Ordonnance de protection (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi allongeant la durée de l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate.
Mme Dominique Vérien, rapporteure pour le Sénat de la CMP . - Un an après la présentation du Plan rouge VIF que nous avons remis au Gouvernement avec Émilie Chandler, nous nous apprêtons à avaliser la sixième réforme des ordonnances de protection depuis leur instauration en 2010 : preuve de l'attention que porte le Parlement à la lutte contre les violences intrafamiliales.
La CMP a maintenu les deux mesures phares du texte : en amont, la création d'une ordonnance provisoire de protection immédiate (OPPI) ; en aval, le doublement de la durée maximale de l'ordonnance de protection.
Elle a également conservé les enrichissements du Sénat. Sur l'initiative d'Olivia Richard, Elsa Schalck et Mélanie Vogel, nous avions précisé dans le code civil qu'il peut y avoir danger même lorsque la cohabitation a pris fin ou n'a jamais eu lieu. Cela répondra à la frilosité de certains juges. Reste qu'il est complexe de confier au juge civil des mesures d'ordre pénal, comme l'a souligné Laurence Rossignol.
En ce qui concerne l'OPPI, je regrette que la personne en danger ne puisse saisir directement le juge aux affaires familiales (JAF), même si je me réjouis de l'extension des mesures qu'il pourra prononcer : suspension de l'autorité parentale ou dissimulation de l'adresse de la victime.
Nous avons aligné les peines encourues pour non-respect d'une OPPI et d'une ordonnance de protection : le juge pourra imposer le port d'un bracelet antirapprochement (BAR) à la personne ayant violé une mesure édictée dans le cadre d'une ordonnance de protection.
Nous avons permis au procureur d'attribuer à la victime un téléphone grave danger.
Grâce à Anne-Sophie Romagny, nous avons adapté le code électoral afin de garantir l'effectivité de la dissimulation de l'adresse de la victime, y compris sur les listes électorales.
Enfin, grâce à Arnaud Bazin, le juge pourra désormais attribuer à la personne en danger la jouissance des animaux de compagnie du couple, qui constituent souvent un moyen de pression pour le conjoint violent.
Ce texte constitue un progrès. Nous suivrons avec attention les textes d'application sur lesquels s'est engagée Mme El Haïry.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. - Bien sûr.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Je connais votre volontarisme, monsieur le ministre, et sais pouvoir compter sur vous.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Oui !
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Aussi je vous invite, mes chers collègues, à adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et SER)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice . - (M. Thani Mohamed Soilihi applaudit.) La CMP a été conclusive, et je suis heureux de voir cette proposition de loi aboutir. Les luttes contre les violences intrafamiliales et conjugales sont un combat sans relâche, avec un niveau de mobilisation et de vigilance rouge - je dirais même « rouge VIF », chère Dominique Vérien, en référence à votre rapport dont le texte reprend l'une des mesures phares : l'ordonnance provisoire de protection immédiate.
Cinq ans après le Grenelle, nous continuons de porter haut cette grande cause. Depuis que je suis garde des sceaux, la lutte contre la récidive et contre les violences faites aux femmes est une priorité de politique pénale, sans cesse rappelée aux procureurs de la République.
Les juridictions ont tous les outils à leur disposition. Les téléphones grave danger sont remplacés automatiquement : leur nombre a été multiplié par six, de 976 en 2020 à 5 693 aujourd'hui. En 2023, plus de mille bracelets antirapprochements ont permis plus de 10 400 interventions, autant de vies sauvées. Les condamnations pour violences ont augmenté de 136 % depuis 2017, de 22 202 à 52 302 en 2023. Le nombre d'ordonnances de protection a explosé.
La création de l'ordonnance de protection immédiate (OPI) est un vrai progrès. Nous étions en 2017 à 42 jours, nous sommes aujourd'hui à 6 jours. Demain, grâce à cette loi, nous passerons à quelques heures.
