Programmation de simplification dans le secteur économique de l'énergie (Suite)
Discussion générale (Suite)
Mme Olga Givernet, ministre déléguée chargée de l'énergie . - C'est un honneur de prononcer mon premier discours au Sénat sur ce sujet majeur. Nos décisions d'aujourd'hui auront des répercussions jusqu'à la fin du siècle. Voyez le plan Messmer, qui a lancé notre premier programme électronucléaire au début des années 1970 et qui a fait de la France le pays le plus attractif d'Europe.
L'énergie est au coeur de notre économie, de nos infrastructures, de notre industrie, de notre empreinte environnementale. C'est un enjeu de souveraineté.
Notre besoin est clair : une énergie abondante - pour relocaliser nos productions - , décarbonée - pour répondre à l'urgence climatique - et compétitive - pour notre industrie et le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Nous partageons ces objectifs, même si nous divergeons sur les moyens de les atteindre.
Je remercie le sénateur Gremillet pour son implication sincère et efficiente. Son texte propose une voie pour les générations à venir.
De nombreux points ne posent pas de difficulté. Pour les autres, j'ai souhaité que nous puissions avancer, en retravaillant les amendements déposés par le Gouvernement avant l'été, afin d'aboutir à un texte commun. Car nous avons besoin d'un cadre législatif solide sur l'avenir énergétique de la France. Dès mon arrivée, les équipes du ministère se sont donc lancées dans un important travail de coconstruction. Merci aux rapporteurs Alain Cadec et Patrick Chauvet, pour les nombreux consensus auxquels nous sommes parvenus.
Le Président de la République a donné le cap en 2022 à Belfort : sobriété, efficacité, nucléaire, renouvelable - tout le renouvelable ! Avec Agnès Pannier-Runacher, nous avons travaillé sur la stratégie française énergie-climat.
Mes trois objectifs tiennent en un seul mot, maîtriser : maîtriser les prix pour protéger les consommateurs ; maîtriser nos consommations, avec une baisse de 30 % d'ici à 2030 et de 45 % sur les énergies fossiles, comme le prévoit l'article 5 ; maîtriser nos outils de production en relançant le nucléaire et en développant le renouvelable.
C'est le choix le plus pertinent pour l'économie et l'écologie, le plus adapté à nos besoins, le plus sûr pour notre souveraineté et aussi le plus consensuel. Nous avons les talents, les ressources et les technologies nécessaires.
Notre position sur le nucléaire est claire : nos centrales nucléaires doivent continuer à fonctionner de manière sûre et compétitive. Nous voulons développer le nouveau nucléaire avec un haut niveau d'exigence en matière de sûreté au travers de six EPR2 - huit autres sont à l'étude -, mais aussi de petits réacteurs et de réacteurs innovants.
Nous voulons poursuivre la stratégie française pour l'aval du cycle du combustible au-delà de 2040, avec pour perspective la fermeture du cycle.
Nos objectifs sur la production de chaleur sont ambitieux, mais réalistes : fois cinq pour le biogaz d'ici à 2030, fois deux pour la chaleur renouvelable d'ici à 2035.
Nous devons développer l'éolien en mer, en nous assurant de son acceptabilité, car je connais vos craintes - c'est pourquoi nous avons lancé une grande concertation nationale. Notre objectif est d'atteindre 45 gigawatts en 2050, dont 18 d'ici à 2035.
Nous voulons quintupler le volume du photovoltaïque d'ici à 2035, en accompagnant les projets industriels.
Je connais les réticences des élus locaux sur l'éolien terrestre, mais cette énergie fonctionne et est très compétitive. Nous devons maintenir le rythme d'installation et ne pas freiner les projets soutenus par les élus.
Nous devons réinvestir dans l'hydroélectricité pour rester compétitifs. Nous étudions les moyens d'éviter la mise en concurrence des barrages,...
M. Michel Savin. - Très bien !
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - ... grâce notamment à la mission d'information Battistel-Bolo. Ce sujet de blocage dure depuis trop longtemps. (M. Michel Savin renchérit.)
Nous voulons un mix énergétique équilibré et prévoyons d'investir 100 milliards pour le réseau de distribution et autant pour le réseau de transport d'ici à 2040.
Sortons des énergies fossiles, préservons notre attachement au nucléaire et au renouvelable, protégeons les consommateurs et faisons de la France une grande nation de l'énergie ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et sur les travées du RDPI)
M. Pierre Médevielle . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Alors que l'indépendance énergétique est au coeur de toutes nos préoccupations, nous devons faire preuve d'ambition et d'efficacité. La guerre en Ukraine nous a douloureusement rappelé combien nous étions dépendants.
Plusieurs textes législatifs sur l'énergie ont été adoptés et la réglementation est désormais plus simple. Je suis fier d'avoir défendu des mesures pour encadrer l'agrivoltaïsme. Notre groupe s'est toujours positionné en faveur d'un mix faisant la part belle aux énergies renouvelables et au nucléaire.
La commission d'enquête sénatoriale sur l'électricité a montré que la décarbonation passera par l'électrification des usages. Il convient donc d'élaborer un plan national d'électrification.
Cette proposition de loi est intéressante : les acteurs ont besoin d'un cap.
Sur le nucléaire, faciliter la relance est vital. L'utilisation d'une part de recyclé est particulièrement intéressante et la valorisation des déchets est cruciale pour l'acceptabilité sociale.
Le groupe INDEP croit aux promesses de l'hydrogène vert, avec un objectif ambitieux. Mais il faudra un maillage précis, car si la voiture à hydrogène est une réalité, l'accès à une station l'est moins.
En mai, j'ai rendu un rapport à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) sur la décarbonation de l'aéronautique. Les évolutions technologiques - électrification, hydrogène, carburants durables, etc. - seront très utiles pour tous les autres modes de transport. Nous pouvons être à la fois vertueux et ambitieux, car la décroissance est mortifère !
Nous sommes favorables à l'expérimentation proposée pour les barrages. Une solution doit impérativement être trouvée avec la Commission européenne, il en va de notre sécurité énergétique.
Et n'oublions pas le bois cher à Anne-Catherine Loisier !
Madame la ministre, pouvez-vous nous donner un calendrier clair sur les prochaines étapes de la programmation de l'énergie ?
Cette proposition de loi étant encourageante, le groupe INDEP la votera. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
M. Stéphane Piednoir . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Certaines crises sont révélatrices : le conflit ukrainien a révélé le caractère éminemment stratégique des politiques de l'énergie. Assurer un approvisionnement fiable et bon marché doit être une priorité de l'exécutif pour assurer la souveraineté et la prospérité d'un pays.
L'énergie est redevenue une préoccupation de premier plan de nos concitoyens, victimes de choix dogmatiques funestes... Même les experts du Giec le disent : nous devons passer du dogmatisme au pragmatisme.
Première étape : s'appuyer sur nos succès. Il fallut beaucoup d'audace pour lancer le plan Messmer et garantir notre souveraineté grâce à une électricité produite sur notre sol essentiellement par le nucléaire et l'hydraulique.
Deuxième étape : s'accorder sur les atouts et les faiblesses de notre pays. La France n'a pas le potentiel hydraulique de la Norvège ni l'ensoleillement ou les réserves fossiles d'autres pays. Les choix doivent se porter vers la technologie la moins mauvaise, sur la base de critères scientifiques et non de lubies dogmatiques.
Troisième étape : la constance. Dire tout et son contraire est catastrophique. C'est pourtant ce à quoi nous avons assisté depuis 2017 : fermeture de Fessenheim, arrêt du programme Astrid, jusqu'au changement total de cap avec le retour en grâce du nucléaire...
