Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.
Réforme de l'assurance chômage
Mme Monique Lubin . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Madame la ministre du travail, le couperet est tombé et la lame est tranchante : durcissement des conditions d'accès à l'assurance chômage ; raccourcissement de la durée d'indemnisation ; changement des modalités de calcul ; le tout pour 3,5 milliards d'euros d'économies, selon vous.
Mais en avez-vous mesuré le coût social ? Connaissez-vous les retombées de la dernière réforme qui vient à peine d'entrer en vigueur ? Sur quelles études d'impact vous appuyez-vous pour conduire cette énième réforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K et du GEST)
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités . - Oui, je me suis appuyée sur des documents, notamment sur une étude de la Dares : premièrement, en matière de bonus-malus pour les contrats courts, le taux de séparation a baissé de 10 % ; deuxièmement, les contrats d'intérim sont plus longs. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Raymonde Poncet Monge. - Huit mois !
Mme Monique Lubin. - Cela ne répond pas à mes questions... Les économistes sont unanimes : ces réformes n'ont aucun effet sur la reprise d'emploi. Vous éloignez les jeunes du filet de sécurité que représente l'assurance chômage : comment seront-ils protégés ?
Quant aux seniors, c'est abracadabrantesque... Vous avez fait sauter les bornes d'âge de 52 et de 54 ans. Il reste celle des 57 ans, au-delà de laquelle les seniors seront indemnisés, mais moins longtemps qu'avant ; or on sait combien il est difficile d'accéder à un emploi après 50 ans.
Daignez nous écouter au moins...
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Je vous écoute !
Mme Monique Lubin. - Vous faites des réformes faciles : supprimer des droits, c'est plus simple que de chercher de nouvelles recettes !
Chômeurs et non-chômeurs sont invisibles, mais tous savent que vous les malmenez. C'est un sacré coup de canif à notre contrat social et, à terme, à notre démocratie ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du GEST)
Implication de l'exécutif dans la campagne des élections européennes (I)
M. Ian Brossat . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Monsieur le Premier ministre, les élections européennes auront lieu ce dimanche.
Une voix au centre. - Ah bon ?
M. Ian Brossat. - Plus l'échéance approche, moins vous semblez serein. Plus l'échéance approche, plus vous êtes fébrile.
Il y a deux semaines, vous organisiez un débat sur mesure avec M. Bardella sur le service public. Ce lundi, vous débouliez sur le plateau de France Info, où vous n'étiez pas invité, pour tenter maladroitement de sauver votre candidate de la noyade. Ce jeudi, le Président de la République mobilise les médias à vingt-quatre heures de la fin de la campagne électorale, ce qui vous a valu une mise en garde de l'Arcom.
La réforme de l'audiovisuel n'a pas encore été votée que le bon vieux temps de l'ORTF est déjà revenu : votre ministre de la culture en vante les mérites, mais c'était un temps où les titres du journal télévisé étaient dictés par le ministère de la communication.
M. Roger Karoutchi. - Le ministère de l'information !
M. Ian Brossat. - À quel naïf voulez-vous faire croire que votre réforme est autre chose qu'une reprise en main de l'audiovisuel ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST)
Mme Rachida Dati, ministre de la culture . - Je vous répondrai sur l'irruption du Premier ministre sur le plateau de France Info, mais je veux d'abord vous parler de l'audiovisuel public. La télévision et la radio publiques ne sont pas des chaînes comme les autres. Nous y sommes tous très attachés, comme les Français et l'ensemble des 16 000 agents de l'audiovisuel public. Mais le paysage a changé depuis vingt-cinq ans...
M. Thierry Cozic. - Et alors ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Où sont les Dossiers de l'écran ?
Mme Rachida Dati, ministre. - Il existe désormais 27 chaînes privées et des plateformes numériques ont surgi. Elles captent de l'audience et des recettes publicitaires.
M. Vincent Éblé. - Oui, et alors ?
Mme Rachida Dati, ministre. - Partout en Europe, l'audiovisuel public a rassemblé ses forces ; nous devons le faire aussi. Je remercie le président Lafon de son travail, ainsi que les sénateurs Hugonet et Vial. (Exclamations amusées au centre et à droite) Il y a une urgence à regrouper ces forces pour les générations futures qui subissent la désinformation.
Plusieurs voix à droite. - Et la réponse ?
Mme Rachida Dati, ministre. - Sur l'irruption du Premier ministre sur un plateau - pour reprendre vos termes - , je vous renvoie aux explications de la présidente de Radio France, qui l'a contraint à venir sur un plateau pour parler des élections européennes. (Protestations à gauche et à droite)
M. Roger Karoutchi. - Non, mais alors là !
Mme Rachida Dati, ministre. - Je vous renvoie aux explications de la présidente de Radio France. Elle l'a forcé à venir sur le plateau. (Sensation et hourvari sur de nombreuses travées ; applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Yannick Jadot. - Libérez le Premier ministre !
M. Hussein Bourgi. - Il a été contraint, le pauvre chou ! Ridicule !
M. Max Brisson. - C'est n'importe quoi !
M. Ian Brossat. - Madame la ministre de la culture, je suis inquiet d'apprendre que le Premier ministre a été victime d'une forme de kidnapping à Radio France ! (Hilarité générale et applaudissements à gauche et à droite)
Il est paradoxal d'expliquer que les temps sont différents de ceux de l'ORTF tout en engageant une réforme qui ne fait qu'y revenir. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST)
Participation des entreprises israéliennes au salon Eurosatory
M. Olivier Cigolotti . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Eurosatory est le plus grand salon international de défense et de sécurité terrestre. Il rassemblera plus de 2 000 exposants ; 74 entreprises israéliennes étaient attendues.