Ce dispositif inédit confère au juge civil des prérogatives de nature quasi pénale en amont de toute déclaration de culpabilité et surtout en l'absence de contradictoire.
Je souligne le travail accompli par la CMP, qui n'a éludé aucun sujet pour offrir aux juges civils un cadre sécurisé d'interventions urgentes. Mmes Vérien et Chandler ont permis de retrouver les équilibres initiaux du texte tout en le perfectionnant.
Cette proposition de loi allonge la durée de l'ordonnance de protection à douze mois. Elle crée l'OPPI, une mesure essentielle parfaitement articulée avec la saisine du JAF et avec l'action du procureur, seul en mesure de détecter un danger grave et immédiat et d'éviter tout risque d'instrumentalisation. La partie demanderesse pourra manifester son consentement à la protection immédiate lors de la requête initiale - nous le préciserons par une circulaire et modifierons le formulaire de la requête.
Je salue plusieurs apports parlementaires, comme le fait de confier l'animal de compagnie à la personne en danger. Il s'agit de répondre à une réalité et de briser les mécanismes de l'emprise.
La proposition de loi étend également le mécanisme de l'OPPI aux mariages forcés. Elle autorise le juge à suspendre l'exercice du droit de visite et d'hébergement. Elle permet la dissimulation de l'adresse de la personne en danger, jusque sur les listes électorales. Elle harmonise et renforce les sanctions : les peines encourues en cas de non-respect des obligations de l'ordonnance sont désormais fixées à trois ans de prison et à 45 000 euros d'amende.
Je soutiens pleinement ce texte, qui concilie l'urgence de la protection avec la nécessité de ne pas porter atteinte aux libertés. Gage de son efficacité, il sera complété par un décret et par une circulaire d'application décrivant la mise en oeuvre opérationnelle du dispositif. Je veillerai personnellement à la diffusion de tous les outils pratiques qui permettront aux procureurs de détecter les situations les plus urgentes.
Il s'agit d'utiliser toutes les passerelles entre le civil et le pénal, notamment au sein des pôles Violences intrafamiliales. Il faut fluidifier le circuit de l'information pour mieux détecter le danger.
Les juridictions se sont adaptées pour diviser par sept le délai pour prononcer les ordonnances de protection. Le taux d'acceptation est désormais de 70 % ; 3 997 ordonnances de protection ont été délivrées en 2023, contre 1 392 en 2017.
Avec ce texte, nous avons l'occasion de franchir une nouvelle étape, pour agir vite et efficacement. Mon objectif est d'améliorer sans relâche nos outils afin de terrasser ce fléau des violences faites aux femmes. En la matière, il n'y a aucune fatalité, mais une volonté totale d'avancer.
Je vous invite à adopter ce texte le plus largement possible : nous le devons aux victimes et à celles qui risquent de le devenir ; il est grand temps de les sauver. (Applaudissements sur toutes les travées)
Mme Nathalie Delattre . - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Dominique Vérien applaudit également.) Cette proposition de loi fait partie des textes sur lesquels nous sommes fiers d'avoir obtenu un compromis. (M. Éric Dupond-Moretti renchérit.)
Elle répond à un constat toujours aussi alarmant : près de 110 féminicides ont été recensés en 2023 et des centaines de milliers de faits de violences sont commis chaque année. Les ordonnances de protection ont été multipliées par 3,6 entre 2011 et 2021. C'est une satisfaction de voir que les mécanismes fonctionnent - mais un désarroi de les voir inlassablement sollicités.
Les mesures du texte sont pragmatiques et emportent notre adhésion. Je salue le travail de la rapporteure.
L'article 1er double le délai d'application de l'ordonnance de protection, qui passe à douze mois. Il crée également l'OPPI, pour mieux répondre à la détresse des victimes.
Le texte conserve certains apports du Sénat : l'octroi d'un téléphone grave danger, la garde de l'animal de compagnie, la dissimulation de l'adresse de la personne bénéficiant de l'ordonnance de protection.
