Conseil européen des 17 et 18 octobre 2024
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 17 et 18 octobre 2024.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe . - Je suis honoré de m'exprimer pour la première fois dans votre hémicycle - faisant ainsi quelques infidélités à mon assemblée de coeur - pour présenter les thèmes que nous aborderons lors du prochain Conseil européen.
J'accorde une grande importance à la diplomatie parlementaire. J'espère que ce débat sera le premier d'une longue série, dans une culture de dialogue et de respect avec toutes les forces politiques.
Les chefs d'État aborderont des sujets majeurs, qui reflètent les priorités de l'agenda d'autonomie stratégique de l'Union européenne, déclinées depuis 2017. L'Union européenne commence enfin à être moins naïve, moins dépendante ; elle défend ses frontières et ses intérêts économiques, développe son outil militaire pour développer sa défense.
Alors que nos partenaires rechignaient à l'utiliser, le terme d'autonomie stratégique est aujourd'hui une évidence dans le débat public européen.
Nous parlerons du soutien à l'Ukraine, du conflit au Proche-Orient, de la compétitivité - à la suite du rapport Draghi - , du défi migratoire, de la COP29 et de la COP16, des luttes contre les discriminations et des défis de politique étrangère qui se posent en Moldavie, en Bolivie ou au Soudan, notamment.
Sur l'Ukraine, nous discuterons de la finalisation du volet européen de l'emprunt ; le G7 s'y est engagé en juin sur le fondement des revenus tirés des actifs souverains russes immobilisés. Il est urgent de doter l'Ukraine de ressources financières stables. La guerre d'agression de la Russie contre l'Ukraine, je le rappelle, menace à la fois notre sécurité et nos valeurs.
Le soutien à l'Ukraine doit également se faire sur le volet militaire.
Nous saluons les nouvelles sanctions prises pour lutter contre l'ingérence étrangère russe - la France en a fait une priorité.
Au Proche-Orient, nous plaidons pour accentuer encore davantage l'engagement européen en faveur d'un cessez-le-feu à Gaza et au Liban, à accroître l'aide humanitaire en faveur de la population civile et de soutenir l'armée libanaise. Nous présenterons les contours de la Conférence internationale pour le Liban, qui se tiendra à Paris à la fin du mois.
Nous rappellerons nos fondamentaux : libération inconditionnelle des otages, acheminement de l'aide humanitaire vers les civils, solution à deux États, respect du principe d'une sécurité inaliénable d'Israël.
Nous saluerons les nouvelles sanctions prises contre l'Iran après le transfert de missiles à la Russie.
Le Conseil fera également un point sur les relations entre l'Union européenne et le Golfe.
Le Conseil se saisira des enjeux de compétitivité, avant le sommet informel du 8 novembre consacré à cette question. Nous souhaitons une feuille de route concrète et ambitieuse afin de mettre en oeuvre les recommandations du rapport Draghi, qui dresse un constat sévère, mais lucide, sur le décrochage économique de notre continent face à nos concurrents, qu'il s'agisse de la Chine ou des États-Unis. Nous sommes confrontés à un triple défi énergétique, commercial et sécuritaire, dans un contexte de transitions écologique et numérique et de vieillissement de notre population.
Profitons-en pour mettre en place une stratégie industrielle ambitieuse. C'est à cette condition que l'Union européenne pourra relever le défi existentiel posé par la concurrence croissante de la Chine et des États-Unis.
Libérons l'épargne publique et privée pour investir dans l'intelligence artificielle, dans le quantique, dans toutes les technologies d'avenir, faute de quoi nous accumulerons un retard irrattrapable.
La maîtrise des migrations est un enjeu majeur. Notre priorité est de renforcer les dispositifs existants : nous veillerons à la mise en oeuvre du Pacte sur la migration et l'asile, une petite révolution ; nous faciliterons les procédures d'éloignement des déboutés du droit d'asile ; nous devons favoriser les coopérations avec les pays tiers, en utilisant tous les leviers dont dispose l'Union européenne.
Nous préparerons également les prochaines COP, qui se tiendront à Bakou et en Colombie.
Alors que les actes antisémites et racistes se multiplient, le Conseil européen réitérera sa ferme condamnation de toutes les discriminations.
Nous évoquerons aussi la situation en Moldavie, qui subit des manoeuvres russes, et en Géorgie, qui doit se prononcer sur son avenir européen le 20 octobre. Nous devrons maintenir une posture ferme face à l'absence de transparence dans le processus électoral au Venezuela. La discussion s'achèvera sur le conflit au Soudan, l'une des crises humanitaires les plus graves du XXIe siècle. Tous les États membres en profiteront pour réaffirmer leur engagement collectif en faveur du dialogue intersoudanais.
Mme Catherine Dumas, vice-présidente de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - Je parlerai au nom de la commission des affaires étrangères, présidée par Cédric Perrin.
Le Président de la République a promis à la tribune des Nations unies que la France ferait tout ce qui est en son pouvoir pour que l'Ukraine tienne bon, se mette hors de danger et obtienne justice, notamment en lui fournissant des équipements indispensables à sa défense. Cette question a agité le débat public cet été : faut-il aider l'Ukraine à se défendre en frappant la Russie grâce à des missiles occidentaux ? Le président russe a prévenu que cela appellerait une réponse symétrique... La question semble avoir été tranchée par la négative aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne, après un débat public nourri. Quelle est la position de la France à ce jour sur ce sujet ?
Le Président de la République souhaite également bâtir une paix juste et durable en Ukraine. Dans un quotidien allemand, vous avez avancé que l'envoi de troupes au sol n'était pas exclu. Quelle forme prendra donc notre soutien à l'Ukraine ? À plus long terme, le Gouvernement se projette-t-il déjà dans l'après-guerre ?
Trois jours avant son discours à l'ONU, M. Macron a pensé à une nouvelle forme d'organisation de l'Europe et repensait notre rapport à la Russie une fois la guerre terminée.
Les sénateurs sont plus que jamais désireux de participer au débat sur l'architecture de la sécurité européenne du futur ; nous sommes à l'écoute des propositions du Gouvernement.
J'en viens à l'influence française au sein de l'Union européenne. Le Président de la République nous invite à penser la réalité d'une Europe dans sa forme géographique, qui n'est ni l'Union européenne ni l'Otan. Est-ce à dire qu'il ne se fait plus guère d'illusions sur l'influence française dans l'Union ?
Thierry Breton a récemment regretté la grande dilution du poids de la France dans l'Union européenne : son portefeuille a été éclaté entre cinq commissaires ; les portefeuilles énergie et transition économique ont été confiés à des commissaires notoirement antinucléaires. Il a également alerté sur le poids croissant de l'Allemagne dans les institutions européennes.
L'état de nos finances publiques ne nous aide pas à peser. Face à ce constat, comment entendez-vous mettre un terme à l'affaiblissement continu de nos positions au sein de l'Union européenne ? Comment faire pour que la voix de la France porte en Europe ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué. - C'est toute l'architecture sécuritaire européenne qui a été agressée par la Russie. Notre soutien à l'Ukraine se poursuivra aussi longtemps que nécessaire.
