Disponible au format PDF Acrobat


Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Modifications de l'ordre du jour

Accord en CMP

Bilan de l'application des lois

Mme Sylvie Vermeillet, présidente de la délégation du bureau chargée du travail parlementaire, du contrôle et du suivi des ordonnances

Mme Marie Lebec, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques

M. Philippe Paul, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales

M. Didier Mandelli, vice-président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport

M. Claude Raynal, président de la commission des finances

M. Christophe-André Frassa, vice-président de la commission des lois

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes

Mme Marianne Margaté

Mme Nathalie Delattre

M. Bernard Buis

Mme Marion Canalès

Mme Muriel Jourda

M. Aymeric Durox

M. Alain Marc

M. Olivier Cadic

M. Ronan Dantec

Intervention des cabinets privés (Deuxième lecture)

Discussion générale

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques

Mme Cécile Cukierman, rapporteure de la commission des lois

M. Michel Masset

Mme Nicole Duranton

Mme Audrey Linkenheld

M. Arnaud Bazin

M. Joshua Hochart

M. Dany Wattebled

M. Jean-Michel Arnaud

M. Guy Benarroche

M. Éric Bocquet

Discussion des articles

Article 1er

Mme Nathalie Goulet

Article 1er bis (Supprimé)

Article 3

Après l'article 5

Article 5 bis (Supprimé)

Article 6

Article 10

Article 11

Article 12

Article 13

Article 14

Article 15

Article 16

Après l'article 16

Article 17

Article 18

Article 19

Vote sur l'ensemble

Mme Nathalie Goulet

M. Éric Bocquet

Mme Audrey Linkenheld

Mme Catherine Morin-Desailly

Mme Cécile Cukierman, rapporteure de la commission des lois

M. Guy Benarroche

M. Arnaud Bazin

Prise en charge des mineurs en questionnement de genre

Discussion générale

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, auteure de la proposition de loi

M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Question préalable

Mme Mélanie Vogel

Modification de l'ordre du jour

Prise en charge des mineurs en questionnement de genre (Suite)

Mises au point au sujet de votes

Discussion de la motion préjudicielle

Mme Anne Souyris

Discussion générale (Suite)

M. Xavier Iacovelli

Mme Laurence Rossignol

Mme Muriel Jourda

M. Stéphane Ravier

Mme Marie-Claude Lermytte

Mme Brigitte Devésa

Mme Anne Souyris

Mme Silvana Silvani

Mme Véronique Guillotin

Mme Laurence Muller-Bronn

Mme Pascale Gruny

Discussion des articles

Article 1er

M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Cécile Cukierman

M. Hussein Bourgi

M. Bruno Retailleau

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Mme Mélanie Vogel

Article 2

Article 3

Mme Laurence Muller-Bronn

Vote sur l'ensemble

M. Ian Brossat

Mme Silvana Silvani

M. Rémi Féraud

Mme Mathilde Ollivier

M. Joshua Hochart

Mme Marie-Do Aeschlimann

M. Daniel Chasseing

M. Yan Chantrel

Mme Olivia Richard

Mme Anne-Sophie Romagny

Mme Mélanie Vogel

Mme Anne Souyris

Mme Muriel Jourda

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales

Ordre du jour du mercredi 29 mai 2024




SÉANCE

du mardi 28 mai 2024

89e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de Mme Sophie Primas, vice-présidente

Secrétaires : Mme Catherine Di Folco, Mme Patricia Schillinger.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté.

Modifications de l'ordre du jour

Mme la présidente.  - À la demande du Gouvernement, nous commencerons le débat sur le thème « La France a-t-elle été à la hauteur des défis et de ses ambitions européennes ? » inscrit à l'ordre du jour du mercredi 29 mai au plus tôt à 21 heures.

Il en est ainsi décidé.

Par ailleurs, conformément à ce qui a été décidé par la Conférence des Présidents réunie le 15 mai dernier, nous pourrions inscrire à l'ordre du jour du 5 juin à 16 h 30, la création d'un groupe de travail préfigurant la commission spéciale chargée d'examiner, sous réserve de son dépôt, le projet de loi relatif à la résilience des activités d'importance vitale, à la protection des infrastructures critiques, à la cybersécurité et à la résilience opérationnelle numérique du secteur financier, et, le cas échéant, la désignation de ses 37 membres. Les candidatures devront être communiquées avant le 4 juin à 15 heures.

Il en est ainsi décidé.

Enfin, par lettre en date du 24 mai, le Gouvernement retire de l'ordre du jour du Sénat l'examen en deuxième lecture de la proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, initialement inscrite à l'ordre du jour des 19 et 20 juin prochains.

En conséquence, le Sénat ne siégera pas le lundi 17 juin et examinera le projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables le mardi 18 juin à 14 h 30 et le soir, le mercredi 19 juin en dernier point de l'ordre du jour ainsi que le jeudi 20 juin à 11 heures et l'après-midi.

Acte est donné de cette demande.

Nous pourrions en conséquence reporter le délai limite pour l'inscription des orateurs des groupes au lundi 17 juin à 15 heures.

Il en est ainsi décidé.

Accord en CMP

Mme la présidente.  - La commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Bilan de l'application des lois

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le bilan de l'application des lois.

Mme Sylvie Vermeillet, présidente de la délégation du bureau chargée du travail parlementaire, du contrôle et du suivi des ordonnances .  - Compte tenu de l'urgence du défi climatique et du retard de la France en matière d'énergies renouvelables, le Gouvernement avait engagé la procédure accélérée sur le projet de loi relatif à l'accélération des énergies renouvelables, déposé en septembre 2022. Le Sénat l'avait donc examiné dans des délais contraints. Pourtant, ce texte affichait au 31 mars un taux d'application de 26 % seulement.

Ce n'est pas tout de voter la loi, encore faut-il que les textes d'application soient pris dans les temps, dans le respect de la volonté du législateur. C'est pourquoi, depuis plus de 50 ans, le Sénat mène un travail de suivi de l'application des lois. Les commissions assurent toute l'année une veille, rendue possible par le dialogue nourri avec les administrations et le secrétariat général du Gouvernement (SGG).

Au cours de la session précédente, 44 lois ont été adoptées, dont 11 d'application directe et 33 nécessitant des mesures d'application.

Premier constat : leur taux d'application s'établit à 63 %, contre 65 % l'année dernière. Il s'élève à 68 % sans tenir compte des mesures différées, soit un niveau identique à 2021-2022. Le délai d'application se situe, pour la deuxième année consécutive, sous la limite de six mois fixée par le Gouvernement dans une circulaire de 2008. Nous ne revenons toutefois pas au taux d'application de la fin des années 2010 : 78 % de 2017-2018. Ainsi, 206 mesures d'application sur 574 n'ont pas été prises, soit 36 %.

Deuxième constat, les lois issues de propositions de loi affichent un très faible taux d'application : 43 %, vingt points de moins ! Quand ces mesures sont prises, elles le sont en moyenne sept mois et neuf jours après la promulgation de la loi.

Pour la loi Permis de conduire du 21 juin 2023, aucune mesure d'application, sur les trois prévues, dont celle concernant l'utilisation élargie du compte personnel de formation (CPF) pour tous les permis. Le taux d'application de la loi « ZAN 2 », qui assouplit la loi Climat et résilience, est de seulement 25 %, avec un seul décret. Quant à la loi du 19 mai 2023 sur les centres de santé, le Gouvernement avait fait pression sur le Sénat pour une adoption conforme en vue d'une application rapide. Pourtant, aucun des cinq décrets n'a été pris.

Troisième constat, pour la session 2022-2023, les lois examinées après engagement de la procédure accélérée présentent, paradoxalement, des taux d'application en baisse, à 50 % seulement. Le Gouvernement ne s'astreint pas à la célérité qu'il impose au Parlement, pour les 26 lois sur 44 ayant fait l'objet de cette procédure...

Concernant la loi de programmation militaire 2024-2030, 23 mesures d'application n'ont toujours pas été prises, notamment sur le renforcement du lien entre la Nation et ses armées ou les réserves opérationnelles. En outre, cinq mesures relatives à la crédibilité stratégique, attendues avant février 2024, se font attendre.

Mon quatrième constat porte sur la remise des rapports du Gouvernement au Parlement. Le Sénat n'a demandé que 15 rapports cette année, contre 57 pour l'Assemblée nationale. Cette parcimonie commence à être récompensée, avec un taux de remise des rapports demandés par le Sénat de 27 %, contre zéro au cours de la session précédente. Madame la ministre, encore un petit effort ! (Mme Marie Lebec hoche la tête.)

Au-delà de la quantité, les commissions insistent sur la qualité des rapports transmis. Ainsi, la loi de finances pour 2023 prévoyait la remise d'un bilan sur le dispositif national d'évaluation de la qualité de l'action publique : le Gouvernement s'est contenté d'un rapport de présentation de 25 pages, sans aucun chiffrage...

Je conclus cette intervention par un satisfecit, accompagné d'une requête. Depuis le 1er janvier 2024, le SGG suit également la publication des arrêtés nécessaires à l'application des lois. C'est à saluer. Nous comptons désormais sur le Gouvernement pour qu'il nous transmette un tableau de suivi des arrêtés pour l'année prochaine. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC)

Mme Marie Lebec, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement .  - Je salue la qualité du rapport de Mme Vermeillet. Ce débat est un temps fort du calendrier. Au 31 mars 2024, hors mesures différées, le taux d'application était de 69 %, contre 74 % l'an passé. Ce taux s'est toutefois nettement amélioré si l'on prend en compte les mesures prises depuis le 31 mars : 75 %, contre 78 % à la fin mai 2023.

Ce taux global doit continuer à progresser. Certains retards s'expliquent en partie par l'augmentation du nombre de renvois au règlement et par la concentration des mesures d'application à 80 % sur les ministères du travail, de l'économie et de la transition écologique.

Je constate aussi un écart entre les taux d'application des lois d'origine gouvernementale et les lois d'origine parlementaire. Mais en comparant les mesures demandées par le Gouvernement et par le Parlement, toutes lois confondues, l'écart n'est que de quatre points.

Le taux de réponse aux demandes de rapport formulées par le Parlement est de 35 %, contre 43 % sur la session précédente. Je suis à votre disposition pour alerter les ministères concernés.

Sur les ordonnances prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement n'a formulé que 39 demandes d'habilitation depuis le début de cette législature, contre 353 sous la précédente.

Comme le Gouvernement s'y était engagé devant vous l'an passé, le SGG, dont je remercie les agents, a engagé une démarche de suivi des arrêtés, demande ancienne et légitime du Sénat. Nous vous en présenterons un bilan lors du prochain débat.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques .  - Cinq ans après la publication de la loi Énergie et climat de 2019, la loi quinquennale sur l'énergie, censée être adoptée avant le 1er juillet 2023, n'a toujours pas été présentée. Pire, le Gouvernement a renoncé à légiférer sur le projet de loi sur la souveraineté énergétique en mars, mais aussi sur la programmation énergétique en avril !

Décider d'une stratégie nationale bas-carbone (SNBC) par décret, alors que les objectifs de 2019 sont obsolètes, serait contraire à la volonté du législateur, et même périlleux au plan juridique. Madame la ministre, mesurez-vous le risque de contentieux ? Entendez-vous les critiques du Sénat ? Soutenez-vous la proposition de loi déposée en ce sens par le groupe Les Républicains, dont nous débattrons le 11 juin ? (M. Philippe Mouiller applaudit.)

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - L'impératif du Gouvernement est de donner de la visibilité aux acteurs économiques face à l'urgence climatique. Je salue l'investissement des sénateurs Gremillet et Chauvet sur ce point.

Face à l'urgence, nous assistons à une forme de guerre de religion entre pro nucléaires et partisans des énergies renouvelables. Le Gouvernement a adopté une position pragmatique : sortir du fossile, développer l'atome, promouvoir le renouvelable. Une consultation nationale sera lancée d'ici à l'été. (M. François Bonhomme ironise.)

Le Gouvernement prévoit des mesures législatives de protection des consommateurs.

Nous relancerons la filière hydroélectrique en surmontant le contentieux en cours au niveau européen. Le Parlement y sera associé.

Lors de l'examen de votre proposition de loi, le ministre chargé de l'industrie et de l'énergie vous fera part de l'avancée des travaux.

M. François Bonhomme.  - Belle information !

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques.  - Ne pas inscrire ce débat n'est pas du pragmatisme, mais un contournement du Parlement ! Nous débattrons de ces sujets importants ici même. J'espère que le Gouvernement saura se saisir de cette proposition de loi. (Mme Béatrice Gosselin applaudit.)

M. Philippe Paul, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - La loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 présente un taux d'application de 30 %, avec neuf décrets publiés et vingt-trois mesures restant à prendre, dont certaines auraient dû l'être depuis décembre dernier, notamment sur le renforcement du lien armées-nation, ou en février, sur la crédibilité stratégique. Au vu du contexte géopolitique, la commission souhaite que les décrets soient pris dans les meilleurs délais. Une innovation de la LPM est la commission parlementaire d'évaluation de la politique d'exportation de matériels de guerre, prévue par l'article 54. Ses membres ont été désignés et devaient se réunir prochainement.

Quant à la loi du 4 août 2021 relative au développement solidaire, elle est pleinement applicable depuis l'exercice précédent, d'autant que nous venons d'adopter la loi du 5 avril 2024 relative au fonctionnement de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement.

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - La LPM traduit une ambition sans précédent visant à faire de notre pays une puissance militaire de premier plan. De nombreux décrets ont déjà été publiés, dont ceux du 20 décembre 2023 sur la carte du combattant et du 21 décembre 2023 sur la promotion fonctionnelle du personnel militaire. Les derniers arbitrages sur la réserve opérationnelle sont en cours.

Sur la modernisation des réquisitions, le Gouvernement souhaite aboutir avant le 1er août. Des mesures ont été prises en matière d'économie de défense, notamment le décret du 28 mars 2024 sur la sécurité des approvisionnements.

Sur la crédibilité stratégique, manquent deux décrets relatifs aux articles 60 et 61, qui viendront prochainement.

Les rapports sur le service national universel (SNU) et la programmation militaire devraient être publiés dans les prochains jours.

Les rapports sur la mise en oeuvre des articles 47 à 51 devraient être publiés entre le 30 juin et le 30 septembre, conformément à la loi.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales .  - Le retard des mesures d'application sur trois textes en matière de santé est emblématique de la manière de légiférer.

Nous avions subi une forte pression pour adopter conforme la proposition de loi relative aux centres de santé, mais aucune mesure n'était prise au 31 mars dernier !

De même, seules six des vingt mesures d'application de la loi Rist 2 étaient prises fin mars, soit 30 %.

Enfin, la loi Valletoux du 27 décembre 2023 suit le même chemin, avec un taux d'application de 8 % seulement. Or le Gouvernement avait refusé de repousser l'examen du texte, arguant de l'urgence...

Mieux vaudrait une véritable stratégie en matière de santé et commencer par appliquer ce que le Parlement a voté, qui reste trop souvent lettre morte ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - L'accès aux soins est une priorité du Gouvernement et de votre commission, dont je salue le travail.

Les décrets relatifs, entre autres, aux diététiciens et opticiens devraient être publiés dans les prochains jours.

Le décret simple sur l'expérimentation de l'accès aux infirmiers en pratique avancée doit faire l'objet d'un décret complémentaire en Conseil d'État, avec un avis de l'Académie de médecine attendu mi-juin. Un nouveau vecteur législatif est nécessaire pour deux autres décrets sur la prévention et le traitement des plaies.

Concernant la loi sur les centres de santé, la Cnil rendra son avis le 6 juin prochain. Ce délai s'explique par le grand nombre de consultations. Le Gouvernement travaille pour répondre à vos demandes dans les meilleurs délais.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales.  - Nous n'avons pas la même définition de l'urgence. Aujourd'hui, les promesses restent des mots et l'application tarde. Préférez les projets de loi aux propositions de loi, vous aurez ainsi des études d'impact et gagnerez du temps !

M. Didier Mandelli, vice-président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Le bilan de l'application des lois revient avec une régularité métronomique, mais la monotonie de nos constats confine à la litanie... L'autorité réglementaire adopte rarement la même célérité qu'un législateur contraint par les procédures accélérées.

Publié voilà quatre ans, la loi de 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité (OFB) prévoit un décret sur les modalités de la constitution et de la mise à jour du fichier national du permis de chasser. Quatre ans et demi après, il reste lettre morte, sur une question régalienne ! Le Conseil d'État devient un allié de poids : il a sommé le Gouvernement de prendre les mesures dans les prochains mois, à peine d'une astreinte de 200 euros par jour, rappelant l'obligation pour le pouvoir réglementaire d'agir dans un « délai raisonnable ».

Quand paraîtra ce décret, réclamé par une assemblée législative et l'autorité réglementaire ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Un premier projet de décret avait recueilli un avis favorable du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage (CNCFS), mais la Cnil a formulé des réserves sur la protection des données. La nouvelle mouture n'a pas eu l'avis favorable du CNCFS, lequel a voté unanimement, à l'issue d'échanges supplémentaires, un nouveau projet, sur lequel la Cnil se prononcera dans un délai de trois mois.

M. Didier Mandelli.  - Je reprendrai donc attache avec vous début septembre. Je salue la jurisprudence du Conseil d'État selon laquelle le pouvoir exécutif est tenu de prendre les textes d'application prévus par la loi. Il est regrettable que les mises en garde du Sénat n'aient pas suffi...

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport .  - Le bilan de l'application des lois est contrasté pour la commission de la culture.

Il est ainsi satisfaisant pour les lois relatives à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliation et visant à démocratiser le sport en France, mais les mesures d'application d'autres textes se font attendre.

Ainsi, sur la loi pour l'école de la confiance, votre prédécesseur promettait le décret prévoyant les coopérations entre les établissements médico-sociaux et les établissements scolaires pour les élèves en situation de handicap avant la fin 2023.

Sur la loi de programmation de la recherche, qui a un excellent taux d'application, quel est le calendrier des deux dernières mesures non encore mises en oeuvre ? Dans quel délai un bilan sera-t-il tiré ?

Quant à la loi sur le respect du droit à l'image des enfants, la seule mesure d'application du texte demeure non publiée. Cette loi est-elle définitivement abandonnée par le Gouvernement ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Concernant la loi pour une école de la confiance, la mise en oeuvre de la coopération avec les établissements médico-sociaux nécessite un texte législatif, avec en vue la rentrée 2025. Quant au dispositif intégré pour les personnes présentant des difficultés psychologiques, il a fait l'objet d'une grande concertation avec les associations, pour une finalisation fin juin.

S'agissant de la loi sur le droit à l'image des enfants, la frontière entre les deux régimes prévus par la loi est difficile à établir et le régime d'autorisation préalable est complexe à établir.

Sur la loi de programmation de la recherche, la seule mesure, sur trente-cinq, qui reste à prendre, sur les chaires de professeur junior, se heurte à l'absence de vivier. L'objectif d'émergence de praticiens hospitaliers-professeurs universitaires à haut potentiel scientifique appelle d'autres mesures, dont certaines sont déjà mises en oeuvre.

S'agissant la clause de revoyure, la ministre vous répondra.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances .  - Le taux de mise en application est en baisse de six points hors mesures différées. Deux remarques positives toutefois : les délais de publication continuent de diminuer et la quasi-totalité des mesures issues d'une initiative sénatoriale ont été adoptées.

La loi de finances initiale pour 2023 compte quatorze mesures d'application encore non prises fin mars.

De même, pour la réserve douanière prévue par la loi Douane du 18 juillet 2023, quand les textes seront-ils pris ? Je rappelle que le Gouvernement justifiait sa création en vue des Jeux...

L'article 26 de la loi organique révisant la Lolf autorise le président et le rapporteur général de la commission des finances des deux assemblées à accéder aux documents couverts par le secret statistique ou fiscal, mais les mesures d'application ne sont pas prises. Peut-être le Gouvernement considère-t-il que le droit commun s'applique ?

Enfin, certaines mesures sont inappliquées depuis plus de dix ans. Le Gouvernement compte-t-il faire une revue des mesures à abroger ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Sur les douanes, deux décrets vont être publiés prochainement sur la réserve opérationnelle et sur la lecture automatisée de plaques d'immatriculation (Lapi). Le décret sur la réserve opérationnelle des douanes soulève d'importants enjeux de formation et de recrutement et fait actuellement l'objet d'échanges entre les douanes et la police nationale.

Sur l'accès aux informations couvertes par le secret statistique et fiscal, la DGFiP répond déjà aux questions des rapporteurs généraux. Les articles 14 à 18 du décret du 20 mars 2009 permettent l'application pleine et entière de cet article.

Nous souscrivons à votre proposition d'abrogation des dispositions inappliquées depuis plus de cinq ans. Le SGG mènera une étude.

M. Christophe-André Frassa, vice-président de la commission des lois .  - Permettez-moi de souligner une évolution positive : l'amélioration de six points du taux d'application. Cependant, les délais annoncés par le Gouvernement sont souvent trompeurs, créant de l'imprévisibilité.

S'agissant de la loi 3DS, l'échéancier publié sur Légifrance prévoyait la prise du décret concernant Clipperton fin juillet 2022 ; il a finalement été pris en décembre 2023, avec 17 mois de retard. Quant au décret sur les jours d'ouverture de certains établissements commerciaux, promis pour juillet 2022, il reste attendu par les élus locaux.

Le décret sur le port d'armes, prévu par la loi Sécurité globale, a été publié en octobre 2023, soit avec deux ans de retard. L'absence de fiabilité laisse le Parlement et les citoyens dans une incertitude dommageable.

Que comptez-vous faire pour annoncer des délais réalistes ? Une mise à jour du programme d'application serait une première étape.

On regrette, par exemple, que l'échéancier d'application de la loi Silt mentionne encore une mesure prévue pour juin 2018...

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Dès la promulgation d'une loi, le SGG publie et transmet au Parlement un échéancier. Des réunions de suivi ont lieu et des bilans sont réalisés chaque semestre et un comité interministériel est convoqué en septembre pour accélérer la publication des mesures en retard.

Le Gouvernement se fixe comme objectif de publier les mesures sous six mois, ce qui fut le cas pour 65 % d'entre elles au cours de la XVIe législature, seules 12 % étant prises après un an.

Pour la loi sur l'occupation illicite des logements, un échéancier a été mis en ligne sur le site de Légifrance avec un peu de retard, certes.

Sur l'article 11 de la loi 3DS, ces mesures sont contraires au droit de l'Union européenne, aussi le décret ne pourra être pris. Sur cette loi, 93 % des 75 mesures réglementaires sont déjà prises.

Pour l'article 14 de la loi Silt, appliquée à 90 %, une réflexion est en cours pour regrouper son application avec celle de l'article 57 de la loi Immigration.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes .  - J'aborde le suivi des résolutions européennes, dont la commission des affaires européennes a récemment publié le bilan. Sur la base des textes reçus, dix-huit résolutions européennes ont été adressées au Gouvernement par le Sénat. Dans plus de la moitié des cas, les positions du Sénat ont été prises en compte en totalité ou en majorité. Nous sommes reconnaissants du suivi du secrétariat général des affaires européennes (SGAE) qui, cette année, nous a transmis la quasi-totalité des fiches attendues.

Après les félicitations, j'en viens à une préoccupation récurrente : celle des ordonnances de transposition du droit européen dans la législation nationale. Le règlement du Sénat confie à la commission des affaires européennes une mission de veille sur les surtranspositions, mais encore faut-il disposer de l'information nécessaire de la part du Gouvernement... Nous réitérons nos demandes de 2022 et 2023 : le Gouvernement peut-il fournir la liste et le calendrier des mesures qu'il envisage de transposer par ordonnance ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Le recours aux ordonnances représente 3 % des mesures de transposition, en général des mesures techniques, le Gouvernement privilégiant l'inscription en dur dans un projet de loi de type Ddadue.

Le recours aux habilitations est encadré par mon ministère, le SGG et le SGAE. Les demandes doivent être justifiées. Il a été demandé de présenter des projets d'ordonnances pour éclairer les parlementaires. L'habilitation impose déjà une échéance pour la prise de ces ordonnances. Il revient donc au ministre d'informer les commissions de l'avancement des travaux.

Les travaux de transposition ont lieu sous l'égide du SGAE : nous avons un déficit de transposition de seulement 0,1 %.

Mme Marianne Margaté .  - Chaque année, le Parlement examine le bilan de l'application des lois et chaque année, nous faisons le même constat : les procédures accélérées sont légion et injustifiées, et le Gouvernement fait un recours systématique aux ordonnances, ce qui démontre son incapacité à proposer des textes. Le Gouvernement ne cesse de rabâcher son souci d'efficacité, mais sans doute craint-il la contradiction.

Malgré la loi Descrozaille, la grande distribution continue de contourner la réglementation nationale. Pire, le rapport que le Gouvernement doit publier avant le 1er octobre de chaque année ne l'a jamais été.

Quant à la loi votée en urgence en novembre dernier pour modifier le calendrier des négociations commerciales, elle n'a pas endigué la vie chère, en métropole comme dans les outre-mer. En outre, faute de sanctions, les lois Egalim ne sont toujours pas appliquées dans les faits. Vous faites adopter au Parlement des dispositions inutiles, car hors délai, inutiles, car inapplicables, inutiles, car inefficaces !

Madame la ministre, quand prendrez-vous en compte la détresse de nos concitoyens, quand ferez-vous appliquer les lois que nous votons en procédure accélérée ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Les lois Egalim permettent d'améliorer et de rééquilibrer les relations entre les distributeurs et les agriculteurs. Je salue les travaux du groupe sénatorial de suivi, notamment les contributions d'Anne-Catherine Loisier, de Daniel Gremillet et de Michel Raison.

La loi Egalim 3 est pleinement appliquée avec l'arrêté du 30 juillet 2023. Deux mesures réglementaires n'ont pas été prises, faute de besoin, sur le seuil de revente à perte majoré et les pénalités logistiques en cas de situation exceptionnelle.

Le rapport SRP+10 est en cours d'élaboration avec la DGCCRF, et celui qui porte sur les marges de distribution a été remis au Parlement. Le rapport annuel que vous évoquez sera remis avant le 1er octobre 2024.

Les parlementaires seront associés à la préparation d'Egalim 4.

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Les lois Egalim permettent d'améliorer et de rééquilibrer les relations entre les distributeurs et les agriculteurs. Je salue les travaux du groupe sénatorial de suivi, notamment les contributions d'Anne-Catherine Loisier, de Daniel Gremillet et de Michel Raison.

La loi Egalim 3, promulguée le 30 mars 2023, est pleinement appliquée avec l'arrêté du 31 juillet 2023. Deux mesures réglementaires n'ont pas été prises faute de besoin : la fixation de la liste des produits pour lesquels le seuil majoré de revente à perte est applicable et la fixation des pénalités logistiques en cas de situation exceptionnelle.

Le rapport SRP+10 est en cours d'élaboration avec la DGCCRF. Celui qui porte sur les marges de distribution a été remis au Parlement. Le rapport annuel que vous évoquez sera publié avant le 1er octobre 2024.

