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Table des matières



Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution

M. Michel Barnier, Premier ministre

M. Mathieu Darnaud

M. Patrick Kanner

M. Hervé Marseille

M. François Patriat

M. Claude Malhuret

Mme Cécile Cukierman

M. Guillaume Gontard

Mme Maryse Carrère

M. Christopher Szczurek

M. Michel Barnier, Premier ministre

Ordre du jour du mardi 8 octobre 2024




SÉANCE

du mercredi 2 octobre 2024

2e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. François Bonhomme, Mme Nicole Bonnefoy.

La séance est ouverte à 15 h 05.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution

M. le président.  - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution.

Monsieur le Premier ministre, je vous souhaite la bienvenue au Sénat, ainsi qu'à vos ministres, dont certains nous sont bien connus.

M. Michel Barnier, Premier ministre .  - (Applaudissements nourris et prolongés sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; applaudissements sur les travées du RDPI ; applaudissements épars sur les travées du groupe SER) Monsieur le président, je vous remercie de votre invitation à m'exprimer très vite devant le Sénat. Je suis sensible à l'accueil reçu dans votre hémicycle. Il ne me surprend pas, d'une assemblée...

M. Mickaël Vallet.  - De droite !

M. Michel Barnier, Premier ministre.  - ... que je connais assez bien pour y avoir siégé, même brièvement. Je n'ai rien oublié de la cordialité et du respect qui y règnent, non plus que de la qualité des travaux qu'on y mène.

Au lendemain de ma déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale, dont je remercie le garde des sceaux de vous avoir donné lecture, je suis heureux de pouvoir, avant de vous écouter, préciser devant vous la feuille de route du Gouvernement, notamment sur certains points auxquels le Sénat, qui représente d'abord les élus locaux de métropole, d'outre-mer et de l'étranger, est traditionnellement plus attaché.

Mais je ne puis commencer sans évoquer la situation grave au Proche et Moyen-Orient, où l'escalade continue. Sous l'autorité du Président de la République, la France restera engagée pour la paix et la sécurité de tous dans la région.

Nous condamnons avec la plus grande fermeté les nouvelles attaques de l'lran contre Israël. Pour la France, la sécurité d'Israël n'est pas négociable. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; MM. Bernard Fialaire, Patrick Kanner et Hervé Gillé applaudissent également.) À quelques jours du très triste anniversaire du 7 octobre, nous pensons aux victimes des attaques terroristes du Hamas et du Hezbollah. Nous continuons d'exiger la libération de tous les otages, dont deux de nos compatriotes. (Plusieurs sénatrices et sénateurs du groupe SER applaudissent.) Nous pensons aussi à toutes les victimes civiles palestiniennes. La violence n'a que trop duré, et la France, avec d'autres, appelle à un cessez-le-feu à Gaza.

Je le disais déjà comme ministre des affaires étrangères, sous la présidence de Jacques Chirac : la clé de la stabilité et de la sécurité durables dans cette région, c'est la solution à deux États, même si elle paraît improbable à certains. Nous continuerons d'oeuvrer en ce sens, avec les pays de la région, les États-Unis et d'autres puissances.

L'aggravation de la situation au Liban, pays qui nous est très cher, exige notre pleine mobilisation, avec nos partenaires, pour faire cesser des hostilités qui menacent la stabilité de la région. Nous nous sommes engagés, sous l'autorité du Président de la République, à apporter une aide humanitaire aux victimes civiles des combats. Nous sommes prêts à toutes les éventualités. Je rappelle que 20 000 de nos compatriotes vivent au Liban et que près de 700 soldats français y sont déployés au sein de la Finul. Dans tout le Moyen-Orient, nous mettrons tout en oeuvre pour protéger nos compatriotes.

Par ailleurs, la France restera au côté du peuple ukrainien, qui, deux ans et demi après l'agression russe, continue de se battre, avec courage et au prix de nombreux morts, pour défendre son intégrité, sa souveraineté et sa liberté - des valeurs qui sont les nôtres comme Européens. (Applaudissements sur plusieurs travées du GEST et sur quelques autres travées)

Face à ces conflits, à l'instabilité croissante du monde et à toutes les menaces hybrides, l'effort de défense engagé depuis plusieurs années sera poursuivi, sous l'autorité du Président de la République.

Vous connaissez désormais les grandes orientations de l'action de mon gouvernement. J'ai été nommé il y a vingt-sept jours, après une longue attente et dans une situation inédite : pour la première fois sous la Ve République, il n'y a pas du tout de majorité à l'Assemblée nationale. Je sais que les députés tiennent le sort du Gouvernement entre leurs mains, mais je pense que les deux ans et demi qui viennent doivent être utiles. Dans le travail d'intérêt national auquel j'appelle les parlementaires de tous bords, vous avez votre part à prendre.

Nous essaierons de faire beaucoup avec peu et en partant de presque rien : je l'ai dit hier, citant l'ordre de mission adressé par le général de Gaulle, en mai 1942, à Pierre de Chevigné. Nous ne partons pas de presque rien : notre pays est riche de ressources, d'énergies, de volontarismes. Mais il est vrai que nous avons peu - je reviendrai dans quelques instants sur la situation budgétaire. Et qu'il faut faire beaucoup, et, à défaut de faire beaucoup dans tous les domaines, s'efforcer de faire bien.

J'ai présenté hier quelques priorités pour tenter de dégager des marges d'action dans une situation particulièrement difficile.

La première exigence, pour pouvoir agir et rester crédible au plan international, est d'améliorer la situation de nos comptes publics. Je trouve un déficit qui dépasse 6 % de notre richesse nationale. Nos dépenses ont augmenté de plus de 300 milliards d'euros depuis 2019, soit 5 000 euros de plus par an et par Français. Or, la vérité, c'est que ces dépenses sont largement financées par la dette, qui pèse sur la tête de nos enfants et petits-enfants.

J'ai parlé aussi de dette écologique. Nous devrions tenter de laisser le territoire qu'on gère dans un meilleur état que celui dans lequel nous l'avons trouvé. Notre priorité doit être de maîtriser et, si possible, de réduire cette dette, pour ne pas la faire peser sur nos descendants.

L'effort de réduction des dépenses publiques sera difficile. Il représentera les deux tiers de l'amélioration de nos comptes, une première depuis longtemps. Nous devrons faire des choix responsables, en gardant à l'esprit la situation des Français les plus fragiles, pour qui les services publics fondamentaux sont essentiels. Ces choix, nous les ferons avec le Parlement.

L'an passé, le Sénat a proposé des mesures d'économie très substantielles. Toutes n'ont pas été retenues, et nous avons sans doute là un gisement d'économies accessibles.

Nous examinerons les possibilités d'économies avec les collectivités territoriales - pas sans elles ni contre elles.

Au-delà de la réduction la plus intelligente possible des dépenses, nous maîtriserons d'autant mieux nos finances que nous renforcerons l'efficacité de la dépense. Cette préoccupation vaut pour toutes nos administrations, celles de l'État et celles des collectivités territoriales - dont beaucoup n'ont pas attendu l'État pour s'engager dans cette voie.

Pour relever le défi de la dette, je n'ai pas les moyens de priver le Gouvernement du troisième levier, celui des recettes. Les baisses d'impôts consenties depuis sept ans ont apporté de l'oxygène à nombre de Français et d'entreprises, notamment pendant la crise du Covid. Mais en ces temps de grand effort, nous demanderons une contribution ciblée, exceptionnelle et temporaire à de très grandes entreprises et aux plus gros contribuables. Cela me semble correspondre à la justice fiscale.

Je n'accepte pas que l'on parle de choc fiscal : il ne s'agit pas de cela. Je le redis : c'est un effort ciblé, exceptionnel et temporaire qui sera demandé à des contribuables qui peuvent participer un peu plus, un peu mieux à l'effort national.

J'ai déjà parlé de notre deuxième dette, celle liée à l'empreinte environnementale. Les transitions écologique et énergétique seront des priorités de l'action du Gouvernement. Entreprises, collectivités, citoyens : nous sommes tous concernés. Cet engagement est très ancien dans mon histoire personnelle : j'ai eu la chance d'être jeune chargé de mission au cabinet de Robert Poujade, premier ministre de l'environnement, sous la présidence de Georges Pompidou.

Vous me savez attaché au rôle du Sénat : ce n'est pas un hasard si mon gouvernement compte autant de sénateurs et sénatrices... (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; M. François Patriat applaudit également.) Vous faites bien de les encourager ! (Sourires)

Je suis attaché aussi au rôle de nos territoires dans la République. Dans mon parcours assez long - je n'ai pas besoin qu'on me rappelle mon âge... -, j'ai eu l'honneur de présider pendant dix-sept ans un département.

M. Loïc Hervé.  - Et quel département ! (Sourires)

M. Michel Barnier, Premier ministre. - Par leur identité, leur culture, leur différence, nos territoires contribuent à développer la France et à la rendre plus forte. C'est aussi de leur énergie que nous partons. J'ai toujours eu la conviction qu'on règle mieux les problèmes du quotidien dans la proximité.

C'est l'intuition initiale de la décentralisation, celle de la grande loi Defferre - pour être devenu président de département l'année même de son adoption, je n'ai pas oublié les moyens et libertés nouveaux donnés aux conseils généraux : sur tous les sujets qui concernent la vie des gens, la décision doit être prise au plus près d'eux. C'est ce que font chaque jour les élus locaux et que feront, de plus en plus, les préfets. État et collectivités locales : notre force, depuis quarante ans, a été de nous compléter et de nous renforcer, même s'il y a eu des hauts et des bas dans nos relations mutuelles.

L'État reste le garant de l'unité de la République et fixe le cadre de l'activité nationale. Les collectivités locales jouent leur rôle pour développer cette activité dans chaque territoire. Je fais volontiers mienne cette conviction du président Larcher : « la commune, c'est la petite République dans la grande ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC ; M. Christian Bilhac applaudit également.)

Cet équilibre, vital et efficace, repose sur la confiance. Pour que celle-ci soit la règle, je demanderai à mon gouvernement d'entretenir des relations régulières et approfondies avec les élus locaux. Ce sera notamment le rôle de la ministre chargée du partenariat avec les territoires et des ministres délégués qui lui sont rattachés, ainsi que du ministre de l'intérieur, que vous connaissez bien. Les élus doivent savoir que nous respectons leur rôle et leurs compétences.

Nous aurons besoin de cette confiance, de cet état d'esprit peut-être un peu nouveau, pour travailler ensemble, en particulier, à l'assainissement de nos finances publiques. Nous voulons discuter rapidement avec les collectivités territoriales de la situation budgétaire globale, en demandant à tous les niveaux de prendre leur juste part de l'effort collectif. La situation est suffisamment grave - c'est ma responsabilité de le dire - pour que nous partagions l'effort intelligemment et en confiance.