Le Président de la République a été très clair. Nous avons fixé beaucoup de lignes rouges à l'Ukraine. Nous ne les communiquerons pas ; c'est là toute l'ambiguïté stratégique voulue par le Président de la République.
L'enjeu actuel est de dégager des ressources financières pour que les Ukrainiens puissent tenir sur le plan militaire. La priorité est de rassembler les 50 milliards d'euros de prêts décidés par les pays du G7 ; l'une des pistes est de mobiliser les avoirs russes gelés. La situation est bloquée par la Hongrie, nous aurons des discussions à ce sujet. C'est là un enjeu majeur à l'heure de l'élection présidentielle américaine.
Sur l'influence française, je constate que les priorités que nous défendons depuis quelques années sont au coeur des priorités de la Commission.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - La réunion du Conseil européen préparera la COP29 sur le changement climatique et la COP16 sur la biodiversité. Le suivi de ces négociations est pour nous une priorité.
La COP29 se déroulera du 11 au 22 novembre à Bakou. La conférence devra négocier la nouvelle cible en matière de financement ; celle-ci aura vocation à remplacer l'objectif de 100 milliards de dollars par an fixé en 2009 à Copenhague. Sans accord sur l'aide à accorder aux pays en voie de développement, ces derniers pourraient relâcher leurs efforts.
Les parties auront à concilier des nombreuses divergences, notamment sur la liste des pays contributeurs et sur le montant des contributions.
La France, qui a contribué au financement de l'ambition climatique à hauteur de 7,6 milliards d'euros en 2022, a dépassé son objectif de 6 milliards d'euros par an. Elle est un moteur de la négociation climatique à l'échelle de l'Union européenne ; elle l'a montré voilà neuf ans, à l'occasion des négociations de l'accord de Paris.
L'autre temps fort diplomatique est la COP16 consacrée à la biodiversité ; celle-ci se tiendra à Cali, en Colombie, du 21 octobre au 1er novembre. C'est un rendez-vous plus technique que politique, afin de mettre en oeuvre l'accord de la COP15 signé à Montréal en 2022 auquel nous sommes particulièrement attachés. Celui-ci définit un nouveau cadre mondial en faveur de la biodiversité, avec 23 cibles mondiales à atteindre en 2030 pour vivre en harmonie avec la nature.
Une délégation de sénateurs, composée de Guillaume Chevrollier, Denise Saint-Pé et Jean-Michel Houllegatte, s'était d'ailleurs rendue au Canada ; un rapport saluait l'ambition de cet accord tout en soulignant ses fragilités. Deux ans plus tard, il convient d'assurer sa mise en oeuvre concrète. Il est temps de définir un cadre de financement.
La répartition des financements entre pays du Nord et du Sud constituera une épineuse question. J'invite le Gouvernement à se saisir de ces enjeux majeurs afin que l'Union européenne reste une force motrice pour répondre aux multiples défis environnementaux.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué. - Nous partageons les objectifs et les constats énoncés.
L'adoption d'un nouvel objectif financier est une priorité majeure de la COP29. Tous les pays doivent participer à la solidarité financière internationale. La France est l'une des principales contributrices ; nous avons dépassé notre objectif.
La COP16 doit nous permettre de mettre en oeuvre des stratégies nationales concrètes. La mise en place d'un mécanisme de suivi est cruciale. La France est particulièrement engagée dans la mobilisation des financements et dans l'élargissement de la base des donateurs. Elle excède ses engagements, en ayant atteint, avec deux ans d'avance, son objectif d'un milliard d'euros d'aide publique au développement (APD) consacrée à la biodiversité et à la suppression des subventions néfastes.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances . - La réunion du Conseil européen s'inscrit dans un contexte économique et financier particulier, puisque le Conseil de l'Union européenne a approuvé le 26 juillet dernier l'ouverture de la procédure pour déficit excessif à l'encontre de 7 États membres, dont la France.
Alors qu'à la fin de la crise sanitaire, le déficit de la zone euro convergeait vers les 3 %, celui de la France n'a cessé de diverger depuis. La Commission européenne dresse un constat sans appel. La France, avec un déficit public de 5,5 % du PIB et une dette de 110 % dépasse largement les règles du pacte de stabilité et de croissance.
Cette trajectoire préoccupante ne sera pas corrigée en 2024, bien au contraire. La France s'était engagée à réduire son déficit à 5,1 % du PIB en 2024 ; l'objectif ne sera pas tenu. Le ministre des comptes publics vient de l'estimer à 6,1 %.
La dette atteignait 112 % à la fin du deuxième trimestre. Si nous ne faisons rien, la situation se dégradera encore en 2025. Cette situation est injustifiable hors période de crise ; elle nous singularise en Europe. Cette situation détériorée ne saurait être imputée aux seules crises sanitaire ou énergétique.
La Commission européenne souligne que la situation des finances publiques de la France n'est ni exceptionnelle ni temporaire : avec un déficit à 6,5 % du PIB en 2025, nous sommes très loin des 3 % prévus par le pacte de stabilité. Si rien n'est fait, la dette publique dépassera 114 % du PIB en 2025, bien au-delà des 60 % du traité.
La dégradation des finances publiques de la France en 2023 est avant tout le résultat de prévisions macroéconomiques imprudentes, et d'une forme de déni dans lequel les gouvernements précédents se sont enfermés.
Pourtant, le Sénat n'a eu de cesse d'alerter sur l'état de nos finances publiques. Nous avons proposé de nombreuses pistes d'économies, toutes ont été balayées d'un revers de main.
Notre pays se trouve dans une situation délicate. Sa crédibilité apparaît durablement entamée face à nos partenaires.
Il faudra présenter un ensemble de réformes vérifiables et assorties d'échéances à la Commission européenne.
Comment entendez-vous mettre la France face à ses engagements européens ? À défaut, le Conseil européen pourrait enjoindre la France à prendre des mesures économiques sous six mois.
Vous avez déclaré avoir obtenu un délai supplémentaire de la Commission, jusqu'au 31 octobre. Quand informerez-vous le Parlement, comme le prévoit la Lolf ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué. - La France a fait l'objet, aux côtés de six autres pays de l'Union européenne, d'une procédure pour déficit excessif. C'est la crédibilité de notre pays qui est en jeu, oui, mais c'est aussi un enjeu de crédibilité pour toutes les politiques que nous défendons. La voix de la France en Europe dépendra de notre trajectoire financière et budgétaire.
Le Premier ministre et le Gouvernement en ont fait une priorité majeure. Nous engagerons le redressement de nos comptes publics, à l'aide d'un budget ambitieux pour 2025, avec un horizon de déficit à 3 % d'ici à 2029. Nos partenaires nous attendent sur ce sujet. Nous serons au rendez-vous.
L'Union européenne devra dégager des ressources tant publiques que privées pour investir dans les industries d'avenir.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - J'apprécie le ton de votre réponse, qui change radicalement. Vous avez repris calmement nos arguments développés depuis un certain temps sur le dérapage de nos comptes publics, qui nous empêche d'atteindre les objectifs du pacte de stabilité et de croissance. En effet, il s'agit d'un enjeu de souveraineté. Nous nous plaçons dans la main des marchés, qui ne nous font pas de cadeaux. Les taux montent et les conditions risquent de peser lourdement sur notre dette. Relayez notre position à l'échelle européenne, cela se joue là-bas !
