SÉANCE

du mercredi 9 octobre 2024

4e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Alain Marc, vice-président

Secrétaires : Mme Alexandra Borchio Fontimp, Mme Catherine Conconne.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Le Président du Sénat, M. Gérard Larcher, ne peut présider notre séance, car il se rend en Côte d'Ivoire, à l'invitation de la Présidente du Sénat ivoirien, Mme Kandia Camara, dont il est l'invité d'honneur à l'occasion de l'ouverture de la session parlementaire du Sénat ivoirien et du colloque des Sénats africains qui doit aboutir à la création d'une association des Sénats d'Afrique.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.

Économies demandées aux collectivités territoriales (I)

Mme Cécile Cukierman .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER) Monsieur le Premier ministre, vous vous êtes longuement exprimé devant l'Assemblée nationale et le Sénat pour votre déclaration de politique générale. Mais à aucun moment vous n'avez présenté votre projet austéritaire, pourtant déjà prévu.

Un effort supplémentaire de 5 milliards d'euros va être demandé aux collectivités territoriales, alors que nous connaissons tous les terribles difficultés auxquelles elles doivent actuellement faire face. Cette ponction accrédite l'idée inacceptable répandue par MM. Le Maire et Cazenave que les collectivités seraient responsables de l'endettement. C'est honteux, alors qu'elles assument elles-mêmes leur dette !

Votre plan de casse du service public local va mettre à mal l'investissement local, qui représente pourtant plus de deux tiers de l'investissement public et alors que les collectivités sont bien souvent le dernier rempart contre les coups de boutoir du libéralisme, un bouclier contre la paupérisation.

Monsieur le Premier ministre, confirmez-vous votre choix, contre les collectivités et leur population, contre votre pays et ses territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur quelques travées du groupe SER et du GEST)

M. Michel Barnier, Premier ministre .  - Mesdames et messieurs les députés... (on s'en amuse sur toutes les travées), sénateurs, pardon. Je viens de l'Assemblée nationale, je suis encore dans une ambiance différente...

M. Mickaël Vallet.  - Deux salles, deux ambiances ! (Sourires)

M. Michel Barnier, Premier ministre.  - Vous ne pouvez pas dire que nous faisons des choix contre la France : ce n'est pas vrai ! J'ai l'honneur d'être le Premier ministre de notre pays, confronté à une situation que nous devons traiter, en responsabilité, devant les Français.

Votre question est légitime ici, compte tenu du rôle du Sénat.

Les dépenses des collectivités territoriales ont beaucoup augmenté ces dernières années, et nous savons pourquoi. Cet argent a été bien utilisé et nombre de ces dépenses sont subies ou contraintes, en raison de l'inflation ou de décisions de l'État.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Eh oui !

M. Michel Barnier, Premier ministre.  - Je sais tout cela. Mais ces dépenses sont là et elles contribuent aussi au déficit de la France, dont nous sommes comptables, et qui crée du doute tout autour de nous : en Europe, comme chez nous.

Nous avons donc la responsabilité, que j'assume, de réduire le déficit à 5 % du PIB l'année prochaine, et d'essayer d'atteindre 3 % en 2029.

Mais cet effort doit être partagé de la façon la plus juste possible.

Président d'une assemblée départementale pendant dix-sept ans, je ne mettrai jamais les collectivités territoriales en accusation. Jamais ! Elles gèrent des projets, au plus près des gens.

Au travers du projet de loi de finances que nous présenterons demain, nous protégeons les collectivités territoriales les plus fragiles ; nous reverserons des sommes retenues ou prélevées ; nous préserverons les dépenses d'investissement.

Nous leur demanderons néanmoins un effort, dans un esprit de partenariat. C'est le travail de Catherine Vautrin et de Françoise Gatel. Nous proposerons un pacte pour identifier les besoins et nous mettre d'accord sur les chiffres.

Nous souhaitons éviter que des dépenses nouvelles soient imposées aux collectivités territoriales, alléger les contraintes qui pèsent sur elles, réduire des dépenses qui n'ont pas de sens, donner plus de liberté locale, car cela coûte souvent moins cher et peut rapporter beaucoup.

Je souhaite évoquer le sujet de l'eau et de l'assainissement. (« Ah ! » à droite et au centre)

Je remercie Jean-Michel Arnaud pour son engagement, mais aussi Alain Marc, Jean-Yves Roux et Mathieu Darnaud...

M. Jean-François Husson.  - Merveilleux !

M. Michel Barnier, Premier ministre.  - Depuis la loi NOTRe, dix ans se sont écoulés, mais une difficulté subsiste, presque une blessure, dans la confiance entre le Gouvernement et le Sénat.

Nous souhaitons clarifier les choses. Nous ne reviendrons pas sur les transferts déjà réalisés, mais il n'y aura plus de transfert obligatoire en 2026. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que sur quelques travées des groupes RDSE, RDPI, SER et CRCE-K) Cela vaudra pour les communes n'ayant pas encore opéré le transfert.

Nous souhaitons donner plus de liberté aux collectivités territoriales et leur faire davantage confiance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Cécile Cukierman.  - Il ne suffira pas de revenir sur les difficultés issues de la loi NOTRe, que j'avais moi-même contestée, mais je vous en sais gré.

Vous avez raison, tout le monde doit prendre ses responsabilités. Dans un pays où il n'y a jamais eu autant de riches ni autant de pauvres, les riches doivent contribuer à l'effort pour sortir notre pays de la logique austéritaire que vous nous proposez ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Céline Brulin.  - Exactement !

Liban (I)

Mme Olivia Richard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Permettez-moi d'associer Olivier Cadic à ma question.

Ce lundi 7 octobre, nous avons commémoré les attentats terroristes qui ont endeuillé Israël.

Aujourd'hui, alors que la France connaît une augmentation alarmante des actes antisémites, nous affirmons notre solidarité avec Israël dans son aspiration à la sécurité et au retour des otages et nous redisons notre solidarité avec les populations civiles qui souffrent et meurent tous les jours à Gaza et au Liban.