Quel est notre cap ?
Les collectivités territoriales ne manquent pas de documents de planification : schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), schémas directeurs, plans d'action... Cette architecture doit s'inscrire dans un cadre clair, défini à l'échelle nationale, en cohérence avec nos atouts géologiques et technologiques.
Cette programmation pluriannuelle existe : elle date de 2019, mais les gouvernements Philippe, Borne et Attal ont procrastiné ! (M. François Bonhomme renchérit.) Face à ce regrettable refus d'obstacle, le Sénat a pris le dossier à bras-le-corps, sous la houlette de Daniel Gremillet.
Point de départ : le consensus sur la nécessité de décarboner notre mix énergétique, déjà plutôt vertueux. Avec 6 tonnes de CO2 émises par habitant et par an, la France est septième dans l'OCDE, très loin des 15 tonnes des Nord-Américains. Mais la vertu n'empêche pas les efforts.
Je voudrais évoquer la fin de la fin du nucléaire, car il n'y a pas d'alternative crédible - le vent et le soleil ne pourront pas tout. Alors affirmons qu'il faudra faire fonctionner nos centrales pendant 60, 80 voire 100 ans (M. Yannick Jadot s'exclame en levant les bras au ciel) et lançons les grands projets d'EPR pour éviter l'effet falaise.
Je vous proposerai un amendement pour sanctuariser notre stock d'uranium appauvri.
Sur les SMR, les différents rapports, dont celui de l'Opecst, doivent permettre de prendre les mesures nécessaires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Nadège Havet . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) S'attaquer à l'épée de Damoclès redoutable de la dette écologique, c'est la volonté affichée par le Premier ministre ici même, lors de sa déclaration de politique générale. Il a annoncé la reprise immédiate des travaux de planification. Nous y sommes favorables et nous nous y employons, notamment au travers de ce texte.
Pour atteindre nos objectifs en matière de transition énergétique et écologique et pour réussir notre réindustrialisation, nous devons nous engager dans une planification énergétique complète. Ainsi, nous enverrons un signal fort aux acteurs du secteur de l'énergie, qui attendent de la clarté.
Sans vision de long terme, la France ne sera pas le premier grand pays industriel à sortir des énergies fossiles et à atteindre la neutralité carbone. D'ailleurs, la loi de 2019 avait fixé le principe d'une loi quinquennale sur l'énergie, la fameuse loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC). À la suite des travaux de sept groupes de travail, un projet de loi de souveraineté énergétique avait été dévoilé fin 2023. Hélas, nos espoirs ont été refroidis lorsque Bercy a supprimé la partie sur la programmation, avant d'annoncer qu'elle serait mise en oeuvre par voie réglementaire ! Sur des enjeux cruciaux, le Parlement doit s'exprimer, car ces décisions engagent la France.
Sauf quelques réserves, le RDPI est favorable à ce texte, largement inspiré de la stratégie française énergie-climat de 2023.
Selon le Giec, la trajectoire du réchauffement d'ici à 2100 à plus 3,2°C : le défi à relever est exceptionnel. En 2023 en France, nous avons baissé de 6 % nos émissions de CO2, grâce notamment à l'action de la France en Europe : plan de relance, pacte vert, nouvelle taxonomie favorable au nucléaire. Au Sénat nous n'avons pas le nucléaire honteux ! Mais pour atteindre nos objectifs, nous aurons besoin de toutes les énergies décarbonées : nucléaire et renouvelable.
Les dépenses de l'État en faveur de la décarbonation augmenteront en 2024, pour atteindre près de 40 milliards à l'horizon 2027.
La liquidation de la société quimpéroise Sabella a été un coup dur, alors qu'un cinquième du potentiel national hydrolien est en Bretagne.
Mon groupe défendra plusieurs amendements, notamment sur le biogaz, les biocarburants et l'éolien.
Certains objectifs de l'article 3 sur le nucléaire ou des dispositions de l'article 21 paraissent excessifs, mais notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE ; M. Daniel Gremillet applaudit également.)
M. Henri Cabanel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Quelle confiance accorder à un Gouvernement qui contourne le Parlement ? Madame la ministre, quelles sont vos intentions ? (M. Michel Savin renchérit.)
Cette proposition de loi est symbolique : chaque camp se retranche dans ses clivages, oubliant l'intérêt général. La dissolution a mis à l'arrêt des pans entiers de la politique environnementale, or l'action climatique est urgente.
Le gouvernement démissionnaire avait renoncé à légiférer sur la programmation sur l'énergie, pourtant prévue par la loi de 2019 : décision gravissime. Les lois ne serviraient-elles donc à rien ? Cela interroge sur notre rôle. Quel message envoyé aux citoyens ? Celui du contournement du Parlement ?
En réaction, les sénateurs du groupe Les Républicains ont présenté leur propre texte, comme les députés du groupe écologiste, début avril.
Certes, nous ne sommes pas tous d'accord sur le cap à donner, mais nous devons envoyer aux acteurs du secteur des signaux clairs.
Lors de l'examen, houleux, du projet de loi de finances pour 2025, nous devrons choisir : comment développer nos énergies bas-carbone, accompagner l'électrification des usages ou susciter des investissements verts tout en préservant nos finances publiques ? Le budget du ministère de la transition écologique a déjà été amputé de 2 milliards d'euros en février et le fonds vert va passer de 2,5 à 1 milliard d'euros en 2025.
Alors que l'on multiplie les obligations environnementales dans les marchés publics, les collectivités territoriales sont accusées de dépenser trop !
Le 4 avril dernier, le Haut Conseil pour le climat s'est alarmé des retards de publication de textes essentiels et des reculs sur l'environnement, notamment pour répondre à la crise agricole. Notre transition écologique ne peut être une variable d'ajustement soumise aux crises politiques, à la conjoncture économique et à la personnalité du couple exécutif.
Dans ce contexte d'urgence, nos orientations énergétiques ne sont toujours pas fixées... Le cadre européen actualisé prévoit 55 % et non pas 50 % de réduction comme la présente proposition de loi, d'où un de mes amendements. (M. Yannick Jadot approuve.)
La méthode est encore à déplorer, avec une prise de décision en silos. C'est un mal français : ne pouvons-nous pas aborder les problématiques dans leur globalité ?
La baisse de 5,8 % des émissions de GES en 2023 montre que les efforts paient. Il faut poursuivre. Il est temps de nous hâter ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du GEST)
Mme Anne-Catherine Loisier . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La loi Énergie-climat prévoyait le principe d'une loi quinquennale. Le renoncement du Gouvernement à légiférer a été préjudiciable. Les récentes lois d'accélération auraient eu plus d'impact si elles avaient été précédées par une loi de programmation. Le travail de Daniel Gremillet et des rapporteurs replace le Parlement au centre de la définition d'une politique énergétique.
Le groupe UC salue la relance du nucléaire. Permettez-moi d'insister sur le fonds chaleur et le bois énergie, que vous n'avez pas cité madame la ministre...
La politique énergétique de la France doit servir notre économie et la réindustrialisation. Entre 2021 et 2024, le prix moyen de l'électricité payé par les entreprises industrielles a augmenté de 67 %. Ainsi, à court terme, l'énergie est un coût qu'il faut absolument maîtriser pour maintenir la compétitivité de nos entreprises et la réindustrialisation et de nos territoires.
La proposition de loi vise à réduire les coûts de distribution et de transport de l'électricité. Or le coût de l'électricité en Europe resterait d'ici à 2050 encore 40 % supérieurs à ceux des États-Unis, de la Chine ou de l'Inde.