Pour aider les collectivités à agir, nous simplifierons méthodiquement les règles qu'elles ont à appliquer. Pour cela, nous nous engagerons, État et collectivités, dans des contrats de simplification : projet par projet, nous débloquerons les actions entravées par la complexité normative, dans un dialogue étroit entre préfets et élus locaux. Ce choc de simplification sera réalisé à partir du terrain et, s'il faut des mesures législatives, elles seront prises en réponse aux constats de terrain. La même approche vaudra pour les entreprises, dont les exploitations agricoles, et pour les citoyens.

La simplification passe aussi par un nouvel effort de déconcentration. Nous donnerons prochainement aux préfets des leviers renforcés pour assurer la cohérence et l'efficacité de l'action de l'État et pour déroger, expérimenter et différencier. Il faut que nous apprenions à adapter nos politiques aux réalités très diverses des territoires, outre-mer mais aussi en métropole.

Les exemples ne manquent pas de situations dans lesquelles la capacité d'adapter donnée au préfet en bonne intelligence avec les élus locaux réglerait bien des problèmes. Je sais que le Sénat le souhaite en matière d'eau et d'assainissement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

MM. Jean-Michel Arnaud et Olivier Cigolotti.  - Très bien !

M. Michel Barnier, Premier ministre. - Les défis de la gestion de la ressource en eau nous imposent d'agir en responsabilité, ce qui n'exclut pas d'adapter les règles à la réalité des territoires. Plus de soixante ans après la première loi sur l'eau, nous travaillerons ensemble sur cette question dans le cadre d'une grande conférence nationale.

Nous devons adapter aussi la mise en oeuvre du Zéro artificialisation nette (ZAN). (Applaudissements sur les mêmes travées ; MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Michel Masset applaudissent également ; on s'en émeut sur les travées du GEST.) Sans remettre en cause l'essence ni les objectifs de cette politique, ...

M. Yannick Jadot.  - Un peu quand même...

M. Michel Barnier, Premier ministre. - ... nous pouvons ménager des souplesses, sur la base de contractualisations correctement encadrées, pour mieux concilier développement des territoires et sobriété dans la consommation d'espaces qui ne sont - je le pense depuis longtemps - ni gratuits ni inépuisables.

Les élus d'outre-mer attendent, eux aussi, une plus grande adaptation des politiques et des normes aux spécificités de leurs territoires. Le ministre des outre-mer, que vous connaissez bien lui aussi, coordonnera le travail d'adaptation avec les ministères et les collectivités concernées. Je présiderai au début de l'année prochaine un comité interministériel de l'outre-mer.

Cette simplification, qui sera une méthode de gouvernement, redonnera de l'oxygène, du pouvoir d'agir aux élus, mais aussi une ressource morale pour ne plus être découragés.

J'ai rencontré, notamment en Savoie, de nombreux maires de petites communes qui sont découragés et veulent arrêter, faute de trouver une secrétaire de mairie ou face à l'amoncellement des normes. Donnons-leur de l'oxygène ! Notre pays ira mieux si tout ne tombe pas d'en haut. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Stéphane Ravier.  - Et la loi SRU ?

M. Michel Barnier, Premier ministre. - Vous avez tous des exemples de bonnes idées venues du terrain. Pour ma part, je me souviens avoir rencontré en 2008, comme ministre de l'agriculture et de la pêche, cinq marins-pêcheurs d'Étaples rescapés d'un naufrage dans lequel l'un de leurs camarades avait péri, dont le corps n'avait pas été retrouvé. L'un d'eux m'a demandé : pourquoi chez vous, en Savoie, les pisteurs secouristes portent-ils une balise individuelle pour être retrouvés en cas d'avalanche et pas nous ? Parce que ce jeune a eu le courage de me parler, les marins-pêcheurs sont équipés d'un tel dispositif ; personne avant lui ne m'avait donné cette idée. (On ironise sur certaines travées à gauche.)

Une voix à gauche.  - Vos ministres aussi portent une balise ?

M. Michel Barnier, Premier ministre.  - Ne riez pas, car cela démontre ce que j'ai dit aux ministres : il faut écouter et mettre son autorité morale et politique, les moyens dont on dispose, au service des bonnes idées, d'où qu'elles viennent.

Pour agir, il faut aussi de la sécurité juridique. Je souhaite que nous clarifiions encore la réglementation sur les conflits d'intérêts. Le garde des sceaux fera des propositions en ce sens.

Assurer l'avenir de nos territoires, c'est aussi et surtout répondre à l'attente d'une plus grande présence des services publics sur les territoires. Villes moyennes, sous-préfectures, villages : tous font la République et méritent que des services publics y demeurent ou y reviennent.

Mme Cécile Cukierman.  - Ça commence par La Poste !

M. Michel Barnier, Premier ministre.  - La ministre chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat jouera un rôle d'animation à cet égard. Je n'ignore pas ce qui a été fait ces dernières années, et ce qui marche sera poursuivi, à l'instar des maisons France Services. Je serai sensible aussi à la présence des services postaux au plus près des citoyens. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et UC ; MM. Marc Laménie et Michel Masset applaudissent également.)

Nous travaillerons à renforcer l'accès aux soins. Dans les territoires prioritaires, nous assurerons un déploiement rapide des assistants médicaux, des 2 000 nouvelles maisons de santé pluridisciplinaires et des bus de santé. Nous essaierons d'innover pour encourager des internes français ou étrangers, voire des médecins en retraite, à exercer dans les déserts médicaux, urbains ou ruraux.

Nous aborderons la question des transports avec le même esprit volontariste. Des millions de travailleurs sont contraints de faire chaque jour des dizaines de kilomètres, sans alternative à la voiture, qui coûte cher et pollue. En partant des projets locaux, nous trouverons des solutions à court terme, notamment en développant les services de cars.

Un autre problème de la vie quotidienne sera traité avec dignité et efficacité : je veux parler de la sécurité. Les dernières élections ont montré qu'il s'agit d'une demande forte. Nous tâcherons de généraliser la méthode de travail en commun qui a fait ses preuves pendant les jeux Olympiques et Paralympiques. Nous lutterons de manière implacable contre le trafic de drogue, la criminalité organisée et l'économie souterraine qui gangrène nombre de territoires urbains et ruraux.

Nos compatriotes ont besoin d'être rassurés par une présence plus visible de nos forces. C'est pourquoi nous confirmons la création de nouvelles brigades de gendarmerie et la réduction des procédures administratives qui accaparent les services au détriment de la présence sur le terrain.

Les Français attendent aussi des délais de jugement plus courts, en particulier pour les mineurs. Nous rouvrirons la discussion sur une procédure de comparution immédiate pour les mineurs de plus de 16 ans connus de la justice et poursuivis pour des actes graves. Nous poursuivrons également la réflexion sur les atténuations de l'excuse de minorité.

Les Français veulent enfin que les peines soient réellement exécutées.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - C'est le cas...

M. Michel Barnier, Premier ministre.  - Nous proposerons des peines de prison courtes et immédiatement exécutées pour certains délits. Nous réviserons les conditions d'octroi du sursis, limiterons les possibilités de réduction et d'aménagement de peine et renforcerons le recours aux travaux d'intérêt général, aux amendes administratives et aux amendes forfaitaires délictuelles. Pour réaffirmer le rôle dissuasif de la sanction, nous poursuivrons de manière plus volontariste et en simplifiant certaines règles la construction de nouvelles prisons - ce qui suppose que des maires acceptent de les accueillir sur leur territoire. Il faut, enfin, diversifier les solutions d'enfermement ou de surveillance effective ; je suis favorable à des établissements spécifiques pour les peines courtes.

Dans tout ce qui touche à la sécurité, la fermeté vise à faire respecter l'État de droit et les principes d'indépendance et d'impartialité de la justice. Je suis profondément attaché à ces principes.

Je suis également soucieux que celles et ceux qui exercent une autorité publique ou rendent un service public soient partout et toujours respectés et protégés.

M. Christian Cambon.  - Très bien !

M. Michel Barnier, Premier ministre.  - Il y a quelques jours, j'ai téléphoné au maire de Saint-Brieuc, sauvagement agressé et presque tué. Il m'a dit notamment : il faut que nous arrivions à nous reparler les uns les autres, sans violence. Je suis très sensible à ce sujet, qui vous tient aussi à coeur.

Enfin, j'en viens à la maîtrise de l'immigration, autre sujet qu'il convient d'aborder avec dignité et fermeté. Soyons lucides : nous ne maîtrisons plus de manière satisfaisante notre politique migratoire et, du coup, n'assurons plus de manière satisfaisante l'intégration. Cela ne peut pas durer. J'ai dit hier, dans un élan d'utopie, que l'immigration devrait être un sujet d'intelligence nationale. Efforçons-nous d'aller dans ce sens.

Les demandes d'asile seront traitées plus efficacement et en proximité. Nous proposerons de faciliter la prolongation exceptionnelle de la rétention des étrangers en situation irrégulière, pour mieux exécuter les obligations de quitter le territoire français (OQTF) - l'actualité tragique montre l'importance de cet enjeu. Nous renforcerons le contrôle de nos frontières, en appliquant sans délai le Pacte européen auquel M. Darmanin a consacré beaucoup d'énergie, en renforçant les moyens de Frontex, qui doit retrouver sa mission première de garde-frontières, et en rétablissant des contrôles à nos frontières, ce que les règles européennes permettent et que l'Allemagne vient de faire.

Nous intensifierons aussi le dialogue avec les pays d'origine et de transit. Mon gouvernement ne s'interdira pas de conditionner davantage l'octroi de visas à l'obtention de laissez-passer consulaires. Nous poursuivrons les discussions sur des accords bilatéraux parfois très anciens et qui ne correspondent plus aux réalités.

En agissant de la sorte, avec fermeté et dignité, nous serons en mesure de mieux intégrer celles et ceux que nous choisissons d'accueillir, en leur ouvrant plus rapidement l'accès à un titre de séjour, à l'apprentissage de notre langue, à un logement et à un emploi.

J'ai évoqué hier un dernier chantier, sur lequel il y aurait beaucoup à dire : la fraternité. Je pense aux inégalités qui frappent les personnes en situation de handicap, au soutien à apporter à toutes les familles, à la nécessité de tisser des liens plus forts entre les générations et de lutter contre la pauvreté, à l'encouragement du bénévolat et de la culture, à la valorisation du patrimoine, de la plus grande ville au plus petit village.