Pourtant, le 31 mai dernier, Coges Events, filiale du Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (Gicat) a annoncé que, sur décision des autorités gouvernementales, il n'y aurait aucun stand de l'industrie israélienne. Le ministère des armées considère que les conditions de leur accueil ne sont plus réunies.
Cette décision doit-elle être comprise comme l'impossibilité d'assurer la sécurité des exposants ? Ce serait inquiétant pour l'accueil de la délégation israélienne lors des JOP. Doit-elle être considérée comme une décision politique, si les entreprises israéliennes sont bannies du salon ? Mais quid, alors, des autres pays en guerre ? Ou la décision est-elle liée à des considérations relatives aux droits de l'homme, légitimes par ailleurs ? L'exclusion des seuls exposants israéliens est-elle compréhensible ?
Quelles conditions ne sont-elles plus réunies pour ne pas accueillir les entreprises israéliennes à Eurosatory ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Je le confirme : les entreprises israéliennes ne seront pas présentes à Eurosatory, mais ce n'est ni un boycott ni une punition. La position de la France, depuis le drame du 7 octobre, est souvent instrumentalisée.
M. Roger Karoutchi. - Ce n'est pas la question.
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. - Nous appelons à la libération immédiate des otages et à un cessez-le-feu immédiat et durable.
M. Patrick Kanner. - Répondez à la question !
M. Max Brisson. - Et la question ?
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. - Nous appelons au respect du droit international. Deux de nos compatriotes sont encore retenus en otage. (Protestations à gauche comme à droite ; M. François Patriat applaudit.)
Mme Nathalie Goulet. - C'est nul !
M. Roger Karoutchi. - C'est incroyable, ce gouvernement !
Implication de l'exécutif dans la campagne des élections européennes (II)
Mme Mélanie Vogel . - Monsieur le Premier ministre, la Macronie est au pouvoir depuis sept ans en France, sept ans durant lesquels vous avez installé l'extrême droite au centre de la vie politique française. Vous êtes cyniquement convaincu de l'intérêt d'avoir une extrême droite forte face à laquelle vous pouvez feindre de vous dresser. C'est sans doute l'objectif que vous avez le mieux atteint : de 21 % d'intentions de vote en 2017, elle est passée à 40 % aujourd'hui.
Et vous n'arrêtez pas là ! Vous franchissez, dans cette campagne, toutes les limites de la décence : débat Attal-Bardella ; propositions de débat Macron-Le Pen ; affiches de campagne avec le Président de la République seul ; incruste du Premier ministre lors d'une interview de la tête de liste de son parti - moment de gênance nationale - (murmures sur les travées du groupe UC) ; passage du Président de la République au journal télévisé à vingt-quatre heures de la fin de la campagne.
J'ai fait campagne dans dix-sept pays européens. À part en Italie et en Hongrie, je n'ai jamais vu un tel niveau de grossièreté ! (Applaudissements sur les travées du GEST)
Or les démocrates de notre pays savent que l'enjeu de cette élection est d'empêcher l'extrême droite de prendre le pouvoir au lieu précis qui s'est construit comme le rempart à son projet et à ses idées, comme le rempart à la haine, au nationalisme et à la guerre, c'est-à-dire l'Union européenne.
Or le combat contre l'extrême droite, c'est la défense des libertés publiques, la promotion de l'égalité et de la tolérance, c'est agir pour l'intérêt général et exercer le pouvoir de manière exemplaire.
Quand on reprend ses idées, quand on institutionnalise sa présence, quand on maltraite son plus efficace antidote - nos principes démocratiques - , on la fait progresser. Or c'est ce que vous avez choisi : est-ce par ignorance, par inconscience ou par complaisance ? (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Fabien Gay applaudissent également.)
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Ravie de me retrouver devant vous, mesdames et messieurs les sénateurs... (Sourires)
Oui, le Président de la République, le Premier ministre, l'ensemble du Gouvernement et la majorité présidentielle combattent fermement le Rassemblement national. (Protestations sur les travées du groupe SER et du GEST)
M. Yannick Jadot. - Avec quelle efficacité !
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. - Je m'étonne que votre seul et unique ennemi soit la majorité présidentielle, comme en témoigne votre question.
Rappelons-nous où sont nos lignes rouges et où sont nos ennemis politiques. Nous n'avons pas à rougir. Nous ne nous excusons pas de défendre l'Europe, de parler matin, midi et soir de l'Europe. (Exclamations sur les travées du groupe SER)
Nous ne nous excuserons pas de continuer à porter la voix (huées sur les travées du groupe Les Républicains et du GEST) de notre candidate dans le cadre fixé par la loi.
Dans notre belle démocratie, un membre du Gouvernement peut s'adresser à la représentation nationale et se faire conspuer, preuve que notre démocratie existe bel et bien.
En France, peut-être le savez-vous, nous avons une institution, l'Arcom (M. Roger Karoutchi rit ironiquement), qui définit précisément comment les interventions des uns et des autres sont comptabilisées. Nous respectons ce principe, et continuerons à le faire respecter. (Protestations à droite et à gauche)
Situation des finances publiques (I)
M. Jean-François Husson . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Voilà quelques jours, Standard & Poor's a dégradé la note de la France, qui a perdu le double A acquis il y a dix ans. Les trois motifs invoqués ne nous surprennent pas : prévision de déficit public non tenue, croissance économique plus faible que prévu et progression continue de notre endettement.
