Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.

Doliprane (I)

Mme Anne-Sophie Romagny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Ma question s'adresse au Premier ministre, car il y va de notre souveraineté industrielle et sanitaire. Elle a trait à un sujet fiévreux, qui me donne mal à la tête ! J'associe à ma question Sonia de La Provôté, présidente de la commission d'enquête sur la pénurie de médicaments.

La priorité fixée par le Gouvernement en 2023 était de garantir l'accès pour tous au médicament, et le Président de la République appelait à une véritable reconquête sanitaire. Quelle est notre incompréhension de voir que le Gouvernement soutient la décision de Sanofi de vendre sa filiale Opella à un fonds américain !

Vous considérez que cette vente ne remettra en cause ni la production de Doliprane en France ni l'approvisionnement du marché français. Nous ne partageons pas votre optimisme et n'acceptons pas ce changement de cap du Gouvernement. C'est notre souveraineté industrielle et sanitaire qui est menacée.

Oui, c'est une question de santé publique. Comment ne pas se rappeler que pendant le covid nous manquions cruellement de Doliprane ? Que dire de la perspective d'une introduction en bourse dans trois ans et du risque d'une OPA étrangère ? Quelles garanties apportez-vous ?

Pourquoi ne pas imposer votre veto, alors qu'un fonds français était prêt à racheter Opella ? Quid du guichet unique pour soutenir la relocation de la production de médicaments essentiels en France et des recommandations de notre commission d'enquête ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur quelques travées des groupes INDEP et SER ; M. Pascal Savoldelli applaudit également.)

M. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie .  - C'est un sujet essentiel : premièrement, notre stratégie industrielle est de produire en France des médicaments utiles et indispensables à nos concitoyens ; deuxièmement, l'approvisionnement est aussi une question de sécurité sanitaire. Je me suis rendu sur le site de Lisieux avec Marc Ferracci, mais je pense aussi aux salariés du site de Compiègne.

Je ne suis pas optimiste, mais déterminé à obtenir des garanties extrêmement fermes.

M. Rachid Temal.  - Lesquelles ?

M. Antoine Armand, ministre.  - Le Doliprane continuera à être produit en France. Des discussions sont en cours sur le maintien de l'emploi sur la durée, de l'empreinte industrielle et de la R&D et sur la localisation du siège. Pourquoi ? Parce que nous devons relocaliser notre production, notamment celle du principe actif du Doliprane.

Nous ne nous interdisons rien. Nous suivrons pleinement la procédure légale relative aux investissements étrangers en France. J'étudie la possibilité d'une prise de participation directe à la gouvernance, car les entreprises qui ont été soutenues par le gouvernement français ne peuvent pas l'être à n'importe quel prix. (M. François Patriat applaudit.)

Proche-Orient

M. Akli Mellouli .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Voilà un an que les Palestiniens subissent les affres de ce que les enquêtes qualifieront sans aucun doute de génocide. Un an que Gaza est enfermée dans une spirale de destruction et de mort. Un an qu'un double standard gangrène nos discours et notre action. Un an que, dans notre pays, la voix de ceux qui réclament l'application du droit international est caricaturée et criminalisée. Un an que la voix de la diplomatie française a été réduite au silence. Discréditée, elle est le reflet d'une politique qui a tourné le dos à la justice et au droit.

Nous assistons désormais à une escalade dangereuse, où Israël, dans une impunité totale, attaque délibérément les forces de la Finul au sein desquelles figurent des soldats français.

Mais je refuse de perdre l'espoir que notre pays retrouve sa place sur la scène internationale. Ce ne sera possible que si nous rétablissons le respect du droit humanitaire le plus élémentaire.

Que proposez-vous pour répondre aux demandes urgentes d'ouverture d'un corridor humanitaire ? Seuls quinze camions peuvent entrer à Gaza par jour ; il en faudrait 500 ! Et la situation s'étend désormais au Liban. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe CRCE-K)

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - La France ne détourne les yeux d'aucune violation du droit international et se trouve toujours aux côtés de ses défenseurs. Si, comme la France, tous les pays avaient demandé un cessez-le-feu, l'acheminement sans entrave de l'aide humanitaire et la libération inconditionnelle des otages... Si, comme la France, tous les pays avaient consenti à soigner les enfants à bord de notre porte-hélicoptères, le Dixmude...

M. Akli Mellouli.  - Vous en avez soigné cinq !

M. Jean-Noël Barrot, ministre.  - ... Si, comme la France, tous les pays du monde avaient consenti à sanctionner les colons extrémistes en Cisjordanie, à soutenir financièrement l'Autorité palestinienne et à plaider encore pour une solution à deux États, alors nous n'en serions sans doute pas où nous en sommes aujourd'hui.

Je vous invite à vous joindre à nos efforts et à saisir la diplomatie parlementaire pour alerter les opinions publiques et les parlements autour du monde, afin que cessent les violences et qu'advienne la paix.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Agissez !

M. Akli Mellouli.  - Il faut sortir de l'incantation et passer à l'action. Il faut reconnaître l'État de Palestine, comme l'ont fait les deux chambres en 2014. Il n'y aura pas de solution à deux États sans diplomatie et sans respect du droit international. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

Perspectives pour les soignants

M. Philippe Mouiller .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Longtemps, le Sénat s'est senti très seul quand il alertait chaque automne sur la dérive des comptes sociaux. On nous regardait comme Cassandre. Pourtant, elle avait raison, et c'est pour ne pas l'avoir écoutée que Troie a connu la ruine.