Il est un sujet très grave sur lequel nombre d'entre vous travaillent : la fin de vie. Des débats personnels ont lieu, au-delà des étiquettes politiques. Nous reprendrons au début de l'année prochaine, dans la sérénité, la discussion sur le projet de loi dont l'Assemblée nationale a débuté l'examen, en concertation avec les soignants et les associations. Sans attendre, nous continuerons à renforcer les soins palliatifs.

M. Jean-François Husson.  - Très bien !

M. Michel Barnier, Premier ministre.  - Je ne puis conclure sans évoquer nos outre-mer. J'ai souhaité suivre personnellement ces sujets : le ministre chargé des outre-mer est ainsi placé sous mon autorité.

Il faut une volonté politique forte et durable de considération pour relever les défis des outre-mer. Nous privilégierons le dialogue avec les élus et tous les acteurs locaux et respecterons les spécificités et la culture de ces territoires. Confrontés à des handicaps structurels, ils représentent aussi des opportunités qui intéressent toute la collectivité nationale, notamment dans les domaines de la recherche, de l'espace et de la biodiversité.

Nous proposerons un accompagnement renforcé de l'État, financier et en ingénierie, dans le cadre de contrats pluriannuels, qui seront créés là où ils n'existent pas. Le prochain comité interministériel de l'outre-mer sera préparé en liaison étroite avec les élus de ces territoires et débouchera sur des mesures concrètes.

S'agissant enfin de la Nouvelle-Calédonie, je confirme solennellement notre engagement à faire face à l'urgence économique et sociale. Alors que près de 25 % de la capacité de production a été détruite, il faut reconstruire, relancer l'emploi, retisser du lien social et politique. J'examine les conditions de prolongation des aides d'urgence pour les prochaines semaines. De nouvelles mesures de soutien aux populations en difficulté doivent être mises en oeuvre.

Une mission de concertation conduite par le président du Sénat et la présidente de l'Assemblée nationale, que je remercie, se rendra sur place dans un bref délai. Il s'agit d'une mission de dialogue, d'écoute et de considération. L'organisation et les compétences des pouvoirs locaux devront être abordées, de même que la composition du corps électoral et son élargissement pour les prochaines élections provinciales.

Je mesure le chemin à parcourir pour atteindre l'ensemble des objectifs que je viens d'évoquer. Je vais à présent vous écouter. Nous ne ferons pas forcément tout, ni même beaucoup, mais essayons de faire bien. Il n'y aura pas de miracles, et ne comptez pas sur moi pour faire des promesses inconsidérées. Je continuerai de dire et d'expliquer la vérité, sans céder au fatalisme. Les citoyens, le peuple, sont capables de comprendre les réalités, quand ils croient et respectent ceux qui leur parlent.

Le volontarisme, tel est l'état d'esprit qui m'anime. Nous avons besoin d'un partenariat serré et solide entre les forces politiques, d'un nouveau dialogue social aussi. Le moment exige que nous coopérions.

La culture du compromis, un peu nouvelle dans notre pays, vous la connaissez bien dans vos collectivités. À l'échelon européen aussi, elle est largement pratiquée. Faire un compromis, ce n'est pas se compromettre.

Les 41 textes que j'ai fait adopter comme commissaire européen, après la crise financière, pour reconstruire un peu de morale et de responsabilité chez des banquiers et d'autres acteurs financiers qui n'en avaient pas beaucoup, parce qu'on leur avait tout permis pendant trente ans d'ultralibéralisme...

M. Mickaël Vallet.  - Il ne faut pas dire du mal des banquiers...

M. Michel Barnier, Premier ministre.  - ... n'ont pu aboutir que grâce au compromis entre le PSE, le PPE, les Verts, les libéraux et, parfois, les communistes. Nul n'y a perdu son âme, et nous avons réussi.

Je sais que cette culture du compromis n'est pas nouvelle au Sénat. Elle est peut-être encore improbable à l'Assemblée nationale, mais je m'efforcerai de la construire.

Je vais à présent vous écouter. Au Sénat, on sait s'écouter, se respecter et trouver des compromis ; on sait également que l'effet de suivi et d'évaluation est aussi important que l'effet d'annonce. Tel est aussi l'état d'esprit du Gouvernement. (Applaudissements nourris et prolongés sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP et du RDPI)

M. Mathieu Darnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées des groupes UC et INDEP) En écho à votre propos, monsieur le Premier ministre, mes premiers mots seront pour la crise internationale.

La France doit agir pour la paix et la sécurité face à la montée des tensions au Moyen-Orient. Nous ne pouvons oublier ni nos deux compatriotes encore retenus par le Hamas, ni tous les autres otages, ni ceux qui ont succombé à la barbarie des terroristes. Nous ne pouvons pas non plus rester sourds à la souffrance des populations civiles israéliennes, libanaises et palestiniennes. Je suis certain que, sous votre impulsion, notre pays restera fidèle à son histoire, ses valeurs, sa tradition diplomatique et ses alliés.

En acceptant de conduire le Gouvernement de la France, vous avez accepté l'une des missions les plus éminentes de la République dans la période la plus incertaine et certainement la plus difficile de notre histoire récente. Vous n'avez pas jaugé l'abîme, mais la façon d'entamer un délicat chemin de crête.

Vous avez choisi d'assumer cette responsabilité, comme les maires qui s'engagent dans leur commune quand la situation semble insoluble et les bonnes volontés, introuvables.

Sur toutes ces travées, je sais que chacun connaît et salue votre sens de l'État et de l'intérêt général.

Grave, le moment est aussi solennel. Car nul ici n'ignore que notre vie institutionnelle, notre économie et notre modèle social sont à la croisée des chemins. Pour ne pas subir, demain, les bouleversements du monde, nous devons, aujourd'hui, tout changer.

Par leurs suffrages, les Français ont exprimé un souhait clair : ils veulent un changement de cap et de méthode.

La méthode qui a guidé tout votre parcours politique consiste à écouter, à associer, à rechercher le meilleur compromis possible en considérant toutes les parties ; à dire le réel et à agir en conséquence, sans faiblesse ni faux-semblants, avec pour seule boussole le souci de l'efficacité et le service de l'intérêt supérieur de la nation.

Le 28 avril 2009, rendant hommage dans cet hémicycle à René Monory, vous aviez salué son ouverture d'esprit et son bon sens. Gardez ce cap !

Il n'est plus temps d'égrener un chapelet de mesures, et nous vous remercions d'avoir dégagé de grandes priorités. Il vous faudra agir vite, car, après tant d'atermoiements, c'est l'urgence qui commande. Alors que vous n'êtes comptable de rien, vous devrez apporter des réponses à tout.

La majorité sénatoriale, notamment à travers Jean-François Husson, a maintes fois mis en garde, tentant d'infléchir les choix budgétaires qu'elle jugeait néfastes ; elle a toujours veillé à proposer des alternatives. Elle n'en sera pas moins responsable. Nous aurons bien le temps de nous occuper du bilan ; notre devoir immédiat est de nous attaquer aux solutions.

Rien n'est perdu tant que la volonté, la clairvoyance et la ténacité s'en mêlent. En 1958, la France voyait son rang international contesté, ses finances étaient exsangues et son économie, en panne. Il a fallu l'impulsion singulière du général de Gaulle pour remettre sur les rails un pays redevenu conquérant et gourmand de son avenir.

Vous l'avez démontré, notamment au cours de la difficile négociation du Brexit : vous incarnez le refus de la fatalité. Puissiez-vous cultiver cette qualité, tant les chantiers qui attendent votre gouvernement sont nombreux.

Le redressement du pays passe d'abord par l'indispensable maîtrise de notre endettement. Avec la charge des intérêts, nous enregistrons cette année un détournement de fonds budgétaire de 50 milliards d'euros supplémentaires. Ce mur vers lequel nous tendons nous prive des marges de manoeuvre nécessaires pour mettre en place les réformes indispensables à l'avenir du pays et l'affaiblit aux yeux de ses partenaires. Pis, cette dette étant majoritairement détenue par des acteurs étrangers, elle menace de façon intolérable notre souveraineté.

Vous héritez ainsi d'une situation en passe de devenir incontrôlable. Néanmoins, nous devons prendre garde à certaines mesures de court terme : nous ne rétablirons pas durablement nos finances en entamant le consentement à l'impôt et nous découragerons les investisseurs en chamboulant une énième fois le régime fiscal des entreprises.

Les choix budgétaires devront être clairs, dès cette année. Dans le pays champion du monde de l'impôt, l'assainissement durable des comptes ne peut passer que par une dépense publique plus rationnelle et surtout plus efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées des groupes UC et INDEP)

Augmenter la pression fiscale n'est jamais la solution. Nous veillerons au caractère exceptionnel et temporaire des mesures, et à protéger les classes moyennes.

À force de sacrifier l'essentiel à l'urgence, on finit par oublier l'urgence de l'essentiel... Et l'essentiel c'est d'avoir un travail et d'en vivre dignement.

J'ai une pensée pour nos paysans et nos agriculteurs (applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP), qui incarnent l'âme de la France qui travaille. Ils veulent pouvoir vivre de leur travail, sans stigmatisation et sans entrave. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

L'essentiel, c'est notre sécurité et celle de nos enfants, alors que la violence se propage. La cohésion de la nation et la sérénité de la démocratie risquent de se fracturer.

Je rends hommage à Bruno Retailleau, notre nouveau ministre de l'intérieur (vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; quelques huées à gauche), qui assume cette politique de fermeté, avec le rétablissement de l'ordre et la reprise de nos frontières : enfin !

La sécurité est la première des libertés, le premier des droits et la première condition pour une société apaisée. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

La tâche sera ardue, et il faudra agir sur le temps long. Ainsi, nous rétablirons la confiance dans l'ordre républicain et rendrons la tranquillité à nos concitoyens.

Depuis deux cents ans, une seule entité n'a pas été remise en cause : la commune, (applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) cellule de base de la démocratie et patrie du quotidien. Mais nos élus locaux sont déboussolés face à l'empilement de normes et au flou des responsabilités. Il faut plus de liberté communale, pour que les élus soient les acteurs du destin de nos territoires.

Vos orientations, monsieur le Premier ministre, sont donc favorablement reçues ici : eau et assainissement, statut de l'élu, ZAN... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Simplifions la vie des collectivités.

Quelle iniquité que les déserts médicaux ! Le droit de se soigner n'est pas une option. Ce phénomène touche villes comme campagnes.

La question du logement est aussi cruciale : normes rigides, diagnostics de performance énergétique (DPE) pénalisants, injonctions contradictoires données aux élus... (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Pierre-Jean Rochette applaudit également.)