Le Gouvernement compte-t-il retrouver la note perdue ? Pour y parvenir, quelles erreurs entend-il corriger ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Une voix à gauche. - Où est Bruno Le Maire ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics . - Standard & Poor's a ajusté notre note... (Rires et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER) Pourquoi parlé-je d'un ajustement ? Parce que c'est la réalité et que cela n'a aucune conséquence sur le financement de notre dette. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Nous devrions tous nous en réjouir.
M. Jean-François Husson. - Tout va bien...
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Nous n'avons pas attendu Standard & Poor's pour engager le redressement de nos finances publiques.
M. François Bonhomme. - Ah bon ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Au début de l'année, nous avons annulé 10 milliards d'euros de crédits par décret, puis 10 autres milliards ensuite.
Plusieurs voix sur les travées du groupe SER. - Sans passer par le Parlement !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Je suis prêt à travailler avec vous sur les économies nécessaires dans le projet de loi de finances pour 2025.
M. Jean-François Husson. - Vous auriez pu le faire avant !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Monsieur Husson, vous auriez pu souligner que la croissance en 2023 a été supérieure aux prévisions du Gouvernement, soit 1,1 %. Nous créons des emplois - 75 000 au premier trimestre. (Mme Valérie Boyer proteste.) Notre économie crée des emplois et des recettes pour assurer la soutenabilité de notre dette. Nous allons continuer nos efforts pour atteindre l'objectif de 4,1 % de déficit public. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Jean-François Husson. - Où est le ministre de l'économie, cet intermittent du Gouvernement et de notre hémicycle ? (M. Éric Dupond-Moretti s'indigne.)
Le déficit de l'État a doublé depuis 2017, passant de 77 milliards d'euros à 154 milliards, voilà la vérité ! Il est faux de dire que cela n'aura pas d'influence sur la vie quotidienne des Français, qui devront payer ces lourdes fautes. Ce n'est pas acceptable. Il est encore moins acceptable de suggérer avec malignité des pistes de réflexion aux oppositions. Depuis plusieurs mois, nous vous proposons 7 milliards d'euros d'économies ; or vous les avez balayées d'un revers de la main !
Mme Laurence Rossignol. - Nous avons proposé des recettes nouvelles, mais personne n'en a voulu !
M. Jean-François Husson. - Les Français se prononceront dimanche ; nous devrons en tirer les enseignements. Vous devrez cesser de raconter des balivernes.
Il faut se retrousser les manches, redresser notre pays et regarder devant ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Hervé Maurey et Alain Cazabonne applaudissent également.)
Sécurité en Guadeloupe
Mme Solanges Nadille . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) La Guadeloupe est en proie depuis des semaines à une flambée de violences. Dernièrement, une jeune femme de 27 ans a été tuée par balle. Par rapport à la moyenne nationale, l'archipel compte six fois plus d'homicides, neuf fois plus de tentatives d'homicide, dont la moitié par armes à feu, vingt fois plus de vols à main armée. Pointe-à-Pitre a été le théâtre de violences urbaines ; une commerçante, Maria, y a été tuée lors d'un braquage.
Un grand merci pour la venue du ministre de l'intérieur et des outre-mer, mi-avril. Il a annoncé des opérations de lutte contre la drogue et la circulation des armes - sans doute le principal problème en Guadeloupe -, ainsi qu'un couvre-feu pour les mineurs à Pointe-à-Pitre, puis aux Abymes. Oui, il n'est pas rare de voir des jeunes de 12 ou 13 ans armés.
Il a nommé un préfet honoraire chargé spécifiquement de l'insécurité. Celui-ci s'est déjà rendu dans plusieurs îles, ce que je salue, car dans un archipel, l'appréhension du dernier kilomètre de l'action publique est cruciale.
Ce travail devrait aboutir à la signature d'un contrat territorial de sécurité. Quelles suites pensez-vous lui donner ? Il nous faut des engagements pour sortir enfin du fléau de l'insécurité de masse. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté . - Lors de sa visite, les 17 et 18 avril, le ministre de l'intérieur s'est engagé à renforcer encore notre stratégie de lutte contre la délinquance, spécifiquement le trafic d'armes et le trafic de drogue. Les efforts engagés depuis 2017 se poursuivent : près de 200 gendarmes sont venus renforcer les effectifs sur le terrain ; trois nouvelles brigades de gendarmerie ont été annoncées, soit une trentaine de gendarmes de plus d'ici la fin du quinquennat. La brigade de Goyave vient d'être ouverte, d'autres suivront.
Les opérations « place nette XXL » menées depuis le 15 avril ont déjà permis 75 interpellations. L'implication des forces de sécurité intérieure ne faiblit pas. Elles seront pleinement mobilisées le 15 juin pour le passage de la flamme olympique.
La mission placée sous l'autorité du préfet honoraire Lalanne a dressé un diagnostic de sécurité préalable. Depuis le 19 mai, la seconde phase du travail a démarré. Le projet de contrat territorial de prévention et de sécurité sera présenté d'ici à la fin juillet. (Marques d'impatience à droite comme à gauche, le temps de parole de l'oratrice étant écoulé.)
Je rappelle aussi le rôle fondamental des élus locaux. Nous les appuierons de toutes nos forces. (M. François Patriat applaudit.)
