du cheval et de la plume d'oie ? (Sourires)

La commission des finances de l'Assemblée nationale s'est dotée des pouvoirs d'une commission d'enquête pour tirer au clair les causes de ce dérapage incontrôlé. Quant à la commission des finances du Sénat, face au manque de sincérité, elle a réactivé sa mission d'information sur la dégradation des finances publiques.

Les recettes ont diminué en 2023, alors que les prévisions de croissance étaient plutôt réalistes. Mais les dépenses ont creusé le déficit. L'encre de la loi de programmation était pourtant à peine sèche... Mais, on le sait, sitôt votées, les lois de programmation sont rangées dans un tiroir et on en jette la clé dans la Seine !

En 2023, le Gouvernement n'a pas jugé utile de procéder aux ajustements nécessaires pour réduire les écarts ni de consulter le Parlement. Pourtant, dans nos communes, on surveille chaque mois si les recettes rentrent, si les dépenses sont respectées, et le maire peut agir sur les dépenses pour éviter d'aggraver la situation. Mais à Bercy, on procrastine, en attendant le miracle.

Madame la ministre, vous n'y êtes pour rien, mais il est temps de redresser les comptes publics. On ne peut pas continuer comme ça !

Je vous souhaite courage et habileté. Les membres du RDSE voteront contre. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Sylvie Vermeillet .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP) Nulle surprise, les comptes sont mauvais. Et ce sera probablement pire l'an prochain.

Avec 5,5 % de déficit pour l'ensemble des administrations publiques, la situation budgétaire, déjà fragile, a continué de s'aggraver. Le groupe UC s'est toujours opposé à la suppression de recettes qui aggraveraient le déficit et la dette (M. Michel Canévet renchérit), comme la suppression de la contribution à l'audiovisuel public ou celle de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). J'ai aussi défendu un amendement pour taxer les superprofits, qui revient curieusement au goût du jour. Car supprimer des recettes alors que nous augmentions les dépenses en faveur de la justice, de la police ou de la recherche n'était pas responsable : que chacun assume son vote.

Le Parlement n'a été saisi d'aucun projet de loi de finances rectificative (PLFR) alors même que le déficit est passé de 126 milliards d'euros fin 2022 à 173 milliards d'euros. Comment les parlementaires peuvent-ils remplir leur rôle ? Le Conseil constitutionnel rappelle pourtant qu'il appartient au Gouvernement de soumettre un PLFR si les grandes lignes de l'équilibre budgétaire changent en cours d'année. Cette logique élémentaire n'a pas été respectée. Il faudra peut-être modifier la Lolf pour la rendre automatique.

Il ne semble pas pertinent de rejeter les comptes, même s'ils sont mauvais, car ils ne sont pas comptablement erronés. Il ne s'agit pas d'adhérer à l'ensemble des choix politiques, mais d'acter un résultat comptable issu de choix que nous avons en partie votés et que Bruxelles espère. Le groupe UC s'abstiendra majoritairement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

M. Éric Bocquet .  - Il y a une constante depuis 2020 : M. Bruno Le Maire, ministre des déficits, nous annonce régulièrement que des incertitudes impactent le PLF.

Au Sénat, le 1er octobre 2020, il nous assurait que nous assistions à un risque de fort ralentissement de l'économie mondiale en raison de nombreuses tensions -  tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, dans la région du Golfe, en Europe avec le risque d'un Brexit sans accord. Pas un mot sur la crise sanitaire.

Il nous préparait ainsi à un dérapage des finances publiques, tout en réaffirmant : « nous maintenons une politique de l'offre ». Tout va mal, mais le cap est à l'offre toute ! Tant pis pour les Français et les finances publiques à long terme.

Le 30 septembre 2020, toujours au Sénat, il affirmait que l'axe restait le soutien à l'offre et l'amélioration de la compétitivité des entreprises, dans un contexte très difficile de grande incertitude économique. Ce n'est plus de la constance, mais de l'entêtement !

Le 22 septembre 2021 -  mon intervention préférée  - , il clamait son attachement à la maîtrise des comptes, à la baisse des impôts et à la sincérité. Après la crise la plus grave que nous ayons connue depuis 1929, 2022 devait marquer le retour progressif à la normale et la fin du « Quoi qu'il en coûte ».

