Bilan de l'application des lois

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le bilan de l'application des lois.

Mme Sylvie Vermeillet, présidente de la délégation du bureau chargée du travail parlementaire, du contrôle et du suivi des ordonnances .  - Compte tenu de l'urgence du défi climatique et du retard de la France en matière d'énergies renouvelables, le Gouvernement avait engagé la procédure accélérée sur le projet de loi relatif à l'accélération des énergies renouvelables, déposé en septembre 2022. Le Sénat l'avait donc examiné dans des délais contraints. Pourtant, ce texte affichait au 31 mars un taux d'application de 26 % seulement.

Ce n'est pas tout de voter la loi, encore faut-il que les textes d'application soient pris dans les temps, dans le respect de la volonté du législateur. C'est pourquoi, depuis plus de 50 ans, le Sénat mène un travail de suivi de l'application des lois. Les commissions assurent toute l'année une veille, rendue possible par le dialogue nourri avec les administrations et le secrétariat général du Gouvernement (SGG).

Au cours de la session précédente, 44 lois ont été adoptées, dont 11 d'application directe et 33 nécessitant des mesures d'application.

Premier constat : leur taux d'application s'établit à 63 %, contre 65 % l'année dernière. Il s'élève à 68 % sans tenir compte des mesures différées, soit un niveau identique à 2021-2022. Le délai d'application se situe, pour la deuxième année consécutive, sous la limite de six mois fixée par le Gouvernement dans une circulaire de 2008. Nous ne revenons toutefois pas au taux d'application de la fin des années 2010 : 78 % de 2017-2018. Ainsi, 206 mesures d'application sur 574 n'ont pas été prises, soit 36 %.

Deuxième constat, les lois issues de propositions de loi affichent un très faible taux d'application : 43 %, vingt points de moins ! Quand ces mesures sont prises, elles le sont en moyenne sept mois et neuf jours après la promulgation de la loi.

Pour la loi Permis de conduire du 21 juin 2023, aucune mesure d'application, sur les trois prévues, dont celle concernant l'utilisation élargie du compte personnel de formation (CPF) pour tous les permis. Le taux d'application de la loi « ZAN 2 », qui assouplit la loi Climat et résilience, est de seulement 25 %, avec un seul décret. Quant à la loi du 19 mai 2023 sur les centres de santé, le Gouvernement avait fait pression sur le Sénat pour une adoption conforme en vue d'une application rapide. Pourtant, aucun des cinq décrets n'a été pris.

Troisième constat, pour la session 2022-2023, les lois examinées après engagement de la procédure accélérée présentent, paradoxalement, des taux d'application en baisse, à 50 % seulement. Le Gouvernement ne s'astreint pas à la célérité qu'il impose au Parlement, pour les 26 lois sur 44 ayant fait l'objet de cette procédure...

Concernant la loi de programmation militaire 2024-2030, 23 mesures d'application n'ont toujours pas été prises, notamment sur le renforcement du lien entre la Nation et ses armées ou les réserves opérationnelles. En outre, cinq mesures relatives à la crédibilité stratégique, attendues avant février 2024, se font attendre.

Mon quatrième constat porte sur la remise des rapports du Gouvernement au Parlement. Le Sénat n'a demandé que 15 rapports cette année, contre 57 pour l'Assemblée nationale. Cette parcimonie commence à être récompensée, avec un taux de remise des rapports demandés par le Sénat de 27 %, contre zéro au cours de la session précédente. Madame la ministre, encore un petit effort ! (Mme Marie Lebec hoche la tête.)

Au-delà de la quantité, les commissions insistent sur la qualité des rapports transmis. Ainsi, la loi de finances pour 2023 prévoyait la remise d'un bilan sur le dispositif national d'évaluation de la qualité de l'action publique : le Gouvernement s'est contenté d'un rapport de présentation de 25 pages, sans aucun chiffrage...

Je conclus cette intervention par un satisfecit, accompagné d'une requête. Depuis le 1er janvier 2024, le SGG suit également la publication des arrêtés nécessaires à l'application des lois. C'est à saluer. Nous comptons désormais sur le Gouvernement pour qu'il nous transmette un tableau de suivi des arrêtés pour l'année prochaine. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC)

Mme Marie Lebec, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement .  - Je salue la qualité du rapport de Mme Vermeillet. Ce débat est un temps fort du calendrier. Au 31 mars 2024, hors mesures différées, le taux d'application était de 69 %, contre 74 % l'an passé. Ce taux s'est toutefois nettement amélioré si l'on prend en compte les mesures prises depuis le 31 mars : 75 %, contre 78 % à la fin mai 2023.