Le Gouvernement semble désormais avoir pris la mesure de la situation budgétaire et des risques que la France court. Vous avez pris l'opinion publique à témoin et proposé des mesures de redressement des comptes, comme le montre le PLFSS pour 2025. Ce texte prévoit des efforts souvent difficiles ; je ne doute pas que les débats seront vifs.

Si des efforts sont nécessaires, ils ne peuvent constituer le seul horizon pour des acteurs qui ont déjà le sentiment d'être au bout de leurs possibilités, dans un système qui fonctionne mal. Je pense aux soignants et aux agents des établissements de santé et médico-sociaux.

Si nous approuvons la démarche d'assainissement des comptes, que leur dites-vous ? Comment les convaincre que la maîtrise des comptes n'est pas synonyme d'abandon, mais d'engagement pour l'avenir ? Quels chantiers avez-vous lancés pour que nos aides sociales profitent mieux à tous ? Comment garantir l'avenir de notre système de santé et de la sécurité sociale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins .  - Il s'agit moins d'une dérive des comptes sociaux que d'un système de financement qui n'est plus adapté à notre démographie et aux enjeux de santé.

Pour ce qui est de notre PLFSS, il n'y a pas de rigueur. L'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) augmente de 9 milliards d'euros, ce qui est considérable.

M. Mickaël Vallet.  - C'est l'inflation...

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - Les soignants n'ont rien à craindre. Nous respectons nos engagements conventionnels. Les généralistes verront leur consultation passer à 30 euros. Nous respectons les engagements du Ségur, en matière d'augmentations salariales comme d'investissements.

Nous devons construire l'avenir ensemble. La prévention doit être le facteur majeur à développer dans notre système de santé. Vieillir en meilleure santé possible réduira de facto les frais de l'assurance maladie, qui couvre 80 % des frais de santé des Français, contre 76 % il y a dix ans. Dans le même temps, la part des assurances complémentaires est passée de 13 % à 12 %. Nous devons travailler sur la structuration et le financement du système. (M. François Patriat applaudit.)

M. Jacques Grosperrin.  - Ah ça !

M. Philippe Mouiller.  - Nous devons prendre des décisions dans l'urgence, mais le Sénat sera porteur de réformes de fond, car c'est par les réformes que nous retrouverons des perspectives d'avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Réseau de l'enseignement français à l'étranger

Mme Samantha Cazebonne .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Les enseignants du réseau français à l'étranger, qu'ils soient en Ukraine, au Liban, au Burkina Faso ou en Iran, et dans 135 autres pays, servent la France. Leur dévouement fait autant notre fierté que celui de leurs collègues en France. Ils portent eux aussi les valeurs de la République, dans des pays où leur vie ou celle de leur famille peut être exposée. Les élus à l'Assemblée des français de l'étranger, réunis cette semaine à Paris, nous l'ont encore rappelé.

Notre réseau, qui compte 600 écoles, voit le nombre d'élèves augmenter dans le cadre de l'objectif Cap 2030 fixé par le président de la République. Plus des deux tiers des enseignants relèvent du droit local. Nous ne pouvons nous priver de l'expertise des titulaires de l'éducation nationale, piliers de ce système.

Une note de service de 2019 a fait évoluer les conditions de détachement, désormais limités à deux périodes de trois ans. Au regard des conflits géopolitiques, des restrictions de déplacements et des problématiques de visas, cette réforme a perdu de sa pertinence. Les enseignants sont de plus en plus réticents à postuler pour l'étranger. Il faut tenir l'engagement de la valorisation des acquis de l'expérience, promise lors de la réforme, et de mettre en place un groupe de travail.

Avec les parlementaires français de l'étranger et les forces syndicales, nous demandons que la prolongation des détachements à neuf ans devienne la règle.

Ce réseau d'enseignement unique au monde permet de tisser des liens diplomatiques, économiques et culturels. Témoignons-lui notre attachement et notre soutien. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Anne Genetet, ministre de l'éducation nationale .  - Je réaffirme notre soutien à ce réseau exceptionnel d'écoles à l'étranger, qui fait notre fierté.

J'entends les préoccupations des enseignants. La mesure prise en 2018 par M. Blanquer avait pour objet d'éviter les difficultés rencontrées lors du retour en France. Nous trouverons le point d'équilibre, pour répondre aux besoins du réseau et des enseignants et ouvrir la mobilité à l'étranger à davantage de personnels titulaires.

Je connais les difficultés de l'expatriation, ses défis et ses désillusions lors du retour en France. C'est pourquoi nous publierons un guide du départ et un guide du retour fin 2024 et mettrons en place des formations. Malgré les retards, j'ai demandé que les conclusions du groupe de travail soient remises à la fin de l'année.

Notre réseau est d'une qualité exceptionnelle. Consciente des difficultés de recrutement de nos établissements, j'ai demandé une évaluation précise, pour garantir la continuité et la qualité de l'enseignement. C'est un problème dans certains pays.

Je serai à vos côtés pour développer ce réseau, l'un des plus beaux et des plus vastes au monde, et défendre la pédagogie à la française. (M. François Patriat applaudit.)