Les parlementaires seront associés aux travaux préparatoires d'Egalim 4.

Mme Nathalie Delattre .  - Je salue le travail de Sylvie Vermeillet.

La procédure accélérée limite la sérénité et la profondeur des travaux. Nous ne respectons jamais le délai de quinze jours entre l'examen en commission et la séance publique.

Une fois le texte adopté, le bilan reste en trompe-l'oeil : la baisse du nombre de lois votées devrait aboutir à une hausse du taux d'application, non une stabilisation. Toutefois, les mesures tendent à être publiées dans un délai raisonnable inférieur à six mois.

Derrière cette normalité, des textes restent bloqués et l'exécutif s'offre une trop grande marge de manoeuvre. Ainsi, en février dernier, Maryse Carrère a fait adopter une proposition de loi favorisant l'accès à des pharmacies dans les communes rurales, afin de contraindre le Gouvernement à publier avant fin 2024 le texte d'application d'une ordonnance datant de 2018. Comment éviter cette spirale mortifère ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Je connais l'engagement résolu du RDSE et de la présidente Carrère en faveur de l'accès aux soins.

Prévu par l'ordonnance du 3 juillet 2018, un décret doit définir les territoires fragiles du point de vue sanitaire, où nos concitoyens disposent d'un accès aux soins souvent insuffisant. Les démarches ont été interrompues par la pandémie et des demandes divergentes des acteurs de terrain.

Deux critères ont été définis au terme d'un travail mené par la Drees, en liaison avec les ARS. Il s'agissait de procéder en deux temps : détermination d'une part de population régionale, puis délimitation des territoires. Mais des ARS ont signalé un risque de rigidité, tandis que des représentants des professions concernées ont réagi défavorablement.

La méthodologie a donc été retravaillée. Le Gouvernement veillera à ce que cette mesure soit rapidement applicable pour traiter des situations comme celle de Saint-Quentin-de-Baron, sur laquelle vous nous avez alertés.

M. Bernard Buis .  - L'artificialisation des sols est un sujet explosif, mais il faut l'aborder, pour l'environnement, la biodiversité et la société dans son ensemble.

S'il y a consensus sur l'objectif, sa mise en oeuvre d'ici 2050 pose problème. Face aux inquiétudes, il faut préciser les dispositifs, renforcer l'accompagnement des territoires et favoriser une approche coopérative et coordonnée conciliant sobriété foncière, développement territorial et réduction des inégalités.

Nous devons revoir notre modèle d'aménagement : l'État doit être au rendez-vous pour accompagner les élus et leur donner de la visibilité.

Le Gouvernement a publié trois décrets d'application en novembre 2023. Quelles sont les autres suites réglementaires envisagées, notamment sur le calendrier ?

Des commissions régionales de conciliation sont prévues, composées d'élus locaux, mais d'autres acteurs pourraient être associés à titre consultatif. En particulier, comment assurer une coordination plus forte avec les acteurs économiques ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - En effet, nombre d'élus locaux s'interrogent sur le ZAN. Je salue les travaux menés au Sénat par Valérie Létard et Jean-Baptiste Blanc.

Après l'adoption de la loi du 20 juillet 2023, avec le soutien du Gouvernement, trois décrets d'application ont été pris. Ils définissent des seuils de référence pour la détermination des zones artificialisées - réglant la question des pistes cyclables ou des jardins publics -, précisent les modalités de révision des documents d'urbanisme et fixent des critères de territorialisation pour les activités agricoles, dans l'esprit souhaité par MM. Anglars et Delcros.

La composition des commissions régionales de conciliation a été précisée, à la demande du Sénat.

Nous avons apporté des réponses opérationnelles à nos élus pour les aider à relever les défis du ZAN. Mais il reste du chemin à faire : c'est essentiel notamment pour notre réindustrialisation et la relance de la construction de logements. Le Gouvernement est à la disposition du Sénat pour continuer d'avancer.

Mme Marion Canalès .  - La procédure accélérée est presque devenue la norme, mais les mesures d'application ne suivent pas. Pourtant, les textes que nous votons sont le reflet d'attentes fortes.

En matière de protection de l'enfance, seulement 37 % des mesures d'application de la loi Taquet avaient été prises l'an dernier, déplorait la présidente Deroche. Cette loi est toujours loin d'être entièrement applicable, en dépit de l'engagement du Gouvernement de rendre 75 % des mesures opérationnelles à l'été dernier. Notre groupe a saisi le Conseil économique, social et environnemental (Cese) sur les conditions d'application du texte.

Sur le projet de loi de réforme des retraites aussi, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée. Il aura été plus prompt à appliquer l'article 1er de ce texte, supprimant les régimes spéciaux, que son article 24, qui instaure une bonification pour les sapeurs-pompiers volontaires... Combien d'interpellations faudra-t-il pour que cette mesure soit enfin prise ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Je connais l'engagement de votre groupe en matière de protection de l'enfance. Charlotte Caubel s'était engagée à publier 75 % des décrets d'application de la loi Taquet ; cet engagement a été tenu, avec 18 mesures prises sur 23. La mesure relative au délai d'opposabilité en cas de retrait d'agrément nécessite au préalable une base nationale d'agréments. Un décret sera publié après consultation de la Cnil.

S'agissant de l'article 32, sur la protection maternelle et infantile, le Gouvernement attend les assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant. Notre objectif est de publier le décret au dernier trimestre 2024.

Enfin, pour ce qui est de l'article 24 de la loi de réforme de retraites, il n'y aura pas de décret au rabais - Gérald Darmanin l'a dit. Des discussions interministérielles sont en cours pour une adoption dans les meilleurs délais.

Mme Marion Canalès.  - Pour la loi Taquet, les décrets les plus faciles ont été pris, mais il aura fallu des drames avant qu'on se décide à interdire les placements de mineurs en hôtel. Je rappelle que ce texte a été voté il y a plus de deux ans et demi !

Mme Muriel Jourda .  - La loi Immigration et intégration que nous avions votée a été largement dépecée par le Conseil constitutionnel, à la demande du précédent gouvernement.

Il en reste toutefois quelque chose, et, d'après Légifrance, une dizaine de décrets devaient être pris en avril ou mai. Où en sommes-nous ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Le délai de six mois après la promulgation pas encore échu. Vingt-trois mesures sont à prendre, ainsi que trois éventuelles et quatre différées.

Les arrêtés nécessaires ont été pris rapidement sur des points essentiels, comme l'instruction à 360 degrés et la liste des départements soumis à une pression particulière.

Les travaux d'élaboration des autres mesures aboutiront d'ici la fin de l'été. Il s'agit notamment du contrat d'engagement au respect des principes de la République, des conditions de placements en rétention et des chambres territoriales de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).

Mme Muriel Jourda.  - Je suis bien consciente que le délai de six mois n'est pas écoulé. Je faisais référence au délai que le Gouvernement s'est lui-même fixé. Il ne reste déjà pas grand-chose de ce texte : hâtons-nous de l'appliquer !

M. Aymeric Durox .  - Le rôle du Parlement consiste aussi à se pencher sur la réalité de l'application des normes.

L'inflation législative dégrade la compétitivité de nos entreprises et abîme le lien entre le vote d'un texte et son application effective. À cet égard, le prétendu nouveau monde a perpétué le pire de l'ancien ! Avec 45 millions de mots dans les textes en vigueur, comment affirmer que nul n'est censé ignorer la loi ? Comment appliquer une législation de plus en plus abondante et complexe ?

Le droit européen, surtransposé - une fierté des macronistes -, aggrave encore le problème. Les agriculteurs qui criaient leur colère il y a quelques semaines peuvent en témoigner.

Comment mieux appliquer la loi sans en créer sans cesse de nouvelles ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Le Gouvernement s'efforce d'atteindre un taux général d'application de 75 %, dans la continuité des années précédentes. Mais certaines mesures peuvent prendre plus de temps, notamment du fait de concertations, obligatoires ou non, et de difficultés imprévues. Le Gouvernement veille à ce que les ministères respectent leurs engagements. Nous travaillons à un rattrapage rapide des mesures en retard.

M. Alain Marc .  - Cet exercice annuel est un moment essentiel de nos travaux. Nous félicitons Mme Vermeillet pour son rapport.

Il fait état d'un taux d'application de 64 %, identique à celui de l'année dernière. Pas de progrès non plus pour le délai moyen de parution : cinq mois et vingt-trois jours, trois jours de plus que l'an dernier.

De manière paradoxale, ce délai n'est pas plus rapide pour les lois votées en procédure accélérée - 26 sur 44 au cours de la dernière session. C'est même le contraire : il est supérieur à six mois. Pouvez-vous nous apporter des éclaircissements ?

D'autre part, pourquoi la moitié seulement des mesures d'application des lois adoptées en procédure accélérée ont-elles été prises, contre 63 % lors de la session précédente ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - L'usage plus fréquent de la procédure accélérée est une réalité de long terme : elle permet de convoquer une CMP dès la fin de la première lecture.

C'est également une demande fréquente des parlementaires pour les propositions de loi, afin qu'elles aboutissent dans un délai raisonnable : 60 % d'entre elles ont fait l'objet d'une procédure accélérée.

Au total, près de 80 % des lois promulguées ont fait l'objet d'une procédure accélérée. Le Gouvernement ne distingue pas les lois selon les procédures : il a pour toutes la même exigence d'application dans des délais raisonnables.

M. Olivier Cadic .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Notre groupe appuie les félicitations adressées à Mme Vermeillet.

La LPM prévoit 4 milliards d'euros pour la cyberdéfense, contre 1,6 milliard dans la programmation précédente. Allez-vous en préciser l'échelonnement annuel ? Et ces moyens seront-ils sanctuarisés, compte tenu de l'accroissement de la menace cyber ? Dans ce domaine, sur 4 600 postes prévus pour 2023, seuls 3 502 étaient comptabilisés comme « armés » : seront-ils pourvus cette année ?

Par ailleurs, la recrudescence des incidents en mer de Chine témoigne de la volonté de Pékin de s'approprier la zone. Un amendement à la LPM prévoit que la France, seul pays européen présent dans l'Indo-Pacifique, contribue à la défense du droit à la circulation maritime dans cette région. Or, il y a quelques jours, la marine chinoise a encerclé Taïwan après que le président Lai Ching-te a déclaré qu'il défendrait la démocratie sur l'île. La France dispose-t-elle d'un plan d'intervention maritime dans l'éventualité d'un blocus chinois ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Les 4 milliards d'euros prévus sur la durée de la programmation seront échelonnés selon une logique de montée en puissance. La hausse est de 33 % cette année et sera plus forte encore l'année prochaine. Sur la période, nous voulons augmenter de 25 % les effectifs consacrés au cyber pour faire face aux nouvelles menaces.

En mer de Chine méridionale, la France souhaite garantir la pleine liberté de navigation. Des moyens sont déployés, en provenance des territoires d'outre-mer ou de l'Hexagone, dont des frégates multimissions. Des bâtiments français franchissent régulièrement le détroit de Taïwan, de manière autonome. Nous poursuivrons dans cette voie, conformément à l'esprit de votre amendement à la LPM.

M. Ronan Dantec .  - Mme Vermeillet l'a souligné : seules 26 % des mesures d'application de la loi d'accélération des énergies renouvelables ont été prises, malgré la dramatisation des enjeux par la ministre Pannier-Runacher et une forme d'union sacrée au Sénat - pensez donc : Les Républicains et le GEST ont voté ensemble ! (Sourires)

En particulier, nous ne voyons pas venir le décret sur le partage de la valeur, dispositif essentiel pour mobiliser les territoires. Pouvez-vous nous assurer qu'il sera pris rapidement ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Le dispositif de partage territorial de la valeur a connu de fortes évolutions, notamment sous l'impulsion du Sénat. Je connais votre engagement sur ce sujet.

La loi prévoit une obligation de financement par les lauréats des appels d'offres de projets favorables, notamment, à la biodiversité. Les modalités doivent être précisées par décret.

Un premier projet a été soumis à la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et au Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), mais l'éventualité d'un financement plus direct a été envisagée, conduisant au réexamen du projet - au vu aussi de l'impact du dispositif sur le budget de l'État.

Le taux global d'application de cette loi est de 46 %. Je partage votre avis : il faut progresser.

M. Ronan Dantec.  - Votre réponse ressemble à un enterrement de première classe... Les COP régionales ne fonctionnent pas. Mais quand le décret sur le partage de la valeur n'est pas publié et que la mise en oeuvre du fonds territorial climat est reportée de près d'un an, comment s'étonner que les territoires ne se mobilisent pas ?

La séance est suspendue quelques instants.

Intervention des cabinets privés (Deuxième lecture)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, à la demande des groupes Les Républicains et CRCE-K.

Discussion générale

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques .  - Ce texte vise à renforcer la puissance publique en précisant les conditions de recours aux cabinets externes. Ma position est constante et cohérente : oui, l'État doit pouvoir faire appel à des compétences extérieures quand il en est dépourvu en son sein ; et oui, il doit se réarmer en compétences et se doter d'un cadre renforcé pour le recours aux prestations extérieures.

La recherche du cadre le plus efficace possible a guidé les travaux des deux assemblées, qui sont parvenues à des points d'équilibre sur certains points.

Le Gouvernement n'a pas attendu l'aboutissement de ce travail législatif pour établir un cadre. La circulaire du 19 janvier 2022 a fixé le cap d'une diminution de 15 % des dépenses de recours aux conseils externes. Nous avons fait mieux : baisse de 35 % en 2022 et division par trois en 2023.

En outre, nous avons renforcé la transparence de ces dépenses à travers un document budgétaire annuel, qui comporte une revue par ministère.

J'ai instauré un accord-cadre interministériel, entré en vigueur en janvier 2023, qui intègre très largement les recommandations du rapport de la commission d'enquête sénatoriale.

Enfin, nous avons renforcé les compétences internes de l'État en créant une agence de conseil interne, qui compte cinquante-trois agents, soixante-quinze à la fin de l'année. Elle est déjà très active, dans des domaines aussi variés que l'éducation, la santé ou le médico-social. Je lui ai confié la mission de cartographier les compétences de chaque ministère, en vue de les renforcer.

Autant de preuves de la volonté sincère du Gouvernement d'instaurer un cadre efficace, proportionné et concret pour l'intervention des cabinets privés. Je crois possible de réaliser cet objectif partagé et salue le travail mené en commission il y a quelques jours pour trouver un équilibre en termes de proportionnalité. L'obligation de déclaration à la HATVP a été recentrée sur les profils d'encadrement et de supervision et, en matière informatique, sur les prestations comportant une part de stratégie : c'est un bon équilibre.

Vous ne serez pas surpris de ma constance sur les points qui restent en débat. Sur chacun d'eux, j'ai veillé à faire des propositions. Je crois que, si nous divergeons sur les moyens, nous nous accordons sur les finalités.

Je propose ainsi l'intégration dans le droit commun des sanctions de la HATVP. Je défendrai aussi des amendements sur la mobilité public-privé, les activités bénévoles des consultants et les professions de leur conjoint, les établissements publics industriels et commerciaux (Épic) soumis à concurrence et la rétroactivité de la loi.

Enfin, le recours aux prestations de conseil peut concerner aussi les collectivités territoriales. Ces dernières ne figuraient pas dans le périmètre de travail de la commission d'enquête. L'Assemblée nationale a réalisé une mission flash et souhaité une transposition des mesures les moins contraignantes aux collectivités territoriales, avec un seuil de population. Je comprends que le cadre applicable aux collectivités doit être spécifique. C'est l'un des points qui restent en discussion.

Je forme le voeu que nous continuions à avancer concrètement. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Cécile Cukierman, rapporteure de la commission des lois .  - En octobre 2022, nous avons adopté en première lecture la proposition de loi d'Éliane Assassi et Arnaud Bazin traduisant les préconisations de la commission d'enquête sénatoriale sur l'influence croissante des cabinets de conseil privé sur les politiques publiques.

Monsieur le ministre, vous vous étiez engagé à ce que la navette parlementaire se poursuive rapidement. Je regrette que le Gouvernement n'ait pas engagé la procédure accélérée sur ce texte et ne l'ait pas inscrit à l'ordre du jour d'une semaine gouvernementale. C'est dire sa volonté de le voir aboutir rapidement... Il a fallu attendre plus d'un an pour qu'il soit inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Elle l'a adopté le mois dernier, mais dans une version amoindrie.

C'est grâce aux travaux du Sénat que les avancées ont eu lieu. Notre assemblée avait vu juste en dénonçant un phénomène tentaculaire appelant un effort d'encadrement et de transparence. Nous avons besoin d'un cadre légal unifié, contrôlé et sanctionné.

La commission des lois a apporté des modifications au texte de l'Assemblée nationale. Certains ajustements ne modifient la rédaction de l'Assemblée nationale qu'à la marge. Pas moins de neuf articles ont même été adoptés par la commission sans modification.

En revanche, nous avons rétabli sur plusieurs points le texte adopté en première lecture par notre assemblée. De fait, l'Assemblée nationale a souvent revu à la baisse les ambitions du Sénat, notamment en matière de déontologie. Nous nous réjouissons toutefois qu'elle ait accepté de garantir la transparence, avec une évaluation systématique de la prestation.

Nous nous félicitons aussi que, en dépit du Gouvernement, les députés aient maintenu à l'article 3 la publication d'un rapport recensant les prestations de conseil sollicitées par le Gouvernement et les établissements publics. C'est d'autant plus nécessaire que le jaune budgétaire ne respecte pas les obligations légales.

La commission a rétabli en grande partie la rédaction initiale de l'article 3 et y a adjoint l'obligation de publication en format ouvert, initialement inscrite à l'article 4, ce dernier demeurant supprimé.

Nous avons veillé à ce que les obligations créées soient proportionnées et les sanctions adaptées et efficaces.

Je salue l'adoption par l'Assemblée nationale de l'obligation faite aux prestataires et consultants de procéder à une déclaration exhaustive, exacte et sincère de leurs intérêts. La commission a recentré cette obligation sur les personnels d'encadrement et de supervision pour en exempter les consultants junior, affectés à des tâches d'exécution.

En revanche, à l'article 12, la suppression du pouvoir de contrôle sur place de la HATVP a semblé dommageable à la commission, qui l'a rétabli. Elle persiste à considérer que le recours à la sanction pénale n'est guère adapté ; nous avons donc rétabli le régime de sanction administrative adopté en première lecture par le Sénat.

Le périmètre du texte a été discuté lors de la première lecture. Par souci de compromis, nous avons accepté des modifications substantielles opérées par l'Assemblée nationale. À l'article 1er, nous avons ainsi accepté le seuil de 65 millions d'euros de dépenses de fonctionnement fixé pour les établissements publics nationaux.

En revanche, l'intégration des collectivités territoriales au texte ne nous paraît pas acceptable. En presque deux ans, le Gouvernement a maintenu une position de principe sans même consulter les associations d'élus. Heureusement, le Parlement l'a fait. Mais pas de faux suspense : la commission a émis un avis défavorable sur le rétablissement de l'article 1er bis demandé par le Gouvernement.

La commission vous invite à adopter ce texte, qui rétablit les ambitions du Sénat tout en acceptant nombre de modifications opérées par l'Assemblée nationale. Cette deuxième lecture illustre ainsi l'intérêt de faire vivre le débat parlementaire. Je forme le voeu que nous n'ayons pas à attendre à nouveau un an et demi pour que l'Assemblée nationale se prononce... (Applaudissements à gauche)

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Je n'étais pas encore sénateur lors de la publication du rapport de la commission d'enquête. Je me suis plongé dans ses temps forts, notamment l'intervention d'un dirigeant de McKinsey à propos d'une mission, payée près de 500 000 euros, destinée à évaluer les évolutions du métier d'enseignant : de quoi laisser perplexe...

Cette proposition de loi traduit la volonté de réguler certains errements en encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés. Il est nécessaire de légiférer en la matière pour gagner en transparence et mieux protéger les données de l'administration. Deux ans après le dépôt de ce texte, il est temps d'aboutir.

Le RDSE est profondément attaché à un État fort, garant de l'intérêt général et affirmant sa souveraineté face aux cabinets privés. Cette proposition de loi est la bienvenue. Nous nous réjouissons que la commission ait rétabli un certain nombre de mesures votées par le Sénat en première lecture, s'agissant notamment de l'encadrement des allers-retours entre l'administration et les cabinets de conseil.

Pour autant, le Sénat ne se montre pas dogmatique, par exemple en maintenant le seuil de 65 millions d'euros de budget de fonctionnement pour les établissements publics.

Les articles 17 et 18 visent une meilleure protection des données de l'administration, qui ne doivent pas être diffusées à son insu.

Reste la question des collectivités territoriales. Les arguments les excluant du périmètre de la loi sont audibles, mais n'effaceront pas les potentielles critiques. Leur exclusion du champ de l'article 1er bis paraît la bonne solution pour avancer rapidement, en l'absence d'étude approfondie sur la question. Veillons aussi à ne pas alourdir la charge administrative des collectivités.

Nous voterons à l'unanimité cette proposition de loi, avec le vif espoir que la navette aille à son terme. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et du GEST)

Mme Nicole Duranton .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce texte est essentiel au renforcement de la transparence et de la probité dans nos institutions. Membre de la commission d'enquête, je souligne la qualité de nos travaux et leur conclusion unanime : la nécessité de réguler l'intervention des cabinets de conseil dans les politiques publiques est plus que jamais d'actualité - il y va de l'intégrité de l'action publique.

Ce texte a fait l'objet de débats nourris. J'en retiens la volonté partagée d'un encadrement strict de l'intervention des cabinets de conseil. Des divergences subsistent sur le champ d'application du texte et les sanctions. Toutefois, nous avons trouvé des compromis, notamment sur la transparence. Il est fondamental que les consultants ne prennent pas part aux décisions administratives et ne soient pas confondus avec des fonctionnaires ou des contractuels.

Le Gouvernement agit depuis plusieurs années pour encadrer le recours aux cabinets privés. En particulier, une agence de conseil interne a vu le jour il y a quelques semaines ; à la fin de l'année, 75 consultants contribueront en son sein à réduire le recours aux cabinets privés. Je salue le travail moteur des agents de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP).

Il faut se souvenir que les prestations de conseil, bien que plus fréquentes depuis 2007, sont une composante historique du fonctionnement de l'État. Elles sont irremplaçables lorsqu'un projet se construit dans la technicité et l'urgence.

Fruit d'un travail collectif qui dépasse les clivages politiques, ce texte vise un équilibre entre nos besoins administratifs et les impératifs de transparence et d'intégrité. Je renouvelle mon voeu que le processus législatif aboutisse à un texte équilibré et efficace ; son équilibre est la condition de son efficacité, et je salue à cet égard le travail de la rapporteure Cukierman.

L'encadrement renforcé du recours aux cabinets de conseil permettra à notre administration de rester intègre, efficace et digne de la confiance de nos concitoyens. Ce texte est indispensable et très attendu : le groupe RDPI le votera. (Mme Cécile Cukierman applaudit.)

Mme Audrey Linkenheld .  - Un phénomène tentaculaire : voici comment la commission d'enquête qualifiait l'intervention des cabinets privés dans la conception de nos politiques publiques. De fait, en 2021, elle représentait plus de 1 milliard d'euros. Pis, certaines missions facturées plusieurs milliers d'euros ne débouchaient en réalité sur rien...

C'est l'opacité des relations entre les cabinets et l'administration qui a rendu cela possible. D'où le soutien apporté par le groupe SER tant aux travaux de la commission d'enquête qu'à cette proposition de loi, qui permet de lutter contre le foisonnement incontrôlé des cabinets et la dépossession de l'État.

Nous voyons revenir ce texte au Sénat avec soulagement, et même avec satisfaction ; nous craignions qu'il fût enterré par le Gouvernement, alors que la commission d'enquête soulignait l'urgence de légiférer sur le sujet.

À l'Assemblée nationale, la majorité et l'exécutif ont plus affaibli qu'amélioré le texte, avec l'exclusion des Épic et de la majorité des établissements de santé, tandis que les pouvoirs d'enquête et de sanction de la HATVP sont amoindris. Nous présenterons des amendements visant à assortir de sanctions le pouvoir de contrôle accordé à la Cnil sur l'utilisation des données non personnelles associées au livrable des cabinets de conseils privés.

Principal changement apporté par la chambre basse : l'ajout des collectivités de grande taille dans le champ d'application du texte. Mais personne n'est dupe ! Pris la main dans le sac, le Gouvernement veut faire diversion en jetant le doute sur les collectivités territoriales avec un amendement sorti de son chapeau à l'Assemblée nationale, sans aucune étude d'impact ou concertation avec les associations d'élus. Cette disposition ne fait que perturber le processus législatif et fragiliser le compromis entre les deux chambres. Notre groupe s'y opposera !

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Audrey Linkenheld.  - Les missions des collectivités sont distinctes et les contrôles auxquels elles sont soumises déjà bien établis. Nous espérons que les députés se rallieront à notre position -  c'était d'ailleurs la conclusion de la mission flash menée par l'Assemblée nationale...

Le texte examiné aujourd'hui a retrouvé son ambition initiale. Nous nous en satisfaisons, car nous sommes favorables à la transparence entre les administrations et les cabinets de conseil. Il faut mieux valoriser en outre les ressources humaines internes de nos administrations. Les fonctionnaires ont non seulement des compétences équivalentes à celles des cabinets de conseil, mails ils ont un petit plus : le sens de l'intérêt général et du service public.

Nous saluons les efforts déjà menés par l'administration, mais les manoeuvres dilatoires du Gouvernement à l'Assemblée nationale montrent que la loi doit encadrer ces pratiques, en vue de restaurer la confiance de nos concitoyens dans l'action publique.

Le groupe SER votera cette proposition de loi ainsi rétablie par la commission des lois. (Mme Cécile Cukierman applaudit.)

M. Arnaud Bazin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nathalie Goulet applaudit également.) « Phénomène tentaculaire dans un contexte d'opacité et de risque déontologique majeur » : tels étaient les termes retenus par la commission d'enquête que j'avais l'honneur de présider, Éliane Assassi en étant la rapporteure. Ce rapport a eu un fort retentissement et a fait l'objet de 3,5 millions de publications et de partages sur les réseaux après sa parution.

Phénomène tentaculaire, avec au moins 1 milliard d'euros dépensé en 2021. Phénomène tentaculaire, car les cabinets de conseil sont intervenus sur des sujets majeurs, tels que la gestion de la crise sanitaire ou l'aide juridictionnelle, notamment. Solliciter un cabinet de conseil est devenu une habitude !

Pourtant, les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous. On comprend pourquoi les consultants préfèrent rester « behind the scenes » comme dit McKinsey... (Sourires) Un rapport sur l'avenir du métier d'enseignant, facturé 496 800 euros, et une prestation visant l'encadrement supérieur, facturée 558 900 euros, n'ont ainsi eu aucune suite ! (Mme Nathalie Goulet et M. Bruno Sido renchérissent.)

Nous avons identifié des risques déontologiques majeurs : conflits d'intérêts, pratique du pro bono, pantouflage des administrations vers les cabinets de conseil, risque de réutilisation des données, notamment.