Enfin, le 26 septembre 2022, il nous assurait que les incertitudes n'avaient jamais été aussi grandes -  Ukraine, difficultés économiques de nos partenaires, incertitudes politiques au sein de la zone euro.

Sans vouloir tirer sur l'ambulance, permettez-moi de souligner qu'à chaque fois il a dénoncé le contexte, tout misé sur une croissance incertaine et qu'il n'a jamais reculé sur la politique de l'offre.

Résultat : une dérive budgétaire, avec un déficit public deux fois plus lourd qu'en 2019 et presque aussi haut qu'en pleine crise sanitaire.

Une fable a cours au Gouvernement depuis 2017 : on peut faire mieux avec moins de dépenses et on a plus de recettes quand on baisse les taux et qu'on supprime les impôts. Voyez donc les 7,3 milliards d'euros de moindres recettes en 2023 par rapport à 2022...

La politique de l'offre conduit aussi à taxer plus les ménages avec l'impôt sur le revenu et la TVA que les entreprises : l'écart est d'au moins dix points.

Et que dire des 7 milliards d'euros d'économies revendiquées par rapport à 2022 ? Pour 84 % d'entre elles, il s'agit de dispositifs mal conçus qui conduisent à du non-recours -  filet de sécurité des collectivités territoriales, prêts garantis par l'État, MaPrimeRénov', chèque énergie, indemnité carburant...

Reports de crédits, gels, annulations : 38,4 milliards d'euros se sont baladés, au mépris des droits du Parlement.

L'année 2023 est derrière ; l'année 2025 devant. « Le passé est un oeuf cassé, l'avenir est un oeuf couvé », écrivait Paul Éluard. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Jean-François Husson apprécie la citation.)

M. Vincent Capo-Canellas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le calendrier contraint nous conduit à examiner ce texte en prélude au PLF, ce qui est baroque et souligne la fragilité de la situation actuelle.

Je formulerai quatre observations.

Première observation, il faut trouver une façon de sortir de cette situation de rejet du projet de loi de règlement pour la troisième fois. Cela n'est pas sain et nous avons un devoir de crédibilité à l'égard des observateurs et des marchés. Avant, nous soutenions que c'était le moment le plus fort du temps budgétaire ; maintenant nous rejetons le texte, c'est paradoxal. Ne pourrait-on pas amender la Lolf dans le sens d'une approbation tacite, sauf en cas de réserves émises par la Cour des comptes ?

Deuxième observation, le déficit a dérapé en 2023. Il faut en tirer les leçons et voter un PLFR dès que les comptes commencent à dériver.

Troisième observation, la politique de l'offre est-elle enterrée ? La baisse des rentrées fiscales obère la politique de l'offre quand elle ne s'accompagne pas d'une baisse des dépenses, car cette politique mérite d'être financée. Nous avons probablement atteint, voire dépassé, notre seuil de tolérance fiscale, au-delà duquel les rendements fiscaux décroissent. Nous ne sommes donc pas à l'abri de mauvaises surprises à venir, surtout si nous accablons certains secteurs de taxes -  je pense à l'aérien.

Quatrième observation, l'ampleur des dérapages amène à s'interroger sur le bon équilibre entre taxes et économies -  le diable fiscal étant sorti de sa boîte  - , entre ajustement budgétaire et préservation de la croissance et entre mesures d'urgence aux effets douloureux et mesures structurelles plus curatives. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

Discussion des articles

Article liminaire

M. le président.  - Amendement n°1 du Gouvernement.

Mme Marina Ferrari, ministre déléguée.  - Notre amendement actualise l'article liminaire. Depuis le dépôt de ce projet de loi le 17 avril, l'Insee a actualisé les chiffres du PIB pour 2023. Si le déficit reste inchangé, le partage entre solde structurel et conjoncturel a été modifié.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis défavorable.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

L'article liminaire n'est pas adopté, non plus que les articles 1er, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8.

L'article 9 est mis aux voix par scrutin public ordinaire de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°20 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 202
Pour l'adoption   19
Contre 183

L'article 9 n'est pas adopté. En conséquence, le projet de loi n'est pas adopté.

La séance est suspendue quelques instants.