Ce taux global doit continuer à progresser. Certains retards s'expliquent en partie par l'augmentation du nombre de renvois au règlement et par la concentration des mesures d'application à 80 % sur les ministères du travail, de l'économie et de la transition écologique.

Je constate aussi un écart entre les taux d'application des lois d'origine gouvernementale et les lois d'origine parlementaire. Mais en comparant les mesures demandées par le Gouvernement et par le Parlement, toutes lois confondues, l'écart n'est que de quatre points.

Le taux de réponse aux demandes de rapport formulées par le Parlement est de 35 %, contre 43 % sur la session précédente. Je suis à votre disposition pour alerter les ministères concernés.

Sur les ordonnances prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement n'a formulé que 39 demandes d'habilitation depuis le début de cette législature, contre 353 sous la précédente.

Comme le Gouvernement s'y était engagé devant vous l'an passé, le SGG, dont je remercie les agents, a engagé une démarche de suivi des arrêtés, demande ancienne et légitime du Sénat. Nous vous en présenterons un bilan lors du prochain débat.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques .  - Cinq ans après la publication de la loi Énergie et climat de 2019, la loi quinquennale sur l'énergie, censée être adoptée avant le 1er juillet 2023, n'a toujours pas été présentée. Pire, le Gouvernement a renoncé à légiférer sur le projet de loi sur la souveraineté énergétique en mars, mais aussi sur la programmation énergétique en avril !

Décider d'une stratégie nationale bas-carbone (SNBC) par décret, alors que les objectifs de 2019 sont obsolètes, serait contraire à la volonté du législateur, et même périlleux au plan juridique. Madame la ministre, mesurez-vous le risque de contentieux ? Entendez-vous les critiques du Sénat ? Soutenez-vous la proposition de loi déposée en ce sens par le groupe Les Républicains, dont nous débattrons le 11 juin ? (M. Philippe Mouiller applaudit.)

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - L'impératif du Gouvernement est de donner de la visibilité aux acteurs économiques face à l'urgence climatique. Je salue l'investissement des sénateurs Gremillet et Chauvet sur ce point.

Face à l'urgence, nous assistons à une forme de guerre de religion entre pro nucléaires et partisans des énergies renouvelables. Le Gouvernement a adopté une position pragmatique : sortir du fossile, développer l'atome, promouvoir le renouvelable. Une consultation nationale sera lancée d'ici à l'été. (M. François Bonhomme ironise.)

Le Gouvernement prévoit des mesures législatives de protection des consommateurs.

Nous relancerons la filière hydroélectrique en surmontant le contentieux en cours au niveau européen. Le Parlement y sera associé.

Lors de l'examen de votre proposition de loi, le ministre chargé de l'industrie et de l'énergie vous fera part de l'avancée des travaux.

M. François Bonhomme.  - Belle information !

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques.  - Ne pas inscrire ce débat n'est pas du pragmatisme, mais un contournement du Parlement ! Nous débattrons de ces sujets importants ici même. J'espère que le Gouvernement saura se saisir de cette proposition de loi. (Mme Béatrice Gosselin applaudit.)

M. Philippe Paul, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - La loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 présente un taux d'application de 30 %, avec neuf décrets publiés et vingt-trois mesures restant à prendre, dont certaines auraient dû l'être depuis décembre dernier, notamment sur le renforcement du lien armées-nation, ou en février, sur la crédibilité stratégique. Au vu du contexte géopolitique, la commission souhaite que les décrets soient pris dans les meilleurs délais. Une innovation de la LPM est la commission parlementaire d'évaluation de la politique d'exportation de matériels de guerre, prévue par l'article 54. Ses membres ont été désignés et devaient se réunir prochainement.

Quant à la loi du 4 août 2021 relative au développement solidaire, elle est pleinement applicable depuis l'exercice précédent, d'autant que nous venons d'adopter la loi du 5 avril 2024 relative au fonctionnement de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement.

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - La LPM traduit une ambition sans précédent visant à faire de notre pays une puissance militaire de premier plan. De nombreux décrets ont déjà été publiés, dont ceux du 20 décembre 2023 sur la carte du combattant et du 21 décembre 2023 sur la promotion fonctionnelle du personnel militaire. Les derniers arbitrages sur la réserve opérationnelle sont en cours.