M. Max Brisson.  - Bien !

M. Mathieu Darnaud.  - La crise du logement n'est ni surprenante ni inéluctable.

Nous devons veiller à la préservation de notre école, clef de voûte de notre pacte républicain.

MM. Max Brisson et Jean-François Husson.  - Très bien !

M. Mathieu Darnaud.  - Je veux aussi saluer l'attention particulière portée à la santé mentale, grande cause nationale pour 2025.

Monsieur le Premier ministre, vous avez choisi de désamorcer la crise en Nouvelle-Calédonie, mais il faut aller plus loin et oser. Nous comptons sur notre ministre des outre-mer, cher François-Noël Buffet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Hervé Marseille applaudit également.)

Je vous invite à piocher à volonté dans les travaux du Sénat qui sont libres de droit, comme le dit le président Larcher.

Vous trouverez toujours dans le groupe Les Républicains du Sénat un aiguillon et un allié.

Certains misent sur l'échec, veulent censurer le retour à l'ordre public, s'opposer à la simplification : qu'ils assument !

M. Pascal Savoldelli.  - Et les élections ?

M. Mathieu Darnaud.  - Réaffirmons la pertinence du bicamérisme et saluons le rôle déterminant de Gérard Larcher comme président du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Votre parcours, monsieur le Premier ministre, de la Savoie à Matignon, parle pour vous. Vous êtes attaché à la France. Vous tenez un discours de vérité. Tant que vous suivrez cette ligne de crête, vous nous trouverez à vos côtés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

M. Patrick Kanner .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K et du GEST) Qui, le 7 juillet dernier, aurait pu croire que vous seriez dans cet hémicycle aujourd'hui, monsieur le Premier ministre ?

M. Mickaël Vallet.  - Alexis Kohler !

M. Patrick Kanner.  - Et que vous seriez copieusement applaudi par la droite sénatoriale, pourtant si critique vis-à-vis de la politique d'Emmanuel Macron ? (Applaudissements à gauche)

Nous voilà dans un monde parallèle, déconnecté des réalités et des aspirations des Français. Quand je vous regarde, mesdames et messieurs les ministres, je vois la coalition des perdants.

Je n'y aurais pas cru. Nulle naïveté de ma part, seulement droiture et respect de la démocratie. (« Oh ! » à droite ; applaudissements à gauche)

Oui, j'ai sincèrement espéré que le Président de la République entendrait les trois messages des électeurs : l'aspiration à une politique de gauche (protestations à droite), le rejet massif de la politique d'Emmanuel Macron et le refus de l'extrême droite. Et pourtant, nous voilà gouvernés par un exécutif de droite, sommé de poursuivre la politique menée depuis sept ans par Emmanuel Macron et adoubé par l'extrême droite.

Oui, je suis en colère, pas contre vous, pas contre vos ministres, déjà intérimaires, mais comme des millions de Français dont le vote a été balayé d'un revers de la main...

M. Xavier Iacovelli.  - Ils n'ont pas voté socialiste !

M. Patrick Kanner.  - Quel septennat d'incurie, de déni, de mépris !

Mes chers collègues de droite, comment assumez-vous votre participation à cette mascarade ?

Plusieurs voix.  - Très bien !

M. Patrick Kanner.  - Pendant sept ans, vous avez bruyamment combattu la politique d'Emmanuel Macron. Comment pouvez-vous regarder les Français droit dans les yeux ? (Applaudissements à gauche) Quand on se dit gaulliste, comment peut-on prêter main-forte à celui qui a tant affaibli nos institutions, alors que 24 de vos 47 députés ont été élus par le front républicain ? (Applaudissements à gauche) Comment consent-on à diriger un gouvernement sous l'influence du RN ?

Une voix à gauche.  - Il a raison !

M. Patrick Kanner.  - Le bilan d'Emmanuel Macron sera votre fardeau.

M. Jacques Grosperrin.  - Et celui de François Hollande le vôtre !

M. Patrick Kanner.  - Le Mozart de la finance et le Beethoven du ruissellement ont dégradé la signature de la France et le niveau de vie des Français. Sur les trente dernières années, seule la gauche a réduit le déficit public (applaudissements à gauche), quand vous avez détruit 58 milliards d'euros de recettes fiscales par an et que vous réduisez les dépenses - éternelle doxa de l'idéologie libérale.

Fait nouveau, vous avez évoqué la possibilité de faire contribuer les plus riches : je me réjouis de votre adhésion à ce que nous défendons depuis des années... mais passons du provisoire au pérenne ! ISF, flat tax, exit tax, niches fiscales, voilà où sont les marges financières. Pas en prenant 50 millions d'euros à La Poste ! (Applaudissements à gauche)

Les mauvais choix ont conduit à l'affaiblissement international de la France. Face à un président imprévisible, quel sera votre poids ? Comment allez-vous gérer l'influence du RN sur les choix européens ? Sur notre soutien à l'Ukraine ? Êtes-vous toujours convaincu qu'il faille remettre en cause la supériorité du droit européen sur le droit national en matière d'immigration ? (M. Stéphane Ravier proteste avec véhémence.)

Notre vision est autre : c'est l'espoir de l'amélioration des conditions de vie, porté par le socialisme réformiste.

M. Stéphane Piednoir.  - Un peu d'humilité !

M. Patrick Kanner.  - Dans notre ADN, nous avons aussi les collectivités territoriales. Non, elles ne sont pas responsables de la situation des finances publiques. Elles ne représentent que 1,3 % de l'aggravation de la dette et portent 70 % de l'investissement public. Elles n'ont aucune leçon de gestion à recevoir. Je salue tous nos élus locaux. (MM. Stéphane Ravier et Olivier Paccaud vitupèrent ; protestations sur quelques travées à droite ; applaudissements à gauche)

Votre discours sur le logement, après des années d'inaction coupable, manque d'ambition : les niveaux des loyers sont aujourd'hui intenables, et tant de ménages attendent un logement social !

Autre angle mort de votre discours : les déserts médicaux. Il faut agir, le sentiment d'abandon et de relégation est si grand. Votre programme Hippocrate n'y changera rien. Idem pour l'hôpital public, votre réponse n'est pas à la hauteur. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)

Quant à l'école de la République, elle a occupé deux minutes trente de votre déclaration de politique générale. (Mme Raymonde Poncet Monge ironise.) Seule proposition : le rappel des enseignants retraités... Ce n'est pas à la hauteur des enjeux, quand il faudrait baisser le nombre d'élèves par classe, améliorer l'accueil des élèves en situation de handicap, revaloriser les salaires, encourager la mixité sociale et scolaire... L'école est à bout de souffle, malmenée par des réformes successives depuis 2017.

M. Max Brisson.  - Depuis bien plus longtemps !

M. Patrick Kanner.  - L'école a un coût, mais n'a pas de prix. C'est un investissement d'avenir pour notre pays.

En matière de transition écologique, il faut supprimer les niches fiscales polluantes, les remplacer par des aides à la transition et agir sur les causes du réchauffement.

Il faut combattre la précarité des jeunes et leur assurer de meilleures conditions d'études et de recherche. Nous devons aussi revaloriser le salaire des actifs. Il faut assurer des revenus justes et décents aux agriculteurs, sanctuariser la revalorisation des pensions -  est-il vrai que vous la décalez au 1er juillet ?  - et abroger l'injuste réforme des retraites.

Nous vous avions alertés sur les dangers d'un passage en force en Nouvelle-Calédonie. Non, le dégel du corps électoral ne pouvait être imposé par M. Darmanin, soutenu par MM. Retailleau et Buffet. Alors emparez-vous de notre texte qui prévoit le report des élections, pour renouer le dialogue ! Hier, vous avez fait un virage à 90 degrés (Mme Marie-Pierre de La Gontrie rit), mais je pense aux treize morts et aux 3 milliards d'euros de dégâts, dont le Président de la République porte l'entière responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Démocratisons nos institutions, c'est une nécessité. La gauche fera entendre sa voix au Parlement et portera des propositions pour garantir l'égalité territoriale, vivre dignement de son travail, accéder à un logement abordable, porter l'ambition de la politique de la ville, agir en faveur de l'égalité femmes-hommes, redonner des moyens à nos collectivités, renforcer nos services publics, garantir la sécurité de nos concitoyens, mettre en oeuvre une réelle politique sur le grand âge, développer une transition écologique ambitieuse et, bien sûr, défendre l'État de droit. (Applaudissements à gauche)

Une autre voie est possible : celle de l'égalité réelle, de la justice fiscale, sociale et environnementale, de l'apaisement de la société et du renforcement de la République ! (Vifs applaudissements à gauche)

M. Hervé Marseille .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP) Pays gravement endetté, sous procédure de déficit excessif, sans majorité gouvernementale, cherche Premier ministre, amateur s'abstenir : voilà la petite annonce post-JO... (Rires sur les travées du groupe UC)

Monsieur le Premier ministre, vous avez accepté la mission, c'est gaullien, je le salue. Vous avez formé le gouvernement le plus large possible, même s'il s'est heurté au dogmatisme, au verrouillage et à la stratégie du chaos de la gauche et de l'extrême gauche. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Mickaël Vallet.  - La paille, la poutre...

M. Hervé Marseille.  - Le Nouveau Front populaire, c'est un peu la collection Harlequin : un monde de rêve avec une première ministre imaginaire. (Rires et applaudissements à droite ; Mme Cécile Cukierman proteste.) Je le regrette, car il existe une gauche de gouvernement qui aurait pu être utile.

Une voix à gauche.  - Ça viendra !

M. Hervé Marseille.  - En revanche, je salue le retour en grâce du Sénat, dont on redécouvre le talent, après des années d'assignation à résidence : le Sénat is back, comme on dit en bon savoyard. (Sourires)

Nous avons une obligation de résultat. Ce gouvernement va-t-il durer ? Certains spéculent, mais y a-t-il d'autres solutions ? La gauche bloque. Votre gouvernement est à l'image du socle parlementaire qui a permis l'élection de la présidente de l'Assemblée nationale. Pour chaque texte, il faudra rééditer l'exploit.

Conséquence : le barycentre de la politique française s'est déplacé vers le Parlement et, singulièrement, le Sénat. Il nous faut légiférer mieux, juste et moins.

Légiférer mieux et juste impose de définir une nouvelle méthode, en trois volets : associer le Parlement plus en amont, replacer les représentants syndicaux au centre des échanges et mieux associer le Parlement aux travaux européens. Je suggère que l'exposé des motifs des textes qui nous sont soumis évoque le droit de l'Union européenne.

La méthode doit évoluer, mais les institutions aussi et je salue votre ouverture sur la proportionnelle. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC et du GEST) Nous y sommes historiquement attachés dans le cadre d'un scrutin plutôt départemental et à condition de revenir à un cumul raisonné des mandats pour que les membres des exécutifs locaux puissent s'engager.