Les membres de la commission d'enquête ont donc déposé une proposition de loi, adoptée à l'unanimité par le Sénat le 10 octobre 2022. Toutefois, il a fallu attendre quinze mois pour qu'elle soit examinée par l'Assemblée nationale ! (M. Joshua Hochart renchérit.)

Le Gouvernement veut mettre la poussière sous le tapis par tous les moyens... Ainsi de la circulaire du Premier ministre publiée le jour même de l'audition de Mme de Montchalin par notre commission d'enquête ou de la conférence de presse lunaire de Mme de Montchalin et de M. Dussopt en pleine campagne présidentielle, tout comme la publication d'un jaune budgétaire insuffisant, ou encore la tentative d'extension de la proposition de loi aux collectivités territoriales, sans qu'aucune donnée fiable soit disponible sur le sujet.

Après une énième manoeuvre dilatoire, une mission d'information sur le périmètre de la proposition de loi -  fait inédit dans l'histoire du Parlement  - , le texte a enfin été examiné par l'Assemblée nationale.

Pourtant, nous avons toujours dit que le recours par l'État aux prestations de conseil était parfaitement légitime quand il est nécessaire. Mais il doit être encadré, notamment sur le plan déontologique.

Si la version issue de la commission des lois de l'Assemblée nationale respectait l'esprit du texte, la version sortie de la séance le dénature. L'exclusion d'établissements publics d'importance comme l'ANRU ou l'Ademe, le renvoi de la définition des prestations à un décret à la main du Gouvernement, la réduction drastique des obligations de publicité, la limitation des pouvoirs de la HATVP ou la non-application de la loi aux contrats en cours le montrent bien.

Je remercie donc la rapporteure et les membres de la commission des lois d'être revenus sur ces graves reculs.

J'ai toutefois déposé quelques amendements ; l'un d'eux vise à supprimer le décret censé préciser le périmètre des prestations concernées, qui risque de déstabiliser le texte. Nous avons un fâcheux précédent, avec le décret du 9 mai 2017, concernant l'inscription au registre des représentants d'intérêts, qui a considérablement rogné l'esprit de la loi Sapin II. (Mme Nathalie Goulet renchérit.) Maintenir un décret du même type dans le présent texte amoindrirait sa portée.

Personne ne connaît la liste des prestations de conseil de l'État ni de ses opérateurs et si le texte était voté tel qu'issu de l'Assemblée nationale, nous ne serions pas près de la connaître !

Transparence, contrôle, déontologie : ce sont autant d'exigences démocratiques de base qui seraient menacées si cette démarche n'allait pas à son terme. La question du rapport des gouvernements des mandats d'Emmanuel Macron aux cabinets de conseil privés se poserait alors de façon aiguë.

Malgré les réticences du Gouvernement, il faut revenir à l'ambition initiale du texte. C'est une exigence démocratique, une demande des citoyens, alors même que trois enquêtes pénales sont en cours sur le sujet ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et CRCE-K, ainsi que sur quelques travées du GEST et du groupe SER)

M. Roger Karoutchi.  - Bravo !

M. Joshua Hochart .  - Phénomène d'ampleur considérable, menace pour notre démocratie et la souveraineté de l'État : depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Élysée, les dépenses consacrées à ces cabinets ont plus que doublé.

Les consultants de McKinsey ont même participé à la campagne de 2017, dans l'opacité la plus totale.

Des faits concrets illustrent la privatisation rampante de l'action publique : McKinsey s'est vu confier la gestion de la crise du covid pour 12 millions d'euros, sans que personne le sache ! Le même a reçu 4 millions d'euros pour proposer la baisse des APL.

La souveraineté de l'État est en jeu, y compris sur des sujets stratégiques. Un encadrement strict et des garde-fous sont indispensables pour éviter les pires dérives. Le recours aux cabinets de conseil doit être l'exception, non la norme.

Nous voterons donc ce texte, première étape utile, tout en présentant des amendements visant à intégrer les régions et les départements qui prennent des décisions majeures avec des budgets parfois proches de ceux des ministères.

Nous souhaitons aussi faire la lumière sur les prestations informatiques, sur le recours aux cabinets étrangers ou sur les contrats de maintenance applicative.

N'oublions pas que nous disposons de hauts fonctionnaires, issus de concours prestigieux, présentant une expertise pointue. Accordons-leur la priorité, faisons leur confiance, en leur donnant les moyens d'exercer leurs missions.

L'heure est grave. Ne laissons pas se poursuivre cette privatisation insidieuse et la perte de souveraineté de notre État. Réaffirmons la primauté de l'intérêt général. Saisissons cette occasion historique de redonner tout son sens à l'action publique !

M. Dany Wattebled .  - La polémique née du recours aux cabinets de conseil par l'État continue avec la deuxième lecture de ce texte. En 2022, les Français ont été surpris d'apprendre que près de 800 millions d'euros leur avaient été versés en 2021. À quoi servent nos 5 millions de fonctionnaires s'il faut avoir ainsi recours au privé ?

Mais, derrière les polémiques, voici les faits : les trois quarts des prestations concernaient l'informatique.

L'État n'est pas seul à recourir aux conseils extérieurs. Pas moins de 557 millions d'euros ont été dépensés par les collectivités territoriales en matière de conseil.

La rapporteure a choisi de retirer les collectivités territoriales de la liste des entités soumises au texte. Notre groupe s'en réjouit : celles-ci n'y ont recours que lorsque cela est nécessaire. Mais l'Assemblée nationale a le dernier mot, et pourrait les inclure de nouveau...

Nous avons mieux à faire que de confier à la HATVP la mission d'animer une nouvelle commission de sanctions alors qu'elle manque de moyens.

À terme, le risque est d'imposer de nouvelles obligations aux collectivités territoriales. Renforçons plutôt les moyens de lutte contre le vrai problème, le pantouflage : les allers-retours incessants entre public et privé sont inacceptables. Un seul aller-retour doit être possible.

Donnons à la HATVP les moyens de réaliser ses missions dans les meilleures conditions.

En majorité, le groupe INDEP s'abstiendra, car cette proposition de loi nous paraît dangereuse pour les collectivités territoriales.

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Ce texte est le fruit d'un long travail parlementaire. La commission d'enquête a tiré deux enseignements majeurs.

Premièrement, le caractère systématique du recours aux cabinets de conseil, preuve de leur force de frappe et de leur capacité d'adaptation. Pourtant, c'est paradoxal, car l'administration dispose déjà de compétences variées.

Deuxièmement, la plupart des prestations extérieures ont été réalisées par quelques groupes en situation de quasi-oligopole, ce qui soulève des questions éthiques et politiques, voire des risques d'ingérence. En 2021, plus de la moitié des prestations de conseil ont été effectuées pour le compte de trois ministères régaliens : l'intérieur, la défense et les finances.

À la suite de la commission d'enquête, le Gouvernement a présenté quelques mesures, via la création d'un service de conseil interne au sein de la DITP, par exemple.

Sans transparence, point de confiance : le législateur ne pouvait rester immobile, d'où l'examen de cette proposition de loi.

Je salue la rapporteure pour son travail. L'impératif de transparence passe par l'encadrement accru du recours aux cabinets de conseil, avec une extension des prestations concernées ; les cabinets de conseil auront aussi l'interdiction d'utiliser tout signe distinctif de l'administration. D'autres mesures visent à parer toute tentative d'influence, comme l'utilisation obligatoire de la langue française ou l'interdiction des prestations gratuites.

La commission des lois a fait preuve d'un esprit de compromis. Cependant, l'intégration des collectivités territoriales de plus de 100 000 habitants constitue un point de divergence avec les députés. Nous nous y opposons : le code général des collectivités territoriales et le code de la commande publique encadrent déjà le recours aux cabinets de conseil par les collectivités territoriales.

Le champ de la commission d'enquête n'incluait pas les collectivités territoriales. Par quel tour de prestidigitation ont-elles été incluses dans le texte ? Ce n'est qu'un écran de fumée pour masquer l'attitude de l'État.

Le texte vise aussi à instaurer un cadre déontologique s'imposant aux cabinets de conseil. La commission a rétabli une mesure supprimée par les députés : le contrôle, sur place et sur pièce, confié à la HATVP, qui garantit la crédibilité du dispositif de contrôle introduit par la loi. S'y ajoute un régime de sanctions administratives.

J'espère que cette deuxième lecture ne sera pas de façade et que la navette sera fructueuse. Le groupe UC votera le texte ainsi amendé par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions)

M. Guy Benarroche .  - Nous nous retrouvons plus d'un an et demi après l'examen en première lecture de ce texte ; ces délais sont bien trop longs.

Cette proposition de loi fait suite aux révélations sur le scandale des cabinets de conseils depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron, qui avait pourtant promis une République exemplaire, avec la fin du pantouflage et plus de transparence !

La commission d'enquête a mis en évidence des dysfonctionnements majeurs. Ainsi de la mission sur la petite enfance confiée à Boris Cyrulnik : un cabinet privé a ensuite été missionné sur le même sujet pour un demi-million d'euros... Les travaux du Sénat ont montré ces défaillances que le présent texte entend combler.

C'est bien l'absence de transparence sur les contrats qui est en cause. Le problème s'est certes réduit. Contraint par la médiatisation de l'affaire McKinsey, le Gouvernement a divisé par trois son recours aux cabinets de conseil entre 2021 et 2022 et a réduit de 15 % les dépenses de conseil en stratégie. Mais, à la même période, le cabinet McKinsey a été sélectionné pour un marché de 75 millions d'euros, alors que la firme fait toujours l'objet d'une enquête pour blanchiment aggravé de fraude fiscale, sans parler de la saisine de la justice par le Sénat le 25 mars pour soupçon de faux témoignages (Mme Nathalie Goulet le confirme.)

Les sociétés de conseil sont perçues comme un moyen simple et agile de pallier le problème des plafonds d'emplois. Mais cela crée un cercle vicieux infernal : la baisse de compétences des services publics entretient le recours à ces cabinets. Nous sommes en présence de pompiers pyromanes qui ne donnent pas à l'administration les moyens d'agir.

Nous approuvons le travail de la commission. Nous avons toutefois déposé de nouveaux amendements ; l'un d'eux vise à expressément interdire le recours aux prestataires privés pour la rédaction des études d'impact et des exposés des motifs des projets de loi.

Nous attendons du Gouvernement qu'il réduise le recours aux cabinets de conseil et qu'il permette à la HATVP de fonctionner correctement.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

M. Guy Benarroche.  - Notre groupe votera cette proposition de loi dans la version issue de la commission des lois (Mmes Nathalie Goulet et Cécile Cukierman applaudissent.)

M. Éric Bocquet .  - Il aura fallu l'engagement des Républicains et de notre groupe pour que ce projet de loi soit inscrit à l'ordre du jour.

M. Alain Chatillon.  - Très bien !

Mme Nathalie Goulet.  - Et nous ?

M. Éric Bocquet.  - Je salue l'ancienne présidente de notre groupe, Éliane Assassi, ainsi qu'Arnaud Bazin.

M. Roger Karoutchi.  - Très bien !

M. Éric Bocquet.  - C'est peu dire que le Gouvernement s'est employé à lutter contre cette proposition de loi transpartisane, avec une circulaire visant à encadrer le volume et le recours au cabinet de conseil le jour même de l'audition d'Amélie de Montchalin. « Qu'ils aillent au pénal ! », s'était ensuite écrié Emmanuel Macron avec fébrilité.

Déposée en 2022, cette proposition de loi n'a jamais été reprise par le Gouvernement. Adoptée en octobre 2022 au Sénat, elle a été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale quinze mois après. La machine à saper le travail parlementaire s'est mise en route. Dès l'examen en commission des lois à l'Assemblée nationale, l'ambition du texte a été amoindrie, malgré le travail de Nicolas Sansu et Bruno Millienne. Marie Lebec a indiqué vouloir réarmer l'État ; c'est tout ce que nous voulons !

Mais réarmer l'État, pour le Gouvernement, c'est tout au plus créer une agence de conseil interne, qui existait déjà : la DITP.

Vous auriez divisé les dépenses par trois depuis 2021 dites-vous, mais aucun document ne l'atteste et votre jaune budgétaire est lacunaire. Il ne peut y avoir de transparence sans information ni sanction. (Le micro de la tribune dysfonctionne ; l'orateur achève son discours en élevant la voix.)

Seulement 9,6 millions d'euros en 2023 pour solde de tout compte. Ce n'est ni suffisant ni acceptable, donnons-nous les moyens de la transparence ! Cette proposition de loi est nécessaire, nous la voterons. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

La séance est suspendue quelques instants.

Discussion des articles

Article 1er

Mme Nathalie Goulet .  - Je tiens à dire tout le mal que je pense de la façon dont ce texte a été traité - façon massacre à la tronçonneuse. Il n'est pas si fréquent que tous les orateurs disent à ce point la même chose !

Monsieur le ministre, le mépris exprimé à l'égard du travail Sénat sur le pantouflage ou la transparence est inacceptable. Pour redonner de la crédibilité à la parole publique et au travail parlementaire, ce texte doit aboutir, dans la version du Sénat. Le travail d'Arnaud Bazin et d'Éliane Assassi est remarquable ; nous y avons tous participé. Le débat montrera que la position du Sénat est la bonne.

Mme la présidente.  - Amendement n°26, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 2

Après le mot :

publics

insérer les mots

à caractère administratif

II. - Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Les centrales d'achat au sens de l'article L. 2113-2 du code de la commande publique.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Cet amendement améliore un amendement adopté à l'Assemblée nationale. Cet amendement exclut les Épic du champ d'application du texte, tout en réintégrant dans le périmètre des centrales d'achats, comme l'Union des groupements d'achats publics (Ugap). C'est un compromis.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Cet amendement vise à exclure les Épic du champ d'application du texte, tout en y intégrant les centrales d'achat. C'est un compromis entre la rédaction issue de l'Assemblée nationale et la nôtre ; dès lors, sagesse.

L'amendement n°26 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°27, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

et, par dérogation, à 200 millions d'euros pour les établissements publics de santé

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Il s'agit de porter le seuil d'application du texte de 60 à 200 millions d'euros pour les établissements de santé. C'est une demande du secteur hospitalier. Les arguments avancés sont assez similaires à ceux justifiant l'exclusion des collectivités territoriales du champ de la proposition de loi.

L'AP-HP ou les hospices de Lyon seraient concernés, mais pas des hôpitaux de plus petite taille.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Le seuil de 60 millions d'euros est déjà le résultat de notre volonté de compromis. Vous nous avez fourni une liste de 91 établissements de santé concernés par votre amendement, soit seulement quelques unités d'écart avec le dispositif actuel. L'objet de votre amendement cite le centre hospitalier de Roanne, ville à laquelle je suis très attachée... (Sourires) Je le crois parfaitement capable de se gérer sans abuser des cabinets de conseil.

La sagesse sénatoriale s'arrêtera ici : avis défavorable.

M. Éric Bocquet.  - Nous ne partageons pas l'objectif d'exclure les établissements de santé réalisant un chiffre d'affaires de 20 à 60 millions d'euros. L'hôpital a subi une politique de rationalisation des coûts. Or les hospices civils de Lyon ont consacré plus de 11 millions d'euros à des prestations de Capgemini, McKinsey ou KPMG.

Une mission d'accompagnement du pôle pharmacie n'a abouti à rien. Une seconde mission a même dû refaire le travail, d'après Mediapart. Résultat : un mécontentement partagé !

L'amendement n°27 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°22, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

3° Les prestations de conseil informatique adossées à des prestations d'audit et de conseil en stratégie des systèmes d'information, l'étude de projet applicatif et le forfait de service de projet applicatif ;

M. Éric Bocquet.  - Nous n'avons pas trouvé l'équilibre ne permettant ni d'inclure ni d'exclure trop largement les prestations informatiques. Je rejoins notre rapporteure : les catégories de maintenance ne recouvrent pas des réalités concrètes. Les dépenses ont plus que doublé depuis 2018 et échappent à la loi. La distinction que nous proposons est plus en phase avec la nomenclature des marchés publics.

Mme la présidente.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par Mme Blatrix Contat, MM. Ros, Pla, Temal, M. Weber et Roiron, Mme Bélim, MM. Tissot, Marie et Redon-Sarrazy, Mme Monier et M. P. Joly.

Aline?a 9

Compléter cet alinéa par les mots :

et les prestations de re?alisations informatiques

Mme Florence Blatrix Contat.  - Cet amendement réintègre les prestations d'informatique dans le champ de la proposition de loi, aux côtés du conseil en stratégie numérique. Ces services jouent en effet un rôle central dans les administrations. En 2021, les ministères ont dépensé près de 381 millions d'euros pour des prestations d'expertise technique. Les exclure du champ d'application de la loi reviendrait à négliger la majorité des prestations informatiques.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Nous avons limité le périmètre aux seules prestations informatiques qui revêtent un caractère stratégique.

Dès lors, avis défavorable sur ces deux amendements. L'amendement n°22 mentionne des prestations qui font partie des trois catégories listées par la circulaire sans reprendre la catégorie dans son ensemble -  c'est du saupoudrage.

En ce qui concerne l'amendement n°5 rectifié, il semble disproportionné d'exiger le même niveau de transparence et de déontologie pour des installations de matériels ou des opérations de numérisation.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Même avis. La circulaire du 7 février 2023 de la Première ministre est une nouvelle preuve de la volonté d'avancer du Gouvernement : elle opère un distinguo entre les prestations à caractère stratégique et les autres.

M. Arnaud Bazin.  - Il n'a jamais été dans l'esprit de la commission d'enquête de viser des prestations informatiques. Je ne voterai pas l'amendement n°5 rectifié.

L'amendement n°22 aborde un sujet à approfondir au cours de la navette. Il ne faut pas s'en remettre à une définition de ces prestations par décret, au risque de déconvenues.

Mme Nathalie Goulet.  - Je voterai l'amendement n°22, qui pourra être amélioré, puisque nous aurons une vraie navette -  une fois n'est pas coutume... Préciser les choses dans la loi est toujours plus efficace que le faire dans une circulaire.

L'amendement n°22 est adopté.

L'amendement n°5 rectifié n'a plus d'objet.

Mme la présidente.  - Amendement n°11, présenté par Mme N. Goulet.

Alinéa 12

Supprimer les mots :

relatives aux participations de l'État et de celles

et les mots :

et des prestations de conseil mentionnées aux 4 et 5 du I de l'article L. 311-2 du code monétaire et financier et au 5 de l'article L. 321-1 du même code, lorsqu'elles sont réalisées par des établissements de crédit

Mme Nathalie Goulet.  - Cet amendement de bon sens supprime deux dérogations non prévues dans la version initiale. Il s'agit de réintégrer dans le champ de la proposition de loi les prestations réalisées par l'agence des participations de l'État (APE) et les banques.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Ni la commission d'enquête ni la commission spéciale n'ont traité de ces prestations. Avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Même avis. L'État actionnaire doit agir à armes égales avec ses interlocuteurs privés pour défendre les intérêts de l'État. L'APE est déjà soumise à de nombreux contrôles.

M. Arnaud Bazin.  - Je voterai l'amendement de Mme Goulet, sinon les lacunes se multiplieront. Nous demandons l'intitulé, le coût et l'évaluation des prestations : cela ne menace en rien le secret des affaires ni la concurrence entre l'APE et secteur bancaire. Cela se fera de façon rétrospective, au moins un an après, lors de la présentation du jaune budgétaire : je ne vois aucune difficulté à cet amendement.

L'amendement n°11 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°12 rectifié bis, présenté par M. Bazin, Mme N. Goulet, MM. Burgoa, Sautarel et Wattebled, Mme Eustache-Brinio, M. Karoutchi, Mmes Estrosi Sassone et Muller-Bronn, MM. Pellevat, D. Laurent, Cambon et Chatillon, Mmes Dumont, Micouleau, Lassarade et M. Mercier, MM. Lefèvre, Naturel, Bouchet, Bruyen, Saury et Brisson, Mme Imbert, M. C. Vial, Mmes P. Martin et Belrhiti et MM. Belin, Sido et Gremillet.

Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

M. Arnaud Bazin.  - Nous souhaitons supprimer l'alinéa 13 de l'article 1er, introduit par l'Assemblée nationale, qui confie à un décret la définition du périmètre.

Nous avons un précédent fâcheux : le décret d'application de la loi Sapin II sur l'encadrement des lobbies, qui l'a complètement vidée de sa substance. Sept ans plus tard, ce décret scélérat n'a toujours pas été modifié. Revenons au texte initial et ne passons pas par un décret, d'autant plus que nous définissons les prestations concernées.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°23, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

M. Éric Bocquet.  - Encore une fois, le Gouvernement dépose treize amendements pour déconstruire le texte du Sénat. Nous ne pouvons donc qu'être inquiets s'agissant des textes réglementaires. Le jaune budgétaire est une parodie de transparence -  sept groupes de marchandises seulement, contre douze dans le rapport sénatorial.

Vous esquivez, vous rechignez, vous resquillez, vous freinez. Peut-être craignez-vous que le recours aux cabinets de conseil n'apparaisse comme le symptôme de gouvernements libéraux qui préfèrent le privé au public ?

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Nous avons, aux alinéas précédents, précisé la définition et l'encadrement et préféré un décret pris en Conseil d'État plutôt qu'un décret simple.

Nous sommes en deuxième lecture : l'objectif est d'aboutir à un texte consensuel avec l'Assemblée nationale. La commission des lois a donc tenté de trouver des équilibres sans renoncer aux exigences de la commission d'enquête et des auteurs de la proposition de loi. Le décret en Conseil d'État semble un compromis acceptable. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Même avis. Je souscris aux propos très sages de la rapporteure et salue le travail de la commission qui a su trouver des équilibres.

Resquiller, dites-vous ? Vous avez face à vous un ministre respectueux du travail du Sénat et sincère dans son engagement.

Le jaune budgétaire a le mérite d'exister : il montre que le montant des prestations de conseil en stratégie est passé de 260 millions d'euros en 2021, à 130 millions d'euros en 2022, et 73 millions d'euros en 2023. Ne caricaturons pas les positions.

En étant transparent je suis respectueux du Sénat : oui, je réitère mes amendements, même je suis mis en minorité.

M. Arnaud Bazin.  - Je comprends le souhait de la commission de trouver un équilibre, mais pas le besoin d'un décret en Conseil d'État, puisque nous avons bien défini les choses.

Mme Nathalie Goulet.  - Sénateur échaudé craint l'eau froide. Je voterai ces amendements.

Mme Audrey Linkenheld.  - Le groupe SER les votera aussi. Je rappelle les quinze mois d'attente entre l'adoption de ce texte au Sénat et son retour devant notre assemblée. Le taux d'application des décrets étant à parfaire - confer le débat précédent -, réduisons-en le nombre !

Les amendements identiques nos12 rectifié bis et 23 sont adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Alinéa 17

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les cabinets de conseil indiquent aux administrations les différents scénarios de projet qu'ils ont décidé d'exclure et expliquent les raisons pour lesquelles ces scénarios de projet n'ont pas été retenus.

M. Guy Benarroche.  - Les prestataires doivent citer tous les scénarios et justifier l'abandon de ceux qu'ils ont écartés. Cet amendement a été préparé avec l'association Sherpa.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - L'Assemblée nationale a considéré que cela ferait peser une charge trop lourde sur les cabinets de conseil et que cela s'appliquerait mal à certaines prestations comme le conseil en informatique. Au demeurant, la notion de « scenario non retenu » n'est pas définie. Avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

L'article 1er, modifié, est adopté.

Article 1er bis (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°28, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I.- Les II à V de l'article 1er, les articles 2 et 5, les 1°, 1° bis et 2° du I de l'article 6, l'article 7, le I de l'article 9, les I à III et V de l'article 10, et les articles 11 à 13, 17 et 18 de la présente loi sont applicables aux régions, aux départements, aux communes de plus de 100 000 habitants et aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants. 

II.  -  Pour l'application du I du présent article, les 1°, 1° bis et 2° du I de l'article 6 entrent en vigueur dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Je sens que mon succès atteindra son apogée avec cet amendement, qui est plutôt d'appel, dès lors.

Les collectivités ne faisaient pas partie du champ d'étude de la commission d'enquête, mais une mission flash de l'Assemblée nationale a apporté quelques éclairages : l'enjeu financier pour les finances locales est non négligeable, avec 557 millions d'euros de prestations de conseil en 2021 - chiffre sous-évalué et en très forte augmentation ; la nature de ces prestations n'est pas si différente, avec du conseil en stratégie sur les grandes orientations des politiques publiques locales ; certaines dispositions de la proposition de loi sénatoriale sont aisément transposables aux collectivités territoriales -  l'interdiction de prendre des décisions administratives ou l'obligation d'utiliser le français, entre autres.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Sans surprise, avis défavorable. Nous ne souhaitons pas intégrer les collectivités territoriales à l'aveugle. Des mécanismes de contrôle et de transparence pour les assemblées délibérantes existent déjà -  ce qui n'est pas le cas entre le Parlement et le Gouvernement  -  : le code de la commande publique s'applique pleinement ; les assemblées délibérantes peuvent contrôler les prestations ; la chambre régionale des comptes peut être saisie. Même si c'est loin d'être parfait, c'est déjà cela.

Des difficultés de méthode s'y ajoutent : les travaux de la commission d'enquête n'ont pas concerné les collectivités territoriales ; il n'y a donc aucun panorama exhaustif et même le Gouvernement a du mal à présenter des données agrégées. L'Assemblée nationale a suggéré d'approfondir l'étude de cette question. Le Gouvernement n'a consulté aucune des associations d'élus locaux - nous les avons interrogées : elles y sont toutes opposées.

M. Arnaud Bazin.  - Monsieur le ministre, si vous tenez tant à ces dispositions, présentez un projet de loi !

Mme Audrey Linkenheld.  - Très bien !

M. Éric Bocquet.  - La commission d'enquête avait expressément exclu les collectivités territoriales, afin de cadrer son travail et de mener ses investigations avec sérieux dans le délai imparti. Son rapport constitue, en quelque sorte, l'étude d'impact de cette proposition de loi. Quant à la mission flash de l'Assemblée nationale, elle a fait consensus sur un point : le besoin de retravailler la question.

L'amendement n°28 n'est pas adopté et l'article 1er bis demeure supprimé.

L'article 2 est adopté.

Article 3

Mme la présidente.  - Amendement n°29, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 6

Remplacer les mots :

des cinq années précédentes

par les mots :

de l'année précédente

M. Stanislas Guerini, ministre.  - C'est un amendement de cohérence avec ceux que j'ai présentés en première lecture. Vous demandez à l'administration un travail faramineux de consolidation des informations sur cinq ans.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Vos explications m'invitent à émettre un avis défavorable. Vous reconnaissez que le jaune budgétaire n'est pas encore satisfaisant. Les députés eux-mêmes ont constaté que la liste des prestations était incomplète. Monsieur le ministre, votre argument relatif à la charge de travail n'est pas acceptable.