Sur la modernisation des réquisitions, le Gouvernement souhaite aboutir avant le 1er août. Des mesures ont été prises en matière d'économie de défense, notamment le décret du 28 mars 2024 sur la sécurité des approvisionnements.

Sur la crédibilité stratégique, manquent deux décrets relatifs aux articles 60 et 61, qui viendront prochainement.

Les rapports sur le service national universel (SNU) et la programmation militaire devraient être publiés dans les prochains jours.

Les rapports sur la mise en oeuvre des articles 47 à 51 devraient être publiés entre le 30 juin et le 30 septembre, conformément à la loi.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales .  - Le retard des mesures d'application sur trois textes en matière de santé est emblématique de la manière de légiférer.

Nous avions subi une forte pression pour adopter conforme la proposition de loi relative aux centres de santé, mais aucune mesure n'était prise au 31 mars dernier !

De même, seules six des vingt mesures d'application de la loi Rist 2 étaient prises fin mars, soit 30 %.

Enfin, la loi Valletoux du 27 décembre 2023 suit le même chemin, avec un taux d'application de 8 % seulement. Or le Gouvernement avait refusé de repousser l'examen du texte, arguant de l'urgence...

Mieux vaudrait une véritable stratégie en matière de santé et commencer par appliquer ce que le Parlement a voté, qui reste trop souvent lettre morte ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - L'accès aux soins est une priorité du Gouvernement et de votre commission, dont je salue le travail.

Les décrets relatifs, entre autres, aux diététiciens et opticiens devraient être publiés dans les prochains jours.

Le décret simple sur l'expérimentation de l'accès aux infirmiers en pratique avancée doit faire l'objet d'un décret complémentaire en Conseil d'État, avec un avis de l'Académie de médecine attendu mi-juin. Un nouveau vecteur législatif est nécessaire pour deux autres décrets sur la prévention et le traitement des plaies.

Concernant la loi sur les centres de santé, la Cnil rendra son avis le 6 juin prochain. Ce délai s'explique par le grand nombre de consultations. Le Gouvernement travaille pour répondre à vos demandes dans les meilleurs délais.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales.  - Nous n'avons pas la même définition de l'urgence. Aujourd'hui, les promesses restent des mots et l'application tarde. Préférez les projets de loi aux propositions de loi, vous aurez ainsi des études d'impact et gagnerez du temps !

M. Didier Mandelli, vice-président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Le bilan de l'application des lois revient avec une régularité métronomique, mais la monotonie de nos constats confine à la litanie... L'autorité réglementaire adopte rarement la même célérité qu'un législateur contraint par les procédures accélérées.

Publié voilà quatre ans, la loi de 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité (OFB) prévoit un décret sur les modalités de la constitution et de la mise à jour du fichier national du permis de chasser. Quatre ans et demi après, il reste lettre morte, sur une question régalienne ! Le Conseil d'État devient un allié de poids : il a sommé le Gouvernement de prendre les mesures dans les prochains mois, à peine d'une astreinte de 200 euros par jour, rappelant l'obligation pour le pouvoir réglementaire d'agir dans un « délai raisonnable ».

Quand paraîtra ce décret, réclamé par une assemblée législative et l'autorité réglementaire ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Un premier projet de décret avait recueilli un avis favorable du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage (CNCFS), mais la Cnil a formulé des réserves sur la protection des données. La nouvelle mouture n'a pas eu l'avis favorable du CNCFS, lequel a voté unanimement, à l'issue d'échanges supplémentaires, un nouveau projet, sur lequel la Cnil se prononcera dans un délai de trois mois.

M. Didier Mandelli.  - Je reprendrai donc attache avec vous début septembre. Je salue la jurisprudence du Conseil d'État selon laquelle le pouvoir exécutif est tenu de prendre les textes d'application prévus par la loi. Il est regrettable que les mises en garde du Sénat n'aient pas suffi...

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport .  - Le bilan de l'application des lois est contrasté pour la commission de la culture.

Il est ainsi satisfaisant pour les lois relatives à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliation et visant à démocratiser le sport en France, mais les mesures d'application d'autres textes se font attendre.

Ainsi, sur la loi pour l'école de la confiance, votre prédécesseur promettait le décret prévoyant les coopérations entre les établissements médico-sociaux et les établissements scolaires pour les élèves en situation de handicap avant la fin 2023.

Sur la loi de programmation de la recherche, qui a un excellent taux d'application, quel est le calendrier des deux dernières mesures non encore mises en oeuvre ? Dans quel délai un bilan sera-t-il tiré ?