Compensation aux départements de l'extension de la prime Ségur

Mme Corinne Bourcier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Frédérique Puissat applaudit également.) En juin dernier, un arrêté a étendu la prime Ségur à tous les salariés du secteur sanitaire et médico-social, en réponse à une demande ancienne des « oubliés du Ségur ». Les salariés administratifs ou techniques bénéficieront désormais de cette prime, dont l'extension sera financée par l'État, la sécurité sociale et les départements.

On peut se réjouir pour les salariés concernés, moins pour les départements, qui sont dans une situation financière plus que fragile. Dotations insuffisantes, explosion du coût des matières premières, revalorisations salariales et effondrement des droits de mutation, autant de raisons qui expliquent la dégradation des finances des départements, qui ne pourront ni financer la prime ni honorer toutes leurs missions.

Les départements, avec les communes, sont des échelons de proximité et jouent un rôle clé dans les politiques sociales et de solidarité. Il faut donc agir. Madame la ministre, pouvez-vous les rassurer quant à la compensation de cette nouvelle charge ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance .  - (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; M. Raphaël Daubet applaudit également.) Cet accord historique de revalorisation, qui étend la prime Ségur à 110 000 professionnels, engage une dynamique de fusion des conventions collectives. La future convention collective unique mettra fin à une situation inadaptée, où 20 % des salariés du secteur ne bénéficient d'aucune protection, où aucune garantie de progression des carrières et des rémunérations n'est prévue. Il y a là un enjeu plus large d'attractivité. Cet accord est le fruit d'un travail concerté entre les départements et le Gouvernement.

Une enveloppe de 500 millions d'euros a été dégagée, dont 120 millions d'euros pour les départements - portée à 170 millions d'euros pour tenir compte de l'inflation, puisque plusieurs types d'établissements relèvent des départements, pour la protection de l'enfance par exemple. Pour la sécurité sociale, une enveloppe de 300 millions d'euros a été dévolue à la branche autonomie pour 2024.

Les travaux entamés par les fédérations d'employeurs ont été suspendus par la dissolution. Le Gouvernement s'est engagé à ce que ce comité se réinstalle, car ces travaux et échanges sont indispensables. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP et du RDPI)

Conversion de la centrale de Cordemais

M. Philippe Grosvalet .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Rachid Temal applaudit également.) Quelle est la différence entre une ministre de la République et la porte-parole du PDG d'EDF ? (Sensation)

M. Jacques Grosperrin.  - Il fait du Karoutchi !

M. Yannick Jadot.  - Sors de ce corps, Karoutchi ! (M. Roger Karoutchi apprécie.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques .  - Je connais votre implication sur le sujet de la centrale à charbon de Cordemais. J'imagine que derrière cette question un brin provocatrice, ...

Plusieurs voix à droite.  - Mais non !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - ... vous m'interrogez sur l'avenir de cette dernière.

L'État actionnaire fixe le cahier des charges et EDF l'applique. Nous voulons une reconversion durable qui donne un avenir à chaque salarié de cette centrale, qui arrêtera sa production électrique en 2027. Ce sera la dernière à fermer, car il fallait attendre le démarrage de Flamanville pour sécuriser l'approvisionnement dans l'Ouest. (MM. Thomas Dossus et Yannick Jadot ironisent)

M. Fabien Gay.  - Pour sécuriser son directeur !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Compte tenu de notre politique climatique, il faut fermer les centrales à charbon, c'est l'évidence. Je remercie les salariés qui ont sécurisé nos approvisionnements ces dernières années.

Cet hiver, la centrale n'a pas été mise à contribution, c'est une bonne chose, cela veut dire que notre système électrique est plus solide.

Rassurez-vous, le cahier des charges demeure. Notre projet se fonde sur la relance du nucléaire ; c'est un bon projet, mais cela ne saurait être le seul. Comptez sur moi et sur Olga Givernet. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Yannick Jadot et Mme Laurence Rossignol s'exclament.)

M. Philippe Grosvalet.  - Une ministre de la République ne peut pas profiter d'un voyage dans mon département de Loire-Atlantique pour annoncer le licenciement de 350 salariés, sans même prendre le soin de les rencontrer. (Mme Agnès Pannier-Runacher le conteste.) Vous ajoutez de l'agitation à la colère.

Imaginez le maire de Cordemais se levant, découvrant dans le journal que le permis de construire qu'il a attribué pour l'implantation d'une usine à pellets ne va pas se faire !

Une ministre de la République ne peut pas revenir sur la parole donnée et remettre en cause celle du chef de l'État.

C'est pourquoi, monsieur le Premier ministre, je m'adresse à vous. (M. Michel Barnier se tourne vers l'orateur.) Comme vous, j'ai été président d'un grand département. Nous savons que la transition énergétique et écologique ne se fera pas contre les territoires ni contre leurs habitants.

Intervenez auprès du PDG d'EDF pour lui rappeler ses obligations et ses devoirs. (Applaudissements sur les travées du RDSE, des groupes Les Républicains, CRCE-K, SER et du GEST ainsi que sur quelques travées du groupe UC ; Mme Nadège Havet applaudit également.)

Doliprane (II)

Mme Corinne Féret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Monsieur le ministre, dans une tribune, l'ensemble des parlementaires socialistes vous ont interpellés pour que vous vous opposiez à la vente de la filiale de Sanofi à un fonds d'investissement américain.