L'amendement n°29 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°20, présenté par Mme Duranton et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 7

Remplacer les mots :

et de la sécurité des systèmes d'information

par les mots :

, de la sécurité des systèmes d'information et à l'exclusion des marchés entrant dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 1113-1 du code de la commande publique

Mme Nicole Duranton.  - Les données relatives aux marchés de défense et de sécurité, sensibles, ne devraient pas être concernées. Au demeurant, les marchés supérieurs au seuil européen sont soumis à l'obligation de publication.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis défavorable. Nous avons déjà eu ce débat en première lecture. L'exception prévue à l'article 3 s'agissant du secret de la défense nationale est suffisante.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°20 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°13 rectifié bis, présenté par M. Bazin, Mme N. Goulet, MM. Burgoa, Sautarel et Wattebled, Mme Eustache-Brinio, M. Karoutchi, Mmes Estrosi Sassone et Muller-Bronn, MM. Pellevat, D. Laurent, Cambon et Chatillon, Mmes Dumont, Micouleau, Lassarade et M. Mercier, MM. Lefèvre, Naturel, Bouchet, Bruyen, Saury et Brisson, Mme Imbert, M. C. Vial, Mmes P. Martin et Belrhiti et MM. Belin, Sido et Gremillet.

I.  -  Alinéa 16

Compléter cet alinéa par les mots :

, de même que le bon de commande ou l'acte d'engagement lorsque la prestation de conseil se rattache à un accord-cadre

II.  -  Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Ces informations figurent dans le rapport social unique de l'administration bénéficiaire prévu à l'article L. 231-1 du code général de la fonction publique.

M. Arnaud Bazin.  - Nous réintroduisons deux dispositions de la proposition de loi initiale : la publication en données ouvertes des bons de commande et des actes d'engagement et l'insertion des listes de prestations de conseil dans le rapport social unique.

M. Bruno Sido.  - Très bien.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°24, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

M. Éric Bocquet.  - La commission d'enquête avait constaté qu'à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), le cabinet de conseil avait bousculé les agents : « comme si on ne s'était jamais posé la question de travailler mieux avant ! ». Management visuel, items infantilisants, boite à questions, PowerPoint : cette république des Post-it méprise et maltraite les agents.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis favorable, comme en première lecture.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Le Gouvernement est constant dans sa recherche d'effectivité. La publication en données ouvertes des bons de commande nécessite au minimum le biffage des prix, par exemple. Cela n'est pas automatisé dans les administrations. Imaginez la charge de travail ! Avis évidemment défavorable. Pensons à nos administrations et à la complexité administrative que vous créez... (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Sido.  - 39 heures !

Les amendements identiques nos13 rectifié bis et 24 sont adoptés.

L'article 3, modifié, est adopté.

L'article3 bis est adopté.

L'article 5 est adopté.

Après l'article 5

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Durant les cinq années qui précèdent une action de mécénat, il est interdit aux prestataires et consultants de réaliser, de proposer ou d'accepter une prestation de conseil à destination de leurs bénéficiaires d'actions de mécénat mentionnés à l'article 238 bis du code général des impôts.

M. Guy Benarroche.  - Nous interdisons aux consultants de fournir des prestations de conseil à un client ayant bénéficié de mécénat de leur part dans les cinq années précédentes - c'est aussi un amendement inspiré par Sherpa.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - J'entends bien l'objectif, mais l'interdiction du mécénat désinciterait les entreprises à y recourir. L'équilibre de l'article 5 est satisfaisant. Avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°7, présenté par MM. Hochart, Szczurek et Durox.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Une prestation de conseil ne peut être confiée à un prestataire de conseil par l'une des administrations mentionnées au I de l'article 1er que si celle-ci ne dispose pas en interne des ressources humaines nécessaires à sa réalisation dans des délais utiles.

M. Joshua Hochart.  - Depuis plusieurs années, nous assistons à une prolifération des prestataires, dont l'influence ne cesse de croître. Le coût financier est énorme, et notre administration n'est plus ni indépendante ni impartiale quand elle est influencée par des cabinets ayant des intérêts commerciaux.

Cet amendement vise à encadrer strictement le recours aux prestations de conseil, qui ne pourra intervenir que subsidiairement, lorsque l'administration ne dispose pas des ressources en interne.

C'est un amendement de bon sens et de bonne gestion des deniers publics. Nos fonctionnaires doivent redevenir les artisans de nos politiques publiques. Éloignons-nous de l'ubérisation du service public et reprenons le contrôle !

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Il faut raison garder. Une telle précision est superflue. Le Gouvernement a certes des torts, mais il ne recourt probablement pas aux cabinets de conseil pour son bon plaisir, quand l'administration offre des ressources adaptées. Avec l'article 3, nous favorisons le développement des moyens de conseil internes. Inscrire la subsidiarité du recours aux prestataires de conseil dans la loi n'est pas utile : avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°9, présenté par MM. Hochart, Szczurek et Durox.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le cahier des charges des prestations de conseil peut contenir une clause permettant de choisir un cabinet de conseil en fonction de l'implantation de son siège social sur le territoire national.

M. Joshua Hochart.  - La question de notre indépendance à l'égard des grands cabinets internationaux est cruciale. Comment garantir que nos données sensibles et nos savoir-faire ne seront pas captés par des intérêts étrangers ? Nos hauts fonctionnaires doivent redevenir les artisans de l'action publique.

Cet amendement réaffirme donc la priorité nationale dans le choix des prestataires de conseil, dans une logique de réindustrialisation et de relocalisation des activités stratégiques : les cabinets ayant leur siège social en France seraient privilégiés.

Nous avons trop cédé aux sirènes de la mondialisation sans frein. Nous devons défendre nos fleurons nationaux. Néanmoins, en l'absence d'alternative, le recours aux cabinets internationaux resterait possible.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Je décèle une petite contradiction (M. Joshua Hochart manifeste sa désapprobation) : dans l'amendement précédent, il ne fallait jamais avoir recours aux cabinets de conseil, ici cela devient possible...

Sur le fond, le principe de non-discrimination est précisé par la directive du 26 février 2014, qui proscrit les clauses de préférence locale ou nationale, ainsi que par l'article L.3 du code de la commande publique qui rappelle le principe d'égalité de traitement. Avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

Article 5 bis (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante : 

L'administration ne peut recourir aux prestataires et consultants privés pour la rédaction des études d'impact et pour la rédaction de l'exposé des motifs des projets de loi.

M. Guy Benarroche.  - Nous voulons interdire le recours aux consultants privés pour la rédaction des études d'impact et des exposés des motifs des projets de loi -  en 2018, Édouard Philippe leur avait délégué ces tâches pour le texte sur les transports. Les services de l'État ne doivent pas être dépossédés de leur rôle.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - La commission des lois a supprimé cet article, non pas pour offrir un blanc-seing au Gouvernement sur les études d'impact et les exposés des motifs, mais parce qu'une telle disposition requiert une loi organique : avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Même avis. La proposition de loi atteint un bon équilibre quand elle interdit la marque blanche ou le pro bono. Mais laissons le Gouvernement recourir à des cabinets quand il a besoin d'une expertise technique poussée.

Mme Audrey Linkenheld.  - Convaincue par l'argumentaire juridique de la rapporteure, j'étais prête à la suivre jusqu'au bout si je n'avais pas entendu à l'instant le ministre nous expliquer que c'est non pas un problème juridique, mais politique. Je suis très surprise de cet argument. Y a-t-il de véritables raisons juridiques ?

Mme Cécile Cukierman, rapporteur.  - On peut arriver à des votes identiques pour des raisons diverses. Je maintiens mes arguments, sans malice ; le ministre a les siens.

L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté.

L'article 5 bis demeure supprimé.

Article 6

Mme la présidente.  - Amendement n°31, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 7

Rédiger ainsi le II :

II.  -  Les évaluations prévues au I sont rédigées à partir d'un modèle fixé par décret.

Sous réserve des articles L. 311-5 et L 311-6 du code des relations entre le public et l'administration et à la condition que ces évaluations ne portent pas sur des prestations de conseil préparatoires à une décision administrative tant qu'elle est en cours d'élaboration ou sur des marchés entrant dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 1113-1 du code de la commande publique, elles sont publiées sous forme électronique, dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Il s'agit de préciser le périmètre de publication des évaluations des prestations en rétablissant l'équilibre entre nécessaire transparence et nécessaire protection des secrets mentionnés au code des relations entre le public et l'administration (CRPA). Évitons une exception pour les seuls cabinets de conseil.

Le secret des affaires est très précisément défini en droit et il a été reconnu en 2018 par le Conseil constitutionnel. La structuration d'une filière économique pourrait peut donner lieu à la révélation de la situation difficile de certaines entreprises...

Excluons provisoirement la publication de l'évaluation des prestations de conseil préparatoires à une décision administrative, suivant les dispositions du code des relations entre le public et l'administration en matière de communication des documents administratifs.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - J'entends les arguments du ministre, mais la rédaction de l'amendement, beaucoup trop large, risque de priver d'effectivité l'article 6. Avis défavorable.

L'amendement n°31 n'est pas adopté.

L'article 6 est adopté.

L'article 6 bis est adopté.

L'article 9 est adopté.

Article 10

Mme la présidente.  - Amendement n°14 rectifié bis, présenté par M. Bazin, Mmes Lavarde et N. Goulet, MM. Burgoa, Sautarel et Wattebled, Mme Eustache-Brinio, M. Karoutchi, Mmes Estrosi Sassone et Muller-Bronn, MM. Pellevat, D. Laurent, Cambon et Chatillon, Mmes Dumont, Micouleau, Lassarade et M. Mercier, MM. Lefèvre, Naturel, Bouchet, Bruyen, Saury et Brisson, Mme Imbert, M. C. Vial, Mmes P. Martin et Belrhiti et MM. Belin, Sido et Gremillet.

Alinéas 3 à 14

Rédiger ainsi ces alinéas :

II.  -  Pour le prestataire, la déclaration d'intérêts porte sur les éléments suivants :

1° Les missions qu'il a réalisées, au cours des cinq dernières années, pour des clients de droit public ou de droit privé et qui sont susceptibles de générer une influence sur la conduite ou sur l'issue de la prestation de conseil envisagée ;

2° Les missions qui sont susceptibles de générer une influence sur la conduite ou sur l'issue de la prestation de conseil envisagée qui ont été réalisées au cours des cinq dernières années, pour des clients de droit public ou de droit privé, par les sociétés dans lesquelles il détient une participation financière ;

3° Les missions qui sont susceptibles de générer une influence sur la conduite ou sur l'issue de la prestation de conseil envisagée qui ont été réalisées par la société qui contrôle, directement ou indirectement, le prestataire au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce.

III.  -  Pour les consultants, la déclaration d'intérêts porte sur les éléments suivants :

1° Les activités professionnelles ayant donné lieu, au cours des cinq dernières années, à une rémunération ou à une gratification ;

2° Les missions qu'ils ont réalisées, au cours des cinq dernières années, pour des clients de droit public ou de droit privé et qui sont susceptibles de générer une influence sur la conduite ou sur l'issue de la prestation de conseil envisagée ;

3° Les participations, au cours des cinq dernières années, aux organes dirigeants d'un organisme public ou privé ou d'une société intervenant dans le même secteur que la prestation ;

4° Les participations financières directes détenues, à cette date, dans le capital d'une société intervenant dans le même secteur que la prestation ;

5° Les activités professionnelles exercées, à cette date, par leur conjoint, le partenaire auquel ils sont liés par un pacte civil de solidarité ou leur concubin ;

6° Les fonctions bénévoles actuelles ou terminées susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts ;

7° Les fonctions et mandats électifs exercés au cours des cinq dernières années.

M. Arnaud Bazin.  - Prenons acte du consensus transpartisan Sénat-Assemblée nationale et refermons l'article 10 par un vote conforme.

Quelle est la frontière entre consultant junior et senior ? Les juniors, qui écrivent les rapports, peuvent être en situation de conflit d'intérêts, sans que les seniors en aient connaissance. Tous les consultants doivent remplir une déclaration d'intérêts.

Mme la présidente.  - Amendement n°32, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 12

Supprimer cet alinéa.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - L'accord-cadre de la DITP prévoit une déclaration sur l'honneur d'absence de conflit d'intérêts pour les consultants, opposable pénalement.

L'équilibre trouvé par la commission, qui cible les consultants qui encadrent la mission et qui sont susceptibles d'avoir une influence sur la décision administrative, est le bon.

Veillons à la constitutionnalité de la loi en ne visant ni les conjoints, ni les concubins, ni les activités bénévoles des consultants. Suivant la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ces atteintes à la vie privée sont probablement disproportionnées.

Mme la présidente.  - Amendement n°33, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Défendu.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Monsieur Bazin, notre rédaction de l'article 10 est certes perfectible, mais celle de l'Assemblée nationale n'est pas satisfaisante : un vote conforme serait dommageable.

Il est nécessaire de circonscrire l'obligation de déclaration d'intérêts aux seuls consultants qui encadrent la mission. Il faut aussi borner dans le temps les fonctions bénévoles devant figurer dans la déclaration. Enfin, la commission a souhaité rendre plus opérantes certaines formulations introduites par l'Assemblée nationale : à la notion d'influence, vague et subjective, elle a préféré celle de conflit d'intérêts.

Avis défavorable à l'amendement n°14 rectifié bis.

J'entends vos craintes sur les atteintes à la vie privée, mais une telle obligation se justifie face au risque de conflit d'intérêts. Avis défavorable à l'amendement n°32.

Quant à l'amendement n°33, nous avons fait un compromis, avec un bornage dans le temps à cinq ans. Avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Avis défavorable à l'amendement n°14 rectifié bis.

M. Arnaud Bazin.  - Je retire l'amendement n°14 rectifié bis, après avoir entendu les arguments de la rapporteure. J'espère toutefois que nous aboutirons à un texte définitif efficace, précisant les obligations des uns et des autres.

Avec nos pauvres moyens, nous-mêmes sénateurs sommes astreints à de telles obligations.

L'amendement n°14 rectifié bis est retiré.

L'amendement n°32 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°33.

L'article 10 est adopté.

Article 11

Mme la présidente.  - Amendement n°15 rectifié bis, présenté par M. Bazin, Mmes Lavarde et N. Goulet, MM. Burgoa, Sautarel et Wattebled, Mme Eustache-Brinio, M. Karoutchi, Mmes Estrosi Sassone et Muller-Bronn, MM. Pellevat, D. Laurent, Cambon et Chatillon, Mmes Dumont, Micouleau, Lassarade et M. Mercier, MM. Lefèvre, Naturel, Bouchet, Bruyen, Saury et Brisson, Mme Imbert, M. C. Vial, Mmes P. Martin et Belrhiti et MM. Belin, Sido et Gremillet.

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

, sous forme électronique, dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé

M. Arnaud Bazin.  - Améliorons la transparence en prévoyant la publication en données ouvertes des actions de démarchage, de prospection et de mécénat des cabinets de conseil, telle que votée à l'unanimité par le Sénat en première lecture.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - L'Assemblée nationale a souhaité un alignement sur les règles applicables aux représentants d'intérêts. La précision que vous souhaitez devrait figurer dans le décret en Conseil d'État. Avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°15 rectifié bis est adopté.

L'article 11, modifié, est adopté.

Article 12

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Alinéa 4

Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :

2° Une organisation syndicale de fonctionnaires représentée au Conseil supérieur de la fonction publique de l'État ;

M. Guy Benarroche.  - Lors de l'affaire McKinsey, plusieurs organisations syndicales ont déposé plainte auprès du parquet national financier (PNF). Les syndicats, qui jouent un rôle de contrôle et de protection des salariés, doivent pouvoir saisir la HATVP en cas de manquement déontologique des consultants. Cet amendement a été voté à l'unanimité du Sénat en première lecture.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°25, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

M. Éric Bocquet.  - Défendu.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis favorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Avis très défavorable. Les syndicats défendent les agents publics ; ils n'ont pas à contrôler les prestataires privés et ne peuvent saisir une autorité administrative indépendante.

Les amendements identiques nos4 rectifié et 25 sont adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°10, présenté par MM. Hochart, Szczurek et Durox.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Soixante députés ou soixante sénateurs ;

M. Joshua Hochart.  - Le rôle de la HATVP est essentiel. Nous voulons qu'elle puisse être saisie par 60 députés ou 60 sénateurs, comme le Conseil constitutionnel, afin d'éviter que des affaires ne soient étouffées comme par le passé. Nous ne pouvons plus tolérer l'ombre du soupçon ni les portes dérobées par lesquelles se glissent les intérêts particuliers. Renforçons le contre-pouvoir qu'est la HATVP.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Le parallèle avec la saisine du Conseil constitutionnel est hasardeux. Avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Même avis.

Mme Nathalie Goulet.  - La loi Sapin prévoit déjà des procédures pour les lanceurs d'alerte. Cet amendement n'est vraiment pas nécessaire : je ne le voterai pas.

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°34, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 8 et 9 

Supprimer ces alinéas.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Supprimons le pouvoir de vérification sur place de la HATVP, qui n'est pas utile. Celle-ci peut d'ores et déjà se faire communiquer tout document par l'administration ou les prestataires, et elle peut consulter qui bon lui semble.

Demain, la HATVP pourrait se rendre chez un consultant pour un contrôle sur place. De plus, vous venez de voter l'obligation de déclaration de toutes les activités des consultants et de leurs conjoints - y compris bénévoles, politiques et religieuses... Même les ministres et les parlementaires ne sont pas soumis à de telles obligations ! J'invite le Sénat à s'interroger sur le caractère proportionné de cette mesure.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - On entre là dans une série d'amendements dont nous avons déjà débattu : quels pouvoirs pour la HATVP ? Le ministre veut supprimer son pouvoir de contrôle sur place, qui nous semble pourtant indispensable. Soit on se contente d'une déclaration de principe, soit on lui donne véritablement les moyens.

Certains, ici, vantent les vertus de l'économie de marché. Tant que ces marchés demeureront juteux, les cabinets de conseil continueront leur activité. Je ne m'inquiète pas pour leur avenir !

Je ne doute pas que la volonté du Gouvernement de réduire le recours aux cabinets de conseil produira ses effets. La Haute Autorité ne croulera pas sous une charge de travail exponentielle. Avis défavorable.

L'amendement n°34 n'est pas adopté.

L'article 12, modifié, est adopté.

Article 13

Mme la présidente.  - Amendement n°35, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

Est puni d'une peine de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende, le fait :

1° De ne pas respecter les exigences des dispositions des articles 2, 10 et 11 ;

2° Pour le prestataire de conseil, de réaliser ou d'accepter, à titre gracieux, une prestation de conseil au sens de l'article 1er à l'exclusion des actions de mécénat mentionnées à l'article 238 bis du code général des impôts ;

3° D'entraver l'action de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique en refusant de lui communiquer toute information ou pièce utile à l'exercice de sa mission, quel qu'en soit le support, sous réserve de la préservation des secrets au sens de l'article 12.

Les personnes physiques coupables de l'une des infractions prévues au présent article encourent également l'exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, dans les conditions prévues à l'article 131-34 du code pénal.

Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l'article 121-2 du même code de l'une des infractions prévues au présent article encourent, outre l'amende suivant les modalités prévues à l'article 131-38 dudit code, la peine prévue au 5° de l'article 131-39 du même code.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Je ne me soucie pas de l'avenir des cabinets de conseil - je n'ai pas d'actions ! - mais de l'intérêt de l'État, qui peut avoir, à l'occasion, besoin d'une expertise, d'un regard extérieur.

L'amendement n°35 maintient le dispositif actuel, qui permet à la HATVP de saisir la justice pour aller jusqu'à des sanctions pénales.

Je m'interroge sur l'effectivité d'un système ad hoc pour les cabinets de conseil, comme le propose le Sénat. Privilégions le droit actuel, qui n'est pas moins lourd que les sanctions administratives proposées par le Sénat. Par cohérence, je défendrai un amendement de suppression de la commission dédiée.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis défavorable.

L'amendement n°35 n'est pas adopté.

L'article 13 est adopté.

Article 14

Mme la présidente.  - Amendement n°36, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Je l'ai présenté.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis défavorable.

L'amendement n°36 n'est pas adopté.

L'article 14 est adopté.

Article 15

Mme la présidente.  - Amendement n°37, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Idem.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis défavorable.

L'amendement n°37 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°16, présenté par Mme N. Goulet.

I.  -  Alinéa 2

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

1° A Au premier alinéa de l'article L. 2141-1, après la référence : « 434-9-1 », est insérée la référence : «, 434-13 » ;

II.  -  Alinéa 6

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

1° bis Au premier alinéa de l'article L. 2341-1, après la référence : « 434-9-1 », est insérée la référence : « , 434-13 » ;

III.  -  Alinéa 15

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

3° bis Au premier alinéa de l'article L. 3123-1, après la référence : « 434-9-1 », est insérée la référence : « , 434-13 » ;

Mme Nathalie Goulet.  - Cet amendement, adopté en première lecture au Sénat, ajoute les auteurs de faux témoignage à la liste des infractions entraînant l'exclusion de la commande publique. Je vous renvoie aux auditions de notre commission d'enquête...

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis favorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Avis défavorable, pour des raisons légistiques, même si je partage l'esprit. L'amendement n'est pas compatible avec la directive européenne relative au marché public, qui fixe une liste limitative des motifs d'exclusion.

L'amendement n°16 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°40, présenté par Mme Cukierman, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

Après la trente-deuxième ligne du tableau du second alinéa de l'article L. 2651-1, après la trente-et-unième ligne du tableau du second alinéa des articles L. 2661-1 et L. 2671-1 et après la trentième ligne du tableau du second alinéa de l'article L. 2681-1, est insérée une ligne ainsi rédigée :

II.  -  Alinéa 11 :

Rédiger ainsi cet alinéa :

La trente-quatrième ligne du tableau du second alinéa de l'article L. 2651-1, la trente-troisième ligne du tableau du second alinéa des articles L. 2661-1 et L. 2671-1 et la trente-deuxième ligne du tableau du second alinéa de l'article L. 2681-1 sont ainsi rédigées :

III.  -  Alinéa 13

1° Remplacer le mot :

troisième

par le mot :

deuxième

2° Après la première occurrence du mot :

ligne

insérer les mots :

du tableau du second alinéa

3° Remplacer le mot :

deuxième

par le mot :

unième

L'amendement de coordination n°40, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 15, modifié, est adopté.

Article 16

Mme la présidente.  - Amendement n°38, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

Le chapitre IV du titre II du livre Ier du code général de la fonction publique est ainsi modifié :

1° L'article L. 124-4 est ainsi modifié :

a) Au troisième alinéa, après les mots : « précédant le début de cette activité, », sont insérés les mots : « s'agissant en particulier des prestations de conseil dans le secteur privé lucratif, » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique élabore des recommandations afin d'harmoniser l'examen par l'autorité hiérarchique et par le référent déontologue des demandes émanant d'un agent public cessant ou ayant cessé ses fonctions depuis moins de trois ans, définitivement ou temporairement, et souhaitant fournir des prestations de conseil dans le secteur privé lucratif. » ;

2° L'article L. 124-7 est ainsi modifié :

a) Après les mots : « une activité privée lucrative », sont insérés les mots : « , en particulier des prestations de conseil dans le secteur privé lucratif, » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique élabore des recommandations afin d'harmoniser l'examen par l'autorité hiérarchique et par le référent déontologue de la compatibilité des prestations de conseil dans le secteur privé lucratif fournies au cours des trois dernières années par la personne qu'il est envisagé de nommer avec les fonctions auxquelles elle candidate. »

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Il s'agit de restaurer le principe de contrôle gradué qui prévaut en matière déontologique et de l'appliquer aux allers-retours vers les cabinets de conseil, sans créer un droit particulier les concernant.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Mentionner explicitement le secteur du conseil dans les dispositions de droit commun de la fonction publique n'a aucune portée par rapport au droit existant. Charger la Haute Autorité d'élaborer des recommandations ne relève pas de la loi. Nous tenons à notre rédaction de cet article 16. Avis défavorable.

L'amendement n°38 n'est pas adopté.

L'article 16 est adopté.

Après l'article 16

Mme la présidente.  - Amendement n°8, présenté par MM. Hochart, Szczurek et Durox.

Après l'article 16

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Les personnes occupant les emplois ou fonctions pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée en application de l'article 13 de la Constitution, qui souhaitent exercer une activité de conseil au sein d'un cabinet de conseil ayant son siège en dehors du territoire national ou sous contrôle étranger, sont tenues d'en faire la déclaration au Premier ministre, en respectant un délai de préavis fixé par un décret en Conseil d'État.

Cette obligation s'applique dans les dix années suivant la cessation des emplois ou fonctions mentionnés au premier alinéa du présent I. 

II.  -  Les personnes soumises à l'obligation prévue au présent I en sont informées.

III.  -  Le Premier ministre peut s'opposer à l'exercice de l'activité envisagée lorsqu'il estime que cet exercice comporte un risque de divulgation d'informations de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation.

La décision d'opposition n'intervient qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, sur sa demande, des observations orales.

IV.  -  En cas de méconnaissance de l'obligation prévue au I ou de l'opposition prévue au III, le contrat conclu en vue de l'exercice de l'activité envisagée est nul de plein droit.

M. Joshua Hochart.  - Défendu.

L'amendement n°8, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Article 17

Mme la présidente.  - Amendement n°17, présenté par Mme Linkenheld et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

, et dispose des pouvoirs prévus aux articles 20, 22 et 22-1 de cette même loi

Mme Audrey Linkenheld.  - L'article 17 accorde à la Cnil des pouvoirs nouveaux de contrôle sur les données non personnelles contenues dans les documents remis par les cabinets, qui peuvent être sensibles. Protégeons-les.

La Cnil estime que ce nouveau pouvoir de contrôle doit être assorti d'un pouvoir de sanction, comme pour les données personnelles. C'est l'objet de cet amendement de cohérence.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°18 rectifié bis, présenté par Mme Morin-Desailly, MM. Maurey et Laugier, Mme Antoine, M. Mizzon, Mme Billon, MM. Kern, Canévet et Lafon, Mmes Gatel et Perrot, MM. Chauvet et Duffourg, Mme Jacquemet et M. Capo-Canellas.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Ces nouvelles dispositions élargissent sensiblement les missions de la Cnil.

Si les cabinets de conseil étaient amenés à transmettre des données à caractère personnel, ils seraient, au sens de la réglementation, des responsables de traitement comme les autres, donc soumis au RGPD et à la loi Informatique et libertés, et potentiellement aux sanctions de la Cnil. Cet amendement est donc logique.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - En première lecture, nous avions étendu les pouvoirs de contrôle de la Cnil, mais sans étendre ses pouvoirs de sanction, car cela aurait trop modifié l'esprit de la loi Informatique et libertés. Sans étude d'impact, l'application d'une telle disposition me semble risquée. N'allons pas trop vite en besogne.