Le Hezbollah a entraîné le Liban dans un conflit dont les Libanais ne veulent pas ; le Liban n'est pas le Hezbollah. Dans ce pays frère de la France, la situation se dégrade de jour en jour : plus de 2 000 morts, des milliers de blessés, un million de personnes qui fuient. Ce pays était pourtant déjà à genoux !

La solidarité s'organise localement, mais cela ne suffira pas. La population ne pourra pas répondre seule aux besoins humanitaires immenses.

Dans ce contexte alarmant, que peut la France, la « tendre mère » ? Quid de nos 700 soldats engagés au sein de la Finul ? Quel accompagnement pour nos 24 000 compatriotes au Liban, qu'il faudra sans doute évacuer bientôt ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains et du RDPI)

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Le Liban, pays frère de la France, est aujourd'hui au bord du gouffre. Avant l'intervention israélienne, sa situation était dramatique ; elle est aujourd'hui catastrophique : des milliers de morts, des centaines de milliers de déplacés. Si rien n'est fait, le Liban pourrait ressembler à la Syrie : un foyer d'instabilité où prospèrent le terrorisme et les gangs et d'où partent des centaines de milliers de civils pour trouver asile en Europe.

Le Gouvernement agit pour assurer la sécurité de nos ressortissants, de nos agents et de nos militaires.

Il agit pour amener les deux parties à un cessez-le-feu dans ce conflit déclenché par le Hezbollah. Nous avons déposé une proposition de cessez-le-feu il y a dix jours.

Il agit en apportant au Liban toute l'aide dont il a besoin. Je vous l'annonce : la France accueillera le 24 octobre une conférence internationale pour le soutien au Liban.

Enfin, il agit en encourageant les responsables politiques libanais à se doter d'un président.

Vous le voyez, le Gouvernement est pleinement engagé au service du Liban et de la paix. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC)

Soutien du Gouvernement à la filière biologique

M. Daniel Salmon .  - (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER) Parlons dette écologique. L'agriculture biologique connaît une crise sans précédent depuis trois ans : engagements non tenus, multiplication des labels plus ou moins fallacieux, suppression de l'aide au maintien, retards dans le paiement des aides. Tout est fait pour freiner le développement de la bio !

Avec des conséquences désastreuses : de plus en plus d'agriculteurs bio déconvertissent leurs fermes. Un immense gâchis d'argent public ! Les pertes économiques ont été estimées entre 250 et 300 millions d'euros en 2023. La surface agricole utile en bio stagne.

Non, il n'y a pas deux modèles qui se valent : la bio est le plus abouti pour la santé et l'environnement. La bio n'est ni une niche ni une option ; elle doit être le cap.

Il n'y a plus de temps à perdre pour respecter les objectifs de l'État à horizon 2030. Le fonds d'urgence de 105 millions d'euros mis en place en début d'année est insuffisant. Il est impératif de créer de nouveaux débouchés et de poser les bases d'un financement équilibré !

Madame la ministre, vous engagez-vous à mener une politique ambitieuse pour sauver l'agriculture biologique ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt .  - Monsieur Salmon, vous qui êtes un bon connaisseur de la filière biologique, vous savez que la crise est conjoncturelle, mais aussi structurelle.

L'inflation a conduit à une diminution de la part de l'alimentation biologique dans les dépenses des ménages. Mais il y a aussi des difficultés à trouver les débouchés à la mesure de l'intérêt de la filière et des efforts consentis, par elle comme par l'État.

C'est un enjeu de revenu des agriculteurs, de souveraineté alimentaire et de transition écologique.

Le Gouvernement n'a jamais cessé d'apporter son aide, que vous considérez insuffisante, mais tout de même : aides d'urgence de trésorerie -  104 millions d'euros en 2023 et 90 millions d'euros en 2024 ; aides pérennes - un crédit d'impôt à hauteur de 109 millions d'euros et plus de 50 millions d'euros pour l'écorégime ; le budget du Fonds Avenir Bio est en hausse de 5 millions d'euros ; le budget de communication pour valoriser les productions biologiques a été porté à 5 millions d'euros par an. Je pense aussi aux 20 % de produits issus de l'agriculture biologique dans la restauration collective.

C'est un pan très important de notre agriculture, qui fait vivre nos agriculteurs. Je le dis solennellement : je serai à leurs côtés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC et du RDPI)

M. Daniel Salmon.  - Le bilan de la dernière décennie, c'est 100 000 fermes en moins, des agriculteurs déprimés et en colère, l'effondrement de la biodiversité. Ce sont surtout 19 milliards d'euros de coûts cachés pour la santé ! Faisons la vérité sur les prix : non, la bio n'est pas chère !

Monsieur le Premier ministre, faisons vivre le principe pollueur-payeur que vous avez initié et nous verrons quelle est l'agriculture la moins chère ! (Applaudissements sur les travées du GEST)

Proche-Orient

M. Roger Karoutchi .  - Il y a trois jours, l'Élysée publiait un communiqué réaffirmant « l'amitié indéfectible » de la France avec Israël. Pourriez-vous nous décoder la formule ? (Rires et vifs applaudissements à droite)

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Merci beaucoup pour votre question (sourires), qui me permet de rappeler que la France se tient aux côtés d'Israël, pays auquel l'attachent des liens nombreux et anciens et où vivent 180 000 de nos compatriotes.

La France est attachée de manière indéfectible à la sécurité d'Israël. Ce ne sont pas seulement des mots, ce sont des actes. Lorsque le Hamas perpètre contre Israël le pire massacre antisémite depuis la Shoah, la France sanctionne les responsables du Hamas. Lorsque l'Iran déclenche une attaque balistique d'ampleur contre Israël, la France mobilise ses moyens militaires pour lui faire échec. Lorsque l'Iran menace Israël avec son programme nucléaire, la France est en première ligne.

Mais la force seule ne peut suffire à garantir la sécurité d'Israël et des Israéliens. Le recours à la force doit désormais céder la place au dialogue et à la diplomatie. C'est pourquoi la France, avec d'autres, appelle au cessez-le-feu. Mais quand on appelle au cessez-le-feu, on ne peut en même temps livrer des armes offensives à l'un des belligérants... (On s'en émeut à droite ; applaudissements sur les travées du GEST et du groupe CRCE-K.)