M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes . - Bienvenue dans cet hémicycle. Au Sénat, c'est comme dans Bienvenue chez les Ch'tis : on pleure quand on arrive, mais aussi quand on part. (Sourires)
Aujourd'hui, notre pays semble enfin se remettre en ordre de marche, mais le monde ne nous a pas attendus ; l'ordre du jour du prochain Conseil en témoigne.
L'Union européenne semble bien impuissante à mettre fin à la guerre en Ukraine, à éviter l'embrasement en Israël ou à apaiser la situation au Soudan.
Même sur son coeur de métier, l'Union est à la peine. Près d'un tiers des États membres ont rétabli temporairement les contrôles aux frontières, conformément au code Schengen.
La pression politique a augmenté d'un cran avant-hier à la suite de l'appel d'une majorité d'États membres, dont la France, à modifier la législation sur le retour des migrants irréguliers.
La triste actualité nous le rappelle trop souvent : il est indispensable de garantir l'éloignement des personnes non autorisées à rester, sans quoi notre politique d'asile ne pourra être menée.
Après les Pays-Bas, la Hongrie a demandé une exemption de l'application des règles européennes en matière d'asile et de migration.
Que compte proposer la France à ses partenaires pour répondre aux défis migratoires ? J'y suis confronté quotidiennement dans mon département, le Pas-de-Calais. C'est un défi européen qui appelle une réponse européenne, j'en suis convaincu.
Autre défi proprement européen : la compétitivité du marché intérieur. L'instabilité géopolitique transforme nos dépendances économiques en vulnérabilités. C'est ce qu'ont montré les rapports Letta sur le marché intérieur ou Draghi sur la compétitivité européenne ; ceux-ci ne sauraient rester lettre morte.
Le constat est sombre pour l'Union européenne qui ambitionne d'être leader des nouvelles technologies, phare de l'ambition climatique tout en gardant son modèle social. C'est un défi existentiel, pour reprendre les termes de Mario Draghi.
Le Conseil européen risque de reporter le sujet à sa rencontre informelle de novembre. Mais, monsieur le ministre, nous ne pouvons pas attendre !
La France, très occupée à rétablir sa crédibilité budgétaire, sort affaiblie par le changement in extremis de son candidat pour la Commission européenne ; elle ne doit pas rester à l'écart.
Ces réformes ambitieuses ne seront durables que si elles bénéficient d'un soutien démocratique ; Mario Draghi l'a lui-même rappelé. Les parlements doivent être étroitement associés aux réorientations profondes qui s'annoncent.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué. - Ces enjeux migratoires, que vous connaissez bien, appellent des réponses européennes robustes, fermes et humaines - je vous remercie de l'avoir souligné.
La crédibilité de l'Union européenne sera jugée sur sa capacité à obtenir des résultats concrets sur les flux migratoires.
Le Pacte asile et sur la migration et l'asile est une avancée majeure. Nous appelons désormais à sa mise en oeuvre rapide et globale - et non différenciée ; c'est important.
Il faudra penser aux prochaines étapes : la directive retour, afin de permettre une expulsion plus rapide des déboutés du droit d'asile, mais aussi repenser les instruments de la politique extérieure de l'Union européenne, notamment le levier des visas, les accords commerciaux ou la conditionnalité de l'APD.
L'Union européenne devra opérer un changement de braquet en matière de compétitivité. Nous avons jusqu'à présent mis l'accent sur la régulation pour nous protéger des grandes plateformes et préserver notre industrie ; nous devons désormais créer un environnement propice à l'innovation, à l'entrepreneuriat et à l'unification des marchés de capitaux - une étape essentielle.
M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. - Je vis la fermeture des frontières intérieures européennes comme un échec. Ce qui compte avant tout, c'est la protection des frontières extérieures. Le Sénat a réalisé un travail important sur Frontex. Utilisez-le.
Vous avez évoqué l'union des marchés des capitaux, c'est essentiel : l'épargne des Européens représente 30 000 milliards d'euros ! Voilà une piste intéressante avant d'envisager d'autres emprunts.
M. Claude Kern . - J'aborderai la situation internationale, point essentiel de la réunion du Conseil.
Les négociations en vue de l'adhésion de l'Ukraine et de la Moldavie ont débuté le 25 juin. La route de l'adhésion ukrainienne sera plus longue que prévu. Malgré la guerre avec la Russie, il est important de ne pas griller les étapes : toute procédure d'adhésion doit se faire sans précipitation et dans le respect des règles.
Les dirigeants de l'Union européenne ont pris acte en février 2023 des efforts considérables de l'Ukraine. Monsieur le ministre, des points litigieux sont-ils susceptibles de retarder le processus ?
Les échéances électorales américaines ne sont pas neutres. La réélection de Donald Trump serait inquiétante pour l'Ukraine - et pas seulement d'ailleurs : l'ancien président, dont la proximité avec Vladimir Poutine n'est plus à démontrer, estime pouvoir régler le conflit en quelques heures seulement...
En cas d'arrêt de la livraison d'armes par les États-Unis, l'Union européenne serait-elle capable de pallier ce manque ?
Au Proche-Orient, la situation est dramatique. Israël est attaqué de toutes parts et son souhait de se défendre est compréhensible.
La situation au Liban, pays historiquement lié à la France, est particulièrement inquiétante. Je salue l'aide de 30 millions d'euros débloquée par l'Union européenne en faveur de la population libanaise. Plus de 1 000 personnes ont été tuées et plus d'un million de personnes ont été déplacées.
Est-il utile de rappeler que le Hezbollah est une organisation terroriste aux ordres de l'Iran ?
Cela dit, il est impératif lors du Conseil d'appeler à une désescalade du conflit au Liban, dont la situation intérieure est déjà tendue.
Je regrette de ne pas avoir plus de temps pour parler de la COP29 : que celle-ci se déroule à Bakou est une hérésie ! Je fais partie des 76 parlementaires inscrits sur la liste des persona non grata établie par l'Azerbaïdjan.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué. - Vous pouvez être fier de cette interdiction de séjour, monsieur le sénateur ! Vous connaissez l'engagement de la France en faveur de la liberté de l'Arménie.
Vous soulignez à raison les incertitudes que fait peser l'élection américaine, sur le soutien à l'Ukraine et sur l'avenir de la relation transatlantique. Nous devons investir massivement dans notre outil de défense, dans la coopération industrielle européenne, pour avoir une base industrielle de défense autonome.
J'ai mentionné le prêt financé sur les avoirs gelés de la Russie. C'est une priorité pour la France que les 50 milliards d'euros soient fléchés sur l'achat de matériel militaire pour les Ukrainiens. Le renouvellement de la facilité européenne de paix doit également être débattu.
Nous partageons votre message sur le Moyen-Orient. Il y a deux jours nous commémorions l'attaque barbare du Hamas, le 7 octobre, contre la population civile israélienne, qui a tué 48 de nos compatriotes ; deux sont encore otages. Nous appelons à la libération inconditionnelle des otages, au cessez-le-feu, à la relance du dialogue régional.
Vous avez raison de souligner la responsabilité du Hezbollah et de l'Iran dans la déstabilisation régionale ; les conclusions du Conseil européen en feront état, assorties de paquets de sanctions et d'un appel à la protection des civils et à la désescalade.