Il faut aussi légiférer moins. Beaucoup peut être fait sans passer par la loi : voyez le réseau France Services, la lutte contre la fraude fiscale et sociale, les laissez-passer consulaires, le dialogue social...

Sur le pouvoir d'achat, les questions de logement et d'énergie sont au coeur de nos préoccupations. Votre ministre du logement, qui était encore récemment membre de notre groupe, est déterminée -  tous ceux qui ont eu affaire à elle dans le cadre du ZAN sont aujourd'hui en cure de repos... (Rires sur les travées du groupe UC)

Nous partageons votre engagement environnemental, mais l'écologie efficace doit être réaliste et permettre à chacun de s'adapter à la transition. Nous nous réjouissons donc de l'aménagement de certains dispositifs, comme le ZAN ou le DPE.

La prise en charge de la dépendance reste urgente.

Ces objectifs sociaux ne doivent pas entrer en contradiction avec le redressement de nos comptes publics. L'an dernier, nous avions proposé 7 milliards d'euros d'économies, qui demeurent d'actualité. Mais nous savons que les économies ne suffiront pas : il faudra peut-être revoir le niveau de la flat tax ou taxer les rachats d'actions et les superprofits.

Les agriculteurs ne se contenteront pas longtemps du statu quo qui règne depuis février : faire aboutir le projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole est donc une priorité.

Merci, monsieur le Premier ministre, d'avoir fait allusion au maintien des services publics territoriaux et en particulier à la présence postale.

Nos concitoyens quotidiennement exposés aux incivilités et à la délinquance des mineurs sont en colère. La comparution immédiate des mineurs fait partie des solutions à apporter aux émeutes de l'été 2023.

La colère gronde aussi dans les outre-mer, en Nouvelle-Calédonie, à Mayotte et aux Antilles. Il y a urgence à apporter des solutions, ainsi qu'à rouvrir le dialogue avec nos concitoyens et la Collectivité de Corse.

Bientôt le triste anniversaire du 7 octobre ; j'ai une pensée pour les otages, et notamment nos deux compatriotes français. Risque d'embrasement au Proche-Orient, enlisement en Ukraine, menace chinoise sur Taïwan, drame du Soudan, jamais les tensions n'ont été aussi vives depuis 60 ans. La France doit tenter de les apaiser.

Nous ne reprendrons en main notre destin que dans le cadre européen -  c'est notamment vrai pour notre politique migratoire. Le rapport Draghi l'indique : il faut rattraper le retard technologique, articuler décarbonation et compétitivité et renforcer notre souveraineté en réduisant nos dépendances.

Monsieur le Premier ministre, vous pouvez compter sur le soutien du groupe centriste pour accompagner votre action. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe RDPI)

M. François Patriat .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Monsieur le Premier ministre, je m'associe à vos propos sur la situation au Moyen-Orient. C'est donc dans un contexte international grave et dans une situation politique intérieure inédite qu'intervient votre déclaration de politique générale.

Entre une extrême gauche à l'offensive et une extrême droite aux aguets, il faut faire preuve de lucidité, de courage et de responsabilité. La tâche est difficile. Il est de l'intérêt de notre pays que votre gouvernement réussisse.

Depuis 2022, les Français nous demandent de faire émerger une culture de compromis. Aucune formation politique n'ayant remporté les dernières élections législatives, le pouvoir revient à ceux qui savent former une coalition. (M. Yannick Jadot rit.) Vous avez raison de faire du dialogue et de l'écoute votre mode d'action.

Certains se réfugient dans une opposition stérile, invectivent et lancent des anathèmes. D'autres relèvent leurs manches.

Les dirigeants de l'arc républicain disposent des moyens politiques et institutionnels pour montrer que la victoire des extrêmes n'est pas inéluctable en 2027.

Souvenez-vous des propos de Pierre Mendès-France, mon modèle en politique : le problème est moins celui des institutions que celui des hommes. Pour lui, la vertu politique exige que les hommes politiques placent leur devoir au-dessus de leur réélection. C'est un appel au courage et à l'action, au risque de l'impopularité. Voilà l'occasion unique de renouer avec la culture du compromis.

Parce que nous avons toujours été partisans de la main tendue, nous resterons ouverts, mais résolument fermes et déterminés sur nos valeurs. Monsieur le Premier ministre, je salue vos propos sur le respect de l'État de droit, sur la garantie des libertés, sur la lutte contre les discriminations.

Nous partageons votre volonté de faire de l'exigence budgétaire une priorité. Nous faisons le choix des économies, mais nous savons que nous ne pourrons pas nous exonérer de recettes supplémentaires. Elles ne concerneront cependant pas les Français qui travaillent, vous l'avez dit. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Laurent Fabius disait : trop d'impôt tue l'impôt. Inutile de briguer la médaille d'or, quand on sait les conséquences de la fiscalité sur notre économie, la croissance et le pouvoir d?achat des Français. Toutes les pistes d'économie doivent être explorées.

Quelque 30 milliards d'euros ont été investis en trois ans dans l'hôpital, c'est un effort sans précédent. Pourtant, on nous dit que l'hôpital va mal. Des économies peuvent être faites sans renoncer aux soins.

Nous devons faire un travail de pédagogie sans précédent, car pour être acceptés, les choix doivent être compris.

J'ai une pensée pour nos concitoyens d'outre-mer, confrontés aux violences et à la vie chère.

En matière de sécurité, vous voulez des résultats rapides, concrets et visibles, mais cela doit se faire dans le respect des droits et libertés.

Vous avez indiqué vouloir reprendre l'examen du projet de loi d'orientation agricole. Il faut ouvrir des perspectives pour nos agriculteurs, inquiets face aux menaces climatiques et aux risques géopolitiques. La réforme du foncier ne pourra pas être éternellement repoussée.

Nous soutiendrons la politique de logement nécessaire pour les Français et pour notre économie. Il devient impératif de rouvrir le débat sur le ZAN qui grève la capacité des élus de construire plus. Le projet de loi sur le logement répondait à des aspirations légitimes : il faut remettre l'ouvrage sur le métier.

La suradministration, l'excès de normes et la multiplication des intervenants nuisent à l'efficacité de l'action publique. Il est temps de redonner aux préfets plus d'autorité sur les administrations. Mais il faut aussi plus de souplesse et de flexibilité et redonner à nos élus locaux une capacité d'initiative et d'innovation, dans le cadre d'un nouveau contrat de responsabilité entre les collectivités territoriales et l'État.

Pendant sept ans, nous avons lutté contre la désacralisation de la valeur travail, car c'est par le travail que nous pourrons améliorer le pouvoir d'achat.

Le Sénat, rompu à la construction des compromis, va jouer un rôle éminent, quand l'Assemblée nationale devient une arène où le combat remplace le débat.

Le RDPI sera toujours dans le camp de l'action déterminée, avec vigilance. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Claude Malhuret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ainsi que sur quelques travées du groupe UC) En écoutant l'analyse de la situation politique par le président Kanner, j'ai eu une sorte de cauchemar éveillé !

Plusieurs voix à gauche.  - Rendors-toi !

M. Bernard Jomier.  - Au lit !

M. Claude Malhuret.  - J'étais à la tribune et j'avais devant moi, Lucie Castets ! (Rires et applaudissements à droite et au centre) À ses côtés, Sandrine Rousseau, ministre des finances et de la décroissance (rires), Sophia Chikirou, garde des sceaux (rires), ...

Mme Laurence Rossignol.  - Que des femmes !

M. Claude Malhuret.  - ... Aymeric Caron, ministre de l'écologie et des insectes (rires), Sébastien Delogu, ministre de la mémoire et des anciens combattants (rires), Louis Boyard, ministre du développement durable du cannabis (rires) et Jean-Luc Mélenchon, ministre des affaires étrangères et de l'amitié avec la Russie, le Hezbollah et l'Alliance bolivarienne (rires à droite et au centre et applaudissements).

Mme Cécile Cukierman.  - La gauche a voté pour vos députés !

M. Claude Malhuret.  - Depuis des semaines, le Nouveau Front populaire mène une invraisemblable campagne pour convaincre que l'élection lui a été volée, que votre gouvernement est illégitime et qu'il est l'otage du RN. Quel discours de fureur et de haine que celui de Mme Panot hier à l'Assemblée nationale ! (Applaudissements à droite et au centre)

Le soir des élections, le chef de LFI a dit : « Nous sommes arrivés les premiers, nous devons former le Gouvernement. » Mais c'est une intox constitutionnelle, comme l'a montré l'élection à la présidence de l'Assemblée nationale. Pourtant, la vague médiatique et les ragots sociaux sont devenus un tsunami et le mensonge s'est changé en vérité.

Je le répète : l'élection n'a été volée à personne. (Mme Cécile Cukierman proteste.) Si elle a été volée, c'est aux électeurs de gauche, par les dirigeants de l'extrême gauche, comme l'ont rappelé samedi Bernard Cazeneuve, Carole Delga et Raphaël Glucksmann, qui ne semblent pas d'accord avec Patrick Kanner. (Applaudissements au centre et à droite ; vives protestations à gauche)

M. Patrick Kanner.  - J'y étais !

M. Claude Malhuret.  - Donc vous pouvez le confirmer. (Rires)

Dès le 7 juillet, on réclame que Macron nomme immédiatement un Premier ministre NFP. Mais sans pouvoir se mettre d'accord sur un candidat... Après deux semaines de bras de fer, une inconnue tombe du ciel : Huguette Bello devient le nouveau Dalaï-lama (rires sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP) - jusqu'à ce qu'on découvre qu'elle n'est pas woke, mais pas du tout. Exit Huguette. (Rires) Laurence Tubiana ? Nommée à l'Unesco par Macron ! Exit Laurence.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Vous répondez à Michel Barnier ?

M. Claude Malhuret.  - Au bord du gouffre, alors qu'il n'allait plus rester que Ségolène Royal (rires et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP), on débusque dans les combles de la mairie de Paris une sémillante fonctionnaire, jamais élue, co-animatrice de la dette de 10 milliards d'euros de la capitale. (Protestations à gauche)

M. Patrick Kanner.  - Parlez du Gouvernement, c'est mieux !

M. Claude Malhuret.  - Cet Annapurna de la pensée politique accepte de faire bénéficier les Français de son inexpérience. (Rires sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP). Le NFP tient sa Première ministre - du moins c'est ce que croient, naïfs, les socialistes, les écolos et les communistes. Mais jamais Jean-Luc Mélenchon n'a envisagé un Premier ministre de gauche.