Prix de l'énergie pour les entreprises
M. Daniel Chasseing . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Au cours de l'hiver 2022-2023, la guerre en Ukraine a déclenché une crise énergétique inédite, contraignant les entreprises en fin de contrat à accepter des prix exorbitants.
Dans ma commune, une supérette a conclu un contrat à 43 centimes le kWh ; une boulangerie, à 48 centimes le kWh, avec EDF Entreprises ; une scierie, à 27 centimes le kWh. Alors qu'elles pourraient avoir à ce jour, par EDF, un prix de 11 centimes le kWh ! Ces contrats pèsent dangereusement sur ces TPE et sur bien d'autres - malgré les dispositifs de soutien public tels que l'amortisseur, car l'État subventionne les contrats passés avec une filiale d'EDF !
On estime que 10 % à 15 % des entreprises paient leur kilowattheure plus de 35 centimes. C'est intenable.
Comment amener les fournisseurs à renégocier ces contrats ? Faut-il passer par la loi ? Les entreprises qui ont contracté avec EDF Entreprises ou Ekwateur n'ont pas obtenu de renégociation. Quelles sont vos marges d'action ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie . - Face à une crise énergétique historique, la France a fait beaucoup pour protéger ses entreprises, plus qu'ailleurs : en 2022, en 2023 et en 2024, plus de 17 milliards d'euros au total sont allés à l'aide aux entreprises. Aujourd'hui, les prix de marché ont retrouvé un niveau normal, d'où l'extinction en 2025 de l'amortisseur pour les PME et du bouclier tarifaire pour les TPE.
Quelques centaines d'entreprises demeurent affectées par des prix négociés au plus mauvais moment. Nous avons insisté auprès des fournisseurs pour qu'ils renégocient ces contrats.
Les entreprises que vous avez citées doivent se rapprocher du commissaire aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises - dans votre département de la Corrèze, il s'agit de M. Lhoste - pour les aider dans ces négociations.
Si les fournisseurs d'électricité ne font pas les efforts nécessaires, nous examinerons d'autres pistes, éventuellement législatives, mais attention à leur impact budgétaire - M. le rapporteur général y veille. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
M. Daniel Chasseing. - Pour la supérette : 29 000 euros en 2022, 83 000 euros en 2023 ; l'amortisseur, 10 000 euros. Plus de 40 000 euros de déficit sur une petite entreprise qui a peu de marges. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
Tuberculose bovine
Mme Nathalie Delattre . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Il y a cinq ans, j'interrogeais Didier Guillaume, alors ministre de l'agriculture (« Ah ! » sur plusieurs travées du groupe SER), sur le risque de propagation de la tuberculose bovine. Il m'avait répondu que la France était indemne : exit la recherche sur le vaccin.
Or on recense aujourd'hui huit foyers en Gironde, dont l'élevage de Bérénice Walton, contrainte d'abattre son cheptel de 200 vaches bazadaises - sa vidéo a été vue des milliers de fois. Le protocole pour un abattage partiel est démentiel : quarantaine, rasage, vaccination, contrôle par pieds à coulisse, prise de sang à soumettre dans les six heures, etc. Elle a donc fait le choix de l'abattage total, un crève-coeur.
Ensuite vient l'indemnisation, soumise à un cahier des charges d'une complexité abyssale, et dont 30 % est conditionné au remplacement à l'identique du cheptel abattu. Impossible quand il s'agit d'animaux d'une race rare, qui n'existent pas sur le marché !
Comment expliquer à ces éleveurs que la perte d'exploitation et de clientèle n'est pas prise en compte ? Qu'ils seront imposés sur cette indemnisation ? Qu'allez-vous faire, madame la ministre, pour que Bérénice soit la dernière à vivre cet enfer ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. Vincent Louault et Alain Cazabonne applaudissent également.)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Je connais votre engagement auprès de nos éleveurs et je comprends leur désarroi. Mes équipes ont échangé avec Mme Walton. Face au risque de contamination humaine, l'abattage est parfois nécessaire pour garantir la sécurité sanitaire de nos concitoyens - ce n'est jamais de gaîté de coeur, mais quand on ne peut faire autrement.
Je sais que la Gironde est particulièrement touchée. Nous examinons chaque dossier avec attention. Nous avons débloqué 15 millions d'euros supplémentaires pour mieux accompagner les éleveurs dans le cadre du plan de souveraineté sur l'élevage, afin d'élever le niveau de biosécurité.
Il s'agit d'arrêter l'épidémie et de déployer notre feuille de route contre la tuberculose. Un groupe de travail associant la profession réfléchira à l'adaptation des indemnisations ; il rendra ses conclusions pour la fin de l'année, et nous en tirerons immédiatement des actions.
Implication de l'exécutif dans la campagne des élections européennes (III)
M. Jean-Raymond Hugonet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Un Président de la République qui s'invite au 20 heures de TF1 et France 2 à trois jours d'un scrutin en prétextant l'anniversaire du Débarquement ; vous-même, monsieur le Premier ministre, qui vous invitez à la Maison de la Radio pendant l'interview de votre candidate : le plus haut niveau de nos institutions s'engage dans la bataille électorale. Dont acte. Cet engagement vous oblige, monsieur le Premier ministre.
Nous nous assurerons auprès de l'Arcom que ces temps seront bien décomptés, à l'instar du discours du Président de la République sur l'Europe à la Sorbonne, le 25 avril dernier.