Mme Silvana Silvani . - Le déchaînement de violence à l'encontre des populations civiles, au Proche-Orient, en Ukraine ou au Soudan, ne connaît aucune trêve.
Après des bombardements qui ont déplacé 1,2 million de Libanais et fait 2 000 victimes, après deux attentats meurtriers les 17 et 18 septembre, l'armée israélienne envahit désormais le Liban, et bombarde le point de passage vers la Syrie emprunté par les réfugiés.
Rappelons sans cesse le bilan de l'acharnement à Gaza : 40 000 morts, dont 16 756 enfants, d'innombrables disparus, un exode massif. Nourrissant les germes d'une guerre totale qui ferait taire toute dissidence, le gouvernement israélien - et non le peuple - bénéficie de l'hypocrisie complice des États-Unis et de la majorité des pays européens. D'une main, ils appellent timidement au cessez-le-feu ; de l'autre, ils fournissent des armes à Israël.
Israël a le droit de se défendre contre le terrorisme, assurément. Mais peut-on imaginer éradiquer le Hamas ou le Hezbollah par les bombes, alors qu'ils bénéficient d'un ancrage dans la population ? La guerre en Afghanistan et en Irak a coûté 21 000 milliards de dollars, pour un résultat navrant. Al-Qaïda en a profité pour recruter massivement en Irak, avant de laisser la place à Daech.
Ce n'est pas de guerre dont les peuples ont besoin mais de justice et surtout de paix : cela ne peut s'obtenir sous les bombes. Nous demandons justice pour le peuple palestinien, pour le peuple libanais, et aussi pour le peuple israélien. Pour cela, les instruments diplomatiques de l'Union européenne doivent frapper fort et juste contre le gouvernement de Netanyahou.
Quand mettrons-nous hors d'état de nuire la machine de guerre israélienne ? Combien de massacres encore avant que vous ne déclariez un embargo contre l'exportation des armes vers Israël, des sanctions financières ou le gel des avoirs des criminels de guerre ?
Reconnaître l'État palestinien, ce n'est pas affaiblir l'État d'Israël.
Les sanctions n'ont pas tardé contre la Russie, qui, elle aussi, mène une guerre d'agression contre son voisin. En Ukraine, la guerre s'enlise et le risque d'escalade augmente à mesure qu'aucune solution diplomatique n'émerge. La révision de la doctrine nucléaire de la Russie, le 25 septembre dernier, fait planer le risque d'un conflit nucléaire.
En laissant la guerre se propager de Gaza à Kiev et à Beyrouth, l'Europe préfère l'engrenage belliciste - qui légitime sa course à la remilitarisation - à l'action pour le développement économique, social et écologique. Il faut sortir de la logique de blocs pour construire la paix. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST)
M. Benjamin Haddad, ministre délégué. - La diplomatie française s'engage, au Conseil européen mais aussi à travers le récent déplacement du ministre Barrot au Liban et dans la région, et l'engagement personnel du Président de la République.
Notre position est ferme et équilibrée : condamnation sans faille du terrorisme et de l'attaque barbare du 7 octobre ; aide humanitaire - 12 000 tonnes livrées à la population civile libanaise la semaine dernière ; engagement en faveur du dialogue politique et de la relance d'un processus de paix régional pour aboutir à deux États.
Je rappelle le rôle du Hamas dans le déclenchement de cette guerre, et celui de l'Iran via son soutien à des proxys terroristes dans la région.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - On est d'accord !
M. Benjamin Haddad, ministre délégué. - Cela sera rappelé dans les conclusions du Conseil européen.
Merci d'avoir cité la situation au Soudan, qui a fait plus de 11 millions de réfugiés et provoqué une grave crise humanitaire. Près de 90 % des engagements pris lors de la conférence de Paris ont été décaissés. Nous nous mobilisons pour aider la population et trouver une solution politique.
Mme Silvana Silvani. - À aucun moment, je n'ai contesté le caractère terroriste du Hamas. J'ai souhaité souligner le rôle de l'armée israélienne dans les dégâts causés à la population civile. Or certaines de nos positions diplomatiques nous empêchent d'intervenir...
Mme Mathilde Ollivier . - Alors que l'ONU réclame un cessez-le-feu, que Gaza vit un cauchemar, le gouvernement israélien attaque le Liban. L'argument sécuritaire ne tient pas face à tant de victimes civiles : 41 000 morts et 100 000 blessés à Gaza, un million de déplacés et 2 000 morts au Liban. Cela fait un an, depuis les attaques terroristes du 7 octobre, que nous demandons la libération des otages - nous ne les oublions pas - et la fin de cette escalade de violences.
Le droit international doit être respecté, le massacre de civils doit cesser. Nous saluons la récente décision d'Emmanuel Macron de mettre fin aux livraisons d'armes à Israël. Mais il faut aussi agir à l'échelle européenne. La France, lors du prochain Conseil, plaidera-t-elle pour la suspension de l'accord entre l'Union européenne et Israël ?
Plusieurs États membres ont saisi la Commission européenne pour accélérer les négociations en vue de la signature de l'accord de libre-échange avec le Mercosur. La France, elle, bloque tout accord qui ne comporterait pas de clauses miroirs sur les normes environnementales et sociales. Michel Barnier s'est d'ailleurs déclaré opposé à un tel accord. Comptez-vous retarder la signature, voire abandonner l'accord ?
En 2020, Josep Borrell affirmait que le Sahara occidental était un territoire non autonome, dont le statut relevait du processus en cours à l'ONU. En 2022, l'ONU appelait le Maroc et le Front Polisario à trouver un compromis qui permette l'autodétermination du peuple sahraoui. Pourtant, le 30 janvier 2024, Emmanuel Macron a estimé que le plan du Maroc était la seule base de règlement du conflit, en contradiction avec les résolutions de l'ONU ! La France ne semble pas prendre en considération le droit international et le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Comment sa position évoluera-t-elle ?
Greta Thunberg et des dizaines d'activistes ont été arrêtés samedi à Bruxelles alors qu'ils manifestaient pour la fin des subventions accordées par l'Union aux énergies fossiles - qui, selon le FMI, représentent 50 milliards d'euros par an. Une résolution votée lors de la COP28 et soutenue par le Parlement européen appelle à ne plus utiliser les deniers publics au profit d'un secteur climaticide d'ici à 2025. Où en sommes-nous ? Quelle position défendez-vous en la matière ? (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Benjamin Haddad, ministre délégué. - Sur le Proche-Orient, je vous renvoie à mes réponses précédentes, mais je suis ouvert pour échanger. Je viendrai rendre compte des conclusions du Conseil européen.
Sur le Mercosur, la position de la France est ferme. Nous soutenons les accords de libre-échange lorsqu'ils respectent les clauses miroirs et environnementales, par exemple avec la Nouvelle-Zélande. Mais le Mercosur n'est pas un accord satisfaisant : nous nous y opposons. J'ai évoqué ce sujet à Strasbourg hier, lors de la plénière. Nous réaffirmons cette position avec nos partenaires. Il s'agit de protéger nos intérêts, mais aussi de faire respecter la souveraineté de l'Union européenne.