M. Jacques Grosperrin.  - Naïveté !

M. Jean-Noël Barrot, ministre.  - C'est une question de cohérence. Mais la France n'en demeure pas moins indéfectiblement attachée à la sécurité d'Israël. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Roger Karoutchi.  - Apprendre que la France a pris des sanctions contre les dirigeants du Hamas seulement après le 7 octobre m'étonne. J'ose espérer qu'il y en a eu avant ! On ne négocie pas avec un mouvement terroriste.

Être ami, c'est se dire la vérité. Mais ce n'est pas dire à Israël, deux jours avant la commémoration du 7 octobre, « vous n'aurez plus d'armes » (« très bien ! » et applaudissements à droite et sur quelques travées des groupes UC et SER), surtout quand nous n'en livrons pas à Israël, mais au Qatar... (Mêmes mouvements)

On demande à Israël de ne pas réagir trop fortement pour ne pas embraser la région. Mais quel pays au monde accepterait de recevoir 200 missiles sans réagir ?

La guerre au Liban est un crève-coeur, vu les liens de la France avec ce pays. Depuis le 8 octobre de l'année dernière, le Hezbollah bombarde tous les jours les villes du nord d'Israël, dans une indifférence quasi générale. C'est inacceptable ! Quel pays au monde accepterait de vivre cela et de s'entendre dire qu'il ne doit pas réagir ?

Israël regarde beaucoup la France, mais la France sait-elle encore où elle habite ? Faites en sorte que les Israéliens retrouvent l'adresse de la France ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ; M. Patrick Kanner applaudit également.)

Martinique

M. Frédéric Buval .  - Blocages, affrontements avec les forces de l'ordre et violences urbaines se propagent peu à peu outre-mer, que ce soit en Guyane ou à la Martinique. Nous condamnons ces actes de violence et appelons au retour au calme.

Les causes de cette colère sont profondes. À la Martinique, la vie chère cristallise les mécontentements. Alors que le coût de la vie est 40 % plus élevé que dans l'Hexagone, les ménages martiniquais sont asphyxiés, au mépris de la promesse républicaine d'égalité, de solidarité et de fraternité.

Nous avons fait des propositions pour faire baisser durablement les prix : supprimer l'octroi de mer régional et la TVA sur 54 produits ; constituer un fonds de compensation des frais d'approche pour les produits de première nécessité ; renforcer le contrôle des marges des distributeurs et des grossistes-importateurs ; accompagner l'autonomie alimentaire en diversifiant et en structurant les filières.

Le Gouvernement doit valider rapidement ce protocole d'accord. Quand allez-vous venir sur place et quelles sont les mesures envisagées pour répondre au mécontentement légitime de la population martiniquaise ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP)

M. François-Noël Buffet, ministre chargé des outre-mer .  - Je salue d'abord votre engagement en Martinique et la condamnation claire des violences contre les forces de l'ordre. Partout sur le territoire, l'ordre républicain doit être assuré.

Les écarts de prix entre l'outre-mer et l'Hexagone sont anciens et inexplicables. Nous devons travailler pour que ceux-ci diminuent.

Les pistes que vous évoquez font partie des propositions qui sont actuellement étudiées et discutées avec la collectivité territoriale de Martinique et les acteurs économiques. La réponse du Gouvernement interviendra rapidement, car, demain, une réunion importante aura lieu avec le préfet.

L'État va également renforcer les moyens de l'Observatoire des prix, des marges et des revenus dans les outre-mer. Nous savons que certains mécanismes de formation des prix ne sont pas explicables, mais les contrôles doivent être réalisés, sans faiblir.

En 2022, la Martinique était autosuffisante à 32 %. Afin d'améliorer ce taux, nous devons progresser dans la diversification des filières.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. François-Noël Buffet, ministre.  - Au-delà de la crise actuelle, nous allons répondre aux enjeux structurels de moyen et de long termes. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Crise du logement

M. Dany Wattebled .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Alors que la France affronte une grave crise du logement - les ventes dans le neuf ont chuté de moitié au premier trimestre par rapport à l'an dernier -, le Premier ministre a appelé les maires à revitaliser la construction de logements. L'objectif est louable, mais risque de rester un voeu pieux.

Car, dans les faits, les maires ne sont guère incités à construire. ZAN, protection des espèces, des zones humides et autres normes environnementales freinent leurs initiatives, d'autant que les recours se multiplient. Résultat : les chantiers prennent des mois, voire des années, de retard, décourageant les investisseurs. Par ailleurs, la suppression de la taxe d'habitation prive les communes d'une source majeure de revenus. Quant aux départements, ils pâtissent de la baisse des droits de mutation - pour le Nord, 100 millions d'euros en moins.

Les maires sont face à un paradoxe : construire plus, sans nouvelles recettes. Le précédent ministre du logement avait proposé d'élargir le prêt à taux zéro (PTZ), d'augmenter le logement intermédiaire détenu par les organismes d'HLM ou encore de généraliser les permis d'aménager multisites.

Quelles mesures concrètes allez-vous prendre pour accélérer la construction de logements neufs et inciter les maires à agir ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine .  - C'est parce que le Premier ministre a bien compris que la crise du logement est au coeur des préoccupations des Français qu'il a décidé d'un effort particulier dans ce domaine. En témoigne la création d'un ministère de plein exercice, une première depuis 2017.

Mme Audrey Linkenheld.  - C'est vrai !

Mme Valérie Létard, ministre.  - Cette crise, qui s'inscrit dans un contexte de dette budgétaire et écologique, appelle des propositions pragmatiques. Plusieurs mesures concrètes ont été annoncées dès la déclaration de politique générale, notamment pour relancer la primoaccession. Le Premier ministre entend développer le PTZ, qui a fait ses preuves, en tout point du territoire, pour aider nos compatriotes, notamment les jeunes ménages, à devenir propriétaires et à préparer leur retraite.