Quant à la loi sur le respect du droit à l'image des enfants, la seule mesure d'application du texte demeure non publiée. Cette loi est-elle définitivement abandonnée par le Gouvernement ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Concernant la loi pour une école de la confiance, la mise en oeuvre de la coopération avec les établissements médico-sociaux nécessite un texte législatif, avec en vue la rentrée 2025. Quant au dispositif intégré pour les personnes présentant des difficultés psychologiques, il a fait l'objet d'une grande concertation avec les associations, pour une finalisation fin juin.

S'agissant de la loi sur le droit à l'image des enfants, la frontière entre les deux régimes prévus par la loi est difficile à établir et le régime d'autorisation préalable est complexe à établir.

Sur la loi de programmation de la recherche, la seule mesure, sur trente-cinq, qui reste à prendre, sur les chaires de professeur junior, se heurte à l'absence de vivier. L'objectif d'émergence de praticiens hospitaliers-professeurs universitaires à haut potentiel scientifique appelle d'autres mesures, dont certaines sont déjà mises en oeuvre.

S'agissant la clause de revoyure, la ministre vous répondra.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances .  - Le taux de mise en application est en baisse de six points hors mesures différées. Deux remarques positives toutefois : les délais de publication continuent de diminuer et la quasi-totalité des mesures issues d'une initiative sénatoriale ont été adoptées.

La loi de finances initiale pour 2023 compte quatorze mesures d'application encore non prises fin mars.

De même, pour la réserve douanière prévue par la loi Douane du 18 juillet 2023, quand les textes seront-ils pris ? Je rappelle que le Gouvernement justifiait sa création en vue des Jeux...

L'article 26 de la loi organique révisant la Lolf autorise le président et le rapporteur général de la commission des finances des deux assemblées à accéder aux documents couverts par le secret statistique ou fiscal, mais les mesures d'application ne sont pas prises. Peut-être le Gouvernement considère-t-il que le droit commun s'applique ?

Enfin, certaines mesures sont inappliquées depuis plus de dix ans. Le Gouvernement compte-t-il faire une revue des mesures à abroger ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Sur les douanes, deux décrets vont être publiés prochainement sur la réserve opérationnelle et sur la lecture automatisée de plaques d'immatriculation (Lapi). Le décret sur la réserve opérationnelle des douanes soulève d'importants enjeux de formation et de recrutement et fait actuellement l'objet d'échanges entre les douanes et la police nationale.

Sur l'accès aux informations couvertes par le secret statistique et fiscal, la DGFiP répond déjà aux questions des rapporteurs généraux. Les articles 14 à 18 du décret du 20 mars 2009 permettent l'application pleine et entière de cet article.

Nous souscrivons à votre proposition d'abrogation des dispositions inappliquées depuis plus de cinq ans. Le SGG mènera une étude.

M. Christophe-André Frassa, vice-président de la commission des lois .  - Permettez-moi de souligner une évolution positive : l'amélioration de six points du taux d'application. Cependant, les délais annoncés par le Gouvernement sont souvent trompeurs, créant de l'imprévisibilité.

S'agissant de la loi 3DS, l'échéancier publié sur Légifrance prévoyait la prise du décret concernant Clipperton fin juillet 2022 ; il a finalement été pris en décembre 2023, avec 17 mois de retard. Quant au décret sur les jours d'ouverture de certains établissements commerciaux, promis pour juillet 2022, il reste attendu par les élus locaux.

Le décret sur le port d'armes, prévu par la loi Sécurité globale, a été publié en octobre 2023, soit avec deux ans de retard. L'absence de fiabilité laisse le Parlement et les citoyens dans une incertitude dommageable.

Que comptez-vous faire pour annoncer des délais réalistes ? Une mise à jour du programme d'application serait une première étape.

On regrette, par exemple, que l'échéancier d'application de la loi Silt mentionne encore une mesure prévue pour juin 2018...

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Dès la promulgation d'une loi, le SGG publie et transmet au Parlement un échéancier. Des réunions de suivi ont lieu et des bilans sont réalisés chaque semestre et un comité interministériel est convoqué en septembre pour accélérer la publication des mesures en retard.

Le Gouvernement se fixe comme objectif de publier les mesures sous six mois, ce qui fut le cas pour 65 % d'entre elles au cours de la XVIe législature, seules 12 % étant prises après un an.