En deuxième lecture, nous avons intérêt à sécuriser ce qui a été validé par l'Assemblée nationale sur certains points, et à garder des articles ouverts sur d'autres pour cheminer vers un texte commun. L'Assemblée nationale a le dernier mot, je le rappelle. Avis défavorable, tant sur le fond que sur la forme.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Même avis, sur le fond.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Vous avez fait la démonstration vous-même : soit on amende le texte complètement, avec une étude d'impact, pour qu'il soit efficace et conforme aux pratiques de la Cnil, soit on ne fait rien. Il faut être cohérent !

Tout cela ajoutera en outre du travail à la Cnil, qui a déjà fort à faire. Il faudra y penser au moment de l'examen du projet de loi de finances.

Les amendements identiques nos17 et 18 rectifié bis ne sont pas adoptés.

L'article 17 est adopté.

Article 18

Mme la présidente.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par Mme Blatrix Contat, MM. Ros, Pla, Temal, M. Weber et Roiron, Mme Bélim, MM. Tissot, Marie et Redon-Sarrazy, Mme Monier et M. P. Joly.

Alinéa 2

Après la deuxième occurrence du mot :

se?curite?

inse?rer les mots :

et de protection des donne?es garantissant notamment la protection des donne?es traite?es ou stocke?es contre tout acce?s par des autorite?s publiques d'E?tats tiers non autorise? par le droit de l'Union europe?enne ou d'un E?tat membre,

Mme Florence Blatrix Contat.  - Cet amendement vise à renforcer la protection des données sensibles en imposant des garanties contre l'accès non autorisé par des autorités publiques d'États tiers lors des prestations de conseil privé, en cohérence avec les dispositions de la loi visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique, dite loi Sren.

Appliquons aux cabinets de conseil les règles en vigueur pour nos administrations, notamment la qualification SecNumCloud de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi). Cet amendement comble une faille critique.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Je comprends l'intérêt de cet amendement pour contourner l'extraterritorialité du droit américain, mais je doute de sa portée opérationnelle, faute de disponibilité suffisante de l'offre en cloud sécurisée. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Stanislas Guerini, ministre.  - L'enjeu de la protection des données sensibles est essentiel. Le référentiel SecNumCloud fait peser les contraintes de protection des données sur les fournisseurs de solutions techniques. Il existe de plus en plus de solutions de cloud de confiance, proposées par des entreprises françaises. Ne faisons pas peser les contraintes sur leurs utilisateurs, on manquerait la cible. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Florence Blatrix Contat.  - Il faut s'assurer que les cabinets de conseil ont recours aux solutions de cloud sécurisées.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Même avis que le Gouvernement.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Je voterai cet amendement de bon sens, qui s'inscrit dans le droit fil des travaux de la commission des affaires européennes sur la souveraineté des données - sachant que ces dernières, même sous label SecNumCloud, sont à tout moment transférables vers les États-Unis.

M. Arnaud Bazin.  - Si nous votons conforme l'article 18, nous engrangeons déjà le principe de l'audit de sécurité. Le mieux est parfois l'ennemi du bien.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Eh oui !

L'amendement n°6 rectifié n'est pas adopté.

L'article 18 est adopté.

Article 19

Mme la présidente.  - Amendement n°39, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - La liberté contractuelle, garantie par la Constitution, s'oppose à l'application rétroactive de dispositions législatives à des contrats en cours.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Au vu des incertitudes sur le calendrier législatif, nous voulons nous assurer de l'application de la loi dès la promulgation du texte et non à l'expiration des accords-cadres, conclus pour une durée de quatre ans. Avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - La quasi-totalité des recommandations de votre commission d'enquête ont été intégrées dans l'accord-cadre, qui s'applique d'ores et déjà à toutes les administrations de l'État. Nous n'avons pas attendu.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - À ce jour, je ne sais pas si le texte sera promulgué avant la négociation du prochain accord-cadre.

L'amendement n°39 n'est pas adopté.

L'article 19 est adopté.

Vote sur l'ensemble

Mme Nathalie Goulet .  - Nous voterons le texte issu des travaux du Sénat. La rapporteure l'a dit, nous ne savons pas quand il sera définitivement adopté.

Le document budgétaire promis devra être plus complet, au vu des carences du document de politique transversale. Monsieur le ministre, c'est le moment de montrer votre bonne volonté ! Nous devrons avoir un document budgétaire conforme à la réglementation d'ici le PLF.

M. Éric Bocquet .  - Nous voterons ce texte, revenu pour l'essentiel à l'esprit de la commission d'enquête. C'est une avancée.

Mme Audrey Linkenheld .  - Le groupe SER votera cette proposition de loi. Nous sommes favorables à l'installation d'une relation de transparence entre les cabinets de conseil privés et les administrations et opérateurs de l'État. Le recours à ces cabinets doit se faire dans des conditions différentes.

Nous avons des fonctionnaires d'État de très bon niveau, aux compétences équivalentes à celles des consultants, avec pour petit plus le sens de l'intérêt général et du service public. Espérons que ce texte aboutira, malgré les manoeuvres dilatoires du Gouvernement.

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Je voterai ce texte et salue le travail mené. Mais j'insiste sur l'absurdité qu'il y a à étendre les missions de la Cnil sans lui donner les moyens de les exercer.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure de la commission des lois .  - Je salue à nouveau la qualité des travaux de la commission d'enquête. Monsieur le ministre, la publication de ces travaux et les premiers débats au Sénat ont modifié culturellement les rapports des cabinets de conseil avec les administrations. Une traduction législative s'impose. Nous connaissons les méandres, parfois tortueux, du travail législatif... Vous avez les cartes en main pour que ce texte poursuive son chemin dans un délai raisonnable à l'Assemblée nationale. Nous en avons besoin, pour rétablir la confiance en l'action publique.

L'Assemblée nationale doit étudier ce texte rapidement, à l'occasion d'une semaine gouvernementale ; vous pourrez convoquer ensuite rapidement une CMP, pour une promulgation dans un délai raisonnable.

M. Guy Benarroche .  - Je confirme que le GEST votera ce texte, dès lors que le Sénat a rétabli la substantifique moelle des travaux de la commission d'enquête.

Monsieur le ministre, n'attendez pas encore un an avant d'inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Nous comptons sur vous ! Nous avons fait deux fois le job : avec la commission d'enquête, puis en rétablissant l'équilibre du texte. À vous de le soumettre aux députés, pour finir le travail.

M. Arnaud Bazin .  - Je salue de nouveau les travaux de la rapporteure et de la commission des lois. Nous ne sommes plus dans la même situation que lors de la commission d'enquête. (Mme Cécile Cukierman le confirme.) Les cabinets de conseil eux-mêmes ont repris nos recommandations et instauré un cadre plus protecteur. Il faut désormais inscrire rapidement ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, puis convoquer une CMP qui fera litière des quelques difficultés qui demeurent. Nous avons fait l'essentiel du chemin.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée

Mme la présidente.  - À l'unanimité ! (Applaudissements)

La séance est suspendue quelques instants.

Prise en charge des mineurs en questionnement de genre

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à encadrer les pratiques médicales mises en oeuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre, présentée par Mme Jacqueline Eustache-Brinio et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe Les Républicains.

Discussion générale

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, auteure de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) D'abord ne pas nuire. C'est ce principe qui a animé notre réflexion sur la transidentification des mineurs. Témoin de la hausse croissante des demandes de changement de sexe chez les enfants et les adolescents, surtout les filles, le groupe Les Républicains a jugé nécessaire de mettre en place un groupe de travail en mai dernier. Nous avons auditionné, six mois durant, 67 experts français et internationaux, relayant tous les points de vue : médecins, associations, parents, institutions, chercheurs... De ce travail est issu un rapport, qui aborde le sujet dans ses multiples dimensions : scientifique, historique, sociologique, philosophique, etc.

La prise en charge de ces mineurs fait débat, car elle n'est pas sans incidence sur leur santé physique et psychologique.

Le rapport émet quinze préconisations visant à protéger ces mineurs vulnérables ; elles portent sur les domaines scientifique et médical d'une part, et d'autre part sur les domaines scolaire et administratif. Celles qui relèvent de la loi sont déclinées dans cette proposition de loi, cosignée par 102 sénateurs Les Républicains.

Ce texte n'est ni un texte transphobe...

M. Xavier Iacovelli.  - C'est bien caché !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - ... nous rejetons sans détour les discours haineux et les discriminations ; ni une volonté de psychiatriser la transidentité ; ni une atteinte aux droits de l'enfant de grandir et se construire dans un environnement serein et protecteur.

N'en déplaise à certains, les conclusions de nos travaux n'étaient pas écrites à l'avance. (M. Adel Ziane se gausse.) Seuls l'intérêt de l'enfant et la prudence les ont guidées. Cette prudence nous oblige à écouter les inquiétudes de médecins, à alerter sur le rapport bénéfice-risque de traitements dont la réversibilité n'est absolument pas certaine.

Nous avons été conspués, insultés, mais nous sommes ici pour encadrer les pratiques médicales concernant les mineurs uniquement.

En commission des affaires sociales, le texte initial n'a quasiment pas été modifié. (On se gausse sur les travées du groupe SER ; Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Laurence Rossignol éclatent de rire.) Il encadre la prescription des bloqueurs de puberté et interdit aux mineurs les traitements hormonaux tendant à développer les caractéristiques sexuelles secondaires du genre ainsi que les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle.

Il prévoit aussi la mise en place d'une stratégie nationale de soutien à la pédopsychiatrie, dont les défaillances ont été reconnues par la Cour des comptes dans son rapport de mars 2023. Certains y ont vu un retour aux thérapies de conversion. L'accompagnement pédopyschiatrique d'un mineur qui exprime un mal-être reviendrait à lui faire subir une thérapie de conversion ? Qui peut cautionner un tel mensonge ?

Le devoir du législateur est de se saisir des sujets de société qui ont des conséquences sur l'avenir, surtout s'agissant des adultes de demain.

Le professeur de philosophie Jean-François Braunstein considère que la transidentification des mineurs est un problème de santé publique. Il note l'écho en France de doctrines philosophiques, apparues à l'étranger, qui tendent à repousser sans cesse les limites. Il évoque la théorie woke, dont l'une des thèses principales est la théorie du genre qui dénonce « la fausse dichotomie entre le féminin et masculin ».

Le sexe biologique est une réalité indiscutable, inscrit dans nos gènes. Il n'y a pas de sexe « assigné à la naissance ». En France, 180 enfants environ par an naissent avec une variation du développement génital. Les 730 000 autres naissent avec un sexe de fille ou de garçon.

Alors que plusieurs pays européens précurseurs dans l'administration de traitements médicaux chez les mineurs font machine arrière, il nous semble urgent que la France adopte un principe de précaution.

Le rapport du Dr Hilary Cass, publié en avril 2024 en Angleterre, commandé en 2020 par le National Health Service, a eu un retentissement international et conforte notre position de prudence. Il préconise une approche holistique du jeune et un dépistage des conditions neurodéveloppementales et de la santé mentale. Ce rapport a été salué par la rapporteur spéciale des violences contre les femmes et les filles auprès des Nations Unies, Mme Alsalem.

Lors de son congrès de mai 2024, l'Assemblée médicale allemande demande au gouvernement fédéral de revoir la prise en charge actuelle des mineurs. Dans sa déclaration du 6 mai 2024, la Société européenne de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent demande l'arrêt des traitements expérimentaux et inutilement invasifs pour les jeunes dysphoriques de genre.

Cette proposition de loi évitera à des mineurs en questionnement de genre de regretter des traitements ou chirurgies faisant suite à un mauvais diagnostic, comme nous l'avons entendu en audition. La parole et le ressenti de l'enfant ne peuvent être considérés comme aussi mûrs que celui de l'adulte, sachant que le cerveau arrive à maturité à 25 ans. (Mmes Mélanie Vogel et Émilienne Poumirol secouent la tête.)

Nous regrettons les attaques de certaines associations activistes qui manient la menace et l'intimidation. Le courage politique consiste à résister. (Murmures sur les travées du groupe SER) N'acceptons pas la caricature et la confiscation du débat, sur un tel enjeu de santé publique.

Cette proposition de loi n'a d'autre ambition que de sécuriser le parcours des jeunes, la pratique des médecins et le rôle des parents, de donner un cadre dans lequel la liberté des jeunes en construction puisse pleinement s'exercer, sans qu'un jour ils regrettent d'être allés trop loin, trop vite, trop tôt. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi a deux objectifs, que notre commission a souhaité mieux distinguer : l'encadrement de la prise en charge médicale des mineurs en questionnement de genre d'une part ; l'amélioration de la situation délétère de la pédopsychiatrie d'autre part.

Les définitions internationales ont évolué dans le sens d'une dépsychiatrisation de la dysphorie de genre. L'OMS a exclu l'incongruence de genre des troubles mentaux ; elle la définit comme « une incongruité marquée et persistante entre le genre auquel une personne s'identifie et le sexe qui lui a été assigné », accompagnée d'une détresse significative.

Difficile d'estimer sa prévalence en France, mais on observe une forte croissance du nombre de prises en charge : entre 2013 et 2020, le nombre de personnes en affection de longue durée (ALD) pour « transidentité » a été multiplié par dix pour approcher 9 000. Environ 3 % sont mineurs - mais le nombre de ceux-ci augmente vite : huit mineurs en ALD en 2013, 294 en 2020.

Ces mineurs sont principalement suivis au sein de services hospitaliers spécialisés, où des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) précèdent toute décision thérapeutique importante. Ils peuvent également être suivis en ville, sans les mêmes garanties.

Il y a quatre modalités de prise en charge : soutien psycho-social ; bloqueurs de puberté ; traitements hormonaux pour développer les caractères sexuels secondaires du genre d'identification ; actes chirurgicaux de réassignation - si les opérations pelviennes ne sont pas pratiquées avant 18 ans, certaines opérations mammaires peuvent l'être.

La prise en charge médicale n'est qu'un élément, facultatif, du parcours de transition. Il y a aussi la transition sociale, protégée par la loi pénale qui punit toute discrimination fondée sur l'identité de genre, et la transition administrative, facilitée par le législateur : ainsi, la modification de sexe à l'état civil ne requiert plus une chirurgie de réassignation.

L'article 1er initial entendait interdire l'ensemble des traitements et interventions pratiquées dans le cadre des parcours de transition des mineurs. L'article 2 assortit ces interdictions de sanctions pénales.

Le législateur ne doit intervenir dans la pratique médicale que guidé par d'impérieux motifs éthiques ou de santé publique. Sans le cas d'espèce, plusieurs études récentes tendent à justifier cette intervention. Le rapport Cass souligne la faible qualité des études sur l'efficacité des bloqueurs et traitements hormonaux. En Suède, le Conseil national de la santé et du bien-être recommande de mieux encadrer les prescriptions.

Si les bloqueurs de puberté sont réversibles, ce n'est pas le cas des hormones croisées, susceptibles d'avoir des effets définitifs sur la voix, la pilosité faciale ou, à terme, la fertilité du patient.

Nous parlons de mineurs, fragiles à l'adolescence. Selon une pédopsychiatre auditionnée, les demandes de réassignation peuvent être liées à un mal-être adolescent ou à des antécédents complexes. L'Académie nationale de médecine recommande de prolonger autant que possible le suivi psychologique et de ne prescrire de traitements qu'avec prudence. Des cas de regrets et de détransition sont documentés.

D'où la nécessité d'encadrer cette prise en charge par la loi, en conciliant deux impératifs : soulager les souffrances des patients et limiter autant que faire se peut le recours à des thérapies irréversibles sur des mineurs en développement, susceptibles de les regretter.

La commission a souhaité permettre la prescription de bloqueurs de puberté, dans des services hospitaliers de référence assurant une prise en charge pluridisciplinaire. Reconnus comme réversibles, ils laissent le temps au patient mineur d'apprécier ses besoins avant d'aller plus loin.

En revanche, elle a adopté l'interdiction de prescrire des hormones croisées et de procéder à des opérations de réassignation sur des mineurs. Ces traitements difficilement réversibles voire définitifs doivent être mûrement réfléchis.

Cela n'empêchera nullement une transition administrative ni d'accompagner le mineur dans son questionnement et, le cas échéant, dans son parcours de transition sociale.

Enfin, la commission a souhaité un réexamen de ce texte cinq ans après sa promulgation, pour tenir compte des recommandations actualisées de la Haute Autorité de santé (HAS).

L'article 3 a pu surprendre ; il prévoit une stratégie nationale de soutien à la pédopsychiatrie. Il n'est pas question de repsychiatriser la transidentité, mais la dégradation de la santé mentale de nos jeunes est un enjeu de santé publique. Les symptômes anxiodépressifs chez les moins de 17 ans ont doublé entre 2017 et 2022, touchant 10 % d'entre eux. L'offre de soins est insuffisante et inégalement répartie sur le territoire : les délais d'attente vont de six à dix-huit mois.

Il est urgent d'agir, c'est pourquoi la commission souscrit à cet article. Elle a ajouté deux volets relatifs à la formation des professionnels et à la revalorisation de la pédopsychiatrie. La mise en place de cette stratégie ne pourra qu'améliorer le bien-être des mineurs en questionnement de genre, population particulièrement vulnérable : les troubles psychiques y sont fréquents, souvent associés à la stigmatisation. La dépsychiatrisation ne doit pas conduire à les priver d'accompagnement.

Ce texte nous semble nécessaire pour mieux encadrer, avec tolérance, la prise en charge des mineurs concernés. Il apportera une première réponse aux difficultés structurelles de la pédopsychiatrie. La commission vous invite à l'adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Brigitte Devésa applaudit également.)

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - L'identité de genre est une question personnelle et intime, objet de nombreuses controverses, ce qui impose une approche médicale, scientifique et objective.

Nos jeunes ont besoin d'écoute et d'accompagnement.

La question relève d'abord du domaine médical. C'est pourquoi la HAS travaille à l'élaboration de recommandations sur la prise en charge des personnes transgenres. À titre personnel, j'estime que la discussion aurait gagné à ce qu'on attende l'avis de la HAS. (Marques de satisfaction sur les travées du GEST) Il est prématuré de légiférer maintenant (protestations sur les travées du groupe Les Républicains), d'apporter une réponse politique sans consensus scientifique et médical sur cette question sensible.

Je rétablis certaines vérités. Très peu de mineurs transgenres sont concernés par les transitions médicales.

Il ne faut pas confondre l'affirmation sociétale des questions de genre et la situation des personnes qui se sentent appartenir à un autre genre que leur sexe biologique. Établir un lien entre les deux tend à accréditer l'idée d'une « mode ». (M. Xavier Iacovelli le confirme.) N'alimentons pas l'idée selon laquelle un phénomène sociétal conduirait des jeunes à demander, un peu légèrement, à bénéficier de traitements qui ne sont pas anodins.

Selon les spécialistes de la santé de l'enfant, la fréquence dans la population des personnes qui se vivent comme appartenant à l'autre sexe demeure constante depuis des décennies, autour de 0,1 ou 0,2 %.

Leurs souffrances, réelles, justifient un accompagnement et une prise en charge. Celle-ci repose sur une évaluation globale, y compris psychologique, une exploration de genre, une transition sociale, et enfin, l'accompagnement au parcours de transition.

Ce n'est qu'en seconde intention qu'est envisagé le traitement par bloqueur de puberté. Selon la Défenseure des droits, en France, seuls 11 % des jeunes accompagnés dans une transition de genre ont eu accès à des bloqueurs de puberté, dont la réversibilité est prouvée.

En France, aucune chirurgie pelvienne d'affirmation de genre n'est actuellement pratiquée avant 18 ans. Enfin, ces transitions sont toujours subordonnées à l'accord des titulaires de l'autorité parentale et au consentement du patient mineur.

Ne sous-estimons pas les risques : toute interdiction emportant des risques de contournement, cela pourrait inciter à des soins à l'étranger avec beaucoup moins de contrôle. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Hussein Bourgi applaudit également.)

Cette proposition de loi interroge la liberté de prescription des médecins. Le code de la santé publique n'interdit la prescription que pour les stupéfiants - sans l'assortir de sanction. La responsabilité civile du médecin peut être engagée. La création d'un délit autonome au sein du code pénal en cas de violation, par un médecin, d'une interdiction de prescription, constituerait un précédent préoccupant. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du groupe SER ; M. Ian Brossat applaudit également.)

Enfin, les auteurs du texte proposent une stratégie nationale pour renforcer l'offre de pédopsychiatrie. Le Gouvernement partage la volonté d'améliorer la prise en charge des enfants et adolescents victimes de troubles psychiques, d'autant que troubles de l'humeur et tentations suicidaires sont en forte augmentation chez les jeunes.

Toutefois, cette proposition de loi n'est pas le vecteur approprié, l'OMS considérant que l'incongruence ou la dysphorie de genre ne relève pas des troubles mentaux. Des dispositions relatives à la pédopsychiatrie n'ont donc pas leur place dans un texte sur la transition des mineurs.

En revanche, les souffrances psychiques des adolescents concernés peuvent être aggravées par l'impossibilité de bénéficier d'un accompagnement adapté. L'utilité d'un accompagnement psychologique en cas de transition, surtout pour les mineurs, fait d'ailleurs consensus.

Au reste, le Gouvernement n'a pas attendu cette proposition de loi pour renforcer la pédopsychiatrie. La feuille de route de 2021 pour la santé mentale et la feuille de route 2024-2030 pour la santé de l'enfant intègrent des mesures destinées à améliorer la prise en charge de la santé mentale des enfants et des adolescents. La nouvelle stratégie proposée risquerait donc d'être redondante. Enfin, le prochain CNR Santé mentale permettra d'apporter des réponses complémentaires pour la santé mentale des jeunes.

Oui, ces traitements médicamenteux posent des questions sensibles s'agissant de mineurs : ils interviennent chez des adolescents en construction, portent sur une composante de l'identité et répondent à une expérience vécue qui peut être difficile à comprendre par les personnes non concernées. Il faut donc infirmer l'idée que l'accès à ces traitements serait banalisé et se ferait en première intention.

Nous avons observé avec intérêt les débats en commission et le vote de la mesure réservant la prescription des bloqueurs de puberté à des centres de référence spécialisés. Pourtant, est-ce à la loi de définir ces pratiques ? Cela devrait rester une question médicale et scientifique.

Notre priorité est et sera toujours le bien-être et la santé de nos jeunes. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe SER ; M. Ian Brossat applaudit également.)

Question préalable

Mme la présidente.  - Motion n°1, présentée par Mmes M. Vogel, Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mme Senée.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi visant à encadrer les pratiques médicales mises en oeuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre (n° 623, 2023-2024).

Mme Mélanie Vogel .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mmes Émilienne Poumirol, Laurence Harribey, Patricia Schillinger et M. Bernard Buis applaudissent également.) Pour tenter de vous convaincre de rejeter cette proposition de loi dont l'adoption ferait de la France le pays d'Europe le plus restrictif en matière d'accès aux soins des mineurs trans, je vous parlerai de la vraie vie.

Dans la vraie vie, de vraies personnes seraient affectées par le vote de cette loi, ainsi que les personnes qui les aiment et les professionnels qui les suivent.

Car, dans la vraie vie, les personnes trans existent : elles ne sont ni une idéologie, ni une tendance, ni une mode, ni un syndrome, mais des personnes humaines aussi légitimes, aussi dignes, aussi normales que les personnes cisgenres.

Il y a autant de parcours de transition que de personnes trans. Mais il est clair que la puberté est pour nombre de personnes trans le moment où pensées suicidaires, mutilations et détresse psychologique explosent. Deux tiers des jeunes trans ont pensé au suicide et un tiers ont fait une tentative, principalement entre 12 et 17 ans.

Les bloqueurs de puberté, empêchant la puberté vers le genre non désiré le temps que le jeune confirme son désir de transition, sauvent des vies tous les jours. Ils permettent aussi -  puisque cela vous obsède  - d'éviter des chirurgies en aval.

Ils doivent donc pouvoir être prescrits au moment nécessaire - que, par définition, la loi ne connaît pas. J'insiste : les bloqueurs de puberté sont des traitements temporaires.

M. Stéphane Ravier.  - C'est faux !

Mme Mélanie Vogel.  - Dans la vraie vie, non, il n'y a pas de plus en plus de personnes trans. Comme il n'y a pas eu de plus en plus de gauchers en France quand on a cessé de contrarier les enfants qui écrivaient de la main gauche, comme il n'y a pas de plus en plus de couples gays et lesbiens depuis le mariage pour tous...

En réalité, ces personnes, c'est vous qui les voyez enfin. Mais que les personnes trans se cachent un peu moins vous est insupportable. (Marques de dénégation à droite ; M. Jean-Marc Boyer proteste avec énergie.) Pourtant, nous devrions être fiers que davantage de personnes osent affirmer qui elles sont !

Dans la vraie vie, le nombre de personnes qui reviennent sur leur transition est ultramarginal, bien inférieur, par exemple, au nombre de personnes, notamment mineures, qui regrettent d'avoir eu des enfants - et ça, c'est vraiment irréversible. Par ailleurs, pour l'écrasante majorité des personnes qui reviennent sur leur choix, c'est du fait de la transphobie. Et pour les quelques personnes qui le font librement, qu'est-ce que cela vous fait ?

Dans la vraie vie, il n'y a pas, en France, de chirurgie génitale sur des mineurs - sauf pour les enfants intersexes, et sans leur consentement.

Si votre intention était vraiment de protéger les enfants, vous prôneriez des séances d'éducation à la parentalité qui expliquent la transidentité ou voteriez des crédits pour former les enseignants et les professionnels de santé à l'accompagnement des transitions !

En réalité, vous n'avez pas de problème avec les bloqueurs de puberté prescrits à des enfants cis qui ont trop de poils, ou pas assez. Ni avec les chirurgies de réassignation génitale sur des enfants intersexes qu'on mutile pour correspondre à une norme. Ni avec les chirurgies d'affirmation de genre sur des personnes cis qui veulent des seins plus gros ou des jambes plus longues.

Tant que la médecine permet de faire rentrer les individus dans une norme qui vous convient, vous trouvez cela très bien. Mais si elle permet à des gens de vivre libres et heureux sans être ni cis, ni hétéro, ni binaire, vous ne pouvez pas le supporter ! (Protestations à droite)

Les personnes trans existent : ni vous ni aucune loi n'y pourrez rien.

M. Bruno Retailleau.  - Évidemment !

Mme Mélanie Vogel.  - Ce que la loi peut décider, c'est si ces personnes vivront dans la misère et la peur ou dans la liberté et la sécurité.

Madame Eustache-Brinio, la principale des différences entre nous, c'est que jamais je ne déposerai une proposition de loi pour porter atteinte à vos droits fondamentaux ni à ceux de quiconque. Car nous, féministes, humanistes, personnes LGBT, n'irons jamais marcher contre vos droits, celui que vous avez de vous marier avec un homme, d'avoir des enfants avec lui, d'être reconnue comme fille puis femme. Mieux, si un jour arrivait au pouvoir quelqu'un qui cherchait à vous interdire de vous marier avec qui vous le souhaitez, d'être respectée pour qui vous êtes, nous marcherions pour qu'on vous en rende le droit.

La communauté LGBT ne demande, inlassablement, qu'une chose : l'égalité - y compris pour les enfants.