M. Mickaël Vallet.  - Macron non plus !

Plusieurs voix à gauche.  - Et Barnier ?

M. Claude Malhuret.  - Une fatwa vient la faucher : « le programme, rien que le programme, mais tout le programme », ce qui signifie que Mme Castets aura 193 voix à l'Assemblée, pas une de plus. Exit Lucie.

Plusieurs voix à gauche.  - Et Barnier ?

M. Claude Malhuret.  - Bref, si vous avez compris le NFP, c'est qu'on vous a mal expliqué. (Rires et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - On n'est pas au cirque !

Mme Audrey Linkenheld.  - Parlez-nous de la droite.

M. Claude Malhuret.  - La gauche responsable, largement représentée dans cet hémicycle, propose le nom de Bernard Cazeneuve. (Multiples protestations à gauche)

M. Patrick Kanner.  - Et Michel Barnier, vous en pensez quoi ? (On renchérit à gauche.)

M. Claude Malhuret.  - Cette fois, c'est Faure lui-même qui juge que nommer un ancien Premier ministre socialiste serait une anomalie. Cazeneuve est des nôtres, il sera censuré comme les autres. Exit Bernard.

M. Patrick Kanner.  - Et la déclaration de politique générale ?

M. Claude Malhuret.  - Un jour, les manuels de sciences politiques expliqueront comment, en 2024, la gauche s'est vendue à une secte gauchiste, islamiste et antisémite, dirigée par un ancien du lambertisme que les communistes eux-mêmes qualifiaient naguère d'hitléro-trotskisme. (Rires et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; nombreuses protestations à gauche)

Mme Cécile Cukierman.  - Nous sommes au Sénat, pas au cirque !

M. Claude Malhuret.  - Quant à l'extrême droite, elle prétend qu'on lui aurait volé l'élection, mais oublie le barrage au second tour devant la radicalité de ses positions, son funeste programme économique, ses flopées de candidats imprésentables. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Lucien Stanzione.  - Et Barnier ?

M. Claude Malhuret.  - Elle n'est pas plus légitime à gouverner et elle le sait. Elle attend son heure - heure qui, si elle vient, aura été préparée par la folie de l'extrême gauche et la capitulation du premier secrétaire du parti socialiste, l'homme-caoutchouc. (Protestations indignées à gauche)

Dernier mensonge : monsieur le Premier ministre, vous seriez l'otage du Rassemblement national. Or avec 142 députés, celui-ci ne peut faire tomber votre gouvernement qu'en bande organisée avec le NFP.

M. Loïc Hervé.  - Bravo !

M. Claude Malhuret.  - Mélenchon ne veut pas de Premier ministre de gauche et Le Pen se sait incapable pour l'heure de gouverner. Ce n'est pas une assurance vie, mais votre gouvernement est loin d'être condamné d'avance. (On le confirme à droite.)

Mme Céline Brulin.  - Pourtant, à vous entendre...

M. Claude Malhuret.  - Vous êtes légitime. Vous n'avez pas de majorité absolue, mais vous rassemblez le camp de la raison. Après deux ans d'Assemblée nationale transformée en zone à délirer, vous êtes le Premier ministre de l'apaisement.

Quelles sont les priorités ? Mais il n'y a que des priorités ! Le budget, la dette, la Nouvelle-Calédonie, le logement, l'immigration, la transition écologique, l'Ukraine, le Moyen-Orient...

Mme Audrey Linkenheld.  - Comment parler quand on n'a rien à dire...

M. Claude Malhuret.  - Nous vous soutenons dans cette démarche difficile et courageuse. Vous disposerez d'une large majorité au Sénat.

Les Français sont fatigués de la révolution permanente, de la ZAD à l'Assemblée nationale, des démagogues qui promettent la lune et amènent la ruine. Votre programme, avec humilité et responsabilité, en est l'exact contraire. C'est une raison supplémentaire pour que nous le soutenions. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains, ainsi que sur les travées du RDPI)

M. Emmanuel Capus.  - Bravo !

Mme Cécile Cukierman .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) J'adopterai un autre ton - nous sommes ici au Sénat. (« Bravo ! » à gauche)

Ces derniers mois ont été marqués par une violence institutionnelle et démocratique dont votre nomination à Matignon est le symbole, monsieur le Premier ministre. Les perdants des élections, faisant fi du suffrage, se sont alliés pour poursuivre la politique libérale dévastatrice qui prévaut depuis sept ans. C'est pourtant grâce aux voix de gauche que la macronie a évité la déroute totale et que votre parti a préservé 47 députés, malgré vos 5,4 % du premier tour !

Le 18 juillet dernier, votre futur ministre de l'intérieur disait ne pas croire « à une grande coalition, au mariage des contraires, la parousie du "en même temps" ». Et pourtant, vous avez rejoint Emmanuel Macron, en vous asseyant sur le vote des électeurs et en vous plaçant de fait sous la surveillance du Rassemblement national. Par un tour de passe-passe, le Président de la République a dissous l'Assemblée nationale et renversé le Sénat... Il y a de quoi être désenchanté de la vie politique.

Monsieur le Premier ministre, on ne joue pas avec la démocratie. Vous avez reçu mandat d'Emmanuel Macron, mais pas du peuple. De quelle majorité êtes-vous donc le chef ? Vous n'avez pas engagé hier votre responsabilité, et Mme Le Pen renvoie à plus tard la censure, au nom d'une soudaine respectabilité républicaine.

Je conteste avec force le choix d'Emmanuel Macron d'écarter le Nouveau Front populaire, arrivé en tête le 7 juillet dernier. Ce n'est pas la gauche qui a refusé toute coalition, mais bien le Président ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST ; M. Patrick Kanner applaudit également.)

Le ciment de votre nouvelle alliance, c'est la défense du monde de l'argent, des intérêts privés contre l'intérêt général. Pourtant, les électeurs ont exprimé par trois fois leur rejet de ce libéralisme qui sape les fondements sociaux de notre République.

Le bilan d'Emmanuel Macron est terrible : 1 000 milliards de dette supplémentaire depuis 2017, casse du service public, de la santé, de l'école, crise du logement, déficit frisant les 6 %, progression de la pauvreté, précarisation de l'emploi, recul du pouvoir d'achat. Bilan terrible que ces zones de non-droits sociaux, ces territoires dévastés par la désindustrialisation, ces zones rurales en perte de sens, ces agriculteurs éreintés par la mondialisation. Allez-vous soumettre à l'Assemblée nationale la ratification du Ceta ?

La ficelle est connue pour détourner le peuple du combat pour le progrès : diviser, désigner des boucs émissaires, agiter les peurs. Depuis votre nomination, pas une journée sans une saillie contre l'immigration.

Oui, il faut assurer la sécurité. Qu'attendez-vous pour relancer la police de proximité ? Il faut accueillir les étrangers en les intégrant - ce qui suppose une harmonisation globale de la société, une redistribution des richesses. C'est pour cette autre politique que 80 % des Français souhaitent taxer les riches.

Nous défendrons une autre voie, pour une France progressiste qui priorise l'intérêt général, en commençant par les services publics.

L'État doit cesser de se défausser sur les collectivités territoriales, l'hémorragie financière doit être stoppée, les propos honteux de MM. Le Maire et Cazenave leur imputant la responsabilité de la dette doivent être condamnés.

Nous accompagnerons les réformes sur le ZAN, sur le maintien de la compétence eau et assainissement, sur le statut de l'élu, mais cela ne suffira pas à redonner du sens aux élus locaux.

Nouvelle fiscalité, relance du pouvoir d'achat : il faut trouver des ressources financières pour faire redémarrer la France. Avec vos coupes budgétaires massives, vous préparez une punition collective.

Assez de la confiscation des richesses par l'optimisation et l'évasion fiscales, de ce droit des successions source de privilèges insensés !

Pour répondre à l'urgence sociale, nous voulons abroger la réforme des retraites, bloquer les prix, augmenter les salaires. Votre non-annonce sur le Smic n'est pas à la hauteur des attentes.

L'urgence sociale, c'est aussi répondre à la situation explosive dans nos outre-mer. Dialogue et respect doivent être de retour en Nouvelle-Calédonie-Kanaky. Vous renoncez à la convocation du Congrès sur le dégel électoral : que de morts, de destructions auraient été évitées si Emmanuel Macron avait entendu au printemps la voix de la raison. Monsieur le Premier ministre, je vous alerte sur tout report hâtif des élections sans consultation des acteurs politiques locaux.

Il faut trouver le chemin de la paix en Ukraine, où les morts s'accumulent dans une folle spirale.

À quelques jours du terrible anniversaire des attentats terroristes du 7 octobre, comment ne pas désirer la paix dans ce Proche-Orient ensanglanté ? La violence de Benjamin Netanyahou est insupportable. Des dizaines de milliers de morts à Gaza, un Liban agressé sans relâche, les attaques iraniennes en réaction installent dans cette région un avenir bien sombre. La France doit agir pour la paix et la sécurité, et se faire entendre dans le concert des nations.

Monsieur le Premier ministre, votre programme est celui d'un ancien monde, celui de M. Macron et de ses amis les riches. Nous mettrons ici toute notre énergie à faire triompher les aspirations de notre peuple au bonheur et à la paix. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)

M. Guillaume Gontard .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Monsieur le Premier ministre, vous prônez le respect : nous y souscrivons. Le respect des électeurs aurait dû vous conduire à refuser le poste de Premier ministre. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains) Votre présence ici est une anomalie, un affront démocratique. Emmanuel Macron aurait dû confier la charge de former un gouvernement au NFP, arrivé en tête aux élections législatives - n'en déplaise à l'affligeant M. Malhuret. (M. Emmanuel Capus proteste.)

M. Guillaume Chevrollier.  - Il a de l'humour !

M. Guillaume Gontard.  - Faisant des derniers les premiers, le prince-président a choisi les Républicains -  5,4 % des voix. Se tourner vers un homme et une formation politique qui ont refusé d'appeler au front républicain est une insulte aux Français qui ont massivement fait barrage à l'extrême droite. Le front républicain a évité la débâcle au parti présidentiel -  l'ignorer et se maintenir au pouvoir constitue un déni de démocratie. Plus que jamais, la proportionnelle s'impose. (Applaudissements sur les travées du GEST) Nous mettons sur la table la proposition de loi de Mélanie Vogel.

Ce gouvernement n'existe que grâce à la bienveillance du Rassemblement national. Vous témoignez de votre respect à l'héritière d'un parti d'anciens Waffen SS, dont le fondateur chantait samedi des chants nazis à Montretout plutôt que de se présenter au tribunal !