Si vous êtes en campagne aux côtés du Président de la République, c'est pour le meilleur et pour le pire. Et si le pire n'est jamais certain, quelles conclusions tirerez-vous du revers que vous promettent les instituts de sondage ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Xavier Iacovelli. - Et vous ?
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - (Huées sur les travées du groupe Les Républicains, où l'on réclame le Premier ministre) Être en responsabilité, c'est avoir le courage de défendre ses convictions et ses idées devant les Français.
Mme Valérie Boyer. - Oh là là...
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. - Majorité, ministres, Premier ministre, Président de la République, ensemble, nous portons un projet cohérent et sérieux sur la place de la France en Europe.
M. Max Brisson. - Le Président de la République n'est pas le chef de la majorité !
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. - Nous n'avons pas honte de continuer à défendre la voix de la France en Europe. (M. Yannick Jadot s'exclame et lève les bras au ciel.) En d'autres temps, un autre Président de la République faisait de même et vous trouviez cela tout à fait normal !
Nous le faisons dans le respect de nos institutions et de la loi. (Protestations à droite comme à gauche ; Mme Sophie Primas fait « non » du doigt.) L'Arcom décompte les temps de parole des uns et des autres, quand cela est directement lié à la campagne des européennes. (M. Rachid Temal s'exclame.) Nous sommes dans un État de droit, une démocratie, nous devons le respecter. (M. Max Brisson proteste.)
Oui, le Premier ministre s'engage pleinement dans l'Europe - Europe, qui en cette année de commémoration, se rappelle à nous. Notre histoire nous convoque. S'engager pour l'Europe, c'est toujours s'engager pour le meilleur, et pour la paix ! (MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)
M. Jean-Raymond Hugonet. - Merci, madame la ministre, d'avoir l'amabilité de me répondre. Que vous n'ayez pas honte, nous l'avons tous compris, depuis longtemps ! (Rires sur de nombreuses travées à droite comme à gauche)
Vous êtes chargée, selon l'intitulé de votre ministère, du « renouveau démocratique ». Si vous considérez que c'est l'irresponsabilité et la désinvolture, nous non. Je vous engage, en sortant de l'hémicycle, à relire la Constitution de 1958, dont les auteurs avaient un tout autre sens de la responsabilité ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER)
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. - Et l'affiche de la droite en 2009 ?
Situation des finances publiques (II)
M. Thierry Cozic . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je comptais interroger le ministre de l'économie, mais il brille encore par son absence... (Sarcasmes sur de nombreuses travées)
La semaine dernière, Claude Raynal, président de la commission des finances, l'enjoignait d'abandonner son ton péremptoire au vu de la dégradation de nos finances publiques. Mais deux jours plus tard, patatras ! Le ministre rechute, déclarant en toute modestie : « J'ai sauvé l'économie ». (Rires et marques d'ironie sur de nombreuses travées)
Une voix à droite. - Le Messie !
M. Thierry Cozic. - Pas le Président de la République, pas les travailleurs de notre pays, mais lui, rien que lui. Et encore, en écrivant six livres : voilà qui force l'admiration... (Nouvelles marques d'ironie sur de nombreuses travées)
On pourrait en rire si la situation du pays n'était pas si grave. Sur la forme, cette personnalisation conduit le ministre Le Maire à une promotion sans gêne de sa propre personne. Sur le fond, la dégradation de notre note par Standard & Poor's devrait vous inciter à plus de modestie - à votre décharge, ce n'est pas le trait principal de votre formation politique... (M. Thomas Cazenave soupire.)
C'est d'ailleurs dans un excès de modestie toute particulière que le Président de la République a expliqué dans L'Express que le dérapage des comptes publics n'était nullement de la responsabilité de l'État, mais de celle des collectivités territoriales ! (Exclamations sur diverses travées)
Cessez vos déclarations de matamore et attelez-vous à un diagnostic sincère et partagé de la situation économique et budgétaire du pays. Mais la majorité présidentielle en est-elle capable ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe CRCE-K)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics . - Vous nous invitez à cesser les déclarations de matamore et à agir sur le fond. Mais vos attaques personnelles ne font absolument pas avancer le débat ! (Protestations sur les travées du groupe SER)
J'aurais aimé que vous fassiez preuve de la même créativité pour présenter des pistes d'économies que pour critiquer Bruno Le Maire ! (Les protestations redoublent à gauche ; quelques protestations à droite)
Je l'ai dit devant la mission d'information de la commission des finances : la dette a augmenté car nous avons fait face à des crises. Je ne vais pas rappeler à la majorité sénatoriale que, pour sortir de la crise de 2008, une augmentation de 26 % de la dette a été nécessaire. Oui, nous avons été percutés par des crises, face auxquelles nous avons protégé les Français.
Enfin, le Président de la République n'a jamais dit que le déficit public était de la responsabilité des collectivités territoriales. (Protestations sur de nombreuses travées à gauche et à droite) Il a constaté que leurs dépenses de fonctionnement avaient augmenté l'année dernière plus vite que l'inflation - de 5,9 % -, contrairement à ce que prévoit la loi de programmation. Or, dans cette période, nous avons aidé les collectivités territoriales en créant un fonds vert, ...
Mme Audrey Linkenheld. - Il est en baisse !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - ... en mettant en place un filet inflation ou encore en augmentant la dotation biodiversité.