En revanche, je regrette que d'autres aient été écartés. Ainsi de l'article 1er bis, qui permettait au JAF de dissimuler l'adresse de l'école des enfants. Pour avoir exfiltré des mamans et des enfants de chez eux, je peux dire que nous manquons là un rendez-vous.
La commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) préconisait une procédure judiciaire d'urgence pour les enfants, sur le modèle de l'OPPI. Une proposition de loi de Maryse Carrère, déposée le 10 avril, y pourvoit.
En attendant, le RDSE salue le texte et le votera à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe UC ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Bravo !
M. Thani Mohamed Soilihi . - Le 21 mai dernier, députés et sénateurs réunis en CMP ont trouvé un accord sur cette proposition de loi, dont les enjeux nous rassemblent, comme en témoigne son adoption à l'unanimité à l'Assemblée nationale le 5 mars et le 14 mai au Sénat. Les rapporteurs ont trouvé un compromis, autour de deux mesures majeures : la création de l'OPPI et l'allongement à douze mois de la durée maximale de l'ordonnance de protection.
Le Sénat a enrichi le texte : mise à disposition d'un téléphone grave danger, possibilité pour le juge de se prononcer sur la garde de l'animal de compagnie, dissimulation de l'adresse de la victime, entre autres.
Nous avons eu des débats intéressants, tant en séance qu'en CMP. Ainsi de l'exigence du double critère des violences alléguées et du danger, ou encore de la préférence donnée à l'interdiction de paraître dans certains lieux, notamment l'école des enfants, plutôt que de dissimuler l'adresse de cette dernière.
Nous avons également échangé sur l'application effective de la loi. Monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous nous confirmer que vous poursuivrez et amplifierez la formation à destination des magistrats et des forces de sécurité intérieure ?
Je comprends l'agacement de certains face au refus de dissimuler l'adresse de l'école des enfants. Une telle mesure aurait pu être déclarée inconstitutionnelle ; nous devons aussi être vigilants sur ce point.
Les mesures de ce texte, inédites et dérogatoires aux règles de la procédure civile, notamment le contradictoire, sont sécurisées sans que leur efficacité en soit affectée. Grâce à cet outil, les autorités judiciaires disposeront de moyens spécifiques pour empêcher le pire.
Pour toutes ces raisons, le RDPI votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC)
Mme Laurence Harribey . - (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K) Les demandes d'ordonnances de protection sont passées de 1 600 en 2011 à 6 000 en 2021 ; entre 2019 et 2021, 70 % ont été acceptées. Au 23 mai, nous déplorons déjà 41 féminicides pour l'année 2024. Ce texte est une étape supplémentaire dans le continuum législatif qui se construit pas à pas.
Notre groupe plaide pour un allongement de la durée de l'ordonnance de protection depuis plusieurs années. Michelle Meunier et Laurence Rossignol avaient déposé des amendements en ce sens lors de la loi Taquet en février 2022. Cécile Untermaier a déposé une proposition de loi sur le sujet et j'avais moi-même déposé des amendements à la proposition de loi d'Isabelle Santiago - qui avaient été rejetés. Nous sommes heureux que l'allongement de l'ordonnance de protection devienne réalité.
Nous sommes pleinement favorables à la création de l'OPPI, de même qu'à la saisine du JAF. Nous souscrivons à la suspension provisoire durant l'OPPI du droit de visite de l'auteur présumé des violences ainsi qu'à la dissimulation de l'adresse de la personne en danger sur les listes électorales.
Deux regrets : un amendement de notre groupe visait à dissimuler l'adresse de l'école des enfants aux parents auteurs de violence. Adopté en séance, il n'a pas été retenu en CMP. Nous le redéposerons.