Ce texte poursuit une trajectoire initiée dans les années 1970 et confirmée en février dernier. La commission d'enquête sénatoriale a alerté sur le risque de raréfaction de l'uranium. La fermeture du cycle devrait permettre à la France de bénéficier demain d'une énergie pour des centaines d'années. Avec les sites de La Hague et de Marcoule et le projet Cigéo, nous poursuivons la maîtrise aval du combustible.
Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Fabien Gay . - Après de longs mois, voire des années, d'atermoiements des gouvernements précédents, nous avons réclamé ce débat, sur tous les bancs. Le Gouvernement a découpé notre politique énergétique par petits bouts et nous a refusé une vision globale.
En décembre 2023, Agnès Pannier-Runacher avait prévu un texte global. Mais le petit Mozart de Bercy a commis un remaniement et Roland Lescure a décidé d'enterrer le texte faute de majorité à l'Assemblée nationale et de prendre les mesures par la voie réglementaire.
Notre collègue Daniel Gremillet, avec la droite sénatoriale, a alors pris cette initiative - je l'en félicite ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mais patatras, dissolution et élections législatives, dont on connaît les résultats : les perdants d'hier sont devenus les gagnants, les anciens ennemis sont devenus les nouveaux amis...
Ce texte est-il désormais un projet de loi gouvernemental ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, du GEST et du RDSE) Je suis favorable à la relance du nucléaire, mais la construction de six ou vingt EPR ne se décide pas dans une proposition de loi, car il nous faut une étude d'impact et l'avis du Conseil d'État.
De plus, ce texte est désormais caduc. Il prévoit en effet d'importants investissements pour EDF. Mais dans le projet de loi de finances, la droite sénatoriale et le Gouvernement ont prévu de transformer la contribution sur la rente inframarginale de la production d'électricité (Crime) en une taxe sur les capacités de production : moins 3 milliards d'euros pour EDF ! Nous voterons contre, je vous l'annonce. C'est incohérent ! Nous vous proposerons plutôt une taxe sur la rente des acteurs alternatifs, ceux qui ne produisent rien.
Deuxième incohérence : vous augmentez la taxe sur la consommation finale d'électricité (TCFE) et la TVA sur les factures, alors que nous devons aller vers l'électrification des usages ! Vous augmentez la fiscalité sur l'électricité, alors que vous n'êtes pas d'accord pour taxer le gaz !
M. Vincent Delahaye. - Eh oui !
M. Fabien Gay. - Troisièmement, quand allons-nous débattre de l'après-Arenh (accès régulé à l'électricité nucléaire historique) et du nouveau calcul des tarifs réglementés de vente de l'électricité (TRVE) ? Vous nous disiez que le véhicule législatif ne pouvait pas être le projet de loi de finances, et pourtant c'est ce que vous faites...
Et enfin, une politique globale pourrait s'appuyer sur les collectivités territoriales, mais votre gouvernement a décidé de les ponctionner de 5 milliards d'euros ! (M. Stéphane Piednoir s'exclame.)
M. Daniel Salmon. - Plus !
MM. Michel Savin et François Bonhomme. - Ça va changer !
M. Fabien Gay. - Tout le monde m'interrompt, vous ne vous voulez pas le débat ! (Sourires sur plusieurs travées)
M. le président. - Il faut conclure.
M. Fabien Gay. - En commission, mon amendement a été adopté - en présence, d'ailleurs, de plusieurs personnes désormais ministres... - pour faire vivre le projet Écocombust. Mais EDF a décidé de ne pas le faire. La droite sénatoriale va-t-elle être contre, après avoir été pour en juin ?
Ce n'est que lorsque vous aurez répondu à toutes ces questions sur vos incohérences que nous pourrons engager un débat sérieux. (Applaudissements sur les travées de groupes CRCE-K, SER, du GEST et du RDSE)
M. Yannick Jadot . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je salue le travail de nos collègues Daniel Gremillet, Alain Cadec et Patrick Chauvet !
M. Laurent Somon. - Voilà un modéré !
M. Yannick Jadot. - C'est un texte utile. Notre pays a impérativement besoin d'une programmation de l'énergie. Les retards accumulés démontrent le désintérêt des gouvernements successifs pour cette question et leur mépris du Parlement.
C'est dramatique pour le climat - réchauffement, retrait-gonflement des argiles, canicules, pertes agricoles, feux de forêt, inondations -, or le coût de l'inaction demain est supérieur au coût de l'action aujourd'hui.
C'est aussi un sujet de souveraineté. La guerre en Ukraine a montré combien nous étions dépendants des régimes pétroliers - et complaisants !
Notre mix énergétique dépend encore majoritairement des énergies fossiles, avec plus de 100 millions d'euros d'importations. Tout cela nous coûte extrêmement cher.
Notre responsabilité est claire : décarboner massivement, électrifier nos usages et nos modes de production. Pour cela, il faut développer les énergies décarbonées.
Tout d'abord, nous saluons l'objectif de cette proposition de loi qui rappelle le Gouvernement à ses obligations, notamment européennes : d'ici à 2030, nos émissions de GES devront avoir diminué de 55 % et les énergies renouvelables devront représenter 44 % de notre consommation finale.
Nous saluons la sortie des énergies fossiles et la meilleure information du consommateur prévues par ce texte. Mais soyons sérieux, au regard des coûts, les objectifs de rénovation thermique ne seront pas tenus.
En revanche, nous divergeons sur les priorités, car vous donnez la priorité absolue au nucléaire, alors qu'en 2035, aucun EPR2 ne sera encore en service !
Dans cet hémicycle, vous avez la passion des EPR et qui dit passion, dit irrationalité. Voyez Flamanville, douze ans de retard et 16 milliards d'euros de surcoûts ! Idem pour Hinkley Point. Les EPR2, ce sera au moins 13 milliards d'euros par tête de pipe... Comment va-t-on financer cela ? Autant de réacteurs supplémentaires, ce n'est pas sérieux et aucun d'entre eux ne sera opérationnel d'ici à 2035.
Pour décarboner, il faut donc développer les énergies renouvelables, or vous êtes frileux sur l'éolien et le photovoltaïque, qui se développent pourtant partout dans le monde. D'ici 2030, ces énergies fourniront plus de la moitié de l'électricité dans dix pays européens, dont la plupart de nos voisins ! Il est temps que nous mettions le paquet.
Il nous faut travailler sur la politique industrielle, car le nucléaire a besoin de compétences et d'usines. Or on a abandonné nos entreprises - souvenez-vous d'Alstom, quand Emmanuel Macron était ministre de l'économie ! En Loire-Atlantique, GE supprime 60 % des postes.
Notre souveraineté énergétique, c'est aussi notre souveraineté industrielle. Nous attendons du Gouvernement un texte conforme à nos engagements européens. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Fabien Gay applaudit également.)
M. Jean-Jacques Michau . - L'article L. 100-1 A du code de l'énergie prévoit qu'avant le 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans, une loi détermine les objectifs et fixe les priorités d'action de la politique énergétique. Cela consacre la primauté des politiques sur les techniciens. Or depuis 2019, aucun gouvernement n'a mis un tel texte à l'ordre du jour. Notre groupe a dénoncé ce déni démocratique, qui revient à dessaisir le Parlement.
Madame la ministre, il vous revient de présenter un projet de loi ouvrant le débat sur la stratégie énergétique de long terme de la France, en cohérence avec nos engagements européens et internationaux.