Lundi matin, j'étais à Lisieux aux côtés des salariés pour m'opposer à cette vente. Personne n'a oublié qu'en 2020 le Président de la République annonçait la relocalisation de la production du paracétamol en France, avec un soutien massif de l'État.

Quatre ans plus tard, nous apprenons avec stupeur la décision purement financière de Sanofi. Monsieur le ministre, empêchez cette vente, qui menace les 1 700 emplois d'Opella et notre souveraineté sanitaire !

Vous avez les instruments pour le faire : le décret Montebourg permet au Gouvernement d'opposer son veto. Il faut l'utiliser et privilégier les alternatives françaises, au nom du patriotisme économique ! Le Doliprane ne doit pas changer de nationalité.

Inspirez-vous du rapport du Sénat sur la reconstruction de la souveraineté économique de la France de Franck Montaugé, mais également du rapport relatif à la pénurie de médicaments, auquel a participé Émilienne Poumirol.

Trop d'entreprises ne respectent pas les accords et préfèrent payer des amendes. Face à la crainte légitime d'une casse sociale à Lisieux ou à Compiègne et alors que les difficultés d'approvisionnement en médicaments vont croissant, allez-vous engager votre droit de veto ? Pourquoi ne l'avez-vous toujours pas fait ? (Applaudissements sur les travées des groupeSER, CRCE-K et du GEST ; Mme Anne-Sophie Romagny applaudit également.)

M. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie .  - Parce que la procédure n'a pas commencé, tout simplement ! Sanofi est entrée en discussion, la procédure ne peut pas commencer avant !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie et Mme Émilienne Poumirol - Mais allez-vous le faire ?

M. Antoine Armand, ministre.  - Nous nous sommes rendus sur place pour montrer notre attachement aux salariés et au maintien de la production et du siège social en France. Il faut des engagements fermes, et plus encore, notamment des clauses garantissant le respect de ces engagements. Telles sont les discussions que nous menons aujourd'hui.

Vous auriez pu aussi évoquer la question de l'actionnariat et de la gouvernance, donc de la stratégie : y a-t-il meilleur moyen de signaler l'importance que nous accordons à ce dossier ? Pour le reste, rien n'est exclu, rien n'est interdit. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Doliprane (III)

M. Pascal Savoldelli .  - C'est vrai, Sanofi veut vendre Opella à un fonds américain. Pourquoi ? Tout simplement -  et malheureusement  - parce que s'enrichir prime tout. Pour Sanofi, les milliards passent avant l'emploi, la souveraineté alimentaire et la santé de nos concitoyens.

Cette vente est scandaleuse, monsieur le ministre ! Ce sont 1 700 emplois sacrifiés en France et 11 000 dans le monde. Et ce n'est pas tout ! Sanofi, avec l'aval de l'État, abandonne aussi la recherche en oncologie !

Monsieur le ministre, vous parlez de garanties pour l'emploi, de clauses... Venez avec moi à Vitry, à Gentilly ou à Montpellier, où des milliers d'emplois sont en passe d'être supprimés ! À cela s'ajoute la pénurie de médicaments, pointée en son temps par Laurence Cohen dans son rapport.

Pendant que Sanofi démantèle ses centres de recherche, l'entreprise distribue 4,4 milliards d'euros de dividendes à ses actionnaires, tout en ayant encaissé un milliard de crédit d'impôt recherche (CIR) en 10 ans ! Et ce milliard a été financé par qui ? L'argent des Français !

Cette somme serait plus utile à la création d'un pôle public du médicament. Où sont passées les promesses de souveraineté en la matière ? A minima, l'État doit bloquer la prise de contrôle par une entreprise américaine.

Ma question s'adresse aussi au Premier ministre : quand conditionnerez-vous les aides publiques à la protection des emplois, au maintien de la recherche et des emplois et à la défense de notre souveraineté sanitaire ? (Applaudissements à gauche et sur quelques travées du RDSE)

M. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie .  - Regardons les choses en face ! (Exclamations ironiques à gauche)

Plusieurs voix à gauche.  - C'est ce que nous faisons !

M. Antoine Armand, ministre.  - Pour assurer des emplois et de l'investissement en France, pour que la France soit à la pointe de la recherche...

M. Pascal Savoldelli.  - Et la recherche contre le cancer ?

M. Antoine Armand, ministre.  - ... pouvons-nous nous passer de financements publics et privés, et envoyer des signaux indiquant que nous ne voulons pas de tels investissements ?

M. Vincent Éblé.  - Le libéralisme absolu comme méthode d'attraction !

M. Antoine Armand, ministre.  - Monsieur le sénateur, vous posez une question juste sur les aides publiques.

En accord avec le Premier ministre, nous conduirons un travail sur l'ensemble des soutiens publics dont Sanofi a bénéficié. Vous avez raison, il est question d'engagement, d'éthique et de souveraineté industrielle et technologique.

Pour le reste, le maintien des emplois n'est pas négociable, c'est la priorité absolue. Il nous faut des garanties pour éviter toute mésentente.

M. Pascal Savoldelli.  - On ira ensemble !

M. Antoine Armand, ministre.  - Ce Gouvernement prend l'engagement de maintenir la production du Doliprane en France. (M. François Patriat applaudit.)