Sur le Sahara occidental, le Gouvernement réaffirme son attachement indéfectible au partenariat avec le Maroc. La relation entre l'Union européenne et le Maroc revêt un caractère stratégique. Nous appelons donc nos partenaires à renforcer nos échanges, notamment économiques, avec ce pays. Le Président de la République a écrit au roi du Maroc que la France accompagne ses efforts pour développer le Sahara occidental, au bénéfice des populations locales.
En matière de décarbonation, nous soutenons les objectifs ambitieux du Pacte vert pour un continent neutre en carbone d'ici à 2050, ce qui suppose d'investir dans le renouvelable, la décarbonation et le nucléaire.
Mme Mathilde Ollivier. - Je vous ai interrogé sur le droit à l'autodétermination du Sahara occidental, vous me répondez partenariat stratégique avec le Maroc...
J'ai également posé la question de la suspension de l'accord entre l'Union européenne et Israël. Je ne vous ai pas entendu sur ce point.
M. Didier Marie . - À mon tour de vous présenter mes voeux de réussite dans vos nouvelles fonctions, dans l'intérêt de la France et de la construction européenne.
Ce débat est bienvenu, car nous sommes inquiets. Nous découvrons un exécutif européen qui ne respecte pas les équilibres politiques ayant permis de bâtir des compromis par le passé. Nous constatons que la France perd sa capacité à peser dans le jeu européen.
Alors que l'Europe est face à une question existentielle, une chappe conservatrice s'abat sur elle et menace ses valeurs et objectifs. Nous défendons le modèle de la démocratie européenne fondé sur l'État de droit, le respect des droits humains et la solidarité. Pourtant, deux commissaires issus de partis antieuropéens d'extrême droite ont été nommés, l'un au rang de vice-président exécutif ! Nous assistons à l'alliance de l'aile droite du PPE et des groupes d'extrême droite patriotes et souverainistes, illustrée par la résolution commune sur le Venezuela. Le Gouvernement n'a pas réagi à ces ronds de jambe faits à l'extrême droite.
Nous avons également assisté avec stupeur au changement express du commissaire européen français...
M. André Reichardt. - Tout à fait !
M. Didier Marie. - ... signe de notre soumission à un diktat de la présidente de la Commission, qui ne tolérait plus le poids politique et la liberté de parole de Thierry Breton. Cela devait garantir à la France une vice-présidence exécutive et un périmètre élargi, mais le portefeuille de M. Séjourné est finalement plus restreint que celui de M. Breton, et il sera encadré par trois commissaires issus du PPE. Mme von der Leyen a bien compris l'adage « diviser pour mieux régner » !
Cette mise au pas de la Commission inquiète, d'autant que l'Allemagne place de nombreux chefs de cabinet dans les instances européennes, d'où les Français ont disparu. L'absence de commissaire à l'emploi et aux droits sociaux est un mauvais signal. Faute d'avoir su ou pu peser sur la constitution de la Commission von der Leyen 2, nous risquons d'être relégués au second plan.
Nous ne transigerons pas sur nos priorités. Nous serons vigilants à l'évolution du Pacte vert - la nomination de Teresa Riviera est une bonne nouvelle, mais son portefeuille est saucissonné. Les reculs se multiplient. « Si l'on ouvre la boîte de Pandore, ce sera demain l'abandon de la taxe carbone aux frontières ; toutes les pièces du Green Deal tomberont l'une après l'autre », redoute Pascal Canfin.
Confier l'agriculture à un commissaire luxembourgeois n'est guère rassurant, alors que la prochaine PAC sera déterminante.
Nous attendons que vous clarifiiez votre position sur l'accord avec le Mercosur. Certains voudraient qu'il soit scindé en deux pour faciliter son adoption. La France aurait donné des gages à ses partenaires européens, le report du règlement sur la déforestation serait un signal envoyé au Brésil. Alors que la crise agricole couve toujours, la signature de cet accord en catimini serait un déni de démocratie.
Autre sujet : la gestion des migrations. Les propos du ministre de l'intérieur sur Schengen et sur la politique européenne d'asile nous ont choqués.
À peine adoptée, la récente réforme du pacte Schengen est déjà victime de la surenchère politique, au mépris des droits humains. Nous constatons une fuite en avant dans l'externalisation du traitement des demandes d'asile. Pour notre part, nous plaidons pour une profonde révision de la politique migratoire européenne : création de voies légales et sécurisées de migration, organisation de réadmissions via des accords bilatéraux, développement de l'Agence européenne pour l'asile, entre autres. Sur ce sujet, la France doit défendre une politique humaniste et solidaire, conforme à son histoire.
Nous ne doutons pas de vos compétences ni de celles du Premier ministre, mais nous n'oublions pas les propos de Michel Barnier remettant en cause la primauté du droit européen sur le droit national en matière migratoire : nous n'y souscrivons pas.
Quel soutien à l'Ukraine pour non seulement résister mais gagner ?
Quel cadre financier pluriannuel pour répondre au défi de la compétition mondiale et au changement de paradigme climatique ? Avec quelles ressources, quelle capacité d'emprunt mutualisé ?
Comment répondre aux attentes légitimes de la Moldavie, de l'Ukraine, de la Géorgie, des Balkans occidentaux de rejoindre l'Union ?
Comment défendre l'État de droit, aujourd'hui remis en cause par des gouvernements illibéraux ?
Nous vous demandons de défendre et poursuivre le projet européen. Nous sommes inquiets, mais restons combatifs et vigilants. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Henri Cabanel applaudit également.)
M. Benjamin Haddad, ministre délégué. - Je vous remercie de ce discours exigeant et proeuropéen.
Au-delà du seul portefeuille de notre commissaire, les priorités de la France se reflètent dans celles de cette Commission : défense, nucléaire, souveraineté industrielle et technologique, droits sociaux. L'influence se construit, patiemment, avec humilité, notamment au travers du dialogue permanent avec les parlementaires, avec le Conseil et la Commission. J'y veillerai dans mon action, avec tous les ministres. Nous sommes là pour défendre une Europe forte, qui assume de défendre sa sécurité, ses intérêts et sa place sur la scène internationale.
Nous sommes très attachés à l'État de droit. L'Union européenne est une union de valeurs. L'extension du domaine de la conditionnalité des fonds de cohésion à l'État de droit a connu des succès, on l'a vu avec la clôture des procédures concernant la Pologne.
La France soutient la perspective d'élargissement à l'Ukraine, à la Géorgie, à la Moldavie et aux pays des Balkans occidentaux, et s'engage à accompagner les pays candidats, sur la base du mérite. Ce sera un processus exigeant, garant de notre sécurité et de la stabilité géopolitique de notre continent.
M. Didier Marie. - Je salue votre optimisme. Les résultats des élections au Parlement européen - et encore récemment en Autriche - attestent d'une forte poussée de l'extrême droite, ce qui modifiera les rapports de force. Il faudra constituer des majorités d'intérêt ; à cet égard, je suis inquiet des relations entre la France et l'Allemagne. La priorité doit être de restaurer la confiance.
M. Louis Vogel . - Au nom du groupe INDEP, toutes nos félicitations, monsieur le ministre. J'espère que cet hémicycle saura toucher votre coeur. (Sourires)
Le prochain Conseil européen devra affronter deux défis : diplomatique, avec l'Ukraine et le Proche-Orient, et structurel, car il faut investir massivement pour préparer l'avenir.