La présente proposition de loi est donc légitime, mais ne répond que partiellement aux objectifs, faute de programmation financière. Quel scénario de mix retenir, au regard des coûts moyens des composants du mix, de la performance de nos filières, de nos objectifs d'indépendance et de souveraineté nationale, de l'impact prix pour les consommateurs, des considérations géopolitiques ? Nous défendrons des amendements inspirés du scénario N03 de RTE.
L'absence d'étude d'impact pose problème, d'autant que le texte comporte de nouvelles mesures de simplification, quelques mois à peine après les lois relatives à l'accélération du nucléaire et des énergies renouvelables. Quid des nouvelles mesures relatives au partage territorial de la valeur, ou visant à faciliter l'investissement des collectivités territoriales dans les projets d'énergie renouvelable ?
Le soutien à l'hydroélectricité, petite ou grande, emporte mon adhésion. Il faut enfin sortir du contentieux européen qui pèse sur la filière.
Saluons aussi les mesures renforçant la protection des consommateurs en matière de prix.
À la veille de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, je redis notre opposition à ce que l'on ponctionne le secteur de l'énergie pour renflouer les caisses de l'État. Le relèvement de la taxe sur l'électricité au-delà de son niveau d'avant crise pénaliserait les plus modestes. Une contribution exceptionnelle sur les dividendes d'EDF aurait également des répercussions sur les catégories populaires et moyennes. Comptez sur nous pour y revenir lors de l'examen budgétaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Fabien Gay applaudit également.)
M. Christopher Szczurek . - Ce texte est une avancée, reconnaissons-le. Le Rassemblement national a longtemps été presque seul à défendre le nucléaire comme source d'énergie décarbonée, soutenable et souveraine. (M. Yannick Jadot s'exclame.)
Les gouvernements gaullistes ont lancé une grande aventure industrielle et écologique, créant 58 réacteurs, dotant la France d'une énergie compétitive et décarbonée et faisant d'EDF un leader mondial.
Malgré ce formidable atout, le nucléaire a souffert de décennies d'hésitations et de recul, dont les conséquences ont été analysées par la commission d'enquête parlementaire sur la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France.
Jusqu'à peu, le consensus des experts tablait sur une consommation électrique stable dans les années 2000, puis orientée à la baisse. Un fiasco qui s'explique largement par la croyance irrationnelle dans les vertus de la mondialisation, des contre-chocs pétroliers et de la construction européenne.
La relance - trop tardive - du nucléaire en France ne fut actée qu'avec le discours de Belfort, le 10 février 2022. Depuis, rien, bien que la loi de 2019 ait prévu une loi de programmation quinquennale avant le 1er juillet 2023. Il est pourtant indispensable de donner une direction à notre politique énergétique.
Alors que la transition écologique impose une électrification intensive des usages, ce texte manque d'ambition. Il faudrait viser au moins 32 gigawatts de nouvelles capacités de production d'électricité d'origine nucléaire, dont au moins vingt réacteurs de troisième génération à l'horizon 2050, et exclure définitivement les énergies éoliennes, gabegie d'argent public ne profitant qu'à quelques acteurs intéressés !
Méfiants à l'égard des énergies intermittentes, nous nous abstiendrons sur ce texte.
Mme Martine Berthet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cela fait 441 jours que nous attendions une loi de programmation de l'énergie - plus d'un an de vide législatif ! Faute de cadre, la SNBC comme le Pniec n'ont pas été actualisés, laissant les entreprises, les collectivités et les citoyens dans le flou, et affaiblissant notre sécurité énergétique et économique.
Je remercie donc Daniel Gremillet de ce texte, qui garantit notre indépendance énergétique en assurant le caractère majoritairement public de notre production et de sa distribution. Il donne un cadre tout en simplifiant, pour pouvoir aller plus loin dans l'innovation et la décarbonation. Ce cap clair est vital pour développer le nouveau nucléaire ou le stockage du renouvelable.
L'article 21 apporte une solution au contentieux européen sur les concessions hydrauliques échues, avec l'expérimentation, pour trois ans, du régime d'autorisation, ce qui favorisera l'investissement d'EDF dans notre potentiel hydroélectrique.
La survie de nos industriels électro-intensifs dépend d'un accès à une électricité à prix stable et compétitif. L'accord signé en novembre 2023 entre l'État et EDF sur l'après-Arenh devait y répondre, mais l'absence de régulation préalable, de transparence et de liquidité du marché font obstacle. Les tarifs avoisinent les 80 euros, bien plus que chez les concurrents internationaux. Nous devons protéger nos industries.
Mon amendement n°4 rectifié, hélas déclaré irrecevable, renforçait les compétences de la CRE pour améliorer la transparence et la liquidité sur le marché. Je reviendrai à la charge lors du projet de loi de finances.
Nous ne pouvons plus attendre pour définir une stratégie énergétique à la hauteur des défis et garantir à nos entreprises, à nos citoyens et à nos collectivités une énergie fiable, décarbonée et compétitive ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Stéphane Demilly . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP) Le désordre qui règne en l'absence de texte gouvernemental met en péril les projets d'énergies renouvelables portés par les territoires et ne nous permettra pas d'atteindre les objectifs de l'accord de Paris. Les différentes filières ont besoin d'une stratégie claire et pérenne pour orienter leurs investissements. Cette proposition de loi répond à ces impératifs - elle a d'ailleurs reçu un accueil positif de la part des acteurs de l'énergie.
L'article 3 intègre la relance du nucléaire au titre préliminaire du code de l'énergie. Le conflit russo-ukrainien a mis en lumière l'importance d'un mix énergétique majoritairement nucléaire. C'est un levier de souveraineté, de décarbonation, ainsi qu'une industrie d'excellence, avec 220 000 emplois directs et directs et 3 200 entreprises dans notre pays. Si nous voulons sortir des énergies fossiles et garantir notre approvisionnement, il nous faut développer le renouvelable et le nucléaire en même temps.
Nos objectifs en matière d'énergies renouvelables sont bien pris en compte par le code de l'énergie. Il faut toutefois les chiffrer, et simplifier les démarches. Pour un élu local, se lancer dans des projets hydroélectriques ou bioénergétiques est un parcours du combattant. Je vous invite dans mon territoire à venir le constater, madame la ministre !
La commission a veillé à la soutenabilité fiscale, clé de l'acceptabilité sociale de la transition énergétique - car les choix énergétiques se traduisent dans les factures ! Les récentes hausses de prix pèsent lourd sur les foyers modestes vivant dans des logements mal isolés.
Il est urgent de tracer une stratégie pérenne, résiliente et soutenable. Le groupe UC votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP)
M. Gilbert-Luc Devinaz . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cette proposition de loi était une réponse au refus du précédent gouvernement de présenter un projet de loi quinquennale fixant les objectifs de la PPE. Le contexte a changé, or le texte est resté figé au 8 juin. Il apparaît désormais comme un « projet de loi » - sans étude d'impact ni avis du Conseil d'État...
L'objectif de 6,5 gigawatts d'hydrogène décarboné en 2030 et de 10 gigawatts en 2035 est-il réaliste ? Peut-on réellement espérer capter 4 mégatonnes de CO2 en 2030 et 15 mégatonnes en 2050 ? Les technologies de captage sont-elles mûres ? Et à quel coût ?
Dans un contexte de forte inflation, et de nécessaire baisse de notre consommation énergétique, une tarification sociale et progressive de l'énergie résidentielle s'impose, pour une transition écologique socialement juste.