Nous devons aussi relancer l'investissement locatif, pour loger étudiants, travailleurs et agents publics. Plusieurs travaux, notamment parlementaires, ouvrent des pistes. (Mme Sonia de La Provôté approuve.) J'ouvrirai rapidement des consultations sur ce sujet.

Nous serons également au rendez-vous du logement social. Des engagements ont été pris par le gouvernement précédent, à hauteur de 1,2 milliard d'euros. Un gel a été décidé cet été, compte tenu de la situation budgétaire : il mettait en difficulté la rénovation thermique des logements sociaux. Je vous confirme que l'intégralité des crédits gelés, 200 millions d'euros, seront reportés en 2025.

Enfin, d'autres chantiers sont engagés, notamment sur le diagnostic de performance énergétique (DPE) et la rénovation thermique. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur de nombreuses travées du groupe UC)

Liban (II)

Mme Sophie Briante Guillemont .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Alors que le Proche-Orient est au bord de l'embrasement, la France se doit d'assurer la protection de nos compatriotes.

Les 21 000 Français du Liban sont extrêmement angoissés. La France n'a pas encore, contrairement à d'autres pays, fait le choix d'évacuer ses ressortissants. Or les bombardements sont nombreux, y compris sur la route de l'aéroport, et nombre de nos compatriotes n'ont pas les moyens de payer leur billet d'avion et de s'installer en France. Ceux qui restent devront faire face à la perte de leur activité, et un de nos lycées, Abdel Kader, ne rouvrira pas ses portes.

Comment aider ceux qui veulent rentrer en France ou s'y installer, notamment lorsqu'ils n'y ont pas de famille ? Comment aider ceux qui choisissent de rester, notamment en matière sociale et scolaire ? Quel message adressez-vous à la communauté française au Liban, qui vit dans l'angoisse d'un bombardement mal ciblé et du bourdonnement incessant des drones ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Xavier Iacovelli applaudit également.)

Mme Sophie Primas, ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l'étranger .  - Madame la sénatrice, je vous félicite pour votre première question d'actualité. Elle m'offre l'occasion de ma première réponse... (Sourires ; applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, du RDSE et sur quelques travées du groupe SER)

Oui, nos compatriotes établis au Liban sont angoissés. Nous avons beaucoup renforcé les moyens de l'ambassade et du consulat pour les écouter, les recevoir et les soutenir. Mon collègue Jean-Noël Barrot, en liaison avec le ministre des armées, a permis, hier, à plus de cinquante de nos compatriotes vulnérables de regagner la France en utilisant le retour d'un vol humanitaire de l'armée. Nous travaillons à l'organisation d'autres vols et à l'ouverture de places sur les vols commerciaux.

M. Xavier Iacovelli.  - Très bien !

Mme Sophie Primas, ministre déléguée.  - J'étais à Roissy pour accueillir cette cinquantaine de ressortissants : ils sont reconnaissants à l'État d'avoir répondu présent face à leur détresse. Oui, les enfants que j'ai rencontrés parlaient du bourdonnement des drones -  c'était poignant.

En plus de travailler à associer les uns et les autres en vue d'un cessez-le-feu, nous poursuivrons le soutien à nos services sur place. Nous n'envisageons pas d'autres mesures pour l'instant. Nos compatriotes ne demandent pas à être évacués : ils attendent de l'attention et du soutien, que nous continuerons de leur prodiguer. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe INDEP et sur des travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Sophie Briante Guillemont.  - C'est une très bonne première réponse, madame la ministre. Les Français du Liban ont grand besoin d'être rassurés ! (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Narcotrafic

Mme Marie-Arlette Carlotti .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe SER) La guerre des gangs fait rage à Marseille. Après l'assassinat d'un adolescent de quinze ans, son gang commandite, depuis une cellule de la prison de Luynes, un tueur à gages. Une fois encore, on déplore un mort innocent : rendons hommage à Nessim Ramdane.

Ce mécanisme, nous l'avons décortiqué dans le rapport de la commission d'enquête sur le narcotrafic. Seul fait nouveau, et qui fait frémir : l'extrême jeunesse du tueur - 14 ans. L'effroi saisit les populations, à commencer par les familles des victimes, souvent des mères célibataires, dépassées et qui nous demandent de l'aide.

À nos concitoyens qui ont le sentiment que la République les a quittés, disons que nous ne les abandonnerons pas et que le travail du Sénat sera suivi d'effets. Nous ne nous contenterons pas d'« opérations place nette XXL » certes spectaculaires, mais qui ne visent que très peu le haut du spectre. Nous voulons une loi ambitieuse, qui reprenne les recommandations de notre rapport, adopté à l'unanimité. Je pense notamment au statut des repentis, à la lutte contre le blanchiment et aux conditions de détention des narcotrafiquants. Nos prisons sont des passoires, monsieur le garde des sceaux ! C'est depuis leur cellule que les narcos dirigent leur business, et tout circule dans nos prisons. Les surveillants saisissent en moyenne quatre téléphones portables par cellule...

Pourquoi la proposition de loi d'Étienne Blanc et Jérôme Durain, rapporteur et président de la commission d'enquête, a-t-elle été retirée de l'ordre du jour à la demande du Gouvernement ? Notre pays est submergé par le narcotrafic : aujourd'hui même, la DZ Mafia s'offre une conférence de presse ! Le Gouvernement ferait une grave erreur s'il pensait qu'il n'y a pas urgence à agir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées des groupes CRCE-K, INDEP, UC et Les Républicains)

M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice .  - La criminalité organisée prend une ampleur inquiétante : j'en suis parfaitement conscient et les événements récents que vous avez rappelés le confirment, comme l'a souligné le procureur Nicolas Bessone.

Nous devons être à la hauteur de ce phénomène grave et qui se développe, en formulant des propositions dans les meilleurs délais.

Des travaux ont été entrepris par l'ancien gouvernement et le Sénat a aussi mené les siens. L'examen de la proposition de loi issue de ces derniers a été seulement reporté.

Mmes Marie-Arlette Carlotti et Marie-Pierre de La Gontrie.  - Pourquoi ?