J'ai dans ma famille une petite fille trans, que j'aime infiniment. Sa première alliée, c'est sa soeur. Car pour agir avec bienveillance et respect, il ne faut pas plus que la maturité émotionnelle et l'intelligence relationnelle d'une petite fille de 8 ans et demi, à qui on n'a pas appris à haïr et qui n'a pour sa petite soeur que son amour.

Les alliés des mineurs trans, ce ne sont pas vos transactivistes, un lobby woke ou des militants radicalisés, mais avant tout les personnes qui les aiment. Pour faire partie de ces gens-là, je veux vous dire que je ne suis pas angoissée par l'éventuelle transition de cet enfant, qui nous a demandé ne plus jamais dire qu'elle est un garçon, car, selon ses mots, c'est dégoûtant. Elle n'est pas malade, elle n'a pas de problème ; elle est très bien comme elle est.

Ce qui m'angoisse et qui angoisse tous les parents de mineur trans qui respectent leur enfant comme il est et toutes les personnes qui aiment ces jeunes, c'est de ne pas pouvoir totalement les protéger des gens comme vous. (Applaudissements sur les travées du GEST, du groupe SER et du RDPI ; protestations à droite)

J'ai dû expliquer à ma nièce, qui avait surpris une discussion entre sa mère et moi, ce que j'allais faire cet après-midi : son regard quand elle a compris que des gens importants voulaient rendre la vie de sa petite soeur plus difficile m'a causé une douleur qui ne me quitte pas.

Quelle vie pensez-vous que ces jeunes puissent s'imaginer dans un monde où des adultes cherchent à les empêcher d'être qui ils sont ? Ces débats ne sont pas inoffensifs : ils nourrissent la souffrance et la haine.

À toutes les personnes trans de ce pays, je dis : si vous avez peur, sachez que vous n'êtes pas seuls ; que nous sommes de nombreux parlementaires à être inconditionnellement avec vous, à considérer de notre devoir de démocrates et d'humanistes de conquérir pour vous de nouveaux droits.

Vous n'êtes pas un problème ; la transphobie est le problème. Soyez fiers d'être qui vous êtes ! Ensemble, nous atteindrons l'égalité. (Vifs applaudissements sur les travées du GEST, du groupe SER et du RDPI ; Mmes Silvana Silvani et Olivia Richard applaudissent également.)

M. Alain Milon, rapporteur.  - Votre motion appelle au rejet du texte au motif qu'il serait contraire au droit à l'autodétermination des mineurs concernés et empêcherait la prescription de traitements efficaces. Or ce texte consacre l'existence de centres de référence spécialisés, qui amélioreront la prise en charge des mineurs et de leurs parents. Il est sans conséquence sur la liberté des mineurs d'entreprendre une transition administrative et sociale.

Il vise seulement à différer la prescription de médicaments et la réalisation d'interventions irréversibles. Des équipes pluridisciplinaires spécialisées prendront en charge le mineur et sa famille et essaieront, dans le temps, de poser un diagnostic - ce qu'elles font déjà, sans être reconnues. Celles que j'ai rencontrées m'ont dit qu'un diagnostic précis prend au moins deux ans.

Les bloqueurs de puberté sont, certes, prescrits de longue date, mais dans d'autres indications. Dans le cas de la dysphorie de genre, des publications récentes pointent le manque d'études de qualité. C'est pourquoi la commission a prévu une clause de revoyure dans cinq ans, pour tenir compte de l'avancée des recherches.

Le Sénat doit mener à terme le débat sur ce texte extrêmement important. Avis défavorable à la motion.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Sagesse.

M. Yan Chantrel.  - Les personnes directement concernées étant invisibilisées, je partagerai avec vous le témoignage de Maël, qui a commencé sa transition étant mineur.

« J'ai, personnellement, été très bien entouré, mais le parcours reste semé d'embûches et de vexations. L'obstacle principal consiste à obtenir un rendez-vous avec des professionnels compétents, ce qui renforce le sentiment d'isolement. Je trouve cette proposition de loi et la haine que nous subissons scandaleuses. Je le ressens comme une atteinte à ma liberté et mon intégrité. Si la loi était adoptée, je me sentirais blessé et stigmatisé. Si j'étais encore mineur, cela m'aurait humilié et j'aurais peut-être dû entrer dans l'illégalité pour continuer ma transition. »

Maël est mon neveu. Je mesure concrètement les conséquences dévastatrices de votre entreprise idéologique.

Notre rôle n'est pas de rendre la vie de ces personnes impossible, mais de les accompagner dans le respect de leurs droits. Nous voterons cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur de nombreuses travées du GEST)

M. Ian Brossat.  - Nous parlons d'enfants et de jeunes qui s'interrogent sur leur identité de genre. De quoi ont-ils besoin ? De bienveillance et d'accompagnement.

Ce texte propose au contraire d'interdire et de sanctionner. Loin de protéger ces jeunes, il les fragiliserait à l'âge, toujours compliqué, de l'adolescence. C'est pourquoi nous y sommes très opposés.

S'il y a un drame, ce n'est pas que des jeunes se posent des questions, mais que ces interrogations engendrent souvent violences, insultes et transphobie. C'est contre cela que nous devrions tous nous mobiliser ! Nous voterons cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur plusieurs travées du groupe SER et du GEST)

M. Philippe Grosvalet.  - Le RDSE, une fois n'est pas coutume, sera unanime : nous voterons contre cette proposition de loi inique. Mais nous ne voterons pas la motion car, par principe, nous ne refusons pas le débat, surtout sur une question de fond : ceux qui défendent ce texte sont les mêmes qui s'opposaient à l'avortement et au mariage pour tous ! (Protestations à droite ; nombreuses marques d'approbation à gauche)

M. Hussein Bourgi.  - C'est la vérité !

M. Philippe Grosvalet.  - Assumez vos positions !

À la demande du groupe Les Républicains, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°201 :

Nombre de votants 328
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l'adoption 118
Contre 206

La motion n°1 n'est pas adoptée.

Modification de l'ordre du jour

Mme la présidente.  - M. Hervé Marseille, président du groupe Union Centriste, et M. Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains, ont demandé l'inscription à l'ordre du jour de la proposition de loi n°551 (2023-2024), pour laquelle le Gouvernement a engagé la procédure accélérée, visant à permettre l'élection du maire d'une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet et son examen selon la procédure de législation en commission.

Nous pourrions inscrire les explications de vote et le vote sur ce texte le jeudi 13 juin, à l'issue de l'espace réservé au groupe SER.

La commission des lois pourrait se réunir le mercredi 5 juin au matin pour l'examen du texte et du rapport.

Le délai limite pour le dépôt des amendements de séance serait fixé au lundi 10 juin, à 12 heures, et le délai limite pour l'inscription des orateurs des groupes au mercredi 12 juin, à 15 heures.

Il en est ainsi décidé.

La séance est suspendue à 19 h 55.

Présidence de M. Mathieu Darnaud, vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

Prise en charge des mineurs en questionnement de genre (Suite)

Mises au point au sujet de votes

M. Bernard Buis.  - Lors du scrutin n°201, MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Martin Lévrier souhaitaient voter contre.

Mme Brigitte Devésa.  - Lors du scrutin n°201, M. Vincent Capo-Canellas, ainsi que Mmes Élisabeth Doineau, Catherine Morin-Desailly, Dominique Vérien et Sylvie Vermeillet ne souhaitaient pas prendre part au vote, tandis que M. Bernard Pillefer et Mme Nadia Sollogoub souhaitaient s'abstenir.

Acte en est donné.

Discussion de la motion préjudicielle

M. le président.  - Motion préjudicielle n°42, présentée par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

En application de l'article 44, alinéa 4, du Règlement, le Sénat décide de suspendre le débat sur la proposition de loi visant à encadrer les pratiques médicales mises en oeuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre (n° 623, 2023-2024) jusqu'à ce que la Haute Autorité de santé ait rendu ses recommandations concernant la prise en charge des mineurs transgenres.

Mme Anne Souyris .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Nous savons qu'il y a dans l'hémicycle ce soir des militants favorables et défavorables à ce texte. Avec mon groupe, nous nous opposons clairement aux mesures qu'il contient.

Mais je m'adresse à celles et ceux qui ne savent pas si les pratiques médicales sont source de risques pour les mineurs ; à celles et ceux qui ont une opinion, mais s'autorisent à se poser des questions - j'en ai fait partie avec d'autres collègues, trop peu nombreux, qui ont assisté aux auditions du rapporteur.

Les transitions des mineurs transgenres sont-elles dangereuses ? J'ai interrogé des familles concernées. Je ne vous répéterai pas ce qu'elles m'ont dit : vous avez tous et toutes été interpelés.

Sans ces pratiques médicales, ces jeunes -  osons le mot  - seraient morts. Notre vote a donc une importance particulière pour eux. Mais que nous disent les expertes et les experts médicaux ?

Les bloqueurs de puberté donnent aux jeunes en questionnement de genre du temps pour prendre une décision éclairée sur la suite de leur parcours. Les traitements hormonaux influent sur la poitrine, la voix et la pilosité : ils ne peuvent être prescrits que sur avis médical et à partir de 16 ans, si l'autorité parentale y consent.

Les opérations chirurgicales de réassignation de sexe sont interdites avant 18 ans. Les opérations chirurgicales de réassignation de genre - surtout des torsoplasties - sont interdites avant 16 ans et sont réalisées en moyenne à 18,4 ans, selon une étude réalisée sur les 239 jeunes pris en charge à la Pitié-Salpêtrière depuis 2012.

J'étais bien seule, avec Alain Milon et Silvana Silvani, lors de la vingtaine d'auditions réalisées.

M. Alain Milon, rapporteur.  - C'est vrai.

Mme Anne Souyris.  - Seule exception, lors de l'audition de l'association La petite sirène, dirigée par Céline Masson et Caroline Eliacheff, qui ont participé à la rédaction de la proposition de loi...

Ces pratiques médicales ne touchent que 300 jeunes par an. Ils ne demandent pas d'évolution de la législation. À peine 2 % des jeunes concernés expriment une volonté de retour en arrière, presque toujours à cause de la stigmatisation dont ils sont victimes.

L'autrice de la proposition de loi a publié un rapport de 300 pages il y a quelques semaines. Les expertes et les experts ont affirmé que leurs propos avaient été tronqués. La presse a dénoncé une supercherie.

Alors, faut-il encadrer davantage ces pratiques déjà encadrées qui permettent à 300 jeunes de survivre ? Comment le justifier ? Pour le rapporteur, « il ne va pas de soi que le législateur doit intervenir ainsi dans la pratique médicale ; il ne peut le faire que guidé par d'impérieux motifs éthiques ou de santé publique. » Je le rejoins. Sommes-nous en présence de ces impérieux motifs ?

Si ces motifs sont éthiques, comment juger des pratiques médicales liées à la transidentité ? En leur temps, d'autres ont tenté de juger les minorités homosexuelles. Ils n'étaient pas du bon côté de l'Histoire.

Si ces motifs sont liés à la santé publique, disposons-nous de preuves solides pour renforcer l'encadrement de ces pratiques ? Nous ne devrions légiférer qu'une fois éclairés par les dernières connaissances scientifiques, mais aucune agence sanitaire nationale n'a publié d'avis sur la question. La HAS ne formulera ses recommandations que dans un an.

Légiférer dès aujourd'hui serait méconnaître la démarche démocratique fondée sur la connaissance scientifique. Si nous le faisions, nous devrions légiférer de nouveau dans moins d'un an !

J'invite toutes celles et tous ceux qui se retrouvent dans cette démarche à me suivre. (Applaudissements sur les travées du GEST, du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe CRCE-K ; M. Olivier Bitz applaudit également.)

M. Alain Milon, rapporteur.  - Les auteurs de la motion ne précisent pas à quelle recommandation ils font référence.

La HAS doit publier les siennes fin 2024 ou début 2025 sur les populations de 16 ans et plus. Dans un second temps -  pas avant fin 2025  - , elle publiera ses recommandations pour les moins de 16 ans. Celles-ci ne visent pas à faire évoluer les connaissances scientifiques ; elles se fondent sur la mobilisation des connaissances disponibles à travers l'analyse de la littérature existante.

Enfin, j'ai auditionné la HAS - seule Mme Souyris était présente. Ses représentants ont précisé que l'Autorité respecterait évidemment la loi lorsqu'elle établirait ses recommandations. Que le Gouvernement ait saisi la HAS de cette question ne dessaisit pas le Parlement. Il ne revient pas non plus à la HAS de définir l'ordre du jour du Sénat.

Des revues internationales font état de la qualité insuffisante des études existantes. Les effets des traitements que nous proposer de différer sont irréversibles. Avis défavorable.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Sagesse.

À la demande du groupe Les Républicains, la motion42 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°202 :

Nombre de votants 320
Nombre de suffrages exprimés 300
Pour l'adoption 115
Contre 185

La motion n°42 n'est pas adoptée.

Discussion générale (Suite)

M. Xavier Iacovelli .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Cette proposition de loi, loin d'apporter des solutions aux mineurs atteints de dysphorie de genre, présente des éléments préoccupants. En commission, le rapporteur a posé des garde-fous et a tenté d'objectiver le débat.

Initialement, l'article 1er souhaitait interdire les bloqueurs de puberté et les traitements hormonaux, qui sont pourtant utilisés depuis quarante ans pour lutter contre la puberté précoce et pour offrir une pause aux mineurs qui s'interrogent sur leur genre.

Cette proposition d'interdiction générale ne prend pas en compte les avis scientifiques.

En 2020, 8 952 personnes relevaient du régime des ALD pour transidentité ; 3,3 % d'entre elles étaient mineures. Seule une petite dizaine de personnes est concernée par cette proposition de loi. Ces jeunes peuvent recourir aux bloqueurs de puberté et aux traitements hormonaux, qui sont des procédés réversibles -  ces pratiques sont encadrées. En les privant d'un suivi nécessaire, nous risquons de voir se développer un marché parallèle, hors de tout contrôle. Leur détresse psychologique augmentera, peut-être jusqu'au suicide.

Le plus souvent, les traitements sont prescrits vers 15 ou 16 ans, quand la puberté est la plus forte. Le moratoire de deux ans revient à ne les autoriser qu'à la majorité - comme le prévoyait le texte initial !

Selon les auteurs, on aurait laissé les transactivistes s'immiscer partout, surtout à l'école. Une mode trans s'emparerait des jeunes de notre pays. C'est nier les difficultés qu'ils traversent. Présenter ces traitements comme une mode est stigmatisant, car ces jeunes vivent une grande détresse morale. Alors que nous attendons l'avis de la HAS, vous préférez une proposition de loi idéologique sans fondement scientifique. (Mme Jacqueline Eustache-Brinio proteste.)

Pis, vous souhaitez sanctionner pénalement les médecins qui veulent accompagner ces jeunes. Ce message de répression contraste avec l'esprit de compréhension qui devrait prévaloir à l'endroit de ces mineurs.

Et que dire de l'article 3, le plus scandaleux ? Pourquoi lier dans le même texte la psychiatrie et la dysphorie de genre, qui n'est pas reconnue comme une maladie mentale, ni par la France ni par l'OMS ?

Si un accompagnement psychologique est nécessaire, c'est au corps médical de le décider, certainement pas au législateur.

Y a-t-il un lien entre les sénateurs qui ont cosigné ce texte et ceux qui ont voté contre la fin de l'interdiction des thérapies de genre ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Pas du tout !

M. Xavier Iacovelli.  - Ce sont les mêmes ! (M. Thomas Dossus et Mme Mélanie Vogel renchérissent.)

M. Philippe Bonnecarrère.  - Pas d'attaques personnelles.

M. Xavier Iacovelli.  - Les organisations internationales de santé ont mis en garde contre la remise en cause des traitements. Je salue la position d'Aurore Bergé qui s'est opposée à ce texte. (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains)

Voter cette proposition de loi serait une première dans notre République : ce serait la première fois que le législateur déterminerait ou interdirait des prescriptions médicales. Nous ne donnerons pas notre voix à une démarche qui n'est qu'un prétexte pour donner crédit aux positions les plus radicales, les plus injustes et les plus réactionnaires de notre assemblée. Le groupe RDPI votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe SER, ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRCE-K)

Mme Laurence Rossignol .  - Je ne suis pas sûre d'avoir autant de certitudes que ceux que j'entends depuis deux heures...

Beaucoup de jeunes contestent leur assignation au genre lié à leur sexe de naissance, de plus en plus de jeunes se déclarent non binaires. Enfin, nous restons malgré tout dans une échelle modeste : il n'y a pas de vague transitionnelle !

Je constate aussi l'empathie et la solidarité des autres jeunes à l'égard de ceux qui souffrent d'incongruence de genre.

M. Philippe Tabarot.  - Nous sommes les méchants...

Mme Laurence Rossignol.  - En cela, c'est un phénomène non pas idéologique, mais générationnel.

La jeunesse n'est déjà pas en bonne santé mentale ni à l'aise avec ce monde. Et nous n'avons rien trouvé de mieux qu'interdire ce qui les touche et les émeut.

Des collègues ont évoqué l'absence de données scientifiques. Mais, quand celles-ci existent, elles sont soupçonnées d'être manipulées.

Je suis allé chercher dans ce fameux rapport du groupe Les Républicains - qui n'est pas un rapport sénatorial et qui n'engage donc que le groupe Les Républicains... (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) C'est bien que le pays le sache et que vous l'assumiez, mes chers collègues !

Il part d'un fait, sans vraiment s'intéresser au fond : l'augmentation du nombre de demandes de transition chez les filles, qui ont vu leurs mères se battre pour l'égalité et contre les violences sexistes et sexuelles. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains). Or celles-ci constatent que la condition des femmes est peu enviable et que la puberté les expose à ces violences ; il est donc naturel qu'elles se posent la question : le genre féminin est-il le meilleur pour vivre heureux et épanoui ? (Les protestations redoublent.)

Mme Pascale Gruny.  - C'est scandaleux !

Mme Laurence Rossignol.  - Les services de santé seraient complices, dites-vous. Ils seraient « transaffirmatifs ». Que signifie ce néologisme ? Devraient-ils les dissuader d'agir plutôt que de les aider ?

La transition ne s'encourage pas, mais ne se combat pas non plus : c'est un fait. Cela me rappelle les débats sur l'homosexualité. On constate qu'on est homosexuel, on ne le choisit pas.

Je n'ai pas trouvé dans votre rapport trace de l'intérêt de l'enfant. Votre approche est idéologique : les fondements de notre société, menacés hier par les homosexuels, le seraient aujourd'hui par les jeunes en transition. C'est le chapitre II du grand remplacement, qui conduira à la décadence de l'Occident... Vous rejoignez Vladimir Poutine, qui a fait des homosexuels et de la transidentité ses cibles principales.

J'ai été très étonnée qu'au nom du principe de neutralité de l'école, vous proposiez de revenir sur la circulaire Blanquer, qui aménage l'espace des enfants en questionnement de genre et les autorise à changer de prénom, avec l'accord des parents. Pour vous, la transition de genre est une opinion. Vous faites une grave erreur et manifestez ainsi le caractère politique de votre propos.

Le rapporteur a essayé de remettre la décision médicale dans l'interdiction générale. Il y a autant de parcours que d'enfants. Pour certains, les traitements sont adaptés, pour d'autres, inadaptés ou prématurés. Mais cela relève d'une décision médicale !

Nous sommes d'accord pour confier la prise en charge à des centres spécialisés, comme nous l'avons fait pour les enfants intersexes dans la loi bioéthique. Un médecin ne peut assurer à lui seul l'accompagnement du jeune et de sa famille. Mais il n'y a pas besoin d'une loi pour ce faire.

Malgré les efforts du rapporteur, il demeure des éléments inacceptables : qui sommes-nous pour décider qu'il faut attendre deux ans pour autoriser le traitement hormonal ?

L'interdiction des hormones croisées avant 18 ans ne ferait que renforcer la contrebande et le trafic de médicaments ; là encore, le législateur se substituerait à la décision médicale.

Le groupe SER est favorable à une prise en charge dans des centres spécialisés, avec des décisions adaptées à l'intérêt de l'enfant. La chirurgie ne doit pas être accessible aux mineurs.

Monsieur le ministre, j'aurais pu reprendre mot pour mot votre intervention. Nous voterons contre ce texte. Mais soyez cohérents : engagez-vous à organiser l'offre de soins et donnez un avis défavorable à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du RDPI et du GEST ; Mme Silvana Silvani applaudit également.)

Mme Muriel Jourda .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Ce texte est issu d'un travail fouillé du groupe Les Républicains sur une situation connue du monde juridique et du monde médical. Bien que le phénomène soit peu quantifiable, on observe une recrudescence chez les mineurs, au point que le ministre de l'éducation nationale a pris une circulaire...

M. Xavier Iacovelli.  - ... pour protéger les enfants !

Mme Muriel Jourda.  - Nous ne voulons pas d'actes irréversibles pour les mineurs ; nous une prise en charge par une équipe pluridisciplinaire, qui ne prescrira de bloqueurs de puberté que si elle le juge adéquat.

Un argument m'a marqué : le droit à l'autodétermination de l'enfant. Mme Vogel a invoqué la liberté de l'enfant à définir son sexe. Pardonnez-moi d'être abrupte, mais avons-nous perdu tout bon sens ? Si vous interrogez un enfant, il vous répondra qu'il ne veut pas aller à l'école et qu'il préfère regarder des vidéos sur TikTok en mangeant des frites au ketchup. (M. Xavier Iacovelli marque son désaccord ; protestations à gauche) Et on le laisserait décider de son sexe ? Avez-vous oublié ce qu'est un adolescent ? Il oscille entre vantardise, moquerie, timidité. Et c'est à ces êtres instables que vous voulez demander s'ils veulent changer de sexe ? (« Très bien ! » à droite ; Mmes Mathilde Ollivier et Émilienne Poumirol marquent leur désapprobation.)

Notre rôle est de protéger les enfants, y compris contre eux-mêmes lorsqu'ils n'ont pas la capacité de mesurer les conséquences de leurs décisions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Bravo !

M. Stéphane Ravier .  - Les mineurs trans n'existent pas, n'en déplaisent aux adeptes de la transmania. Ils n'existaient pas avant que le progressisme le plus fanatique n'abolisse tous les repères. C'est votre idéologie libertaire d'adulte qui leur a construit un labyrinthe de souffrances. (Exclamations à gauche)

En 2020, je me souviens d'un petit garçon de 8 ans qui prétendait être une fille, et était présenté comme une bête de foire dans une émission à forte audience : c'est de l'exploitation, et non de l'éducation.

Les pédopsychiatres sont pourtant unanimes : à cet âge, on agit pour plaire à ses parents.

Votre individualisme exacerbé et dévoyé combine paradoxalement l'enfant roi, à qui l'on passe tous les caprices, à l'enfant proie, à la merci des délires idéologiques et des grandes personnes. Ce n'est pas pour rien que la loi refuse le changement de sexe dans l'état civil.

Les enfants n'ont pas toutes les données pour prendre des décisions irréversibles : la loi doit protéger leur intérêt supérieur. S'il existe un principe de précaution pour l'écologie environnementale, il faut un principe de précaution pour l'écologie humaine.

Sans alternance politique, l'Angleterre a supprimé les bloqueurs de puberté pour les mineurs depuis le 1er avril. Des études montrent qu'ils nuisent au développement du squelette et du cerveau. (Mme Émilienne Poumirol s'exclame.) Tirons les leçons des calamiteuses expériences de nos voisins.

Notre assemblée, qui a renforcé la protection des mineurs victimes de violences sexuelles en 2021, ne devrait pas faire fi de leur vulnérabilité au moment de choisir une mutilation.

L'opposition à ces trois traitements devrait être unanime, la mienne est en tout cas sans équivoque. (Mmes Sylviane Noël et Laurence Muller-Bronn applaudissent.)

M. Ian Brossat.  - On a les soutiens que l'on mérite...

Mme Marie-Claude Lermytte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Protéger les mineurs, c'est notre volonté à tous. Nous avons conscience que la transidentité, notamment des mineurs, prend de plus de place dans la société et dans la communauté médicale.

Comme moi, vous avez reçu de nombreux mails pour ou contre cette proposition de loi, qui traite d'une question médicale et personnelle.

Ce texte est issu du rapport du groupe Les Républicains. Globalement, les arguments ne correspondent pas toujours aux données, qui concernent les majeurs. La HAS travaille à l'élaboration d'un rapport complet. Légiférer sur un tel sujet avant sa publication et sur la base d'un rapport interne à un groupe parlementaire n'est pas opportun. Plus on politise les sujets de santé, moins ils sont bien gérés.

La proposition de loi aborde deux thèmes qui ne doivent pas être confondus, la transidentité d'une part et la pédopsychiatrie d'autre part. Nous refusons que ce sujet important soit traité ainsi ; les personnes concernées souffrent. À la quasi-unanimité, les sénateurs INDEP ne prendront pas part au vote.

M. Rémi Féraud.  - Vous auriez pu voter contre !

Mme Brigitte Devésa .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue Jacqueline Eustache-Brinio : le sujet est difficile et il faut du courage. Merci à Alain Milon pour son expertise et pour son travail de rapporteur.

Ce n'est pas un petit texte ; il s'agit de l'émancipation des individus - de savoir si les mineurs, enfants et adolescents, peuvent échapper au déterminisme. Il pose la question de l'émancipation. Comme disait Cioran : « ce que nous nommons émancipation, c'est le libre choix d'une âme entre différentes limitations. »

Les auditions l'ont montré : il y a urgence à légiférer. Les scientifiques et les philosophes nous ont rappelé que la prise en charge des mineurs en questionnement de genre ne devait pas être l'apanage de l'idéologie et de la morale. Le législateur doit établir une référence acceptée de tous, définie en assemblée et non selon l'appréciation intime d'un psychologue ou d'un endocrinologue en cabinet.

Comment répondre aux mineurs qui se sentent engoncés dans un genre dont ils disent - ou dont on leur dit - qu'il n'est pas le leur ? Pourquoi briser un triptyque : volonté d'un jeune, accord des tuteurs et validation d'un professionnel ? Que répondre aux tenants de la transidentité qui considèrent qu'il y a urgence à agir ?

Pourquoi attendre la majorité ? Ce texte traite de la question du temps. S'il y a bien un âge ou le temps n'est pas comme du sable qui s'écoule, c'est celui de l'enfance, où chaque pas fait sens. C'est le temps de la construction de l'être, de l'apprentissage et des doutes.

Nous croyons que donner du temps au temps n'est pas une chose vaine : la pensée évolue davantage que le corps. Seul le temps permet à la pensée de dominer le corps. Mais si le corps domine et que la pensée évolue, les mutations sont irréversibles.

Cette proposition de loi fait de la patience la seule forme de prudence convenable. Le temps est la dernière arme contre le déterminisme. C'est pourquoi certains membres de mon groupe voteront ce texte.

Si Marianne nous rappelle que de nombreux endocrinologues sont frileux et que certains psychologues refusent tout traitement avant 18 ans, les réunir en réunion pluridisciplinaire ne changera rien

Merci à la commission et au rapporteur.