L'article 5 fixe des objectifs de production de chaleur et de froid renouvelables, de biocarburants, de biogaz et d'énergie hydraulique. Sont-ils réalistes ? Les filières sont-elles prêtes ?
Notre mission d'information sur les biocarburants a mis en évidence les enjeux liés à la concurrence des usages, notamment la disponibilité des matières premières. Pour atteindre les objectifs de décarbonation des transports, il faut raisonner en termes de bilan carbone plutôt que de technologies, et privilégier les usages pour lesquels les substitutions se révèlent difficiles.
Enfin, la question de notre gestion de la ressource en eau est cruciale pour répondre à l'urgence écologique et climatique.
Je m'interroge sur le calendrier. Comment fixer des objectifs chiffrés sans rapport préalable ? Nous demandons que l'État, via l'Ademe, présente un plan d'action afin de fixer une trajectoire claire et partagée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Fabien Gay applaudit également.)
Mme Sylviane Noël . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi salutaire comble le vide législatif laissé par l'absence de loi de programmation énergétique. L'objectif est clair : proposer des mesures concrètes pour simplifier la mise en oeuvre de la politique énergétique.
Je m'attacherai au mode de calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE), qui concerne près de 30 millions de logements. En effet, alors que le tout électrique est mis à l'honneur, les logements anciens chauffés à l'électricité sont pénalisés par le coefficient de conversion de 2,3 qui leur est appliqué, qui multiplie artificiellement leur consommation par rapport aux logements chauffés au gaz ou au fioul. Pénalité d'autant plus incohérente que 90 % de notre production d'électricité est d'origine nucléaire et donc décarbonée !
Entre deux logements identiques par ailleurs, le logement chauffé au gaz qui émet 227 g de CO2 par kWh obtiendra une meilleure note au DPE que celui chauffé à l'électricité, qui n'émet que 40 g de CO2 par kWh ! On en perd son latin.
Alors que seront bientôt exclus du marché de la location les logements classés G et F, cela nous priverait de 8,5 millions de logements ! En Haute-Savoie, où 50 % des habitations sont chauffées à l'électricité, plus de 160 000 logements se retrouvent ainsi classés en E, F et G. Mesurez le séisme qui nous attend !
Cette manipulation réglementaire dégrade la performance environnementale du parc français, qui est en réalité parmi les plus vertueux. S'agissant d'une mesure réglementaire, le Gouvernement peut résoudre cette absurdité technique en abaissant le coefficient de conversion à 1, comme je le propose dans ma proposition de loi. Aucune raison scientifique ou technologique ne justifie ce biais injuste, sinon la défense de certains intérêts commerciaux ! Ce serait une mesure de justice sociale, cohérente avec nos ambitions climatiques. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - Quelques éclairages, avant d'aborder la discussion des articles.
Une proposition de loi, par définition, obéit à une procédure propre. Le Gouvernement a bien une proposition en matière de planification, mais pour le moment, je souhaite que nous avancions ensemble, pour tenter de converger et de trouver un cadre législatif adapté.
Cela permettra d'aborder rapidement la question de la PPE. Nul doute que les débats ici seront sereins - peut-être moins à l'Assemblée nationale. Étant donné le contexte politique, mieux vaut travailler dans l'intérêt des Français que d'utiliser les projets de loi pour sanctionner le Gouvernement ! Les entreprises attendent stabilité et visibilité. Grâce à la planification, nous pourrons leur proposer des contrats de production.
Le DPE ne relève pas de ce texte, mais je reconnais que le coefficient est pénalisant : nous y travaillons avec Agnès Pannier-Runacher.
L'énergie est d'abord une question de territoires. Vous avez tous des projets dans vos départements ; je m'y rendrais volontiers, pour voir comment chacun s'attache à produire de l'énergie, qu'elle soit hydroélectrique, éolienne ou nucléaire. Merci de votre implication.
Discussion des articles
Avant l'article 1er
M. le président. - Amendement n°77 de M. Jadot et alii.
M. Yannick Jadot. - La proposition de loi doit respecter l'esprit et la lettre de l'accord de Paris, pour éviter le chaos climatique.
L'article 6 prévoit ainsi l'obligation pour les fournisseurs de carburants de réduire de 14,5 % l'intensité de leurs émissions de gaz à effet de serre ; l'article 8 conforte l'objectif de sortie des énergies fossiles. Notre amendement est dans le même esprit.
M. Alain Cadec, rapporteur. - Avis défavorable.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - L'objectif de neutralité carbone à horizon 2050 est partagé. La France contribuera à l'effort mondial exigé par l'accord de Paris, mais ne peut garantir seule l'atteinte de cet objectif. Votre rédaction est source d'insécurité juridique. Avis défavorable.
L'amendement n°77 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°130 de M. Gay et du groupe CRCE-K.
M. Fabien Gay. - Pour nous, l'énergie est surtout une question d'aménagement du territoire. Répondre aux besoins de la population, produire là où sont les besoins, passe par un service public unifié. D'où notre proposition de loi créant un grand service public de l'énergie, afin de doter l'État d'un bras armé pour décarboner le mix et sortir quinze millions de personnes de la précarité énergétique, avec un tarif proche du coût de production, autour de trois Epic - électricité, gaz, pétrole.
Cette idée doit faire son chemin. J'invite le Gouvernement à se saisir de cette proposition de loi et à remettre un rapport. Je suis prêt à y travailler avec la majorité. Notre proposition est chiffrée à 193 milliards d'euros, et amortissable en sept à dix ans.
Il ne s'agit pas de revenir à ce qu'a créé Marcel Paul le 8 avril 1946, mais bien d'une nouvelle étape de nationalisation.
M. Alain Cadec, rapporteur. - L'amendement me semble inédit. Un service public de l'énergie englobant l'électricité, le gaz et le pétrole serait contraire au cadre européen. Les directives du 13 juillet 2009 organisent la mise en concurrence dans les secteurs de l'électricité et du gaz. Il serait également contraire au cadre national, car la loi de nationalisation de 1946 n'a jamais concerné le pétrole. Avis défavorable.
M. Fabien Gay. - On peut innover !
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - L'organisation du système énergétique repose sur des institutions aux missions clairement établies.
La loi Brun d'avril 2024 a acté la détention à 100 % du capital d'EDF par l'État. L'objectif poursuivi par l'amendement n'est pas étayé par les éventuels bénéfices. Avis défavorable.
M. Fabien Gay. - La loi Brun n'est pas une re-nationalisation, mais une ré-étatisation : EDF reste une société anonyme, loin d'un service public démocratisé impliquant les usagers et usagères.
Je vous transmettrai notre proposition de loi.
Oui, elle est contraire au droit européen. C'est pourquoi nous proposons de lancer un débat politique - un combat politique - pour que l'énergie soit sortie du secteur marchand, reconnue comme besoin fondamental et donc relève du service public. En répondant que c'est interdit, car non conforme au droit européen, on nourrit le désespoir - et le vote pour l'extrême droite !
Nous proposons un autre chemin, la soumission à la loi du marché nous ayant menés dans le mur.
Je n'attends pas de la droite sénatoriale qu'elle vote une loi de nationalisation plus ambitieuse que celle de Marcel Paul (sourires), mais nous pouvons travailler et réfléchir. D'où l'intérêt d'un rapport.
L'amendement n°130 n'est pas adopté.
Article 1er
M. le président. - Amendement n° 40 de M. Devinaz et du groupe SER.
M. Gilbert-Luc Devinaz. - Nous voulons protéger les ménages via une tarification sociale et progressive de l'énergie résidentielle, pour plus de justice et pour répondre à l'urgence sociale provoquée par la hausse des dépenses d'énergie, qui sont des dépenses captives.