Nous avons également longuement débattu de la notion de danger : nous voulions supprimer le caractère cumulatif des notions de violences et de danger pour le transformer en critère alternatif, mais le débat n'était pas encore mûr. Monsieur le garde des sceaux, vous avez apporté des garanties, qui, je l'espère, éviteront aux juges de retenir ce critère - je pense notamment à une jurisprudence de la Cour de cassation.
Malgré ces remarques, nous voterons ce texte qui constitue un progrès. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et du groupe UC)
Mme Elsa Schalck . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Olivia Richard applaudit également.) Ce texte s'inscrit dans notre combat commun contre les violences conjugales et les violences intrafamiliales. Il complète les outils renforçant les droits des victimes, avec l'allongement de la durée des effets de l'ordonnance de protection de six à douze mois et la création d'un outil inédit, l'OPPI.
Je salue le travail de Dominique Vérien, auteure du rapport Plan rouge VIF.
L'ordonnance de protection a connu six réformes depuis 2010 : c'est un outil pertinent, en témoigne l'augmentation du nombre de demandes.
L'OPPI permettra de répondre en 24 heures aux violences intrafamiliales, c'est un progrès majeur. Je salue également l'allongement de la durée de l'ordonnance de protection.
La CMP a validé la modification de l'article 2 et l'harmonisation des sanctions en cas de violation de l'ordonnance de protection et de l'OPPI. Des moyens doivent être prévus pour que celles-ci soient effectives : combien de sanctions sont réellement prononcées contre ceux qui violent l'ordonnance de protection ? Les victimes continuent à rencontrer des difficultés. J'espère que les pôles Violences intrafamiliales apporteront des réponses concrètes.
Deux points avaient fait débat au Sénat.
Nous étions nombreux à souhaiter que la partie demanderesse puisse déposer une demande d'OPPI. Cela n'a pas été retenu, mais je salue le compromis trouvé : la partie demanderesse pourra apporter des éléments en vue de caractériser un danger grave et immédiat.
Deuxièmement, les conditions d'octroi de l'ordonnance de protection. Le danger peut toujours être présent, même lorsque la cohabitation a pris fin. Je salue la nouvelle rédaction de l'article 515-11 du code civil, qui, désormais, prévoit expressément que l'ordonnance peut être délivrée même en l'absence de cohabitation entre les deux parties.
Notre groupe salue le travail de la CMP et votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC)
Mme Laure Darcos . - La lutte contre les violences conjugales doit être menée sans faillir : plus de 320 000 femmes ont été victimes de violences et 118 femmes sont décédées sous les coups de leur conjoint en 2022 ; une femme meurt en France tous les trois jours. Ces statistiques sont effrayantes.
Cette proposition de loi s'inscrit dans la continuité de notre engagement pour mieux protéger les victimes de violences conjugales, récemment marqué par l'adoption de la proposition de loi sur la justice patrimoniale au sein de la famille.
L'ordonnance de protection est un dispositif indispensable ; le choix d'y recourir plus fréquemment est le corollaire de l'explosion des violences auxquelles les femmes sont confrontées chaque année. Ainsi, 5 800 demandes d'ordonnances de protection ont été comptabilisées en 2022, contre 1 600 en 2011. Le JAF n'a toutefois fait droit à ces demandes que dans 62,5 % des cas.
Sixième réforme depuis 2010, ce texte se traduit par des acquis majeurs. Je me réjouis de l'esprit consensuel qui a présidé à nos débats. La représentation nationale montre ainsi sa volonté de renforcer la protection des victimes et d'assurer la réactivité de l'action judiciaire.
Plusieurs dispositions introduites par le Sénat ont été conservées ; c'est un motif de satisfaction. La possibilité pour le procureur d'accorder un téléphone grave danger aux bénéficiaires d'une OPPI est la mesure la plus efficace en cas de conjoint menaçant. À l'occasion d'une ordonnance de protection, la victime pourra bénéficier de la dissimulation de son adresse.