M. le président. - Il faut conclure.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Nous nous sommes tenus aux côtés des collectivités territoriales. Nous avons les finances publiques en partage : c'est pourquoi nous les appelons à des efforts. (Protestations à gauche et sur certaines travées à droite)
Mme Sophie Primas. - Trois mille milliards d'euros de dette !
Suites du rapport sur la décentralisation
M. Mathieu Darnaud . - (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Loïc Hervé, Olivier Cigolotti et Mme Isabelle Florennes applaudissent également.) Mais où est donc passé le puissant souffle décentralisateur promis par le Président de la République en 2017 ?
M. Loïc Hervé. - Aux oubliettes !
M. Mathieu Darnaud. - S'est-il évanoui, comme ses promesses de déconcentration et sa volonté - verbale - de consacrer le travail de nos élus sur les territoires ?
De fait, sept ans plus tard, nous avons peu à nous mettre sous la dent : deux lois - Engagement et proximité, 3DS - de faible ambition. Protection, statut : toutes les initiatives visant à mettre en valeur les élus sont venues du Sénat ! (M. Olivier Paccaud renchérit.)
Voici maintenant le rapport Woerth. Pour ce qu'il a de meilleur, il s'inspire largement des travaux du Sénat - le président Larcher y avait invité Éric Woerth. Mais il pâtit d'un grand flou et, faute de trancher certaines questions, nous laisse déçus.
Faut-il y voir les prémices d'un grand texte sur la décentralisation et le statut de l'élu ou allons-nous au-devant d'une nouvelle déception ? (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Pouvez-vous imaginer que notre obsession soit d'alimenter votre déception ? (Exclamations ironiques à droite) J'ai parfois le sentiment que, au contraire, nous passons une partie notable de notre temps à tenter de nous rapprocher des avis exprimés par la chambre haute.
M. Rachid Temal. - Une cohabitation ?
M. Christophe Béchu, ministre. - J'entends dans votre question un appel ardent à passer à la concertation et aux actes. Le Premier ministre vient tout juste d'annoncer qu'il lancerait les concertations opérationnelles avant la fin juin, en vue de la présentation au Parlement de plusieurs textes avant la fin de l'année.
Simplification, clarification, statut de l'élu : les bases sont dans les rapports Woerth et Ravignon ; nous devons maintenant passer aux actes. Critiques de l'AMF, satisfécit mesuré d'Intercommunalités de France, appel de Régions de France à passer aux actes, lignes rouges et satisfactions formulées par l'ADF : ces réactions diverses montrent que chacun fera son miel des 51 propositions.
Certaines sont irritantes, comme sur le mode de scrutin ; d'autres me semblent consensuelles, par exemple sur le statut de l'élu. Sur ce dernier point, un travail de qualité a été accompli au Sénat, mais aussi par les députés Spillebout et Jumel, en liaison avec Dominique Faure. D'autres sujets encore restent en discussion : conseiller territorial, mode de scrutin pour Paris, Lyon et Marseille.
M. André Reichardt. - Et l'Alsace !
M. Christophe Béchu, ministre. - Ce sera l'honneur du Parlement d'en débattre et de trancher. L'objectif est bien d'aboutir à un texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées du RDPI)
M. Mathieu Darnaud. - Après les missions, les rapports, les concertations, place aux actes ! Sans quoi ce n'est pas le travail des élus que vous consacrerez, mais le vieux dicton : « Grands diseux, petits faiseux ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Ingérences étrangères en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie
Mme Lana Tetuanui . - (Applaudissements nourris sur les travées du groupe UC) Monsieur le Premier ministre, en janvier dernier, l'Azerbaïdjan a adopté une résolution soutenant l'indépendance de la Polynésie française, de la Corse et de la Nouvelle-Calédonie. Le mois dernier, une délégation du congrès de Nouvelle-Calédonie et le secrétaire général du parti indépendantiste polynésien ont signé un mémorandum de coopération avec le régime de Bakou. Et il y a quelques jours, des membres indépendantistes de l'assemblée de la Polynésie française se sont rendus sur place pour conclure une coopération sur la décolonisation de la Polynésie française.
Les élus indépendantistes polynésiens se rapprochent de l'Azerbaïdjan, avec pour cheval de bataille la lutte contre le colonialisme français. Et nous laissons faire...
De nombreux travaux parlementaires sont en cours sur les ingérences étrangères. Quelle est la position de la France face à l'alliance des partis indépendantistes de la zone Pacifique ? Comment la France entend-elle garantir la stabilité et la sécurité de nos territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; MM. Rachid Temal et Hussein Bourgi applaudissent également.)
M. Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité, de la francophonie et des Français de l'étranger . - L'Azerbaïdjan a fait le choix de provoquer une crise sans précédent dans ses relations bilatérales avec la France. Bakou multiplie les actions de plus en plus agressives à notre égard. Plus d'une trentaine de manoeuvres informationnelles ont été documentées par Viginum depuis janvier 2023 : nous les dénonçons fermement.
Plusieurs responsables du régime tiennent des discours très hostiles à notre pays, et certains actes s'apparentent clairement à des ingérences. Nous avons relevé avec préoccupation l'invitation par le Parlement d'Azerbaïdjan de responsables indépendantistes polynésiens.
M. Rachid Temal. - Et le gaz azéri ?
M. Franck Riester, ministre délégué. - Je pense aussi à certaines initiatives en direction des indépendantistes calédoniens.