Feuille de route du Gouvernement sur les crèches

Mme Frédérique Puissat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Le Sénat n'est pas adepte de la caricature, ni des travaux des journalistes d'investigation lorsqu'ils jettent l'opprobre sur tout un secteur sur la base de dysfonctionnements. Mais il se saisit de toutes les questions sociales. C'est ainsi que la commission des affaires sociales a auditionné Victor Castanet, auteur d'un ouvrage sur la gestion des Ehpad par des groupes privés, à la suite de la parution de son nouveau livre sur la gestion des établissements privés d'accueil de jeunes enfants.

Le président de notre commission, Philippe Mouiller, a souhaité lancer une mission flash sur les dysfonctionnements graves dont fait état M. Castanet. Cette mission pourra, le cas échéant, se transformer en commission d'enquête.

Madame la ministre de la petite enfance, qu'avez-vous, de votre côté, entrepris sur le sujet ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance .  - Les témoignages dont vous faites état documentent les rapports de l'Igas sur la qualité de l'accueil dans les structures de la petite enfance. Je veux être très claire : nous nous engageons à ce que cette qualité soit assurée dans tous les établissements. Les parents doivent être sécurisés : quand ils confient leur enfant à une crèche ou une assistante maternelle, ils doivent avoir l'esprit tranquille ; et leur enfant doit bénéficier de conditions propices à son éveil et à son épanouissement.

Je rends hommage aux professionnels qui oeuvrent pour accompagner les enfants, avec le souci d'améliorer les pratiques quotidiennes. (Mme Émilienne Poumirol fait mine de jouer du violon.)

Mais nous devons renforcer le contrôle des structures par une meilleure coordination des actions menées par les caisses d'allocations familiales, les structures de la protection maternelle et infantile, l'Igas et les préfectures. Chaque structure doit faire l'objet d'un contrôle dans les cinq ans.

En outre, nous devons nous assurer que les professionnels de la petite enfance ont les qualités requises pour exercer leurs missions et améliorer l'attractivité de leurs métiers.

Conformément à la volonté du Premier ministre, nous développerons le service public de la petite enfance pour construire une offre de qualité et suffisante en quantité sur tous les territoires, sous l'égide des maires.

M. le président. - Il faut conclure.

Mme Agnès Canayer, ministre.  - Sécuriser les parents et protéger les enfants : telle est ma boussole. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Frédérique Puissat.  - Contrôler, proposer, protéger : ce sont les missions que le président Mouiller nous a assignées. Je ne doute pas que nos travaux rencontreront vos propres propositions, dans l'intérêt des familles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Octobre rose

Mme Nicole Bonnefoy .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En ce mois d'octobre rose, je vous interpelle en tant que femme, citoyenne et sénatrice sur l'inégalité d'accès à la prévention et au traitement du cancer du sein, le plus fréquent chez les femmes - 61 000 cas par an.

Le dépistage systématique, symbolisé par les rubans accrochés à nos vestes, est un enjeu majeur pour la santé des femmes. Mais encore faut-il pouvoir y accéder. Or, d'après Santé publique France, moins d'une femme sur deux y participe, du fait notamment de la faible offre de soins dans les territoires en voie d'extinction médicale. En Charente, il faut souvent plus de six mois pour un rendez-vous de mammographie ! Et le budget alloué au centre régional de coordination des dépistages devrait baisser de plus d'un tiers...

On ne peut pas faire des économies aussi mal ciblées. En milieu rural, l'offre de radiologie n'est pas en mesure de répondre à la demande. On ne peut obtenir un rendez-vous rapide que dans les capitales régionales - quand on a les moyens de s'y rendre.

Une femme à laquelle on délivre une ordonnance pour une mammographie doit pouvoir obtenir un rendez-vous sous trois jours. Nous en sommes très loin.

Comment comptez-vous améliorer la prise en charge des dizaines de milliers de femmes confrontées à l'épreuve terrible du cancer du sein ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K, du RDPI et du RDSE)

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins .  - Voilà trente ans que le message de la prévention et du dépistage du cancer de sein est diffusé, vingt ans que le programme national de dépistage est en place. L'enjeu est essentiel : plus le dépistage est précoce, plus les chances de guérison sont fortes.

Oui, il y a un recul de l'accès au dépistage. Est-ce lié aux infrastructures manquantes dans certains territoires ou au renouvellement insuffisant du message ? Il faudra examiner, au niveau des communautés de santé de chaque territoire, si le dépistage du cancer du sein ne pourrait pas être prioritaire. Tout ne doit pas être décidé d'en haut, et il faut tenir compte des capacités de chaque territoire, en matériels comme en radiologues.

Chargée de l'accès aux soins, je veillerai à ce que ce dépistage soit possible partout pour toutes les femmes.

S'agissant du centre de coordination de Nouvelle-Aquitaine, je suis très attentive à son travail. La baisse de son budget est liée au transfert à l'assurance maladie de certaines missions, dont l'envoi des courriers. (Murmures sur les travées du groupe SER)

M. Hervé Gillé.  - Cela ne représente pas un tiers du budget...

M. Mickaël Vallet.  - On vous parle d'une baisse de 30 % !

Mme Nicole Bonnefoy.  - Entendez la détresse des femmes. En dix ans, nous avons perdu la moitié des effectifs de gynécologues ! Après un septennat largement décevant pour la lutte contre les déserts médicaux, le port du ruban rose ne suffira pas à vous dédouaner de vos responsabilités. Nous demandons l'égalité d'accès aux soins pour toutes et tous ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K ; M. Philippe Grosvalet applaudit également.)