M. Didier Migaud, garde des sceaux.  - Pour nous permettre, au ministre de l'intérieur et à moi-même, d'expertiser les mesures envisagées. Un certain nombre de vérifications sont nécessaires, mais nous souhaitons avancer sur ce sujet avant la fin de l'année.

Il est évident que la poursuite d'activités criminelles en prison n'est pas admissible. Je poursuivrai l'action engagée par mon ministère pour lutter contre l'introduction dans les cellules d'objets illicites. La sécurisation de nos prisons, et donc de leurs personnels et de nos concitoyens, est une priorité absolue de mon action. Pour comprendre ce qui s'est passé à Aix-Luynes, j'ai confié à l'Inspection générale de la justice une mission d'inspection de ce centre.

Enfin, je me rendrai prochainement à Marseille, conjointement avec le ministre de l'intérieur. Nous travaillons ensemble, sur la base de vos propositions, pour avancer sur ce sujet grave. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du RDSE)

Loyers impayés des gendarmeries

Mme Lauriane Josende .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Vendredi dernier, plusieurs maires des Pyrénées-Orientales ont appris que la gendarmerie nationale ne pourrait pas payer ses loyers jusqu'à la fin de l'année. Cette annonce a suscité une vive inquiétude, car, dans certaines communes, ces loyers représentent des sommes importantes.

Comment est-il possible que l'État soit incapable de payer les loyers de la gendarmerie ? Alors que les contrats de location ne sont pas nouveaux et que ces dépenses étaient inscrites dans la loi de finances pour 2024, comment expliquer à nos élus que les crédits n'existent pas ou plus ?

Je suis consciente, monsieur le ministre, que vous n'êtes pas à l'origine de cette situation. (On ironise à gauche.) Mais c'est à vous, comme ministre de l'intérieur, d'en répondre. Que ferez-vous pour que ces loyers soient payés dans les meilleurs délais et que cette situation ne se reproduise pas ? Le programme d'investissement pour la construction de nouvelles gendarmeries sera-t-il respecté ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur .  - C'est la première fois que je m'exprime devant vous depuis le banc du Gouvernement. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Hervé Maurey applaudit également.) Je garde en moi la conviction que le Sénat est une institution nécessaire à la République française, surtout dans un contexte politique instable. Nonobstant la séparation des pouvoirs, rien ne pourra jamais me séparer de cette institution, qui est aussi, pour moi, une affection.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Et la question ?

M. Bruno Retailleau, ministre.  - J'ai trouvé ce problème en prenant mes fonctions : la gendarmerie nationale n'avait plus de crédits pour payer aux collectivités territoriales les loyers des casernes.

M. Mickaël Vallet.  - Il faut virer les squatteurs !

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Les crédits ont sans doute été sous-évalués au départ. Les dépenses liées aux événements en Nouvelle-Calédonie et à la sécurisation des jeux Olympiques ont aussi joué.

J'ai estimé qu'il était impossible de laisser les bailleurs sociaux et les collectivités territoriales sans réponse. J'ai donc décidé d'honorer la parole de l'État. Nous le ferons en deux temps : les grandes collectivités et les gros bailleurs, qui ont de la trésorerie, seront payés en fin d'année ; les plus petits, qui n'en ont pas, seront payés très rapidement.

Je remercie les bailleurs sociaux et surtout les collectivités territoriales, qui investissent pour donner à nos gendarmes des conditions d'hébergement dignes.

Nous honorerons les engagements pris. C'est l'idée que je me fais de l'État. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC)

Mme Lauriane Josende.  - Merci pour votre réponse. Je sais que vous savez, vous, prendre vos responsabilités. (Exclamations ironiques à gauche) Il est grand temps que chacun fasse de même ! Une telle défaillance ne devrait pas se produire, car la sécurité des Français est en jeu. L'État doit montrer l'exemple ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Économies demandées aux collectivités territoriales (II)

M. Thierry Cozic .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.) « La situation que je découvre est extrêmement grave », a dit le Premier ministre. Il est bien le seul à la découvrir ! (Quelques sourires) Nous n'avons eu de cesse d'avertir sur les choix budgétaires iniques faits depuis sept ans, avec le quitus de la droite sénatoriale. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées du GEST)

Avec un déficit de 6 %, reconnaissons que le macronisme finissant a fait fort cette année.

M. Xavier Iacovelli.  - Plus fort que le socialisme !

M. Thierry Cozic.  - Vous dénoncez l'impéritie des gouvernements macronistes, mais prenez comme directeur de cabinet celui de Bruno Le Maire. On ne change pas une équipe qui perd !

Il vous faut trouver 60 milliards d'euros - soit l'équivalent des recettes fiscales détruites chaque année par le président Macron. Comme votre prédécesseur, vous préférez tailler dans les dépenses que mettre à contribution les profiteurs de crise. Pour réduire la crise, commencez par ne pas l'aggraver !

Ce n'est pas en faisant porter le chapeau aux collectivités, comme l'a fait Bruno Le Maire, que vous y parviendrez.

Voix à droite.  - Il est parti !

M. Thierry Cozic.  - On annonce 5 milliards d'euros de coupes budgétaires pour les collectivités, qui sont déjà à l'os. 

Alors que la droite sénatoriale a toujours voté tous les budgets des gouvernements macronistes (vives dénégations sur les travées du groupe Les Républicains), changerez-vous enfin de doctrine ? (Applaudissements à gauche, protestations à droite)

M. Laurent Saint-Martin, ministre chargé du budget et des comptes publics .  - Le Premier ministre l'a clairement dit, en ligne avec Catherine Vautrin : nous ne sommes pas là pour incriminer quiconque du dérapage des finances publiques. (Protestations à gauche)

Mme Laurence Rossignol.  - Vous n'avez fait que cela depuis des années !

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Le solde 2024 des finances publiques n'est pas la responsabilité des collectivités territoriales, je le redis ici. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Le redressement des comptes publics est néanmoins l'affaire de tous, de toutes les administrations publiques. Dans le projet de loi de finances pour 2025, des efforts sont demandés à toutes - à la hauteur de ce qui est possible et de ce qui est juste.