Et vous nommez au ministère de l'intérieur Bruno Retailleau, dont le compagnonnage d'extrême droite aux côtés de Philippe de Villiers est bien connu. Tel le chancelier Palpatine proclamant l'empire sur les ruines de la République galactique, il plastronne qu'il va « rétablir l'ordre ».

M. Olivier Paccaud.  - Ce n'est pas si mal !

M. Guillaume Gontard.  - Vous le laissez exprimer sans tabou sa pensée pas franchement républicaine.

M. Olivier Paccaud.  - L'ordre et la République, ça veut dire quelque chose !

M. Guillaume Gontard.  - Morceaux choisis : « On ne doit protéger les libertés individuelles que si elles ne menacent pas la protection des citoyens » ; « La source de l'État de droit reste le peuple souverain » ; « L'immigration n'est pas une chance ». Le même avait déjà glorifié notre passé colonial, et évoqué « les Français de papier ». Objectif atteint : il est adoubé par l'extrême droite. (Protestations à droite, applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Par tous les Français !

M. Guillaume Gontard.  - Vous échapperez à la censure immédiate. Ces propos scandaleux sur l'État de droit renient les garde-fous instaurés après-guerre pour éviter l'effondrement de la démocratie sur elle-même, comme en Allemagne en 1933. (« Oh là  ! » et exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains)

Vous entendre assurer que vous ne reviendrez pas sur la loi Veil, la PMA ou le mariage pour tous ne fait que nous inquiéter davantage.

M. Alain Milon.  - Caricature !

M. Guillaume Gontard.  - Pourquoi ce pacte faustien avec les admirateurs de Viktor Orbán qui rêvent de défaire l'Europe humaniste, si chère à vos yeux comme aux nôtres ?

M. Jean-François Husson.  - C'est sûr que Mélenchon, c'est mieux...

M. Guillaume Gontard.  - Pour préserver les intérêts des dominants et prolonger les cadeaux fiscaux qui ont permis aux riches de s'enrichir encore ces sept dernières années !

Certes, l'état calamiteux de nos finances publiques vous oblige à mettre à contribution temporaire les plus aisés. Mais vous prévoyez 20 milliards d'euros de baisse de la dépense publique en 2025, et 60 milliards en quatre ans -  sans évoquer aucune piste concrète. La réforme de l'État ? C'est un marronnier. Ubu n'a jamais gouverné la France, aucune dépense publique n'est une aberrante gabegie. Le rabot généralisé frappera nos services publics, nos politiques sociales et écologiques, la vie des gens.

Votre discours écologique est mieux écrit que celui de vos prédécesseurs, mais sonne faux. Alors que vous voulez revenir sur le ZAN et limiter les éoliennes, on annonce 1,7 milliard d'euros en moins pour la rénovation thermique, 1,5 milliard en moins pour le fonds vert, 1,5 milliard en moins pour l'Ademe, 25 % en moins pour la biodiversité - privée de secrétariat d'État.

Votre trajectoire pour nos finances publiques est incompatible avec la nécessité de soutenir l'Ukraine, de lutter contre le dérèglement climatique et d'investir dans l'avenir.

Vos mots d'amour aux collectivités territoriales, à qui vous promettez des trésors de concertation pour négocier la pénurie, sonnent tout aussi faux. Proposer de rappeler médecins et enseignants à la retraite, ce n'est pas sérieux. Les collectivités ont besoin de moyens, plus que de respect ! Elles financent à 80 % les maisons France Services.

Mme Émilienne Poumirol.  - C'est exact !

M. Guillaume Gontard.  - Soutenez-les !

Face à la colère et à l'angoisse agricoles, vos propositions sont très insuffisantes. Nous vous demandons d'instaurer des prix planchers pour les agriculteurs, de stopper les accords de libre-échange - Ceta, Mercosur -, de soutenir l'agriculture biologique, seul modèle agricole qui n'emprunte pas la terre à nos enfants.

Vous parlez de consultation citoyenne ? Publiez donc les milliers de cahiers de doléances du grand débat national !

Nous saluons votre prise en main du dossier calédonien, en espérant retrouver l'esprit des accords de Nouméa, pour réparer les dégâts du coup de force présidentiel. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Alors que Gaza est rasée, que le Liban s'effondre, qu'Israël est sous les bombes, qu'une guerre régionale menace, nous vous implorons d'agir pour stopper l'engrenage, de décréter l'embargo sur l'exportation d'armes et de biens à double usage vers Israël et tout autre belligérant, et de reconnaître enfin l'État de Palestine. Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement n'a pas d'avenir, mais sur ce sujet, vous pouvez immédiatement jouer un rôle décisif. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Patrick Kanner applaudit également.)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Nous voici enfin sortis du brouillard né de la dissolution. Le feuilleton de l'été - « Recherche Premier ministre désespérément » - est derrière nous. Je regrette toutefois qu'une situation inédite, une assemblée tripartite sans majorité, n'ait pas conduit à un gouvernement davantage pluriel.

Nous en connaissons les raisons : une culture de la coalition étrangère à certains, un sectarisme ancré, l'horizon sacré du scrutin présidentiel, les arrière-pensées électoralistes... Bref, si Clemenceau disait que la République est une idée toujours neuve, certains ont préféré ne rien changer.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Bravo !

Mme Maryse Carrère.  - Je veux féliciter et encourager le Premier ministre et tous ses ministres, avec une pensée pour nos anciens collègues sénateurs -  en particulier Nathalie Delattre.

Au RDSE, point de dogmatisme. Notre charte prône l'esprit de tolérance. C'est sans préjugé que nous regarderons les politiques mises en oeuvre. Mais point de chèque en blanc : nous tenons à notre indépendance. Nous jugerons au cas par cas, texte par texte, en fonction de nos valeurs et de la diversité qui caractérise notre groupe.

La gravité de la situation de la France, au regard de la dette publique colossale, ne doit pas occulter les atouts et richesses dont elle dispose.

Si la France a tant brillé pendant les jeux Olympiques et Paralympiques, c'est grâce à sa richesse humaine, à ses infrastructures, à ses entreprises, à son patrimoine et à une sécurité sans faille. J'ai une pensée pour toutes ces personnes, y compris étrangères, qui contribuent à la santé économique et au rayonnement de notre pays. Chacun doit trouver sa place dans la société, sans discrimination.

Nous, élus, avons aussi la responsabilité de cultiver l'espoir, sans tout promettre à nos concitoyens, mais en mobilisant nos ressources. Leurs attentes sont nombreuses : emploi, éducation, santé, logement, lutte contre les discriminations, santé mentale, sécurité. Le RDSE est ouvert aux nouvelles propositions et prêt à soutenir celles qui porteront le sceau de la justice sociale, de la solidarité et du progrès.

Nous défendrons une école qui vise l'égalité des chances et la mixité sociale, en rappelant que former des citoyens libres est depuis toujours la tâche de l'école républicaine.

Notre groupe est profondément attaché à la laïcité. Reconnaissons que votre prédécesseur a fait preuve de fermeté sur ce terrain. Nous avons soutenu ici des propositions visant à redonner du sens à la citoyenneté, que nous vous demandons d'étudier.

Vous menez depuis longtemps le combat de l'écologie, comme jadis une grande figure radicale, Michel Crépeau, pionnier de la mobilité douce. L'écologie ne doit pas être punitive, mais intelligente, cohérente, socialement acceptable et soutenable pour notre agriculture.

Parmi vos priorités, le niveau de vie des Français : nous la partageons. L'objectif de plein emploi doit être maintenu, mais s'accompagner d'une réflexion sur les conditions de travail

En matière de logement, tous les chantiers méritent d'être ouverts.

Système de santé à deux vitesses, déserts médicaux et pharmaceutiques : le Sénat a multiplié les rapports sur ce sujet, dernièrement sur la périnatalité. Nous vous encourageons à puiser dans le travail de contrôle du Parlement.

Une dette de 3 228 milliards d'euros, cela oblige, cela exige de faire beaucoup avec peu. Le relèvement de l'impôt n'est pas tabou pour nous, tant que l'effort est juste et qu'il ne grippe pas la croissance. La contribution est-elle également répartie aujourd'hui ? Non, le taux d'imposition réel des plus riches est inférieur à celui des classes moyennes. Je m'étonne donc du refus dogmatique d'augmenter le prélèvement des plus aisés, qui ont tant profité de la crise Covid et de la solidarité nationale, en laissant se creuser les déficits, sans dire quelles dépenses publiques il faudrait baisser, quels services publics sacrifier. (MM. Yannick Jadot et Thomas Dossus applaudissent.)

La solution ne réside pas davantage dans la réduction des dépenses des collectivités territoriales, comme on a pu l'entendre dernièrement. Celles-ci subissent les conséquences de la situation économique et des choix réglementaires et budgétaires de l'État, enfermées dans des dispositifs rigides comme le ZAN.

Véritables amortisseurs sociaux, les collectivités participent à la création de richesse par l'investissement local, l'intelligence et l'innovation. J'en profite pour évoquer les territoires d'outre-mer qui rencontrent de grandes difficultés économiques et sociales. En Nouvelle-Calédonie, la stabilité politique est le préalable à toute reconstruction.

Autre défi : la place de la France dans le monde, sa capacité à peser pour contribuer à la paix au Proche-Orient et en Ukraine.

Les Français nous regardent. Dans l'intérêt de notre pays, monsieur le Premier ministre, je vous souhaite de réussir et d'être ce premier de cordée indispensable pour affronter les pentes escarpées que l'on rencontre en Savoie ou dans les Hautes-Pyrénées.

Nous resterons ouverts, mais exigeants sur nos valeurs de fraternité et d'humanisme. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Loïc Hervé et Mme Isabelle Florennes applaudissent également.)

M. Christopher Szczurek .  - (MM. Aymeric Durox et Joshua Hochart applaudissent.) Monsieur le premier ministre, la fin de la tragicomédie qui a précédé votre nomination aura été un modeste soulagement. Soulagement de ne pas voir une extrême gauche sectaire et radicale atteindre le pouvoir après une prise d'otage électorale et répandre ses méfaits et son idéologie à la tête de l'État. Soulagement aussi que la solution ne soit pas un gadget politique. Vous incarnez une politique, peut-être ancienne, que nous combattions pour son incapacité à se remettre en cause, mais qui a pour elle la dignité.

Mais comment régler les errements du présent quand on a pris part aux turpitudes du passé ? Un parti qui est désavoué à chaque élection depuis douze ans, qui a fait à peine 5 % aux législatives, se retrouve à la tête du gouvernement. Cette situation n'est pas normale, elle n'est pas appelée à durer. Le doux moment du retour sous les ors des ministères se heurtera au mur des réalités financières.