Pour la loi sur l'occupation illicite des logements, un échéancier a été mis en ligne sur le site de Légifrance avec un peu de retard, certes.

Sur l'article 11 de la loi 3DS, ces mesures sont contraires au droit de l'Union européenne, aussi le décret ne pourra être pris. Sur cette loi, 93 % des 75 mesures réglementaires sont déjà prises.

Pour l'article 14 de la loi Silt, appliquée à 90 %, une réflexion est en cours pour regrouper son application avec celle de l'article 57 de la loi Immigration.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes .  - J'aborde le suivi des résolutions européennes, dont la commission des affaires européennes a récemment publié le bilan. Sur la base des textes reçus, dix-huit résolutions européennes ont été adressées au Gouvernement par le Sénat. Dans plus de la moitié des cas, les positions du Sénat ont été prises en compte en totalité ou en majorité. Nous sommes reconnaissants du suivi du secrétariat général des affaires européennes (SGAE) qui, cette année, nous a transmis la quasi-totalité des fiches attendues.

Après les félicitations, j'en viens à une préoccupation récurrente : celle des ordonnances de transposition du droit européen dans la législation nationale. Le règlement du Sénat confie à la commission des affaires européennes une mission de veille sur les surtranspositions, mais encore faut-il disposer de l'information nécessaire de la part du Gouvernement... Nous réitérons nos demandes de 2022 et 2023 : le Gouvernement peut-il fournir la liste et le calendrier des mesures qu'il envisage de transposer par ordonnance ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Le recours aux ordonnances représente 3 % des mesures de transposition, en général des mesures techniques, le Gouvernement privilégiant l'inscription en dur dans un projet de loi de type Ddadue.

Le recours aux habilitations est encadré par mon ministère, le SGG et le SGAE. Les demandes doivent être justifiées. Il a été demandé de présenter des projets d'ordonnances pour éclairer les parlementaires. L'habilitation impose déjà une échéance pour la prise de ces ordonnances. Il revient donc au ministre d'informer les commissions de l'avancement des travaux.

Les travaux de transposition ont lieu sous l'égide du SGAE : nous avons un déficit de transposition de seulement 0,1 %.

Mme Marianne Margaté .  - Chaque année, le Parlement examine le bilan de l'application des lois et chaque année, nous faisons le même constat : les procédures accélérées sont légion et injustifiées, et le Gouvernement fait un recours systématique aux ordonnances, ce qui démontre son incapacité à proposer des textes. Le Gouvernement ne cesse de rabâcher son souci d'efficacité, mais sans doute craint-il la contradiction.

Malgré la loi Descrozaille, la grande distribution continue de contourner la réglementation nationale. Pire, le rapport que le Gouvernement doit publier avant le 1er octobre de chaque année ne l'a jamais été.

Quant à la loi votée en urgence en novembre dernier pour modifier le calendrier des négociations commerciales, elle n'a pas endigué la vie chère, en métropole comme dans les outre-mer. En outre, faute de sanctions, les lois Egalim ne sont toujours pas appliquées dans les faits. Vous faites adopter au Parlement des dispositions inutiles, car hors délai, inutiles, car inapplicables, inutiles, car inefficaces !

Madame la ministre, quand prendrez-vous en compte la détresse de nos concitoyens, quand ferez-vous appliquer les lois que nous votons en procédure accélérée ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Les lois Egalim permettent d'améliorer et de rééquilibrer les relations entre les distributeurs et les agriculteurs. Je salue les travaux du groupe sénatorial de suivi, notamment les contributions d'Anne-Catherine Loisier, de Daniel Gremillet et de Michel Raison.

La loi Egalim 3 est pleinement appliquée avec l'arrêté du 30 juillet 2023. Deux mesures réglementaires n'ont pas été prises, faute de besoin, sur le seuil de revente à perte majoré et les pénalités logistiques en cas de situation exceptionnelle.

Le rapport SRP+10 est en cours d'élaboration avec la DGCCRF, et celui qui porte sur les marges de distribution a été remis au Parlement. Le rapport annuel que vous évoquez sera remis avant le 1er octobre 2024.

Les parlementaires seront associés à la préparation d'Egalim 4.

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Les lois Egalim permettent d'améliorer et de rééquilibrer les relations entre les distributeurs et les agriculteurs. Je salue les travaux du groupe sénatorial de suivi, notamment les contributions d'Anne-Catherine Loisier, de Daniel Gremillet et de Michel Raison.