Violences à Cavaillon

M. Jean-Baptiste Blanc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'associe à cette question Alain Milon et notre collègue vauclusien Lucien Stanzione.

Dans la nuit du 8 octobre, Cavaillon, ma ville, a été le théâtre de représailles d'une violence inouïe à la suite d'opérations antidrogues « place nette ». Quatre véhicules de police ont été incendiés en pleine ville.

Le message des criminels est clair : ils sont prêts à riposter. Notre réponse doit l'être tout autant : nous ne reculerons pas.

Ces représailles démontrent que les actions menées portent leurs fruits et touchent les réseaux criminels là où ça fait mal. Dernièrement, vingt-cinq interpellations ont été réalisées et une vingtaine de kilos de drogues saisis, ainsi que de l'argent liquide et des armes.

Il est crucial de maintenir une pression implacable. Je salue l'engagement sans faille des forces de l'ordre et des élus, à commencer par le maire de Cavaillon. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir diligenté Nicolas Daragon sur le terrain dès le lendemain.

Ce combat ne pourra être gagné qu'en donnant aux forces de l'ordre tous les moyens nécessaires. Êtes-vous prêt à renforcer de manière pérenne les effectifs de police nationale à Cavaillon et à nous rendre l'escadron de gendarmerie mobile déployé pour sécuriser les jeux Olympiques ? Allez-vous renforcer la brigade d'intervention d'Avignon, qui a perdu dix agents, pour lutter contre les points de deal ? À Cavaillon comme ailleurs, seule une réponse forte et continue pourra rétablir durablement la paix. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur .  - L'événement dont vous parlez est hautement révélateur. Il s'agit de représailles de trafiquants, à la suite d'une opération ayant conduit à de nombreuses interpellations et à des saisies très importantes de drogues et d'armes.

Les narcotrafiquants ont riposté, défiant l'État. C'est absolument inacceptable. Comme je l'ai dit au maire de Cavaillon, s'en prendre à un commissariat, c'est s'en prendre à la République.

J'ai aussitôt dépêché sur place la CRS 81. Nous avons également mené une autre opération judiciaire, qui a débouché sur de nouvelles interpellations.

Le commissariat de Cavaillon compte 66 gardiens de la paix, dont cinq sont arrivés en renfort il y a quelques semaines ; nous créerons ainsi une nouvelle brigade anticriminalité de jour. Les effectifs de mon ministère sont sollicités en Martinique et en Nouvelle-Calédonie, après l'avoir été pour les jeux Olympiques. Néanmoins, j'y veillerai.

Reste que tout n'est pas seulement une question d'effectifs : la lutte contre le narcobanditisme doit devenir une cause nationale. Nous menons depuis plus de dix ans un grand combat contre le terrorisme. Ce combat est toujours à recommencer, mais nous avons porté des coups décisifs, notamment en nous réorganisant. Ce que nous avons fait contre le terrorisme, nous devons le faire contre les narcotrafics, avec détermination, constance et un éventail élargi de mesures législatives. Je compte beaucoup sur les résultats de la commission d'enquête dont le groupe Les Républicains avait demandé la création. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains)

Financement de l'islam radical

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Ni réveil ni sursaut : ainsi s'exprime la soeur de Samuel Paty, dont nous commémorons, aujourd'hui même, le triste anniversaire de l'assassinat. Je pense aussi à Dominique Bernard, lui aussi assassiné par un islamiste radical.

Flambée d'antisémitisme, envolée des atteintes à la laïcité -  4 200 de plus en un an  - , multiplication des agressions d'enseignants, montée du communautarisme -  une « burkini party » s'est tenue dimanche dernier dans une piscine de la région parisienne... Tout cela résulte du grignotage de notre société par l'islam radical et les Frères musulmans, dont nous finançons les associations directement ou par le biais de l'Union européenne. Je tiens à votre disposition la liste de ces financements.

Ni réveil ni sursaut : la Commission européenne vient de déléguer quatre programmes Erasmus à l'association Al Sharq, liée à l'islam radical, et d'intégrer à ce programme la faculté des sciences islamiques de Skopje et l'université de Gaziantep, qui a rendu un hommage vibrant à Ismaël Haniyeh -  à la clé, 250 000 euros de subventions. Je doute qu'Erasmus soit destiné à promouvoir le voile, l'antisémitisme et le culte du Hamas...

Ma colère n'a d'égal que mon inquiétude : quand allons-nous cesser, au nom de la diversité, de financer les ennemis de la République ? (Applaudissements nourris sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; Mme Patricia Schillinger et M. Rémi Féraud applaudissent également.)

M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur .  - Votre colère est la mienne, la nôtre.

Le cas de l'université de Gaziantep est révélateur. Cet établissement turc a des liens très troubles avec l'islam radical, et son recteur a rendu un hommage appuyé à Ismaël Haniyeh, le commanditaire du pogrom du 7 octobre 2023.

Erasmus est sans doute l'une des plus belles réussites européennes. On ne doit pas la laisser se dénaturer.

Le chef de la délégation française du PPE, François-Xavier Bellamy, a obtenu que la Commission européenne cesse ce financement. Il faut désormais dénoncer la convention. Je rappelle que, lors de la précédente législature européenne, la même personnalité française du PPE était intervenue, par voie d'amendement, pour mettre un terme au financement de campagnes de propagande en faveur du voile islamique.