Permettez-moi de m'adresser à cet enfant qui nous écoute peut-être.

Ce n'est qu'en grandissant que tu mesureras la valeur des choix. Un jour, tu seras l'adulte que tu veux être et tu te rappelleras que les sénateurs t'auront empêché de t'en vouloir, à toi et aux adultes qui t'entouraient. (Marques d'agacement à gauche) La sénatrice que je suis voit en toi non pas la fille ou le garçon, mais le citoyen qui accepte de voir en lui autre chose que son identité. (Mme Émilienne Poumirol et M. Yan Chantrel ironisent.) Tu comprendras que nous avons voulu t'isoler des adultes qui trop souvent suivent la mode et ont peur de s'opposer au rouleau compresseur du progrès. (Protestations à gauche) Les voix sont contradictoires, mais le doute doit profiter à l'insouciance de l'enfance. La frontière entre la majorité et la minorité doit être sacrée.

Une voix à droite.  - Excellent !

Mme Brigitte Devésa.  - Tu comprendras qu'il ne faut pas manipuler les corps et des cellules au nom du bien-être. Tu comprendras que nous avons dû légiférer face à des dérives sans précédent et en tenant compte du nombre grandissant de personnes qui ont regretté. (Les protestations redoublent.)

Mme Émilienne Poumirol.  - C'est le grand remplacement !

Mme Brigitte Devésa.  - Si tu ne comprends cela qu'une fois adulte, c'est que nous avions raison : attendre n'était pas une si mauvaise idée.

Victor Hugo disait : « les opiniâtres sont les sublimes. (...) L'obstiné dans le vrai a la grandeur. Presque tout le secret des grands coeurs est dans ce mot : perseverando. La persévérance est au courage ce que la roue est au levier. » (Bravos et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Nadia Sollogoub, Nadège Havet, MM. Olivier Henno et Stéphane Ravier applaudissent également.)

Mme Anne Souyris .  - (Applaudissements sur les travées du GEST, du groupe SER, ainsi que sur quelques travées du groupe CRCE-K) Madame Eustache-Brinio, vous avez fait grand bruit autour de votre rapport et M. Retailleau a inscrit cette proposition de loi très vite à notre ordre du jour : voilà une histoire bien ficelée.

Vous répandez des idées fausses qui alimentent la peur vis-à-vis d'une population encore très méconnue. Heureusement, une première parole commence à se libérer. Vous vous appuyez sur des études tronquées ou biaisées et brandissez les quelques cas de détransition comme des totems. Vous faites croire qu'il n'y aurait aucun cadre concernant les mineurs.

Ce rapport est une défaite de la pensée et de l'honnêteté. C'est la fabrique de la peur. Votre combat, c'est la haine et la transphobie, pas la protection de l'enfance.

Le taux de suicide des jeunes en questionnement de genre est l'un des plus élevés. Mais vous vous en détournez.

Écrire 300 pages de mensonges ne fera pas une vérité scientifique. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Votre rapport est un pamphlet dans lequel les personnes auditionnées ne reconnaissent pas leurs propos et qui abîme notre institution et la démocratie.

Heureusement, il y a eu de vraies auditions ; j'en sais gré à M. Milon. Tous les organismes, y compris le Conseil national de l'ordre des médecins et l'Académie nationale de médecine, se sont dits inquiets de cette loi.

Non, il n'y a pas d'activistes dans les écoles pour transformer vos enfants comme le suggère votre rapport !

M. Max Brisson.  - C'est insupportable !

Mme Anne Souyris.  - Ce qui est insupportable, c'est ce rapport !

Non, un jeune ne devient pas trans après avoir visionné un TikTok !! Ces affabulations sont dangereuses : elles creusent le sillon de la discrimination.

Les parents, les enseignants, les rares médecins prescripteurs ne sont pas des activistes : ils essayent d'éviter la désocialisation, la déscolarisation voire le suicide de l'enfant. Les seuls activistes sont les propagateurs de fausses nouvelles par pure idéologie. Madame Eustache-Brinio, de quel côté penche l'activisme ?

S'il existe une épidémie, c'est celle des suicides dans la communauté trans. Pourquoi une loi, alors que les jeunes suivis par le centre de la Pitié-Salpêtrière ne font plus de tentatives de suicide ? Tous les jeunes suivis dans le centre se rescolarisent, quand 28 % arrivent déscolarisés.

Nous manquerions d'études ? Celles qui existent prouvent que les bloqueurs de puberté et les prises d'hormones limitent les risques suicidaires et dépressifs et améliorent le bien-être. C'est le seul horizon qui devrait nous guider.

La commission a réécrit un texte en autorisant les bloqueurs de puberté, mais en les retardant de deux ans, voire plus... C'est une interdiction de facto, car la puberté n'attend pas.

Les écologistes se battront contre ce texte, jusqu'au bout. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER ; MM. Philippe Grosvalet, Ian Brossat et Mme Cathy Apourceau-Poly applaudissent également.)

Mme Silvana Silvani .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'augmentation du nombre de jeunes qui demandent une consultation médicale pour inadéquation entre le genre ressenti et le genre de naissance serait, selon les auteurs de la proposition de loi, la conséquence des discours de certains influenceurs vecteurs de mal-être existentiel à l'adolescence...

Rappelons que la crise d'identité vécue par de nombreux jeunes à l'adolescence existait bien avant Instagram et TikTok. Reconnaissons collectivement que cette société capitaliste qui met à mal le vivre ensemble, les droits sociaux et l'écologie contribue à alourdir leurs inquiétudes.

Pour les accompagner dans leur questionnement, il faut des professionnels formés, pas une proposition de plan national pour la pédopsychiatrie au détour d'un article.

Disons-le clairement, cette proposition de loi issue d'un texte interne au groupe Les Républicains se sert de la protection des enfants comme d'un paravent dans son combat idéologique contre les personnes transgenres.

Vous voulez interdire des substances qui ne sont quasiment pas prescrites et une chirurgie qui n'est ni autorisée ni pratiquée. Selon la HAS, seules 294 personnes de moins de 18 ans ont été prises en charge en 2020 pour transidentité, soit 0,002 % des 14 millions de moins de 18 ans.

Vous surfez sur les vagues d'un grand remplacement (Mme Jacqueline Eustache-Brinio proteste vivement), au mépris de la souffrance des personnes concernées et des familles.

J'ai constaté le mécontentement du personnel médical qui estime avoir été utilisé dans votre rapport.

Le rapporteur, si l'on en croit l'Agence France-Presse, a souhaité effacer tout soupçon de transphobie... Quel aveu !

Bravo pour le toilettage, mais il s'agit plutôt de maquillage : ne soyons pas dupes, c'est le même texte, sous des dehors différents ! L'accès aux bloqueurs de puberté et aux traitements hormonaux est si strict qu'il est quasiment impossible.

Assumez votre objectif politique qui est d'interdire les parcours de transition des mineurs, mais aussi des majeurs. C'est écrit noir sur blanc dans la recommandation n°5 qui préconise l'interdiction des chirurgies de réassignation sexuelle aux moins de 25 ans.

Il s'agit de marquer des points à quelques jours des élections européennes auprès d'un électorat traditionaliste et conservateur. (Marques d'indignation à droite)

M. Guy Benarroche.  - C'est vrai !

Mme Silvana Silvani.  - Ce texte régressif reprend les arguments de l'extrême droite. Ce faisant, vous adressez un message de haine à ces jeunes qui subissent une explosion des violences à leur encontre. Notre groupe votera majoritairement contre ce texte. (Applaudissements sur la plupart des travées des groupes CRCE-K, ainsi que sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Philippe Grosvalet applaudit également.)

Mme Véronique Guillotin .  - Le groupe RDSE entend fonder son opinion sur la science. Loin de la pandémie clamée, les transitions médicales ne concernent que quelques centaines de mineurs. L'augmentation des demandes entre 2013 et 2020 s'explique davantage par le plus grand nombre de consultations disponibles et la déstigmatisation. Ni mode ni lubie.

Le texte n'interdit plus les bloqueurs de puberté et c'est heureux.

Les sociétés savantes préconisent l'usage des traitements hormonaux, au moment opportun, sans barrière d'âge. Ces traitements réduisent la souffrance et l'anxiété et permettent parfois d'éviter la chirurgie. Les études montrent qu'ils ont peu d'effets secondaires.

Les réassignations chirurgicales ne sont pas pratiquées sur les mineurs, à l'exception de torsoplasties, dans des cas très exceptionnels.

L'éligibilité au traitement médical ou chirurgical est individualisée, validée collégialement, après plusieurs consultations. On compte en moyenne un an entre la première consultation et la première prescription, ce qui laisse un délai de réflexion aux jeunes et à leurs familles. Nulle légèreté dans la prise en charge.

Rien n'indique qu'il faille poser des interdictions au personnel médical, avec prison et amende à la clé.

Le rapport à l'origine de cette proposition de loi, à rebours des positions majoritaires de la communauté scientifique et médicale, a été corédigé par une psychologue et une pédopsychiatre, militantes d'une association de lutte contre toute transition de genre chez les mineurs. Cela interroge sur son impartialité. Des retranscriptions partielles ou des déformations des propos des personnes auditionnées sont à déplorer.

Nous ne minimisons pas les questions éthiques soulevées, autour du regret et de la nature du consentement de l'enfant, notamment. L'identification transgenre est moins stable chez l'enfant. Aussi les effets sur la fertilité doivent être pris en compte dans la décision de traiter.

Faut-il punir de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende un médecin qui prescrirait un tel traitement à un mineur de 17 ans et demi, ce qui peut le sauver du suicide ? Non.

En janvier dernier, le groupe RDSE a fait adopter par le Sénat une résolution en faveur de la santé mentale des jeunes. Pour autant, l'article 3 sur la pédopsychiatrie n'a pas sa place ici, la dysphorie de genre n'étant plus classée dans la liste des affections psychiatriques. Nous ne nous associerons pas à un tel retour en arrière.

Nous considérons préférable de confier ces jeunes à des professionnels de santé compétents, et d'attendre les recommandations actualisées de la HAS.

Malgré le travail d'équilibriste du rapporteur, notre groupe défendra plusieurs amendements pour modifier le texte en profondeur. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe CRCE-K ; MXavier Iacovelli applaudit également.)

Mme Laurence Muller-Bronn .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi est l'aboutissement d'une année de travail à écouter l'ensemble des parties concernées, sans parti pris et sans stigmatiser qui que ce soit. (Marques d'ironie à gauche)

Nous avons pris cette initiative en constatant les préoccupations dans les familles et chez les professionnels de l'enfance et de la santé.

Si nous étions transphobes et liberticides, nous aurions déposé ce texte sans ce travail de fond et ses 60 auditions.

En premier lieu, les médecins auditionnés ont réaffirmé que la transsexualité est une pathologie (on conteste le terme à gauche) reconnue dès le plus jeune âge. Sa prise en charge, par des équipes pluridisciplinaires, existe depuis longtemps. Le mal-être des enfants et des adolescents a toujours existé et c'est le rôle des parents, des adultes et de la société de leur laisser le temps d'évoluer.

Trop souvent, l'argument du risque suicidaire occulte les pathologies et les comorbidités telles que l'anorexie, l'autisme et les traumatismes enfouis dus parfois à des abus sexuels. (Protestations à gauche)

Mme Émilienne Poumirol.  - C'est scandaleux !

Mme Laurence Muller-Bronn.  - Des études internationales ont montré que ces comorbidités étaient présentes dans 70 % à 80 % des cas et que 80 % des mineurs se réconcilient avec leur sexe après la puberté. Si le trouble reste, l'adulte reprendra les démarches.

M. Xavier Iacovelli.  - Trouble ? Quel trouble ?

Mme Laurence Muller-Bronn.  - Dès lors, y a-t-il nécessité médicale impérative et véritable consentement ? L'enfant possède-t-il un discernement suffisant pour s'autodéterminer en matière de sexualité ? La reconnaissance de l'autonomie de l'enfant dans sa vie sexuelle est dangereuse, et même perverse : poussée à l'extrême, elle conduit à la pédophilie ! (Marques d'indignation et de perplexité à gauche)

M. Guy Benarroche.  - Au bûcher !

M. Ian Brossat.  - Mais on est où là ?

Mme Laurence Muller-Bronn.  - Les connaissances médicales sur les effets secondaires des traitements hormonaux nous invitent à la plus grande prudence. En mars, des victimes transgenres ont déposé plainte contre l'État au sujet de l'Androcur.

En avril, le Royaume-Uni a interdit les traitements hormonaux. Dès 2020, la Finlande a fortement limité l'hormonothérapie. La Suède a suivi deux ans plus tard. En décembre dernier, la Norvège a réduit l'usage des hormones aux seuls essais cliniques. Le Danemark prend le même chemin.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Laurence Muller-Bronn.  - Je souhaite que notre débat, qui ne doit pas tomber dans l'idéologie, soit entendu par les parents et la société tout entière. (On s'impatiente à gauche.)

Notre responsabilité à l'égard des jeunes nous impose d'être parfaitement conscients et informés des pratiques médicales et chirurgicales pour les mineurs, tout particulièrement lorsqu'elles sont irréversibles. (Protestations à gauche ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Stéphane Ravier applaudit également.)

Mme Pascale Gruny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce sujet délicat a trait à la santé de nos enfants et à la responsabilité parentale. Je salue Jacqueline Eustache-Brinio qui a mis ce sujet sur la table et remercie Alain Milon qui a préparé un texte équilibré et responsable.

La dysphorie de genre touche peu d'enfants en France, mais elle est en augmentation. L'intervention du législateur est donc nécessaire pour mieux accompagner ces jeunes.

Nous devons tenir compte des situations personnelles et des retours d'expérience des pays étrangers « en avance ». Or l'incertitude prévaut. Plusieurs études récentes remettent en cause la solidité scientifique qui fonde les traitements et des pays font machine arrière, comme l'Angleterre qui a limité la prescription des bloqueurs de puberté. Bien que considérés comme réversibles, ils ont des conséquences sur la santé osseuse et le développement cognitif. Les jeunes et les familles doivent être informés.

Les traitements hormonaux de substitution sont difficilement réversibles et entraînent des effets secondaires - problèmes cardiovasculaires, de fertilité. Interdire ces traitements est sage.

Si l'enfant doit être écouté, les décisions concernant sa santé doivent être prises au regard de son intérêt supérieur. Notre droit restreint sa capacité juridique pour le protéger des décisions aux conséquences irréversibles qu'il pourrait vouloir prendre. Ceux qui autonomisent l'enfant en lui attribuant la capacité de choisir se trompent - voyez la détresse des jeunes qui découvrent que la détransition est impossible.

Les scientifiques considèrent l'adolescence comme une période de vulnérabilité, au cours de laquelle le jeune peut prendre des décisions pour contester l'ordre établi ou se conformer à une mode.

La science étant incertaine, soyons prudents et ne donnons pas l'impression aux adolescents qu'ils sont utilisés dans une expérimentation médicale. Je salue la clause de revoyure à cinq ans proposée par le rapporteur, comme dans les lois de bioéthique.

Soyons aussi attentifs aux majeurs sous tutelle, parfois influencés par des associations qui les coupent de leurs proches : je pense à quelqu'un.

Je salue la stratégie nationale en faveur de la pédopsychiatrie, indispensable pour que les enfants aient accès à une prise en charge.

Soyons attentifs à nos concitoyens présentant une dysphorie de genre, car ils ont plus de mal à trouver leur place dans la société, mais gardons-nous d'en faire une généralité et essayons de traiter à l'avenir ces sujets avec moins de passion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Dans mon intervention liminaire, je n'ai pas donné d'indication concernant l'avis du Gouvernement. Mais je le dis maintenant solennellement : le Gouvernement est contre l'adoption de cette proposition de loi. (Vifs applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER ; M. Ian Brossat applaudit également.)

Tout ce que j'ai entendu m'a donné le sentiment que nous étions dans une approche dogmatique où les arguments scientifiques n'ont que peu d'importance. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du GEST et du groupe SER ; M. Philippe Grosvalet applaudit également ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Or la décision relève du domaine médical et scientifique ; je ne ferai jamais primer la décision politique sur les arguments scientifiques. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du GEST et du groupe SER ; MPhilippe Grosvalet applaudit également.)

Discussion des articles

Article 1er

M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - Xavier Iacovelli a affirmé que l'interdiction à l'article 2 n'existait nulle part ailleurs ; c'est faux, puisque nous nous sommes inspirés des peines prévues en cas d'IVG sans consentement et d'IVG hors délais. L'affirmation de M. Iacovelli était donc mensongère.

Oui madame Rossignol : les jeunes filles victimes de violences, par peur de devenir des femmes complètes, peuvent penser à changer de sexe, mais il faut les accompagner pour les orienter vers leur genre ou leur sexe réel.

Mme Laurence Rossignol.  - Interdisez plutôt le patriarcat !

M. Alain Milon, rapporteur.  - Nous souhaitons protéger les mineurs...

M. Xavier Iacovelli.  - Ils se suicident !

M. Alain Milon, rapporteur.  - ... et leurs parents.

La HAS s'inspire de travaux scientifiques pour mettre en place des protocoles, mais elle ne produit pas de travail scientifique.

L'Académie nationale de médecine recommande la prudence dans les soins (murmures sur les travées du RDPI) et demande l'interdiction des opérations définitives avant 18 ans. (Mme Silvana Silvani proteste.)

Quand on est docteur en médecine, on peut prescrire des traitements. Mais de quel droit ? Dispose-t-on de suffisamment de connaissances ? Voilà pourquoi la loi pose un cadre.

Oui, le taux de suicide des adolescents transgenres est très élevé, car ils ne sont pas acceptés dans la société, dans la famille et parce qu'ils ne sont pas suivis. Ce texte propose de les accompagner.

Mme Laurence Rossignol.  - Ce n'est pas ça qui va les aider !

M. Alain Milon, rapporteur.  - Nous proposons qu'ils soient suivis pour trouver leur véritable identité, soit en les soignant, soit en les écoutant. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Brigitte Devésa applaudit également.)

Mme Cécile Cukierman .  - Nous sommes face à un débat de société complexe, qui touche à l'intime et à l'éthique.

J'ai toujours considéré la minorité comme un temps de la vie à protéger, jusqu'à la défense de la minorité pénale. J'aimerais avoir vos certitudes d'un bonheur individuel qui fait fi de celui des autres ; vos certitudes que les autres jeunes dans une classe de lycée ne sont pas ébranlés par le choix d'un camarade ; vos certitudes pour ranger les gens dans deux cases : les transphobes et les transactivistes.

Mais je n'ai qu'une certitude : ce débat reviendra, car il dépasse le seul débat entre réactionnaires et anti-réactionnaires. Je souhaite une société progressiste et émancipatrice. À titre personnel, je ne voterai pas ce texte, mais sans m'y opposer.

M. Jean-Jacques Panunzi.  - Bravo !

M. Hussein Bourgi .  - D'aucuns ont voulu voir dans la dysphorie de genre une mode ou un cheval de Troie wokiste. Pourtant, elle existe depuis la nuit des temps. Ce que la nature a fait, pendant longtemps la société l'a ignoré et psychiatrisé. Il a fallu attendre les travaux du sexologue allemand Magnus Hirschfeld au début des années 1900 pour documenter la transidentité.

Mais pendant longtemps, y compris en France, les personnes transgenres ont été considérées comme des bêtes de scène qu'on allait voir au cabaret pour s'en moquer. (Marques d'indignation à droite) Elles ont souvent été marginalisées et réduites à la prostitution.

Depuis quelques années, elles revendiquent leur droit d'être reconnues comme des citoyens à part entière. Elles ne veulent plus de thérapies de conversion ou de séances d'exorcisme. Cette proposition de loi va les lester de chaînes et de boulets.

Derrière la transidentité, il y a l'humanité qui ne doit jamais nous quitter. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du RDPI ; Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Philippe Grosvalet applaudissent également.)

M. Bruno Retailleau .  - Je salue les propos mesurés de Cécile Cukierman.

Je ne supporte pas d'entendre caricaturer la position de mon groupe (protestations à gauche) : il n'y a pas d'un côté le camp du bien et de l'autre le camp du mal (applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains), d'un côté l'humanité et de l'autre la transphobie.

Mme Laurence Rossignol.  - Quand même !

M. Bruno Retailleau.  - Ce genre d'affirmation relève de l'insulte et d'une technique visant à verrouiller le débat. Nous ne sommes pas à l'Assemblée nationale et devons préserver ici une vraie conversation civique, où l'on échange des arguments et non des invectives caricaturales.

Pourquoi d'autres pays rétropédalent-ils ? Pourquoi n'aurions-nous pas le droit de nous interroger ?

Pas plus que Mme Cukierman ou que Mme Rossignol, je n'ai de certitudes. D'où la nécessité de la précaution, de la prudence, pour préserver des mineurs mal dans leur peau, qui ne savent pas encore s'ils sont dans une dysphorie de genre, de traitements irréversibles.

Je remercie Jacqueline Eustache-Brinio et Alain Milon d'avoir trouvé le bon équilibre.

Monsieur le ministre, arrêtez de nous caricaturer ! (Applaudissements et « Bravo ! » sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - Je crois avoir apporté, lors de la discussion générale, des éléments loin de la caricature. (On le conteste sur les travées du groupe Les Républicains.) En tout cas, vous m'avez écouté dans le calme, sans manifester.

M. Bruno Retailleau.  - Nous sommes au Sénat !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Je ne veux stigmatiser personne. Ce débat...

M. Bruno Retailleau.  - ... mérite d'être ouvert ! Nous avons le courage de le faire.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Sans doute, et je n'ai pas nié que des questions se posaient, s'agissant de mineurs. Mais il nous manque l'avis scientifique.

Monsieur le rapporteur, la HAS n'est pas là pour produire une étude scientifique de plus mais pour faire des méta-analyses, rechercher le consensus scientifique, dans la collégialité.

Sur ces sujets complexes, tant que nous n'avons pas de repères posés par les hautes autorités scientifiques...

M. Bruno Retailleau.  - Justement !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - ... il est difficile d'imaginer que la décision politique prenne le pas sur l'analyse médicale et scientifique. C'est ce que j'ai plaidé, modestement.

Oui, ce sujet mérite qu'on l'aborde avec précaution. La temporalité n'est pas la bonne. La HAS a annoncé qu'elle poserait un cadre : attendons-le !

Monsieur le rapporteur, vous avez pris l'exemple des IVG sans consentement.

Mme Laurence Rossignol.  - Ce n'est pas la même chose !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Ce n'est plus un acte de prescription, mais un acte en dehors du droit. Comparons ce qui est comparable !

Avec l'article 2, la prescription serait pénalisée par principe. C'est mettre le doigt dans un engrenage dangereux. J'imagine la réponse de l'Ordre des médecins ou de la HAS...

Mme Émilienne Poumirol.  - Absolument.

Mme Mélanie Vogel .  - Non, il n'y a pas plus d'hommes trans que de femmes trans : les chiffres de la HAS disent plutôt le contraire. Non, il n'y a pas parmi les victimes de violences plus de personnes trans. Cela n'a aucun rapport.

M. Retailleau refuse d'entendre qu'il y aurait dans cet hémicycle « le camp des transphobes » et « le camp du bien ». La réalité, c'est qu'il y a, dans cet hémicycle, des personnes qui veulent priver d'accès aux soins des mineurs, et d'autres qui ne le veulent pas. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Max Brisson.  - Vous ne voulez pas les protéger !

Mme Mélanie Vogel.  - C'est la ligne de démarcation entre nous.

Cet article a pour effet de priver des mineurs d'accès à des soins nécessaires. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains : « C'est insupportable ! »)

Vous dites vouloir empêcher des traitements irréversibles et laisser le temps de la réflexion ? Mais la puberté ne se décide pas, et elle arrive avant la majorité ! Refuser l'accès aux bloqueurs de puberté, aux traitements hormonaux, a des conséquences irréversibles. Un suicide, c'est irréversible. Il n'y a pas de neutralité possible : soit ces jeunes ont accès aux soins, soit ils n'y ont pas accès. Dans les deux cas, il y a un caractère irréversible. Réfléchissez-y. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Xavier Iacovelli applaudit également.)

M. Laurent Burgoa.  - Et M. Iacovelli applaudit !

M. Xavier Iacovelli.  - Et oui, cela vous pose un problème ?

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly et Brulin, MM. Brossat, Bacchi, Barros et Bocquet, Mme Corbière Naminzo, MM. Corbisez et Gay, Mme Gréaume, M. Lahellec, Mme Margaté, MM. Ouzoulias et Savoldelli, Mme Varaillas et M. Xowie.

Supprimer cet article.

M. Ian Brossat.  - Le rapporteur a eu beau atténuer les dispositions les plus radicales : en réservant la prescription de bloqueurs de puberté aux services hospitaliers spécialisés et en retardant de deux ans la primo-prescription, vous portez atteinte à l'accès aux soins. Alors que 11 % des jeunes accompagnés dans une transition de genre ont eu accès à des bloqueurs de puberté après un délai de dix mois en moyenne, selon la Défenseure des droits, vous maintenez ces jeunes dans leur souffrance en retardant l'accès au traitement.

M. le président.  - Amendement identique n°8 rectifié, présenté par Mme Guillotin, MM. Grosvalet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Daubet, Mme N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold et Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux.

M. Philippe Grosvalet.  - Alors que nombre d'études soulignent les bienfaits de l'accès à un traitement pour les personnes en dysphorie de genre, vous allez dans le sens inverse en supprimant, ni plus ni moins, toute possibilité de transition médicale et sociale pour les mineurs.

La poursuite de l'intérêt général supérieur de l'enfant suppose que le législateur n'entrave pas les soins nécessaires à son bien-être. Les conséquences peuvent être lourdes : dépression, mutilations, pensées suicidaires, voire passage à l'acte... Les traitements hormonaux, les opérations de réassignation sexuelle, exceptionnelles, sont parfois salvateurs. De manière générale, ce parcours doit s'effectuer dans un cadre d'écoute et d'accompagnement, par du personnel formé et aguerri.

M. le président.  - Amendement identique n°32, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Jadot, Mmes Guhl et de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

Mme Anne Souyris.  - C'est le même.

M. Alain Milon, rapporteur.  - La commission a modifié l'article, car nous avons voulu que le ministère agrée des équipes spécialisées dans chaque région. Il en existe une quinzaine, mais qui le sait ? Les familles ne sont pas au courant. Nous demandons que le Gouvernement et les ARS en fassent la publicité pour que les parents d'enfants transgenres ne soient pas orientés n'importe comment. Il y a à Lyon une équipe qui s'en occupe très bien, mais personne ne le sait !

Avis défavorable aux amendements de suppression.

Les équipes auditionnées nous ont toutes dit qu'à raison d'une consultation toutes les six semaines, il fallait en moyenne deux ans pour avoir la certitude de diagnostic et pouvoir commencer le traitement. Ce que nous proposons n'est que le fruit de nos auditions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Bravo !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Avis favorable.