Le contexte est lourd, entre l'élection d'un nouveau président américain et les auditions à venir des commissaires européens.
L'Union européenne doit se donner les moyens pour éviter que la situation au Proche-Orient ne dégénère en conflit généralisé. Les États-Unis ont dépêché un premier porte-avions, puis un second, sur les onze que compte leur flotte. Les 27, eux, ne peuvent compter que sur le Charles-de-Gaulle. En d'autres temps, Staline demandait à Churchill et à Roosevelt : « Le pape, combien de divisions ? » Si l'on veut peser, il faut avoir les moyens de faire entendre sa voix, fortement. Il faut un acte II de la politique européenne de sécurité et de défense. Le rôle du futur commissaire lituanien à la défense et à l'espace sera déterminant.
Nous nous trouvons à la croisée des chemins. Pour protéger nos frontières à l'est, l'Union doit devenir une vraie puissance militaire. « Si tu veux la paix, prépare la guerre. » Pouvez-vous préciser les objectifs capitaux de la boussole stratégique ? Quel chemin reste-t-il à parcourir ?
L'extension de la procédure de la majorité qualifiée est un moyen pour accélérer les réformes.
Il est fondamental de renforcer notre productivité, pour échapper au déclin annoncé par Mario Draghi dans son rapport. L'écart de PIB entre l'Union européenne et les États-Unis a doublé en notre défaveur au cours des vingt dernières années. L'effort d'investissement de 800 milliards d'euros préconisé par le rapport Draghi est-il réaliste ?
Il est nécessaire de refonder certaines règles du traité. Nous nous félicitons de la nomination de Stéphane Séjourné, qui est doté de l'un des portefeuilles les plus stratégiques, dont il faudra tout de même préciser la portée. Il est grand temps de réformer le droit européen de la concurrence. Sera-ce de son ressort ?
Pour être réellement au service de nos concitoyens, l'Europe doit se doter de ressources propres. Sans argent, on ne fera rien ! Peut-on espérer des ressources propres ? Ou au moins supprimer les rabais accordés à certains États membres ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué. - Les Soviétiques ont peut-être eu tort de sous-estimer les divisions spirituelles du pape, qui ont aussi contribué à la chute de l'URSS. (Sourires)
En matière de politique étrangère et de sécurité, l'Union européenne ne peut se contenter de déclarations. Quel que soit le résultat de l'élection américaine, celle-ci marquera un éloignement vis-à-vis des priorités de l'Union européenne, qui doit résolument investir dans son autonomie stratégique. Nous plaidons pour le soutien à notre base industrielle de défense européenne, avec la préférence européenne, mais devons être plus ambitieux, plus créatifs pour trouver des ressources. Kaja Kallas propose ainsi un grand emprunt européen pour soutenir nos capacités de défense mais aussi nos amis ukrainiens.
Les 800 milliards d'euros proposés par Mario Draghi correspondent au grand emprunt du covid, qui était une crise existentielle. Si nous ne voulons pas être tenus à l'écart des grands enjeux de demain, nous devons libérer l'épargne publique et privée et investir dans les industries d'avenir. C'est le message que nous porterons au Conseil.
M. Louis Vogel. - Le ministre n'a pas parlé de la réforme du droit de la concurrence.
M. Cyril Pellevat . - Nous commémorions avant-hier la tragique attaque terroriste du 7 octobre, qui a coûté la vie à 1 200 Israéliens et fait 250 otages - dont une centaine serait encore détenus.
J'adresse tout mon soutien aux victimes, ainsi qu'au peuple israélien et aux Français de confession juive, blessés dans leur chair. Israël était fondé à faire usage de la légitime défense, en limitant autant que possible les répercussions sur les civils. Or un an plus tard, force est de constater que la proportionnalité n'est pas de mise. Deux millions de Gazaouis ont été déplacés, 42 000 sont morts, les bombardements ont dévasté les infrastructures de santé. J'adresse mes pensées aux victimes civiles palestiniennes ainsi qu'à ceux qui les aident.
Les bombardements israéliens au Liban, en réaction aux attaques de l'Iran et du Hezbollah libanais, ont fait 2 000 morts et un million de déplacés. La situation humanitaire est extrêmement dégradée et la région fait face à un risque d'embrasement qui menace les États voisins - le tourisme est à l'arrêt en Jordanie, alors que ce secteur représente 60 % de son PIB. L'urgence est de stopper l'escalade avant qu'une guerre totale, impliquant l'Iran, ne devienne inexorable.
L'Union européenne doit fournir une aide humanitaire et être un moteur dans les négociations pour obtenir la paix.
La France versera une aide de 10 millions d'euros au Liban, celle de l'Union européenne s'élèvera à 30 millions d'euros. Mme von der Leyen a indiqué être prête à mobiliser tous les outils disponibles, y compris le mécanisme de protection civile RescUE. La France soutiendra-t-elle l'activation de ce mécanisme ? Le Liban en a désespérément besoin.
Les États-Unis auraient suggéré à Bruxelles de réactiver sa mission d'assistance au poste-frontière de Rafah, afin de surveiller le passage de l'aide humanitaire en provenance d'Égypte. Cette éventualité sera-t-elle abordée par le Conseil européen ?
Il va sans dire que la situation humanitaire à Gaza et au Liban n'est pas soutenable. Il faut un cessez-le-feu immédiat et la reprise du processus de paix. Une pression diplomatique accrue et coordonnée de l'Union européenne est cruciale dans cette perspective. La situation peut-elle se débloquer à l'occasion du prochain Conseil ?
La suspension de l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël est-elle envisageable ?
L'Union européenne a initié une nouvelle coalition avec les pays du Golfe pour relancer le processus de paix sur la base d'une solution à deux États. Mais Israël n'a pas répondu favorablement à l'invitation qui lui a été lancée pour le 26 septembre. Je suis circonspect sur les capacités de l'Union européenne à peser, alors même qu'elle n'arrive pas à se mettre d'accord sur une déclaration commune pour un cessez-le-feu au Liban... Quelles ont été les conclusions de la réunion d'il y a quelques jours et quelles suites le Conseil compte-t-il y donner ? Des négociations sont-elles en cours avec les États-Unis ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué. - Je n'ai pas d'éléments précis à vous apporter sur la réunion dont vous parlez, mais je m'engage à vous répondre ultérieurement.
Nous nous engageons à mobiliser nos partenaires pour le soutien aux populations civiles et la reprise du dialogue politique. La coordination et l'unité des Européens sont essentielles. C'est le cas aussi pour aider les ressortissants européens qui le souhaitent à quitter la région. Jean-Noël Barrot a livré douze tonnes d'aide humanitaire lors de son récent déplacement au Proche-Orient et la France poursuivra son effort particulier dans ce domaine. Par ailleurs, elle accueillera le 24 octobre une conférence des donateurs pour le Liban.
Mme Nadège Havet . - Le Parlement européen vient de publier une vaste enquête d'opinion dont il ressort que les Français sont plus pessimistes que leurs voisins et que la perception négative du Parlement européen l'emporte chez eux. Voilà qui interroge.