L'État sera le premier contributeur au redressement des comptes.

Mme Laurence Rossignol.  - Ce sont les Français qui paieront !

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Sur les 40 milliards d'euros d'économies à réaliser pour réduire le déficit public à 5 %, il prendra sa part à hauteur de 20 milliards.

Mme Laurence Rossignol.  - Sur les plus pauvres !

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - Notre projet prévoit que les administrations de la sécurité sociale contribuent à hauteur de 15 milliards d'euros ; les collectivités territoriales, à hauteur de 5 milliards. Pas toutes au même niveau, car nous prenons en considération l'hétérogénéité des situations.

Les propositions faites hier devant le Comité des finances locales sont soumises à discussion, comme tout projet de loi. Vous en débattrez.

Les 450 collectivités prioritairement visées contribueront via un fonds de précaution, à destination des territoires, auquel s'ajouteront un mécanisme d'écrêtement de la dynamique de TVA et une diminution de deux points du FCTVA. C'est notre proposition, soumise au débat. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Thierry Cozic.  - Ce n'est pas l'État qui fournira l'effort, mais les Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La justice fiscale et le pouvoir de vivre ne sont pas de vains mots, mais le préalable à l'acceptation des efforts que vous demandez. Nous veillerons, au cours du débat budgétaire, à ce que l'addition soit équitablement partagée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Ian Brossat applaudit également.)

Nouvelle-Calédonie

M. Georges Naturel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La semaine prochaine, vous effectuerez votre premier déplacement en tant que ministre des outre-mer en Nouvelle-Calédonie. Cette collectivité traverse une crise politique, économique et sociale sans précédent : on compte treize morts liés aux émeutes, et les Calédoniens entament leur sixième mois de couvre-feu, après douze jours d'état d'urgence.

Les maires calédoniens sont contraints d'arbitrer entre des dépenses toutes essentielles : transports et cantines scolaires, salaire des agents municipaux, subventions aux associations... Comment reconstruire les édifices détruits quand les communes ne parviennent plus à assumer les charges de fonctionnement ? Les quatre communes du Grand Nouméa sont particulièrement éprouvées, et plus encore les 12 000 habitants du Mont-Dore Sud, isolés depuis cinq mois.

Quelles actions prioritaires le Gouvernement entend-il engager pour sortir la Nouvelle-Calédonie de cette crise ? Sera-t-il aux côtés des communes calédoniennes, qui sont des collectivités de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Teva Rohfritsch applaudit également.)

M. François-Noël Buffet, ministre chargé des outre-mer .  - Je me rendrai en Nouvelle-Calédonie dès la semaine prochaine, pour témoigner de notre solidarité à nos compatriotes calédoniens. Je tiens à saluer les forces de l'ordre, mais aussi tous ceux qui continuent de faire vivre la Nouvelle-Calédonie dans ces circonstances difficiles - les enseignants et les services de santé notamment.

Jusqu'ici, l'État a répondu à l'urgence, en versant plus de 400 millions d'euros à la Nouvelle-Calédonie, y compris pour des compétences qui n'étaient pas les siennes. Priorité a été donnée au régalien.

Ma visite portera d'abord sur l'effort de reconstruction, qui est urgent pour nos écoles, nos bâtiments publics, nos entreprises. Elle vise aussi à tracer une stratégie économique de plus longue durée, pour donner des perspectives.

Je viendrai aussi expliquer notre décision de reporter les élections provinciales à la fin de l'année. Je tiens à cet égard à remercier le président Larcher et le président Kanner, dont la proposition de loi, qui sera examinée ici le 23 octobre prochain, nous servira de véhicule législatif, ce qui permettra d'apporter une réponse rapide.

Nous rencontrerons évidemment les maires calédoniens pour échanger et tenter de leur apporter des réponses. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Crise de la filière volaille

M. Yves Bleunven .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je félicite la ministre de l'agriculture pour sa nomination. Nous partageons la volonté de porter la souveraineté alimentaire au rang de priorité nationale. Le monde agricole demande une reprise rapide des débats sur la future loi d'orientation agricole.

La crise de la filière volaille est emblématique de l'abandon de notre souveraineté. Selon un rapport alarmant de la Cour des comptes, la consommation de volaille progresse, elle est en passe de devenir la viande préférée des Français, or la filière n'a jamais été aussi peu compétitive. Nous importons une volaille sur deux consommées sur notre territoire ! La filière est sous tension : influenza aviaire, déferlement de poulets ukrainiens, blocages juridiques des projets par des d'associations au nom d'un prétendu bien-être animal.

Comment comptez-vous agir contre les importations déloyales et assurer la transparence sur l'origine des volailles dans les produits transformés ? Comment défendrez-vous les exploitants contre les activistes anti-élevage ? Redéfinirez-vous leur prétendu « intérêt à agir » à l'aune de la défense de notre souveraineté alimentaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt .  - Les Français aiment le poulet, mais 80 % du poulet consommé hors domicile n'est pas français ! (Marques d'étonnement) Je le déplore. Nous sommes pris en défaut de souveraineté alimentaire. Nous ne consommons pas suffisamment de poulet français.

Le soutien apporté à l'Ukraine par la levée des droits de douane a eu des effets indéniables sur la filière avicole, je le vois dans ma région. Les accords à venir seront nettement moins permissifs.

Deuxième problème : on voudrait tous manger du poulet français, mais on ne veut pas d'élevages près de chez soi. C'est une contradiction qu'il faudra résoudre. Dans bien des régions, impossible de s'installer en raison des réactions du voisinage et des associations environnementales contre les élevages couverts, considérés à tort comme intensifs.

Quant à l'intrusion dans les bâtiments d'élevage, donc dans un lieu privé, elle est bien sûr condamnable.

Enfin, le danger sanitaire, malgré la résurgence de cinq foyers de grippe aviaire, est aujourd'hui maîtrisé, grâce aux éleveurs.