Je salue le travail de notre rapporteure et son engagement constant en faveur du droit des femmes.
Cette proposition de loi est une nouvelle traduction de notre détermination collective à faire reculer toutes les formes de violence mettant en danger les personnes au sein de leur foyer. Le groupe INDEP la votera. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
Mme Olivia Richard . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Elsa Schalck applaudit également.) Je rends hommage à Dominique Vérien pour son engagement sans faille contre les violences intrafamiliales. Le Plan rouge VIF trace une véritable feuille de route. Mmes Chandler et Vérien ont montré qu'il était possible de lutter concrètement contre ces violences. Ce phénomène, s'il n'est certes pas nouveau, devait être pointé du doigt.
Il est nécessaire de nommer les choses pour qu'elles soient prises en compte : d'où l'apparition du terme féminicide. L'utiliser, c'est reconnaître cette réalité, en prendre la mesure, et la dénoncer. Les nommer pour qu'elles existent, les compter pour qu'elles comptent, voilà l'axe de travail principal de la délégation aux droits des femmes du Sénat.
L'article 1er permet de délivrer une ordonnance de protection quand les enfants sont en danger. Cette clarification d'une virgule permettra de mieux protéger les enfants, également victimes des violences intrafamiliales.
Le texte vise aussi à mieux protéger les femmes qui n'ont pas d'enfant. Être ou ne pas être mère, telle n'est pas la question.
Ce texte comble une faille : la publicité des listes électorales. Ainsi est-il désormais impossible pour le conjoint dangereux de consulter la nouvelle adresse de la victime, grâce au travail de notre collègue Anne-Sophie Romagny.
La victime peut également garder désormais l'animal du couple, afin d'enlever cet outil d'emprise de la main du conjoint violent.
Deux points ont été particulièrement débattus lors de l'examen en première lecture, à commencer par la notion de danger dans la jurisprudence, interprétée de façon trop restrictive. La fin de la cohabitation n'éteint pas la menace, contrairement à ce qu'estiment de nombreux magistrats. Un compromis a été trouvé, les arguments du garde des sceaux ont été entendus. Je félicite Dominique Vérien pour sa démarche pragmatique. Une augmentation rapide du nombre d'ordonnances accordées est attendue.
Nous avons trouvé un compromis sur l'initiative de l'OPPI : elle pourra être demandée par le procureur avec l'accord de la victime ; le nombre d'OPPI accordées fera l'objet d'une grande vigilance.
Grâce à ce texte, les JAF pourront protéger les femmes victimes de mariage forcé. Le juge pourra prononcer une obligation de quitter le territoire français (OQTF). En 2023, douze mariages forcés ont pu être évités à l'étranger grâce à l'action de notre administration consulaire.
OPPI, allongement de la durée de six à douze mois : ce texte marque d'importantes avancées. Nous le voterons avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et CRCE-K ; M. Raphaël Daubet applaudit également.)
Mme Raymonde Poncet Monge . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je prends la parole au nom de Mélanie Vogel.
À chaque fois qu'une femme devient victime de harcèlement, c'est une vie qui est brisée. Pour lutter contre les violences patriarcales, il faut faire de la prévention, poursuivre les agresseurs et protéger les victimes.
Les efforts demeurent insuffisants. L'État ne remplit pas l'objectif légal de dispense des cours d'éducation à la sexualité, qui relèvent bien de la prévention. Un violeur est condamné dans seulement 0,6 % des cas et la protection des victimes reste parcellaire.
Je salue Émilie Chandler et Dominique Vérien qui ont travaillé sur ce texte, que nous soutenons, évidemment. Il complète les mécanismes de l'ordonnance de protection, dont la mise en oeuvre prenait plusieurs jours. Résultat : avant que celle-ci ne soit délivrée, votre agresseur vous retrouvait et redevenait une menace.