Depuis quatre mois, les équilibres ont évolué au sein de la délégation française, avec une poussée de l'extrême droite. Cette tendance s'observe ailleurs en Europe : dernièrement, le FPÖ s'est assuré la première place en Autriche et l'AfD a beaucoup progressé en Thuringe. Le phénomène nous inquiète, car nous sommes opposés à leurs idées sur la construction européenne, les valeurs, l'économie, la géopolitique ou l'environnement. Songez que l'AfD rejette toute responsabilité climatique de l'Allemagne...
La dynamique européenne ne doit pas être entravée. Il faut au contraire consolider et amplifier les nombreuses avancées de ces dernières années : taxe carbone aux frontières, taxonomie réformée, pacte vert, plan de relance.
Le prochain Conseil se penchera sur le renforcement de la compétitivité européenne, à la suite des rapports Letta et Draghi. Le second prône des réformes sans précédent et un investissement massif afin d'enrayer le déclin de l'Europe face à la concurrence de la Chine et des États-Unis. Il faudrait, selon lui, investir 800 milliards d'euros par an. Il recommande de recourir à l'emprunt, mais aussi de passer des commandes communes dans le domaine de la défense, avec une règle de préférence européenne. Enrico Letta, quant à lui, appelle à accélérer l'intégration européenne dans les télécoms, l'énergie ou la défense. Il prône notamment la création d'un produit d'épargne de long terme.
Le Conseil européen tiendra également un débat approfondi sur les migrations, en particulier le renforcement du contrôle des frontières extérieures et l'accélération des retours. Monsieur le ministre, vous avez dit qu'il n'y a pas de réponse au défi migratoire dans le repli national. C'est ce dont témoigne la désillusion britannique : trois ans après le Brexit, 53 % des Britanniques pensent que la situation s'est détériorée. Face aux initiatives individuelles de certains membres, quel calendrier de mise en oeuvre pour le Pacte sur la migration et l'asile ?
Nous avions évoqué avant l'été les nouvelles sanctions envers la Russie. Des mesures urgentes sont nécessaires pour accroître la sécurité énergétique de l'Ukraine.
Alors que la situation au Proche-Orient est dramatique, le Conseil doit réaffirmer son soutien à une formule de paix fondée sur la Charte des Nations unies. L'Union européenne a toujours condamné les attentats terroristes du Hamas. Un an après le 7 octobre, qui a fait plus de 1 200 morts, mon groupe s'associe à la douleur des familles et aux appels à la libération de nos deux otages. Ce pogrom a été suivi d'une vaste campagne de bombardements de la bande de Gaza, faisant plus de 40 000 morts. Le conflit s'étend en Cisjordanie et au Liban. Quels moyens déployer face à une situation catastrophique ?
Nous avons éminemment besoin de l'Europe et éminemment besoin de l'expliquer pour qu'elle soit mieux comprise.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué. - Sur nombre des sujets que vous avez évoqués, la solution réside dans la coopération et la solidarité européennes.
La France soutiendra la mise en oeuvre accélérée du Pacte sur la migration et l'asile dans sa globalité et son équilibre.
L'Union européenne a pris des engagements forts en matière de décarbonation. La taxe carbone aux frontières évite que nous nous fassions imposer un moins-disant environnemental.
Je partage vos recommandations sur la mise en oeuvre du rapport Draghi. Nous devons investir massivement et lever les barrières réglementaires à l'innovation. Il faut aussi réfléchir aux règles concurrentielles, pour que nous puissions faire émerger des champions européens.
M. Ahmed Laouedj . - (M. Henri Cabanel applaudit.) Nous sommes à l'aube d'un nouveau chapitre, décisif pour l'avenir de l'Union européenne. Notre avenir sera-t-il prospère ou nous laisserons-nous entraîner par les courants populistes ? Les dernières élections ont montré que le projet européen est fragile.
Rappelons-nous que c'est un idéal de paix et de prospérité qui nous guide. Malgré les obstacles, nous avons accompli de grandes choses : nous avons créé un espace de liberté, de sécurité et de justice et un marché unique source de richesses pour nos concitoyens. Nos concitoyens ont exprimé des inquiétudes et des attentes fortes. L'Europe est un levier d'action essentiel. Nous devons être à la hauteur des enjeux actuels.
Au Conseil, les États membres présenteront leur plan pour la mise en oeuvre du Pacte sur la migration et l'asile. La crise migratoire ne cesse de s'amplifier, suscitant des crises. Certains pays, dont l'Allemagne, ferment leurs frontières. Le principe de libre circulation des personnes est pourtant un élément fondateur de la construction européenne. La décision allemande risque d'ouvrir une dangereuse boîte de Pandore.
La situation humanitaire à Gaza et au Liban est très grave. Au Liban, le bilan humain de la guerre de 2006 a été dépassé en moins d'une semaine ! Les frappes se sont intensifiées ces dernières heures, semant la peur et la désolation. Sans but de guerre explicite, l'incursion dans le sud du pays pourrait se transformer en colonisation. Cette intervention ne sert que les intérêts du Premier ministre israélien. Pour Emmanuel Macron, la priorité est le retour à une solution politique, ce qui pourrait inclure un embargo sur les livraisons d'armes à Israël. L'Union européenne doit s'aligner sur cette position.
Rappelons notre attachement à l'intégrité du territoire ukrainien. Notre soutien est crucial pour les Ukrainiens. Nous devons notamment les aider à renforcer leurs infrastructures énergétiques.
Enfin, le RDSE propose d'améliorer la taxe carbone aux frontières, d'actionner le levier sur le surplus des résultats d'exploitation et de mettre en oeuvre un impôt commun sur les entreprises transnationales pour financer les investissements massifs dont notre continent a besoin.
Monsieur le ministre, bon vent dans vos nouvelles missions ! (MM. Henri Cabanel et Marc Laménie applaudissent.)
M. Benjamin Haddad, ministre délégué. - Nous partageons votre constat sur la fragilité économique et géopolitique de l'Union européenne.
Un rétablissement temporaire et proportionné du contrôle aux frontières est prévu par Schengen - nous y avons eu recours en 2015. Mais une telle situation ne peut durablement nous satisfaire. Elle doit nous pousser à prendre des mesures collectives : renforcement de Frontex, mécanisme de solidarité entre pays européens. Il faut une réponse européenne à ce défi qui touche l'ensemble des États.
Oui, il faut soutenir les infrastructures énergétiques de l'Ukraine à l'approche d'un hiver difficile et alors que la Russie multiplie les frappes cyniques contre les équipements civils. La France continuera de soutenir aussi la défense antimissile des Ukrainiens.
M. François Bonneau . - Le mois dernier, Mario Draghi a dévoilé son rapport tant attendu sur l'avenir de la compétitivité européenne. Il identifie trois grands chantiers pour relancer la croissance : innover, décarboner et réduire les dépendances.
On apprend notamment dans ce rapport que, entre juin 2022 et juin 2023, 78 % des dépenses d'approvisionnement en matériels de défense ont bénéficié à des pays étrangers, et d'abord aux États-Unis. Le rapport formule 170 propositions pour une nouvelle stratégie industrielle. Il s'agit de libérer le potentiel d'innovation dans l'Union européenne et d'investir davantage en mutualisant les ressources. M. Draghi estime que la mise en oeuvre de ses propositions nécessiterait entre 750 et 800 milliards d'euros d'investissements par an d'ici à 2030, soit 4,5 % du PIB européen.