Liban (III)

M. Khalifé Khalifé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La tragédie que vit la population libanaise depuis cinquante ans se poursuit dans une guerre qui n'est pas la sienne. Les innombrables résolutions prises par la communauté internationale n'ont pas été efficaces. Au contraire, elles ont renforcé les intérêts de certaines factions, libanaises ou non, au détriment de ceux du Liban et de son peuple. Nous savons désormais à qui profite le crime. La résurgence d'un plan ancien visant à la désintégration du Liban inquiète.

Les liens entre le Liban et la France sont séculaires et profonds, vous l'avez à nouveau démontré, monsieur le ministre. Mais le peuple libanais espère une initiative internationale efficace afin de mettre fin à l'anarchie persistante, reconstruire son pays et lui redonner sa place parmi les nations civilisées. Comment aider le Liban à retrouver durablement sa souveraineté territoriale et son indépendance politique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Le Liban, pays frère de la France, est au bord du gouffre. La communauté internationale s'est mobilisée à plusieurs reprises pour définir un cadre qui assurerait à la fois la sécurité d'Israël et la souveraineté et l'intégrité territoriale du Liban. Je pense notamment à la résolution 1701 du conseil de sécurité des Nations unies, qui a mis fin aux hostilités en 2006, et pour laquelle la France a tenu la plume.

Nous souhaitons trouver un dispositif politique permettant d'atteindre l'objectif de 2006, afin que le Liban redevienne ce pays divers, multiconfessionnel, cet exemple de pays ouvert sur le monde.

Monsieur le sénateur, le Liban coule dans vos veines, mais ce sujet n'est pas l'apanage des experts. L'embrasement régional nous concerne tous. Les prix de l'essence et du gaz, la menace terroriste, les migrations : tout cela se joue pour partie au Proche-Orient. Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour porter un message de paix et oeuvrer par la voie diplomatique pour que cesse le feu, que cessent les souffrances, et que le Liban retrouve son intégrité territoriale, sa souveraineté, son identité.

M. Khalifé Khalifé.  - Pensez-vous réellement que la résolution 1701 de 2006 est d'actualité ?

Précarité étudiante et difficultés financières des universités

M. Yan Chantrel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Avant de partir, votre prédécesseure adressait un courrier au Premier ministre pour tirer la sonnette d'alarme sur le budget de votre ministère. Elle jugeait les économies demandées aux universités irréalistes et dangereuses.

Cette année, 60 des 75 universités sont en déficit, le double de l'an dernier. Inflation, surcoûts énergétiques et annulation de crédits de près d'un milliard d'euros en février : les établissements sont à bout de souffle.

Les premières victimes en sont les étudiantes et les étudiants, avec la fermeture d'antennes locales et le report ou l'annulation de recrutements, entre autres. Cela remettra en cause la réussite de tous et toutes.

Pis, depuis la rentrée, les files d'attente d'étudiants devant l'aide alimentaire réapparaissent, sans parler des problèmes de logement. Cette précarité étudiante est une honte pour notre pays.

Monsieur le ministre, les universités préparent l'avenir du pays et forment notre jeunesse. Saurez-vous les défendre ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K et du GEST)

M. Patrick Hetzel, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Sur la question étudiante, la gestion de l'accès aux bourses étudiantes est quasi équivalente à celle des années précédentes. Nous avons 750 000 boursiers, tous ministères confondus.

Les boursiers reçoivent de 145 à 633 euros ; cela représente un budget global de 2,24 milliards d'euros : la Nation est donc pleinement au rendez-vous.

Les boursiers sont aussi exonérés de frais d'inscription et ils bénéficient d'un accès prioritaire aux logements gérés par les Crous. Depuis un an, 22 millions de repas à 1 euro ont été proposés aux étudiants les plus précaires.

L'explosion du coût des fluides et l'inflation expliquent largement la dégradation de la situation financière des établissements depuis 2022. Mes services dialoguent étroitement avec les établissements et les recteurs pour que le service public de l'enseignement supérieur soit pleinement au rendez-vous. (Quelques applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Yan Chantrel.  - Votre réponse n'est pas à la hauteur de la précarité étudiante. Lors de votre arrivée au ministère, vous avez déclaré que l'enseignement et la recherche sont non pas une dépense, mais un investissement. Prouvez-le en actes ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K et du GEST)

Reconversion du site de Saint-Avold

Mme Catherine Belrhiti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'associe à ma question les plus de 450 élus, maires, conseillers départementaux, conseillers régionaux et parlementaires ayant cosigné une lettre au Président de la République sur l'avenir de la centrale Émile-Huchet de Saint-Avold. Les salariés, qui ont fait grève durant plusieurs semaines, sont inquiets, car le gouvernement précédent n'a pas apporté les réponses attendues.

Il y a un an, le Président de la République s'était engagé à convertir les centrales à charbon vers la biomasse d'ici à 2027. Hélas, depuis, rien n'a avancé.

Mme Pannier-Runacher s'était mobilisée. Elle avait soutenu le projet de production d'hydrogène sur le site. Or il y a urgence à agir. Les contrats d'une centaine d'emplois directs prennent fin en avril 2025, avec des conséquences pour les 150 sous-traitants.

Nous avons besoin d'une feuille de route claire pour la mise en oeuvre des engagements de l'État. Les projets en cours seront-ils soutenus ? Rassurerez-vous les élus et les salariés ? Sauverez-vous les emplois ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Olga Givernet, ministre déléguée chargée de l'énergie .  - La France s'est donné un objectif clair : sortir des énergies fossiles et arrêter la production d'électricité à partir de charbon d'ici à 2027, afin de lutter contre le changement climatique. Nous devons concilier cet objectif avec la recherche de solutions pour les sites concernés.

Lorsqu'un employé s'engage, et qu'on lui apprend que son usine devra fermer, c'est difficile. Il ne faut pas renier les progrès apportés par cette énergie, mais nous devons aussi prendre en compte les impacts environnementaux.

M. Fabien Gay.  - Ce n'est pas le sujet !

Mme Olga Givernet, ministre déléguée.  - Je reprends le flambeau d'Agnès Pannier-Runacher et je travaille à ses côtés en vue d'assurer une transition écologique juste : personne ne doit être laissé sur le carreau.