La loi Egalim 3, promulguée le 30 mars 2023, est pleinement appliquée avec l'arrêté du 31 juillet 2023. Deux mesures réglementaires n'ont pas été prises faute de besoin : la fixation de la liste des produits pour lesquels le seuil majoré de revente à perte est applicable et la fixation des pénalités logistiques en cas de situation exceptionnelle.

Le rapport SRP+10 est en cours d'élaboration avec la DGCCRF. Celui qui porte sur les marges de distribution a été remis au Parlement. Le rapport annuel que vous évoquez sera publié avant le 1er octobre 2024.

Les parlementaires seront associés aux travaux préparatoires d'Egalim 4.

Mme Nathalie Delattre .  - Je salue le travail de Sylvie Vermeillet.

La procédure accélérée limite la sérénité et la profondeur des travaux. Nous ne respectons jamais le délai de quinze jours entre l'examen en commission et la séance publique.

Une fois le texte adopté, le bilan reste en trompe-l'oeil : la baisse du nombre de lois votées devrait aboutir à une hausse du taux d'application, non une stabilisation. Toutefois, les mesures tendent à être publiées dans un délai raisonnable inférieur à six mois.

Derrière cette normalité, des textes restent bloqués et l'exécutif s'offre une trop grande marge de manoeuvre. Ainsi, en février dernier, Maryse Carrère a fait adopter une proposition de loi favorisant l'accès à des pharmacies dans les communes rurales, afin de contraindre le Gouvernement à publier avant fin 2024 le texte d'application d'une ordonnance datant de 2018. Comment éviter cette spirale mortifère ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Je connais l'engagement résolu du RDSE et de la présidente Carrère en faveur de l'accès aux soins.

Prévu par l'ordonnance du 3 juillet 2018, un décret doit définir les territoires fragiles du point de vue sanitaire, où nos concitoyens disposent d'un accès aux soins souvent insuffisant. Les démarches ont été interrompues par la pandémie et des demandes divergentes des acteurs de terrain.

Deux critères ont été définis au terme d'un travail mené par la Drees, en liaison avec les ARS. Il s'agissait de procéder en deux temps : détermination d'une part de population régionale, puis délimitation des territoires. Mais des ARS ont signalé un risque de rigidité, tandis que des représentants des professions concernées ont réagi défavorablement.

La méthodologie a donc été retravaillée. Le Gouvernement veillera à ce que cette mesure soit rapidement applicable pour traiter des situations comme celle de Saint-Quentin-de-Baron, sur laquelle vous nous avez alertés.

M. Bernard Buis .  - L'artificialisation des sols est un sujet explosif, mais il faut l'aborder, pour l'environnement, la biodiversité et la société dans son ensemble.

S'il y a consensus sur l'objectif, sa mise en oeuvre d'ici 2050 pose problème. Face aux inquiétudes, il faut préciser les dispositifs, renforcer l'accompagnement des territoires et favoriser une approche coopérative et coordonnée conciliant sobriété foncière, développement territorial et réduction des inégalités.

Nous devons revoir notre modèle d'aménagement : l'État doit être au rendez-vous pour accompagner les élus et leur donner de la visibilité.

Le Gouvernement a publié trois décrets d'application en novembre 2023. Quelles sont les autres suites réglementaires envisagées, notamment sur le calendrier ?

Des commissions régionales de conciliation sont prévues, composées d'élus locaux, mais d'autres acteurs pourraient être associés à titre consultatif. En particulier, comment assurer une coordination plus forte avec les acteurs économiques ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - En effet, nombre d'élus locaux s'interrogent sur le ZAN. Je salue les travaux menés au Sénat par Valérie Létard et Jean-Baptiste Blanc.

Après l'adoption de la loi du 20 juillet 2023, avec le soutien du Gouvernement, trois décrets d'application ont été pris. Ils définissent des seuils de référence pour la détermination des zones artificialisées - réglant la question des pistes cyclables ou des jardins publics -, précisent les modalités de révision des documents d'urbanisme et fixent des critères de territorialisation pour les activités agricoles, dans l'esprit souhaité par MM. Anglars et Delcros.

La composition des commissions régionales de conciliation a été précisée, à la demande du Sénat.

Nous avons apporté des réponses opérationnelles à nos élus pour les aider à relever les défis du ZAN. Mais il reste du chemin à faire : c'est essentiel notamment pour notre réindustrialisation et la relance de la construction de logements. Le Gouvernement est à la disposition du Sénat pour continuer d'avancer.