M. Alain Cadec, rapporteur. - Sur le fond, avis défavorable. En outre, l'amendement présente une difficulté juridique, puisqu'il déstabiliserait la construction des TRVE, ce qui nuirait aux consommateurs. Par ailleurs, une décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 7 septembre 2016 et un arrêt du Conseil d'État du 19 juillet 2017 ont mis fin aux tarifs réglementés du gaz, qui se sont éteints le 1er juillet 2023.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - Une telle tarification progressive serait très complexe à mettre en oeuvre. Souvenez-vous de la loi Brottes, censurée par le Conseil constitutionnel en 2013.
Nous privilégions le chèque énergie pour aider les ménages modestes, quelle que soit l'énergie qu'ils consomment.
Votre amendement n'est en outre pas compatible avec le droit communautaire.
M. Yannick Jadot. - Nous attendons les débats autour du chèque énergie lors de l'examen du projet de loi de finances, mais le rapport de la Cour des comptes sur le bouclier énergétique révèle que l'on a dépensé des milliards d'euros pour des ménages qui n'en avaient pas besoin !
Instaurer la gratuité des premiers kilowattheures pour les familles les plus en difficulté serait possible, avec un peu de volonté politique.
L'amendement n°40 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°34 rectifié de M. Michau et du groupe SER.
M. Jean-Jacques Michau. - Le marché européen de l'électricité n'a pas su répondre à l'urgence écologique et sociale et aux trois défis que sont la décarbonation, la sécurité, et le maintien de prix abordables et compétitifs. À partir de l'été 2021, les prix de l'électricité ont explosé. Ils étaient en outre décorrélés de nos coûts de production.
La volatilité des prix de l'électricité est préjudiciable à l'activité économique. Les entreprises ont besoin de visibilité à long terme.
Alors que la réforme du marché européen de l'énergie est en cours, veillons à ce que les prix de l'électricité reflètent bien les coûts complets de notre production d'électricité. Notre amendement complète en ce sens l'alinéa 2 de l'article.
M. le président. - Amendement n°30 de M. Michau et du groupe SER.
M. Jean-Jacques Michau. - Défendu.
M. Alain Cadec, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement n°34 rectifié, avis défavorable à l'amendement n°30.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - Le Gouvernement partage l'objectif de garantir un prix stable et abordable de l'électricité qui soit représentatif des coûts du système électrique. Il a défendu cette position au niveau européen. Mais les dispositions prévues à l'article L. 100-2 du code de l'énergie suffisent. Demande de retrait de l'amendement n°34 rectifié ; sagesse sur l'amendement n°30.
L'amendement n°34 rectifié est adopté.
L'amendement n°30 n'a plus d'objet.
M. le président. - Amendement n°118 rectifié de M. Buis et alii.
Mme Nadège Havet. - Cet amendement lève une ambiguïté du texte sur la propriété publique du réseau de transport d'électricité en renvoyant aux autres dispositions du code de l'énergie.
M. Alain Cadec, rapporteur. - Avis favorable.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - Clarification bienvenue. Avis favorable.
L'amendement n°118 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°78 de M. Jadot et alii.
M. Yannick Jadot. - L'article 1er réaffirme l'importance de notre sécurité d'approvisionnement et notre souveraineté, mais développe une vision très exportatrice pour l'électricité. Or d'ici à 2035, la difficulté sera de boucler notre équation énergétique ! Nous n'aurons pas forcément l'offre suffisante pour répondre à l'électrification de nos usages. Mettons plutôt l'accent sur la solidarité électrique européenne et les interconnexions, signe de stabilité sur le marché.
Nous devons sortir du gaz, et non diversifier notre approvisionnement en gaz ! Notre commission d'enquête sur Total a appelé la France à cesser ses importations de gaz naturel liquéfié (GNL) russe, gaz bien plus polluant que le gaz naturel ! En outre, quand il vient d'Amérique du Nord, c'est du gaz de schiste, plus polluant que le pétrole, voire que le charbon ! Renforçons plutôt nos objectifs en matière d'énergies renouvelables.
M. Alain Cadec, rapporteur. - Cet amendement est inopportun. Il amoindrirait l'ambition de l'article 1er. Il serait en outre redondant avec l'article 9, qui relève déjà l'objectif de réduction de la consommation d'énergie fossile. Des mécanismes de solidarité européens sont prévus par le paquet gaz présenté en 2021, et des interconnexions ont déjà été intégrées à notre droit national. Avis défavorable, à défaut de retrait, auquel je ne crois guère ! (Sourires)
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - Disposer de marges sur notre système électrique est un enjeu majeur pour notre sécurité et notre souveraineté. La France a vocation à rester exportatrice.
Votre amendement est largement satisfait. Le code de l'énergie fixe déjà un objectif de développement des interconnexions et de réduction progressive de la consommation d'énergies fossiles. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Yannick Jadot. - On a eu la guerre en Ukraine. L'économie européenne s'est largement construite, à bas coût, sur le gaz russe, arrivant par gazoduc. Nous savons combien nous avons payé cette dépendance ! Penser que l'on pourra substituer du GNL venu de partout dans le monde au gaz russe est une illusion : le GNL sur les tankers est vendu au plus offrant. Nous dépendrions d'un marché mondial en situation de guerre économique ! Si l'on veut être souverains en matière énergétique, le GNL est la pire des solutions.
M. Franck Montaugé. - Cet amendement soulève une question fondamentale. À terme, quand le système énergétique sera totalement décarboné, comment fixera-t-il les prix ?
Actuellement, c'est la dernière centrale européenne appelée, qui fonctionne généralement au gaz naturel, qui fixe le prix.
Madame la ministre, quelle est la vision du Gouvernement pour aller vers un mix décarboné ? Comment cela fonctionnera-t-il ?
Se demander comment s'affranchir du gaz naturel revient à se demander quelle énergie marginale fera fonctionner la dernière centrale européenne appelée sur le réseau.
L'amendement n°78 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°131 de M. Gay et du groupe CRCE-K.
M. Fabien Gay. - Le prix repère de vente de gaz naturel (PRVG) a été instauré par la CRE afin d'accompagner les consommateurs résidentiels dans le choix de leur offre de fourniture gazière. Il doit refléter la construction d'une offre de marché efficace et peut donc différer des tarifs d'une offre à prix fixe. Nous proposons d'exclure l'indexation des coûts commerciaux sur l'inflation dans la construction de ce prix repère, afin qu'il soit établi sur des coûts stables et transparents, indépendamment des performances des fournisseurs.
De nombreux consommateurs optent pour des offres à prix fixe, pour échapper aux fluctuations du marché. Garantissons la publication des tarifs de référence pour les offres à prix fixe en complément du PRVG. La CRE y est favorable, pour permettre au consommateur de comparer les offres à prix fixes avec une référence homogène.
M. Alain Cadec, rapporteur. - Il serait inconventionnel de recréer des offres de fourniture du gaz à prix fixe. Un prix repère est publié tous les mois par la CRE. L'article 1er confère pour la première fois une base légale à ce dispositif. Un amendement à l'article 24 ira plus loin encore. La CRE s'est dite favorable à cette évolution. Avis défavorable.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - Même avis. Nous renvoyons à l'amendement n°177 à l'article 24.
M. Fabien Gay. - J'ai consulté l'avis de la CRE (M. Fabien Gay brandit un document) : j'ai tout surligné. Ce n'est pas du tout ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur ! (M. Alain Cadec le conteste.)