Des discussions sont en cours pour la reconversion au biogaz de la centrale de Saint-Avold. D'autres projets sont aussi à l'étude afin d'assurer un avenir au site. L'État se tient aux côtés des salariés pour trouver un projet économique robuste et pérenne. Nous sommes à vos côtés également.

Mme Catherine Belrhiti.  - Je prends note de vos promesses. Maintenant, nous attendons des actes ! Trop d'emplois sont menacés par cette inertie. Ne laissez pas la Moselle passer à côté de l'occasion que représente la transition énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Assurance chômage des travailleurs transfrontaliers

Mme Annick Jacquemet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Ma question concerne les départements de l'Est de la France, de la Meurthe-et-Moselle à la Haute-Savoie. Lorsqu'un salarié transfrontalier est licencié, les allocations chômage sont à la charge du pays de résidence selon le droit européen : elles sont donc financées par l'Unédic qui perçoit en contrepartie une maigre compensation des pays voisins. Dans mon département, le Doubs, la Suisse n'a ainsi reversé que 23 % des dépenses assumées par l'Unédic entre 2012 et 2023.

L'effet est double. D'une part, les anciens salariés restent souvent au chômage longtemps alors que nombre d'entreprises et de services publics frontaliers peinent à recruter. D'autre part, ils contribuent au renchérissement du coût du logement en raison de leur niveau de vie.

Pour l'Unédic, le manque à gagner est en outre considérable : 800 millions d'euros pour la seule année 2023 ! Depuis 2011, ce surcoût atteint 9 milliards d'euros. Loïc Hervé a posé une question à ce sujet en avril dernier.

À l'heure où Bercy cherche désespérément des recettes supplémentaires, n'est-il pas temps de rediscuter avec nos voisins des règles encadrant l'indemnisation chômage des travailleurs transfrontaliers ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Louis Vogel applaudit également.)

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l'emploi .  - Vous avez tout dit ; il y a là un vrai problème. Cette question relève d'un règlement européen. Nous avons pris contact avec la future présidence polonaise, qui semble plus allante sur le sujet. La France n'est pas le seul pays concerné par cette question.

Certaines actions peuvent être menées d'ores et déjà ici, à commencer par la redéfinition de l'offre raisonnable d'emploi.

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre.  - Nombre de travailleurs frontaliers inscrits à France Travail ont le droit de refuser une offre d'emploi française au motif que celle-ci n'est pas raisonnable, en comparaison des salaires pratiqués de l'autre côté de la frontière, tant en Suisse qu'au Luxembourg. Nous voulons agir sur ce point.

Quelque dix-neuf agences France Travail accueillent l'essentiel des 77 000 travailleurs transfrontaliers au chômage et leur offrent un accompagnement renforcé afin de les inciter à un retour rapide à l'emploi.

Croyez à ma détermination sur ce sujet. Dans le contexte de nos finances publiques, ce genre de chiffres n'est plus acceptable. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

Budget 2025

M. Stéphane Ravier .  - (De nombreux sénateurs des groupes CRCE-K, SER et du GEST se lèvent et quittent l'hémicycle.) Monsieur le Premier ministre, vous cherchez désespérément 60 milliards d'euros pour boucler le budget. Pourtant, il existe un gisement de plusieurs dizaines de milliards d'euros, non par des hausses d'impôts, mais par des baisses de dépenses.

Dans son récent ouvrage, Le prix de l'insécurité, Enquête sur une défaillance d'État, le conseiller d'État Christophe Éoche-Duval estime à 170 milliards d'euros le coût de l'insécurité chaque année dans notre pays, soit 7 % du PIB.

À Marseille, le 4 octobre, au bois de Boulogne, le 21 septembre, à Subles, le 29 septembre, Nessim, Philippine et Kylian avaient la vie devant eux, comme Thomas, Lola et tant d'autres. Leur point commun : leur mort était évitable. Ils sont les victimes de l'impunité organisée, du laxisme judiciaire, de l'immigration incontrôlée et du trafic de drogue trop souvent toléré. Il faut briser le cercle vicieux de l'insécurité.

À Marseille, les mafieux commanditent des assassinats depuis les prisons. Ce matin, la tristement célèbre DZ Mafia donnait son point de vue sur la situation, une humiliation pour les institutions !

Les Français attendent non pas un tournant d'austérité, mais un tournant d'autorité. Vous avez là un gisement d'économies et de popularité garanties. Mais, pour cela, il faut assumer la rupture.

Lèverez-vous le tabou du coût de l'insécurité en proposant à la Cour des comptes d'évaluer annuellement son impact ? (MM. Aymeric Durox, Christopher Szczurek et Alain Duffourg applaudissent.)

M. Laurent Saint-Martin, ministre chargé du budget et des comptes publics .  - Je ne sais pas s'il s'agit d'une question pour moi (sourires sur plusieurs travées) ... Mais je vous répondrai sur la baisse de la dépense publique et la question des moyens en faveur de la sécurité.

Nous devons redresser les comptes publics. C'est l'affaire de tous. Les deux tiers des 60 milliards d'euros d'économies auront pour origine la baisse des dépenses publiques.

Quelles dépenses pouvons-nous diminuer sans porter atteinte aux services publics ?

D'abord, retirer les boucliers de protection instaurés durant les crises. La dépense publique doit aussi gagner en efficience, en fusionnant des opérateurs ou en repensant par exemple les aides à l'emploi.

Mais cela ne doit pas se faire au détriment des fonctions régaliennes de l'État, parmi lesquelles assurer la sécurité de nos concitoyens. Nous veillerons à la bonne application des lois de programmation pour nos armées, pour nos forces de sécurité et pour la justice. Les crédits de ces ministères resteront préservés.

La dépense publique doit diminuer non pas par des coups de rabot, mais avec intelligence. Le Gouvernement assume ses priorités : la sécurité de nos concitoyens en est une. (M. Bernard Buis applaudit.)

La séance, suspendue à 16 h 30, reprend à 16 h 35.