Mme Marion Canalès .  - La procédure accélérée est presque devenue la norme, mais les mesures d'application ne suivent pas. Pourtant, les textes que nous votons sont le reflet d'attentes fortes.

En matière de protection de l'enfance, seulement 37 % des mesures d'application de la loi Taquet avaient été prises l'an dernier, déplorait la présidente Deroche. Cette loi est toujours loin d'être entièrement applicable, en dépit de l'engagement du Gouvernement de rendre 75 % des mesures opérationnelles à l'été dernier. Notre groupe a saisi le Conseil économique, social et environnemental (Cese) sur les conditions d'application du texte.

Sur le projet de loi de réforme des retraites aussi, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée. Il aura été plus prompt à appliquer l'article 1er de ce texte, supprimant les régimes spéciaux, que son article 24, qui instaure une bonification pour les sapeurs-pompiers volontaires... Combien d'interpellations faudra-t-il pour que cette mesure soit enfin prise ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Je connais l'engagement de votre groupe en matière de protection de l'enfance. Charlotte Caubel s'était engagée à publier 75 % des décrets d'application de la loi Taquet ; cet engagement a été tenu, avec 18 mesures prises sur 23. La mesure relative au délai d'opposabilité en cas de retrait d'agrément nécessite au préalable une base nationale d'agréments. Un décret sera publié après consultation de la Cnil.

S'agissant de l'article 32, sur la protection maternelle et infantile, le Gouvernement attend les assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant. Notre objectif est de publier le décret au dernier trimestre 2024.

Enfin, pour ce qui est de l'article 24 de la loi de réforme de retraites, il n'y aura pas de décret au rabais - Gérald Darmanin l'a dit. Des discussions interministérielles sont en cours pour une adoption dans les meilleurs délais.

Mme Marion Canalès.  - Pour la loi Taquet, les décrets les plus faciles ont été pris, mais il aura fallu des drames avant qu'on se décide à interdire les placements de mineurs en hôtel. Je rappelle que ce texte a été voté il y a plus de deux ans et demi !

Mme Muriel Jourda .  - La loi Immigration et intégration que nous avions votée a été largement dépecée par le Conseil constitutionnel, à la demande du précédent gouvernement.

Il en reste toutefois quelque chose, et, d'après Légifrance, une dizaine de décrets devaient être pris en avril ou mai. Où en sommes-nous ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Le délai de six mois après la promulgation pas encore échu. Vingt-trois mesures sont à prendre, ainsi que trois éventuelles et quatre différées.

Les arrêtés nécessaires ont été pris rapidement sur des points essentiels, comme l'instruction à 360 degrés et la liste des départements soumis à une pression particulière.

Les travaux d'élaboration des autres mesures aboutiront d'ici la fin de l'été. Il s'agit notamment du contrat d'engagement au respect des principes de la République, des conditions de placements en rétention et des chambres territoriales de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).

Mme Muriel Jourda.  - Je suis bien consciente que le délai de six mois n'est pas écoulé. Je faisais référence au délai que le Gouvernement s'est lui-même fixé. Il ne reste déjà pas grand-chose de ce texte : hâtons-nous de l'appliquer !

M. Aymeric Durox .  - Le rôle du Parlement consiste aussi à se pencher sur la réalité de l'application des normes.

L'inflation législative dégrade la compétitivité de nos entreprises et abîme le lien entre le vote d'un texte et son application effective. À cet égard, le prétendu nouveau monde a perpétué le pire de l'ancien ! Avec 45 millions de mots dans les textes en vigueur, comment affirmer que nul n'est censé ignorer la loi ? Comment appliquer une législation de plus en plus abondante et complexe ?

Le droit européen, surtransposé - une fierté des macronistes -, aggrave encore le problème. Les agriculteurs qui criaient leur colère il y a quelques semaines peuvent en témoigner.

Comment mieux appliquer la loi sans en créer sans cesse de nouvelles ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Le Gouvernement s'efforce d'atteindre un taux général d'application de 75 %, dans la continuité des années précédentes. Mais certaines mesures peuvent prendre plus de temps, notamment du fait de concertations, obligatoires ou non, et de difficultés imprévues. Le Gouvernement veille à ce que les ministères respectent leurs engagements. Nous travaillons à un rattrapage rapide des mesures en retard.

M. Alain Marc .  - Cet exercice annuel est un moment essentiel de nos travaux. Nous félicitons Mme Vermeillet pour son rapport.