Je lis : « la publication additionnelle d'un prix repère divise les acteurs. Les deux associations de consommateurs et la fédération syndicale y sont favorables, tandis que les quatre associations d'entreprises gazières et les cinq fournisseurs expriment leur opposition. » C'est donc un débat politique ! Vous prenez le parti des fournisseurs alternatifs de gaz.
M. Alain Cadec, rapporteur. - Oui, c'est essentiellement politique.
M. Fabien Gay. - Ah !
M. Alain Cadec, rapporteur. - C'est pourquoi nous défendrons à l'article 24 l'amendement dont je vous ai parlé.
L'amendement n°131 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°45 de M. Devinaz et du groupe SER.
M. Gilbert-Luc Devinaz. - L'intégration de l'économie circulaire dans nos politiques énergétiques est une nécessité environnementale, mais aussi une stratégie essentielle pour renforcer la sécurité de nos approvisionnements, la souveraineté nationale et la gestion durable des matériaux critiques. Notre dépendance excessive à ces derniers nous expose à des risques considérables.
M. Alain Cadec, rapporteur. - Cet amendement n'est pas pertinent, car il est satisfait par des dispositions du code de l'énergie. Ensuite, à l'article 5, nous avons adopté, en commission, un amendement sur la nécessité de renouveler les parcs éoliens, qui soulèvent les principales questions en matière de recyclage. Avis défavorable.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - Votre amendement me plaît. J'ai intégré dans mon cabinet un focus sur la durabilité.
Avis favorable.
M. Yannick Jadot. - C'est une nécessité impérative ! Le repowering, ce n'est pas l'économie circulaire. On peut faire monter nos éoliennes en puissance sans rien recycler !
L'économie circulaire est un enjeu international. On ne fondera pas notre révolution énergétique sur un nouvel extractivisme dans les pays du sud ; nous connaissons les conséquences, elles sont absolument dramatiques. L'extraction des matériaux critiques s'y fait dans des conditions abominables.
L'amendement n°45 n'est pas adopté.
L'article 1er, modifié, est adopté.
Après l'article 1er
M. le président. - Amendement n°69 rectifié quater de M. Canévet et alii.
M. Claude Kern. - Il faut distinguer les zones urbaines des zones rurales, où la consommation d'énergie présente des caractéristiques différentes : en zone rurale, les bâtiments ne sont pas tous raccordables à des réseaux de chaleur ou de gaz naturel.
Les amendements identiques nos98 rectifié quater et 106 rectifié ne sont pas défendus.
M. Alain Cadec, rapporteur. - Avis favorable.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - Les spécificités des zones rurales sont déjà prises en compte, par exemple par la péréquation. De plus, la loi garantit aux plus démunis l'accès aux services énergétiques. Cet amendement est satisfait. Retrait ?
M. Claude Kern. - L'objet de l'amendement est bien de distinguer les zones rurales sans possibilité de raccordement !
L'amendement n°69 rectifié quater est adopté et devient un article additionnel.
Article 2
M. le président. - Amendement n°31 de M. Michau et du groupe SER.
M. Jean-Jacques Michau. - Cet article supprime la trajectoire de hausse de la composante carbone de la fiscalité énergétique. Au contraire, nous sommes favorables au maintien de cette taxe carbone, car il nous faut transformer radicalement nos modes de production pour faire face à l'urgence écologique.
S'il faut aller vers la décarbonation, le mouvement des gilets jaunes a rappelé au Gouvernement que la transition doit être juste. Il faut concilier fin du monde et fin du mois.
Le caractère particulièrement régressif de cette fiscalité, qui pénalise les plus modestes et les ménages ruraux contraints de recourir à l'automobile, a conduit le Gouvernement à modifier la trajectoire.
Pourtant, des études montrent que les Français, y compris ceux résidant en zone rurale, ne sont pas défavorables à cette taxe, si elle est compensée par la création de transports, d'emplois et de services de proximité. Les recettes fiscales issues d'une telle taxe doivent être plus transparentes et fléchées vers les populations les plus impactées.
M. le président. - Amendement identique n°79 de M. Jadot et alii.
M. Yannick Jadot. - Même constat, même diagnostic. Depuis plus de vingt ans, la construction d'une politique climatique repose aussi sur la fiscalité carbone. Cela fait l'objet d'un consensus absolu chez les économistes. J'ai participé à la négociation du Grenelle de l'environnement, du temps du Président Sarkozy : dès le début, nous avions indiqué : « pas un euro collecté qui ne soit un euro redistribué » ; idem au sein du comité de la fiscalité écologique, avec Christian de Perthuis.
Sans logique redistributive, nous courrons à l'échec. Le mouvement des gilets jaunes était lié à l'absence totale de redistribution. Ceux qui roulent 30 à 40 km par jour pour aller travailler ou voir un médecin doivent être aidés.
Acter une telle rupture, par ce texte, n'est pas sérieux !
M. Alain Cadec, rapporteur. - J'entends vos arguments, mais ils ne me semblent pas opportuns. Ce texte veille à l'acceptabilité sociale de la transition énergétique. Avis défavorable.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - Même avis.
M. Yannick Jadot. - J'espère, madame la ministre, que vous êtes consciente du contenu de l'article que vous soutenez. Vous devrez défendre à l'échelle européenne le fait que la France s'affranchisse totalement de la trajectoire de décarbonation !
Vous avez participé à des gouvernements qui ont fait de la fiscalité carbone une fiscalité de rendement. Vous n'avez jamais accepté le caractère redistributif de la fiscalité carbone !
Rejeter à ce point l'idée d'une trajectoire sérieuse est une rupture inédite. Madame la ministre, révisez la position du Gouvernement : votre avis est irresponsable !
M. Franck Montaugé. - Revenons au récent rapport de la Cour des comptes, qui dresse un constat clair sur la fiscalité énergétique en France : c'est un empilement de décisions historiques, sans véritable visée environnementale, et cette fiscalité pèse avant tout sur les particuliers, surtout les plus modestes. En 2022, les particuliers payaient 27 euros par MWh et les professionnels 14 euros.
C'est une fiscalité de rendement et non une fiscalité écologique. Madame la ministre, que répondez-vous à ce rapport de la Cour des comptes ?
Les amendements identiques nos31 et 79 ne sont pas adoptés.
L'article 2 est adopté.
Article 3
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques . - Cet article est particulièrement important, car il acte la relance de la filière nucléaire française.
La commission des affaires économiques est engagée depuis de nombreuses années sur le sujet. En 2021, lors du vote de la loi Climat et résilience, face à l'absence d'études d'impact sur la sûreté nucléaire, sur la sécurité d'approvisionnement et sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, nous nous étions opposés à la fermeture de centrales.
En 2023, lors du vote de la loi sur le nouveau nucléaire, nous avons abrogé l'objectif de réduction à 50 % de la production d'énergie nucléaire d'ici à 2030.
Le Sénat, et plus particulièrement la commission des affaires économiques, a mis le nucléaire au coeur de l'agenda législatif. C'est pourquoi nous avons voulu graver dans le marbre de la loi la relance du nucléaire. Nous avons acté la construction de quatorze EPR2, conformément au discours de Belfort du Président de la République en 2022, et avons été plus loin en incluant dans la loi le scénario N03, c'est-à-dire le plus nucléarisé.