Mme Anne Souyris.  - Cet article répondrait aux inégalités territoriales ? Formidable ! Certes, il faut former des professionnels de santé pour accompagner ces jeunes - y compris en prescrivant bloqueurs de puberté et hormones -, mais ce n'est pas ce que vous proposez. S'il y a une attente de deux ans, c'est faute de place dans les centres existants !

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos4, 8 rectifié et 32 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°203 :

Nombre de votants 322
Nombre de suffrages exprimés 315
Pour l'adoption 136
Contre 179

Les amendements identiques nos4, 8 rectifié et 32 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par Mme Guillotin, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Daubet, Mme N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux.

I.  -  Alinéas 4 à 7

Supprimer ces alinéas.

II.  -  Alinéa 10

1° Première phrase

a) Après le mot :

puberté

insérer les mots :

et de traitements hormonaux tendant à développer les caractéristiques sexuelles secondaires du genre auquel le mineur s'identifie, ainsi que la réalisation d'opérations chirurgicales de réassignation de genre

b) Remplacer les mots :

est établie

par les mots :

sont établies

2° Deuxième phrase

Remplacer les mots :

Cette prescription initiale n'est possible

par les mots :

Cette prescription initiale et la réalisation d'actes chirurgicaux ne sont possibles

Mme Véronique Guillotin.  - Amendement de repli, visant à réserver les traitements hormonaux croisés et la chirurgie de réassignation de genre sur les mineurs aux services hospitaliers spécialisés assurant une prise en charge pluridisciplinaire.

La chirurgie de réassignation sur les organes génitaux n'est de toute façon pas réalisée dans notre pays sur des mineurs ; les quelques cas de mammectomie, sur des sujets de 17 ans et demi, se justifiaient par l'équilibre bénéfice-risque, au vu du risque suicidaire.

Les RCP n'ont pas pour but de ralentir les interventions mais de les encadrer et de les sécuriser, s'agissant de sujets fragiles.

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

Alinéas 4 à 7

Supprimer ces alinéas.

Mme Anne Souyris.  - Le choix d'interdire la chirurgie de réassignation « sexuelle » prouve votre méconnaissance du sujet, car les opérations sur les organes génitaux sont déjà interdites avant 18 ans. Elles sont en revanche autorisées pour les personnes non trans. Seules les torsoplasties sont autorisées...

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - « Seules » !

Mme Anne Souyris.  - ... à partir de 16 ans.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Seize ans !

Mme Anne Souyris.  - En réalité, elles sont réalisées en moyenne à 18,4 ans, et ne concernent qu'un jeune homme trans sur cinq.

Vous instaurez une discrimination de fait entre personnes trans et non trans. Une jeune fille de 17 ans peut faire une augmentation mammaire ! Aucune raison médicale ou éthique ne justifie que des traitements accessibles aux autres mineurs soient inaccessibles aux mineurs transgenres - sinon la transphobie.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  -  Alinéas 4 à 7

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 2137-1.  -  Dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, il est interdit de réaliser sur un patient âgé de moins de dix-huit ans des actes chirurgicaux de réassignation de genre.

II.  -  Alinéa 10, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

III. - Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

Mme Laurence Rossignol.  - Je le retire au profit des précédents.

L'amendement n°15 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°41, présenté par M. Milon, au nom de la commission.

Alinéas 4 et 7

Remplacer les mots :

âgé de moins de dix-huit ans

par le mot : 

mineur

M. Alain Milon, rapporteur.  - Rédactionnel.

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par Mme Guillotin, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Daubet, Mme N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux.

Alinéa 10, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

Mme Véronique Guillotin.  - Supprimons le délai minimum de deux ans. Il faut déjà environ six mois pour obtenir un premier rendez-vous : dans les faits, cela ferait passer à deux ans et demi.

Les limites d'âge précises ne sont pas adaptées à un phénomène comme la puberté, qui varie selon les individus. Six mois pour un premier rendez-vous, puis environ un an de réunions avant d'entamer le traitement : on arrive à dix-huit mois de manière naturelle.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme Muller-Bronn, M. Bouchet, Mme Joseph, M. Dhersin, Mmes F. Gerbaud, Jacquemet, Gosselin et Demas, M. Cadec, Mme Josende, MM. Panunzi et Menonville, Mme Noël, M. Naturel, Mmes Belrhiti, Sollogoub, Pluchet et P. Martin et MM. Reynaud et Saury.

Alinéa 11

1° Première phrase

a) Après le mot :

pédiatrie

insérer les mots :

, un psychologue

b) Compléter cette phrase par les mots :

ainsi que les professionnels de santé impliqués dans la prise en charge du patient

2° Seconde phrase

Supprimer cette phrase.

Mme Laurence Muller-Bronn.  - Il s'agit de rendre obligatoire la présence d'un psychologue dans les RCP.

La commission a émis un avis défavorable au motif que je souhaitais remplacer les assistantes sociales par des psychologues : non, je veux leur présence à leurs côtés.

Une étude de 2023 sur la consultation des jeunes à la Pitié-Salpêtrière montre qu'avec une prise en charge psychologique sans prescription médicamenteuse, 80 à 90 % des jeunes se réconcilient avec le sexe de leur naissance.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Ces amendements reviennent tous sur les modalités d'encadrement de la primo-prescription des bloqueurs de puberté adoptés par la commission.

Madame Guillotin, lorsque les équipes seront constituées, le délai de six mois avant la première consultation disparaîtra. D'où l'intérêt de conserver le délai de deux ans, demandé par les équipes.

L'amendement de Mme Muller-Bronn impose la présence d'un psychologue en RCP mais exclut l'assistant social. L'encadrement proposé par notre commission est le bon : les bloqueurs de puberté peuvent être prescrits, après expiration du délai de deux ans, pour s'assurer du consentement éclairé ; les traitements chirurgicaux et hormonaux, en partie irréversibles, sont différés à l'âge adulte.

La présence de l'assistant social en RCP éclairera les professionnels de santé sur la situation administrative du patient. N'imposons pas la présence d'autres professionnels, pour éviter d'alourdir l'organisation. Avis défavorable à tous ces amendements.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Par cohérence, pour ne pas pousser plus loin l'encadrement des pratiques médicales, avis défavorable sur tous ces amendements.

Mme Laurence Muller-Bronn.  - Il n'est pas question d'imposer la présence du psychologue à la place de l'assistant social, mais de la rendre obligatoire, à ses côtés.

L'amendement n°9 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°17.

L'amendement n°41 est adopté.

L'amendement n°10 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°2 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié, présenté par Mme Guillotin, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Daubet, Mme N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux.

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ces réunions peuvent se tenir en visioconférence.

Mme Véronique Guillotin.  - Je propose que les RCP puissent se tenir en visioconférence, dans un souci d'égalité territoriale et afin d'éviter le renoncement aux soins.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Laissons les équipes s'organiser, sans l'interdire mais sans non plus le rendre obligatoire. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Là encore, tant que la HAS ne s'est pas exprimée, je plaide contre l'encadrement des pratiques. Avis défavorable.

L'amendement n°11 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mme Muller-Bronn, M. Bouchet, Mmes Joseph et Demas, M. Dhersin, Mmes F. Gerbaud, Jacquemet et Gosselin, M. Cadec, Mme Josende, MM. Panunzi et Menonville, Mmes Sollogoub et Pluchet, M. Naturel, Mme P. Martin, MM. Reynaud et Saury et Mme Noël.

Alinéa 12

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les titulaires de l'autorité parentale assistent aux réunions de concertation pluridisciplinaire. Ils décident de la présence du patient aux réunions. »

Mme Laurence Muller-Bronn.  - Les parents sont souvent désemparés face à l'intensité du mal-être de leur enfant et au risque suicidaire. Il s'agit ici de les intégrer pleinement aux RCP afin qu'ils soient étroitement associés au diagnostic.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Nous sommes évidemment favorables à ce que les parents puissent assister aux réunions, mais sans rendre cette présence obligatoire. Certains pourraient ne pas le souhaiter. Leur consentement préalable à la prescription demeurera en tout état de cause nécessaire. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Avis défavorable.

L'amendement n°3 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°40, présenté par M. Milon, au nom de la commission.

Alinéa 13

1° Remplacer la première occurrence du mot :

Les

par les mots :

Le I n'est pas applicable aux

2° Après les mots : 

promulgation de la

rédiger ainsi la fin de cet alinéa : 

présente loi.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Rédactionnel.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Sagesse.

L'amendement n°40 est adopté.

L'article 1er, modifié, est adopté.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly et Brulin, MM. Brossat, Bacchi, Barros et Bocquet, Mme Corbière Naminzo, MM. Corbisez et Gay, Mme Gréaume, M. Lahellec, Mme Margaté, MM. Ouzoulias et Savoldelli, Mme Varaillas et M. Xowie.

Supprimer cet article.

Mme Silvana Silvani.  - La proposition de loi a suscité beaucoup d'inquiétude chez les personnes transgenres. Nous avons reçu de nombreux témoignages, y compris de parents dont l'enfant, victime de transphobie, s'était suicidé.

En tant qu'humanistes, on ne peut refuser l'accès aux soins à des personnes, ni remettre en cause le serment des médecins.

En sanctionnant la prescription d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, vous condamnez les jeunes transgenres soit à se tourner vers l'étranger ou vers la médecine parallèle, soit à endurer leur mal-être et subir la transphobie, et vous empêchez les médecins de faire leur travail.

M. le président.  - Amendement identique n°12 rectifié, présenté par Mme Guillotin, MM. Grosvalet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Daubet, Mme N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold et Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux.

Mme Véronique Guillotin.  - Il est désolant de fixer des sanctions. Les professionnels de santé le savent : les cas sont très individuels. Faudra-t-il éconduire un patient de 17 ans et demi, devant le risque de sanctions ? Je défends cet amendement de suppression avec force.

M. le président.  - Amendement identique n°14, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Mme Laurence Rossignol.  - Il a été bien défendu par le ministre.

M. le président.  - Amendement identique n°34, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

Mme Anne Souyris.  - Défendu.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Ces sanctions pénales sont à notre sens nécessaires. Le législateur a régulièrement assorti l'encadrement de prises en charge médicales de peines associées : deux ans de prison et 30 000 euros d'amende pour avoir procédé à un diagnostic prénatal ou à des activités d'assistance médicale à la procréation sans autorisation. Avis défavorable.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - La seule interdiction de prescrire prévue dans le code de la santé publique a trait aux substances classées comme stupéfiants - et cette interdiction n'est assortie d'aucune répression. En effet, le médecin n'est libre de ses prescriptions que dans les limites fixées par la loi ; sa responsabilité civile peut être engagée uniquement sur la base d'une faute.

En votant cet article, vous ouvrez une brèche dans la conception de la prescription médicale en France. Favorable aux amendements de suppression.

Les amendements identiques nos5, 12 rectifié, 14 et 34 ne sont pas adoptés.

L'article 2 est adopté.

Article 3

Mme Laurence Muller-Bronn .  - L'article 3 est consacré aux moyens nécessaires à la pédopsychiatrie

Les chiffres sont alarmants : 1,5 million d'enfants et d'adolescents souffrent de troubles, dont 600 000 à 800 000 de troubles sévères. Selon la Drees, le nombre d'hospitalisations pour tentative de suicide ou automutilation a doublé.

Ce sujet dépasse largement la question des transitions de genre.

La surconsommation de psychotropes par les enfants doit aussi nous inquiéter, d'autant que ces prescriptions sont données hors autorisation de mise sur le marché. Cette médicalisation à outrance est impuissante face à la complexité des troubles psychiques. Plutôt que de nouveaux traitements chimiques incertains, donnons la priorité à la psychothérapie.

Les personnes qui ont pris de l'Androcur, produit par Bayer, portent plainte : cette substance, prescrite massivement aux femmes contre l'endométriose ou comme contraceptif, fait aussi partie des traitements donnés aux personnes transgenres.

M. le président.  - Amendement n°13 rectifié, présenté par Mme Guillotin, MM. Grosvalet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Daubet, Mme N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold et Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux.

Supprimer cet article.

M. Philippe Grosvalet.  - Par un décret du 10 février 2010, la France devenait le premier pays au monde à exclure le transsexualisme des maladies mentales. Mme Bachelot en avait fait la promesse.

La question de la psychiatrie n'a absolument rien à faire dans un texte sur les questionnements de genre. De l'eau a coulé sous les ponts en quatorze ans, mais, hélas, certains ont conservé les mêmes idées rétrogrades.

M. le président.  - Amendement identique n°16, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Mme Laurence Rossignol.  - On se demande vraiment ce que cet article fait dans ce texte.

Tout le monde est favorable à une stratégie nationale pour la santé mentale des jeunes. Le ministre vient d'ailleurs d'en présenter une. Ce que nous attendons maintenant, c'est qu'elle soit suivie d'effets.

Pourquoi lier une telle stratégie à la question des personnes transgenres plutôt que, par exemple, aux troubles alimentaires ? Est-ce au nom d'une vision plus large de la santé des enfants ?

M. Bruno Retailleau.  - Exactement !

Mme Laurence Rossignol.  - Est-ce parce que l'on considère que la transition de genre relève de la psychiatrie ? Pour éviter les malentendus, supprimons cet article !

M. Alain Milon, rapporteur.  - Je le réaffirme : nous ne considérons pas la transition de genre comme une maladie psychiatrique. Nous ne sommes pas rétrogrades, monsieur Grosvalet, bien au contraire. Mais ces questionnements entraînent une souffrance qui nécessite une prise en charge. C'est la raison de l'article 3.

L'année dernière, 13 % des enfants en école élémentaire présentaient des troubles de la santé mentale. Les hospitalisations pour geste auto-infligé - dont la tentative de suicide - ont doublé entre 2012 et 2020, puis doublé à nouveau entre 2020 et 2022.

Tout enfant doit pouvoir bénéficier d'un accès aux soins psychiatriques. Monsieur le ministre, dans le cadre de la politique conventionnelle, peut-être faut-il aussi faire en sorte qu'un acte de pédopsychiatrie soit mieux rémunéré qu'un acte de psychiatrie classique. Une consultation de psychiatrie dure une vingtaine de minutes ; pour la pédopsychiatrie, c'est deux heures !

Avis défavorable aux amendements identiques.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Le Gouvernement est favorable à la suppression de l'article. Cette stratégie n'a rien à faire dans cette proposition de loi. Mais je rejoins le rapporteur sur la nécessité d'une mobilisation commune pour réveiller le secteur de la santé mentale, s'agissant notamment de l'accompagnement des jeunes.

M. Bruno Retailleau.  - Madame Rossignol, si cet article fait l'objet d'un titre spécifique, c'est parce que nous ne voulions pas le lier à l'article 1er ni à l'article 2.

Mme Silvana Silvani.  - Dans ce cas, pourquoi dans ce texte ?

M. Bruno Retailleau.  - Les vecteurs possibles sont rares. Or l'enjeu est trop important ! Que fait un médecin scolaire quand il a devant lui un enfant qui se scarifie ou menace de se suicider et qu'il ne peut l'adresser à un psychologue avant trois mois ? (M. Alain Milon approuve ; protestations à gauche.)

Les amendements identiques nos13 rectifié et 16 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié bis, présenté par Mme Devésa, M. Mizzon, Mme Guidez et MM. Canévet et Ravier.

Alinéa 2, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Elle a comme objectif de garantir à tout enfant ou adolescent l'accès aux soins nécessaires à la bonne prise en charge de sa santé mentale.

Mme Brigitte Devésa.  - Amendement de simplification, qui vise la bonne prise en charge de la santé mentale, définie par Santé publique France suivant trois composantes : santé mentale positive, détresse psychologique réactionnelle et troubles de durée variable.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Avis défavorable.

Mme Laurence Rossignol.  - La liste des signataires de cet amendement est surprenante : quatre membres du groupe UC et le sénateur de Reconquête... Qu'en pensent nos collègues centristes ? Cela les engage-t-il tous ? (Applaudissements à gauche ; protestations à droite)

L'amendement n°6 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié bis, présenté par Mme Devésa, M. Mizzon, Mme Guidez et MM. Canévet et Ravier.

Alinéa 3

Supprimer les mots

de manière à garantir à chaque enfant ou adolescent en souffrance psychique d'être soigné au sein de son lieu de vie ou de son lieu de soins

Mme Brigitte Devésa.  - Encore un amendement de simplification : nous supprimons la référence au lieu de vie ou de soins.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Je comprends l'intention de Brigitte Devésa. Mais le réseau de structures territoriales doit permettre à chacun d'avoir des soins dans un lieu proche de son lieu de vie. Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°7 rectifié bis est retiré.

L'article 3, modifié, est adopté.

L'article 4 est adopté.

Vote sur l'ensemble

M. Ian Brossat .  - En écoutant nos débats, je repensais à celui du Pacs et à Christine Boutin qui s'étendait sur les souffrances des homosexuels. Muguette Jacquaint, députée de Seine-Saint-Denis, lui avait répondu : « À cause de vous ! »

Ce texte est mauvais, car il ne réduira pas les souffrances des personnes trans. Mais je suis optimiste pour l'avenir. Il y a eu des oppositions à la dépénalisation et à la dépsychiatrisation de l'homosexualité, au Pacs, au mariage pour tous : et pourtant cela s'est fait !

Les personnes trans doivent être traitées avec une dignité égale aux autres. Ce texte n'y contribue pas, mais ce temps viendra. Je souhaite qu'il vienne vite. (Applaudissements sur de nombreuses travées à gauche ; M. Philippe Grosvalet applaudit également.)

Mme Silvana Silvani .  - Je déplore que certains aient manipulé des données statistiques qui ne sont pas stabilisées. L'article 3 n'aurait rien à voir avec l'article 1er et l'article 2. Quant à l'article 4, il repose sur l'idée que, les connaissances étant susceptibles d'évoluer, il est probable que nous ayons à y revenir... Ce texte est un peu brouillon ! Ouvrir un débat, c'est une chose ; mais voter un texte sans cerner la question, c'en est une autre. À l'évidence, nous ne sommes pas prêts pour prendre une décision sur ce sujet.

M. Rémi Féraud .  - Les choses s'éclairent. Deux sortes d'arguments sont avancés à l'appui de cette proposition de loi, qui ne sont pas compatibles. Soit il n'y a pas de certitude, mais alors pourquoi légiférer dans la précipitation ? Soit il s'agit d'une démarche idéologique, fondée sur beaucoup d'ignorance et de préjugés. (Protestations à droite) Les mêmes arguments étaient employés contre le Pacs ou mariage pour tous. En réalité, vous rejetez ce que vous ne comprenez pas.

Vous n'empêcherez pas les personnes trans d'exister.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Ce n'est pas le sujet !

M. Rémi Féraud.  - Avec ce texte, vous leur rendrez la vie plus difficile.

Le problème ce ne sont pas les personnes trans, c'est la transphobie ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) Or ce texte contribuera à alimenter une transphobie déjà forte.

Je ne retiens qu'un point positif : la position du Gouvernement, qui, après un petit flottement, est claire. J'espère que son opposition à ce texte sera durable. (Applaudissements à gauche)

Mme Mathilde Ollivier .  - Mme Devésa nous dit que les jeunes trans doivent attendre, mais les bloqueurs de puberté réduisent de 45 % les risques de suicide et de dépression ! Empêcher ces soins, c'est augmenter les risques pour leur santé - le rapport de la Défenseure des droits le montre.

Je déplore la dérive réactionnaire de la droite républicaine...

M. Olivier Rietmann.  - C'est reparti pour les insultes !

Mme Mathilde Ollivier.  - ... et d'une partie du groupe UC, qui rejoignent l'extrême droite.

M. Joshua Hochart .  - Ce texte va dans le même sens que celui de Joëlle Mélin et du groupe RN à l'Assemblée nationale.

M. Xavier Iacovelli.  - Eh oui !

M. Hussein Bourgi.  - Nous y voilà !

M. Joshua Hochart.  - Beaucoup d'enfants et d'adolescents peuvent traverser des doutes, dont ils croient parfois que la cause est la transidentité. Il faut les accompagner vers un choix éclairé et libre de toute contrainte à leur majorité. La vraie menace contre les personnes trans, mais aussi les personnes homosexuelles, c'est l'immigration massive ! (Nombreuses marques d'indignation à gauche)

Mme Marie-Do Aeschlimann .  - Sur ce sujet grave, nous remercions Jacqueline Eustache-Brinio pour son travail de documentation qui débouche sur une position équilibrée, ainsi que le rapporteur Alain Milon qui a fait progresser le texte.

En aucun cas nous ne prenons position contre les personnes transgenres. Nous respectons profondément chacune et chacun. La finalité de ce texte est de protéger les mineurs en évitant des décisions irréversibles qu'ils pourraient regretter.

Nous prenons nos responsabilités. Avec le temps, nous verrons que ce débat était nécessaire. Le groupe Les Républicains votera ce texte avec sérieux et détermination. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Philippe Tabarot.  - Bravo !

M. Daniel Chasseing .  - Dans les mots du rapporteur, que je connais de longue date et qui est un humaniste, je n'ai pas perçu d'idéologie, mais une bienveillance vis-à-vis de jeunes qui cherchent leur identité, souvent dans la souffrance. (Mme Christine Bonfanti-Dossat renchérit.)

Cette proposition de loi ne nie pas les personnes trans, ni leur besoin de traitements hormonaux ou de bloqueurs de puberté ; nous voulons éviter des effets irréversibles, comme la stérilité.

Les adolescents sont fragiles ; ils ont besoin d'un meilleur accompagnement psychologique, voire psychiatrique dans certains cas.

Je n'ai pas voté pour l'article 2, qui devrait être modifié en CMP. Même si l'article 3 n'a pas de rapport avec le texte, le sujet est très important.

Personnellement, je voterai ce texte. (Marques de satisfaction à droite)

M. Yan Chantrel .  - Nous voterons contre cette proposition de loi ultra-idéologique et violente, nourrie des contre-vérités du rapport Les Républicains, qui n'est que la projection de vos fantasmes identitaires. (Sarcasmes à droite)

Monsieur Retailleau, voilà qui en dit long sur votre groupe : vous confiez systématiquement la responsabilité de ces sujets à des parlementaires marginaux sur ces questions et outranciers dans leurs propos...

Finalement, rien n'a changé à droite. Vous avez toujours été dans le camp de la réaction : ceux qui ont combattu la dépénalisation de l'homosexualité, le Pacs et le mariage pour tous ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Max Brisson s'indigne.)

La transidentité ne se combat pas ; elle s'écoute et s'accompagne avec le souci du bien-être des jeunes.

Mme Olivia Richard .  - Le groupe centriste est partagé sur ce texte. Je comprends les interrogations de certains sur le calendrier de cet examen, alors que le texte fait attendre les jeunes depuis deux ans : le temps est visiblement relatif...

Seuls 1 % des jeunes concernés estiment avoir pris une mauvaise décision ; pour la chirurgie esthétique, le taux de regret atteint parfois 35 % !

Je me mets à la place des parents qui doivent accompagner des adolescents trans ; je préfère ceux qui les accueillent à ceux qui les mettent à la rue, car cela existe. (Mme Christine Bonfanti-Dossat proteste.)

À titre personnel, je voterai contre le texte. (Mme Anne-Sophie Romagny abonde ; applaudissements à gauche et sur les travées du RDSE et du RDPI)

Mme Anne-Sophie Romagny .  - En ce qui me concerne, je me suis posé beaucoup de questions. Le message d'un papa m'a émue et éclairée, je vous le livre donc.

« La question clé est : mon enfant peut-il attendre sa majorité pour prendre en charge sa transidentité ? Aucun parent n'accueille une telle situation en sautant de joie, mais un parent responsable n'a qu'un souci : le bien-être de son enfant. Aujourd'hui, mon enfant rit à nouveau, ses résultats scolaires sont redevenus excellents. Il peut se tromper, mais la vie n'est jamais certaine. Cette affirmation de soi est déstabilisante mais aussi impressionnante à un si jeune âge. » (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDSE et du RDPI)

Mme Mélanie Vogel .  - Je me suis engagée à lire ici le message de la mère d'une petite fille trans. (Murmures à droite)

« Je vous écris en tant que mère inquiète. Je vous demande de ne pas voter cette loi, amendée ou pas, car elle met en danger nos enfants, les condamne à l'attente. Nos enfants ont besoin de professionnels formés à la transidentité. Ayez la sagesse de vous en remettre à notre expérience qui confirme la position de la Défenseure des droits.

Nos enfants méritent de vivre dans la dignité. Le choix vous appartient : les reconnaître ou les condamner à des années de détresse. J'ai envie que mon enfant continue à me dire : regarde comme je suis belle ! » (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Anne Souyris .  - Pourquoi examinons-nous un tel texte sans avis de la HAS ? Il est porteur de discrimination de facto, puisqu'il interdit des pratiques aux trans mais pas aux cis. (Ironie à droite) Je parle des cis-genres.

Ce texte est ascientifique. Il ne part pas de la réalité que les jeunes vivent, que les soignants vivent. Il a été proposé pour complaire à une minorité qui s'égare du côté de l'extrême droite et que d'aucuns cherchent à récupérer. J'espère qu'il ne passera pas à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Muriel Jourda .  - Vous nous avez lu des textes de parents d'enfants qui veulent transitionner, et c'était émouvant. Nous pourrions vous lire des textes de parents d'enfants qui veulent détransitionner, et ce serait tout aussi émouvant. Que chacun vote en son âme et conscience, mais abstenez-vous d'être aussi péremptoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales .  - Le texte ne nie pas la dysphorie de genre, ne porte aucun jugement. Il prévoit des outils d'accompagnement dans la durée, car il faut éviter des actes irréversibles.

On évoque la HAS : habituellement, on doit attendre son avis pour pratiquer des actes ; nous disons qu'il faut attendre son avis et suspendre la pratique d'actes dans cette attente. Nous prévoyons une revoyure dans cinq ans. C'est une position guidée par la prudence.

Beaucoup d'arguments de bonne tenue ont été avancés. Mais considérer qu'il y aurait, d'un côté, les transphobes et, de l'autre, les défenseurs des trans n'est pas honnête.

Il faut voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

À la demande du groupe Les Républicains et du RDPI, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°204 :

Nombre de votants 324
Nombre de suffrages exprimés 316
Pour l'adoption 180
Contre 136

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Prochaine séance, mercredi 29 mai 2024, à 15 heures.

La séance est levée à minuit vingt-cinq.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 29 mai 2024

Séance publique

À 15 heures, à 16 h 30 et le soir

Présidence : M. Gérard Larcher, président, Mme Sylvie Robert, vice-présidente, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente.

Secrétaires : Mme Alexandra Borchio Fontimp, M. Guy Benarroche.

1. Questions d'actualité

2. Débat sur le thème : « Le contrôle des investissements étrangers en France comme outil d'une stratégie d'intelligence économique au service de notre souveraineté »

3. Proposition de loi ouvrant la possibilité de concilier une activité professionnelle avec la fonction d'assistant familial, présentée par M. Xavier Iacovelli (texte de la commission, n°618, 2023-2024)

4. Débat sur le thème : « La France a-t-elle été à la hauteur des défis et de ses ambitions européennes ? » (demande du groupe SER)