Il fait état d'un taux d'application de 64 %, identique à celui de l'année dernière. Pas de progrès non plus pour le délai moyen de parution : cinq mois et vingt-trois jours, trois jours de plus que l'an dernier.

De manière paradoxale, ce délai n'est pas plus rapide pour les lois votées en procédure accélérée - 26 sur 44 au cours de la dernière session. C'est même le contraire : il est supérieur à six mois. Pouvez-vous nous apporter des éclaircissements ?

D'autre part, pourquoi la moitié seulement des mesures d'application des lois adoptées en procédure accélérée ont-elles été prises, contre 63 % lors de la session précédente ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - L'usage plus fréquent de la procédure accélérée est une réalité de long terme : elle permet de convoquer une CMP dès la fin de la première lecture.

C'est également une demande fréquente des parlementaires pour les propositions de loi, afin qu'elles aboutissent dans un délai raisonnable : 60 % d'entre elles ont fait l'objet d'une procédure accélérée.

Au total, près de 80 % des lois promulguées ont fait l'objet d'une procédure accélérée. Le Gouvernement ne distingue pas les lois selon les procédures : il a pour toutes la même exigence d'application dans des délais raisonnables.

M. Olivier Cadic .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Notre groupe appuie les félicitations adressées à Mme Vermeillet.

La LPM prévoit 4 milliards d'euros pour la cyberdéfense, contre 1,6 milliard dans la programmation précédente. Allez-vous en préciser l'échelonnement annuel ? Et ces moyens seront-ils sanctuarisés, compte tenu de l'accroissement de la menace cyber ? Dans ce domaine, sur 4 600 postes prévus pour 2023, seuls 3 502 étaient comptabilisés comme « armés » : seront-ils pourvus cette année ?

Par ailleurs, la recrudescence des incidents en mer de Chine témoigne de la volonté de Pékin de s'approprier la zone. Un amendement à la LPM prévoit que la France, seul pays européen présent dans l'Indo-Pacifique, contribue à la défense du droit à la circulation maritime dans cette région. Or, il y a quelques jours, la marine chinoise a encerclé Taïwan après que le président Lai Ching-te a déclaré qu'il défendrait la démocratie sur l'île. La France dispose-t-elle d'un plan d'intervention maritime dans l'éventualité d'un blocus chinois ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Les 4 milliards d'euros prévus sur la durée de la programmation seront échelonnés selon une logique de montée en puissance. La hausse est de 33 % cette année et sera plus forte encore l'année prochaine. Sur la période, nous voulons augmenter de 25 % les effectifs consacrés au cyber pour faire face aux nouvelles menaces.

En mer de Chine méridionale, la France souhaite garantir la pleine liberté de navigation. Des moyens sont déployés, en provenance des territoires d'outre-mer ou de l'Hexagone, dont des frégates multimissions. Des bâtiments français franchissent régulièrement le détroit de Taïwan, de manière autonome. Nous poursuivrons dans cette voie, conformément à l'esprit de votre amendement à la LPM.

M. Ronan Dantec .  - Mme Vermeillet l'a souligné : seules 26 % des mesures d'application de la loi d'accélération des énergies renouvelables ont été prises, malgré la dramatisation des enjeux par la ministre Pannier-Runacher et une forme d'union sacrée au Sénat - pensez donc : Les Républicains et le GEST ont voté ensemble ! (Sourires)

En particulier, nous ne voyons pas venir le décret sur le partage de la valeur, dispositif essentiel pour mobiliser les territoires. Pouvez-vous nous assurer qu'il sera pris rapidement ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - Le dispositif de partage territorial de la valeur a connu de fortes évolutions, notamment sous l'impulsion du Sénat. Je connais votre engagement sur ce sujet.

La loi prévoit une obligation de financement par les lauréats des appels d'offres de projets favorables, notamment, à la biodiversité. Les modalités doivent être précisées par décret.

Un premier projet a été soumis à la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et au Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), mais l'éventualité d'un financement plus direct a été envisagée, conduisant au réexamen du projet - au vu aussi de l'impact du dispositif sur le budget de l'État.

Le taux global d'application de cette loi est de 46 %. Je partage votre avis : il faut progresser.

M. Ronan Dantec.  - Votre réponse ressemble à un enterrement de première classe... Les COP régionales ne fonctionnent pas. Mais quand le décret sur le partage de la valeur n'est pas publié et que la mise en oeuvre du fonds territorial climat est reportée de près d'un an, comment s'étonner que les territoires ne se mobilisent pas ?

La séance est suspendue quelques instants.