L'une de ses propositions dans le domaine de la souveraineté stratégique est la mise en place d'une véritable politique économique étrangère, afin de réduire nos dépendances. Il recommande en particulier de créer une plateforme d'agrégation des demandes en matières premières critiques.
Selon Ursula von der Leyen, beaucoup d'éléments de son rapport seront intégrés aux lettres de mission des nouveaux commissaires européens. J'en profite pour revenir sur l'affaire Breton. La présidente de la Commission européenne a posé un ultimatum à la France, ce qui a conduit à la nomination d'un commissaire aux compétences plus larges mais plus docile. Après un tel désaveu, quel peut être le poids de la France dans l'Union européenne ?
Enfin, quel sera le sort du projet de loi de transposition relatif aux activités d'importance vitale et à la protection des infrastructures critiques, notamment dans le domaine de la cybersécurité ? Sera-t-il réinscrit à l'ordre du jour de nos travaux ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué. - Je partage nombre de vos constats. Le taux d'acquisition de matériels militaires non européens soulève la question de notre dépendance. D'où l'importance d'instituer une préférence européenne.
S'agissant du projet de loi dont vous avez parlé, notre souhait est de le réinscrire rapidement à votre ordre du jour.
M. André Reichardt . - Le mois dernier, l'Allemagne a réintroduit les contrôles à ses frontières. L'Alsacien que je suis ne peut que regretter une telle décision prise, une nouvelle fois, sans concertation ni information. Récemment, les Pays-Bas et la Hongrie ont également demandé à bénéficier des clauses dérogatoires en la matière.
Le pacte adopté avant l'été a eu au moins le mérite d'amorcer un changement de paradigme et une approche plus en phase avec les attentes des Européens. Mais les nouvelles règles sont encore loin d'offrir la marge nécessaire à une bonne maîtrise des flux migratoires. Au surplus, elles n'entreront en vigueur qu'en 2026 - une éternité au vu de l'impatience exprimée par nos concitoyens aux dernières élections européennes.
Il semble qu'il faille déjà remettre l'ouvrage sur le métier, mais sur quelles bases ? Ces hésitations sont illustrées par la lettre de mission du nouveau commissaire aux affaires intérieures. Je pense aux évolutions à apporter à la notion de pays tiers, à l'externalisation partielle des demandes d'asile ou à l'indispensable révision de la directive retour. Quelles seront les positions de la France sur ces sujets ?
Enfin, j'attire votre attention sur le rappel au règlement d'hier relatif à la décision de la Commission européenne d'intégrer au programme Erasmus plusieurs établissements étonnants, comme la faculté des sciences islamiques de Skopje et l'université de Gaziantep, qui a rendu un vibrant hommage à Ismaël Haniyeh... Il me semble qu'Erasmus a vocation à former la jeunesse aux valeurs européennes et que l'islamisme radical n'en fait pas partie. Pourriez-vous regarder cette affaire de près ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué. - Nous ne laisserons rien passer en la matière : aucune forme d'incitation à la haine ou à la radicalisation ne sera soutenue par des financements européens.
J'ai proposé plusieurs pistes, telles que la mise en oeuvre accélérée du Pacte sur la migration et l'asile et des partenariats plus robustes avec les pays de transit et de départ.
Mme Marta de Cidrac . - Nous sortons d'une séquence politique inédite : les élections européennes ont provoqué de profonds bouleversements en France ; mais les institutions européennes ne nous ont pas attendus pour fonctionner.
De 2010 à 2023, le taux de croissance cumulé du PIB atteint 34 % aux Etats-Unis, mais seulement 21 % dans l'Union européenne. Sur cette même période, la productivité du travail a progressé de 22 % aux États-Unis, contre 5 % dans la zone euro.
La mère de toutes les batailles est le financement de la recherche. Le rapport Draghi montre que les entreprises européennes investissent moins que les entreprises américaines - 270 milliards d'euros de moins l'année dernière. Ainsi, nos industries automobiles sont en retard par rapport aux chinoises, qui avancent sur les technologies électriques. En Chine, l'automobile demeure le fer de lance de la recherche et de l'innovation, pour répondre aux impératifs environnementaux.
Les entreprises européennes dépendent de l'emprunt bancaire pour se financer. L'augmentation des taux d'intérêt affecte leurs capacités d'emprunt. L'économie américaine est massivement financée par l'État fédéral. Le vieillissement de la population européenne et l'abaissement du niveau d'éducation, facteurs structurels, jouent également, notamment face aux Brics qui montent en puissance.
Nous devons améliorer le financement de l'économie et relancer la recherche, la démographie et l'éducation. Je compte sur la diplomatie française pour défendre ces priorités.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué. - Vous pouvez compter sur la diplomatie française pour les promouvoir.
La France soutient les conclusions de l'enquête de la Commission européenne sur les subventions chinoises à l'industrie électrique. Nous ne pouvons pas le dernier continent au monde à être naïf. Les États-Unis investissent dans l'innovation et imposent des taxes douanières de 100 % sur les véhicules électriques chinois, qui bénéficient de subventions. Nous demanderons à la Commission européenne de mettre en place des mesures de compensation. Nous devons soutenir notre recherche et nous protéger contre les pratiques abusives.
M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes . - Merci de vous être prêté à cet exercice que je sais physique, monsieur le ministre, dans un format encore un peu nouveau pour nous.
Ma conclusion sera une forme d'introduction aux réflexions que nous aurons à mener à moyen terme.
Draghi or not Draghi ? Kallas or not Kallas ? Les débats auront lieu lors de la préparation du cadre de financement pluriannuel. Des dérapages budgétaires européens ne seraient pas acceptables. Les ambitions de Mario Draghi sont fortes, mais à hauteur de 850 milliards d'euros par an, c'est insoutenable. Il faudra mobiliser l'épargne européenne - 30 000 milliards d'euros.
Une proposition m'inquiète dans le rapport Draghi : le report du début du remboursement de l'emprunt européen. Puissions-nous ne pas être contraints d'expliquer à nos concitoyens l'état des finances de l'Union européenne comme nous devons le faire aujourd'hui pour celles de la France.
Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 10 octobre 2024, à 10 h 30.
La séance est levée à minuit vingt-cinq.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du jeudi 10 octobre 2024
Séance publique
À 10 h 30 et 14 h 30
Présidence : M. Loïc Hervé, vice-président du Sénat, Mme Sylvie Robert, vice-présidente du Sénat
Secrétaires : Mme Catherine Di Folco, Mme Véronique Guillotin
1. Proposition de loi visant à mettre en place une imposition des sociétés plus juste et plus écologique, présentée par M. Rémi Féraud et plusieurs de ses collègues (n°862, 2022-2023)
2. Proposition de loi visant à assurer la mixité sociale et scolaire dans les établissements d'enseignement publics et privés sous contrat du premier et du second degrés et à garantir davantage de transparence dans les procédures d'affectation et de financement des établissements privés sous contrat, présentée par Mme Colombe Brossel et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°678, 2023-2024)