J'entends Yannick Jadot, selon lequel nous serions trop ambitieux, parce que nous prévoyons quinze SMR et potentiellement six EPR2 supplémentaires en cas de réindustrialisation. Pourquoi afficher une ambition forte ? Pourquoi un mix nucléaire de deux tiers d'ici à 2030 et majoritaire d'ici à 2050 ? Parce que la filière nucléaire le demande pour mobiliser des investissements : il leur faut un cap clair et cohérent, qui leur donne de la prévisibilité. C'est l'objet de l'article.
Nous voulons un nucléaire plus innovant, avec les petits réacteurs modulaires et les réacteurs de quatrième génération. Nous voulons aussi un nucléaire plus propre, avec l'installation de structures de recyclage des déchets nucléaires.
M. le président. - Amendement n°80 de M. Yannick Jadot et alii.
M. Yannick Jadot. - J'entends la réflexion de la présidente Estrosi Sassone. Nous sommes dans un exercice de programmation. Les quatorze EPR et les quinze SMR n'existeront pas avant 2035 : c'est hors cadre par rapport à notre discussion !
Ensuite, il n'y a eu aucune évaluation. Le président d'EDF, Luc Rémont, nous a dit qu'ils étaient en train de finaliser le design de l'outil nécessaire. On n'y est pas ! On ne sait rien des conditions de financement, alors qu'il faut compter 13 milliards d'euros par tête d'EPR2 !
Le scénario que vous privilégiez est le plus risqué. Vous dites marcher sur vos deux jambes, le nucléaire et les énergies renouvelables... ce n'est pas vrai. On sacrifie en permanence les énergies renouvelables, en pensant que le nucléaire suffira à résoudre en dix ans toutes les difficultés.
Il y a même un groupe à l'Assemblée nationale qui s'appelle EPR (sourires) : si ce n'est pas de l'idéologie et du dogmatisme !
M. Alain Cadec, rapporteur. - Avis défavorable. Contrairement à vos propos, monsieur Jadot, les dispositions prévues à l'article 3 ont fait l'objet d'une concertation publique. Depuis 2021, le Gouvernement a organisé des ateliers, une concertation nationale et des groupes de travail.
De plus, un avant-projet de loi sur la souveraineté énergétique a fait l'objet d'une étude d'impact et d'un avis du Conseil d'État, du Conseil national de la transition écologique et du Conseil supérieur de l'énergie.
Vous êtes dans l'idéologie !
M. Yannick Jadot. - Et le prix ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - L'objectif est bien d'être sur nos deux jambes. Je suis favorable au nucléaire, qui nous aidera à passer des étapes difficiles. J'ai milité pour un EPR dans le Bugey, dans mon département, et j'en suis fière.
Le débat doit avoir lieu, je défendrai des amendements sur ce sujet ; mais il faut avancer sur la relance du nucléaire.
M. Yannick Jadot. - On me parle de pragmatisme, mais l'EPR2 du Bugey ne fonctionnera pas avant 2040 ! Il y a du travail d'ici là.
L'Agence internationale de l'énergie dit que, dans le monde, on installera plus de capacités en éolien et en photovoltaïque en 2024 que de capacités nucléaires depuis des décennies. La France va-t-elle s'intéresser aux énergies qui font l'objet d'une lutte mondiale, notamment avec les Chinois ? Pourquoi nous affranchir de telles perspectives industrielles ?
Dans les années à venir, les seules solutions sont l'éolien et le photovoltaïque, car ce sont les industries les plus rapides à installer. Les énergies renouvelables coûtent moins cher que le nucléaire, qu'on soit pour ou contre. Ce n'est pas du dogmatisme, c'est la réalité.
M. Franck Montaugé. - Tous les modes de production d'énergie font courir des risques et créent des difficultés. Il est fondamental de donner de la visibilité aux industriels. Il ne faut entraver aucune filière. Donnons à EDF les moyens de ses ambitions nucléaires, qui sont nationales.
En revanche, madame la ministre, où en est le Gouvernement de ses discussions avec EDF sur le financement du nucléaire ? Nous n'en savons rien. Nous appelons à la clarté. C'est le flou le plus complet. La commission d'enquête sur les prix de l'électricité a bien mis en évidence l'opacité qui règne en la matière.
Le groupe SER ne souhaite pas sacrifier le nucléaire au profit d'autres technologies. Toutes ont leur place.
M. Stéphane Piednoir. - Le nucléaire est la marotte d'un certain nombre d'élus. Je me réjouis des propos de Franck Montaugé qui a présidé la commission d'enquête dont Vincent Delahaye était rapporteur : voilà une vision équilibrée de notre mix énergétique.
M. Jadot fait allusion aux problèmes du nucléaire ces 50 dernières années... Le problème du nucléaire date d'il y a vingt-cinq ans, quand le groupe politique auquel vous appartenez, monsieur Jadot, a saccagé le nucléaire durable et l'avenir des réacteurs à neutrons rapides, qui étaient opérationnels.
M. Yannick Jadot. - Nous ?
M. Stéphane Piednoir. - Oui, vous !
M. Yannick Jadot. - Nous n'avons jamais gouverné !
M. Stéphane Piednoir. - Et la gauche plurielle, en 1997 ?
Si l'on regardait les filières les unes après les autres, on leur trouverait toujours des problèmes. Quel que soit le mode de production, nous n'avons pas de souveraineté : l'éolien est intermittent, et nous dépendons de la Chine pour le photovoltaïque. Vos propos, fallacieux, vous discréditent, monsieur Jadot !
Quand M. Rémont dit que l'EPR2 est une simplification du design de l'EPR, il faut peut-être le croire. Demain, les têtes de série seront beaucoup moins chères. (M. Yannick Jadot s'exclame.)
M. Daniel Gremillet. - Je remercie le rapporteur de sa position. Il est réducteur d'opposer ambition pour le nucléaire et ambition pour les énergies renouvelables.
Ce texte est le fruit de la réflexion. Monsieur Jadot, vous dites qu'il est dommage de voir sombrer la filière éolienne. De la même manière, si nous n'avons pas d'ambition française pour les SMR, nous n'y arriverons pas. Il nous faut des énergies pilotables, et le nucléaire est une réponse à l'urgence climatique. Affichons nos ambitions !
Pour ce qui est du nombre de réacteurs, nous restons réalistes : sans réindustrialisation de la France, nous ne les construirons pas.
Ce texte trace un chemin, une stratégie. Un réacteur, c'est entre dix et quinze ans de construction. Du courage ! Soyons au rendez-vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
M. Fabien Gay. - Il n'existe pas d'énergie propre. Toute activité humaine a un impact sur les écosystèmes.
Ensuite, arrêtons avec les pourcentages, source d'erreur d'appréciation. Fixons plutôt des objectifs de capacité ambitieux.
Enfin, le temps du nucléaire est le temps long. Pour décarboner notre mix énergétique, nous devons investir lourdement dans le renouvelable ; mais pour sortir du pétrole, je pense que nous ne pouvons pas nous passer du nouveau nucléaire. Il faut envoyer un signal clair à la filière, redonner une impulsion politique.
Enfin, il faut affronter un certain nombre de questions. Où va-t-on installer les quinze SMR ? Et quid des conflits d'usage, notamment en matière d'eau ?
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - Notre politique énergétique a souffert d'un manque de planification depuis plusieurs années. Nous redonnons une voie claire...
M. Fabien Gay. - C'est faux, madame la ministre !
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - EDF doit nous fournir un devis finalisé d'ici à la fin de l'année. Nous espérons pouvoir tenir notre ambition.
Ayons un débat, planifions, y compris jusqu'en 2040. L'éolien en mer devra aussi faire l'objet d'une planification. N'ayons pas peur de parler de toutes les énergies.
L'amendement n°80 n'est pas adopté.