La bienveillance n'exclut pas la surveillance - celle du RN et de ses alliés, mais aussi celle d'un Président de la République à l'hubris démesurée, celle d'un Parlement qui passera vite de la méfiance à la défiance, celle d'un système européen que vous avez servi mais qui n'hésitera pas à vous contraindre et, enfin, de celle du peuple français, dont il faut craindre la juste impatience.

Vous êtes également sous la surveillance des élus locaux, qui craignent d'être la cible d'un défouloir austéritaire. Eux mieux que quiconque savent ce que signifie faire plus avec moins.

Monsieur le ministre de l'intérieur, nous aimerions que vos premiers pas médiatiques préfigurent ce que vous ferez réellement en matière d'immigration et d'insécurité.

M. Yannick Jadot.  - Évidemment !

M. Christopher Szczurek.  - Mais nous n'oublions pas qu'en tant que président de groupe, ici, vous aviez donné consigne de ne jamais voter d'amendement du Rassemblement national...

Monsieur le Premier ministre, nous souhaitons votre réussite, car l'intérêt de la France importe plus que les querelles partisanes, mais nous n'y croyons guère, vu le conformisme qui caractérise le sérail politique. Les Français ne veulent pas de la radicalité, mais au moins de la rupture ! Pour l'heure, nous n'espérons donc que le respect dû à nos 11 millions d'électeurs, et attendons l'alternance avec l'arrivée au pouvoir de Marine Le Pen et Jordan Bardella.

Bonne chance et bon courage, malgré tout ! (MM. Aymeric Durox et Joshua Hochart applaudissent.)

M. Michel Barnier, Premier ministre .  - Cette après-midi fut instructive et stimulante. J'ai écouté chacune et chacun. Je ne vais pas rouvrir tous les sujets - nous aurons d'autres occasions de nous retrouver.

Madame Carrère, oui, en Savoie comme dans les Hautes-Pyrénées, les pentes sont escarpées. Il y a des crevasses, des fossés, des chemins parfois difficiles, mais je fais toujours attention : un pas devant l'autre, en gardant mon souffle...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ça tombe bien !

M. Michel Barnier, Premier ministre.  - ... et le regard sur la ligne d'horizon - c'est ce qui vous motive, qui vous entraîne dans les moments de doute.

Monsieur Darnaud, je vous félicite pour votre élection à la présidence de ce grand groupe, que je remercie de sa confiance. Vous avez souhaité plus de coopération avec le Parlement. Il y a en effet une quantité de travail, d'intelligence, d'expertise dans les propositions de loi, les commissions d'enquête, les missions d'information ; nous les utiliserons ! Je saurai rappeler d'où viennent ces propositions. Nous éviterons de tout réinventer, car vous avez beaucoup travaillé. Nous réutiliserons cette expertise, vous le verrez dans plusieurs textes.

Avec sagesse, le président Marseille a rappelé l'importance des textes européens. J'ai demandé à tous les ministres d'être plus attentifs aux textes qui sortent de la Commission européenne et commencent leur parcours législatif dans une sorte d'indifférence nationale, surtout en France. J'ai en mémoire la fameuse directive Bolkestein. Trop souvent, aucune communication n'est faite, le temps passe, puis quand le texte de transposition arrive au Parlement, ça explose - ou c'est trop tard !

En tant que président de la délégation aux affaires européennes, j'avais travaillé sur cette question ici-même, car il y a un vide démocratique à combler. Être alerté en amont sur les textes élaborés par la Commission permettrait aux parlementaires d'ouvrir un débat dans vos circonscriptions, mais également de prévenir les risques de surtransposition.

J'en viens au contexte politique.

Mme Cukierman a parlé de « surveillance ». Je ne suis sous la surveillance de personne, sinon du peuple et des parlementaires. Ce sont les parlementaires qui surveillent le Gouvernement, voilà la réalité démocratique. Évitons les polémiques, les petites phrases. M. Gontard a parlé, lui, de « déni de démocratie » ...

Je connais la situation inédite à l'Assemblée nationale, inutile de me la rappeler. Il n'y a pas de majorité, il n'y a que des socles parlementaires plus ou moins importants. Un socle dirigé par LFI, auquel participent le Parti communiste, les Verts, le Parti socialiste... (On se récrie à gauche.)

Mme Cécile Cukierman.  - Pas de petites phrases, disiez-vous ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Il n'est pas « dirigé » par LFI !

M. Michel Barnier, Premier ministre.  - Je parlais du nombre de députés, mais soit, je retire le mot « dirigé ».

M. Laurent Burgoa.  - « Dominé » ? (Rires à droite)

M. Patrick Kanner.  - Il n'y a pas de LFI ici !

M. Michel Barnier, Premier ministre.  - Puis un socle du Rassemblement national, avec le parti de M. Ciotti.

Entre les deux, vous avez six groupes, dont plusieurs sont représentés au Gouvernement et qui forment un socle plus important : les partis les plus proches du Président de la République, le groupe LR, ma famille politique - même si j'ai toujours été libre et loyal -, les non-inscrits, le groupe LIOT.

M. Yannick Jadot.  - Comment ça marche à la Commission européenne ?

M. Michel Barnier, Premier ministre.  - Regardez les chiffres : entre tous ces socles, dans une assemblée divisée comme jamais, il y en a un qui est plus important. Voilà ma légitimité, vous ne pouvez le contester. Je représente une majorité relative - mais c'est la moins relative de toutes. (Rires et applaudissements sur les travées sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Bernard Buis applaudit également.)

Inutile de me rappeler que le sort de mon gouvernement dépend d'une conjonction, probable ou improbable, entre l'extrême gauche ou l'extrême droite. Je le sais. Pour autant, allons-nous baisser les bras, renoncer ? Certains appelaient à nommer un gouvernement de gauche ou d'extrême gauche, sachant que la censure aurait été immédiate. Franchement, vu l'état du pays, pouvait-on continuer à attendre ? (Protestions à gauche ; applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; M. Teva Rohfritsch applaudit également.)

M. Yan Chantrel.  - La censure n'aurait pas été immédiate, vous le savez très bien !

M. Michel Barnier, Premier ministre.  - Mme Carrère a parlé d'un gouvernement pluriel.

M. Michaël Weber.  - Il est pluriel à droite...

M. Michel Barnier, Premier ministre.  - Pluriel, il aurait pu l'être davantage encore si je n'avais pas reçu des réponses négatives de personnalités que j'ai consultées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il est, à la vérité, assez pluriel ; certains lui reprochent même de l'être trop...

Je remercie une nouvelle fois celles et ceux, de sensibilités différentes, qui ont accepté de participer au Gouvernement de la France dans un moment extrêmement difficile. Nous ne venons pas tous du même endroit ni n'allons forcément au même endroit. Mais nous devons tenter, par le dialogue et le compromis, d'agir ensemble le temps que le Parlement le décidera.

Il n'y a donc pas de déni démocratique, mais un socle et l'esprit de compromis auquel j'appelle. Je remercie aussi le président Patriat pour son soutien.

Monsieur Kanner, mon appel n'est pas arrivé jusqu'à vous : si l'on en juge par le ton et la teneur de votre intervention, j'ai encore du travail à faire pour vous convaincre ! (M. Patrick Kanner le confirme.) Comme je suis déterminé et, depuis le début de mon engagement politique, un peu utopiste, j'essaierai de vous convaincre d'aller vers plus de compromis...

Je confirme mon attention particulière pour l'agriculture et la pêche. Je connais peu de professions qui ont assumé et parfois voulu autant de transformations depuis vingt ans. J'ai moi-même initié le plan Écophyto, comme ministre de l'agriculture. Pour assurer à nos concitoyens une alimentation saine, diversifiée et traçable, nous devons agir avec les agriculteurs, pas sans eux ou contre eux. (Murmures sur les travées du GEST) Je suis, de longue date, engagé pour l'écologie des solutions, une écologie pragmatique. (On ironise sur les travées du GEST.)

Je confirme aussi mon engagement de remettre à plat et en perspective la politique de l'eau. S'agissant du ZAN, si la sobriété est un objectif essentiel, les modalités du dispositif seront retravaillées.

Nous nous inspirerons de vos travaux en ce qui concerne le statut de l'élu local.

Le président Marseille a insisté sur deux notions importantes : l'Europe et le dialogue social. Sur ce dernier point, notre pays se porterait mieux avec des syndicats forts et engagés. (M. Loïc Hervé approuve.) Nous relancerons le dialogue social, notamment sur l'assurance chômage et la réforme des retraites, dont le cadre budgétaire sera conservé, mais qui peut être améliorée, par exemple sur la pénibilité ou la retraite progressive.

Monsieur Patriat, j'ai un grand respect pour Pierre Mendès-France, qui a eu un temps court pour gouverner. Il disait qu'il ne faut jamais sacrifier l'avenir au présent.

M. Thomas Dossus.  - Que ferez-vous du fonds vert ?

M. Michel Barnier, Premier ministre.  - Sans effort collectif, nous sacrifierions l'avenir. Si la crise financière survenait, vous verriez qui seraient les premiers touchés.

Nous examinerons les pistes d'économies proposées par le Sénat. Je vous en proposerai d'autres, dont certaines vous déplairont peut-être. Je serai constructif, mais veillons à ne jamais sacrifier l'avenir au présent.

Madame Carrère, vous avez parlé de fraternité et d'humanisme. Je me reconnais tout à fait dans ces valeurs. S'agissant de nos principes fondamentaux, il n'y aura pas d'accommodements avec la défense de la laïcité. Nos lignes rouges sont claires : État de droit, indépendance de la justice, lutte contre les discriminations, notamment envers les femmes, protection des grandes lois de liberté comme la loi Veil, celle sur le mariage pour tous et la loi sur la PMA. Dans le contexte de crise au Proche-Orient, nous n'aurons aucune complaisance à l'égard du racisme et de l'antisémitisme.

Je remercie les orateurs qui m'ont apporté leur soutien. Je sais qu'il ne s'agit pas d'un chèque en blanc. Vous jugerez le Gouvernement sur ses actes : je ne demande pas autre chose. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, du RDPI et sur certaines travées du RDSE)

Prochaine séance, mardi 8 octobre 2024, à 14 h 30.

La séance est levée à 17 h 40.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 8 octobre 2024

Séance publique

À 14 h 30 et le soir

1. Débat sur la croissance de la dette publique de la France (demande des groupes Les Républicains et UC)

2. Débat sur la crise agricole (demande du groupe Les Républicains)

3. Débat sur la nécessité de former davantage de médecins et soignants (demande du groupe CRCE-K)

4. Débat sur la situation des urgences pendant l'été 2024 (demande du groupe SER)