C'est pourquoi nous saluons sans réserve la création des OPPI. La liste des mesures pouvant être prononcées pour leur mise en oeuvre a été élargie, je m'en félicite, tout comme de l'octroi des téléphones grave danger et l'allongement des ordonnances de protection de six mois à un an. Nous rattrapons ainsi notre retard par rapport à d'autres pays.
Le Sénat avait adopté des mesures plus protectrices des personnes en danger, mais celles-ci n'ont pas été retenues en CMP, c'est dommage. Ainsi, les victimes ne pourront elles-mêmes demander une OPPI : ce rôle a été confié aux procureurs, mais nous craignons que cette barrière nuise à l'efficacité du dispositif.
Nous souhaitions également revenir sur le critère cumulatif des violences et du danger. Mais la CMP a pointé un risque d'inconstitutionnalité : devancer ainsi la décision du Conseil constitutionnel limite le débat parlementaire.
Même s'il a été amputé de certaines mesures efficaces, ce texte comprend malgré tout des avancées importantes que nous soutenons. C'est pourquoi notre groupe votera les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Dominique Vérien et M. Christophe Chaillou applaudissent également.)
Mme Marie-Claude Varaillas . - (M. Jacques Fernique applaudit.) Les chiffres sont effroyables : 244 000 victimes de violences commises par un conjoint ou ex-conjoint ont été comptabilisées en 2022, 86 % des victimes sont des femmes ; entre 2022 et 2023, les violences intrafamiliales ont augmenté de 9 %. Mon département, la Dordogne, n'est pas épargné ; en 2023, les violences intrafamiliales représentaient 63 % des affaires de coups et blessures volontaires, avec une hausse terrible de 52,8 % selon la préfecture. Derrière ces chiffres : des femmes meurtries, détruites, victimes. Agir est plus qu'un devoir, c'est un impératif.
Je me félicite que nous ayons voté ensemble cette proposition de loi qui crée l'OPPI et renforce l'ordonnance de protection. Instaurée en 2010, cette dernière permet au JAF de statuer sur une situation de danger et de prendre des mesures contre le conjoint violent. Sa durée a été portée à douze mois, c'est une victoire. La création de l'OPPI est aussi une grande avancée : le JAF pourra prendre les mesures de protection afin d'interdire au conjoint ou ex-conjoint violent d'entrer en contact avec la victime, qui peut désormais dissimuler son adresse.
Mais il faut que des formations soient dispensées aux magistrats afin de promouvoir le recours à ces mécanismes et d'unifier les pratiques. Le ministère public n'était à l'origine que de 2 % des ordonnances de protection en 2022. Le besoin de formation est donc criant.
Si la protection des femmes victimes de violences intrafamiliales est indispensable, il faut surtout lutter contre le sexisme, à la racine de toutes ces violences immondes. Selon un rapport de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe paru en 2010, la lutte contre les stéréotypes sexistes est un outil de prévention de la violence de genre.
Le rapport annuel 2024 du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) montre que le sexisme est en augmentation dans la société française. Justifié par la culture patriarcale, le sexisme est un tout. Il procède d'une représentation du monde fondée sur l'inégalité entre femmes et hommes considérée comme naturelle. Il est à l'origine d'un continuum de violences des plus anodines aux plus graves. La lutte contre le sexisme et contre le patriarcat sont indissociables. Sexisme et patriarcat se nourrissent mutuellement, ils avancent et reculent de concert. Plus les femmes s'affirment sur la scène publique, plus les préjugés perdent du terrain.
Nous devons donc lutter ensemble contre ce système patriarcal sous toutes ses formes : dans les entreprises et les administrations, notamment. Sinon nous continuerons de perdre du terrain.
Notre groupe, unanime, votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST ; Mme Dominique Vérien applaudit également.)
M. le président. - En application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat statue par un seul vote sur l'ensemble du texte.
La proposition de loi est adoptée.
(Applaudissements)
La séance est suspendue à 20 heures.
Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président
La séance reprend à 21 h 30.