Contre les ingérences, nous voulons bâtir un bouclier de défense démocratique. Pensons aux récentes ingérences ou possibles ingérences russes : étoiles de David dans Paris, mains rouges sur le mémorial de la Shoah, cercueils au pied de la Tour Eiffel. Je salue le travail du Parlement sur ces questions et l'accord intervenu en CMP sur la proposition de loi de Sacha Houlié.
Son vote à quelques jours des élections européennes n'est pas anodin. Car, comme l'a dit le Premier ministre, ce qui se joue dimanche prochain, c'est notre capacité à nous défendre face aux ingérences ! (MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)
Mme Lana Tetuanui. - Le sujet est hautement sensible. Alors que plus de 75 % des Polynésiens veulent rester dans le giron de la République française, le silence de Paris nous interpelle ! (Applaudissements au centre et à droite) Nous attendons des actes forts de l'État prévenir toute manipulation étrangère dans nos territoires si convoités. Nous ne voulons pas vivre ce que subissent en ce moment nos voisins calédoniens ! (Bravo ! et vifs applaudissements au centre et à droite ; MM. Rachid Temal et Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudissent également.)
Aide médicale de l'État
M. Francis Szpiner . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, lorsque nous avons débattu du texte Immigration, la Première ministre, Mme Borne, s'était engagée à mener une réforme de l'aide médicale d'urgence. Voici ce qu'elle écrivait à M. le président du Sénat : « J'ai demandé aux ministres concernés de préparer les évolutions réglementaires ou législatives qui permettront d'engager une réforme de l'AME ». Elle ajoutait vouloir associer les parlementaires à ces travaux, qui, disait-elle, devraient être engagés début 2024.
Vous-même, dans votre discours de politique générale, avez confirmé cet engagement, en expliquant vouloir agir, de préférence par voie réglementaire - ce qui est juridiquement impossible -, avant l'été. L'été commence dans quelques jours, et nous ne voyons rien venir.
Quel est le calendrier du Gouvernement ? La parole de deux Premiers ministres a-t-elle une valeur ? Ces engagements doivent être tenus ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Fargeot applaudit également.)
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention . - L'engagement de l'État, pris par deux Premiers ministres successifs, est ferme. Notre intention est bien de construire, sur la base du rapport de Patrick Stefanini et Claude Évin, une évolution de l'aide médicale de l'État (AME).
Parfois caricaturé, ce dispositif a pour finalité la santé publique. Il protège ses bénéficiaires, mais aussi, par voie de conséquence, la santé de toute la population. Ainsi, l'Espagne a réintroduit un dispositif similaire en 2018 après avoir cru bon de le supprimer, au vu de la résurgence des maladies infectieuses.
M. Xavier Iacovelli. - Tout à fait !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. - Le rapport souligne qu'une réforme réglementaire est possible et en dessine la voie, dans la continuité de l'ajustement d'ampleur mené en 2019 - hélas, sans être salué sur toutes les travées. Il s'agit notamment de lutter contre quelques abus.
Sur ce dispositif essentiel à notre pays, le calendrier sera tenu.
Voix à droite. - Quand ?
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. - Le Premier ministre a l'habitude de tenir ses engagements : il vous le prouvera dans quelques semaines. (Applaudissements sur certaines travées du RDPI)
M. Francis Szpiner. - Par les temps qui courent, on ne dégrade pas une note, mais on ajuste de 400 millions d'euros...
Il vous reste bien peu de temps pour tenir le calendrier annoncé. Pour honorer la parole de deux Premiers ministres, nous devrions avoir un texte dans les quinze jours.
Nous en avons assez de voir se dégrader la parole publique parce que vous ne tenez pas vos engagements ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre-Antoine Levi applaudit également.)
Situation en Nouvelle-Calédonie
Mme Viviane Artigalas . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Monsieur le Premier ministre, l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie a été levé le 28 mai, mais la situation sur place est toujours instable. Des dizaines de barrages sont encore actifs et les renforts militaires, dont des véhicules Centaure, restent présents.
La réalité de la situation de nos concitoyens néo-calédoniens est celle d'un quasi-blocus : ils peinent à s'alimenter, se déplacer, se soigner et risquent de ne pouvoir participer aux élections européennes. Il est donc nécessaire de rétablir l'ordre, certes, mais surtout de renouer avec le processus de négociation et de consensus qui prévaut depuis les accords de Nouméa, seul à même d'aboutir à un accord politique global.
Les élections auront-elles lieu dimanche ? Suspendrez-vous la réforme constitutionnelle ? Organiserez-vous un débat au titre de l'article 50-1 de la Constitution ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Je vous prie d'excuser le ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - C'est le Premier ministre qui est interrogé !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - L'ordre républicain et la tranquillité publique sont fondamentaux. Des actions violentes continuent, mais nous déployons 30 unités de force mobile, avec des renforts du GIGN et du Raid. Près de 4 000 effectifs sont présents, dont 2 500 effectifs des forces de sécurité intérieure.
Vous voulez connaître la situation sur place (protestations sur les travées du groupe SER) : 2 387 personnes, françaises et étrangères, ont été raccompagnées hors du territoire, tandis que 1 012 résidents calédoniens ont regagné leur domicile. L'aéroport a été rouvert, le couvre-feu levé.
Vous avez raison d'appeler de vos voeux des discussions institutionnelles. Le Président de la République l'a dit : les violences, les meurtres, les pillages ne peuvent avoir lieu dans notre démocratie.
M. Rachid Temal. - Et les élections ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Le Président de la République s'est rendu sur place avec l'objectif de réunir toutes les parties prenantes : c'est le sens de la mission de médiation.