« Le voile islamique est l'étendard de l'oppression de la femme », comme le dit Élisabeth Badinter. Avec mon collègue Benjamin Haddad, je vais écrire à la Commission européenne pour lui demander de lutter contre l'entrisme islamiste. Nous avons lutté contre le séparatisme sur notre sol ; nous devons lutter contre l'entrisme en Europe.

Je rends, moi aussi, hommage aux deux professeurs que vous avez cités. L'école est une cible, mais aussi un antidote et un bouclier. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Nathalie Goulet.  - La session budgétaire commence : voter des contributions obligatoires pour ça, je ne suis pas tellement d'accord. Il est inacceptable que la Commission européenne ne réponde pas aux demandes d'informations. Devant ce grignotage de la République, stop à l'irresponsabilité ! Où en est l'enquête sur la dangerosité des Frères musulmans confiée par votre prédécesseur à François Gouyette et Pascal Courtade ? Il est essentiel de travailler au contrôle des associations. Nous resterons vigilants.

Taxes aériennes dans les territoires d'outre-mer

Mme Annick Petrus .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Gouvernement a cité l'augmentation de la taxe de solidarité sur les billets d'avion comme piste de recettes supplémentaires. Or cette mesure, confirmée par le ministre délégué aux transports, entraînerait une hausse notable du prix des liaisons entre les outre-mer et la métropole, alors que les populations ultramarines sont déjà lourdement frappées par le coût de la vie.

On risque d'accentuer la fracture territoriale et de porter un coup à la continuité territoriale, essentielle au maintien du lien entre les outre-mer et la métropole. Je crains une contagion des tensions sociales que connaît la Martinique.

Les Saint-Martinois seront les plus durement touchés car, du fait de leur triple insularité, ils dépendent presque totalement du transport aérien. Quand cessera-t-on enfin de prendre plus à ceux qui ont le moins ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)

M. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie .  - Nous faisons d'abord porter l'effort sur la réduction de la dépense publique. Des efforts supplémentaires en la matière lors du débat budgétaire pourraient nous autoriser à limiter les prélèvements nécessaires pour atteindre un déficit de 5 %.

Notre philosophie en matière de prélèvements est que ceux qui peuvent contribuer le fassent - de façon exceptionnelle et temporaire.

L'augmentation éventuelle de la taxe de solidarité sur les billets d'avion serait calibrée pour ne pas toucher nos compatriotes qui se rendent de leur pays à leur pays. Elle ne devrait pas affecter la compétitivité des aéroports régionaux. La discussion s'engagera sur ces bases, et le Gouvernement veillera à ce que nos compatriotes ultramarins soient affectés le moins possible. Nous savons que, à Saint-Martin notamment, ils ont besoin de l'avion pour vivre. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

Mme Annick Petrus.  - La solidarité nationale, c'est aussi le droit fondamental de se déplacer à un coût raisonnable depuis et vers l'Hexagone. La continuité territoriale est un pilier de notre République. Gardons-nous d'aggraver un sentiment d'injustice et d'abandon déjà bien présent. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

Budget du ministère de la justice

M. Christophe Chaillou .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Monsieur le garde des sceaux, le projet de budget de votre ministère pour 2025, qui prévoit une baisse de 500 millions d'euros par rapport à la loi de programmation 2023-2027, n'est, de votre propre aveu, pas satisfaisant. Au micro de RTL, vous avez dit : « Si l'on en reste à la lettre plafond, je ne vois pas ce que je ferais encore au Gouvernement. » Étonnante déclaration, venant d'un ministre nommé il y a trois semaines !

La situation de notre justice est connue. Selon le rapport de la Commission européenne sur l'efficacité de la justice, publié ce jour, la France se situe en dessous de la médiane des pays du Conseil de l'Europe pour les effectifs de justice. Ce coup d'arrêt à la programmation signifie trois fois moins de postes de magistrats, de greffiers, d'agents pénitentiaires qu'initialement prévu. Autant de promesses reniées. Que dire aux professionnels exerçant dans les juridictions sous-dotées, comme celles du Loiret ? Au personnel des centres pénitentiaires, à la suite du drame d'Incarville ?

J'ai rencontré lundi les agents du centre pénitentiaire d'Orléans-Saran et entendu leurs inquiétudes et leurs attentes, alors que 35 % des détenus ont des pathologies lourdes qui relèvent de la psychiatrie.

Vous engagez-vous à ce que le budget soit rétabli ? Ou avez-vous déjà rédigé votre lettre au Premier ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Je suis sensible à votre soutien, que j'espère retrouver lors du débat budgétaire. (Sourires) La loi d'orientation et de programmation a fait suite au constat des États généraux de la justice d'une justice sinistrée, résultat de trente ans d'abandon et de sous-investissement.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. - C'est vrai.

M. Didier Migaud, garde des sceaux.  - Notre justice est engorgée par la multiplication des dossiers ; nos concitoyens attendent qu'elle ait les moyens d'agir. Or nous lui consacrons 2 % des dépenses de l'État - en deçà de tous les pays comparables.

La justice n'est pas encore réparée, il faut poursuivre l'effort.

La lettre plafond n'était pas acceptable au regard des engagements pris en termes d'effectifs et de moyens. Je l'ai dit au Premier ministre, qui s'est engagé à ce que ce budget fasse l'objet d'un réajustement. Je lui fais toute confiance.