Les élections auront bien lieu dimanche prochain. (Exclamations sur les travées du groupe SER)
Mme Viviane Artigalas. - Je vous cite, monsieur le Premier ministre : « On va faire ce qu'il faut pour que les élections européennes puissent se tenir en Nouvelle-Calédonie. » Ce qu'il faut, c'est un signe politique fort avant le 9 juin. Annoncez sans ambiguïté la fin du projet de réforme constitutionnelle, organisez un débat devant le Parlement et adressez un véritable signe d'apaisement aux Néo-Calédoniens, pour que les élections européennes se déroulent sereinement et sans exclure personne ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mmes Raymonde Poncet Monge et Frédérique Puissat applaudissent également.)
Réforme de l'apprentissage
Mme Marie-Do Aeschlimann . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'adresse mes sincères condoléances à la famille de la victime mortellement percutée par un mineur de 14 ans dans les Hauts-de-Seine. Mon soutien va aux élus du département, notamment de Clamart, confrontés à une hausse tragique des délits routiers de mineurs.
Madame la ministre du travail, de la santé et des solidarités, le 13 mai, le Gouvernement a pris un arrêté amputant de plus du tiers l'enveloppe des régions qui finance les centres de formation d'apprentis (CFA).
Sur la forme, cette décision intervient en cours de gestion et sans aucune concertation avec des régions, mises devant le fait accompli. Quel manque de considération ! Régions de France, par la voix de sa présidente, vous demande de reconsidérer votre décision. Le Sénat, chambre des territoires, ne peut que s'associer à cette requête.
Sur le fond, votre décision fragilise l'écosystème artisanal et pénalise l'inclusion des plus fragiles. Ce coup de rabot est, en outre, un mauvais signal envoyé à la jeunesse, que vous encouragez pourtant à se former par la voie de l'apprentissage.
L'apprentissage est-il toujours une priorité du Président de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités . - Madame la sénatrice, plusieurs sénateurs ont appelé le Gouvernement à la nécessaire maîtrise des finances publiques. On ne peut le faire et, dans le même temps, nous demander de ne rien supprimer nulle part !
En 2018, 313 000 jeunes entraient en apprentissage, contre 852 000 en 2023. Vous le voyez, il n'y a pas les diseux et les faiseux, mais ceux qui tiennent leurs engagements.
Nous avons maintenu la prime à l'apprentissage, à 6 000 euros par contrat. En revanche, il est logique de regarder les coûts de ces contrats. Mieux les maîtriser permettra à plus de jeunes d'aller vers l'apprentissage, car deux ans après, 72 % d'entre eux sont en emploi.
Ce soutien sera d'autant plus important qu'en septembre prochain, la France recevra à Lyon les mondiaux de l'apprentissage, les WorldSkills, auxquels je vous invite à participer. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. André Guiol applaudit également.)
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Je vous ai demandé si l'apprentissage était toujours une priorité : vous n'avez pas répondu.
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Si !
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Vos signaux sont ceux d'un désengagement. (M. Martin Lévrier proteste.) Vous baissez les moyens de fonctionnement, vous abandonnez les prépas apprentissage. C'est un très mauvais signal pour nos jeunes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Unités de soins palliatifs
Mme Christine Bonfanti-Dossat . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Alors que l'Assemblée nationale examine la loi sur la fin de vie, les soins palliatifs demeurent en grande difficulté. Comme chaque été, nombre d'hôpitaux, dont celui d'Agen, ont décidé de fermer des lits et de déplacer le personnel dans d'autres services, notamment le personnel de nuit. Alors qu'on meurt plus la nuit que le jour, il est hors de question de laisser quelqu'un mourir seul en soins palliatifs.
Peut-on imaginer un seul instant de désorganiser les services de soins palliatifs, que nous devons à la personne qui va mourir, sans avoir consulté le service concerné ?
Comment vouloir, en même temps, mettre en place un plan inédit de soins palliatifs et laisser la situation se dégrader inexorablement sur le terrain ? Comment expliquez-vous un tel paradoxe ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Brigitte Devésa applaudit également.)
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités . - Madame Bonfanti-Dossat, je vous félicite d'avoir été nommée rapporteur sur le projet de loi fin de vie. Vous le savez, notre pays n'est pas au rendez-vous en matière de soins palliatifs : nous sommes au quinzième rang des pays de l'OCDE.
Le titre I du projet de loi engage des moyens financiers pour les unités de soins palliatifs. Le référentiel doit être respecté : 2,5 médecins par unité, pour douze à quinze lits. Le Gouvernement s'engage à mettre en place un plan décennal de 100 millions d'euros supplémentaires dès 2024.
Pourquoi regroupe-t-on certains services l'été ? Parce que chacun a droit à des vacances ! Les patients qui iront dans ces services à cette période seront soignés, nuit et jour. C'est l'honneur des soignants, je les en remercie. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Christine Bonfanti-Dossat. - Les soins palliatifs deviennent des variables d'ajustement. Je vous parle d'aujourd'hui, de ce qui se passe sur le terrain, d'humanité. Si vous m'écoutiez, madame la ministre...
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Je vous écoute !
Mme Christine Bonfanti-Dossat. - La fraternité, la vraie, c'est bien celle-là ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Philippe Grosvalet applaudit également.)
La séance est suspendue à 16 h 20.
Présidence de M. Mathieu Darnaud, vice-président
La séance reprend à 16 h 30.