Il fallait écouter la phrase entière : j'ai dit que c'était la lettre plafond qui n'était pas acceptable ! Nous sommes en discussion avec le Premier ministre pour que le réajustement promis permette de respecter les engagements pris. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes INDEP et SER)

M. Christophe Chaillou.  - Vous comprendrez que notre responsabilité est d'alerter, comme nous l'avions fait pour le budget 2024, pour la Nouvelle-Calédonie, pour la loi immigration. Nous serons vigilants. Nous savons votre situation inconfortable face à la surenchère sécuritaire et démagogique au sein de ce Gouvernement qui court après l'extrême droite. (Protestations et huées à droite)

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Christophe Chaillou.  - Pour notre part, nous nous efforcerons de rester fidèles aux engagements de Robert Badinter. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Ian Brossat applaudit également.)

Caméras piétons dans les transports

M. François Bonhomme .  - En 2019, face à l'aggravation des actes de violence contre les agents de sécurité dans les transports publics, nous avions voté ici l'autorisation de recourir aux caméras piétons, notamment pour les agents de la RATP. Ce dispositif a donné des résultats probants : incidents en baisse, contrôles plus apaisés, confort pour les agents de sécurité. Malheureusement, l'autorisation n'était que provisoire ; il s'agissait d'une expérimentation.

Depuis le 1er octobre, faute de texte, ces caméras piétons ne peuvent plus être utilisées. Le Parlement pourra-t-il légiférer rapidement pour rendre leur usage de nouveau possible ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation .  - Merci de rappeler ce dispositif de la loi d'orientation des mobilités (LOM), qui a parfaitement fonctionné - si bien d'ailleurs que le Sénat a adopté, à l'initiative de Philippe Tabarot (applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains), une proposition de loi sur ce sujet.

La volonté du Gouvernement est bien que ce texte soit rapidement examiné à l'Assemblée nationale. J'ai demandé au Premier ministre et à la ministre chargée des relations avec le Parlement de l'inscrire dans une semaine du Gouvernement. (Mme Nathalie Delattre le confirme.)

C'est une demande de l'ensemble des entreprises de transport avec lesquelles nous travaillons. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur quelques travées du groupe INDEP)

M. François Bonhomme.  - Je me réjouis de vos intentions, en espérant rapidement l'adoption d'un texte donnant une base légale à ce dispositif qui a fait ses preuves. La proposition de loi de Philippe Tabarot a été votée au Sénat en février dernier.

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - Exactement !

M. François Bonhomme.  - Les agents de sécurité ont plébiscité ce système, qui a amélioré leurs relations avec les usagers. Les autorités de transport ont aussi fait valoir toute son utilité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Concessions hydrauliques

M. Jean-Claude Anglars .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le problème du cadre juridique des concessions hydroélectriques dure depuis trop longtemps. Contrairement à ce que vous aviez affirmé le 1er mars 2023, madame la ministre, la loi Énergies renouvelables n'a pas permis de réaliser les investissements nécessaires dans les concessions échues.

Bruno Le Maire (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains) avait promis un texte pour la fin 2024, après un débat sur l'équilibre global du système énergétique. Les événements politiques en ont eu raison.

La concrétisation de projets hydroélectriques, qui participent de notre indépendance énergétique, dépend de la résolution du contentieux européen sur le renouvellement des concessions. À défaut, les investissements ne se font pas. Ainsi, en Aveyron, à La Truyère, le projet d'EDF de construction d'une centrale de 430 MWh sur le site de Montézic est en stand-by. Ce chantier de 500 millions d'euros prend un retard inacceptable.

Je sais M. Armand attentif à l'avenir des barrages hydroélectriques - il était corapporteur de la mission d'information de l'Assemblée, qui n'est pas allée à son terme. Je partage ses lignes rouges : pas de mise en concurrence, pas de mise en cause de l'intégrité d'EDF.

Confirmez-vous que cette question des concessions hydroélectriques est une priorité du Gouvernement ? Qu'envisagez-vous pour sécuriser les projets, afin qu'ils puissent démarrer ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Jacques Michau et Mme Viviane Artigalas applaudissent également.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques .  - En effet, l'énergie hydraulique est adaptée : pilotable, décarbonée, compétitive et durable. Nous pourrions augmenter les capacités si nous pouvions réaliser des investissements structurants. Or cela fait quinze ans qu'un contentieux juridique empêche les concessionnaires de s'engager en toute sécurité. Ce sujet a résisté à des gouvernements de tous bords.

La première solution serait une remise en concurrence - ce qui ne convient à personne, pour des raisons de service public et de souveraineté. J'ai demandé à mon cabinet d'étudier l'instruction des projets de taille moyenne. Le projet de loi Énergies renouvelables a débloqué des investissements. À La Truyère, le projet est trop important pour y être éligible, mais nous essayerons de pousser le curseur.

Enfin, il faut négocier à l'échelle européenne, autour de deux pistes : la régie, qui pose la question de l'organisation d'EDF, ou le régime d'autorisation, qui devra être robuste juridiquement. La mission conduite par les députés Marie-Noëlle Battistel et Philippe Bolo nous éclairera.

C'est une priorité, nous y travaillons d'arrache-pied.

La séance est suspendue à 16 h 25.

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 35.